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Mélanges

De l’islamisation des Hispaniques aux États-Unis

Genèse d’un phénomène en cours
Dominique Cadinot

Résumés

Le paysage religieux des États-Unis est marqué, depuis plusieurs décennies, par un phénomène de nomadisme spirituel. Parallèlement, on observe depuis le 11 Septembre 2001 une augmentation des conversions à l’islam au sein de la majorité anglo-américaine, ainsi que parmi certaines minorités culturelles de tradition chrétienne. En s’appuyant sur un travail de contextualisation historique, cette recherche vise à explorer la genèse du processus de conversion des Portoricains new-yorkais à la religion islamique. Nous nous intéresserons en particulier à l’intégration socio-économique de cette minorité et à l’évolution des relations interraciales dans le contexte new-yorkais des années 1970-1980.

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Texte intégral

  • 1  « The Religious Switcher in the United States », American Sociological Review, vol. 44 (August), W (...)
  • 2  Voir l’étude de Luis Lugo, « Faith in Flux », Pew Forum on Religion and Public life (2009). Voir a (...)
  • 3  Barry A. Kosmin et Egon Mayer, op. cit., p. 24.
  • 4  Journey into America : the Challenge of Islam, Washington DC : Brookings Institution Press, 2010, (...)
  • 5  Andrew Kohut, et al., « Muslim Americans : Middle-Class and Mostly Mainstream », The Pew Research (...)
  • 6  La communauté musulmane des États-Unis est aujourd’hui estimée à 6 ou 7 millions de personnes. Le (...)

1Au terme d’une étude consacrée à la mobilité religieuse aux États-Unis, Frank Newport concluait en 1979 que le phénomène se résumait le plus souvent à des transferts à l’intérieur du champ protestant1. Depuis, de nouvelles recherches ont démontré que le nomadisme spirituel ou religion switching est désormais plus fréquent et que de surcroît un nombre grandissant d’Américains se détourne des religions dites institutionnelles pour changer radicalement d’appartenance ou pour abandonner toute affiliation religieuse2. Ainsi, le protestantisme de tradition luthéro-réformée (mainline protestantism), l’Église catholique et le judaïsme semblent perdre du terrain au profit de cultes minoritaires comme les Églises évangéliques, le bouddhisme ou les Témoins de Jéhovah3. Autre culte minoritaire par le nombre de ses adeptes, l’islam gagnerait lui aussi paradoxalement, depuis les attentats du 11 septembre 2001, les faveurs de ces Américains en quête de nouvelles spiritualités. Le Bureau du Recensement américain n’effectuant pas de sondage sur l’appartenance religieuse des citoyens, l’ampleur exacte du phénomène est difficile à évaluer. Par conséquent, les estimations varient selon les sources. D’après les recherches d’Akbar S. Ahmed, spécialiste en études islamiques à l’American University de Washington, le nombre d’Anglo-Américains convertis à l’islam s’élevait en 2010 à près de 30.000 personnes4. Un sondage du Pew Research Center publié la même année révélait, de son côté, que plus de 80 % des nouveaux adeptes était auparavant de religion chrétienne5. Quoiqu’il en soit, il apparaît que, s’ajoutant aux apports migratoires en provenance de l’aire islamique (Moyen-Orient et sous-continent indo-pakistanais), la hausse des conversions contribue aujourd’hui à soutenir le dynamisme démographique de la communauté musulmane américaine6.

  • 7  Voir notamment William D Antonio, « Latino Catholics: How different? », National Catholic Reporter(...)
  • 8  Voir les articles de Margaret Ramirez, Daniel J. Wakin ou Aidi Hisham.
  • 9  Kenny Y. Rodriguez, « Latino Americans Embracing Islam », HispanicMuslims.com, p. 1.
  • 10  Akbar S. Ahmed, Journey into America : the Challenge of Islam, Washington DC : Brookings Instituti (...)
  • 11  Cité dans Falasten M. Abdeljabbar, « Islam gains Hispanic adherents in Hudson », HispanicMuslims.c (...)

2Première minorité ethnique des États-Unis, le groupe des Hispaniques est lui aussi traversé par une vague de reconversion spirituelle. De nombreuses études ont en effet démontré que l’Église catholique est de moins en moins populaire parmi les Latinos7. Seulement, si les sectes évangéliques ou pentecôtistes récoltent bon nombre de ces religion switchers, la religion islamique exercerait aussi un attrait remarquable auprès des citoyens ou résidents américains de culture hispanique et de tradition chrétienne. Là aussi, le manque de statistiques officielles rend toute estimation démographique difficile. De plus, la littérature sur le sujet est essentiellement journalistique et aucune étude scientifique d’envergure sur les motivations des Latinos convertis à l’islam n’a été encore à ce jour conduite8. Toutefois, si l’on se fie aux enquêtes menées par des associations indépendantes, en 1997, le total de Latinos ayant embrassé la religion islamique était estimé à 40 000 personnes9. Aujourd’hui, ce chiffre s’élèverait à plus de 200 00010. Cette hausse des conversions est aussi rapportée par l’une des principales organisations islamiques aux États-Unis, le Council on American-Islamic Relations (CAIR), qui en 2002 évaluait à 6 % l’augmentation annuelle du nombre de nouveaux musulmans originellement de culture hispanique11.

  • 12  Margaret Ramirez, op. cit. p. 1, Daniel J. Wakin, op. cit. p. 2.

3Bien qu’il n’ait pas fait l’objet de recherches suffisamment approfondies, le rapprochement des groupes hispanique et musulman n’est pas un phénomène récent. Les rares auteurs qui se sont intéressés au sujet citent en effet la création de l’Alianza Islámica en 1975 à East Harlem dans la ville de New Yorkcomme l’acte de naissance officiel de la communauté hispano-musulmane12. A vocation sociale (prévention contre les conduites à risque), cette structure sert aussi de salle de prière où l’office du vendredi est conduit en anglais et en espagnol. Ces sources nous apprennent par ailleurs que les fondateurs de l’association, Hajj Yahya Figueroa et Ibrahim Gonzales, tous deux récemment immigrés de Porto Rico, avaient été profondément marqués par la mobilisation afro-musulmane pour les droits civiques. Si l’on considère donc la création de cette association comme le premier indice d’un mouvement de conversion parmi les Hispaniques, alors les Portoricains en ont été les pionniers.

  • 13  Voir Audrey Célestine, « De la ‘menace portoricaine’ aux mobilisations hispaniques : la trajectoir (...)
  • 14  « Les motifs d’attraction pour le religieux : des besoins affectifs et cognitifs au désir d’expans (...)
  • 15  « Musulmans et conversion en Espagne au 17ème siècle » in Garcia-Arenal Mercedes (ed.), Conversion (...)
  • 16 « Retour sur ‘la conversion africaine’ : Horton, Peel et les autres », Journal des africanistes, n° (...)

