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AccueilNuméros1La musique, l’espace urbain et le...

Résumés

La représentation de Lima propagée par les célèbres chansons des années cinquante est le produit d’une écriture idéologique qui tend à occulter notamment l’extraordinaire processus de migration interne que vit le pays et qui transforme la ville en profondeur. Elle occulte aussi par un surprenant tour de passe-passe le vals criollo des origines et d’autres genres de la chanson populaire où d’autres lectures de la ville et de ses espaces sont clairement exprimés. C’est ce jeu entre chansons, mémoires et représentation de la ville que cette communication souhaite éclairer.

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Texte intégral

1Il est admis comme une vérité de La Palisse que l’espace urbain est surtout le produit d’une élaboration matérielle conduite par les hommes. Même si elle intègre souvent des éléments de la nature, comme des cours d’eau ou des reliefs, l’essentiel de la ville est le résultat d’une fabrication. Il est généralement plus difficile de faire admettre que ce monde urbain, dans ses logiques de fonctionnements mais aussi dans ses agencements est le résultat de quantité d’éléments « non matériels » ou plus exactement non architecturaux. Le lien entre la ville et le bruit est pourtant un lieu commun. Le son est là où il doit être, là où il ne devrait pas être et on pourrait dire, sans trop forcer la métaphore que les sons et les acteurs qui les produisent, peuvent dans certaines circonstances dessiner la ville sans doute autant que le tracé des rues, bref, que l’immatériel, l’impalpable sonore projette un sens dans l’environnement urbain avec lequel les citadins vivent, s’approprient ou rejettent les espaces de la ville, s’approprient, acceptent ou rejettent les faiseurs de bruit.

  • 1  Schaeffer, Pierre. Traité des objets musicaux, Paris : éd. du Seuil, 1966.

2Parmi ces bruits, la musique, les musiques ont un statut particulier. Elles diffusentdans l’espace des sons beaucoup plus complexes et si les systèmes modernes de diffusion ont tendance à gommer cet aspect, sans doute ne faut-il jamais oublier que derrière les sons il y a les hommes, les musiciens qui la jouent, et, dans notre espace, très souvent, des hommes et des femmes qui la dansent. Or comme le faisait remarquer Scheaffer1, entendre est une manière de toucher à distance, et diffuser de la musique, c’est aussi établir un contact direct avec l’autre, le toucher sans qu’il puisse refuser cette relation puisque on ne ferme pas ses oreilles comme on ferme les yeux pour ne pas voir. La présence de musiques dans un espace donné, en particulier un espace urbain souvent pétri de représentations et de symboles, de permissions et d’interdits rend encore plus évidentes les tensions qui peuvent se nouer autour de la diffusion et de la réception des matériaux sonores.

3Ce préambule me semblait nécessaire afin de bien mettre en évidence les enjeux qui sont à l’œuvre dans les espaces urbains. Si la musique comme d’autres éléments de la société permet de marquer, de donner une identité à un lieu, la ville de Lima offre dans ce domaine des situations qui sont de véritables cas d’école, sans doute parce que peu d’espaces concentrent de tels jeux d’opposition, de conflit mais aussi de médiation. Je voudrais montrer ici que la musique populaire péruvienne, et un de ses genres privilégiés, le vals criollo, ont été au cœur d’une série de tours de passe-passe idéologiques dans lesquels les espaces et la mémoire jouent un rôle non négligeable.

La migration andine et la consolidation du criollismo

  • 2  Ce rejet ne semble pas s’appliquer avec la même force aux populations noires de la capitale.
  • 3  Salazar Bondy, Sebastián. Lima la horrible. Concepción : Ed. universitaria, 2002, p. 58
  • 4  Piel, Jean. Crise agraire et conscience créole au Pérou. Paris : CNRS, 1982, p. 44

