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Dossier : Périphérie(s) dans les imaginaires et les récits latino-américains contemporains
Littératures et imaginaires

Les confins au centre : étude de la vitalité de la recomposition identitaire dans La guerra mortal de los sentidos (2002) de Roberto Castillo

Émilie Boyer

Résumés

La guerra mortal de los sentidos (2002) de Roberto Castillo, écrivain et philosophe hondurien, raconte l’enquête menée par El Buscador del Hablante Lenca pour trouver le dernier locuteur de la langue autochtone lenca. L’histoire se déroule dans la zone frontalière avec le Salvador, autour de la localité fictionnelle d’El Gual, présentée comme un « antiguo pueblo de indios » et se développe dans une accumulation de personnages et de situations qui transforme cet espace des confins en centre fondamental de la recomposition identitaire d’une société héritière des rapports de force coloniaux. Non seulement la narration transforme la zone en centre d’intérêt international – le Buscador est un linguiste espagnol et les habitants reçoivent la visite d’un ambassadeur états-unien – mais elle se peuple aussi d’« indios » habituellement marginalisés dans l’Histoire de la région. Dans une narration fragmentée et foisonnante, Castillo défie les échelles spatiales, les hiérarchies ethniques et les rapports de pouvoir locaux et mondiaux. La succession de portraits parfois contradictoires de l’insaisissable « Hablante Lenca » conteste par exemple le réalisme de la résurrection utopique d’une forme originelle de la langue lenca et la définition homogène d’une identité autochtone.

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Honduras
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Texte intégral

Centre et identités périphériques

1Roberto Castillo Iraheta (1950-2008) est un écrivain et philosophe hondurien, auteur de plusieurs recueils de nouvelles et de romans dont la majorité restent encore inédits et font l’objet d’un travail récent d’édition de la part de la maison Mimalapalabra à San Pedro Sula, Honduras. Bien qu’il soit considéré comme l’un des auteurs fondamentaux de la littérature hondurienne (Umaña, 2003, 363), le traitement de son œuvre par la critique reste encore largement incomplet. La guerra mortal de los sentidos (2002) est l’œuvre la plus connue de l’auteur et raconte l’enquête menée par El Buscador del Hablante Lenca pour trouver le dernier locuteur de la langue autochtone lenca. Le prologue place le lecteur en 2099 alors que l’arrière-petit-fils du Buscador, Illán Monteverde, retrouve les documents de son ancêtre. Le livre qui suit est supposément le résultat de cette découverte et est organisé en vingt-neuf chapitres, autour de vingt-neuf témoignages recueillis à El Gual et ses alentours, auprès de personnes d’origines et de professions diverses, ayant supposément connu el Hablante Lenca. Néanmoins, ces vingt-neuf témoignages ne constituent en rien la majeure partie du roman. Ils sont constamment précédés et suivis de « muchos elementos heterogéneos que les ofrecen luz, sentido, fuerza y respaldo » (Castillo, 2002, 9), comme le déclare le prologue. S’il est certain que le roman se construit comme un patchwork de matières hétérogènes, la diversité des situations, des personnages et des cadres spatio-temporels est telle qu’elle annonce le caractère insaisissable du personnage del Hablante Lenca plutôt qu’elle ne contribue à fixer son identité. Les chapitres contiennent chacun un témoignage sur le héros recherché, mais se caractérisent par une grande variation de longueur, de personnages, de contextes, et de thématiques. Le lecteur se trouve donc face à un entremêlement de trames secondaires ou tertiaires dont il peine à retracer la chronologie et la cohérence globale. L’énergie et la vivacité qui se dégagent d’une telle profusion sont le fondement, nous le verrons, de la proposition littéraire et politique de l’auteur.

2Dans le contexte centraméricain, le concept de périphérie est souvent utilisé pour caractériser le champ littéraire de la région. C’est devenu un lieu commun de dire que la littérature centraméricaine représente la « périphérie de la périphérie » (Galich, 2004, s.p.) ou la « marginalité de la marginalité » (Arias, 1998, 312), marginalisée à la fois vis-à-vis des centres hégémoniques internationaux tels que les puissances occidentales (en tête, les États-Unis et l’Europe), tout autant que des centres secondaires sur le continent comme le Mexique ou l’Argentine, ou, par exemple, le marché littéraire et le lectorat sont plus importants. Dans ce cadre, La guerra mortal de los sentidos embrasse d’autant plus la marginalité en installant sa trame à la périphérie du Honduras, dans une localité fictionnelle et rurale, El Gual, proche de la frontière avec le Salvador. Cette périphérie n’est pas seulement la marge géographique ou économique, elle est aussi celle de l’identité : en mettant au centre de la narration, le Lenca, la langue comme l’homme, Roberto Castillo s’intéresse à une identité longtemps marginalisée, rendue minoritaire et souvent dépréciée. La langue du groupe lenca, historiquement rassemblé à l’ouest du pays, proche de la frontière avec le Salvador, est en effet considérée comme une langue en voie d’extinction.

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  • 3 L’auteur la définit ainsi : « Me refiero a una forma de conocimiento humano que eleva pretensiones (...)