4Cela dit, en l’absence de statistiques ou d’études scientifiques fiables, il nous apparaît que l’examen du phénomène dans sa globalité, en tant que fait social contemporain relèverait, à notre niveau, de la spéculation. Par conséquent, cet article entend mettre en perspective historique la genèse des conversions à l’islam. Plus précisément, notre travail visera à contextualiser la transformation identitaire des Portoricains de New York convertis à la religion islamique dans les dernières décennies du 20ème siècle. S’il est établi que le militantisme afro-musulman a incité ce processus de conversion religieuse, il reste à analyser les cadres d’interactions ainsi que les facteurs sociaux ayant motivé l’engagement de cette communauté en particulier13. Sans pour autant nier la centralité de ce que Coralie Buxant et Vassilis Saroglou appellent « la fonction compensatoire » de la conversion religieuse14 ; c’est à dire cette réponse apportée à des besoins personnels, psychologiques ou cognitifs, nous avons choisi, dans le cadre de cet article, de nous inscrire dans la lignée des travaux socio-historiques menés par Mercedes Garcia-Arenal qui observe, dans une étude consacrée à l’islamisation d’Européens expatriés en terre arabe, que la dimension identitaire et culturelle peut être tout autant déterminante que la dimension proprement religieuse15. Cette interprétation fonctionnaliste est aussi celle que privilégie André Mary dans une analyse des conversions à l’islam au sein de certaines populations africaines en état d’anomie sociale16. La conversion sera donc analysée ici comme une stratégie d’émancipation, comme un acte d’engagement dans une nouvelle communauté culturelle.

Une intégration socio-économique difficile

  • 17  Voir par exemple, Jorge Duany, « Puerto Ricans in the United States », in Encyclopedia of Diaspora (...)
  • 18  Ramon Grosfoguel, « La problématique intégration des Portoricains aux États-Unis », Hommes et Migr (...)
  • 19  Mot qui désigne les Portoricains en référence à l’ancien nom de l’île (Boriquen).
  • 20  Selon R. Grosfoguel, la mise en place de vols charter entre l’île et la métropole était destinée à (...)
  • 21  En 1970, 70 % des Hispaniques new-yorkais sont d’origine portoricaine. Voir Douglas S. Massey, Bro (...)
  • 22  Roberto Suro, Strangers Among Us: Latino Lives in a Changing America, New York: Vintage Books, 199 (...)
  • 23  En 1921 et 1924, le Congrès fait voter de nouvelles lois migratoires qui ont pour effet de fermer (...)

5Si l’émigration de Porto Rico vers le continent a été facilitée dès 1917 par l’obtention de la citoyenneté américaine, c’est dans les années qui suivent la Seconde Guerre mondiale que les Portoricains s’installent massivement aux États-Unis. Cet exode, surnommé parfois The Great Puerto Rican Migration17, résulte en partie de la politique économique menée conjointement par le gouvernement fédéral et les autorités locales dirigées par Luis Muñoz Marín, premier gouverneur élu de l’île. Appelé Operation Bootstrap ou Operación Manos a la Obra, ce programme vise à encourager la reconversion industrielle de l’économie portoricaine jusqu’à lors de tradition agraire. En conséquence, petits exploitants, simples ouvriers agricoles ou artisans perdent leurs moyens de subsistance et sont contraints à l’exode18. Profitant de la mise en place de vols charters, entre 1947 et 1965, plus d’un million de Boricuas19 émigrent vers les États-Unis pour s’installer dans les centres urbains du Nord Est, à Newark dans le New Jersey et dans l’Illinois20. Mais c’est dans la ville de New York, plus précisément dans le quartier populaire de East Harlem, déjà occupé par une population afro-américaine en situation de précarité, que s’établit la majorité des contingents migratoires21. Au cours des premières années, ces immigrés trouvent des emplois dans le secteur sidérurgique et textile où ils constituent une masse salariale bon marché ; en 1960, 60 % d’entre eux sont employés dans le secteur industriel22. Il faut rappeler ici qu’à partir des années 1920 et jusqu’en 1965 les lois des quotas migratoires limitent de façon considérable l’arrivée de travailleurs européens ou asiatiques et que, en conséquence, les immigrés caribéens constituent en grande partie la main d’œuvre des entreprises manufacturières établies dans le nord-est des États-Unis23.

  • 24  Roberto Suro, op. cit. p. 148.
  • 25  Le système de quotas en fonction des origines nationales est abrogé par le Hart-Celler Act en 1965
  • 26  Joe Feagin, Racial and Ethnic Minorities, Upper Saddle River (NJ): Prentice Hall, 1996, p. 346.
  • 27  Au début des années 1970, les conditions de vie sont telles que le nombre de Portoricains retourna (...)

6Toutefois, alors qu’elle vit déjà dans des conditions misérables, la communauté portoricaine est touchée de plein fouet par la désindustrialisation de l’économie américaine. Entre 1970 et 1980, la ville de New York perd plus d’un demi-million d’emplois non qualifiés ou semi qualifiés lorsque les industries sidérurgiques traditionnelles amorcent leur déclin au profit des nouvelles générations d’industries de haute technologie et du secteur tertiaire. De nombreux Portoricains perdent leur emploi et viennent grossir les rangs des chômeurs. C’est ce que rapporte le journaliste et chercheur Roberto Suro : « When New York’s industrial economy sank, the Puerto Ricans sank with it »24. En outre, l’abolition des quotas migratoires en 1965 provoque l’immigration de nouvelles populations originaires d’Asie, d’Amérique Latine ou d’autres pays de la Caraïbe qui sont souvent contraintes d’accepter des salaires inférieurs à ceux pratiqués25. En 1983, il en résulte que le taux de chômage parmi les Portoricains est supérieur à la moyenne nationale, soit 23 % contre 17 %. De plus, comparé à celui d’autres minorités ethniques, le revenu moyen des familles portoricaines est celui qui accuse la plus forte baisse entre 1979 et 1984 ; soit 18 % contre 14 % pour les Afro-Américains26. Dans de telles conditions, il devient de plus en plus difficile à ces familles d’échapper aux corollaires habituels de la pauvreté. A East Harlem, dans le quartier appelé El Barrio, la délinquance, l’analphabétisme et la toxicomanie se développent tandis que, dans l’opinion publique, la stigmatisation sociale s’aggrave27. Ainsi, bien que citoyens américains, les Portoricains forment, à la fin du 20ème siècle, la minorité la plus déshéritée du paysage démographique états-unien, derrière les Afro-Américains.

7Dès les années 1960, la marginalisation du groupe suscite l’intérêt de chercheurs qui entreprennent d’établir un nouveau modèle théorique pour rendre compte du cas portoricain. La plus connue de ces recherches est sans doute celle que produit l’anthropologue Oscar Lewis en 1966. Dans un ouvrage intitulé La Vida : A Puerto Rican Family in the Culture of Poverty, l’auteur introduit, à travers le portrait d’une famille portoricaine immigrée, la notion très controversée de « culture de la pauvreté ». Le chômage et la marginalisation ne s’expliquent pas seulement, selon Lewis, par des causes structurelles ; ces phénomènes s’expliquent aussi par la culture de cette communauté immigrée :

  • 28  Oscar Lewis, La Vida : Une famille porto-ricaine dans une culture de pauvreté : San Juan et New Yo (...)

Une fois qu’elle existe, [la culture de la pauvreté] a tendance à se perpétuer de génération en génération en raison de l’effet qu’elle a sur des enfants […] qui ont en général assimilé les valeurs fondamentales et les habitudes de leur subculture.28

8En défendant donc la thèse d’une transmission quasi-filiale d’un sens de la résignation et de la fatalité, Lewis effectue une interprétation culturaliste de la pauvreté qui témoigne de la racialisation du groupe dans le discours des sciences sociales de l’époque. Or, la question de la « race » (dans le sens américain du terme) revêt une signification particulière chez les Boricuas qui forment un groupe aux phénotypes très hétérogènes. En outre, elle se révèle d’emblée source de stigmatisation supplémentaire.

