Texte intégral
1 Chaque culture appréhende la mort différemment : rupture brutale avec la vie pour certains, prolongement de la vie pour d’autres. Dans les Andes anciennes, la mort et le corps des défunts étaient particulièrement respectés et faisaient l’objet d’une grande attention. La préoccupation pour la préservation des défunts, le traitement même des corps et leur préparation minutieuse, l’arrangement des sépultures ou encore les rituels funéraires, indiquent l’importance de la mort et des morts dans la vie des vivants. Ils traduisent l’interaction entre les concepts de vie et de mort dans la pensée andine, où la mort fait partie de la vie et la vie fait partie de la mort.
2 Les descriptions proposées par les chroniqueurs de l’époque ainsi que les matériels ostéologiques des collections muséales (les défunts eux-mêmes) témoignent des différents types de soins et des pratiques rituelles que les peuples des Andes anciennes ont réservé à leurs défunts. L’un des procédés les plus connus et les plus décrits constitue certainement l’enveloppement des défunts dans plusieurs tissus, dont l’épaisseur des couches formait ce que l’on appelle des fardos funerarios ou ballots funéraires. Les corps étaient placés en position fœtale, les genoux remontés sous le menton, les membres supérieurs et inférieurs parfois attachés pour maintenir la posture. Les tissus qui servaient à envelopper les corps étaient pour la plupart des étoffes qui n’avaient jamais été portées, tissées spécialement pour l’usage funéraire, et pouvaient atteindre des dizaines de mètres chez certains peuples comme ceux de la culture Paracas par exemple. Des milliers d’heures étaient donc consacrées au tissage des étoffes des défunts, les vivants dédiant une partie de leur vie à la préparation de leur mort. Avant d’être enveloppés dans ces couches de tissus, les défunts pouvaient recevoir une toilette rituelle, après quoi on les habillait et les parait de plumes et/ou de bijoux, selon le rang social auquel ils appartenaient. Un effort particulier était donc consacré à la « mise en beauté des morts », comme l’illustrent certains corps dont on a tressé les cheveux, formant des coiffures complexes, et les typiques llautos, les épais turbans colorés qui couvraient la tête des hommes. Il arrive fréquemment de retrouver dans les ballots funéraires, placés entre les couches de tissus ou tout contre le corps, des épis de maïs, des feuilles de coca, des fleurs de coton, ou encore des figurines anthropomorphes en or habillées de petits vêtements.
Coiffures élaborées, tressage des cheveux des défunts. Avec l’aimable autorisation du Museo Arqueológico de la UNSA, S/N. Photo : Tessier-Brusetti
3 Lors de la mise en sépulture, on s’efforçait également de réunir autour du corps tous les biens du défunt : « Lo hazen y lo entierran con sus ojotas [sandalias] y bestidos. Con todo ello entierran hasta los topos [prendedor] de plata lo entierran [...] ». Sandales, bijoux, vêtements usagés, outils et accessoires professionnels (armes, instruments de musique, trousseau de tissage), animaux domestiqués (lamas, cochons d’inde, chiens), et même serviteurs et épouses pour les empereurs incas, étaient souvent inhumés avec les défunts. On déposait également auprès des corps des offrandes, telles que de la nourriture, de la chicha -la boisson de maïs fermentée- ou encore des tissus. Paul Marcoy, de son vrai nom Laurent Saint Cricq, a participé à l’expédition scientifique en Amérique du sud dirigée par Castelnau au XIXème siècle ; alors en exploration dans la région de Arequipa, il décrit le mobilier funéraire qui accompagnait les défunts d’une tombe collective encore préservée :
- 1 Marcoy, Paul, Voyage à travers l’Amérique du Sud de l’Océan Pacifique à l’Océan Atlantique, Volume (...)
Chaque mort avait près de lui, à titre de provision et d’ustensile de ménage, des épis de maïs, un pot de chicha, une gamelle et une cuillère. Si c’était un homme, on ajoutait à ces objets une fronde, une macana ou massue, des engins de chasse ou de pêche et un rouleau de tresses de laine. Si c’était une femme, on plaçait près d’elle une petite corbeille façonnée avec les tiges du jarava, des pelotons de laine de lama, des navettes et des aiguilles à tricoter fournies par les longues épines noires du cactus quisco.1
- 2 « Lo primero al defunto le destripan y le quitan toda la carne y las tripas y carne lo meten en una (...)
- 3 « […] le quitaban los intestinos y embalsamaban todo el cuerpo con balsamo traido de Tolu y con otr (...)
- 4 Murúa, Fray Martín de, Historia General del Perú, Origen y descendencia de los Incas [1611], Madrid (...)
4 Si l’on parle aujourd’hui de « momies » péruviennes, les procédés qui étaient employés pour la préservation des dépouilles ont peu de choses en commun avec la préparation des momies égyptiennes. Bien que certains chroniqueurs indiquent que les viscères étaient retirées2, dans la majorité des cas il s’agissait de préserver le corps dans son état d’origine, intact, sans procédé particulier. Et c’est d’ailleurs sur ce point qu’insistent les descriptions rapportées par les espagnols : que les corps soient préservés « incorruptos »3 et « enteros [...] de suerte que duraban sin corromperse doscientos años y más »4. Le terme de momie est en réalité employé pour illustrer l’excellent état de conservation des corps, qui ne connaissent pas ou peu de décomposition grâce à l’étanchéité des sépultures et/ou à la l’absence d’humidité des régions désertiques du littoral andin.