4Le premier de ces phénomènes est aujourd’hui assez bien connu et ses mécanismes décryptés dans l’ensemble. Celui-ci prend forme assez tôt, dans les années quarante et est indissociable d’un des plus puissants mouvements de migration interne qu’ait connu l’Amérique latine. En quelques décennies Lima passe de quatre cents mille à plusieurs millions habitants. Or ce mouvement avait au Pérou des implications d’une ampleur considérable. L’arrivée de dizaines de milliers de migrants de la sierra commençait à mettre à mal à cette époque une construction symbolique de plusieurs siècles de colonisation et d’une centaine d’années de vie républicaine. Avant la guerre du Pacifique sous la présidence de José Balta notamment, mais aussi après le conflit, et les décennies qui suivirent le civilisme, les oligarchies du sucre, du coton ou de la mine feront de la capitale péruvienne l’espace privilégié dans lequel l’organisation urbaine, les monuments, les édifices d’institutions bancaires, les édifices culturels (opéra, théâtres) seront les symboles de la toute puissance de ces secteurs sociaux. Se consolident alors deux tendances, les grands piliers de la philosophie des élites créoles de Lima : la survalorisation de l’espace liménien et de son centre (« Pues el Perú es Lima y Lima el Jirón la Unión ».) et le rejet de ce qui n’appartient pas à leur univers, concrètement les métis et les indiens2. Sebastián Salazar Bondy parle des élites liméniennes et de « lo que constituye su más preciado blasón : la segregación de la mayoría india y mestiza »3. Je citais dans un précédent travail ce que rapportait Jean Piel : lorsque [en 1902] les délégués (personeros) des indiens de Chucuito se présentent à Lima pour exposer leurs réclamations au Ministère de l’Intérieur, on les emprisonne4 ». Le pouvoir montre ici qu’il y a des limites politiques et des espaces géographiques qu’il ne faut pas franchir. Cet exemple est ô combien révélateur. Il semble que tout soit mis en œuvre pour mettre la capitale « à l’abri » de possibles intrusions pensées et vécues comme hostiles.

  • 5  Que fue otrora la perla del Pacífico
  • 6  Il va sans dire que ce processus ne concerne pas que les populations de la sierra et que toutes le (...)
  • 7  La présence de la musique de la sierra est le résultat d’un processus assez long sur lequel ont pe (...)
  • 8  Ce fut notamment le cas sous le oncenio de A.B. Leguía qui en 1928 remit au goût du jour le festiv (...)

5Or, pour la première fois, et de façon massive, dans les deux décennies qui suivirent la seconde guerre mondiale, se rencontraient les deux groupes que la domination politique, économique et dans une certaine mesure la géographie des Andes avaient maintenus séparés. Dans ce processus, se consolide l’idée selon laquelle ces masses de migrants, les serranos comme les désignent souvent les habitants de la côte, « salissent la ville » qui « fut jadis la Perle du Pacifique5 » c’est-à-dire avant que ceux que l’on désigne par le terme générique « d’indiens » ne viennent l’enlaidir, pour ne pas dire la souiller6. Ce gigantesque mouvement de migration est vécu comme un véritable tremblement de terre pour de larges secteurs sociaux habitant à Lima et en particulier par ceux qui pensaient être en mesure de contrôler ou de définir les normes en vigueur dans cet espace urbain. Ceux qui pendant tant de temps sont restés invisibles, arrivent par dizaines, centaines de milliers et modifient ainsi bien des représentations. Il y a tout d’abord leur présence physique. Ils font irruption dans un espace urbain où jusqu’alors ils n’occupaient qu’une place très marginale du fait de leur poids démographique. Dans les années soixante-dix, les serranos représentent pratiquement la moitié de la population de la capitale et modifient son aspect. Des dizaines de barriadas  ont fleuri à la périphérie de la ville et sur les trottoirs des principales rues du centre des milliers de vendeurs ambulants proposent leurs produits : fruits, sodas, friandises, fleurs, alimentation en tout genre. Mais il y a aussi leur présence culturelle. Peu à peu7, ils vont faire sonner dans cet espace des musiques qui jusque là avaient été soigneusement mises à l’écart ou qui ne servaient que très ponctuellement les intérêts de quelques politiques en mal d’indigénisme8.

  • 9  Le terme de « canción criolla » a des contours assez flous. Il comprend des genres musicaux propre (...)
  • 10  J.A. Llorens Amico. La música popular en Lima : criollos y andinos. Lima : I.E.P., 1983.
  • 11  Voir à ce propos l’excellent article de Christian Giudicelli. « L’air et la chanson » in Gérard Bo (...)
  • 12  Sur l’importance de cette pensée et de Riva Agüero, son plus célèbre représentant, voir l’article (...)

6La réaction fut progressive. Il n’est sans doute pas anodin que le président Pardo instaure dès le 31 octobre 1940 el día de la canción criolla, une façon de montrer que même le pouvoir politique pouvait être très sensible à ce genre de situation qui laissait les élites dans une situation délicate d’un point de vue culturel. En adoubant les expressions populaires de la côte9, il entendait leur donner un statut nouveau, beaucoup moins marqué par les stigmates qui les avaient reléguées des décennies durant dans la catégorie des « expressions populaires ». Comme le résume avec beaucoup d’à propos Llorens Amico, les productions populaires assez mal vues par les élites passaient « del callejón al palacio »10. Il s’agissait de la première étape de ce tour de passe-passe évoqué plus haut. Les élites créoles de la côte répétaient avec le vals ce qu’elles avaient déjà fait à l’époque de la Guerre du Pacifique avec la marinera. Elles s’appropriaient un genre musical qu’elles avaient jusqu’alors méprisé. La deuxième étape se consolide à la fin de la décennie avec l’émergence d’un vals criollo dont les textes révèlent sans ambages leur contenu idéologique. Les valses  de Chabuca Granda sont à cet égard les plus représentatifs. Les paroles de « La flor de la canela », « José Antonio », « Bello Durmiente », « Puente de los Suspiros » ou les compositions comme « Amarraditos » chantées par Alicia Maguiña disent en filigrane la même chose. Elles présentent la vie idyllique dans une capitale de vice-rois peuplée de belles liméniennes charmées par de non moins beaux cavaliers chevauchant des purs-sangs créoles ; des gens défilant en calèche le long de  la alameda dans leurs plus beaux atours, dans une société où le temps semble immobile11. Cette représentation d’un univers dont la trame idéologique doit beaucoup à un hispanisme catholique de bon aloi est fort éloignée de la réalité du moment12. Ce faisant elles tissent une sorte d’écran de fumée qui tend à occulter la réalité sociale et culturelle de la ville en même temps qu’elles opèrent une sorte de hold-up sur un genre qui fut jusqu’alors le genre préféré des secteurs populaires.

