Navigation – Plan du site

AccueilNuméros28Dossier : Périphérie(s) dans les ...Littératures et imaginairesNouvelle mestiza : une Mexican Go...

Dossier : Périphérie(s) dans les imaginaires et les récits latino-américains contemporains
Littératures et imaginaires

Nouvelle mestiza : une Mexican Gothic comme personnage-territoire à la croisée des genres

Marion Zell

Résumés

Gloria Anzaldúa prédisait dès 1987 dans son ouvrage Borderlands/La Frontera l'émergence de « la nouvelle mestiza», une identité à l'intersection des cultures. Cet article étudie, dans une approche comparatiste avec Rebecca de Daphné Du Maurier (1938), l'exploitation de ce personnage-territoire par l'autrice mexico-canadienne Silvia Moreno-Garcia dans le roman d’horreur gothique Mexican Gothic (2020). Plus particulièrement, la question de l'usage des éléments fantastiques comme vecteur d'agentivité y est mise en perspective, avec le détournement des codes classiques du roman gothique européen et du réalisme magique latino-américain. Il s'agit également de noter l'influence d'un contexte social sur la construction identitaire des héroïnes mestizas, placées au centre de l’histoire, et de la critique postcoloniale sur la mise à la marge des personnages britanniques, renvoyés au second plan. La littérature « de l'imaginaire » apparaît, dans Mexican Gothic, comme un terrain liminal de choix entre deux aires socio-culturelles.

Haut de page

Texte intégral

  • 1 « I am a border woman. » (Anzaldúa, 2022 [1987]: 10) [« Je suis une femme-frontière », nous traduis (...)
  • 2 « partout où deux ou plusieurs cultures se côtoient, où des personnes de races différentes occupent (...)
  • 3 « The psychological borderlands, the sexual borderlands and the spiritual borderlands are not parti (...)

1Gloria Anzaldúa, autrice chicana lesbienne, universitaire et militante, a théorisé dans son ouvrage Borderlands/La Frontera (1987) l’émergence d’une identité à l’intersection entre plusieurs cultures, qu’elle nomme « the new mestiza », « la nouvelle mestiza ». Elle se définissait comme une « femme-frontière1 » faisant partie de ces nouvelles mestizas qui émergent dans les Terres Frontalières (en version originale, les Borderlands), qu’elle situe « wherever two or more cultures edge each other, where people of different races occupy the same territory, where under, lower, middle and upper classes touch2 » (Anzaldúa, 2022 [1987]: 10). D’un point de vue métaphorique, les Borderlands se manifestent également lorsqu’un individu est confronté à une hiérarchie sociale rejetant une partie de son identité (qu’il s’agisse de sa race sociale, de son orientation romantico-sexuelle, de son identité de genre ou encore de sa classe) (Orozco-Mendoza, 2008). Ces « frontières » symboliques ne se limitent pas à la situation mexico-étasunienne, comme le rappelle l’autrice3. Les Borderlands se situent dans toutes les marges, à la périphérie de la « norme ».

2Le roman Mexican Gothic de Silvia Moreno-Garcia (2020) s’inscrit dans la pensée développée par Anzaldúa. L’autrice se réapproprie les codes du roman gothique anglais, avec une trame particulièrement proche du célèbre Rebecca de Daphné Du Maurier (1938), et les modernise en transposant son intrigue dans une Terre Frontalière, High Place, où les cultures s’entrechoquent. Influencée par le contexte postcolonial et féministe, Moreno-Garcia propose une œuvre qui se joue des délimitations, qu’elles se situent entre les genres littéraires ou dans la construction de ses personnages. Son héroïne, Noemí, incarne la nouvelle mestiza par de nombreux aspects, et explore des Borderlands matériels et allégoriques.

3Dans une approche comparatiste avec le roman de Du Maurier, nous analyserons comment Moreno-Garcia mêle plusieurs genres pour produire une œuvre transfrontalière, puis la façon dont cette identité plurielle s’exprime à travers ses personnages.

Au croisement des genres littéraires : entre le gothique britannique et le réalisme magique latino-américain

Jeu avec les codes de la romance gothique

  • 4 « celIe [la littérature] qui circule dans le peuple, qu'il la crée ou que, venue d'ailleurs, il l'a (...)
  • 5 « l'espace étrange et souvent violent d'une expérience hétérosexuelle féminine » (nous traduisons)

4Si Mexican Gothic appartient indéniablement, comme Rebecca, à la littérature populaire (telle que définie par Manuel Viegas Guerreiro4), catégoriser ce roman dans un unique genre littéraire paraît délicat. Son titre semble tout de même revendiquer une appartenance au gothique. Popularisé jusqu’aux années 1820, le gothique anglais explore les passions et la moralité, tandis que le gothique victorien de la fin du XIXe siècle questionne les angoisses de la société puritaine de cette époque (tensions entre les classes sociales, maladies associées aux colonies). Par la suite, le courant moderniste et le gothique s’influencent l’un l’autre au début du XXe siècle, faisant évoluer ce genre vers de nouvelles esthétiques qui donneront naissance à la littérature d’horreur, de science-fiction (Brantlinger, 1980) mais aussi à de nouvelles formes de « romance gothique » (Gothic romance), comme la « romance paranormale ». La romance gothique se réapproprie le paradigme propre au gothique, qui oscille entre radicalité et conservatisme, et explore « the uncanny and often violent space of a feminine heterosexual experience5 » (Toscano, 2020: 126).

  • 6 Voir Nungesser, 2007 et Haddad, 2012.

5Rebecca et Mexican Gothic s’inscrivent dans le genre gothique, et s’apparentent tous deux plus spécifiquement à la romance gothique. Si des critiques ont vu en Rebecca une réécriture du classique Jane Eyre de Charlotte Brontë6, les liens entre Rebecca et Mexican Gothic sont eux aussi indéniables. Silvia Moreno-Garcia a d’ailleurs confié admirer Daphné Du Maurier :

WFR.com: Who are the writers or editors you look up to the most or feel the most kinship with? [Qui sont les auteurs ou éditeurs que vous admirez le plus ou avec lesquels vous vous sentez le plus en phase ?] (…)

Moreno-Garcia: It changes for me (…) but I had a Daphne du Maurier phase. [Cela change pour moi (…) mais j’ai eu une phase « Daphné Du Maurier. »] (Mills, 2013)

  • 7 « And then you have also this idea of decay and danger in things like Jane Eyre, where there’s the (...)
  • 8 « Catalina adorait Jane Eyre et Les Hauts de Hurlevent. » (Moreno-Garcia, trad. Mamier, 2021: 35.)