- 5 L’archéologue allemand Max Uhle est le premier à avoir utiliser le terme de cabeza trofeo pour dési (...)
5 Concernant les sacrifices humains, leur pratique semble avoir été moins sanglante que chez les peuples de Mésoamérique. Très courants selon les chroniqueurs, les offrandes humaines chez les incas pouvaient être brûlées, comme d’autres matériels offerts aux dieux, ou bien conduites vers les sommets, lors d’une ascension cérémonielle, où elles étaient abandonnées à jamais. L’absorption de chicha, la mastication de coca, l’ingestion d’autres substances hallucinogènes (achuma, huilca), le froid et l’altitude altéraient probablement la lucidité des futurs sacrifiés, entrant dans un profond état léthargique. Les quelques corps retrouvés dans les montagnes andines témoignent ici encore de l’attachement qu’avaient les incas pour la préservation des corps : ils n’ont pas subi de violence, ne présentent aucune blessure. Enveloppés dans leurs vêtements et couvertures, ils se sont assis et se sont endormis, figés par les glaces pour l’éternité. A l’inverse, chez le peuple Nazca, une tout autre pratique sacrificielle était célébrée, bien plus violente. On ne conservait de certains sacrifiés que leur tête qui, selon les hypothèses, était prélevée à des guerriers ennemis pour devenir des trophées (d’où le nom de cabezas trofeo)5. La boîte crânienne était vidée, les lèvres et les paupières fermées avec des épines de cactus, les joues bourrées de coton -parfois même des cheveux du défunt. Après avoir été séchées ou momifiées naturellement, on perforait le front pour y passer une corde de façon à les transporter et les exhiber lors de cérémonies. Nombre de ces têtes ont été retrouvées enterrées seules ou dans des sépultures appartenant à des personnes de statut social important, faisant partie du mobilier funéraire. Ces têtes trophées apparaissent représentées sous diverses manières dans de nombreux textiles, indiquant leur importance dans la société nazca.
6 Selon les cultures, les régions ou les époques, les défunts étaient enterrés seuls, dans des tombes individuelles, ou bien placés dans des chambres funéraires pouvant accueillir plusieurs corps. Les tombes collectives sont bien souvent associées à des offrandes humaines correspondant au sacrifice des serviteurs, des épouses ou d’autres membres de la famille pour les défunts de statut social important, comme le mentionnent certaines chroniques :
- 6 Álvarez, Bartolomé, De las costumbres y conversión de los indios del Perú : Memorial a Felipe II [1 (...)
Solían los curacas principales, cuando moría algún principal curaca, hacer que en el aposento del muerto se encerrasen las mancebas que habían sido de aquel que estaba muriendo. A las cuales las cercaban otras mujeres ; dándoles a comer coca y a beber acua, las hacían morir borrachas y ahogadas desta comida y bebida, diciendo "come, come y bebe presto y mucho, que has de ir a servir al malco -que quiere decir "señor"- ; está de partida y has de ir a servirle allá donde va ; que, si tú no vas, no lleva quien le sirva". Y así mataban a muchas, y las enterraban con ellos en sus sepulcros.6
- 7 Duchesne, Frédéric, "Tumbas de Coporaque. Aproximaciones a concepciones funerarias collaguas", Bull (...)
- 8 Carlos Alberto Paz de Noboa, Itajg & Pajgchana : Apuntes sobre arqueología chuquibambina, Tesis de (...)
- 9 « A aquesta diligencia destas señales para cognocerse las personas de qué provincias eran, parece p (...)
- 10 Juan Ulloa de Mogollón, en charge de l’administration de la région Collagua (où se situent les site (...)
7Cependant, d’autres études proposent de voir dans certaines tombes collectives les marques de sépultures claniques qui auraient accueilli les corps de défunts appartenant à une même lignée familiale. C’est notamment le cas de certaines chullpa, ces tours funéraires que l’on retrouve dans l’altiplano ainsi que dans la région sud du Pérou. Sur le site de Yuraqaqa (près de Coporaque)7 ou encore sur la nécropole de la Rinconada8 (près de Chuquibamba), les restes ostéologiques de certaines tombes collectives montrent des crânes allongés, résultant d’une déformation volontaire comme il était souvent pratiqué dans l’ancien Pérou. Selon ce que rapportent les chroniqueurs, ces déformations crâniennes jouaient le rôle de marqueurs identitaires et cherchaient à distinguer visuellement les groupes ethniques les uns des autres9. Ces deux exemples de tombe collective, qui conservent des défunts portant les mêmes marques de déformation crânienne, pourraient correspondre à des sépultures réunissant des membres partageant la même origine ethnique10.
- 11 Cieza de León, Pedro, La Crónica del Perú [1553], Buenos Aires : Editora Espasa-Calpe Argentina, 19 (...)
- 12 Cobo, Bernabe, Historia del Nuevo Mundo [1653], Madrid : Biblioteca de Autores Españoles, 1956, Lib (...)
- 13 Ayala, Felipe Guaman Poma de, op. cit., f. 257.