3La place de l’imaginaire aussi est essentielle. Il permet de combler les lacunes de la connaissance du Lenca, mais il est aussi l’imaginaire collectif des traditions orales, parfois d’origine autochtone, qui prennent vie sous la plume de l’auteur. Les personnages du folklore centraméricain comme le Sisimite, le Cadejo ou encore la Ciguanaba1 peuplent le quotidien d’El Gual. Néanmoins, l’imaginaire collectif est aussi celui, raciste, qui cantonne les identités indigènes dans une homogénéité aliénante. L’héritage colonial est en effet omniprésent dans cet espace des confins du Honduras, qui partage plus d’Histoire avec la campagne salvadorienne, où la culture lenca était aussi présente, qu’avec les centres urbains honduriens. La localité au centre de la narration est d’ailleurs dotée d’une double identité, puisqu’elle se nomme « (…) El Gual o El Reguero, según que quiera decirse a la manera de los indios o de los españoles » (Castillo, 2002, 331). Selon le choix que font les personnages, El Gual ou d’El Reguero, ils se placent ainsi indirectement d’un côté ou de l’autre de l’Histoire. Notons toutefois que les occurrences d’El Gual dans le roman étant bien plus nombreuses que celles du nom espagnol, il semble que cet « antiguo pueblo de indios » (Castillo, 2002, 10) garde une attache particulière à l’indigénéité. Le contexte colonial est ainsi omniprésent dans le récit des événements de la région. Par exemple, le personnage principal des histoires rapportées par el Buscador del Hablante Lenca est Chema Bambita, défenseur des indigènes pendant l’époque coloniale. L’une des sections narratives récurrentes met en scène un dialogue entre el Buscador del Hablante Lenca et des amis à lui, dont Iris Aileen qui exprime à plusieurs reprises des doutes sur les événements qui lui sont rapportés par el Buscador à travers le prisme d’une conception occidentalisée. Alors qu’el Buscador lui décrit les conséquences dramatiques de la « rébellion des objets » dans la région, inspirée de celle du Popol Vuh2, elle fait preuve d’un grand scepticisme : « ¡Bah! Puros inventos de la imaginación colectiva. Lo que aquí ocurrió fue un despunte magnificado de la desorganización permanente que consume a los países arrabaleros. (No soporto esa expresión tan cara a ti, querido : Tercer Mundo). » (Castillo, 2002, 49) Son scepticisme est alors ancré dans une vision du pays « arrabalero » particulièrement négative : non seulement la désorganisation y règne, mais celle-ci donne lieu à une imagination débordante – on parlera d’ailleurs plus tard de « tendencia a convertirlo todo en leyenda » (Castillo, 2002, 203) – , que la femme oppose à sa posture, supposément objective : « Sólo trato de ser realista. Realista de verdad, realista objetiva. » (Castillo, 2002, 49). Les héritages de la perception coloniale de l’identité, du pouvoir et du savoir sont donc particulièrement ancrés autour d’El Gual et ses habitants. La remarque d’Iris Aileen rappelle en effet ce que Quijano a appelé la « colonialidad del saber » (Quijano, 1992) , ou Santiago Castro-Gómez, la « hybris del punto cero »3, c’est-à-dire la tendance des grandes puissances coloniales à faire preuve d’un ethnocentrisme scientifique, au détriment d’autres formes de savoir, notamment issues des territoires coloniaux, périphériques et marginalisés.

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4À plusieurs reprises, dans divers contextes temporels, les relations sociales sont marquées par les relations de pouvoir d’ordre colonial. En mettant au centre du roman la localité d’El Gual, « antiguo pueblo de indios », Roberto Castillo place la focale sur une zone de superposition de périphéries sur laquelle un imaginaire collectif est venu appliquer des idées préconçues, teintées de colonialisme. En transformant les confins en centre de la narration, et de l’attention, l’auteur laisse à ses habitants le soin de se définir, à travers une effusion de situations complexes. Cet espace est en effet peuplé de personnages qui, lorsqu’ils ont un nom, n’ont une identité ethnique qui n’est que rarement revendiquée ou autodéfinie. Les autochtones sont véritablement représentés par deux entités : el Hablante Lenca, éternellement insaisissable, ni dans les faits, ni par le langage, ou les « indios », tantôt défendus par des personnages comme Chema Bambita, le Buscador, Hans Dietrich Sánchez tantôt méprisés, insultés, violentés par le commandant Dacal, le prêtre Íñigo4 ou encore Rudolf Pacard qui rêve d’appliquer le projet nazi en Amérique centrale, mais rarement dotés de singularité dans la narration. L’identification autochtone flotte pourtant à El Gual où même le cimetière possède un espace réservé aux Espagnols. Roberto Castillo fait donc le choix de transformer les périphéries en centre. Cependant, si dans un premier temps une esthétique du renversement se fait jour afin de subvertir la hiérarchie centre/périphérie en décapitant le centre5, c’est néanmoins le concept de centre lui-même que Castillo souhaite rendre inopérant, en offrant une narration foisonnante et impertinente, qui entrave les conditions de possibilité de l’établissement d’une vérité sur lequel elle fonde pourtant sa propre existence.