7Mais l’orientation esthétique et idéologique de ce genre de vals des années cinquante a une autre conséquence, elle dessine, certes, les merveilles perdues d’une Arcadie coloniale mais elle donne aussi une image brouillée, pour ne pas dire tronquée, de ce que fut la chanson populaire et le vals au début du XXème siècle.

Le vals, une forme privilégiée, des fonctions multiples

8Il est relativement aisé aujourd’hui d’avoir une idée précise de ce qu’était le vals du début du siècle aussi bien d’un point de vue des paroles que des mélodies. Les exceptionnelles archives du petit El Cancionero de Lima nous offrent un corpus d’une grande richesse. Cette publicationest très proche dans sa forme du pliego de cordel. Dans les huit pages hebdomadaires vendues à l’imprimerie ou sur les marchés, l’imprimeur-éditeur insérait des fragments de zarzuela, des chansons d’Amérique latine à la mode, des poésies, des compositions locales la plupart du temps anonymes.Grâce à des dizaines de numéros on voit se dessiner les caractéristiques formelles du vals chanté et en toile de fond les fonctions sociales qui sont les siennes.

  • 13  Si cette thématique est commune à tous les pays de langue espagnole, il faut avouer que des varian (...)

9Comme dans d’autres pays de langue espagnole, la chanson est l’expression privilégiée des sentiments amoureux. Dans ces compositions la plupart du temps écrites (et chantées) par des hommes, on retrouve la passion que suscite l’être aimé mais aussi la violence des réactions lorsque l’amoureux est éconduit ou trahi. La gent féminine est alors parée de tous les défauts au premier rang desquels on retrouve la perfidie13.

  • 14  Sur un corpus de 70 chansons de l’époque de la Guardia Vieja, 39 sont composées en octosyllabes, 7 (...)
  • 15  La première radio péruvienne (OAX) est fondée par la Peruvian Broardcasting Company en 1924, mais (...)

10C’est sans doute à un autre niveau qu’il faut chercher la singularité du vals du début du siècle qui n’est guère perceptible lorsqu’on observe le corpus que la mémoire collective a de nos jours conservé. Une rapide étude quantitative montre que sa forme textuelle privilégiée est la cuarteta composée d’octosyllabes14 comme on la retrouve dans de nombreux genres musicaux au Mexique (le corrido), en Colombie(le vallenato) ou à Cuba (le son) pour n’en citer que quelques uns. Dans une société où l’oralité est importante et où les moyens modernes de communication comme la radio ne se sont pas encore développés15, la chanson et la chanson-chronique en particulier jouent un rôle essentiel. La plupart du temps anonymes, ce sont elles qui font circuler une information, elles qui diffusent dans l’espace social, et en particulier dans les secteurs sociaux populaires, des commentaires sur le vécu quotidien des habitants dans la ville.

La chanson qui informe

11De nombreux valses fonctionnent en réalité comme l’ancien romance. Ils font le récit d’un événement particulier et le narrent à des interlocuteurs comme en témoignent ces premiers vers de différents valses rédigés avec leur rimes sur les vers pairs, « como Dios manda », serait-on tenté d’ajouter :

  • 16  El Cancionero de Lima, n° 99.

La muerte de Tirifilo16
Era Cipriano Morenode carácter singularpor sus múltiples hazañasnotables en el Tajamar.

  • 17  El Cancionero de Lima, n° 349.

La trágica muerte de los aviadores17
Muy sensible y deplorable
es la desgracia ocurrida
en la que cuatro pilotos
sacrificaron su vida.