- 14 Belan Franco, Augusto, Cornejo Z., Manuel, Andrade, Luis Jaime, "Reenterramientos prehispánicos en (...)
8 D’autre part, il semble que certains peuples des Andes préhispaniques aient pratiqué ce que l’on appelle le relèvement ou le retournement des morts, qui consiste à ouvrir les sépultures périodiquement pour sortir les défunts, changer leurs vêtements et renouveler les draps qui les enveloppent, boire, manger et danser avec eux pendant le temps d’une grande cérémonie. Si cette pratique a été décrite par plusieurs chroniqueurs, indiquant qu’il s’agissait de « abrir las sepulturas y renovar la ropa y comida »11, de « poner en público los dichos ídolos y cuerpos embalsamados »12 et que les indiens « les ponen en unas andas y andan con ellas en casa en casa y por las calles y por la plasa y después tornan a metella en sus pucullos, dándole sus comidas y bagilla al prencipal, de plata y de oro y al pobre, de barro »13, peu de cas ont été relevés lors des fouilles archéologiques, les éléments permettant de mettre en évidence une telle pratique étant difficiles à identifier. Dans le département de Arequipa, une tombe du site de La Horca (Province de Camaná) a cependant montré des signes de cette pratique : des ballots funéraires, constitués de tissus dans des états de conservation différents (des étoffes en bon état recouvrant d’autres très détériorées), renfermaient les ossements de plusieurs individus, voire même plusieurs ballots14. Ceci pourrait s’expliquer par un possible réenterrement, à une époque difficile à déterminer, lié au rite de relèvement des morts tels que ceux décrit par les chroniqueurs espagnols.
- 15 Albornoz, Cristobal de, La Instrucción para descubrir todas la guacas del Piru y sus camayos y hazi (...)
- 16 « Hay, como dixe arriba, el prencipal género de guacas que antes fuesen subjetos al ynga tenían, qu (...)
9 Le soin apporté à la conservation des corps des défunts dans les Andes préhispaniques est à mettre en étroite relation avec le culte des mallqui (ou illapa), les ancêtres défunts qui veillaient sur la communauté, et à la représentation de la mort dans la région andine, fondamentalement liée à des conceptions de temps et d’histoire. Les défunts rappelaient la généalogie de la lignée familiale : symbole de l’origine mythique, ils incarnaient « l’histoire » de la communauté et étaient donc conservés avec beaucoup de soin par la communauté ou l’ayllu qui descendait précisément de cet ancêtre. Certains chroniqueurs rapportent que le corps du défunt, et sa sépulture, pouvaient même constituer de véritables huaca pacarisca15, ces entités divines primordiales dont les indiens revendiquaient la naissance de leur lignée : là où certaines communautés se réclamaient descendre d’éléments naturels (rivières, grottes, arbres, montagnes, pierres, arbres16), d’autres voyaient dans les fardos et leurs momies l’expression matérielle de leur origine mythique :
Hay otros géneros de guacas [pacariscas], que son cuerpos muertos embalsamados de algunos pasados suyos, a los cuales reverencian y mochan. Esto no es mocha general sino particular de la parcialidad o ayllo que desciende de los tales muertos. Guárdanlos con mucho cuidado entre paredes a ellos y sus bestidos y algunos basos que tenían de oro y plata y de madera o de otros metales o piedras.17
10On peut se demander d’ailleurs si certains cas de tombes collectives renfermant des défunts portant les marques du même type de déformation crânienne, comme celles de Yuraqaqa, n’auraient pas été associées à ce type de huaca pacarisca. Il pourrait effectivement s’agir de tombes claniques qui auraient accueilli les membres d’une même lignée, placés aux côtés de leur ancêtre commun, élevé au rang de huaca primordiale. La forme des crânes, dans le cas de cette sépulture, renvoie par ailleurs à une autre entité sacrée de la région, le volcan Collaguata, comme l’indique Juan Ulloa de Mongollón :
- 18 Ulloa de Mogollón, Juan, op. cit., p. 327.
[...] Unos se llaman collaguas ; llamanse desta manera por antigualla ; tienen para sí por noticias que se dan heredada de padres a hijos, que proceden de una guaca o adoratorio […] ques un cerro nevado a manera de volcán, señalado de los otros cerros que por allí hay, el cual se llama Collaguata ; dicen que por este cerro o de dentro del salió mucha gente y bajaron a esta provincia y valle della, ques este río en que están poblados, e vencieron los que eran naturales e los echaron por fuerza e se quedaron ellos [...] ; y porque aquel volcan de donde dicen que proceden, llamado Collaguata, se llaman ellos Collaguas.18
11Si le volcan sacré semble plutôt renvoyer, dans ce cas précis, à la conception mythique de la naissance du clan, le défunt-huaca a pu représenter l’origine "matérielle" de la communauté et, en tant qu’entité à l’origine de la communauté, avoir été associé aux germes de la vie. Cet exemple démontre à quel point, dans la société préhispanique, les corps des défunts et la mort étaient fondamentalement associés au cycle de la vie.
- 19 Santillán, Hernando de, "Relación del origen, descendencia, política y gobierno de los Incas" [1563 (...)
- 20 Cieza de León, Pedro, op. cit., Primera parte, Cap. LXII.
- 21 Anónimo, op. cit., p. 159.
