- 1 En 2010, 33,6% des jeunes entre 15 et 19 ans affirment avoir déjà eu des relations sexuelles, soit (...)
1Quand on cherche la liaison entre les notions de sexualité et jeunesse, les idées qui nous viennent la plupart du temps – au moins dans le cas du Mexique –, ce sont les conduites à risque, le besoin d’augmenter le nombre de campagnes de prévention, le besoin de protéger les adolescents des dangers du monde. Rarement, nous admettons qu’une bonne partie des jeunes entre quinze et dix-huit ans ont une sexualité déjà éveillée1 et bouillonnante de questionnements. Les lycéens s’interrogent beaucoup sur les aspects psychologiques et interactionnels de la sexualité. Ils se posent des questions sur leur corps et le corps des autres, ils sont curieux de savoir si les autres ont leurs mêmes inquiétudes, comment faire pour approcher l’autre sexe…
- 2 Il s’agit de la recherche que j’ai menée dans le cadre du master que j’ai fait au sein du Départem (...)
2La recherche sur laquelle j’ai construit cet article n’avait pas comme objectif central l’analyse de la sexualité. Il s’agissait de documenter les sujets de conversation plus abordés par les jeunes quand ils étaient au lycée et comment ils articulaient leurs obligations en tant qu’élèves tout en affichant au sein de l’établissement leurs intérêts comme jeunes gens, tels la musique, la télévision, les sports, la sexualité, entre autres2 (Avalos, 2007, 2012). Vu que l’approche utilisée m’a donné un accès inédit aux conversations des lycéens telles qu’elles se passaient, j’ai profité de la richesse des données pour dévoiler les inquiétudes et les thématiques liées à la sexualité qu’un groupe d’amis discutait pendant la journée scolaire.
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- 4 Dans le système éducatif mexicain, les programmes d’Espagnol au lycée abordent surtout de contenus (...)
3L’enquête de terrain, de type ethnographique, s’est déroulée à Mexico pendant quatre mois, dans l’établissement sud du Colegio de Ciencias y Humanidades (CCH), un lycée public sous l’administration de l’Universidad Nacional Autónoma de México (UNAM)3. Trois jours par semaine j’assistais aux cours d’espagnol4 et de biologie dans une classe de première. Cette classe comptait environ quarante élèves entre 16 et 18 ans. J’ai eu la possibilité de m’introduire comme pseudo-élève grâce à une connaissance qui m’a mis en contact avec la professeure d’espagnol de cette classe, mais l’objectif de ma présence au lycée restait vague pour les élèves.
4Pendant le temps passé au lycée, j’ai essayé d’entrer en contact avec la plupart des élèves de la classe. Pourtant, le rapport le mieux achevé que j’ai eu, c’était avec un petit groupe de six lycéennes qui s’auto-nommaient « les Poneys ». Ce surnom a été choisi en raison d’une discussion sur le mot qu’on utilise en anglais et en français pour désigner cet animal, le poney. Après, chaque fille avait ajouté sa couleur préférée – en anglais – pour se différencier entre elles. Les filles s’appelaient Fernanda, Haydé, Laura, Marlene, Claudia, et Katherine. Deux garçons passaient beaucoup de temps avec elles : Octavio et Armando. Avec Octavio, j’ai réussi à lier une relation indépendante des Poneys, tandis qu’avec Armando, toutes nos interactions se sont passées quand les Poneys étaient présentes.
5Les registres d’observation obtenus ont été construits à partir des souvenirs et des réminiscences que je gardais dans ma mémoire le plus vivement possible, jusqu’au moment de la journée où, tranquillement, je transcrivais tous les événements qui s’étaient produits pendant le temps passé avec les lycéens. Il ne s’agit pas donc de conversations avec les mots « exacts » qui ont été utilisés par les intervenants. Cependant, dans l’intérêt de préserver « la textualité de ce qui est dit » (Rockwell, 1987: 9), les comptes rendus conservent les expressions que les Poneys et leur groupe d’amis emploient quotidiennement, et ils essaient de recréer fidèlement l’ensemble de leurs interactions.
6Les sujets de conversation dont je peux rendre compte sont ceux que les Poneys et leurs amis ont abordés spontanément en ma présence, aussi bien dans les salles de classe quand il y avait cours que dans d’autres espaces comme les jardins ou les couloirs du lycée. On peut dire que les thèmes auxquels j’ai eu accès montrent la curiosité et les inquiétudes naturelles des lycéens. La sexualité apparaissait comme l’une des thématiques les plus abordées par les lycéens, mais elle n’était pas la seule. Le groupe d’amis avec qui j’étais la plupart du temps s’intéressait aussi à la musique, la télévision, l’amour, les possibilités de détente et divertissement, l’utilisation de l’alcool et des drogues ; plus timidement à l’école, la famille et la politique.