6Silvia Moreno-Garcia cite également Jane Eyre comme source d’inspiration7, et le mentionne directement dans son roman comme l’une des œuvres favorites de Catalina, personnage secondaire dont la figure a une importance capitale (voir ci-après) : « Wuthering Heights and Jane Eyre, those were Catalina’s sort of books. » (Moreno-Garcia, 2020: 46)8.

  • 9 « résolument victorien » (Moreno-Garcia, trad. Mamier, 2021: 21)
  • 10 « Un vrai décor de roman gothique. » (ibid. : 35)
  • 11 « exquise et sans défaut » (Du Maurier, trad. Neuhoff, 2015: 92)
  • 12 « générer une certaine inquiétude, faire surgir des images de fantômes et de maisons hantées » (Mor (...)
  • 13 « a vague and undetermined place created by the emotional residue of an unnatural boundary » [« un (...)

7Entre élément de décor et personnage à part entière, le manoir d’architecture gothique est au cœurs des œuvres dont le genre littéraire tire son nom (Longueil, 1923). Les descriptions en font un lieu inquiétant malgré une beauté passée et manifeste, et servent à exposer l’ambiance oppressante subie par les personnages. Pour Noemí, High Place exprime dès le départ quelque chose d’ancien, à la fois beau et dégénéré : la demeure est « absolutely Victorian9 » (Moreno-Garcia, 2020: 28), et ressemble à « an etching out of a Gothic novel10 » (ibid.: 46). Là où Mrs de Winter, dans Rebecca, découvre un manoir « exquisite and faultless, lovelier even than [she] had ever dreamed11 » (Du Maurier, 2012 [1938]: 98) lorsqu’elle le voit pour la première fois, Noemí remarque tout de suite que High Place peut être « foreboding, evoking images of ghosts and haunted places12 » (Moreno-Garcia, 2020: 28). L’héroïne de Moreno-Garcia perçoit que ce lieu, où elle se rend suite à une lettre de sa cousine Catalina, qui prétend que son mari, Virgil Doyle, a tenté de l’empoisonner, est une « Terre Frontalière » telle que définie par Anzaldúa13 ; un seuil où plusieurs mondes coexistent.

8Daphné Du Maurier et Silvia Moreno-Garcia s’amusent toutes deux du motif de la brume (mist) comme symbole d’un mystère que leurs personnages vont devoir élucider. L’autrice de Mexican Gothic va plus loin que celle de Rebecca et met son œuvre en abyme, en comparant explicitement High Place à une demeure de roman gothique, symbolisant bien que son texte ne se situe pas seulement dans ce champ que Noemí et Catalina connaissent, mais dans une évolution de celui-ci.

Du réalisme magique à la ghost story

  • 14 « un mélange de fantaisie et de réel », nous traduisons
  • 15 « combinaison de réalité, mythe, magie et fantaisie », nous traduisons

9Le concept de réalisme magique (magical realism ou magic realism en anglais) est une notion complexe, héritée du critique d’art allemand Franz Roh, dont le sens a subi de nombreuses mutations depuis son invention en 1925 (Reeds, 2006). Ce terme est appliqué dès les années 1950 aux littératures latino-américaines, et redéfini à cette période par Angel Flores comme un « amalgamation of fantasy and reality14 » (Flores, 1955: 189). Le réalisme magique est aujourd’hui qualifié de « combination of reality, myth, magic, and fantasy15 » (Rave, 2003: 3), et exploite les particularités culturelles et anthropologiques des régions d’Amérique Latine et des Caraïbes, juxtaposant mythes et contexte socio-historique (Corteze, 2015: 3-4).

  • 16 « Le Fantastique est une littérature de l’imaginaire qui confronte des personnages rationnels à l’i (...)
  • 17 « le fantastique-merveilleux, autrement dit, dans la classe des récits qui se présentent comme fant (...)

10Si dans Rebecca, l’incursion du surnaturel n’est jamais clarifiée dans le roman, restant dans l’hésitation propre au registre fantastique16, Mexican Gothic bascule dans le « fantastique-merveilleux » selon la classification de Todorov17, et entre bien dans ce mélange entre réalité et fantaisie propre au réalisme magique : le manoir de High Place est hanté par les fantômes de Alice et Agnès, les épouses du patriarche Howard Doyle, ainsi que par celui de Ruth, sa nièce, qu’il a tenté de marier de force à son propre fils (et donc le cousin de cette dernière).

  • 18 « The shelves also contained issues of old magazines, including Eugenics: A Journal of Race Betterm (...)

11Les préoccupations anthropologiques et culturelles propres au réalisme magique latino-américain trouvent aussi une forte résonance dans l’œuvre de Moreno-Garcia. Si le trope de « l’autre » et du dédoublement identitaire des personnages, qu’il soit symbolique ou matériel, est un motif récurrent dans la littérature gothique (Mclarren Todd, 2011), où cet « autre » incarne la dégénérescence raciale, l’autrice renverse le cliché victorien. Noemí, femme racisée, est l’héroïne tandis que « l’autre » inquiétant et troublant est personnifié par les Doyle, tous blancs, colons et d’ascendance anglaise. De plus, Moreno-Garcia dénonce symboliquement l’héritage du colonialisme à travers l’immortalité d’Howard Doyle, un britannique à la longévité surnaturelle et friand lecteur de revues eugénistes18.

  • 19 Les ghost stories ont été en partie popularisées par le gothique victorien, et sont profondément li (...)

12Néanmoins, cet entremêlement des genres littéraires ne se limite pas au gothique et au réalisme magique. Comme Rebecca, Mexican Gothic peut être lu comme une « histoire de fantômes » (ghost story19), mais aussi comme un roman d’horreur fantastique lovecraftien (Bergeron, 2021: 3). La capacité de Moreno-Garcia à tisser plusieurs genres littéraires entre eux lui a valu le surnom de « Genre Shape-Shifter » (Discher, 2020).