Classification raciale et hybridité caribéenne

9A l’instar des autres peuples caribéens, la population portoricaine est le résultat de métissages associant des groupes humains venus de plusieurs continents. Aux descendants d’Amérindiens taïnos (démographiquement non représentés aujourd’hui), sont venus s’ajouter des colons espagnols, des esclaves originaires d’Afrique Noire et, au cours du 20ème siècle, des immigrés européens ou asiatiques. Quand les premiers contingents d’immigrés portoricains s’installent aux États-Unis, la majorité est issue des classes laborieuses ou paysannes composées de descendants d’esclaves.Par conséquent, les employés fédéraux, et la population métropolitaine d’une manière générale, associent automatiquement Portoricains et Afro-Américains qu’ils accablent de la même hostilité. Cependant, parce qu’ils sont hispanophones, les immigrés ne se retrouvent pas dans ce système de catégorisation raciale qui fait une distinction entre Blancs, Afro-Américains et Hispaniques. De plus,la dichotomie blanc/noir qui régit les relations interethniques semble totalement inadaptée à rendre compte d’une réalité beaucoup plus complexe et nuancée ; une réalité que la terminologie espagnole désigne à l’aide d’expressions comme grifo, mestizo ou trigueño qui traduisent différents degrés de métissage. Originaires d’un pays où la culture sociale n’opère pas de différentiation raciale aussi stricte, les immigrés portoricains se sentent donc immédiatement isolés. C’est ce que relève le sociologue Joe Feagin :

  • 29  Joe Feagin, op. cit., p. 342.

The imposition of discrete mainland categories of black and white on Puerto Ricans, whose home culture sees racial diversity on a continuum, created confusion whether the individual was called black or white.29

  • 30  Ibid., p. 342.
  • 31  Op. cit., p. 142.

10Une étude menée en 1988 atteste l’incompatibilité du système américain avec la perception identitaire des Portoricains. Dans la première partie du questionnaire qui demande aux participants de s’auto-identifier, 33 % se sont définis comme « blancs », 7 % comme « noirs », et 60 % se sont définis comme « bruns ». Dans la seconde partie, à la question « Comment pensez-vous être perçus par la majorité démographique ? », 42 % des sondés ont estimé être considérés comme « noirs », 58 % ont répondu « blancs », aucun n’a répondu « bruns »30. De toute évidence, la société états-unienne, à la fin du 20ème siècle, ne permet pas aux Portoricains de se situer dans le spectre ethno-racial existant. Pour remédier à cette ambiguïté identitaire, certains membres des premières générations nées en métropole entament, au contact du groupe afro-américain, un processus d’hybridation culturelle et adoptent, comme l’a démontré Ramon Grosfoguel, une identité afro-caribéenne construite autours de la négritude et la mémoire de l’esclavage31. De son côté, l’élite sociale, minoritaire mais plus proche du point de vue phénotypique de la majorité culturelle, choisit de reléguer ces référents identitaires au profit de son hispanité, c’est à dire au profit de son origine européenne ; l’objectif étant d’entamer un processus de blanchiment (whitening) et légitimer ainsi son intégration sociale.

  • 32  Oboler, Suzanne, « The Politics of Labeling : Latin/a Cultural Identities of Self and Others », La (...)
  • 33  Audrey Célestine, op. cit., p. 116. Il s’agit ici des subventions accordées dans le cadre du progr (...)
  • 34  Cité dans Duany (2003), op. cit., p. 436.

11La question des référents identitaires devient source de nouveaux enjeux en 1969 lorsque, par le biais d’une proclamation présidentielle, la nation américaine célèbre la première « Semaine de l’Héritage Hispanique aux États-Unis » (National Hispanic Heritage Week ). Émanant d’une volonté politique de contrecarrer le militantisme des Mexicains-Américains, l’apparition officielle de ce nouveau groupe ethnique a pour effets la mise en concurrence des discours identitaires et la dilution consécutive des spécificités portoricaines. Cette analyse est défendue par Suzanne Oboler qui précise : « The hispanic othered-self is, through its implicit homogenization, a denial of the diversity of national […], social, historical, cultural experiences of at least 25 million people »32. Symptomatique de cet effacement de l’héritage insulaire, la disparition progressive du terme « portoricain » remplacé par le plus globalisant « hispanique » dans certains noms d’associations socio-culturelles souhaitant sauvegarder leur éligibilité aux subventions fédérales33. Si certains leaders associatifs optent donc pour la formation d’une coalition, pour une catégorisation « par le haut », d’autres s’opposent à la dissolution de leur héritage caribéen. Telle est la position de Hajj Yahya Figueroa : « One of the results of these categories has been in effect to obscure awareness of the indigenous roots of Puerto Rican immigrants in the United States »34. En somme, la variété phénotypique de la population portoricaine pose non seulement des problèmes d’intégration à la hiérarchie ethno-raciale telle qu’elle est structurée en métropole, mais devient conjointement source de divergences sur la définition de l’identité collective en situation diasporique ; quel héritage culturel faut-il privilégier ? Quels sont les traits distinctifs de la portoricanité ?

  • 35  L’expression est de Grosfoguel, op. cit., p. 98.
  • 36  Titre d’un essai rédigé par Ivan Illich.

12L’analyse des conditions dans lesquelles s’est effectuée l’insertion des Portoricains dans la mosaïque états-unienne montre que peu de minorités ont, dans l’histoire américaine, fait l’expérience d’une telle marginalisation économique et souffert d’une exclusion sociale aussi aiguë. Appelés « Citoyens de seconde zone »35 ou désignés comme « not foreigners, yet foreign »36, les Américains d’origine portoricaine se retrouvent au début des années 1980 dans une situation d’indétermination culturelle. Dans ce contexte, il est aisé de comprendre que certains d’entre eux aient été à la recherche d’un nouveau mode d’identification. Toutefois, même si les particularités décrites ci-dessus singularisent le groupe des Portoricains, elles n’expliquent pas à priori le choix de l’islam. Reste alors à déterminer comment s’est effectuée la convergence des discours identitaires.

Vers une coalition inter-ethnique

  • 37  Joe Feagin, op. cit., p. 353.
  • 38  Cité dans Roland Young, « The Young Lords Organisation on the Move: interview with Rafael Viera », (...)

13Nous avons relevé précédemment que tant du point de vue de l’exclusion économique que du point de vue de la stratification ethno-raciale, la minorité portoricaine était associée à celle des Afro-Américains. De même, nous avons évoqué la cohabitation des deux groupes dans le quartier de East Harlem. Étant donc victimes du même racisme et de la même exclusion socio-spatiale, Portoricains et Afro-Américains de New York ne tardent pas à s’allier. Ainsi, au début des années 1970, l’organisation paramilitaire des Black Panthers apporte son soutien politique et logistique aux militants associatifsportoricains de New York qui organisent l’ouverture d’une branche de la Young Lords Association à East Harlem37. Fondée à l’origine dans la ville de Chicago, cette association a pour vocation principale de remédier aux insuffisances des pouvoirs publics. Rafael Viera, membre des Young Lords new-yorkais, rapporte le désarroi de ses congénères ; « The people who came up from Puerto Rico looking for milk and honey found that the milk was sour and that there was no honey »38. A plusieurs reprises, les Young Lords attirent l’attention des autorités municipales sur l’inefficacité des services de santé (occupation du Lincoln Hospital en juillet 1970) et sur les conditions déplorables dans lesquelles sont détenus les prisonniers issus du barrio (insurrection à la prison d’Attica en 1971). Dans ce combat, la solidarité afro-américaine est totale :

  • 39  Cité dans Roland Young, op. cit., p. 234.