7On peut certainement se demander comment il était possible pour les élèves d’aborder tous ces thèmes sur la vie quotidienne dans un contexte et pendant une période de temps où, théoriquement, ils sont censés recevoir une formation et accomplir un certain nombre d’activités scolaires. Les jeunes que j’ai observés ne manquaient pas à leur devoir comme élèves. Ils assuraient toutes les activités scolaires et restaient très attentifs à maintenir leurs moyennes à un niveau « acceptable » pour ne pas se faire des soucis. En tout cas, les moments propices aux longues conversations ne se présentaient pas tout le temps ni dans tous les cours.
8Par ses caractéristiques, l’Atelier de Lecture et Rédaction donnait d’énormes possibilités pour discuter longuement. Le travail en classe se faisait généralement en petits groupes, et, la plupart des fois, il s’agissait de répondre à des questions sur un livre de littérature latino-américaine. Comme la professeure donnait les deux heures du cours pour le faire, les élèves profitaient pour s’occuper, en plus de l’activité demandée, de finir leurs devoirs pour d’autres matières et, très souvent, pour dialoguer entre eux. Ce qui n’était pas du tout le cas quand on allait en cours de biologie.
9Les conversations surgissaient, pour la plupart, de façon fortuite, suite peut-être à une cogitation intense de la part de celui ou celle qui lançait la discussion, ou à partir d’un événement survenu récemment. L’initiateur de la conversation n’était pas le même tout le temps, et il ne s’agissait pas de discussions où deux ou trois monopolisaient toujours la parole, mais de vrais échanges sur des sujets dans lesquels tout le monde avait un avis.
10L’extrait d’un compte rendu permettra de mieux comprendre la logique des conversations :
Armando nous décrit ce qui s’est passé dans son dernier match de foot. Fernanda lui dit qu’elle a bien aimé sa façon de stopper la balle.
Armando : oui, mais je l’ai stoppée avec mes couilles ! (Tout le monde rit).
Un camarade : oui, et après ça ta voix a changé. (Les rires continuent).
Armando : j’ai juste dit « tout va bien, tout va bien, continuez » (il fait la grimace comme s’il venait de recevoir la balle).
Octavio me raconte qu’il n’aime plus le foot, mais le football américain, il fait partie d’une équipe à l’UNAM. Il me montre ensuite son pied, pour voir sa dislocation au tendon.
Octavio : tu vois comme il est gonflé ?
Job : ah, oui…
Fernanda : t’as vu l’animal de compagnie d’Armando ?
Octavio : la vache ! Comment s’appelle-t-elle ?
Armando ; je n’ai pas encore réfléchi à ça.
Une fille : tu devrais la nommer Pancha. (Rires des autres).
Claudia : ah non ! Tu rigoles ? (À Armando) Tu dois choisir un prénom plus élégant.
Armando : (entre rires) élégant ?
Claudia : oui, parce que, tu vois ? Ta couleuvre me semble très élégante.
Quelques-uns touchent la couleuvre. Je le fais par le bas.
Armando : pas comme ça, parce qu’elle s’énerve et mord.
Job : elle s’énerve ? Comment tu le sais ?
Armando : parce qu’elle devient très inquiète, et puis, elle lève la tête, comme si elle voulait mordre.
Job : ok, je vais juste le faire par le haut.
[…]
Quelqu’un s’approche à l’entrée de la salle de cours et essaie de parler à Fernanda. Fernanda revient en peu de temps avec une pub. Il s’agit d’une rave qui aura lieu quelque part dans le quartier Roma. Il y aura plusieurs Dj’s et tout le monde demande l’avis d’Octavio. Pour lui, ce sont de très bons Dj’s, donc, il s’agit d’une rave qui « va être bien ».
Octavio : merde, ces derniers temps j’ai eu beaucoup d’invitations à des soirées.
Fernanda : ben… ce serait bien d’y aller, n’est-ce pas ?
Claudia : et si nous ne pouvons pas rentrer ?
Plusieurs regards se posent sur elle comme si la question était de trop.
Claudia : je le dis parce que sur le papier c’est marqué qu’il y aura un contrôle pour l’accès, donc, je croyais qu’on ne pourrait pas…
Octavio : mais non, ils laissent passer même les filles de douze, treize ans.
Claudia : bon, d’accord, mais…
Octavio : tu sais ce qu’ils regardent ? Si tu as de la drogue.
Haydé : même pas mon gars, à la fin les gens arrivent à passer même avec de la drogue.
Les Poneys et leurs amis continuent leur discussion sur cette rave et les différents arguments pour y aller ou non.
Octavio (à moi) : franchement, l’ambiance des raves est très, très cool. Deux de ces Dj’s jouent habituellement à Cancun, ils font de la bonne musique. En plus, quand tu y vas, beaucoup de nanas dansent très sexy devant toi, l’ambiance est très cool.
Job : tiens, on dirait que les gens s’amusent bien dans les raves.
Octavio : c’est dommage qu’ici au Mexique il n’y ait pas une culture des raves. Beaucoup de ceux qui y vont ne cherchent qu’à draguer, ce sont des profiteurs. Si tu vas en Europe, aux Pays Bas, en Belgique, en Australie aussi, là-bas, ils ont une bonne culture de la rave, mais pas au Mexique.
