Gabriel García Márquez, Je ne suis pas ici pour faire un discours
Gabriel García Márquez, Je ne suis pas ici pour faire un discours, Paris, Grasset, 2012.
Texte intégral
1Éminent écrivain colombien et en outre lauréat du Prix Nobel de littérature en 1982, Gabriel García Márquez (1927-2014) a connu une notoriété méritée. Son dernier livre à être publié de son vivant, composé uniquement de discours de circonstance prononcés entre 1944 et 2007, résulte précisément de cette notoriété enviable, et j’emploie ce mot sciemment, au lieu de célébrité ou de popularité. Durant soixante ans, on a consulté Gabriel García Márquez, on lui demandait son opinion, on voulait entendre ses idées, on écoutait sa pensée et l’on adhérait à ses critiques : c’est précisément le statut tant envié et si souvent imité de l’écrivain accompli qui a atteint une notoriété dépassant le domaine de la littérature. Pour illustrer l’ampleur de ce statut de sage, Gabriel García Márquez raconte ce témoignage éloquent venant d’un pair qu’il ne nomme pas (mais on pourrait penser à Umberto Eco) : « Un Prix Nobel de littérature assure avoir reçu, cette année, deux mille invitations à des congrès d’écrivains, festivals artistiques, colloques, séminaires de toute sorte » (p. 41).
2Les thèmes abordés dans Je ne suis pas ici pour faire un discours sont variés : l’écriture, l’imaginaire, la poésie, mais aussi l’amitié, la patrie et la folie des hommes. Chaque anecdote devient avec García Márquez l’occasion d’une petite histoire, peut-être l’embryon d’un épisode d’une œuvre à venir. Ce sont précisément les traits d’esprit — si nombreux — de García Márquez qui donnent toute sa valeur à ce livre. Voulant louanger sa patrie, il déclare avec audace : « Nous entrons dans l’ère de l’Amérique latine, premier producteur mondial d’imagination créatrice, la matière première la plus riche et la plus nécessaire du monde nouveau… » (p. 73). Étant lui-même romancier, Gabriel García Márquez a aussi une prédilection pour les raconteurs : il mentionne avec admiration l’écrivain argentin Julio Cortázar qui faisait preuve d’un inimitable art de raconter (p. 100).
3Plus sérieusement, on peut aussi lire les deux discours recherchés du romancier prononcés à Stockholm lors de l’obtention du Prix Nobel de littérature, en 1982 (« La solitude de l’Amérique latine », p. 25). Il explique d’ailleurs la clé de son œuvre : l’opposition entre le réel et l’imaginaire, arguant que ce n’est pas l’imagination, mais bien au contraire « l’insuffisance de moyens conventionnels capables de rendre notre existence crédible » qui était à l’origine de Cent ans de solitude (p. 31). Avec la modestie des grands hommes, le francophile García Márquez évoquera le discours d’un autre Prix Nobel de littérature, Saint-John Perse (p. 76). Ailleurs, l’auteur de Cent ans de solitude s’attriste en constatant que les étudiants ne cherchent plus à s’instruire mais plutôt à s’élever socialement : « L’objectif principal de la vie professionnelle est d’avoir un statut social élevé », déplore-t-il en citant un professeur d’université (p. 132).
4La traduction de l’espagnol (de la Colombie) faite par Annie Morvan est fluide et recherchée. On lira ces discours brefs comme de petits compléments à l’œuvre du grand Gabriel García Márquez.
Pour citer cet article
Référence électronique
Yves Laberge, « Gabriel García Márquez, Je ne suis pas ici pour faire un discours », Amerika [En ligne], 12 | 2015, mis en ligne le 29 mai 2015, consulté le 06 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/amerika/6076 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/amerika.6076
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