L’esthétique du renversement

5L’irrévérence du roman se construit d’abord à partir de la profonde vitalité et de l’énergie débordante qui ressort d’une région où tout est possible. Il y a ainsi un renversement de l’imaginaire du centre et de la périphérie. Issue du champ de la géographie et formalisée notamment par Alain Reynaud en 1980, la relation centre/périphérie suppose non seulement une inégalité entre les deux espaces, mais également une forme d’attraction, de force centripète de la périphérie vers le centre.

(…) tout groupe humain défini par un critère d’appartenance spatiale peut s’envisager – à n’importe quel degré de l’échelle spatiale – à travers l’opposition centre-périphérie. Mais les écarts, les contrastes ou les inégalités entre centre et périphérie ont une ampleur extrêmement variable (…). La question est de savoir dans quel sens évoluent les contrastes entre centre et périphérie, contrastes qui sont volontiers présentés comme de simples différences par les habitants du centre et fréquemment ressentis comme des inégalités, parfois jugés intolérables, par les habitants de la périphérie.

(…) Le phénomène de concentration au profit du centre et aux dépens de la périphérie se manifeste à tous les degrés de l'échelle spatiale. L'affinement des centres des villes face au sous-développement des quartiers périphériques est une situation banale. Le poids grandissant de certaines métropoles face aux ‘déserts régionaux’ a soulevé des inquiétudes. Le maintien, ou parfois même l’aggravation, du fossé entre pays industriels et pays sous-développés a souvent été dénoncé. (Reynaud, 1980, 71-72)

6Comme établi en introduction, El Gual est donc autant à la périphérie des centres honduriens ou centraméricains, que des centres du pouvoir hégémonique occidental et ce, en qualité de village situé dans l’aire latino-américaine et en qualité d’ « antiguo pueblo de indios », à l’héritage autochtone, par opposition à une identité blanche, occidentale, hégémonique. Non seulement le « désert régional » est présenté comme vif et foisonnant de destins en tous genres, mais l’un des enjeux de la représentation des identités autochtones réside dans le renversement de la hiérarchie qui place la périphérie dans une situation de dépendance, d’infériorité et de désir vis-à-vis du centre. L’intérêt est d’autant plus important qu’il se porte à l’échelle du Honduras, de la région, mais aussi à l’échelle internationale. Contrairement à l’idée d’un rayonnement du centre vers les périphéries, le roman de Roberto Castillo suggère que c’est dans la région d’El Gual que l’origine d’un certain nombre d’événements, voire de faits langagiers, peut être trouvée. Le travail d’el Buscador del Hablante Lenca et les différentes rencontres qui ponctuent sa recherche mènent à l’établissement d’une forme de genèse mythologique du Honduras qui transforme l’espace des confins en centre à partir duquel plusieurs phénomènes prennent racine. Nous l’avons évoqué plus haut, l’un des hommages à la culture autochtone traditionnelle à travers un intertexte avec le Popol Vuh est la rébellion des objets, qui s’oppose au sens cartésien exprimé par Iris Aileen et que cette dernière définit comme une « convulsión que de desató sobre la ciudad y que tenía procedencia rural » (Castillo, 2002, 49). La rébellion des objets est, dans le roman, une force imprévisible et invisible, capable de bouleverser, à plusieurs reprises, l’organisation du monde. Une telle force transgressive donne ainsi une valeur de centralité à El Gual, à l’origine d’un phénomène qui a des conséquences sur le reste du pays. Mais El Gual semble aussi être à l’avant-garde sur le plan linguistique vis-à-vis du reste du pays, voire du monde hispanophone. En effet, c’est supposément à El Gual que le verbe « chupar », dans son sens oral de consommation alcoolique, est né à partir de l’histoire de Silverio. Alors que son fils naissait le jour d’une « grande bataille », en 1932, la mère de Silverio, effrayée par les combattants, perd la capacité de l’allaiter :

Tuvo entonces una ocurrencia feliz : empapó con bastante chicha el chupete, y la boca del recién nacido no sólo jaló con todas sus fuerzas sino que también dejó de gritar. Desde ese día no le faltó chicha en ninguna de sus comidas y se dice que con este acto temprano de Silverio nació un nuevo verbo : chupar, que en todo el país significa ingerir esta bebida con avidez. (Castillo, 2002, 99)

7Non sans humour, le cliché de l’alcoolisme rural, projection récurrente de la ville sur les campagnes, et parfois sur les communautés autochtones, est renversé et devient un jalon dans l’histoire – au moins linguistique – du pays. Un discours des origines se fait donc jour à propos de la région d’El Gual, qui jouit d’une telle centralité (Lebrun, 2022) que les centres urbains ne sont que très rarement évoqués et que l’intérêt pour El Gual est international. En effet, le linguiste qui s’est donné la mission de sauvegarder le Lenca en rencontrant son dernier locuteur est espagnol tandis que les enfants de l’école reçoivent la visite de l’ambassadeur des États-Unis. Il y a donc, pour commencer, un renversement des échelles entre centre et périphérie dans le roman de Castillo qui mène inexorablement à un renversement de la hiérarchie entre traditions locales et Occident, entre autochtones et Espagnols. C’est en tout cas l’une des caractéristiques du roman et qui participe, par ailleurs, à un certain effet comique. Bien que le contexte soit particulièrement colonial, la subordination des autochtones aux Espagnols et des Latino-Américains à l’Espagne est, à plusieurs reprises, subvertie par le biais du ridicule. Ainsi, l’auteur joue avec les normes, avec la rigidité de l’organisation du monde et évacue l’aspect tragique du colonialisme. Pour ne citer qu’un exemple, la ruse des Espagnols et leur mépris envers les autochtones se retournent par exemple contre eux lorsque Porfirio abat les vaches de Chema Bambita de l’intérieur, à l’aide d’une arme à feu, pour faire croire à une maladie et les voler à son propriétaire. L’habitude voulant que la viande de mauvaise qualité soit réservée aux autochtones, ces derniers se retrouvent à recevoir une viande absolument saine tandis que les Espagnols, pendant le temps de l’escroquerie, sont condamnés à manger seulement des tortillas (Castillo, 2002, 262).