Le surnaturel comme vecteur d’agentivité pour la mestiza

Époux byroniens et angoisse sexuelle

13Virgil Doyle et Maxim de Winter incarnent tous deux le héros « byronien » (Byronic hero) fréquemment retrouvé en littérature gothique, en particulier dans la romance gothique (Mendoza, 2009). Virgil et Maxim remplissent les caractéristiques asociales et antipathiques de cet archétype : ils sont aristocratiques mais isolés du reste du monde dans leurs manoirs, torturés par la culpabilité que leur causent leurs actes passés (l’assassinat de Rebecca pour Maxim, le massacre et suicide de sa sœur Ruth pour Virgil), narcissiques, et sujets à des sautes d’humeur et des éruptions de colère qui rejaillissent en disputes. Malgré ces défauts manifestes, ils conservent un charme inexplicable sur les héroïnes des deux romans : cette fascination mystérieuse est typique du héros byronien.

  • 20 « Vous auriez l’âge d’être [sa] fille. » (Du Maurier, trad. Neuhoff, 2015: 59)

14Ce trope est également lié à la thématique de l’inceste, dont on trouve des traces aussi bien dans Rebecca que dans Mexican Gothic. Il est répété à plusieurs reprises que Mrs de Winter est « young enough to be [his] daughter20 » (Du Maurier, 2012 [1938]: 62) et l’époux lui-même ne sait comment s’accommoder de cette différence d’âge considérable. Si certains biographes dénoncent une « fascination envers l’inceste » (De Rosnay, 2015: 378) de la part de Daphné Du Maurier, on peut aussi lire là une autre caractéristique du héros byronien. Dans la famille Doyle de Mexican Gothic, l’inceste concerne Howard Doyle et est dénoncé dans le texte :

  • 21 « De l’inceste à n’en plus finir. Il a épousé deux sœurs, il s’apprêtait à marier Ruth à un cous (...)

Incest. He married two women who were sisters, and he was going to marry Ruth to her cousin, and before that he must have… (…) He had two sisters. God, he had children with them. (Moreno-Garcia, 2020: 203)21

  • 22 « For a woman of my culture there used to be only three directions she could turn: to the Church as (...)

15L’horreur qu’inspire l’inceste peut être envisagée comme une façon pour les autrices de mettre en lumière les désirs et la sexualité refoulée (par la société) de Mrs de Winter et de Noemí. Cette répression sexuelle, adressée aux mestizas, est d’ailleurs rapportée par Anzaldúa22. Noemí, qui apparaît plus sûre d’elle et affirmée que Mrs de Winter de prime abord, se trouve désemparée par le désir sexuel qui la saisit en présence de Virgil ; un désir qu’elle peine à reconnaître et assumer. Cet envoûtement qui se manifeste dans ses rêves paraît d’autant plus monstrueux qu’elle tombe progressivement amoureuse de Francis, le cousin de Virgil, renforçant l’atmosphère incestueuse qui règne à High Place.

  • 23 « You have a devious mind, Noemí, she chided herself. No wonder you dream awful things. » (Moreno-G (...)
  • 24 « She [Rebecca] was vicious, damnable, rotten through and through. » (Du Maurier, 2012 [1938]: 407) (...)
  • 25 « Rebecca was incapable of love, of tenderness, of decency. » (Du Maurier, 2012 [1938]: 407) [« Reb (...)
  • 26 « We never see Rebecca by herself, so we really don’t know that she was such a terrible person as h (...)
  • 27 « "She’s [Noemí] a nuisance." » (Moreno-Garcia, 2020: 233) Il est intéressant que le terme « nuisan (...)

16Dans Mexican Gothic, le caractère « sournois » de Noemí est décrié23, et la rapproche de Rebecca24. Si celle-ci est présentée comme une anti-héroïne par Maxim de Winter, la redécouvrir à travers le personnage de Noemí nous offre de nouvelles perspectives. Dans les années 1950 au Mexique, où Mexican Gothic se déroule, Noemí est une femme qui incarne la modernité et le libéralisme, qui souhaite étudier, refuse le mariage et s’élève contre les hommes qui tentent de la silencer, notamment Howard Doyle, le patriarche de High Place et principal antagoniste du livre. Elle est une party-girl, et elle assume cette facette de sa personnalité, mais elle est également bien plus que cela et montre qu’elle possède des connaissances anthropologiques et médicales. Si Rebecca est réduite, dans le roman éponyme, à une hôtesse adulée par ses invités dont la face sombre est sa sexualité débridée qui la rend « incapable d’amour25 » et de se plier aux conventions du mariage, la comparaison avec Noemí permet d’envisager qu’elle soit, elle aussi, davantage. Le point de vue de Rebecca sur les événements n’est jamais donné, comme le souligne l’autrice de Mexican Gothic dans une interview26, puisque la narration se fait par la voix de la seconde Mrs de Winter : à travers Noemí, Silvia Moreno-Garcia redonne la parole aux femmes méprisables et « nuisibles »27.

Aliénation féminine et oppression coloniale

  • 28 « J’ai rêvé la nuit dernière que je retournais à Manderley. » (Du Maurier, trad. Neuhoff, 2015: 3)
  • 29 « J’ai fait un rêve, dis-je. » (ibid. 521)
  • 30 « The only reality was the window-sill beneath my hands and the grip of Mrs Danvers on my left arm. (...)
  • 31 « ‘She [Catalina] said she had bad dreams, and I tried to help with that.’ Bad dreams, Noemí though (...)

17L’entrelacement entre rêve et folie, associé à une horreur oppressante et aux « choses qui bougent dans la nuit » (Massé, 1990) est omniprésent dans les deux œuvres. Rebecca s’ouvre sur le célèbre incipit « Last night I dreamt I went to Manderley again28 » (Du Maurier, 2012 [1938]: 3) et se conclut sur un retour au rêve/cauchemar : « ‘I had a dream’, I said29 » (ibid.: 571). Mrs de Winter se pense sujette à des hallucinations à mesure que l’enfermement à Manderley la tourmente, elle doute de ce qu’elle voit30. Dans Mexican Gothic, Catalina et Noemí sont toutes deux assaillies par de mauvais rêves31, qui sont à la fois la manifestation des avertissements de Ruth et les souvenirs morbides de celle-ci. Dans les deux romans, rêves et cauchemars sont liés à la folie féminine.