(Cours de l’Atelier de Lecture et Redaction)
11Dans l’extrait ci-dessus, Armando prend la parole et nous raconte son dernier match de football. Fernanda fait des compliments sur sa participation en tant que gardien de but. Il continue son récit et confie aux autres le coup qu’il a souffert avec la balle, ce qui fait rire tout le monde. Après un petit échange de mots entre Octavio et moi, c’est Fernanda qui relance la discussion, cette fois-ci sur un l’animal de compagnie peu conventionnel d’Armando, une couleuvre. Ce nouveau sujet réanime les interactions et le divertissement dans le petit groupe, qui s’amuse à chercher un prénom pour l’animal de compagnie d’Armando.
12Si la conversation est brièvement coupée par le lycéen qui essaye de parler à Fernanda, cette interruption amène encore un autre thème de discussion à la table : les soirées. Vu que le lendemain il y aura une rave qui semble « être bien » selon l’œil connaisseur d’Octavio, Fernanda propose d’y aller, même s’ils sont, pour la plupart, mineurs, et qu’en principe ils ne seront pas admis dans cette rave. Ils spéculent sur les possibilités d’y accéder et, à la fin, Octavio me donne son avis sur les raves, ce qu’il aime dans ce genre de soirées et comment il perçoit les raves au Mexique.
13Les sujets abordés entre amis surgissent d’après les intérêts que certains ont envie d’exprimer avec eux. Soit pour tester les goûts des autres, soit pour promouvoir des moments d’amusement ensemble. Il ne s’agit ni de monopoliser la parole ni de se montrer comme un grand orateur, c’est tout simplement le plaisir de partager le quotidien dans un contexte décontracté, dans une ambiance fortement propice à la détente et au dialogue. Si les sujets évoqués dans le passage présenté peuvent sembler assez banals, ils ont une fonction importante dans la consolidation des relations d’amitié au lycée, et ils permettent d’assurer la confiance et l’intimité nécessaires lorsqu’il s’agit d’aborder des sujets bien plus délicats comme les relations amoureuses ou les pratiques sexuelles.
14Le fait que les jeunes de quinze à dix-huit ans se questionnent sur l’amour et sur leur sexualité est tout à fait logique, puisqu’ils expérimentent encore les changements biologiques, psychologiques et sociaux de l’adolescence. Réfléchir autour de ces thèmes est d’autant plus légitime à l’heure actuelle que la sexualité
est à présent ouverte et disponible au développement de styles de vie variés. C’est quelque chose « qu’on a », qu’on cultive, il ne s’agit plus d’une condition naturelle qu’un individu accepte comme une affaire prédéfinie (Giddens, 2006:24).
15Dans ce groupe de lycéens, les relations de couple et la sexualité sont les thématiques qui ont suscité le plus vif intérêt, avec une intense participation des intervenants. Je considère qu’il s’agissait d’une quête de repères en ce qui concerne la sexualité, une poursuite qui peut être moins angoissante lorsqu’on la socialise avec les amis, un groupe de référence très important pour les jeunes. Pouvoir partager les trouvailles plus récentes suite aux premières approches physiques avec un autre, exprimer ses réflexions sur l’expérience de son propre corps, sur la découverte de ce qu’on aime ou ce qu’on n’aime pas, et sur les différentes liens affectifs qu’on teste, apporte de façon importante à la construction de l’identité.
16En ce qui concerne le moment plus propice pour le faire, quand il s’agissait de parler de sexualité ou des relations amoureuses, la salle de classe semblait être l’endroit idéal pour le faire, peut-être parce qu’il s’agit d’un espace fermé où les déplacements ne sont pas possibles, et, comme je l’ai déjà dit, en raison du temps disponible quand ils étaient en cours de l’Atelier de Lecture et Rédaction. D’après ce que j’ai pu identifier dans mon analyse, il y a eu deux types de conversations concernant la sexualité et les relations avec le sexe opposé : celles des points de vue sur la sexualité ou sur les liens affectifs et celles des pratiques que les jeunes disaient avoir.
17Nous commencerons par la deuxième catégorie. Mais avant de plonger dans le cœur du sujet, j’aimerais faire une réflexion autour des discussions adolescentes. Je prends comme réelles les expériences racontées par les individus faisant partie de ce groupe d’amis, mais, dans le cadre de mon analyse, je ne considère que leurs discours, cela en raison de la subjectivité inhérente au fait qu’il s’agit de situations intimes de l’expérience personnelle de chacun. J’assume la subjectivité des différents récits bien que ce ne soit pas la véracité des faits racontés qui m’intéresse, mais l’influence qu’une telle expérience peut avoir dans la construction de la sexualité des adolescents et des adolescentes, et le discours qu’ils arborent lorsqu’il s’agit de prendre une position personnelle à propos de sujets parfois controversés.