Latin-American people in this country face some of the same problems that we, Black people face, i.e., inadequate food, indecent housing, irrelevant education, police brutality, and unemployment […] The Black Panther Party is working jointly with you (Young Lords) to see that aggression is thwarted and suppression is ended.39

14Cependant, au delà de la question sociale, c’est essentiellement autours d’une idéologie anticolonialiste que se fonde la solidarité interethnique. Lorsque le célèbre prédicateur afro-musulman, Malcolm X, effectue en 1964 un pèlerinage à la Mecque et se rend ensuite en Égypte, il rencontre le président Gamal Abdel Nasser qui le sensibilise notamment à la question de la décolonisation. Dès son retour sur le sol américain, celui qui se fait désormais appeler El-Hajj Malik el-Shabazz décide de rompre avec le séparatisme de la Nation of Islam et appelle à l’unité detoutes les minorités de couleur opprimées et colonisées :

  • 40  Cité dans George Breitman, (ed.), Malcolm X Speaks: Selected Speeches and Statements, New York: Gr (...)

America’s problem is us. We’re her problem. The only reason she has a problem is she doesn’t want us here. And every time you look at yourself, be you black, brown, red or yellow, you represent a person who poses such a serious problem.40

  • 41  Stokely Carmichael and Charles V. Hamilton, Black Power: The Politics of Liberation, New York: Ran (...)

15Le parallèle entre « peuples colonisés » et « minorités raciales » est à nouveau opéré en 1967 par Stokely Carmichael et Charles V. Hamilton dans leur célèbre ouvrage Black Power : The Politics of Liberation in America. Pour démontrer que le sort de la communauté afro-américaine est semblable à celui des peuples colonisés par les sociétés impérialistes blanches, les deux auteurs ont recours au concept de « colonialisme interne » : « Black people are legal citizens of the United States […], yet they stand as colonial subjects in relation to the white society »41. Désormais axé autours de ce concept, le discours politique des leaders afro-musulmans, et afro-américain de manière générale, trouve alors résonance chez les Portoricains de New York. En effet, depuis 1952, la nouvelle constitution portoricaine fait de l’île caribéenne un État « autonome associé » (Estado Libre Asociado) mais interdit aux Boricuas d’élire des délégués auprès du Congrès fédéral et les prive du droit de vote à l’élection présidentielle. Bien qu’accepté à l’unanimité par les insulaires lors d’un référendum en mars 1952, le nouveau statut de Porto Rico devient, en métropole, source de divisions ; d’un côté les assimilationnistes favorables à l’admission de l’île parmi les États de l’Union ; de l’autre, les indépendantistes majoritaires qui partagent le sentiment d’être tenus en état de peuple colonisé. Dans un pamphlet énonçant les priorités de leur agenda politique, les Young Lords accusent donc les Anglo-Américains de maintenir l’exploitation coloniale :

  • 42  Young Lords, « Young Lords Party 13 Point Program and Platform », younglords.info.

For 500 years, first Spain then the United States have colonized our country. Billions of dollars in profits leave our country for the United States every year. In every way we are slaves of the gringo.42

  • 43  Cité dans Ronald Fernandez, The Disenchanted Island: Puerto Rico and the US in the 20th Century (2(...)

16Telle était déjà en 1910 l’inquiétude de Luis Muños Rivera : « If we cannot be one of your states ; if we cannot constitute a country of our own then we will have to be perpetually a colony, a dependency of the United States »43. Par conséquent, si, à force de résistance, une certaine forme d’autonomie est accordée aux Portoricains, il apparaît clairement que ce nouveau statut civique présente, à partir de 1952, des particularités qui font du citoyen américain d’origine portoricaine un individu à part, ni tout à fait un immigré, ni tout à fait un Américain, tiraillés entre deux cultures et deux territoires. Le statut des Portoricains immigrés les place donc en marge de la société d’accueil et, comme le souligne l’un des fondateurs des Young Lords, les éloigne plus encore des autres communautés hispaniques :

  • 44  Juan Gonzalez, op. cit., p. 82.

The contradiction of being at once both citizens and foreigners […] has made the Puerto Rico migrant experience in America profoundly schizophrenic, more similar in some ways to that of African Americans or Native Americans than to any other Latino group.44

  • 45  Dans le passé, ce grief avait d’ailleurs déjà suscité le rapprochement des deux minorités, puisqu’ (...)
  • 46  Voir le court documentaire sur le site du Latino Education Network Service.

17Ainsi, puisqu’ils se considèrent tout autant victimes du colonialisme interne, les responsables associatifs se rallient au mouvement anticolonialiste mené par les Afro-Américains45. Au cours des années 1970, alors que l’armée américaine s’enlise dans le bourbier vietnamien, les Young Lords accompagnent les manifestants noirs pour condamner la politique étrangère américaine et ce qu’ils considèrent être une nouvelle offensive contre un peuple de couleur. Dans les rues de New York, sur les banderoles déployées, on peut ainsi lire : « Puerto Rico and Vietnam have a common enemy : yankee imperialism46 ». L’époque est donc à la contestation et à la critique de l’impérialisme américain. Toutefois, aux yeux des manifestants de confession islamique, colonisation et christianisation sont au cœur des logiques de ségrégation.

De l’exclusion à l’islamisation

  • 47  L’expression est de Pauline Guedj, « Des ‘Afro-Asiatiques’ et des ‘Africains’ : Islam et afrocentr (...)
  • 48  Cité dans L. Henry Whelchel, « Christianity » in The Malcolm X Encyclopedia, Robert L. Jenkins (ed (...)
  • 49  Cité dans George Breitman, op. cit., p. 60.
  • 50  Cité dans Hisham Aidi, « Olé to Allah: New York’s Latino Muslims », Geocities.com, URL: http://www (...)
  • 51  Cité dans Martha F. Lee, The Nation of Islam : An American Millenarian Movement, Syracuse (NY) : S (...)
  • 52  Daniel Wakin, op. cit. p .2.
  • 53  Cité dans Andrea Perera, « Latinos abandon Catholic Church for Islam », HispanicMuslims.com. p. 1.