Une centralité rendue inopérante

8Toutefois, il nous semble que si l’hommage à une force subversive issue des confins ruraux et autochtones du Honduras est une stratégie effective pour contester la hiérarchie géographique, politique et imaginaire entre les centres et les périphéries, l’auteur ne s’y cantonne pas. Le renversement n’est en effet qu’une première étape de la subversion du centre. Ce que nous souhaitons démontrer ici est que la solution serait celle d’une dissolution du concept même de centralité. En effet, le roman de Roberto Castillo ne peut être qualifié d’indigéniste. Nous l’avons évoqué plus haut, les identités indigènes sont flottantes, suggérées, parfois imposées par l’altérité, mais rarement incarnées par des personnages qui s’autodéfiniraient de la sorte et qui la porteraient comme un étendard. Par exemple, le lecteur n’assiste jamais à des scènes de cérémonies ou de mises en scène des traditions. Cette fluidité est selon nous une stratégie qui permet à Castillo de traiter le thème avec davantage de légèreté et de liberté. Le renversement centre/périphérie n’est pas total notamment parce qu’il n’y a pas d’idéalisation de l’identité indigène. Il ne s’agit pas de renverser la structuration centre/périphérie en faisant des aires, des pratiques culturelles et des identités périphériques, un nouveau centre, qui reproduirait les mêmes fonctions sur de nouvelles marges. Le projet entrepris par el Buscador del Hablante Lenca est en réalité un échec organisé puisqu’il s’exprime sous la forme d’une utopie, qu’il partage au Sisimite de Tecaterique :

Le manifestó que si El Gual llegaba a conocer otras formas de convivencia, la lengua perdida podría resucitar y reverdecer, ella sería el complemento perfecto del proyecto social.

— Si hace cuatro siglos la lengua fue la compañera inseparable del Imperio, hoy podría conjuntarse con la otra lengua en un despejado resurgir promisorio de este mundo que tanto queremos los dos – sentenció con el índice levantado. (Castillo, 2002, 296)

9La sauvegarde de la langue est nourrie par une mélancolie d’un monde passé et par une exagération du pouvoir même de la langue. Le lenca est en réalité la porte d’entrée à une idéalisation excessive d’un monde disparu que le Buscador souhaiterait ressusciter par la simple conservation de la langue. Le projet semble d’autant plus utopique que les connaissances du Buscador sur le monde lenca semblent s’appuyer essentiellement sur son expérience dans la région d’El Gual, fortement influencée par cette vision déjà idéalisée du passé lenca du pays. La narration, à travers les échanges entre les deux personnages du Buscador et du Sisimite de Tecaterique, organise d’une certaine façon la décrédibilisation de leurs fantasmes, par le biais d’un croisement des projets qui sont renvoyés dos à dos :

El Buscador proyectaba su utopía hacia la restauración de la lengua lenca; el Sisimite, por su parte, sufría de roña contenida a causa de la supresión del latín, que cortaba violentamente su sueño de una sociedad futura que lo proclamaría idioma oficial, en sustitución del español y de los restos del mismo lenca. Como nunca había estudiado la lengua latina, (…) no tenía ni la menor idea sobre la complejidad y dificultad de semejante empresa. (325)

10L’Espagnol rêve d’une résurrection du monde autochtone tandis que le Sisimite local rêve d’une société latine. Par cette confrontation, les deux utopies se révèlent être en réalité le résultat d’une idéalisation angéliste de l’altérité. Ce qui est intéressant dans cette situation est que le projet du Sisimite pourrait être dénoncé comme une forme de « malinchisme » ou d’attraction pour l’Autre hégémonique, blanc et occidental qui nourrit la colonialité des sociétés actuelles et s’exprime parfois par le biais du racisme contre les autochtones. Ce projet est moqué par la narration qui force le trait et ridiculise l’ambition du personnage en précisant qu’il cherche à réinstaurer une langue dont il n’a pourtant aucune connaissance. À l’inverse, le projet du Buscador est en fait une critique en creux que fait l’auteur d’une réponse idéaliste et irréalisable au colonialisme. Le Buscador est tout aussi excessif dans sa recherche et peut-être, tout aussi peu compétent que le Sisimite. L’ironie de la narration est alors subtile : si dans un premier temps le projet peut sembler héroïque et pouvoir réparer la marginalisation historique des lencas, il est en réalité tout aussi vain. Les deux projets ont en commun de figer la langue dans un état permanent, absolument indépendant de ses locuteurs et de sa vie propre. Ils font fi des raisons et des circonstances qui ont mené à l’extinction de l’une et de l’autre et ils en exagèrent les pouvoirs puisqu’ils leur associent un projet de société. Le projet du Buscador est d’autant plus vain que la langue même de l’œuvre sème le doute sur la persistance du lenca, qui est tantôt qualifiée de « lengua en pedazos » (Castillo, 2002, 216) « lengua perdida » (227), de « lengua reconstruida » (91). Certains passages affirment même que El Hablante Lenca lui-même mène un projet de reconstruction de la langue, suggérant ainsi une disparition achevée du lenca. La poursuite du Buscador est donc une fuite en avant dont le point d’arrivée s’éloigne sans cesse et crée une narration qui, dans son déroulement, met elle-même en cause le projet qui est pourtant à l’origine de son existence.