12 D’ailleurs, la préservation des défunts répondait à un autre impératif : celui de « maintenir le mort en vie ». Car les hommes des Andes ne considéraient pas la mort comme la fin d’une existence. Loin d’être inanimés, les défunts poursuivaient leur vie ; il fallait pour cela préserver leur dépouille et veiller à ce qu’elle ne se dégrade pas. Bien des chroniqueurs ont décrit la manière dont les indiens envisageaient la vie des défunts, indiquant que « creían también que los muertos han de resucitar con sus cuerpos y volver a poseer lo que dejaron »19, que « era opinión general […] que las ánimas de los difuntos no morían, sino que para siempre vivían »20, ou encore que les indiens « tuvieron por opinión que habían de volver las animas a sus cuerpos en cierto tiempo y resucitar »21. L’opposition vie/mort dans son aspect existence/disparition n’avait semble-t-il pas réellement de sens dans la pensée andine, car le défunt continuait à être considéré comme une personne vivante. En témoigne la description de la rencontre de Pedro Pizarro avec un Inca important avec lequel il avait été invité à discuter :
- 22 Pizarro, Pedro, "Relación del descubrimiento y conquista de los reinos del Perú" [1571], in Relació (...)
Pues creyendo yo que iba a hablar algún indio vivo, me llevaron a un bulto de estos muertos, donde estaba asentado dentro de unas andas, que así los tenían ; y el indio diputado que hablaba por él de un lado, y la india al otro, sentados cabe [cerca] el muerto. Pues llegados que fuimos delante del muerto, la lengua le dijo el mensaje, y estando así un poco suspensos y callados, el indio miró a la india (entiendo yo que para saber su voluntad) ; pues después de haber estado así como digo, me respondieron ambos a dos diciendo que su señor el muerto decía que fuese así, que llevase la india al capitán ya dicho, pues lo quería el apu (que así llamaban al Marques).22
- 23 Husson, Jean-Philippe, "Waman Puma de Ayala, porte parole de l’aristocratie indigène. Permanence de (...)
- 24 Ibidem.
13 La conception de mort dans les Andes préhispaniques doit par ailleurs être rapprochée du principe mythique du Pachakuti, qui conditionne le cycle vital dans la pensée andine. L’équilibre de l’univers (l’ordre spatial et temporel) et le cycle vital étaient -et sont encore- profondément associés au principe du Pachakuti dans la cosmovision andine. Signifiant littéralement « le renversement du monde » en langue quechua (pacha = le monde, kuti = revenir, retourner)23, le Pachakuti représente le chaos primordial destructeur nécessaire au renouvellement du monde : chaque cycle cosmique prend fin avec une catastrophe destructrice pour permettre la régénération de l’univers -inondation, séisme, éruption volcanique, éclipse, sécheresse, épidémie mais aussi décès prématuré d’un Inca, invasion, bataille. Ainsi, chaque monde dans lequel vivait l’homme andin était une renaissance du monde précédent. Schéma répétitif du temps, le Pachakuti incarne le principe de naissance-destruction-renaissance, les trois étapes fondamentales du cycle de la vie, auxquelles sont soumis tous les êtres de la terre. L’homme, en tant que produit de Pachamama (la divinité Madre Tierra), était soumis à ce cycle répétitif. Et, comme chez d’autres peuples où la mort n’est pas considérée comme une fin irrévocable mais plutôt comme une nouvelle naissance, dans le Pérou préhispanique et dans les Andes rurales d’aujourd’hui, la mort n’apparaît pas non plus comme un terme définitif de l’existence. Il s’agirait plutôt d’un changement d’état, car chaque personne ne disparait pas complètement après la mort, et continue à être (ser), à vivre, sous un autre aspect matériel ; car le fait de naître, d’être, induit une idée de permanence. Tout comme le Pachakuti implique un « mouvement de retour à un point de départ »24, la mort induirait un retour à l’origine créatrice.
- 25 Arnold, Denise, Hastorf, Christine, Heads of State. Icons, power, and politics in the Ancient and M (...)
- 26 Arnold, Denise, op. cit., p. 12.
14 Cette interdépendance entre la mort et l’idée de création, de genèse, parait particulièrement illustrée par certains des traitements appliqués au corps des défunts. La position fœtale des défunts placés dans les ballots funéraires rappelle inévitablement l’idée de naissance et la position de l’enfant dans le ventre de la mère. En inhumant un ballot funéraire, il s’agissait peut être, symboliquement, de confier le corps du défunt à la Pachamama et de reproduire le schéma du fœtus dans la matrice de la génitrice. Il existe par ailleurs à Qaqachaka (dans les Andes boliviennes) un rituel agricole célébré en vu d’améliorer les récoltes, lors duquel des têtes de lama, contenant un mélange de maïs moulu et de fleurs, sont enterrées dans plusieurs parties du champ. Ces têtes, dont les habitants disent qu’elles « fleurissent », représentent pour ces paysans des « têtes-graines » conservant la force vitale de l’animal et joueraient un rôle fondamental sur la fertilité des champs et même la fécondité des femmes qui auraient tué les lamas25. Le principe même de ce rituel -l’inhumation de têtes d’êtres sacrifiés- nous évoque naturellement les têtes trophée nazca (garnies de coton) qui ont pu jouer un rôle semblable à l’époque préhispanique, renvoyant ici aussi à l’idée de croissance, de naissance de la vie. De la même façon, la présence de matières végétales à l’intérieur des ballots funéraires -maïs, coca-, considérées généralement comme des offrandes, pourraient également être reliée à l’idée de fertilité/fécondité et d’engendrement de la vie. Ces pratiques illustreraient ce que Denise Arnold appelle « el pensamiento seminal andino »26. Il ne faudrait donc pas uniquement mettre en parallèle la vie et la mort, comme deux étapes du cycle de la vie, mais bien ordonner ces deux étapes, l’une conditionnant la deuxième. La mise en terre du défunt correspondrait à la semence d’une graine : ces deux actes généreraient la vie. Ceci montre le potentiel vital de la mort et l’interdépendance entre les deux idées. Ainsi, la mort ne représenterait pas une conclusion, une fin, mais une étape transcendantale de la vie : elle serait « l’essence » de la vie car elle renverrait, grâce au principe du Pachakuti, un retour à l’origine créatrice.