El asalto al tren de La Oroya
Pues nunca se había visto
en el Perú cosa igual :
un asalto a la europea
por pandilla criminal

12Il s’agit de rapporter un événement exceptionnel qui a marqué la vie de la collectivité, et la chanson est là pour en témoigner, propager la nouvelle, narrer les détails et en garder la mémoire. Dans un souci d’information on dit où et quand ont eu lieu les événements. Cette préoccupation pour la contextualisation temporelle et spatiale rappelle encore une fois le style de l’oralité espagnole et plus d’un vers de vals péruvien ne jurerait pas dans un recueil de romances :

Arica
Un día siete de junio
de un año tan desgraciado
un parlamento confiado
vino a intimarnos rendición.
Eran las seis de la mañana
cuando un capitán se presentó…

  • 18  Idem.

El accidente de Oquendo18
Una tarde que volaron
Espinoza y Walker Pack
(…)

La Trágica muerte de los aviadores
En la tarde de aquel día
Que era una tarde de flores
Contemplaban entusiastas
Volar a los aviadores.
A las alturas de Oquendo
Que es un fundo inmediato a Lima…

Sangre Criolla
En el Montón se encontraron
y allí se batieron
cual cumple al honor
el uno al otro se hirieron
y mucho admiraron su saña y valor.

  • 19  Pour une présentation détaillée des chansons voir BORRAS Gérard. Chansonniers de Lima. Le vals et (...)

13Les “informations” sont des plus diverses, et sans doute le Cancionero de Lima n’a-t-il capté qu’une partie infime de ce qui circulait en réalité dans les secteurs populaires de la ville. On remarque toutefois que ce que repère et imprime l’éditeur du cancionero est proche du sensationnel et de la catégorie du fait divers et de la crónica roja. Les accidents, les attaques de bandits, les assassinats, les combats au surin entre malfrats, constituent une part non négligeable du corpus19.

La chanson qui commente

  • 20  Sulmont, Denis. El movimiento obrero peruano(1900-1956). Lima : PUCP, 1975.-Portocarrero, Ricardo. (...)

14Les compositions qui circulent dans la société liménienne ne se limitent pas à donner une information. Bien des chansons distillent de façon parfois subtile car la censure est toujours présente, des commentaires sur les situations que vivent au quotidiens les couches les plus défavorisées de la ville. Le surnom de República aristocrática traduit sans ambages les orientations politiques et sociales des gouvernements en place en ce début de XXe siècle. Tous les témoignages concordent et dessinent des conditions de vie et de travail absolument épouvantables dans les milieux populaires liméniens20. Salaires de misère, durée de travail de 10 jusqu’à 16 heures par jour, travail éhonté des femmes et des enfants, etc. Face à ces situations insupportables, se dressait un patronat encore très marqué par un type de relation sociale héritée de l’époque coloniale (qui se maintenait, et avec quelle vigueur, dans les Andes !) et incapable de saisir les attentes et les aspirations des secteurs ouvriers.

  • 21  Composition extraite du Cancionero escondido publié par Edmundo Lévano. Nous sommes en présence d’ (...)

EL PARIA21
(Música del vals El Parisién)
...................en mi país, y en él
no tengo dicha, pan ni hogar ;
esa es la patria del burgués
donde vive la mujer
prostituída en el placer.

En el taller yo trabajé,
y cuando los años mi fuerza agotó,
mi explotador de él me arrojó,
y sigo viviendo de mendicidad.

Así es la vida del pobre infeliz
que nace en el hambre y en el dolor ;
para él no hay patria, placeres ni amor,
sino miserias, prisiones y llantos,
sin que a los ricos les inspire compasión.

15Ce genre de composition on s’en doute ne circulaient pas librement mais l’espace public n’était pourtant pas privé de chansons portant un regard sur les crises sociales politiques et économiques que vivaient le pays et la capitale en particulier. Nous ignorons pour l’heure quels étaient exactement les canaux de circulation et de diffusion. Mais une fois encore El Cancionero de Lima joua dans ce domaine un rôle important et offrit un large espace à cette expression de la chanson populaire.

16Toutes les chansons que nous avons identifiées comme relevant de cette thématique proposaient un discours très différent des poésies ou des chansons des anarcho-syndicalistes. Au lieu d’assumer un ton vindicatif, elles fonctionnent la plupart du temps sur le mode parodique et comique, laissant entendre que ce qui est dit l’est sur le ton de la plaisanterie et ne mérite pas d’être pris au sérieux. Pourtant elles ne sont pas moins des dénonciations souvent acerbes de la réalité sociale et politique comme on peut le constater dans ces quelques couplets :

  • 22  El Cancionero de Lima, n° 373, cela correspond approximativement au début de l’année 1921.

Himno de don Lunes22
CORO
Somos pobres y estamos calatos,
no tenemos ni un mísero sol,
y a pesar de promesas solemnes
cada día nos vemos peor.
                       I
Largo tiempo el peruano exprimido
sudó el quilo por tanto rigor
y algún día anhelando salvarse
esperó y esperó y esperó.
Hasta el solio subió uno tras otro
prometiendo salvar la nación,
gobernando tan bien que el peruano
exprimido por siempre quedó.
(…)

  • 23  Malheureusement nous n’avons aucune indication sur la musique qui accompagne le texte et qui elle (...)