11L’irréalisme de cette utopie n’est pas le seul élément qui conteste la stratégie du renversement centre/périphérie. Nous l’avons dit plus haut, l’identité autochtone n’est pas mise en scène comme dans un roman indigéniste ou dont l’objet serait la préservation de cette culture et de ses productions. Elle n’est donc pas idéalisée par la narration d’autant plus qu’une place importante est laissée à la trivialité, la grossièreté, le thème de la sexualité, de l’alcool, ou de la violence. Il n’y a donc pas, chez Castillo, la volonté de mettre en valeur les intérêts que présenteraient une préservation et une défense des cultures autochtones envers un monde occidental présenté, par exemple, comme diminué. Un passage illustre particulièrement cet aspect du roman. Alors qu’el Buscador del Hablante et Iris Aileen conversent sur le cas du défenseur des indigènes à l’époque coloniale, Chema Bambita, el Buscador doit expliquer la rumeur selon laquelle Chema était homophobe. Il explique alors :

Algunos españoles justificaron sus abusos contra los indios alegando que practicaban la sodomía. Esto molestaba mucho a Chema Bambita, porque le parecía una injusticia sin nombre. Y para responder a este argumento tan fácil y torpe se apoyó en lo que había visto entre los lencas. Son un pueblo de una intolerancia absoluta en relación a este fenómeno, comparable sólo a las que tienen el judío y el español. Para un lenca lo peor que le puede ocurrir a alguien es volverse mamplora. (45)

12Alors que les Espagnols justifient leur violence raciste contre les autochtones par l’accusation de sodomites, le récit de cet épisode ne donne pas lieu à une réflexion voire une condamnation des préjugés d’une époque coloniale marquée par l’omniprésence des préoccupations religieuses dans les rapports sociopolitiques, mais les Lencas sont sauvés par leur propre homophobie. L’injustice qui est dénoncée par Chema Bambita ne mène pas à une condamnation du présupposé homophobe, mais donne lieu, à l’inverse, à la démonstration de l’existence du même préjugé chez les Lencas. La phrase finale accentue cette rupture surprenante pour le lecteur par le biais de l’hyperbole qui dresse l’homophobie en principe de vie chez les Lencas et par l’usage du terme « mamplora », régionalisme profondément familier et péjoratif. Notons que, là encore, la perception de l’Histoire de la part d’El Buscador est contestable étant donné qu’il qualifie l’intervention de Chema Bambita en faveur des indigènes de « decente » alors qu’il confirme, quelques lignes plus haut, son homophobie : « Él hacía escarnio de ellos, pero sólo cuando eran españoles. Si eran indios, se hacía de la vista gorda. ». Il semble donc que la remise en question de la structure centre/périphérie ne mène jamais tout à fait à la défense d’un nouveau centre habité par la culture autochtone des confins honduriens. C’est comme si le renversement que nous avons commenté plus haut mettait en évidence qu’aucun centre n’a de toute façon la légitimité suffisante pour s’imposer comme tel.