- 27 Arnold, Denise, Hastorf, Christine, Heads of State. Icons, power, and politics in the Ancient and M (...)
- 28 Les tissus pouvaient également servir à confectionner des sortilèges malfaisants ; ainsi, les troup (...)
- 29 Frame, Mary, "Textiles de estilo Nazca", in José Antonio de Lavalée, Rosario de Lavalée Cardenas, T (...)
15 La mort impliquerait de ce fait une énergie, une dynamique, un mouvement, et ne constituerait pas un état apathique, immobile, figé pour l’éternité. L’inanimé serait donc vivant et conserverait en lui les germes de la vie. L’attribution d’une dimension vivante à des corps inanimés n’est pas propre aux défunts ; elle s’applique également, dans certaines régions andines d’aujourd’hui, à un autre matériel : le tissu. Plusieurs études font état de la "nature vivante" du tissu dans certaines communautés où le tissage est resté une activité traditionnelle très importante27. Dans la croyance populaire andine préhispanique, les textiles étaient semble-t-il reconnus pour leurs pouvoirs magiques, comme dans les cas d’ensorcellement mentionnés par les chroniqueurs28, où le tissu « devenait », « était » la personne qui devait recevoir le maléfice. Cette personnification du textile semble également illustrée par les cas de « sépultures textiles » relevés dans la région de Nazca, Pérou29, où des étoffes pliées en deux ont été enterrées dans le sable sans conserver de corps, bénéficiant d’une inhumation au même titre que les êtres vivants. Mais le tissu -ou plus précisément le tissage- aurait également eu le pouvoir de faire revivre l’âme des défunts. L’auteur du manuscrit très controversé Exsul Inmeritus explique comment, lors du rituel de la urupyachana, le tisserand (le quipucamayo en réalité, celui qui réalisait les quipu) capturait les esprits des ancêtres et faisait revivre l’âme des disparus en détissant soigneusement les anciennes étoffes pour confectionner de nouveaux quipu :
- 30 Anónimo, "Historia et Rudimenta Linguae Piruanorum", in Laura Laurencich Minelli, Exsul Immeritus B (...)
Por ejemplo, un quipucamayoc tomaba una tela antigua, la deshilaba con cuidado sin dañarla con cuchillas, la tejía de nuevo y de ahí extraía símbolos e hilos para cordeles de quipu. De esta manera, como la araña atrapa a la mosca, en el quipu obtenido así, se podía capturar varias veces al espíritu de los pueblos más antiguos, hombres – que en otro lugar llamé purunruna (hombres antiguos) – que pisaron nuestra misma tierra, respiraron nuestro mismo aire, bebieron nuestra misma agua, veneraron nuestros mismos Astros. Todo ello porque en el pasado estaba escondido el espíritu de la vida que tenía que permanecer integro en el presente para alcanzar, por último, mediante cordeles, nudos y símbolos, la resurrección.30
16Le rituel de l’urupyachana aurait donc eu un pouvoir de résurrection : en retissant l’étoffe, il ressuscitait l’Histoire et faisait renaître l’esprit des ancêtres.
- 31 Arnold, Denise, "“Trenzar la vida” : significados entrelazados entre las técnicas turbantes de la N (...)
- 32 Paul, Ann, "Paracas Textiles", in Elizabeth Hill Boone, Andean Art of Dumbarton Oaks, Washington DC (...)