18Quand on est célibataire au lycée, les possibilités de plaire et l’identification de camarades qui nous plaisent sont un sujet constant dans les conversations. Les Poneys et leurs amis n’étaient pas une exception. Être désirable aux yeux des autres, particulièrement de ceux ou celles qui attirent notre attention, est un des premiers objectifs dans le jeu de la séduction que les adolescents commencent à connaître. Les lycéennes et lycéens que j’ai observés accordaient une attention particulière aux vêtements et coiffures qu’ils affichaient dans l’établissement. Une petite conversation sur le sujet montre à quel point l’apparence peut être décisive dans le succès d’un flirt avec le sexe opposé, dans le succès de la drague.
Dans le groupe d’amis ils parlent à propos d’une soirée qu’il y a eu le week-end précédent, au cours duquel tout le monde s’est apparemment bien amusé. Ils parlent d’un flirt entre Fernanda et un garçon, et ce même garçon et Haydé. Ils semblent se taquiner cordialement avec ce qui s’est passé, les rires durent un moment.
Octavio : non mais, sérieusement Fernanda, le pantalon que t’avais mis ce jour-là t’allait très bien.
Fernanda : vraiment ? (Elle rougit).
Octavio : bien sûr ! (Il se dirige à moi) T’aurais vu, avec ce pantalon elle était superbe, très sexy. (Il parle à Fernanda) Alors, quand est-ce que tu le portes à nouveau ?
Fernanda : heu, je ne sais pas, quand tu voudras.
Octavio : alors… mardi prochain ! Non, non, mercredi c’est mieux.
Fernanda : ça marche, je le mettrai mercredi prochain.
(Cours de l’Atelier de Lecture et Redaction)
19Le fait qu’il y ait des liens forts et une bonne entente dans ce groupe d’amis permet certainement qu’ils soient si décontractés pour rigoler sur les jeux de séduction qui se sont passés dans leur dernière soirée de fête. Mais justement, si Fernanda a été draguée avec tant de succès, c’était grâce au pantalon qu’elle portait. Au moins en partie, si l’on croit aux compliments qu’Octavio ne cesse de lui faire. Bien évidemment, le succès qu’on peut avoir avec les garçons ou les filles ne dépend pas uniquement des vêtements que l’on porte, mais il semblerait que c’est un choix à ne pas sous-estimer.
20La stratégie de l’apparence fonctionne dans un premier temps, mais une fois qu’on a été repéré, l’important c’est de promouvoir la rencontre, et c’est là que les amis jouent un rôle important. Dans beaucoup de cas, ce sont les amis qui aident pour que la drague évolue vers une relation de couple. Mais le scénario contraire est aussi possible, quand ils considèrent qu’une telle relation ne vaut pas la peine.
21Une situation de ce genre est arrivé à Haydé, la poney white.
Job : qu’est-ce qu’il veut ce garçon ?
Haydé : eh bien, je vais te raconter l’histoire. Il y a quelques jours je suis allée à la bibliothèque chercher un livre, et j’ai oublié ma carte d’étudiant. J’ai demandé à plusieurs personnes si quelqu’un l’avait vue. Comme Ivan était là, je lui ai demandé aussi, mais il m’a dit qu’il n’avait rien vu.
Octavio : mais je me suis aperçu qu’il l’avait prise, donc, je savais ce qui se passait, et j’ai parlé aux filles.
Fernanda : donc, on a dit à Octavio de demander à Ivan de rendre la carte, et en principe il devait le faire ces jours-ci.
Octavio : mais enfin Haydé, tu pourrais quand même accepter d’être sa copine, au moins pour qu’il arrête de te faire chier.
Haydé : surtout pas ! T’es fou ou quoi ?
Job : mais si Haydé, accepte d’être sa copine et ensuite change d’avis, comme ça il te laissera tranquille.
Katherine : tout à fait ! Deux jours après tu parles avec lui pour lui faire comprendre que ça ne va pas entre vous, que tu ne veux plus être sa copine.
Haydé : bien sûr, et après je ne pourrai plus me débarrasser de lui.
(Cours de l’Atelier de Lecture et Rédaction)
22Même si Haydé n’a pas suivi nos conseils, il est clair que, pour elle, il est très important de ne pas examiner la situation toute seule afin de trouver une solution à son problème. Avant de prendre une décision elle veut savoir quel est l’avis de ses amis. On peut même dire que l’implication de ses amis commence avant, quand Octavio prend l’initiative de raconter ce qu’il a vu à Fernanda et Haydé. Haydé n’avait pas demandé cette aide, mais elle devient très utile pour définir la démarche à suivre par rapport à Ivan.
23Un trait plutôt caractéristique dans les conversations des filles mexicaines, même celles qui habitent dans une grande ville comme Mexico, c’est la pudeur avec laquelle elles font allusion à leur sexualité. Les filles parlent du désir qu’elles provoquent chez les garçons, mais de façon très subtile. Par contre, le discours des garçons est beaucoup plus libre, il n’y pas besoin de faire attention aux mots qu’on utilise, même quand on parle à un public mixte.