  • 32 « […] She [Catalina] wanted a fairy tale, and I wanted to give her that. » (Moreno-Garcia, 2020: 20 (...)
  • 33 « I thought she [Catalina] understood what it would mean to live with me and I understood what it w (...)
  • 34 « ‘[…] You [Mrs de Winter] ought to have waited, and then married a boy of your own age. Not someon (...)
  • 35 « You are almost as ignorant as Mrs Van Hopper, and just as unintelligent (…) » (Du Maurier, 2012 [ (...)
  • 36 « You come here and think you can take Mrs de Winter's place. (…) Why, even the servants laughed at (...)

18Toutes les épouses souffrent d’aliénation, par différents biais. Rebecca et Noemí (que les Doyle tentent de marier de force à Francis, le cousin de Virgil) sont contraintes par le mariage, qu’elles tentent de rejeter. Catalina et Mrs de Winter, à l’inverse, y voient une façon de s’épanouir, de réaliser leur « conte de fée32 » et doivent conjuguer avec leur profonde déception par la suite. Leurs maris les ramènent au fait qu’elles ne sont pas à la hauteur33,34 et elles sont sans cesse comparées à un modèle auquel elles ne correspondent pas. Mrs de Winter est renvoyée à sa classe sociale inférieure, à sa naïveté et son ignorance35,36. Catalina, elle, est doublement rejetée par sa belle-famille gangrenée par le racisme, parce qu’elle est ingénue et mestiza, tandis que les Doyle incarnent la domination coloniale. Avec ses héroïnes, Moreno-Garcia dépasse le rôle classique de l’épouse gothique, en y intriquant des questions intimement liées à l’identité mestiza telles que les décrivait Anzaldúa :

  • 37 « Rejetée par sa culture mère, « étrangère » à la culture dominante, la femme de couleur ne se sent (...)

Alienated from her mother culture, “alien” in the dominant culture, the woman of color does not feel safe within the inner life of her Self. Petrified, she can’t respond, her face caught between los intersticios, the spaces between the different worlds she inhabits37. (Anzaldúa, 1987: 34)

19Catalina et Noemí sont toutes deux rejetées par leur « culture mère » pour des raisons opposées : la première parce qu’elle est trop rêveuse et idéaliste, la seconde car elle est trop libérale et ambitieuse. Dans la romance gothique, l’héroïne est souvent mise en comparaison avec une « autre » inquiétante qu’elle doit défaire pour accomplir son destin (Mclarren Todd, 2011). Pourtant, plutôt que de les confronter de façon traditionnelle, Moreno-Garcia poursuit la démarche, entamée en hypotexte par Du Maurier, d’une réconciliation.

Femmes-fantômes et dangereuses : subversion du trope de « l’autre », de la menace à la sororité

20Les fantômes des épouses passées occupent une position particulière vis-à-vis des héroïnes. Si la figure de Rebecca est unique dans le roman éponyme, Moreno-Garcia la pluralise à travers Agnès, Alice et Ruth ; mais c’est bien Ruth qui reprend le rôle de la légendaire conjointe assassinée.

  • 38 « Do you think the dead come back and watch the living? […] Sometimes I wonder if she comes back he (...)
  • 39 « It's always Rebecca, Rebecca, Rebecca. » (Du Maurier, 2012 [1938]: 357) [« C’est toujours Rebecca (...)
  • 40 « R, a single letter as a signature. Ruth. » (Moreno-Garcia, 2020: 207) [« Cette seule initiale en (...)
  • 41 « […] the name Rebecca stood out black and strong, the tall and sloping R dwarfing the other letter (...)

21Rebecca n’était présente à Manderley que de façon symbolique en hantant ses résidents : Mrs Danvers38, Maxim et surtout Mrs de Winter, pour qui elle devient une obsession39 au fil du roman. Le fantôme de Ruth, quant à lui, apparaît à Noemí à travers rêves et visions, et prend de l’importance en étant à la fois protectrice et conseillère, s’opposant à celui de Rebecca qui tourmente Mrs de Winter. Moreno-Garcia suggère un parallèle entre Ruth et Rebecca jusque dans leurs signatures : la lettre R, paraphe de Ruth40, est un symbole récurrent de la présence de Rebecca dans le roman de Daphné du Maurier41. Les deux autrices, plutôt que d’achever leurs œuvres par la mort symbolique des rivales de leurs héroïnes, subvertissent le trope de « l’autre ».

22Dans Rebecca, la dissociation entre la narratrice et Rebecca ne se conclut pas par la destruction de « l’autre » comme il est coutume, mais par une fusion métaphorique (Peterson, 2009). Ainsi, Daphné du Maurier complète l’agentivité de Rebecca par-delà la mort : elle se greffe à l’esprit de la seconde Mrs de Winter pour continuer de vivre à travers elle. Dans Mexican Gothic, le détournement de cet archétype prend plusieurs formes. La mise en parallèle symbolique entre une jeune femme naïve et innocente et une plus sûre d’elle qui apprend à accepter sa sexualité se retrouve entre les personnages de Catalina et Noemí, qui ne sont pour autant pas mises en compétition mais doivent s’unir afin de se défaire de leur emprisonnement à High Place. À travers les interventions du fantôme de Ruth, qui met en garde Noemí et la protège, Moreno-Garcia redonne également du pouvoir à un personnage injustement assassiné, poussé au meurtre-suicide par un père la vouant à une union incestueuse.

  • 42 « the master of the house, apparently the source of evil, is revealed to be more sinned against tha (...)
  • 43 « Yeah, Virgil is supposed to be a typical Byronic hero, mad, bad, and dangerous to know. » (Grady, (...)