18Pour les musulmans noirs, depuis la fondation en 1913 du Moorish Science Temple, « première expérience islamique en terre afro-américaine »47, le christianisme est à la fois l’origine et l’instrument de l’oppression. Voilà l’opinion que réitère Malcolm X dans un discours prononcé en 1962 : « Christianity has a long legacy of believers who used religion to enslave blacks. The scriptures served to inoculate them into docility »48. Le principal grief a trait à l’hypocrisie des Églises chrétiennes qui, au cours des siècles, ont été les auxiliaires de l’esclavage et de la colonisation, et qui, désormais, tout en promouvant la fraternité entre les croyants, n’apportent qu’un soutien timide à la cause afro-américaine. Or l’islam, explique Malcolm X, n’opère pas de distinction raciale : « America needs to understand Islam, because this is the one religion that erases from its society the race problem »49. Plus qu’un acte de foi, la conversion à l’islam est donc un acte de dissidence vis-à-vis des chrétiens accusés de colonialisme et de racisme. Les militants de l’Alianza Islámica empruntent alors le discours des intellectuels afro-musulmans et se rangent du côté des peuples colonisés. Mais comment légitimer leur affiliation à l’Oumma, c’est-à-dire à la communauté des musulmans ? Sur l’effigie accolée au nom de l’association, ses fondateurs font le choix de faire apparaître côte à côte trois figures ; un indien taïnos, un esclave d’origine africaine et un représentant de la civilisation mauresque. Ayant pour objectif de démontrer que l’islam est moins étranger à l’identité portoricaine que les convertis potentiels l’imaginent, l’Alianza Islámica rappelle ainsi les liens historiques qui associent les colons espagnols aux musulmans. Venus pour la plupart d’Andalousie, les Espagnols implantés en Amérique du Sud et aux Caraïbes étaient effectivement porteurs d’un héritage mauresque acquis après sept siècles de domination arabo-musulmane sur la péninsule ibérique. Les membres de l’Alianza Islámica considèrent par conséquent que les Hispano-Américains, et donc les Portoricains, sont descendants des Maures, et plus précisément des Morisques convertis contre leur gré au catholicisme après la Reconquista à la fin du 15ème siècle : « Most of the people who came to Latin America and the Spanish Caribbean were from Southern Spain. They were Moors. They were Moriscos »50. Parmi ces références symboliques à l’histoire coloniale de Porto Rico, le choix de la figure mauresque se révèle déterminant car il permet aux leaders portoricains de légitimer leur affiliation généalogique à l’Oumma et de s’inscrire dans la mythologie traditionnelle des Afro-musulmans qui situe les terres ancestrales du peuple noir dans ces régions du globe que l’on appelle aujourd’hui « le Monde arabe ». Noble Drew Ali, fondateur du Moorish Science Temple,attribuait en effet à ses congénères des origines « asiatiques », c’est-à-dire arabes : « Christianity is for the European (paleface) ; Moslemism is for the Asiatic (olive-skinned) »51. Dans son Holy Koran, il expliquait ainsi que les Afro-Américains n’étaient pas « noirs » mais descendants des Cananéens et que, de fait, leur religion originelle était l’islam. De même, Wallace Fard Muhammad, chef spirituel et fondateur de la Nation of Islam dans les années 1930, enseignait que les Noirs étaient les descendants de la tribu de Shabazz originaire de la péninsule arabique. Le message adressé par les fondateurs de l’Alianza à leurs semblables est donc parfaitement clair ; il s’agit d’une part de susciter un sentiment de fierté et, d’autre part, d’opérer une rupture vis-à-vis de leurs origines européennes en se déclarant généalogiquement liés au peuple maure. D’ailleurs, les leaders du mouvement ne parlent pas de « conversion » à l’islam, mais de « reconversion » à la religion de leurs ancêtres52. Interrogé sur les motifs de sa « reconversion », Hajj Yahya Figueroa explique qu’il a choisi d’embrasser l’islam pendant la guerre du Vietnam. L’attitude de l’Église catholique qui, indirectement, cautionne l’intervention militaire américaine est pour lui une source de désillusions profondes ; « This was a peace-loving religion. Yet, the pope was blessing bombs going to Vietnam. The Church wasn’t as innocent as it claimed to be »53.

  • 54  Philippe Jacquin, et al. Le peuple américain : origines, immigration, ethnicité et identité, Paris (...)
  • 55  Cité dans Carmen Teresa Whalen, « Bridging Homeland and Barrio Politics : the Young Lords in Phila (...)
  • 56  Voir Christopher Shannon « The Politics of Suffering: Ivan Ilich’s critique of modern medicine » i (...)
  • 57  Juan Gonzalez, op. cit., p. 92.
  • 58  Claude Lévy, Les minorités ethniques aux États-Unis, Paris : Ellipse, 1997, p. 124.

19S’ils condamnent avec leurs coreligionnaires afro-américains le rôle du christianisme dans la colonisation et l’asservissement des « peuples de couleur », les Portoricains nouvellement convertis nourrissent cependant, de longue date, une rancune tenace à l’égard des responsables ecclésiastiques américains. Dans les années 1920, lorsque les premiers immigrés s’installent à New York, il ne s’agit là pour beaucoup que d’une étape transitoire. Percevant le départ de ses fidèles de la même façon, l’Église catholique de Porto Rico ne prend pas en compte les besoins de ceux partis chercher fortune sur le continent. De fait, rares sont les prêtres à effectuer le voyage54. Les Portoricains de New York se tournent alors vers les églises catholiques américaines. Dans le quartier de East Harlem, les fidèles fréquentent par exemple, l’église St. Cecilia. Mais ce lieu de culte, comme la plupart des églises catholiques de New York, est administré par la communauté irlandaise. Les Portoricains, qui ne maîtrisent pas tous la langue anglaise, sont donc contraints de s’adapter aux pratiques rituelles des Irlandais qui voient d’un mauvais œil l’arrivée de ces nouveaux paroissiens illettrés et porteurs d’une culture hybride. Il faut préciser que, résultant aussi de métissages culturels, la religion pratiquée par certains Boricuas allie rites catholiques et croyances animistes. Cette forme de syncrétisme, acceptée par les prêtres en territoire d’origine, est considérée comme une déviance sur le continent. Parfois aussi, le discours ecclésial reproduit la logique essentialiste qui fait du Portoricain un délinquant. Voici ce que rapporte Juan Jamos, membre de l’Alianza Islámica : « A nun would call us Spics [and say] ‘you’re ruining the neighborhood’, she would smack us around… and this lady would say it, and we would have to take this from this nun »55. Toutefois, en 1951, plus au nord de Manhattan dans le quartier de Washington Heights, l’église de l’Incarnation est confiée au Père Ivan Illich, autrichien de naissance, qui prend immédiatement la mesure de la situation d’abandon dans laquelle se trouve la minorité portoricaine. A la fois homme d’église, travailleur social et intellectuel engagé, Illich publie une série d’essais dans lesquels il dénonce l’ostracisation des Portoricains et invite ses coreligionnaires à plus de tolérance vis-à-vis des particularismes religieux. Il reproche notamment à son supérieur hiérarchique, le Cardinal Francis Spellman, de s’appuyer sur la doctrine sociale catholique pour encourager l’acculturation de ses paroissiens56. En fin de compte, comme le résume Juan Gonzalez, membre des Young Lords, l’Église catholique américaine, attache très peu de considération à ces nouveaux venus : « The Church relegated Puerto Ricans to the basements of most parishes »57. Sans appui réel de leur congrégation religieuse originelle, les Portoricainsn’ont pas la possibilité de créer leur propre diocèse et de nombreux fidèles finissent par déserter les églises américaines58.

  • 59  Voir à ce propos le chapitre 5.1. « L’Eglise gardienne de l’identité ethnique des individus » dans (...)

20Ainsi, contrairement à la plupart des groupes immigrés qui les ont précédés, les Portoricains ne bénéficient pas de la fonction médiatrice assumée traditionnellement par les lieux de culte ou les organisations religieuses59. Même si un certain nombre se tourne déjà vers les Églises protestantes, dans l’ensemble, les membres de la communauté new-yorkaise se retrouvent, au début des années 1970, sans véritable soutien spirituel. Or, à la même époque, la composition de la communauté musulmane des États-Unis est enrichie de nouveaux apports, un phénomène qui provoque la refonte des doctrines théologiques.