Octavio reprend son explication sur les réactions du corps quand on mélange alcool et drogues.
Octavio : en tout cas, le pire c’est la cuite.
Fernanda : la cuite ? Les drogues provoquent des cuites ?
Octavio : bien sûr, surtout quand tu mélanges, parfois tu crois que ça ne va jamais finir.
Fernanda : oh là là !
Octavio : ça m’est déjà arrivé une fois que je faisais du camping, on a mélangé plusieurs choses. Et tout d’un coup, mon truc (il parle de son pénis) devient très, très raide, je ne savais pas quoi faire. Et puis le pire : une copine arrive et elle s’assoit sur mes jambes. Putain ! J’essayais de penser à n’importe quoi pour que ça se calme, j’avais même pas la possibilité de filer vers une tente pour peigner la girafe (se masturber).
Katherine : beurk Octavio ! T’es un malade !
Octavio : non mais, sérieusement, ça a été quelque chose. Et après, quand j’ai expliqué à la fille ce qui m’étais arrivé, elle me dit « ben, tu aurais dû m’en parler, peut-être j’aurais pu t’aider ». Et là je me suis dit « putain de merde, je suis un imbécile ».
Job : et oui, t’as raté ta chance.
(Cours de l’Atelier de Lecture et Rédaction)
24Nous pouvons considérer l’histoire d’Octavio crédible ou exagérée, mais ce qui est clair c’est la liberté qu’il prend pour aborder un sujet plutôt intime de façon très ouverte, même quand les filles sont présentes. Cela ne veut pas dire que les filles ne sont pas capables d’aborder ou insinuer leurs pratiques sexuelles en présence des garçons, mais elles restent plus pudiques.
25Pendant que nous prenions la pause avant d’aller en cours de biologie, les Poneys parlaient des coiffures et, à un moment de la conversation, une fille dévoile un peu de sa vie sexuelle.
Ana Luisa : je ne sais plus comment me coiffer, parfois je pense à me faire mettre des extensions.
Claudia : pas mal, ça t’irait bien. Tu connais quelqu’un qui sait le faire comme il faut ?
Ana Luisa : oui, mon coiffeur, et je ne le dis pas parce que je vais chez lui, mais il travaille bien et ce n’est pas cher.
Marlene : vraiment ? J’aimerais aussi me faire mettre des extensions, mais bleues. Tu peux lui en parler ? Pour avoir une idée de combien ça peut coûter.
Ana Luisa : oui, pas de problème.
Adjani : et toi, tu ne voulais pas devenir coiffeuse ?
Ana Luisa : pas du tout ! Je ne suis pas faite pour ce métier ; par contre, mon coiffeur, il est très doué, il est né pour ça, et pourtant il n’est pas gay, mais il a même le prénom, il s’appelle Johnny.
Laura et Claudia : et il n’est pas gay ?
Ana Luisa : non, j’en suis sûre. Il y a peu de temps nous sommes allés dans un centre aquatique, et je vous assure qu’il n’est pas gay, il se sont passé de très bonnes choses entre nous !
Marlene : cool !
(Jardins du CCH sud)
26Vous pourriez me reprocher d’amener trop loin mon interprétation quand je dis que dans ce passage Ana Luisa parle de sa vie sexuelle. Certes, nous ne pouvons pas savoir ce qu’il y a derrière le mot « choses » dans le contexte de la phrase. Mais le fait qu’Ana Luisa détourne la conversation pour faire savoir aux autres que son coiffeur n’est pas homosexuel parce qu’il s’est passé quelque chose de très bon entre eux deux montre bien qu’elle veut s’afficher comme une personne sexuée – elle n’est plus une gamine –, et pas seulement, Ana Luisa veut faire savoir (faire croire du moins) qu’elle a une vie sexuelle.
27Ana Luisa et Octavio parlent tous deux sans gêne de leurs expériences sexuelles avec un public plus nombreux que restreint, loin du ton de la confidence pudique. Pourquoi donc dévoiler une partie si intime de soi ? Une des intentions, à mon avis, c’est de provoquer l’admiration chez les autres, de donner une image désinhibée et audacieuse en ce qui concerne l’érotisme et la séduction. Il s’agit d’une façade personnelle (Goffman, 1971) osée et sûre d’elle-même, une façade qui marche bien dans les interactions sociales.
28L’autre intention dans ce partage de pratiques liées à la sexualité est celle de tester, de vérifier si on vit des choses similaires aux autres, dans la mesure où d’autres expériences circulent parmi le groupe d’amis. Partager ces essais dans les jeux de l’amour et de la sexualité permet d’une certaine manière de s’expliquer ce que l’on vit. D’autant plus que la plupart des jeunes n’extériorisent pas ce genre d’expériences avec les adultes afin d’éviter leur regard sévère et leurs jugements. Avec les amis, au contraire, les lycéens et lycéennes peuvent parler librement des personnes qu’ils trouvent attirantes, des premières approches sensuelles, des baisers donnés et reçus, de leurs désirs… Il y a, en ces confidences, un forte envie de s’exprimer, mais il y a au fond un besoin de sécurité, de se sentir rassurés dans un domaine encore peu exploré.
