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Comptes-rendus
Sciences sociales

Roco Carbone et Lorena Soler (dir.), Franquismo en Paraguay : El Golpe

Buenos Aires, Editorial el 8vo.loco, 2012
Rubén Torres Martínez
Référence(s) :

Roco Carbone et Lorena (dir.), Franquismo en Paraguay : El Golpe, Buenos Aires, el 8vo.loco, 2012

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Géographique :

Paraguay
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Texte intégral

1Le livre est divisé en 4 parties (1. El Golpe ; 2. Actores ; 3.Ideología y cultura ; 4. Contextos) et une grande présentation. Cette structuration permet une lecture rapide et simple pour le lecteur qui ne connaît pas forcément au détail l’histoire du Paraguay. La présentation est elle-même divisée en 4 sous-parties où s’explique la nécessité, urgente, de faire sortir un livre qui touche un événement assez récent ; l’accusation, le libellé (el libélo) qui a été employé pour destituer le président Lugo sont également présentés.

2Lorena Soler démarre l’introduction du livre avec Lugo : el palacio y la plaza, où elle argumente pourquoi la force du président Lugo, le soutien du peuple, n’a pas suffi pour éviter le coup d’État. Le manque d’une consolidation idéologique progressiste dans un pays comme le Paraguay se trouve au cœur de l’argumentation de Soler. D’après l’auteur, le 22 juin 2012 a mis en lumière une société paraguayenne qui continue à évoluer à deux vitesses. Waldo Ansalni, de son côté, présente Breve panorama histórico. Autoritarismo y soja, una combinación letal ; l’auteur y fait un état des lieux de l’histoire du pays, depuis la guerre de la triple alliance et jusqu’à la toujours inachevée réforme agraire. Ansalni souligne fortement le poids de l’industrie du soja dans un gouvernement incohérent idéologiquement où président (Lugo) et vice-président (Franco) allaient dans des directions contraires et opposées.

3La partie 1  El Golpe se compose de trois articles, le premier de Milda Rivarola La recisión del contrato social, explique depuis une réflexion philosophique et juridique comment le coup d’État a fini par « briser tout le tissu du contrat social » (p. 43) ; en l’employant le même discours manichéen et nationaliste qui a dominé le Paraguay depuis la guerre de la triple alliance et qui continue à être « prioritaire » pour les intérêts du pays.

4De son côté, José Carlos Rodríguez dans Los motivos del lobo. O el Golpe parlamentario, fait appel à la fable populaire Le paysan et le loup et au poème de Rubén Darío Los motivos del lobo, en même temps. L’auteur fait une analogie entre le loup et les congressistes paraguayens qui, avec la complicité de quatre puissants secteurs (les medias, l’Église catholique, les États-Unis et les entrepreneurs latifundistes) ont orchestré le coup d’État. Cet événement renvoie le Paraguay vers un « nouvel obscurantisme » (p. 49) dans un pays avec une longue tradition de putsch, et où - avant le 22 juin 2012 il y a eu « seulement » 23 menaces de coups d’état contre le président Lugo - l’arrivée du putsch semblait plutôt attendue. Cependant l’auteur explique aussi comment les acteurs complices du coup d’état, emploient et exploitent un discours populiste anti-Lugo, anti-MercoSur, mais surtout anti-Venezuela, à savoir anti-Chávez. Un discours extrêmement raciste et chauviniste qui continue à empêcher la construction et le développement d’une culture démocratique.

5Rossana Gómez conclut cette partie avec La construcción de la democracia como relato nacional. A propósito del Golpe parlamentario, où l’auteur fait appel à l’analyse discursive pour expliquer pourquoi le coup d’état est légal mais jamais légitime. L’enjeu du monopole du discours « institutionnel », dans le cas des sociétés comme la paraguayenne, est renouvelé pour justifier tout type de magouilles au nom du « droit et de la démocratie » (p. 62).