Orthodoxie et pluralité culturelle

  • 60  Aaron Terrazas, « Middle Eastern and North African Immigrants in the United States », The Migratio (...)
  • 61  Yvonne Yazbeck Haddad, Not Quite Americans? The Shaping of Arab and Muslim Identity in the United (...)

21L’abrogation du système des quotas par le Hart-Cellar Act en 1965 a pour effet de modifier considérablement la composition des flux migratoires en direction des États-Unis. En particulier, les pays de l’aire islamique sont désormais autorisés à envoyer de nouveaux contingents d’immigrés. Les pays du Maghreb, du Machrek mais aussi du sous-continent indien (Pakistan et Bangladesh) perdent alors une grande partie de leurs élites qui bénéficient des critères qualitatifs de la nouvelle réglementation migratoire ; intellectuels, universitaires, chercheurs et gens de profession libérale quittent leur terre natale pour s’installer dans les grandes métropoles américaines. Au total le nombre d’immigrés originaires du Moyen-Orient et du Maghreb passe de 78 648 en 1960 à plus de 122 500 en 197060. Majoritaires jusqu’alors, les Afro-musulmans doivent donc composer avec ces nouveaux venus qui, dans leur ensemble, sont d’obédience sunnite. Si le statut social des immigrés est supérieur à celui de leurs prédécesseurs, leur engagement politique est aussi plus prononcé. La Guerre des Six Jours qui consacre en 1967 la supériorité d’Israël met en évidence les erreurs géopolitiques des dirigeants proche-orientaux et porte un coup fatal à l’idéal pan-arabe. Nombreux sont ceux parmi ces nouveaux immigrés qui revendiquent alors une nouvelle identité basée sur la religion islamique, seule alternative aux échecs du nationalisme séculier. Mieux éduqués et plus religieux que leurs prédécesseurs, ces immigrés entreprennent dès leur arrivée d’organiser les pratiques rituelles collectives. Ils constatent d’une part que les musulmans originaires du Monde arabeet installés de longue date sont, pour la plupart, totalement intégrés à la société américaine au point d’en avoir abandonné leur langue et culture traditionnelle ; les mariages exogames sont fréquents, la prière hebdomadaire n’est plus effectuée le vendredi mais le dimanche et la mixité dans les lieux de culte est fréquente61. D’autre part, ils observent que la théologie afro-islamique comporte des éléments de doctrine qui l’éloignent de l’islam traditionnel. En particulier, la légende de Wallace Fard Muhammad, à la fois messie et réincarnation d’Allah, est pour eux un dévoiement de l’orthodoxie sunnite.

  • 62  Cité dans Martha F. Lee, op. cit., p. 69.

22De son côté, la communauté afro-américaine est brutalement privée de son leader charismatique. Elijah Muhammad, qui avait succédé à Fard en 1934, décède d’un arrêt cardiaque en février 1975. En accord avec la théologie de la Nation of Islam, son septième fils, Wallace Muhammad est choisi comme successeur. Dès son intronisation, le nouveau leader introduit une série de changements théologiques fondamentaux ; les lieux de culte autrefois appelés « temples » sont renommés « mosquées » ; on encourage la lecture du Coran et l’apprentissage de l’arabe. Mais surtout, le fils d’Elijah Mohammed, inspiré par le cheminement spirituel de Malcolm X décide, à son tour, de rompre avec l’idéologie raciste et nationaliste de son père. Le chef de la congrégation religieuse (qui adopte le nom musulman de Warith Deen Muhammad) défend donc le caractère universel de la religion islamique et s’oppose à toute forme de racisme ou d’exclusion. Il n’est plus question de promouvoir la suprématie de la race noire : « We’re a world community – a community that encompasses everybody. We have Caucasians and Orientals who are members and we are all just Muslims »62. Par conséquent, la Nation of Islam est renommée The World Community of al-Islam in the West et opère une ouverture destinée à accueillir de nouveaux membres. Désormais, les Blancs, qui ne sont plus désignés comme des « diables », peuvent adhérer à la nouvelle organisation religieuse. La réorientation vers une forme plus orthodoxe de l’islam entraîne alors, comme le note Martha Lee, l’adhésion d’une nouvelle génération d’adeptes :

  • 63  Ibid, p. 67.

It was announced that membership had risen during 1975 […] Aside from its movement towards Orthodox Islam ; the Nation had also begun the process of integration with the White population.63

23Cette tolérance affichée vis-à-vis des autres groupes ethniques minoritaires, ce rejet de la discrimination raciale offrent aux Portoricains en quête de reconnaissance l’occasion de s’inscrire dans une démarche militante et collective. C’est ce qu’explique Ibrahim Gonzalez :

  • 64  Cité dans Daniel Wakin, op. cit. p. 1.

Islam represented a place for us to be part of a larger community. When we realized that within Islam there was every spectrum of people, regardless of class, regardless of race, we were attracted to that universal principle of human interaction and communion with the divine.64

24Tandis que les disciples prosélytes de Warith Deen Muhammad élargissent leurs campagnes de recrutement au barrio de New York, un groupe de dissidents mené par Louis Farrakhan décide en 1977 de reprendre le flambeau de la Nation of Islam afin de rétablir le séparatisme noir prôné par son fondateur.

25L’apparition en 1975 d’une communauté hispano-musulmane institutionnalisée s’effectue donc à une époque où le groupe des musulmans dans son ensemble est à la fois dans une phase de croissance démographique qui fait suite à l’apport de populations exogènes, et dans une phase de fragmentation qui conduit à une diversification des expressions religieuses. En adoptant une autre religion que celle des colons –passés ou présents– et parce qu’ils sont évincés de leur communauté religieuse traditionnelle, les Portoricainsayant embrassé la religion islamique à la fin du 20ème siècle ont fait le choix d’adopter un ensemble de croyances, de pratiques et de comportements destinés à composer une nouvelle identité collective ; leur acte de conversion traduisant un besoin de reconnaissance sociale autant qu’une volonté de résistance à la domination.

Conclusion

  • 65  Voir les témoignages rapportés dans les articles de Hisham Aidi ou Kenny Rodriguez.

26Interrogés sur les motivations ayant présidé à leur changement d’affiliation religieuse, les Hispaniques convertis à l’islam évoquent, plutôt que la quête de nouvelles valeurs spirituelles, la nécessité de réorganiser les rapports sociaux ou familiaux mis à mal par le déracinement et la crise de transmission des valeurs traditionnelles65. Si ces témoignages expriment les préoccupations et les aspirations personnelles, notre étude du cas portoricain apporte un éclairage sur les enjeux sociopolitiques de la conversion religieuse. Nous avons observé que la décennie ayant vu apparaître la première association hispano-musulmane fut à la fois une époque charnière dans l’histoire économique américaine et un tournant dans les rapports entre minorités ethniques et majorité culturelle. Conjugué à la première crise pétrolière de 1973, le processus de désindustrialisation a amplifié la précarité des classes populaires new-yorkaises composées en grande partie d’Afro-Américains et de Portoricains. Parallèlement, le mouvement des droits civiques a ouvert la voie à d’autres mobilisations et mis en exergue des inégalités qui étaient jusqu’alors assumées collectivement. Cependant, les Portoricains de New York, du fait de leurs caractères phénotypiques et de leur héritage hispanique étaient également dans une situation d’indétermination culturelle qui les reléguait en marge du système de classification raciale. Nous avons également observé que la proximité sociale et spatiale de la minorité afro-américaine a donné lieu à une convergence des discours politiques, notamment autour du concept de « colonie interne ». Les plus radicaux des leaders noirs réclamaient l’établissement d’une nation autonome en Amérique. De leur côté, les Portoricains de New York estimaient que l’inégalité de leur statut civique était le facteur explicatif de leur stagnation socio-économique. Enfin, il a été relevé que c’est le désaveu du christianisme associé au pouvoir de l’homme blanc qui a formé le ciment cohésif de la coalition associant Afro-Américains et Portoricains. Même si la référence aux origines mauresques peut sembler une justification à posteriori, il apparaît clairement que l’ambiguïté identitaire des Portoricains et leur marginalisation ont été des vecteurs essentiels de leur changement d’affiliation religieuse.