29Séparer les conversations des adolescents en deux types (un concernant les pratiques sexuelles et l’autre concernant les discours par rapport à la sexualité et les liens affectifs), est un recours personnel pour mieux exposer mes idées, sans qu’il existe une distinction réelle de ces deux aspects au sein des discussions dont j’ai pu témoigner entre les Poneys et leurs amis. Les points de vue sur les relations entre les sexes ou sur la sexualité elle-même apparaissent indistinctement dans les conversations, sans que les lycéens ne fassent une différenciation consciente entre le récit de leurs pratiques et celui de leurs points de vue. La distinction reste purement artificielle et dans le but de faciliter au lecteur la compréhension de mon analyse.
30En ce qui concerne les relations de couple, pendant les quatre mois que j’ai passé auprès des Poneys, trois d’entre elles avaient un copain. Katherine, qui parlait peu de sa relation, relation qui n’échappait pas aux commentaires de ses amies, puisque selon les Poneys, il n’aimait pas trop que Katherine passe du temps avec elles. Laura avait aussi un ami, mais, après plusieurs conflits, des soupçons de lesbianisme et pas mal de disputes, elle l’a quitté peu avant que je finisse mes enquêtes de terrain. À l’époque, c’était la relation d’Haydé qui marchait le mieux. Encore deux ans après mon passage dans sa classe de lycée, elle était toujours en couple avec le même garçon. Mais si les autres Poneys et leurs amis n’avaient pas de partenaire, cela ne les empêchait pas de s’intéresser à la question et de participer activement aux discussions sur le sujet.
31Justement, quand on n’est pas dans une relation de couple, la réflexion sur ce qu’on peut attendre du sexe opposé peut être si intense que la question surgit même quand on fait une activité pour l’Atelier de Lecture et Rédaction.
Octavio : je vais vous poser une question. Haydé, qu’attends-tu d’un homme ? Et toi Job, d’une femme ? Fernanda ?
Haydé : ben, des moments chauds, non ?
Job : oui, s’amuser. Un bon flirt (on rit).
Octavio : non, non, pas sexuellement. Vraiment, vous attendez quoi ? Vous les filles d’un homme et nous deux d’une femme.
On se regarde sans savoir quoi dire.
Octavio : c’est ça quand on n’a rien à faire, n’est-ce pas ?
Fernanda et Haydé ont l’air de réfléchir, mais elles ne disent rien.
Job : bon, c’est mieux si tu commences Octavio, qu’est-ce que tu attends d’une femme ?
Octavio : qu’elle soit une amie, quelqu’un avec qui parler, se connaître, partager des choses. Et toi ?
Job : moi ? Franchement, je ne sais pas quoi attendre d’une femme en ce moment.
Haydé : oui, exact, la vie t’apprend de choses. Oui, je sais, vous allez dire que je suis nostalgique. Mais vraiment, on apprend beaucoup de choses de la vie. Je crois que tu peux sûrement avoir des sentiments forts pour quelqu’un, mais c’est plutôt que tu t’habitues à l’autre, tu l’apprécies, tu prends de l’affection pour lui, mais aimer, vraiment aimer, je ne crois pas.
32Dans les réponses données à la question d’Octavio on retrouve des postures conservatrices sur les attentes des hommes et des femmes face à l’autre genre, sauf pour une chose, les rôles semblent être inversés. Au début de sa réponse, Haydé rigole et laisse entendre qu’elle n’attend que du plaisir sexuel. En plus, elle ne croit pas à la possibilité d’aimer quelqu’un sincèrement, ou d’être capable d’avoir une relation à long terme. La réponse d’Octavio, au contraire, montre une vision affectueuse dans ce qu’il attend d’une relation de couple avec une femme, c’est-à-dire, de l’écoute, une bonne entente, quelqu’un avec qui parler, partager des activités.
33Je n’ose pas dire que les rôles masculins et féminins ont radicalement changé, mais c’est évident qu’ils commencent à se secouer. Margulis signale avec justesse que :
Avec la révolution sexuelle et les changements ultérieurs, principalement la croissante autonomie de la femme, l’amour romantique n’est plus concentré dans le secteur féminin et il est possible d’apprécier, dans beaucoup de cas, un renversement de rôles : une nécessité d’amour et d’affection de la part des hommes, une nouvelle vulnérabilité face au renforcement et l’indépendance croissante des femmes (Margulis, 2003 : 35-36).
34Haydé et Fernanda sont un exemple clair de ce renversement des rôles : elles flirtent quand elles en ont envie, elles sont des femmes libérées. Haydé, je vous rappelle, était copine avec un garçon inscrit au même lycée qu’elle et leur relation semblait bien marcher, mais cela n’empêchait pas Haydé d’explorer d’autres horizons.