Éclatements et enchevêtrements

13Dans la trivialité ambiante qui règne dans le roman, un seul personnage fait l’objet d’une héroïsation : el Hablante Lenca. Les aventures de ce personnage font l’objet d’un tissu textuel différent puisque sa vie est partiellement reconstruite grâce à vingt-neuf témoignages introduits d’un titre qui rappelle les aventures d’un pícaro. Les profils des témoins sont particulièrement variés et regroupent des témoignages directs et indirects, des hommes et des femmes, issus de différents contextes sociaux et professionnels : on y retrouve un joueur de marimba, des paysans, un « hacedor de nacimientos », des prêtres, un professeur à la retraite, un orfèvre, un horticulteur, un mathématicien, un chercheur de trésor, un thaumaturge, un pilote d’avion, une bibliothécaire du ministère de la culture, une psychologue, un soldat de l’armée salvadorienne, mais aussi de la guérilla (FMLN), journaliste, instituteur, marquis, écrivain, médecin, etc. Chacun des témoignages, généralement courts, développe alors une caractéristique du personnage (qu’il s’agisse de l’humour, du chant, de l’efficacité au combat, etc.) ou un épisode de sa vie – plusieurs versions s’accordant sur une disparition d’une vingtaine d’années –, à partir, souvent, d’un point de vue situé, caractéristique du contexte professionnel du témoin. Le personnage semble donc avoir croisé la route d’un grand nombre de personnes issues de contextes tellement différents qu’il est difficile de croire qu’un seul homme puisse vivre toutes ces aventures, parfois contradictoires, puisqu’il aurait à la fois servi dans l’armée salvadorienne et dans l’armée opposée, celle du FMLN, acteur principal de la guérilla au Salvador pendant les années 1980. Nous défendons donc l’idée selon laquelle el Hablante Lenca finit par être, au fil du roman, une projection particulière à chacun des témoins, plus qu’un être véritable. Il reste en effet insaisissable, tant sur le plan de l’identité, – son nom n’est jamais fixé avec certitude, ni son âge, ni s’il vit encore au moment où parlent les témoins – , que sur le plan de la narration, puisque la rencontre entre el Hablante et son « chercheur », ne s’opère jamais. Pour soutenir cette hypothèse d’une construction fictionnelle autogénératrice du personnage, nous nous attarderons sur un témoignage, le treizième du roman, produit par un mathématicien et professeur de vingt-cinq ans : « Donde se dicen algunas cosas importantes que explican ciertos misterios del Hablante Lenca » (Castillo, 2002, 179). L’imprécision du titre, qui peut faire sourire le lecteur, trouve son explication dès les premières lignes du témoignage d’Isidro Alvar, qui précise « (…) quien conoció al Hablante Lenca fue mi padre (…). Le estoy contando, entonces, un relato de segunda mano ». Alors qu’il nous renseigne sur la grande religiosité du personnage, perceptible dans son opposition à l’accaparement de richesses, il conclut son témoignage de la sorte :

Claro que esta actitud nada común lo convirtió en personaje de leyenda y permitió que sobre él se dijera de todo, desde las más grandes tonterías hasta las fábulas que se levantaron para aprovecharse de su nombre y de su fama. Los habitantes de El Gual emigrados a las grandes ciudades o al extranjero lo vieron como claro representante de un mundo condenado a no evolucionar, los ancianos no le creyeron nunca y los muy jóvenes lo encontraron ridículo, algunos antropólogos y otros estudiosos de la ciencia social pensaron que el rastro dejado por él en las demás gente era buena materia para alimentar sus hipótesis de trabajo, pero no fueron capaces de verlo por sí mismo, tal como realmente fue. (180)

14Isidro Alvar confirme, d’une certaine manière, notre hypothèse. L’éventuelle existence de ce dernier locuteur de la langue lenca se perd dans les projections de chacun, teintées de mythification et répondant d’abord aux attentes ou aux préjugés des gens plutôt qu’à une véritable singularité. Ce personnage, pierre angulaire d’un projet de remise au centre du Lenca, culture et langue périphériques d’un pays de la périphérie, se disperse donc dans une matière constamment remodelée au gré des témoignages. C’est ainsi dans un éclatement total de l’identification que la binarité centre/périphérie se retrouve subvertie dans le roman de Roberto Castillo. Le roman se propose un projet dont il se plaît à révéler les limites, les défauts et les insuffisances. L’auteur installe une véritable polyphonie, qui devient presque vacarme tant les sections narratives se succèdent et dessinent une galerie de personnages, de situations, de points de vue, où l’imaginaire se mêle au réel, et où une vérité peut se retrouver contestée quelques pages plus tard. Concernant la réflexion sur les relations entre deux identités opposées, l’espagnole et l’autochtone, la représentation du métissage est éclairante. Il est tantôt magnifié par la perception d’un personnage qui voit dans El Gual l’expression d’une « manera de entenderse que rompía los malos recuerdos del pasado » (Castillo, 2002, 291), tantôt ridiculisé lorsque lors d’un épisode de rébellion des objets « muchos mestizos se partieron por la mitad y de uno salieron dos (…) que empezaron a llevarse bien o mal, según los casos » (279).