  • 66  L’expression est d’Olivier Roy L’Islam mondialisé, Paris : Editions du Seuil, 2002, p. 27. Voir au (...)
  • 67  Tariq Ramadan, « Les musulmans et la mondialisation ». Pouvoirs n° 104. Islam et Démocratie, Paris (...)

27Notre analyse du processus de religion switching vient soutenir l’observation déjà formulée dans la littérature scientifique que la substitution des rapports de « races » aux rapports de classes conduit immanquablement au repli identitaire ou, dans le cas des Portoricains convertis à l’islam, à l’adoption d’une « identité contestataire »66. Si, selon Tariq Ramadan, l’islam se doit d’être « la voix des sans-voix »67, le fait d’embrasser cette religion a en tout cas donné la possibilité aux nouveaux convertis de trouver une alternative à la déstructuration de leur communauté, et de se définir une nouvelle identité collective qui n’exigeait pas d’eux un choix entre les différentes cultures qui les écartelaient. Outre la simplicité du processus de conversion à l’islam, la déculturation de cette religion, c’est-à-dire son détachement d’une culture d’origine dans le contexte états-unien, a finalement favorisé l’adhésion à la communauté islamo-américaine d’une nouvelle composante ethnoculturelle.

28Nous l’évoquions en introduction, le cercle des nouveaux convertis s’est désormais élargi ; les Hispaniques originaires d’Amérique Latine ont emboîté le pas derrière les pionniers portoricains. Depuis les années 1980, de nouvelles associations hispano-musulmanes ont vu le jour ; dans la capitale fédérale, la PIEDAD (Propagación Islámica para la Educación e la Devoción a Alah el Divino), s’est donnée pour mission de répondre spécifiquement aux besoins des femmes et d’assister les épouses nouvellement converties. Khadija Rivera, originaire elle aussi de Porto Rico et fondatrice de l’association en 1988, défend en particulier la participation des femmes musulmanes à la vie publique et s’attache à promouvoir l’égalité sociale entre les deux sexes. A l’extrémité sud de la côte Atlantique, dans la ville de Plantation en Floride, la Bism Rabbic Foundation, fondée en 1998, a pour vocation de coordonner les activités de la communauté par le biais des médias télévisuels, radiophoniques ou électroniques. Cette association diffuse parallèlement toute une série d’articles destinée à informer l’opinion publique sur la religion islamique et à promouvoir le rapprochement des chrétiens et des musulmans. Évidemment, au regard des spécificités du groupe portoricain et compte tenu de l’hétérogénéité du groupe hispanique, il est difficile d’appliquer notre diagnostic étiologique à l’ensemble des composantes du groupe en question. Toutefois, force est de constater que, d’après les statistiques du dernier recensement, les Latinos portent de nos jours encore les stigmates de l’exclusion sociale. Or, la visibilité de la communauté musulmane américaine étant désormais de plus en plus prononcée, il est fort à parier que, dans un avenir proche, la hausse concomitante des conversions au sein du groupe hispanique participera à l’émergence de formes concurrentes de mobilisation politique.

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Notes

1  « The Religious Switcher in the United States », American Sociological Review, vol. 44 (August), Washington DC : The American Sociological Association, 1979, 528-552.

2  Voir l’étude de Luis Lugo, « Faith in Flux », Pew Forum on Religion and Public life (2009). Voir aussi l’enquête de Barry A. Kosmin et Egon Mayer : American Religious Identification Survey 2001.

3  Barry A. Kosmin et Egon Mayer, op. cit., p. 24.

4  Journey into America : the Challenge of Islam, Washington DC : Brookings Institution Press, 2010, p. 304.

5  Andrew Kohut, et al., « Muslim Americans : Middle-Class and Mostly Mainstream », The Pew Research Center, 2007, p. 22.

6  La communauté musulmane des États-Unis est aujourd’hui estimée à 6 ou 7 millions de personnes. Le nombre d’immigrants en provenance du Moyen-Orient serait passé de 192.000 personnes en 1970 à près de 500.000 en 1980 (voir l’étude de Steven A. Camarota pour le Center for Immigration Studies).

7  Voir notamment William D Antonio, « Latino Catholics: How different? », National Catholic Reporter, natcath.com, p. 2.

8  Voir les articles de Margaret Ramirez, Daniel J. Wakin ou Aidi Hisham.

9  Kenny Y. Rodriguez, « Latino Americans Embracing Islam », HispanicMuslims.com, p. 1.

10  Akbar S. Ahmed, Journey into America : the Challenge of Islam, Washington DC : Brookings Institution Press, 2010. p. 320.

11  Cité dans Falasten M. Abdeljabbar, « Islam gains Hispanic adherents in Hudson », HispanicMuslims.com. p. 1. Fondée en 1994, le CAIR est une association nationale dont la vocation est de défendre les libertés civiques des Américains de confession islamique. Son siège social est implanté dans la capitale fédérale.

12  Margaret Ramirez, op. cit. p. 1, Daniel J. Wakin, op. cit. p. 2.

13  Voir Audrey Célestine, « De la ‘menace portoricaine’ aux mobilisations hispaniques : la trajectoire collective des Boricuas de New York », Revue Française d’Études Américaines, n° 124, Paris : Belin, 2010, p. 111.

14  « Les motifs d’attraction pour le religieux : des besoins affectifs et cognitifs au désir d’expansion de soi » in Pierre-Yves Brandt et Claude-Alexandre Fournier (dir.), La conversion religieuse : analyses psychologiques, anthropologiques et sociologiques, Editions Labor et Fides, Genève, 2009, p. 81.

15  « Musulmans et conversion en Espagne au 17ème siècle » in Garcia-Arenal Mercedes (ed.), Conversions islamiques. Identités religieuses en Islam méditerranéen / Islamic Conversions. Religious Identities in Mediterranean Islam, Paris, Maisonneuve & Larose, 2002.

16 « Retour sur ‘la conversion africaine’ : Horton, Peel et les autres », Journal des africanistes, n° 68, 1998, p. 11-20. Persée, Revues Scientifiques.

17  Voir par exemple, Jorge Duany, « Puerto Ricans in the United States », in Encyclopedia of Diasporas : Immigrant and Refugee Cultures Around the World Encyclopedia of Diasporas, p. 1056.

18  Ramon Grosfoguel, « La problématique intégration des Portoricains aux États-Unis », Hommes et Migrations, n° 1237, Paris : Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration, 2002, p. 94.