17Les deux premiers vers décrivent une situation en soi très préoccupante, la pauvreté, le dénument mais le mot « calato », mot de l’argot péruvien équivalent du « à poil » français, vient immédiatement donner une tonalité humoristique au discours, qu’introduisait déjà le titre Himno de don Lunes. Chanter un hymne au « père lundi » bien connu du monde ouvrier n’apparaît pas de prime abord comme quelque chose de très sérieux23. En revanche le ton change dans les deux vers suivants a pesar de las falsas promesas est une attaque en règle du pouvoir politique. Ce jeu entre humour et regard critique s’amplifie dans la première strophe qui fonctionne comme un raccourci de l’histoire récente du Pérou :

  • Les quatre premiers vers évoquent les espoirs des péruviens démunis qui subissent depuis fort longtemps la rigueur de la crise.

  • Les quatre suivants, les promesses des différents dirigeants de la nation et les espoirs frustrés.

18Le parolier utilise la même technique de discours : il décrit des situations où transparaissent réellement les difficultés. Le champ lexical est évocateur : exprimido, rigor, anhelar, salvar, esperar. L’accumulation des termes entend traduire l’intensité des émotions, mais l’expression sudó el quilo somme toute familière est du même registre que calato. On peut même sourire de ce personnage « pressé comme un citron » et qui comme un niais n’a que l’espoir patient comme perspective de changement. Les quatre vers suivants prennent une autre tournure et fustigent cette fois-ci durement les présidents successifs dont les appétits de pouvoir et de gloire sont éloquemment traduits par l’utilisation du mot solio (trône) dont on remarquera ici l’efficacité discursive. Nous ne sommes guère dans un modèle de démocratie représentative ! Nous sommes ici proches de la réalité puisque dans les dix ans qui ont précédé la composition de la chanson ce ne sont pas moins de six présidents qui se sont succédé à la tête de l’état. Présidents durement raillés par les deux derniers vers qui traduisent malgré tout le désarroi de la population. Dans les strophes qui suivent, le parolier prend des exemples très concrets qui ont un sens évident pour les auditeurs des secteurs vivant dans la difficulté. Le manque dramatique de pain, de vêtement et d’argent liquide est une réalité du quotidien. Elle est dénoncée et en même temps traitée avec une tonalité humoristique :

(…) Luego, un tiempo comimos pan negro
que llamábase pan integral,
y hoy tenemos por cinco centavos
una cosa que es negra y no es pan.

(…) hoy los pobres no pueden vestirse
y si sigue la cosa cual va,
o se mete la gente en su cama
o camina vestido de Adán.

  • 24  Scott, James. Domination and the arts of resistance. Hidden Transcript. New Haven : Yale Universit (...)

19Cette façon de concevoir le discours est du plus grand intérêt. Elle instille des éléments humoristiques mais garde de façon absolument intacte le message adressé aussi bien aux secteurs défavorisés qu’aux secteurs mis en question par la chanson. On est très proche du concept de hidden transcript, le « texte caché » proposé par James Scott dans son ouvrage désormais classique24.Tout en utilisant des formes de communications acceptables par le pouvoir les paroliers construisent un discours qui serait le texte caché permettant malgré toutes les difficultés imposées par un pouvoir répressif de faire passer les messages. Ce que Scott appelle les disguising ideological insubordination. Le recours à la parodie, au ton humoristique, mais aussi parfois à des formes très sérieuses et cérémonielles serait une sorte de sauf-conduit en permettant une diffusion non censurée.

De l’information et du commentaire à l’action politique

  • 25  Ce chansonnier commence à paraître en 1929. Son directeur Pedro A. Casanova a dû penser très tôt a (...)

20La dimension sociale d’un nombre significatif de chansons qui circulaient librement dans l’espace public est évidente, mais elles ne franchissaient pas le seuil de l’engagement politique. D’autres servent au contraire les intérêts soit de l’officialisme, soit celui de partis politiques émergents comme ce fut le cas de l’APRA en ce début de XXe siècle. La chanson et le vals en particulier deviennent alors des instruments de la propagande et du combat politique. Plusieurs valses publiés dans El Cancionero de Lima mais aussi dans La Lira Limeña25, son concurrent direct, mettent en évidence l’importance de la chanson et souvent l’intensité des débats.

21Bon nombre de valses furent par exemple l’expression d’un appui inconditionnel au candidat puis au président Agusto B. Leguía élu en 1908 en utilisant en particulier l’argument patriotique du prochain retour de Tacna, Arica et Tarapaca – las cautivas - dans l’espace national.