23Si l’agentivité offerte aux « fantômes » se transmet aux héroïnes, la fin de Rebecca offre une conclusion classique du genre gothique, telle que théorisée par Massé : « le maître de maison, apparemment la source du mal, se révèle être plus victime que coupable. Il épouse la femme42 ». Silvia Moreno-Garcia, quant à elle, dénonce ce côté « mad, bad, and dangerous to know43 » de Virgil, trop mauvais pour être sauvé, dont le destin est d’être assassiné par Noemí. Manderley et High Place connaissent toutes deux une fin tragique, marquée par un incendie qui les réduisent en cendres dans une volonté destructrice poussée par les injonctions des personnages fantomatiques. Ce schéma est également récurrent dans la littérature gothique et associé à une destruction de la domination patriarcale et/ou coloniale (Davison, 2003). Dans Rebecca, Mrs de Winter subit l’incendie, tandis que dans Mexican Gothic, c’est Noemí qui le déclenche, pour libérer les âmes prisonnières de High Place.

  • 44 « From this racial, ideological, cultural and biological cross-pollinization, an “alien” consciousn (...)
  • 45 « [elle] s'en sort en développant une tolérance pour les contradictions, une tolérance pour l'ambig (...)

24Ces flammes allégoriques dépossèdent les hommes de leurs demeures dans les deux cas, mais dans Mexican Gothic, elles se chargent d’une symbolique plus profonde : Noemí élimine la réminiscence de l’espace colonial mais reste bien la « conscience de la Terre Frontalière44 », car elle en emporte la mémoire avec elle. C’est elle, la mestiza, qui libère les Anglaises prisonnières (et non l’inverse), en éliminant leurs époux ; pour autant, elle finit par admettre son amour pour Francis, qu’elle sauve du feu. Cette apparente contradiction renvoie à une notion également essentielle, pour Anzaldúa, de l’identité mestiza, qui « copes by developing a tolerance for contradictions, a tolerance for ambiguity » (Anzaldúa, 1987: 99)45.

Conclusion

To survive the Borderlands
you must live sin fronteras
be a crossroads.
(Anzaldúa, 1987: 225)

  • 46 « Today some of us have a fourth choice: entering the world by way of education and career and beco (...)

25Moreno-Garcia propose, avec Mexican Gothic, une œuvre à la croisée des genres littéraires. L’autrice mexico-canadienne y joue avec les codes européens, étasuniens mais aussi latino-américains, pour offrir une composition atypique, et une réécriture modernisée de la Rebecca de Du Maurier. À travers ses héroïnes, elle brouille les frontières. Noemí se joue de toutes les limites : à la fois Mexicaine fière de son héritage hispanique et mazatèque, elle est aussi le symbole d’une nouvelle génération qui émerge dans les années 1950, souhaite aller à l’université et être indépendante, représentant le « quatrième choix » énoncé par Anzaldúa46. Elle s’élève contre la puissance coloniale qui a écrasé ses semblables, tout en proposant une réconciliation avec celle-ci et une possibilité d’apaisement pour une Terre Frontalière en souffrance. Acceptant le surnaturel et la pluralité de son identité, elle vit sin fronteras.

  • 47 « The counterstance refutes the dominant culture’s views and beliefs, and, for this, it is proudly (...)
  • 48 « This step is a conscious rupture with all oppressive traditions of all cultures and religions. » (...)
  • 49 « She [the mestiza] reinterprets history and, using new symbols, she shapes new myths. She adopts n (...)

26À travers Bordelands/La Frontera, Anzaldúa envisageait de remettre au centre la nouvelle mestiza, aliénée et usuellement reléguée à la périphérie : la théoricienne refuse « les points de vue et les croyances de la culture dominante47 ». La mestiza doit opérer « une rupture consciente avec toutes les traditions oppressives de toutes les cultures et religions48 », pour permettre une réconciliation de son identité fragmentée. Anzaldúa préconise également la création de nouveaux mythes (new myths), voire de nouvelles mythologies, permettant d’inclure les problématiques des individus issus des Borderlands49. Moreno-Garcia s’inscrit dans cette dynamique de réécriture. Elle garde la trame de Rebecca comme hypotexte mais lui adjoint une héroïne issue d’une culture opprimée, et utilise la résistance (et la dualité) de son héroïne comme miroir des luttes sociales qui caractéristiques des Borderlands.

27Il est notable, de surcroît, que Mexican Gothic est une œuvre en elle-même « périphérique » vis-à-vis de Rebecca. Elle lui est postérieure et prend racine dans les thématiques et questionnements du roman, ainsi que de ceux du gothique de façon plus générale. Pour autant, elle s’émancipe de son modèle et obtient une reconnaissance qui lui est propre. Moreno-Garcia réussit, à tous points de vue, le pari d’Anzaldúa : celui de faire des Borderlands un espace fécond où peuvent prospérer des identités multiples et pluri-discriminées, en promettant une éradication des hiérarchies et de la dynamique de subordination.

Haut de page

Bibliographie

Corpus étudié

Anzaldúa, Gloria. Borderlands/La Frontera: The New Mestiza. Fifth edition. S.l. : Small Press Distribution, 2022 [1987]. Édition numérique programmée en 248 pages.

. Rebecca. Traduit par Sally Beauman. Virago Modern Classics 492. London : Virago, 2012 [1938]. Édition numérique programmée en 574 pages.

Du Maurier, Daphne. Rebecca. Traduit par Anouk Neuhoff. Nouvelle traduction. Les grandes traductions. Paris : Albin Michel, 2015 [1938]. Édition numérique programmée en 524 pages.

Moreno-Garcia, Silvia. Mexican Gothic. First edition. New York : Del Rey, 2020. Édition numérique programmée en 365 pages.

Moreno-Garcia, Silvia. Mexican Gothic. Mexican gothic. Traduit par Claude Mamier. Paris : Bragelonne, 2021 [2020]. Édition numérique programmée en 289 pages.

Corpus critique

Anzaldúa et son œuvre

Murphy, Una Marian. « Gloria Anzaldúa: Borderland Theory and Mestiza Consciousness (United States – Mexico border) », United Church of Christ, 2016.

Orozco-Mendoza, Elva Fabiola. Borderlands Theory: Producing Border Epistemologies with Gloria Anzaldua, Virginia Tech, 2008.