6La partie 2 Actores, démarre avec Rocco Carbone et Franquismo (que no franquesa). L’auteur attire l’attention sur le fait que le coup d’état contre Lugo n’est pas un cas isolé dans la région mais bien au contraire, il s’inscrit dans la même logique et ligne de continuité du Venezuela en 2002, du Honduras en 2009, de l’Équateur en 2010 et de la Bolivie en 2010. Dans ces contextes, les armées, les medias, l’Église catholique et les oligarchies n’ont pas hésité à mettre tous leurs moyens en jeu pour sauvegarder leurs privilèges économiques et politiques. L’exemple des lois promouvant les droits des femmes (l’avortement), et les droits des homosexuels (le mariage gay), garde donc une place primordiale dans la façon de montrer comment une société évolue. Néanmoins dans un pays où la démocratie est vécue depuis le canapé et face à la télévision, ce sont les medias qui continueront à manipuler et orchestrer les actions du gouvernement en place. Carbonne finit avec optimisme en montrant, malgré le coup d’état, les avancements sociaux réalisés, même si lui-même reconnaît qu’il manque encore beaucoup à faire.

7Ricardo Canese dans l’article Las causas de la destrucción del Estado de derecho, n’hésite pas à donner nom et prénom aux putschistes : trois entreprises transnationales, « Monsanto, Cargil et Río Tinto Alcan » (p. 79). Les trois groupes auraient été touchés, au niveau des impôts, par les amendements de loi envisagés par le président Lugo. Mais l’auteur va encore plus loin et explique comment le coup s’inscrit dans une logique de déstabilisation de toute la région et plus spécifiquement des gouvernements progressistes de gauche. Pour Canese, le risque se trouve dans le sens où le coup d’état se dirige vers une restauration du Stroesnnisme sans Stroesnner mais avec les trois groupes nommés.

8Pour finir cette deuxième partie, Ticio Escobar dans Los golpes. Algunas consideraciones sobre la reciente ruptura del orden democrático, explique que la caractéristique qui a permis le coup d’état est « le manque d’un jeu de positions hégémoniques/contre-hégémoniques, dans le sens gramscien » (p. 86) et cela a mené à une alliance contradictoire entre deux ennemis historiques : colorados y liberales. Le grand perdant avec cette alliance est donc Lugo, qui s’est trouvé coincé entre les conquêtes sociales et les intérêts transnationaux. Cela explique aussi l’émergence de disqualifications entre les deux camps, mais à la fin « le coup d’état n’a pas dépendu des lettres mais du nombre » (p. 90), pour expliquer l’isolement du président face au congrès. Cependant, Escobar considère que la vraie résistance au coup d’état devra forcément passer par le monde des lettres et de la culture, à savoir la créativité et le sens social.

9La partie 3 Ideologie y cultura, est divisée en 4 sous parties. D’abord Ana Inés Couchonnal Cancio, dans son article El presente del pasado. Apuntes para un porvenir político, parle d’une erreur d’origine pour la Constitution paraguayenne de 1992, qui en essayant d’en finir avec la tentation dictatoriale, a donné très peu de pouvoir au président et excessivement au congrès. Pour Couchonnal Cancio le congrès est devenu un outil « fonctionnel » pour faire réussir « démocratiquement » le coup d’état, et ainsi devenir une espèce de serveur des autres intérêts étrangers et externes. Ces derniers n’hésiteront pas à faire monter une stratégie de terreur par le moyen de la télévision avec un ancrage idéologique qui fait appel, une fois encore, au discours nationaliste et chauviniste « un petit pays avec un peuple géant » (p. 99), une idéologie au service des grands intérêts transnationaux.

10Ignacio Telesca avec Golpe o no golpe. ¿Es ésa la cuestión ?, lance la question qui dérange : « On est face à un coup d’état ou non ? » (p. 105). Une telle question, largement discutée par des juristes, politiques, sociologues, etc., continue à faire du bruit parmi la population paraguayenne. Cependant l’auteur observe et montre nettement comment la question amène forcément aux discours de la dictature de Stroesnner : l’emploi de l’histoire comme scénario pour récréer une histoire déjà vue. « Ce n’est pas l’histoire qui intéresse mais son usage comme mythe de guerre. Rien ne s’est passé entre 1870 et 2012 » (p. 108). C’est-à-dire une histoire vide qui sert comme fondement idéologique pour légitimer, face à la population, le coup d’état mais en même temps le nier. La dictature est donc toujours là.