17Par ailleurs, on observe très souvent sans les textiles anciens la présence de cheveux humains parmi les fibres textiles composant les tissus. L’insertion de cheveux de défunt peut être associée au processus de naissance-destruction-renaissance caractéristique de la culture andine. Sorte de « depredación ontológica »31, le tissage des cheveux du mort participait à sa transsubstantiation, non pas qu’il revenait vivre parmi les vivants, mais que son esprit revivait grâce l’engendrement d’une chose nouvellement créée à partir d’une partie de lui-même. La progression de la confection du tissu, en d’autres termes l’enfantement et la croissance de l’être, permettaient, à chaque passage de la trame, de faire re-vivre le défunt. Au fur et à mesure que le textile se construisait, les fils s’entrecroisaient pour redonner vie au défunt. L’insertion de cheveux dans les textiles des défunts nous amène par ailleurs à nous interroger sur le rôle des cheveux et notamment l’éventuelle symbolique des rites de tressage dans les pratiques funéraires. Simples tresses placées de part et d’autres de la tête ou véritable "réseau" de petites tresses enchevêtrées les unes dans les autres, les coiffures des momies andines attestent de l’importance accordée au tressage des cheveux du défunts. Outre le fait que les tresses appartiennent à la tradition esthétique des Andes, il est probable que le tressage ait été utilisé, comme le tissage, dans une perspective régénérative du défunt. A l’époque préhispanique, on tressait les cheveux des guerriers pour les épargner d’éventuelles blessures et les préserver des maléfices, et le tressage de certains accessoires masculins comme les turbans servait à protéger les hommes des forces diaboliques32. Il y aurait donc, peut-être, une analogie à établir entre les pouvoirs (magiques) du tissu et ceux des tresses (on tresse le tissu, on tisse les cheveux). Et peut-être, plus simplement, entre tissage et tressage : si tisser permettrait de ressusciter l’esprit du défunt, alors tresser pouvait également avoir un pouvoir de régénérescence. L’association quasi systématique de tissus dans les rituels funéraires des Andes préhispaniques, notamment dans la préparation des défunts, laisse envisager une possible relation entre la nature vivante du tissu et la considération du défunt comme un être animé. Peut-être faut-il envisager le tissu, par la puissance vitale et sa capacité créatrice, comme un matériel « performatif », essentiel au processus de régénérescence du défunt.
- 33 Geffroy, Céline, Boire avec les morts et la Pachamama:une anthropologie de l'ivresse rituelle et fe (...)
- 34 Yañez, José, "La fiesta de los difuntos en un contexto semi-rural. El Kuti del Pacha", in Fe y Pueb (...)
18 On voit donc bien au travers de l’étude des pratiques funéraires des Andes préhispaniques comment la considération de la mort s’inscrit dans une pensée fondamentalement conditionnée par le principe de naissance-destruction-renaissance. La tradition des t’antawawas dans les Andes d’aujourd’hui semble illustrer la survivance de cette conception, notamment la relation qu’elle entretient avec le principe cyclique du Pachakuti qui la relie fondamentalement aux idées de genèse et de (re)naissance. Dans différentes régions rurales andines (altiplano et littoral), la célébration des enterrements s’accompagne du rituel de la préparation de figurines de pain de forme humaine, appelées t’antawawas, qui sont déposées auprès du défunt pendant la veillée mortuaire33. Considérées comme vivantes et représentant à la fois des "bébés de pains" (wawa en aymara = bébé) et l’âme des défunts, ces figurines sont parfois habillées de vêtements tissées par des fillettes et dans certains cas emmaillotées dans un linge que les petites filles portent dans leur dos, comme les mamans portent leurs nouveau-nés34. Cette tradition n’est pas caractéristique des communautés indiennes ayant conservé des rites anciens, et on la retrouve même dans des contextes urbains. À Arequipa, les guaguas, comme on les appelle là-bas, sont vendues à l’occasion de la fête des morts ; elles font l’objet d’un baptême symbolique, lors duquel les parents, les parrains et marraines et un curé sont désignés parmi les participants. En plus de montrer l’indissociabilité de la vie et de la mort, associant le décès (jour des morts, funérailles d’un parent) et la naissance (bébés, fillettes, baptême), on s’aperçoit que le concept de régénérescence est également matérialisé dans cette tradition. Car, dans un cas comme dans l’autre, la figurine de pain fini par être mangée par les participants.
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Bibliographie
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Arnold, Denise, "Convertirse en persona el tejido ; la terminología aymara de un cuerpo textil", in Actas de la I Jornada Internacional sobre textiles Precolombinos, Barcelona : Universitat Autònoma de Barcelona, 2000, pp. 9-28.
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Albornoz, Cristobal de, La Instrucción para descubrir todas la guacas del Piru y sus camayos y haciendas, in Pierre Duviols, "Un inédit de Albornoz : La Instrucción para descubrir todas la guacas del Piru y sus camayos y haziendas", Journal de la société des Américanistes, Année 1967, Volume 56, Numéro 1, pp. 7-39.
Anónimo, "Relación de las costumbres antiguas de los naturales del Perú", in Crónicas de interés indígena, Biblioteca de Autores Españoles, Madrid : Edición Gráfica Norte, 1968, pp. 151-189.
Anónimo, "Historia et Rudimenta Linguae Piruanorum", in Laura Laurencich Minelli, Exsul Immeritus Blas Valera Populo Suo e, Indios, Gestuiti e spagnoli in due documenti segreti sul Peru del XVII secolo, Bologna : CLUEB, 2005.
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Barontini, María Chiara, "Lessons of andean ideology for women", in Actas de las IV Jornadas Internacionales sobre Textiles Precolombinos, Victoria Solanilla Demestre ed, Barcelona : Book Print Digital, 2009, pp. 187-200.
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Zorn, Elayne, "Un análisis de los tejidos en los atados rituales de los pastores", Revista Andina 5 (2), 1987, pp. 489-526.
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Notes
Marcoy, Paul, Voyage à travers l’Amérique du Sud de l’Océan Pacifique à l’Océan Atlantique, Volume 1, Paris : Hachette, 1869, pp. 85-86.