19  Mot qui désigne les Portoricains en référence à l’ancien nom de l’île (Boriquen).

20  Selon R. Grosfoguel, la mise en place de vols charter entre l’île et la métropole était destinée à réduire les tensions sociales en se débarrassant des chômeurs, op. cit., p. 96.

21  En 1970, 70 % des Hispaniques new-yorkais sont d’origine portoricaine. Voir Douglas S. Massey, Brooks Bitterman, « Explaining the Paradox of Puerto Rican Segregation », 1985, p. 308.

22  Roberto Suro, Strangers Among Us: Latino Lives in a Changing America, New York: Vintage Books, 1999, p. 142.

23  En 1921 et 1924, le Congrès fait voter de nouvelles lois migratoires qui ont pour effet de fermer les portes aux Européens du Sud et de l’Est. L’immigration en provenance d’Asie est interrompue dès 1882 avec le Chinese Exclusion Act.

24  Roberto Suro, op. cit. p. 148.

25  Le système de quotas en fonction des origines nationales est abrogé par le Hart-Celler Act en 1965.

26  Joe Feagin, Racial and Ethnic Minorities, Upper Saddle River (NJ): Prentice Hall, 1996, p. 346.

27  Au début des années 1970, les conditions de vie sont telles que le nombre de Portoricains retournant en territoire source est supérieur à celui des immigrés venant de l’île (voir Jorge Duany, « Nation, Migration, Identity : the Case of Puerto Ricans », Latino Studies 2003, 1, (424-444), Palgrave Macmillan, 2003, p. 431.

28  Oscar Lewis, La Vida : Une famille porto-ricaine dans une culture de pauvreté : San Juan et New York, Paris : Gallimard, 1969, p. 89.

29  Joe Feagin, op. cit., p. 342.

30  Ibid., p. 342.

31  Op. cit., p. 142.

32  Oboler, Suzanne, « The Politics of Labeling : Latin/a Cultural Identities of Self and Others », Latin American Perspectives, vol. 19, N° 4, Autumn, 1992, p. 22.

33  Audrey Célestine, op. cit., p. 116. Il s’agit ici des subventions accordées dans le cadre du programme de « Guerre contre la pauvreté » lancé par le président Lyndon B. Johnson en 1964.

34  Cité dans Duany (2003), op. cit., p. 436.

35  L’expression est de Grosfoguel, op. cit., p. 98.

36  Titre d’un essai rédigé par Ivan Illich.

37  Joe Feagin, op. cit., p. 353.

38  Cité dans Roland Young, « The Young Lords Organisation on the Move: interview with Rafael Viera », in Foner, S. Philip (ed.), The Black Panthers Speak, New York: Da Capo Press, 1995, p. 233.

39  Cité dans Roland Young, op. cit., p. 234.

40  Cité dans George Breitman, (ed.), Malcolm X Speaks: Selected Speeches and Statements, New York: Grove Press, 1990, p. 4.

41  Stokely Carmichael and Charles V. Hamilton, Black Power: The Politics of Liberation, New York: Random House, 1967, p. 5.

42  Young Lords, « Young Lords Party 13 Point Program and Platform », younglords.info.

43  Cité dans Ronald Fernandez, The Disenchanted Island: Puerto Rico and the US in the 20th Century (2nd edition), Westport (CT): Praeger, 1996, p. 66.

44  Juan Gonzalez, op. cit., p. 82.

45  Dans le passé, ce grief avait d’ailleurs déjà suscité le rapprochement des deux minorités, puisqu’en 1898, pendant la guerre américano-espagnole, W.E.B. Du Bois avait, par exemple, soutenu les revendications politiques des nationalistes portoricains. De même façon, dans les années 1930, Paul Robeson, artiste et militant communiste noir, avait appuyé les revendications du Parti Nationaliste portoricain et condamné l’incarcération de son président, le Dr. Pedro Albizu Campos.

46  Voir le court documentaire sur le site du Latino Education Network Service.

47  L’expression est de Pauline Guedj, « Des ‘Afro-Asiatiques’ et des ‘Africains’ : Islam et afrocentrisme aux États-Unis », Cahiers d'études africaines n° 172, Paris : Editions de l'E.H.E.S.S. 2003/4, p. 742.

48  Cité dans L. Henry Whelchel, « Christianity » in The Malcolm X Encyclopedia, Robert L. Jenkins (ed.), Westport (CT): Greenwood Press, 2002, p. 152.

49  Cité dans George Breitman, op. cit., p. 60.

50  Cité dans Hisham Aidi, « Olé to Allah: New York’s Latino Muslims », Geocities.com, URL: http://www.geocities.com. p. 1.

51  Cité dans Martha F. Lee, The Nation of Islam : An American Millenarian Movement, Syracuse (NY) : Syracuse University Press, 1996. p. 20.

52  Daniel Wakin, op. cit. p .2.

53  Cité dans Andrea Perera, « Latinos abandon Catholic Church for Islam », HispanicMuslims.com. p. 1.

54  Philippe Jacquin, et al. Le peuple américain : origines, immigration, ethnicité et identité, Paris : Editions du Seuil, 2000, p. 323.

55  Cité dans Carmen Teresa Whalen, « Bridging Homeland and Barrio Politics : the Young Lords in Philadelphia » in The Puerto Rican Movement: voices from the diaspora, Andrés Torres & José E. Velasquez, p. 109.

56  Voir Christopher Shannon « The Politics of Suffering: Ivan Ilich’s critique of modern medicine » in Figures in the Carpet: Finding the Human Person in the American Past. Ed. by Wilfred M. McClay, Grand Rapids: Eerdmans, 2007, p. 331.

57  Juan Gonzalez, op. cit., p. 92.

58  Claude Lévy, Les minorités ethniques aux États-Unis, Paris : Ellipse, 1997, p. 124.

59  Voir à ce propos le chapitre 5.1. « L’Eglise gardienne de l’identité ethnique des individus » dans l’ouvrage de Marie-Christine Michaud Les Italiens aux États-Unis 1918-1929 : Progrès et limites d'une assimilation, Paris : L’Harmattan, 1998.

60  Aaron Terrazas, « Middle Eastern and North African Immigrants in the United States », The Migration Policy Institute, p. 1.

61  Yvonne Yazbeck Haddad, Not Quite Americans? The Shaping of Arab and Muslim Identity in the United States, Waco (TX): Baylor University Press, 2004, p. 13.

62  Cité dans Martha F. Lee, op. cit., p. 69.

63  Ibid, p. 67.

64  Cité dans Daniel Wakin, op. cit. p. 1.

65  Voir les témoignages rapportés dans les articles de Hisham Aidi ou Kenny Rodriguez.

66  L’expression est d’Olivier Roy L’Islam mondialisé, Paris : Editions du Seuil, 2002, p. 27. Voir aussi les travaux de George G. Corm, Histoire du pluralisme religieux dans le bassin méditerranéen, Geuthner, Paris, 1998.

67  Tariq Ramadan, « Les musulmans et la mondialisation ». Pouvoirs n° 104. Islam et Démocratie, Paris, Seuil, janvier 2003, p. 104.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Dominique Cadinot, « De l’islamisation des Hispaniques aux États-Unis »Amerika [En ligne], 7 | 2012, mis en ligne le 21 décembre 2012, consulté le 13 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/amerika/3515 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/amerika.3515

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Auteur

Dominique Cadinot

Université d’Aix-Marseille
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