  • 26 El Cancionero de Lima, sans numéro, mais sans aucun doute de la série 300.

Triunfo de Leguía26
(…)Vuestra excelencia peruano nacionaldijo al traidor yo defenderélas provincias que hay que rescatarPatria nueva queremos sin demorar.

Nosotros el Pueblo agradecemos
las promesas de vuestra excelencia
pero al fin las cautivas rescataremos.
¡Viva el Perú! Consuelo y paciencia.

22Leguía revint au pouvoir en 1919 après avoir déposé le président Pardo. Le 4 juillet et le projet de Patria Nueva censé en finir avec la léthargie du « civilisme » furent chantés par plusieurs valses :

  • 27  El Cancionero de Lima, n° 359.

4 de julio27
4 de Julio, por ti
bajarán más cada día.
las subsistencias. Leguía
quiere que suceda así.

  • 28  El Cancionero de Lima, n° 339.

Triunfo de Leguía28
Nos promete bajar la carestía
Ahora que hay la paz universal.

  • 29  Idem.

Patria Nueva29
Vals del día
Letra y múscia de Agustín R. Vilches.
Cantado por A. López y A. Luna

Todo peruano patriota
Hoy siente gran regocijo
Por el triunfo que ha obtenido
La Asamblea Nacional.

Seamos todos unidos
Ayudando al gran patriota
Que hoy rige los destinos
De nuestro amado Perú.

Es don Augusto Leguía
Sol radiante del nuevo Perú,
Que dará a nuestra Patria
Días de eterna prosperidad.

  • 30  Après l’exécution de plusieurs militaires par des militants apristes, l’armée fit de terribles rep (...)
  • 31  Vers d’un acrostiche dédié au chef du parti apriste publié dans le numéro 967 du Cancionero de Lim (...)
  • 32  En 1926 sont constituées les premières sections apristes. En 1930, l’Apra devient parti politique. (...)

23Mais les espoirs de bien des secteurs de la population furent rapidement déçus et, malgré le contrôle très sévère de la police politique, des oppositions ne cessèrent de s’amplifier et le chansonnier très pro-Leguía devint un féroce opposant en épousant la cause de l’aprisme. Plusieurs chansons de tout type, (vals, tango, one-step, marche) évoquent le massacre de Trujillo30, glorifient la jeunesse apriste ou chantent les louanges du « Invencible paladín de justicia y democracia31 », Víctor Raúl Haya de la Torre32. L’intense débat politique que générait le règne finissant du vieux despote s’accentua lorsqu’il chercha une réélection. Le soulèvement d’Arequipa avec à sa tête Luis Sánchez Cerro mit fin au oncenio. La Lira Limeña, farouchement anti-apra et très pro-Sánchez Cerro salua l’événement en publiant plusieurs chansons à la gloire du “libérateur”.

  • 33  La Lira Limeña, n° 110.

Bienvenida Sanchez Cerro33
letra y música del chansonnier
peruano A.Barrenechea

A tu llegada te aplaudo
por tu arrojo y valor,
oh, militar valeroso!
que te hemos visto
en el campo de honor.

Eres el alma del pueblo
por tu genio sin rival,
porque así lo has demostrado
ayá! en el Misti triunfar

¡Viva la gloria paisano!
¡Viva nuestra patria peruana!
que ya estamos libertados
del  subyugo de un tirano.

¡Viva tu espada sagrada!
sacrosanta y bendecida

que al derrocar a un villano
has salvado, muchas vidas.(…)

  • 34  Ce conflit (1932-1933) généra de nombreuses compositions musicales et des chansons. D’intensité mi (...)

24Leguía finira ses jours dans une prison de la capitale et son successeur connaîtra une fin tragique. Il fut assassiné lors d’une manifestation patriotique alors que le conflit avec la Colombie pour la zone frontalière de Leticia34 faisait grand bruit dans la capitale. L’ennemi politique d’hier pouvait, dans une édition extraordinaire, rendre un hommage appuyé au général-président défunt :

El asesinato del general Sánchez Cerro
Vals,
Música de la Despedida de Abarca

El General Sánchez Cerro
Del Hipódromo al salir
Fue vilmente asesinado
Sin podérsele impedir.
Pues un hombre q’esperaba
En la puerta al general,
ahí lo hiere mortalmente
Disparando su revólver
Con destreza sin igual.

Este crimen alevoso
En todita la Nación
Ha encontrado la más franca
Protesta y condenación
Y por eso ante los restos
Han llegado a desfilar
Varios miles de personas
Que han querido este homenaje
Póstumo manifestar. (…)

Conclusion

  • 35  « Nos espera nuestro cochero/frente a la iglesia mayor,/y a trotecito lento recorremos el paseo,/t (...)