« Lo primero al defunto le destripan y le quitan toda la carne y las tripas y carne lo meten en una olla nueua y los güesos amortaxa con una manta de algodón y lo cose ». Ayala, Felipe Guaman Poma de, Nueva Corónica y Buen Gobierno [1615], Lima : Fondo de cultura Económica, 1993, f. 297.
« […] le quitaban los intestinos y embalsamaban todo el cuerpo con balsamo traido de Tolu y con otras confecciones, de manera que duraba un cuerpo así embalsamado más de cuatrocientos y quinientos años. […] es que los cuerpos estuviesen guardados incorruptos sin que les faltase nada, a lo menos hueso [..] Anónimo, "De las costumbres antiguas de los naturales del Perú", in Crónicas de interés indígena, Biblioteca de Autores Españoles, Madrid : Edición Gráfica Norte, 1968, pp. 151-189, pp. 158-159.
Murúa, Fray Martín de, Historia General del Perú, Origen y descendencia de los Incas [1611], Madrid : Biblioteca Americana Vetus, 1972, p. 98.
L’archéologue allemand Max Uhle est le premier à avoir utiliser le terme de cabeza trofeo pour désigner les têtes sans corps retrouvées sur le site Ocucaje, in la vallée de Ica, lors de ses fouilles de 1901. María Alba Bovisio, María Paula Costas, "Cabezas trofeo : cuerpo, objeto y representación", Actas del I Encuentro Latinoamericano de Investigadores sobre Cuerpos y Corporalidades en las Culturas, Investigaciones en Artes Escénicas y Performáticas, La Plata, 2012.
Álvarez, Bartolomé, De las costumbres y conversión de los indios del Perú : Memorial a Felipe II [1588], Madrid : Ediciones Polifemo, 1998, p. 94.
Duchesne, Frédéric, "Tumbas de Coporaque. Aproximaciones a concepciones funerarias collaguas", Bulletin de l’IFEA, 2005, 43 (3), pp. 411-429, p. 421.
Carlos Alberto Paz de Noboa, Itajg & Pajgchana : Apuntes sobre arqueología chuquibambina, Tesis de Bachiller: Universidad de San Agustín, 1937, sans pagination.
« A aquesta diligencia destas señales para cognocerse las personas de qué provincias eran, parece poderse ayuntar la costumbre antigua, que también tiene cada provincia, de formar las mismas cabezas, porque fuesen cognoscidos los vecinos de cada una dellas. Y así, cuando infantes les acababan de nascer y de allí adelante, mientras tenían las cabezas muy tiernas, les ataban ciertas vendas o paños con que se las amoldaban según la forma que querían que tuviesen las cabezas ; y así, unos las formaban anchas de frente y angostas del colodrillo ; otros, altas y empinadas, y otros bajas ; otros, angostas ; otros altas y angostas ; otros, altas y anchas, y otros de otras maneras ; finalmente, que en la forma de las cabezas tenían muchas invenciones, y ninguna provincia, al menos de las principales, había que tuviese forma diferente de las otras, de cabezas ». Casas, Bartolomé de las, Apologética historia sumaria [1559 ?], México : Universidad Nacional Autónoma de México, 1967, p. 594.
Juan Ulloa de Mogollón, en charge de l’administration de la région Collagua (où se situent les sites de Yuraqaqa et la Rinconada) au début de l’époque coloniale, précise d’ailleurs dans son rapport destiné à la Couronne espagnole que sur ces terres vivaient deux groupes ethniques distincts qui, encore au XVIème siècle, se déformaient le crâne de manière différente : les Collaguas « se la ahusaban y adelgazaban alta y prolongada », tandis que les Cabanas « se la hacen chata y ancha ». Au vu des formes allongées des crânes de Yuraqaqa et la Rinconada, les défunts auraient pu appartenir à l’ethnie Collagua. Ulloa de Mogollón, Juan, "Relación de la provincia de los Collaguas para la discrepción de las indias que su magestad manda hacer" [1586], in Relaciones geográficas de las indias, Madrid : Biblioteca de Autores Españoles, 1965, pp. 326-333, p. 327.
Cieza de León, Pedro, La Crónica del Perú [1553], Buenos Aires : Editora Espasa-Calpe Argentina, 1945, Primera parte, Cap. LXIII.
Cobo, Bernabe, Historia del Nuevo Mundo [1653], Madrid : Biblioteca de Autores Españoles, 1956, Libro XIII, Cap. XXV.
Ayala, Felipe Guaman Poma de, op. cit., f. 257.
Belan Franco, Augusto, Cornejo Z., Manuel, Andrade, Luis Jaime, "Reenterramientos prehispánicos en la costa de Arequipa", in Revista Chungará, n° 16-17, Octubre, 1986, pp. 459-461.
Albornoz, Cristobal de, La Instrucción para descubrir todas la guacas del Piru y sus camayos y haziendas [ ?], in Pierre Duviols, "Un inédit de Albornoz : La Instrucción para descubrir todas la guacas del Piru y sus camayos y haziendas", Journal de la société des Américanistes, Année 1967, Volume 56, Numéro 1, pp. 7-39, p. 20.