11Gerardo Halpen présente ABC de un golpe, où il affirme que l’emploi de l’histoire a toujours servi à développer et renforcer de nombreux préjugés et de stéréotypes dans une société qui n’arrive pas à se connaître, donc à se comprendre elle-même. Cela provoque une immobilité sociale qui se rend très visible dans la morale publique très conservatrice. Cela explique aussi la facilité, et surtout la vitesse, avec laquelle le coup d’état a eu lieu. « Tout le malheur du Paraguay est dû à l’Argentine, au Brésil et aux légionnaires d’aujourd’hui » (p. 116). Cette dernière notation résume assez bien l’analyse développée par Halpen qui conclut que le Paraguay s’isolera une fois de plus car cela est le plus rentable pour l’oligarchie qui domine le pays.

12De son côté, Ricardo Aronskind, dans Paraguay o la « democracia » que nos proponen, fait un état des lieux assez critique du discours moral et conservateur des États-Unis à propos de la « démocratie ». Ainsi l’auteur montre comment le coup d’état peut être interprété d’une et mille formes, mais aussi comment la « démocratie » de Lugo n’entrait pas dans le canevas imposé depuis Washington pour la région du cône sud. Aronskind signale avec simplicité et fermeté les « secteurs du recul de l’Amérique Latine » (p. 125), qui ne partagent pas, eux non plus, la démocratie des pays tels que le Venezuela, la Bolivie, l’Équateur, l’Argentine et le Brésil. Cependant, pour l’auteur, le problème de fond est la conception de la « démocratie » dans le sens politique mais surtout dans le sens économique. Le bloc économique du nord (États-Unis, Canada, Mexique) a peur de la concurrence économique que peut signifier le MercoSur, ainsi, et au nom de la « démocratie », il fallait couper par le maillon le plus faible, à savoir le Paraguay.

13La partie 4 Contextos, ferme la réflexion partagée de ce livre avec deux articles. Le premier d’Emir Sader, Paraguay el eslabón más débil del Mercosur, explique comment le Paraguay est toujours le maillon le plus faible de la région à cause de la dictature de Stroessner, mais aussi du fait du retard économique et de l’énorme injustice sociale qui provoque l’existence d’une société paraguayenne à deux vitesses.

14Martín Rodríguez, avec Impresiones porteñas, parle d’un témoignage de la situation du Paraguay vue depuis le reste des pays du cône sud. Contrairement à la croyance populaire, le Paraguay a une histoire, et elle est très riche et malheureusement visible à cause du retard par rapport à ses voisins. Le Paraguay continue à être le pays des caudillos, le pays d’un seul homme. Ainsi tout est alimenté depuis la mythologie officielle paraguayenne. « Mythe non collectif : chaque paraguayen est un. Il est un qui concentre tout le Paraguay. Ainsi il fonctionne : individualiste » (p. 136). Avec cette logique, le Paraguay a su s’auto-exclure et s’éloigner du reste de ses voisins.

15Une bibliographie basique mais bien fournie d’une quarantaine d’ouvrages, ainsi que la présentation des collaborateurs ferment le livre. Édité à la fin 2012, sorti rapidement en Argentine, le livre reste un témoignage frais du coup d’état du 22 juin 2012 au Paraguay. Les analystes participants se trouvent dans le domaine du droit, de la politique, de la sociologie, de l’histoire, de la psychologie, de la littérature et du journalisme, et cela explique la richesse de l’œuvre en présentant l’événement de façon simple mais profonde, bien que parfois il semble être réitératif. Le titre Franquismo en Paraguay : El Golpe, joue aussi avec l’histoire hispanique et pourtant invite à la lecture et la réflexion dans une perspective panoramique et globale. Un livre de facile assimilation et indispensable à lire pour toutes les personnes qui s’intéressent non seulement au Paraguay mais aussi à la région latino-américaine.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Rubén Torres Martínez, « Roco Carbone et Lorena Soler (dir.), Franquismo en Paraguay : El Golpe  »Amerika [En ligne], 8 | 2013, mis en ligne le 07 juin 2013, consulté le 03 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/amerika/3784 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/amerika.3784

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Auteur

Rubén Torres Martínez

CHERPA-Ssciences Po Aix et CAER-AMU Université de Aix Marseille

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