25Ces quelques exemples et analyses ne donnent à voir qu’une partie très sommaire de l’importance de la chanson dans ce début du XXe siècle péruvien, liménien en particulier. Mais ils permettent de saisir certaines de ses fonctions dans un contexte social très agité qui nous éloigne fort des charmes supposés de la célèbre Ciudad de los Reyes chantés par des artistes des années cinquante cités plus haut. Ce faisant, nous oublions le puente et la alameda  et les belles aristocrates aux œillades qui ensorcellent. La langueur et la tranquillité de la ville évoquée par Amarraditos célèbre vals repris par de très nombreux artistes35 disparaît aussi et avec elle la « extraviada nostalgia » dont parlait avec un humour acerbe Sebastián Salazar Bondy. C’est sans doute une autre mémoire de la ville qui peut être évoquée, une autre société avec ses rapports conflictuels. Le discours et les messages que diffusent ces chansons sont sans doute plus durs, moins romantiques, nostalgiques ou poétiques, mais aussi sans doute un peu plus proches de la réalité et du quotidien des habitants de la capitale en ce début de XXe siècle.

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Notes

1  Schaeffer, Pierre. Traité des objets musicaux, Paris : éd. du Seuil, 1966.

2  Ce rejet ne semble pas s’appliquer avec la même force aux populations noires de la capitale.

3  Salazar Bondy, Sebastián. Lima la horrible. Concepción : Ed. universitaria, 2002, p. 58

4  Piel, Jean. Crise agraire et conscience créole au Pérou. Paris : CNRS, 1982, p. 44

5  Que fue otrora la perla del Pacífico

6  Il va sans dire que ce processus ne concerne pas que les populations de la sierra et que toutes les régions du Pérou, selva comprise, alimentent le flot migratoire.

7  La présence de la musique de la sierra est le résultat d’un processus assez long sur lequel ont pesé les normes des secteurs criollos de la capitale. Eve-Marie Fell met clairement en évidence le processus de renversement qui se produit dans le domaine des représentations culturelles et de la musique. FELL, Eve-Marie.« Du folklore rural au folklore commercial : une expérience dirigiste au Pérou. » C.M.H.L.B. Caravelle, 48, 1987, p. 59-68.

8  Ce fut notamment le cas sous le oncenio de A.B. Leguía qui en 1928 remit au goût du jour le festival d’Amancaes, en invitant notamment plusieurs groupes de musiciens et de danseurs de la sierra.

9  Le terme de « canción criolla » a des contours assez flous. Il comprend des genres musicaux propres de la côte péruvienne au premier rang desquels figurent le vals et la marinera ; le festejo, la polka moins diffusés font aussi partie de ce groupe. Mais la migration andine a contribué aussi à faire bouger les marges dans les groupes de la côte et, progressivement, des genres identifiés aux secteurs noirs ont intégré le panthéon criollo.

10  J.A. Llorens Amico. La música popular en Lima : criollos y andinos. Lima : I.E.P., 1983.

11  Voir à ce propos l’excellent article de Christian Giudicelli. « L’air et la chanson » in Gérard Borras (dir) Musiques et sociétés en Amérique latine. Rennes : PUR, 2000.

12  Sur l’importance de cette pensée et de Riva Agüero, son plus célèbre représentant, voir l’article de Miguel Giusti, « Identidad y realidad de la nación peruana ». El debate de comienzos del siglo XX, p. 679-694 in Francisco Colom González.Relatos de nación. La construcción de las identidades nacionales en el mundo hispano. Madrid : Iberoamericana, 2005.

13  Si cette thématique est commune à tous les pays de langue espagnole, il faut avouer que des variantes sont possibles dans le traitement de « la traîtresse ». Comme le remarquait Steve Stein, sur ce thème, le tango, la ranchera et le vals offrent des différences de traitement sensibles. Dans le vals liménien on est surpris de la haine que les chansons distillent à l’égard des infidèles. Cf. Steve Stein, « El vals criollo y los valores de la clase trabajadora en la Lima de comienzos del sigloXX. » Socialismo y participación. Mars 1982, n° 17. pp. 43-49.

14  Sur un corpus de 70 chansons de l’époque de la Guardia Vieja, 39 sont composées en octosyllabes, 7 en heptasyllabes, 11 en décasyllabes, 9 en endécasyllabes et 3 seulement en alejandrinos.

15  La première radio péruvienne (OAX) est fondée par la Peruvian Broardcasting Company en 1924, mais l’essor réel de la radio ne sera effectif qu’une dizaine d’années plus tard.

16  El Cancionero de Lima, n° 99.

17  El Cancionero de Lima, n° 349.

18  Idem.

19  Pour une présentation détaillée des chansons voir BORRAS Gérard. Chansonniers de Lima. Le vals et la chanson criolla (1900-1936). Rennes : PUR, 2009.