« Hay, como dixe arriba, el prencipal género de guacas que antes fuesen subjetos al ynga tenían, que llaman pacariscas, que quieren sezir creadoras de sus naturalezas. Son en diferentes formas y nombres conforme a las provincias : unos tenían piedras, otros fuentes y ríos, otros cuevas, otros animales y aves e otros géneros de árboles y de yervas y desta diferencia tratavan ser criados y descender de las dichas cosas, como los ingas dezían ser salidos de Pacaritambo, que es una cueba que se dize Tambo Toco y los angares y soras descender de una laguna llamada Choclo Cocha y desta manera todas las provincias del Pirú, cada cual de su modo aplicando cualquiera de las cosas dichas a su nascimiento ». Ibidem.
Ibidem, p. 19.
Ulloa de Mogollón, Juan, op. cit., p. 327.
Santillán, Hernando de, "Relación del origen, descendencia, política y gobierno de los Incas" [1563], in Crónicas peruanas de interés indígena, Madrid : Biblioteca de Autores Españoles, 1968, Cap. XXXII.
Cieza de León, Pedro, op. cit., Primera parte, Cap. LXII.
Anónimo, op. cit., p. 159.
Pizarro, Pedro, "Relación del descubrimiento y conquista de los reinos del Perú" [1571], in Relación del descubrimiento y de las cosas del Perú por Pedro Pizarro, Madrid : Biblioteca de Autores españoles, 1965, pp. 168-250, p. 182.
Husson, Jean-Philippe, "Waman Puma de Ayala, porte parole de l’aristocratie indigène. Permanence de mentalités et de comportements chez les caciques péruviens de Waman Puma à Tupac Amaru", in Institutions coloniales et réalités sociales en Amérique espagnole, Paris : Presses Sorbonne Nouvelle, 1988, pp. 26-45, p. 39.
Ibidem.
Arnold, Denise, Hastorf, Christine, Heads of State. Icons, power, and politics in the Ancient and Modern Andes, Walnut Creek : Left Coast Press Inc, 2008, p. 130-131.
Arnold, Denise, op. cit., p. 12.
Arnold, Denise, Hastorf, Christine, Heads of State. Icons, power, and politics in the Ancient and Modern Andes, Walnut Creek : Left Coast Press Inc, 2008. Torrico, Cassandra, Living weavings : The symbolism of Bolivian Herders Sacks, Sucre : Hisbol, La Paz and Archivo Nacional, 1989. Zorn, Elayne, "Un análisis de los tejidos en los atados rituales de los pastores", Revista Andina 5 (2), 1987, pp. 489-526. Barontini, María Chiara, "Lessons of andean ideology for women", in Actas de las IV Jornadas Internacionales sobre Textiles Precolombinos, Victoria Solanilla Demestre ed, Barcelona : Book Print Digital, 2009, pp. 187-200. Meish, Lynn, "To honnour the ancestors : Life and Cloth in the Andes", in Traditional textiles of the Andes, life and cloth in the highlands, Meish, L. (ed), New York : Thames and Hudson, San Francisco : Fine Museum of San Francisco, 1997, pp. 17-27.
Les tissus pouvaient également servir à confectionner des sortilèges malfaisants ; ainsi, les troupes de l’armée inca croyaient fermement que le pouvoir des tissus pouvait porter préjudice et même causer la mort de leurs adversaires : des fils ensorcelés qui délivraient des sorts lorsqu’ils étaient rompus au passage des soldats, les vêtements des ennemis étaient utilisés pour habiller des figurines qui étaient pendues ou brûlées, entraînant la mort de leurs propriétaires. Ayala, Felipe Guamán Poma de, op. cit., §277. Murúa, Fray Martín de, op. cit., Libro I, Cap. LXVIII et Libro II, Cap. XXXV.
Frame, Mary, "Textiles de estilo Nazca", in José Antonio de Lavalée, Rosario de Lavalée Cardenas, Tejidos Milenarios del Perú, Ancient peruvian art, Lima : Colección Apu, 1999, pp. 261-310, p. 292.
Anónimo, "Historia et Rudimenta Linguae Piruanorum", in Laura Laurencich Minelli, Exsul Immeritus Blas Valera Populo Suo e, Indios, Gestuiti e spagnoli in due documenti segreti sul Peru del XVII secolo, Bologna : CLUEB, 2005, pp. 549-567 et Addendum III, p. 394-395.
Arnold, Denise, "“Trenzar la vida” : significados entrelazados entre las técnicas turbantes de la Necrópolis de Paracas y algunas técnicas trenzadas actuales en Bolivia", in Actas de la IV Jornada Internacional sobre textiles Precolombinos, Barcelona : Universitat Autònoma de Barcelona, 2009, pp. 19-31.
Paul, Ann, "Paracas Textiles", in Elizabeth Hill Boone, Andean Art of Dumbarton Oaks, Washington DC : Dumbarton Oaks Research Library and Collection, 1996, pp. 347-363, p. 359.
Geffroy, Céline, Boire avec les morts et la Pachamama:une anthropologie de l'ivresse rituelle et festive dans les Andes boliviennes, Thèse de doctorat dirigée par Joël Candau: Université de Nice Sophia Antipolis, 2013, pp. 273.
Yañez, José, "La fiesta de los difuntos en un contexto semi-rural. El Kuti del Pacha", in Fe y Pueblo, n° 9, 1988, pp. 26-29.
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