Du Maurier et son œuvre

De Rosnay, Tatiana. Manderley for ever. Paris : Albin Michel Héloïse d’Ormesson, 2015.

Haddad, Stephanie S. « Echoes in Gothic Romance: Stylistic Similarities Between Jane Eyre and Rebecca ». Inquiries Journal/Student Pulse 4, no 11 (2012).

Nungesser, Verena-Susanna. « From Thornfield Hall to Manderley and Beyond: Jane Eyre and Rebecca as Transformations of the Fairy Tale, the Novel of Development, and the Gothic Novel ». Dans A Breath of Fresh Eyre: Intertextual and Intermedial Reworkings of Jane Eyre, sous la direction de Margarete Rubik et Elke Mettinger, 209‑26. BRILL, 2007. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1163/9789401204477.

Petersen, Teresa. « Daphne du Maurier’s Rebecca : The Shadow and the Substance ». Journal of the Australasian Universities Language and Literature Association 2009, no 112 (novembre 2009) : 53‑66. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1179/000127909804775650.

Moreno-Garcia et son œuvre

Bergeron, Patrick. « Les filles de la nuit. Le fantastique féminin de Silvia Moreno-Garcia ». Les Cahiers Anne Hébert, no 17 (2021) : 184. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.7202/1079397ar.

Cutter, Matthew. « Buried in the Earth: The Mestizo and the Colonizer in Silvia Moreno-Garcia’s Mexican Gothic ». The Graduate Review 6 (1 octobre 2021) : 109‑15.

Discher, Elyse. « Silvia Moreno-Garcia: A genre shape-shifter goes gothic ». Bookpage. 30 juin 2020. https://www.bookpage.com/interviews/25277-silvia-moreno-garcia-mystery-suspense/#.YEFtOy3p%20PuQ.

Grady, Constance. « Mexican Gothic author Silvia Moreno-Garcia on why white supremacy is a cult ». En ligne, 6 novembre 2020, Vox édition. https://www.vox.com/culture/21551859/silvia-moreno-garcia-interview-mexican-gothic.

Mills, Adam. « Interview with Silvia Moreno-Garcia and Orrin Grey ». Weird Fiction Review. 5 mars 2013. https://weirdfictionreview.com/2013/03/interview-with-silvia-moreno-garcia-and-orrin-grey/.

Gothique et fantastique

Angela Toscano. « Gothic romance ». in The Routledge research companion to popular romance fiction, sous la direction de Jayashree Kamble, Eric Murphy Selinger, et Hsu-Ming Teo, 99‑117. Abingdon, Oxon ; New York, NY : Routledge, 2020.

Apophis. Guide des genres et sous-genres de l’imaginaire. Imaginaire. Paris : Albin Michel, 2023. Édition numérique programmée en 183 pages.

Brantlinger, Patrick. « The Gothic Origins of Science Fiction ». NOVEL: A Forum on Fiction 14, no 1 (1980) : 30. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.2307/1345322.

Davison, Carol Margaret. « Burning Down the Master’s (Prison)-House: Revolution and Revelation in Colonial and Postcolonial Female Gothic ». Dans Empire and the Gothic: the politics of genre, sous la direction de Andrew Smith, 136‑54. Basingstoke : Palgrave Macmillan, 2003.

Freeman, Nick. « The Victorian ghost story ». Dans The Victorian Gothic: an Edinburgh companion, sous la direction de Andrew Smith et William Hughes, 93‑107. Edinburgh : Edingburgh University Press, 2012.

Longueil, Alfred E. « The Word “Gothic” in Eighteenth Century Criticism ». Modern Language Notes 38, no 8 (décembre 1923) : 453. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.2307/2915232.

Massé, Michelle A. « Gothic repetition: Husbands, horrors, and things that go bump in the night ». Signs: Journal of Women in Culture and Society 15, no 4 (1990) : 679‑709.

Mclaren Todd, Katharine. « Ourself Behind Ourself, Concealed: The Thematic Importance Of Doubling In Nineteenth And Early Twentieth-Century American Gothic Literature ». University of Mississippi, 2011. https://egrove.olemiss.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1552&context=etd.

Mendoza, Stephanie. « From Dawn to Twilight: The Byronic Hero ». Theocrit: The Online Journal of Undergraduate Literary Criticism and Theory 1, no 1 (2009) : 9‑24.

Todorov, Tzvetan. Introduction à la littérature fantastique. Collection Points ; 73. Paris : Éditions du Seuil, 1976.

Réalisme magique

Bartlett, Catherine. « Magical Realism: the Latin American Influence on Modern Chicano Writers ». Literatura Chicana 1, no 2 (1986) : 27‑37.

Corteze, Cristina. « The Emergence of Magical Realism: The History of Latin America Embedded in Literature ». Hofstra University, 2015.

Flores, Angel. « Magical Realism in Spanish American Fiction ». Hispania, no 38 (1955) : 187‑92.

Molloy, Sylvia. « Postcolonial Latin America and the Magic Realist Imperative: A Report to an Academy ». Dans Nation, Language, and the Ethics of Translation, sous la direction de Sandra Bermann et Michael Wood, 370‑79. Princeton University Press, 2005. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1515/9781400826681.370.

Rave, Maria Eugenia B. « Magical Realism and Latin America ». University of Maine, 2003. https://digitalcommons.library.umaine.edu/etd/481.

Reeds, Kenneth. « Magical Realism: a Problem of Definition ». Neophilologus 90, no 2 (avril 2006) : 175‑96. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1007/s11061-005-4228-z.

Haut de page

Notes

1 « I am a border woman. » (Anzaldúa, 2022 [1987]: 10) [« Je suis une femme-frontière », nous traduisons]

2 « partout où deux ou plusieurs cultures se côtoient, où des personnes de races différentes occupent le même territoire, où les classes populaires, inférieures, moyennes et supérieures se touchent »

3 « The psychological borderlands, the sexual borderlands and the spiritual borderlands are not particular to the Southwest » (Ibid.) [« Les frontières psychologiques, sexuelles et spirituelles ne sont pas propres au Sud-Ouest [de l’Amérique du Nord] »]

4 « celIe [la littérature] qui circule dans le peuple, qu'il la crée ou que, venue d'ailleurs, il l'aime et l'adopte », Viegas Guerreiro, 1987: 12.