15Face à cet effet de balancier entre une position et une autre, d’autres situations servent au contraire à marquer l’impossibilité de trancher, de choisir. Henry est justement le contre-exemple du métis coupé en deux. Transféré d’une école américaine de la capitale à l’école d’El Gual, Henry est rapidement rejeté par les élèves parce qu’il est perçu comme différent. Ils figent alors son identité en l’appelant « el gringo ». Toutes les actions d’Henry seront donc tournées vers un seul objectif : être accepté des autres. Ses efforts : voler le whisky de sa famille pour le faire goûter à ses camarades, leur faire connaître les comics books ou encore les toupies, se soldent toujours par un échec, car ces mêmes actions signent sa différence sociale et culturelle vis-à-vis de ses camarades. Cette assignation de l’Autre à une identité figée et imposée de l’extérieur est d’autant plus violente pour Henry que lorsque l’ambassadeur des États-Unis visite l’école et la région, il se trouve « (…) asustado de encontrarse entre aquellas montañas un indígena que hablara un inglés tan perfecto. » (Castillo, 2002, 195) Lorsque cette phrase est énoncée, Henry se retrouve donc dans une forme de non-lieu (Augé, 1992), entre le centre (les États-Unis) et la périphérie (le Honduras, El Gual et son école) puisque l’identité à laquelle les enfants l’ont assigné n’est pas reconnue par ceux qui la représentent à ce moment-là. Cet interstice, cet exil temporaire à la fois du centre et de la périphérie finira par trouver une expression dans un nouveau surnom, un néologisme créé à partir de cette incertitude : Henry ne sera plus « gringo », mais « grindio ». La difficulté à contenir l’identité d’Henry dans une seule assignation, nous l’apprenons plus tard, est due au fait qu’il soit le fils d’un globe-trotter et d’une femme noire bélizienne. Il est donc le symbole d’un rassemblement, d’une superposition, d’un enchevêtrement de centres et de périphéries : issu d’une mère noire, il a la peau noire, c’est pourquoi « (…) los cipotes sentían tragarse una espinita cada vez que debían apodar gringo a uno más renegrido que ellos (…) » (Castillo, 2002, 236), il parle anglais parce que sa mère est bélizienne et sûrement aussi parce que son père est un voyageur invétéré, il a accès à une culture qui est étrangère aux enfants d’El Gual. Il met donc en difficulté les normes à l’œuvre dans les assignations qu’opèrent les enfants dans leur construction identitaire. Henry est donc le symbole de ce qui se situe entre la périphérie et le centre : la mobilité, l’hybridité, la fluidité.

16L’exemple ultime de ces identités ou assignations qui se font, se défont et se refont, se recomposent pour démontrer que tout n’est que composition, est celui de la représentation organisée par l’institutrice de l’école, en l’honneur du cacique autochtone Lempira qui a lutté contre la colonisation espagnole au début du XVIè siècle, dont la mémoire est célébrée chaque année au Honduras le 20 juillet. Grâce au maquillage, la distribution entre « españoles » et « indios » est flexible et suit parfois des intérêts qui n’ont plus rien à voir avec l’Histoire de la colonisation : les enfants se griment par exemple pour pouvoir approcher les jeunes filles plus facilement. L’organisation de l’événement est l’occasion de sérieux débats sur la répartition des moyens pour représenter les Espagnols et les autochtones, sur la vérité historique des exploits du cacique ou encore sur sa moralité. Les positions de chacun sont mises en suspens pour le bien de la représentation : le prêtre, profondément raciste, est ainsi contraint de représenter le « defensor de los indios » Bartolomé de Las Casas. Il n’y a donc plus de centre du pouvoir (de dire ou de faire) ni périphérie dans un espace où toutes les versions se côtoient, où l’irrévérence, l’humour et la transgression sont également partagés entre autochtones, espagnols et métis. De plus, la périphérie mise au centre n’est pas exempte de trouver une nouvelle périphérie et de reproduire le schéma. Dans le roman, plusieurs traits d’esprit sarcastiques sont lancés vers le Salvador, qu’il s’agisse de personnages ridiculisés, de commentaires désobligeants sur la monnaie salvadorienne ou la croyance selon laquelle les Salvadoriens seraient reconnaissables à leur « bragueta chiquita » (Castillo, 2002, 265).

17Ainsi, contre l’« hybris del punto cero » dénoncée par les études décoloniales, Roberto Castillo propose des éclatements et des enchevêtrements successifs d’espaces, d’identités, de discours de vérité qui rendent inopérantes les catégories de périphérie et de centralité. La fin du roman, où le narrateur change et devient Chorro de Humo, un des enfants de l’école d’El Gual, a été interprétée comme la reconquête de l’écriture de l’œuvre, et par extension de l’écriture de l’Histoire, par la voix autochtone (Nibbe, 2008, s. p.), la dernière page se terminant par « y seguí escribiendo » (Castillo, 2002, 483). Néanmoins, ce que Chorro de Humo est en train d’écrire est une dissertation sur Ovide, depuis la France où il s’est expatrié, pour un Congrès international qui aura lieu à Salamanque en Espagne. Si symboliquement, Chorro de Humo, dont la maîtrise du lenca est attestée quelques lignes auparavant, a pénétré un centre hégémonique, de pouvoir et de science, rien n’indique qu’il est porteur d’une parole revendiquée comme autochtone, ou d’une volonté d’écrire l’Histoire depuis cette identité. Là encore, selon nous, Roberto Castillo joue avec les symboles et les attentes du lecteur afin de le décevoir et laisser à son personnage la possibilité de ne pas rejouer la tension entre centre et périphérie.

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Bibliographie

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Augé, Marc, Non-lieux, introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Le Seuil, 1992.

Boyer, Emilie, Altérités et identités : la représentation des autochtones dans neuf romans centraméricains contemporains (1985-2012), Thèse de doctorat sous la direction de Dante Barrientos Tecún, Aix-en-Provence, 09 décembre 2022.

Castillo, Roberto, La guerra mortal de los sentidos, San Salvador, Dirección de Publicaciones e Impresos, 2002.

Castro-Gómez, Santiago, La poscolonialidad explicada a los niños, Popayán, Editorial Universidad del Cauca, 2005.

Galich, Franz, « Desde el centro de la periferia de la periferia : reflexiones de un subalterno letrado », Istmo. Revista virtual de estudios literarios y culturales centroamericanos, No. 8, enero-junio 2004. Disponible ici : http://istmo.denison.edu/n08/foro/centro.html.