20  Sulmont, Denis. El movimiento obrero peruano(1900-1956). Lima : PUCP, 1975.-Portocarrero, Ricardo. El trabajo infantil. Lima : IFEJANT, 1998.- Espinozo Reluce, Gonzalo, La Lira rebelde proletaria. Lima : Tarea, 1984.

21  Composition extraite du Cancionero escondido publié par Edmundo Lévano. Nous sommes en présence d’un document regroupant des textes de chansons et des partitions qui constituent le répertoire du Centro Musical Obrero de Lima, dont l’existence fut très brève (1922-1924). Victimes de la répression policière du régime de Leguía, plusieurs membres furent arretés emprisonnés, torturés, et le Centro Musical dut cesser ses activités. Malgré un corpus relativement modeste, (9 textes et 35 partitions) il permet une remarquable plongée dans l’univers des chansons et des musiques qui pouvaient animer les fêtes et les événements marquants du monde ouvrier liménien en ce début de siècle. Cf. Lévano La Rosa, Edmundo. Un cancionero escondido. Historia y música del centro Musical obrero de Lima : 1922-1924. Lima : Biblioteca Nacional- PUCP, 1998.

22  El Cancionero de Lima, n° 373, cela correspond approximativement au début de l’année 1921.

23  Malheureusement nous n’avons aucune indication sur la musique qui accompagne le texte et qui elle aussi peut construire la tonalité humoristique du morceau.

24  Scott, James. Domination and the arts of resistance. Hidden Transcript. New Haven : Yale University Press, 1990.

25  Ce chansonnier commence à paraître en 1929. Son directeur Pedro A. Casanova a dû penser très tôt aux caractéristiques permettant de se différencier de son concurrent direct. Il avait exactement le même format (environ 17x21), le même prix (5 centavos), mais offrait 12 pages soit 50 % de plus que le Cancionero. Il est certain que l’impact de la diffusion du disque avec l’arrivée massive du fox-trot puis du tango, l’essor de la radio modifient de façon sensible l’univers sonore d’une ville qui s’est considérablement diversifiée. La création d’un nouvel hebdomadaire chansonnier pouvait satisfaire des attentes en étant l’écho direct de ces nouveautés. Autre point sans doute non négligeable, les orientations politiques de El cancionero de Lima, farouchement pro-APRA, pouvait rallier une clientèle farouchement anti-APRA au bénéfice de La lira limeña.

26 El Cancionero de Lima, sans numéro, mais sans aucun doute de la série 300.

27  El Cancionero de Lima, n° 359.

28  El Cancionero de Lima, n° 339.

29  Idem.

30  Après l’exécution de plusieurs militaires par des militants apristes, l’armée fit de terribles représailles. Dans le manifeste de V. R. Haya de la Torre en date du 12 novembre 1933 on peut lire : « A las inmolaciones del peñón siniestro (San Lorenzo) se suman más de cuatro mil caídos en la gloriosa tierra de La Libertad ».
J. Basadre fait le commentaire suivant : « A esto se agregaron los centenares o miles de ejecuciones sin proceso. Pareció que predominaba la política no sólo de castigo o represalia sino con miras al exterminio del adversario que, al fin y al cabo, también era peruano. » BASADRE Jorge. Historia de la República del Perú (1822-1933). Lima : Editorial Universitaria, 1968, Tome XIV, p. 238.

31  Vers d’un acrostiche dédié au chef du parti apriste publié dans le numéro 967 du Cancionero de Lima.

32  En 1926 sont constituées les premières sections apristes. En 1930, l’Apra devient parti politique. En 1931, Haya est de retour au Pérou et prépare les élections du mois d’octobre. Le 23 Août, il réunit des milliers de partisans à la Plaza de Acho. En février 1932, alors en clandestinité il rend public son manifeste à la nation ; il est arrêté en mai 1932.

33  La Lira Limeña, n° 110.

34  Ce conflit (1932-1933) généra de nombreuses compositions musicales et des chansons. D’intensité mineure il fut rapidement réglé par la négociation après la mort de Sánchez Cerro.

35  « Nos espera nuestro cochero/frente a la iglesia mayor,/y a trotecito lento recorremos el paseo,/tú saludas tocando el ala/de tu sombrero mejor,/y yo agito con donaire mi pañuelo ». Un exemple incroyable de cet enregistrement du duo Silvia Pinal et Enrique Guzman disponible sur You tube : http://www.youtube.com/watch?v=9aS-wdP_xOc

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Pour citer cet article

Référence électronique

Gérard Borras, « La musique, l’espace urbain et les enjeux de la mémoire »Amerika [En ligne], 1 | 2010, mis en ligne le 24 février 2010, consulté le 18 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/amerika/623 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/amerika.623

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Auteur

Gérard Borras

Professeur d’études latinoaméricaines, LIRA/EA Erimit

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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