Haydé : Fernanda, tu te souviens ce que je t’avais raconté à propos d’un gars brésilien que j’ai rencontré il y a quelques jours ?
Fernanda : heu… et bien, rappelle-moi.
Haydé : je ne sais pas où tu as la tête. Enfin, le gars que je t’avais dit avoir rencontré sur un pont.
Fernanda : ah oui ! C’est pas vrai ! Tu vas le voir ?
- 5 Gigante était une chaîne de supermarchés au Mexique.
Haydé : oui, on a rendez-vous aujourd’hui midi au Gigante5, donc, j’irai pas au cours de maths.
Fernanda : t’es dingo (folle) !
Haydé : ben…oui ! (Elle rigole). Mais je n’en aurai pas pour longtemps, de toute façon je dois revenir au lycée. On se retrouve ici, d’accord ?
Fernanda : oui, pour que tu me racontes comment ça s’est passé.
(Cours de l’Atelier de Lecture et Redaction)
35Les jeunes de cette génération, semblent être assez libres pour mener une relation de couple sans pour autant avoir une obligation d’exclusivité vers l’autre. Ce sont des relations où la possibilité de connaître d’autres personnes sans que cela pose des problèmes dans le couple. Il s’agit de liens forts mais qui n’attachent pas. Le cas de Laura le montre bien. Dès que les disputes avec son copain se sont multipliées et que le manque de confiance s’est installé entre eux, Laura a préféré rompre sans regret, et les jours suivants elle semblait déjà prête à tenter sa chance une nouvelle fois.
36Et bien sûr, l’audace n’est plus une attitude réservée des garçons, les filles peuvent aussi être osées, par exemple, pour transgresser les conventions des rôles.
Katherine : non mais, vraiment, au bout d’un moment tu ne sais plus rien.
Fernanda : tout à fait, quand on est bourré on fait n’importe quoi.
Hayde : bon, et il ne t’est pas arrivé d’embrasser une fille quand tu es complètement soûle ?
Katherine : à vrai dire, oui. C’était avec une nana dans une fête, mais juste comme ça, un baiser tout simple.
Octavio : ouah ! C’est dans des cas comme ça que nous restions comme des idiots à vous regarder. Franchement c’est hyper excitant.
Haydé : et toi alors ? Ça t’est jamais arrivé d’embrasser un garçon ?
Octavio : moi ? Tu rigoles ?
Haydé : pourquoi pas ? Au moins pour essayer.
(Cours de l’Atelier de Lecture et Redaction)
37Les mœurs changent, les mœurs perdurent. Tandis que pour les femmes il n’y a pas d’attaque à leur identité sexuelle (que la société assume comme hétérosexuelle) quand par curiosité ou par plaisanterie elles font des rapprochements physiques avec d’autres femmes, un scénario similaire chez les hommes met tout de suite en péril leur masculinité. Même si on ne le fait que pour rigoler, un baiser « tout simple » peut avoir des conséquences dévastatrices. Il faut à tout prix protéger la virilité placée dans l’hétérosexualité, comme le fait Octavio lorsqu’on suggère cette possibilité « au moins pour essayer ».
38Il est clair en tout cas que le regard de la société mexicaine face à la diversité sexuelle, particulièrement le regard des plus jeunes, se débat entre les conventions d’antan et une tolérance, voire une acceptation, d’autres façons hors le binôme homme-femme, de vivre sa sexualité. Dans le contexte des élèves du CCH sud, la tolérance ou l’acceptation de l’homosexualité passe assez facilement quand il s’agit de la sexualité des autres. Beaucoup d’élèves avec qui j’ai eu un contact semblaient avoir une grande tolérance et acceptation des préférences sexuelles différentes à la leur (au moins de celle qu’ils affichaient au lycée) quand il s’agissait des autres. Mais il ne s’agit pas d’une généralité.
Fernanda : Haydé, tu te souviens que je t’avais déjà parlé d’un garçon qui habite près de chez moi et dont je pense qu’il est gay ?
Haydé : oui, et alors ? Tu lui as posé la question ?
Fernanda : (elle parle à Octavio et à moi) il est aussi inscrit dans cet établissement, donc, il prend le même bus que moi et souvent on fait le trajet ensemble et on discute. J’avais des soupçons sur son homosexualité, mais je ne lui avais pas encore demandé.
Job : ok, et qu’est-ce qui s’est passé ?
Fernanda : et bien, aujourd’hui on était dans le bus et il a pris un air mystérieux, et j’ai demandé « qu’est-ce qui t’arrive ? ». Tout sérieux il me dit « c’est que… je suis gay, tu croyais que je l’étais ? ». Bien sûr que je l’imaginais déjà, mais je n’allais pas lui dire ça. J’ai juste répondue « non, non ». Ce que je voulais vraiment lui demander c’était s’il a un copain, mais je n’ai pas osé !
Katherine : mais non, beurk !
Haydé : comment ça ? On est libre d’avoir ses préférences. Moi par exemple, j’aime les animaux.