Lara Figueroa, Celso A., Leyendas populares de aparecidos y ánimas en pena en Guatemala, Guatemala, Artemis Edinter, 1996.

Lebrun, Nicolas, « Notion en débat : centralité », Géoconfluences, octobre 2022, s. p. Disponible ici : https://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/a-la-une/notion-a-la-une/centralite

Nibbe, Ronald, « La guerra mortal de los sentidos de Roberto Castillo : una celebración de la diversidad y la diferencia, llena de energía y esperanza », Istmo. Revista virtual de estudios literarios y culturales centroamericanos, No. 16, 2008, s. p.. Disponible ici : http://istmo.denison.edu/n16/articulos/nibbe.html.

Orellana Peña, Jorge Humberto et Aravey Orellana, Leivy, « Costumbres, creencias y tradiciones como expresiones de identidad cultural en la región occidental de Honduras », Revista Ciencia y Tecnología, No. 15, 2014, pp. 94-110.

Quijano, Aníbal, « Colonialidad y modernidad/racionalidad », Perú indígena, Vol. 13, No. 29, 1992, pp. 11-20.

Recinos, Adrián (ed.), El Popol Vuh. Las antiguas historias del Quiché, San José, EDUCA, 1976.

Reynaud, Alain, « Les rapports entre le centre et la périphérie : le coefficient de variation, technique simple de mesure de l'allométrie », Travaux de l'Institut Géographique de Reims, No. 41-42, 1980, pp. 71-81.

Umaña, Helen, La novela hondureña, Guatemala, Letra Negra, 2003.

Zeledón, Elías, Leyendas costarricenses, Heredia, EUNA, 2004.

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Notes

1 Dans la tradition orale, le Sisimite est un animal qui prend la forme d’un singe, vit dans les grottes, est vaniteux et avide de pouvoir. Voir Jorge Humberto Orellana Peña et Leivy Aravey Orellana, « Costumbres, creencias y tradiciones como expresiones de identidad cultural en la región occidental de Honduras », Revista Ciencia y Tecnología, No. 15, 2014, p. 105. Le Cadejo, lui, est plutôt comparé à un chien de grande taille, avec les yeux brillants. Il en existe un bénéfique, le blanc, et un maléfique, le noir. Voir Elías Zeledón, Leyendas costarricenses, Heredia, EUNA, 2004, p. 141. La Ciguanaba, ou Cegua, quant à elle, est un personnage de femme qui apparaît, de nuit, aux hommes à la moralité imparfaite, afin de les effrayer et les encourager à modifier leur comportement, voir Celso A. Lara Figueroa, Leyendas populares de aparecidos y ánimas en pena en Guatemala, Guatemala, Artemis Edinter, 1996, p. 28. Si cette dernière a une origine a priori coloniale, les deux autres êtres surnaturels sont issus de la mythologie préhispanique.

2 Le Popol Vuh raconte, notamment, la création du monde selon les mayas. Cette création se fait en plusieurs étapes, car les dieux cherchent la meilleure matière à partir de laquelle inventer les hommes. Plusieurs apocalypses se succèdent alors jusqu’à ce que leur création les satisfasse complètement. La rébellion des objets est alors ce qui met fin à la vie des hommes faits de bois, incapables de parler, de se souvenir de leurs dieux et de montrer du respect pour les autres êtres de la Création. Voir Adrián Recinos (ed.), El Popol Vuh. Las antiguas historias del Quiché, San José, EDUCA, 1976, pp. 32-33.

3 L’auteur la définit ainsi : « Me refiero a una forma de conocimiento humano que eleva pretensiones de objetividad y cientificidad partiendo del presupuesto de que el observador no forma parte de lo observado. (…) Ubicarse en el punto cero equivale a tener el poder de un Deus absconditus que puede ver sinser visto, es decir, que puede observar el mundo sin tener que dar cuenta a nadie, ni siquiera a sí mismo, de la legitimidad de tal observación; equivale, por tanto, a instituir una visión del mundo reconocida como válida, universal, legítima y avalada por el Estado. Por ello, el punto cero es el del comienzo epistemológico absoluto pero, también, el del control económico y social sobre el mundo. », Santiago Castro-Gómez, La poscolonialidad explicada a los niños, Popayán, Editorial Universidad del Cauca, 2005, p. 63.

4 Notons la présence récurrente de représentants des institutions de l’armée et de l’église dans les comportements fortement colonialistes.

5 Une première approche partielle de cette thématique est développée dans notre thèse de doctorat intitulée « Altérités et identités : la représentation des autochtones dans neuf romans centraméricains contemporains (1985-2012) » et disponible ici : https://theses.fr/2022AIXM0458.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Émilie Boyer, « Les confins au centre : étude de la vitalité de la recomposition identitaire dans La guerra mortal de los sentidos (2002) de Roberto Castillo »Amerika [En ligne], 28 | 2024, mis en ligne le 19 juin 2024, consulté le 07 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/amerika/19295 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12222

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Auteur

Émilie Boyer

CAER, Aix-Marseille Université

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Droits d’auteur

CC-BY-SA-4.0

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