5 « l'espace étrange et souvent violent d'une expérience hétérosexuelle féminine » (nous traduisons)

6 Voir Nungesser, 2007 et Haddad, 2012.

7 « And then you have also this idea of decay and danger in things like Jane Eyre, where there’s the mad wife in the attic. » [« Et puis vous avez aussi cette idée de décadence et de danger dans des choses comme Jane Eyre, où il y a la femme folle dans le grenier »] (Grady, 2020)

8 « Catalina adorait Jane Eyre et Les Hauts de Hurlevent. » (Moreno-Garcia, trad. Mamier, 2021: 35.)

9 « résolument victorien » (Moreno-Garcia, trad. Mamier, 2021: 21)

10 « Un vrai décor de roman gothique. » (ibid. : 35)

11 « exquise et sans défaut » (Du Maurier, trad. Neuhoff, 2015: 92)

12 « générer une certaine inquiétude, faire surgir des images de fantômes et de maisons hantées » (Moreno-Garcia, trad. Mamier, 2021: 21)

13 « a vague and undetermined place created by the emotional residue of an unnatural boundary » [« un lieu vague et indéterminé créé par le résidu émotionnel d'une frontière contre nature »] (Anzaldúa, 2022 [1987]: 15)

14 « un mélange de fantaisie et de réel », nous traduisons

15 « combinaison de réalité, mythe, magie et fantaisie », nous traduisons

16 « Le Fantastique est une littérature de l’imaginaire qui confronte des personnages rationnels à l’irruption dans leur vie de l’irrationnel. (…) Le cœur de ce genre est la confrontation de personnages cartésiens à des phénomènes inconnus et impossibles, ainsi que les réactions (déni, peur, rejet, incompréhension, folie, etc.) qu’ils entraînent. » (Apophis, 2023: 16)

17 « le fantastique-merveilleux, autrement dit, dans la classe des récits qui se présentent comme fantastiques et qui se terminent par une acceptation du surnaturel » (Todorov, 1976: 57)

18 « The shelves also contained issues of old magazines, including Eugenics: A Journal of Race Betterment and the American Journal of Eugenics. » (Moreno-Garcia, 2020: 49) [« Les étagères abritaient aussi des collections de magazines tels qu’Eugénisme : le journal de l’amélioration des races, ainsi que le Journal américain de l’eugénisme. » (Moreno-Garcia, trad. Mamier, 2021: 38)]

19 Les ghost stories ont été en partie popularisées par le gothique victorien, et sont profondément liées à ce genre littéraire. À ce sujet, voir Freeman, 2012.

20 « Vous auriez l’âge d’être [sa] fille. » (Du Maurier, trad. Neuhoff, 2015: 59)

21 « De l’inceste à n’en plus finir. Il a épousé deux sœurs, il s’apprêtait à marier Ruth à un cousin, et avant il y avait eu... ses sœurs à lui. » (Moreno-Garcia, trad. Mamier, 2021: 204)

22 « For a woman of my culture there used to be only three directions she could turn: to the Church as a nun, to the streets as a prostitute, or to the home as a mother. » (Anzaldúa, 2022 [1987]: 30) [« Pour une femme de ma culture, il n’y a que trois directions vers lesquelles se tourner : vers l'Église en tant que religieuse, vers la rue en tant que prostituée ou vers la maison en tant que mère. »]

23 « You have a devious mind, Noemí, she chided herself. No wonder you dream awful things. » (Moreno-Garcia, 2020: 132) [« Tu as des idées horribles, se tança-t-elle. Pas étonnant que tu fasses des cauchemars. » (Moreno-Garcia, trad. Mamier, 2021: 105)]

24 « She [Rebecca] was vicious, damnable, rotten through and through. » (Du Maurier, 2012 [1938]: 407) [« Elle [Rebecca] était perverse, odieuse, pourrie de vice jusqu’à la moelle. » (Du Maurier, trad. Neuhoff, 2015: 376)]

25 « Rebecca was incapable of love, of tenderness, of decency. » (Du Maurier, 2012 [1938]: 407) [« Rebecca était incapable d’amour, de tendresse, d’humanité. ». (Du Maurier, trad. Neuhoff, 2015: 376)]

26 « We never see Rebecca by herself, so we really don’t know that she was such a terrible person as he says. » [« Nous ne voyons jamais Rebecca seule, donc nous ne savons pas vraiment si elle était une personne aussi terrible qu'il le dit. », nous traduisons] (Grady, 2020)

27 « "She’s [Noemí] a nuisance." » (Moreno-Garcia, 2020: 233) Il est intéressant que le terme « nuisance » est atténué dans la version française, qui traduit par « Elle [Noemí] me cause bien du souci. » (Moreno-Garcia, trad. Mamier, 2021: 187)

28 « J’ai rêvé la nuit dernière que je retournais à Manderley. » (Du Maurier, trad. Neuhoff, 2015: 3)

29 « J’ai fait un rêve, dis-je. » (ibid. 521)

30 « The only reality was the window-sill beneath my hands and the grip of Mrs Danvers on my left arm. » (Du Maurier, 2012 [1938]: 370) [« La seule réalité était l’appui de la fenêtre sous mes mains et l’étreinte de Mme Danvers sur mon bras gauche. » (Du Maurier, trad. Neuhoff, 2015: 342)]

31 « ‘She [Catalina] said she had bad dreams, and I tried to help with that.’ Bad dreams, Noemí thought, recalling her nightmare. » (Moreno-Garcia, 2020: 81) [« ‘Elle m’a juste expliqué qu’elle faisait des cauchemars, alors j’ai essayé de l’aider là-dessus.’ Des cauchemars, pensa Noemí, se rappelant le sien. » (Moreno-Garcia, trad. Mamier, 2021: 64)]

32 « […] She [Catalina] wanted a fairy tale, and I wanted to give her that. » (Moreno-Garcia, 2020: 200) [« […] Elle [Catalina] voulait un conte de fées et j’ai tenté de le lui offrir… » (Moreno-Garcia, trad. Mamier, 2021: 159)]

