Alexander Herrera Wassilowsky, La recuperación de tecnologías indígenas. Arqueología, tecnología y desarrollo en los Andes
Alexander Herrera Wassilowsky, La recuperación de tecnologías indígenas. Arqueología, tecnología y desarrollo en los Andes, Bogotá, Ediciones Uniandes, 2011.
Texte intégral
1"Este libro nace de la preocupación por impulsar una arqueología que responda a los urgentes retos sociales y ecológicos del presente", indique l'auteur dès la première phrase qui situe, d'emblée, la perspective dans laquelle s'inscrit son ouvrage : un dialogue entre le passé et le présent. Il s'agit effectivement pour l'archéologue péruvien Alexander Herrera Wassilowsky de considérer l'archéologie comme un outils pouvant participer activement à la réintroduction des techniques agricoles traditionnelles andines, héritées du passé préhispanique, comme une alternative à la technologie moderne. À partir d'un inventaire détaillé du patrimoine technique andin dans les domaines de l'agriculture, l'élevage, et la sylviculture, et analysant des exemples ponctuels en Équateur, en Bolivie, au Pérou et en Argentine, il montre comment les pratiques et savoirs agricoles anciens constituent des stratégies de gestion et d'exploitation de l'environnement souvent plus efficaces que les initiatives de l'ingénierie actuelle.
2L'ouvrage s'organise en quatre chapitres. Le premier, Arqueología, tecnología y desarrollo se présente comme un cadre théorique dans lequel l'auteur s'attache à examiner les notions de développement et de technologie. Il relève tout d'abord le problème de théorisation de l'idée de développement qui, assimilée à celle d'évolution technologique et sous l'influence de la pensée occidentale, continue à évaluer la réussite des sociétés et à les hiérarchiser à partir de leurs progrès techniques. Cette définition du développement, qu'il considère comme une extension actuelle de la logique coloniale, partirait d'une vision standardisée de la technologie fondée sur la cosmología de la máquina : elle opposerait les technologies "civilisées" aux technologies "primitives". L'auteur propose ensuite de redéfinir le concept de technologie en revoyant notamment les traditionnelles séparations entre sapiens et faber -savoir et faire-, ainsi que technologie et société.
3Partant de l'exemple des communautés andines, il montre comment la technologie n'implique pas uniquement un outils et une application sur un terrain donné : il s'agit d'une globalité, d'un réseau dans lequel les pratiques techniques, les relations sociales, les groupes humains, les plantes, les animaux, l'environnement, l'histoire et la cosmovision sont intrinsèquement liés. Sa réflexion théorique l'amène à analyser le développement des communautés andines dans le contexte économique capitaliste, où l'économie de marché et l'agriculture industrialisée constituent la priorité, et la façon dont il affecte les communautés agricoles qui ont adopté des technologies étrangères suite à l'abandon des pratiques techniques autochtones. Selon l'auteur, il faut attribuer l'échec de ces nouvelles stratégies de production à l'incompatibilité de la modernité technologique avec les réalités de l'environnement naturel ainsi qu'à l'inadéquation entre les savoirs que la modernité véhicule et les connaissances indiennes, immergées dans des formes d'organisation sociale en opposition totale avec la vision occidentale du mercantilisme. Il propose alors de produire une ingénierie moderne qui réutiliserait les technologies anciennes : présentant des avantages en matière de productivité et répondant aux réalités naturelles, elles constitueraient un développement endogène qui permettrait aux communautés marginalisées de continuer à vivre de leurs pratiques agricoles traditionnelles.
4Les trois chapitres suivants (Las tecnologías agrícolas andinas, Las tecnologías del pastoreo andino, Las tecnologías agroforestales andinas) sont consacrés à l'étude des technologies agraires andines dans leur détail. Dans chaque chapitre Alexander Herrera Wassilowsky propose une description de l'histoire du développement de ces pratiques agricoles depuis l'époque préhispanique, où sont mis en évidence la sophistication des techniques élaborées (champs surélevés, terrasses de culture, canaux et tranchées d'irrigation, exploitations réservoirs naturels d'eau, barrages) et les efforts déployés par les sociétés au fil du temps pour capturer l'énergie de leur environnement.
5Il analyse également les causes d'abandon de certaines techniques aujourd'hui, liées aux difficultés d'entretien des infrastructures agricoles -qui repose sur le travail collectif- provoquées par la désarticulation des communautés paysannes frappées par la croissante migration de la population rurale vers les villes. Il souligne toutefois que l'élevage constitue un des rares systèmes agricoles à ne pas avoir été menacé par la modernisation technologique; constituant le cœur de l'économie agricole des Andes depuis le début de la domestication, l'élevage traditionnel de camélidés (lamas, alpagas) et les activités qui lui sont liées -notamment le tissage- ont été maintenus sans trop de difficultés, permettant aux communautés de conserver leurs traditions. À l'inverse, la réduction de la couverture forestière dans la région andine depuis le XVIème siècle, due à la constante progression des besoins en charbon, a profondément altéré les techniques traditionnelles d'optimisation des sols et des sous-sols par la plantation d'arbres (permettant la régulation des pluies, l'alimentation des nappes phréatiques, la gestion de l'érosion des sols, la création d'agro-climats pour les cultures en jardins) et les pratiques agricoles liées à ce type de milieu (production de fruits, plantes médicinales, aromatiques, fourragères).
6Enfin, l'auteur examine, dans chacun de ces chapitres, les succès et les échecs des tentatives de récupération et de réintroduction des pratiques agricoles traditionnelles. Il constate notamment les résultats insatisfaisants de cas de construction de presas, represas et jagüeyes modernes qui, en élaborés à partir des techniques de l'ingénierie actuelle, ont rapidement montré des problèmes d'infiltrations ou au contraire d'assèchement. D'un autre côté, il observe les efforts du gouvernement péruvien pour le développement de l'élevage de camélidés, destinés à intensifier la production à des fins mercantiles pour maintenir le pays comme premier producteur de laine d'alpaca. Enfin, concernant la gestion des forêts andines, l'auteur regrette l'absence de programmes de reboisement qui pourraient contribuer à la conservation de la biodiversité et au ralentissement du réchauffement climatique, conséquences écologiques de l'exploitation intensive devenue incontrôlable.
7Dans cet ouvrage, qui réunit une information dense issue d'un important travail d'inventaire, Alexander Herrera Wassilowsky parvient à faire dialoguer différentes disciplines telles que l'archéologie, l'anthropologie, l'étude des sciences et des technologies et propose d'intéressantes pistes de réflexion pour construire de nouveaux schémas de développement inspirés des savoirs ancestraux andins.
Pour citer cet article
Référence électronique
Chloé Tessier, « Alexander Herrera Wassilowsky, La recuperación de tecnologías indígenas. Arqueología, tecnología y desarrollo en los Andes », Amerika [En ligne], 10 | 2014, mis en ligne le 28 juin 2014, consulté le 03 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/amerika/4918 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/amerika.4918
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