Marlene : et oui, (elle prend un air sérieux) moi, j’aime Haydé.
Même si Marlene parle de façon très solennelle, quelque chose dans son visage nous dit qu’elle rigole, et tout le monde éclate de rire.
(Cours de l’Atelier de Lecture et Redaction)
39Dans la conversation précédente, l’intérêt de Fernanda pour nous faire part de sa découverte est très évident. Mais sa motivation est liée au fait qu’elle a confirmé son hypothèse, et non pas la préférence homosexuelle en elle-même. Les autres n’éprouvent aucun dégoût ou désapprobation, sauf Katherine, sur qui je reviendrai tout de suite. Le passage est très intéressant parce que les réactions positives de ces lycéens montrent qu’ils ne se sentent ni intimidés ni blessés par la différence. Quant à Katherine, même si on considère sa réaction plutôt contradictoire prenant en compte la scène de son baiser avec une fille, il n’y a pas de contradiction. Certes, elle expérimente, elle ose transgresser les codes conservateurs des genres, mais on peut imaginer que, pour elle, il s’agit tout simplement d’une curiosité sexuelle plutôt banale et fréquente chez les jeunes. Ce qui s’avère blessant, désagréable, c’est le fait que, dans le cas du voisin de Fernanda, ce n’est pas du tout de l’exploration. Il s’agit d’une transgression consciente du garçon qui préfère ceux du même sexe, donc, d’une rupture intentionnelle avec la norme hétérosexuelle.
40Ce va-et-vient entre l’acceptation et le rejet de la diversité sexuelle s’explique du fait que :
L’essentialisme culturellement construit autour des notions du masculin et du féminin prétendait se fonder sur une base naturelle, dans lequel chacun des genres aurait certaines qualités biologiques ce que déterminerait toute une série de comportements et relations entre eux. Cette norme ne se limite pas au cadre de la sexualité, mais à tous les domaines d’interaction entre les sexes (List, 2005:38).
41En tout cas, même si ce positionnement face à la diversité sexuelle n’est pas le même pour tous les lycéens que j’ai rencontrés, il me semble y avoir assez d’éléments pour affirmer qu’on assiste à l’émergence d’un processus que j’ai déjà nommé desnaturalización de la heterosexualidad (Avalos, 2007, 2012). La dénaturalisation de l’hétérosexuel consiste à accepter que dans le domaine de la sexualité coexistent différentes orientations : il n’y a pas seulement l’hétérosexualité mais l’homosexualité et la bisexualité aussi.
42Enlever à l’hétérosexualité son caractère hégémonique ne veut pas dire que dans l’exercice de la sexualité il y ait une parité entre ces trois orientations. Il ne s’agit non plus d’affirmer que toutes les orientations sont acceptées sans conflit. C’est plus un changement de discours par rapport à ce qui est considéré comme « normale – anormal » dans l’exercice de la sexualité. Avec la dénaturalisation de l’hétérosexualité il n’existe plus une orientation « normale » ou « correcte ». Toutes les orientations sont naturelles, même si l’une d’entre elles est pratiquée par un nombre de personnes plus élevé.
43J’espère que mon exposé a été assez clair et compréhensible jusqu’ici. Tout de même, je tiens à terminer par trois dernières réflexions.
44D’abord, un détachement entre les liens affectifs et la vie sexuelle. Si dans un autre temps le plaisir sexuel – sans parler de la prostitution –, semblait être plus ou moins contraint à l’existence d’une relation de couple, les expériences racontées par ces lycéens et lycéennes montrent que ce n’est plus le cas, particulièrement en ce qui concerne les femmes. En plus, la parité semble enfin toucher l’accès au plaisir sexuel. Même si elles ne parlent pas autant que les garçons de leurs explorations avec l’autre sexe, elles exercent leur droit sans remords, et sans que le regard des garçons ne soit négatif ou récriminateur.
45Pour leur part, les garçons ont aussi changé. Sans doute continuent-ils à fanfaronner sur les avancements et les conquêtes réussis dans le camp féminin. Mais cela ne se produit plus au détriment de la réputation des filles qui veulent aussi explorer leur sexualité. Un autre aspect de ce changement chez les garçons est l’acceptation de leur côté affectif et l’envie consciente d’explorer davantage leurs émotions. Si une sexualité intense et osée est encore preuve de virilité, les hommes ne la vivent plus centrés exclusivement sur la génitalité, le côté émotionnel commence à être une partie importante de ces expériences.
46Finalement, il y a cette nouvelle attitude face aux sexualités divergentes de la norme hétérosexuelle. Même si cette attitude plus ouverte et positive face à la diversité sexuelle est peut-être présente parmi les lycéens et lycéennes parce qu’eux-mêmes sont en quête de leur propre identité sexuelle, je considère que la présence d’une attitude positive face à la non-hétérosexualité, indique l’existence de processus plus étendus sur la conception de la sexualité en général qu’il faudrait étudier plus en détail.