33 « I thought she [Catalina] understood what it would mean to live with me and I understood what it would be like living with her. I was wrong. » (Moreno-Garcia, 2020: 200) [« J’avais cru que nous comprenions, l’un et l’autre, à quoi ressemblerait notre vie commune. Sur ce point, j’ai eu grand tort. » (Moreno-Garcia, trad. Mamier, 2021: 160)]

34 « ‘[…] You [Mrs de Winter] ought to have waited, and then married a boy of your own age. Not someone like myself, with half his life behind him.» (Du Maurier, 2012 [1938]: 218) [« Tu [Mrs de Winter] aurais dû attendre, et épouser un garçon de ton âge. Pas quelqu’un comme moi, avec la moitié de sa vie derrière lui. » (Du Maurier, trad. Neuhoff, 2015: 202)]

35 « You are almost as ignorant as Mrs Van Hopper, and just as unintelligent (…) » (Du Maurier, 2012 [1938]: 78) [« Vous êtes presque aussi ignorante que Mme Van Hopper, et tout aussi dénuée d’intelligence. » (Du Maurier, trad. Neuhoff, 2015: 74)]

36 « You come here and think you can take Mrs de Winter's place. (…) Why, even the servants laughed at you when you came to Manderley. » (Du Maurier, 2012 [1938]: 367) [« Vous débarquez ici et vous vous figurez pouvoir prendre la place de Mme de Winter. (…) Allons, même les domestiques se sont moqués de vous quand vous êtes arrivée à Manderley. » (Du Maurier, trad. Neuhoff, 2015: 339)]

37 « Rejetée par sa culture mère, « étrangère » à la culture dominante, la femme de couleur ne se sent pas en sécurité dans la vie intérieure de son Soi. Pétrifiée, elle ne peut pas répondre, son visage coincé entre los intersticios, les espaces entre les différents mondes qu'elle habite »

38 « Do you think the dead come back and watch the living? […] Sometimes I wonder if she comes back here to Manderley and watches you and Mr de Winter together. » (Du Maurier, 2012 [1938]: 259) [« Vous pensez que les morts reviennent observer les vivants ? […] Quelquefois je me demande, chuchota-t-elle. Quelquefois je me demande si elle revient ici à Manderley et si elle vous observe ensemble, M. de Winter et vous. » (Du Maurier, trad. Neuhoff, 2015: 239)]

39 « It's always Rebecca, Rebecca, Rebecca. » (Du Maurier, 2012 [1938]: 357) [« C’est toujours Rebecca, Rebecca, Rebecca » (Du Maurier, trad. Neuhoff, 2015: 330)].

40 « R, a single letter as a signature. Ruth. » (Moreno-Garcia, 2020: 207) [« Cette seule initiale en signature : R. Pour Ruth. » (Moreno-Garcia, trad. Mamier, 2021: 166)]

41 « […] the name Rebecca stood out black and strong, the tall and sloping R dwarfing the other letters. » (Du Maurier, 2012 [1938]: 50) [« […] le nom de Rebecca se détachait, bien noir et bien visible, son grand R oblique écrasant les autres lettres. » (Du Maurier, trad. Neuhoff, 2015: 47)] et « The letter R was the last to go, it twisted in the flame, it curled outwards for a moment, becoming larger than ever. » (Du Maurier, 2012 [1938]: 86) [« La lettre R fut la dernière à disparaître : elle se tortilla sous la flamme, s’étira un instant, devenant plus grande que jamais. » (Du Maurier, trad. Neuhoff, 2015: 59)]

42 « the master of the house, apparently the source of evil, is revealed to be more sinned against than sinning. He marries the female » (Massé, 1990: 679)

43 « Yeah, Virgil is supposed to be a typical Byronic hero, mad, bad, and dangerous to know. » (Grady, 2020) [« Oui, Virgil est supposé être un héros byronien typique, fou, mauvais et dangereux à connaître. »]

44 « From this racial, ideological, cultural and biological cross-pollinization, an “alien” consciousness is presently in the making—a new mestiza consciousness, una conciencia de mujer. It is a consciousness of the Borderlands. » (Anzaldúa, 2022 [1987]: 97) [« De cette pollinisation croisée raciale, idéologique, culturelle et biologique, une conscience « étrangère » est actuellement en train de se former – une nouvelle conscience mestiza, una conciencia de mujer. C'est une conscience des Terres Frontalières »]

45 « [elle] s'en sort en développant une tolérance pour les contradictions, une tolérance pour l'ambiguïté »

46 « Today some of us have a fourth choice: entering the world by way of education and career and becoming self-autonomous persons. A very few of us. » (Anzaldúa, 2022 [1987]: 30) [« Aujourd’hui, certains d’entre nous ont un quatrième choix : entrer dans le monde par l’éducation et la carrière et devenir des personnes autonomes. Très peu d’entre nous. »]

47 « The counterstance refutes the dominant culture’s views and beliefs, and, for this, it is proudly defiant. » (Anzaldúa, 2022 [1987]: 98-99) [« La contre-attaque réfute les points de vue et les croyances de la culture dominante et, pour cela, elle est fièrement provocatrice. »]

48 « This step is a conscious rupture with all oppressive traditions of all cultures and religions. » (Anzaldúa, 2022 [1987]: 103) [« Cette étape est une rupture consciente avec toutes les traditions oppressives de toutes les cultures et religions. »]

49 « She [the mestiza] reinterprets history and, using new symbols, she shapes new myths. She adopts new perspectives toward the darkskinned, women and queers. (…) She learns to transform the small “I” into the total Self. » (Ibid.) [« Elle [la mestiza] réinterprète l'histoire et, en utilisant de nouveaux symboles, elle façonne de nouveaux mythes. Elle adopte de nouvelles perspectives à l'égard des peaux noires, des femmes et des queers. (...) Elle apprend à transformer le petit "moi" en un "Soi total". »]

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Marion Zell, « Nouvelle mestiza : une Mexican Gothic comme personnage-territoire à la croisée des genres »Amerika [En ligne], 28 | 2024, mis en ligne le 08 juillet 2024, consulté le 14 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/amerika/19765 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/1222a

Haut de page

Auteur

Marion Zell

Université Paris X-Nanterre

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-SA-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search