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Comptes-rendus

Maeleen Bernard, À la folie, mon amour

Néstor Ponce
Référence(s) :

Morlaix, Rez éditions, 2021 ; 161 p.

Texte intégral

1Maeleen Bernard publie un ouvrage poignant chez Rez éditions. C’est un témoignage, très poétique et néanmoins direct, de son expérience de vie en Argentine. Parti très jeune en quête de vie et de découvertes, avec une grande envie d’apprendre l’espagnol, Maeelen Bernard tombe amoureuse d’un jeune argentin à General Roca, au nord de la Patagonie. Dans cette région agricole et pauvre, son compagnon est funambule dans les rues de la petite cité, pour ramasser quelques sous et terminer sa maison qui n’est jamais terminée.

2C’est un signe : l’inachevé. Le garçon, habile des mains, grand rêveur, ne parvient jamais à accomplir ses objectifs. Cette passion dévorante qui les envahit, qui les emmène à tout partager, à tout construire -au point d’avoir un enfant- devient à un moment donné obsession : la jalousie le tracasse, lui fait perdre la raison, si la raison existe pour ce jeune brûlé par la vie et l’existence. Par moments, on dirait qu’Antonin Artaud s’est réincarné à General Roca.

3La narratrice subit cette situation, a honte de la rendre publique, même quand des membres de sa famille lui rendent visite pour connaître leur petit enfant. Elle semble perdre, petit à petit, tous ses repères. L’insécurité la domine. Tout cela est raconté avec pudeur et une force poétique dévastatrice. Le lecteur est attrapé par le cou par la douleur et la résistance de cette jeune fille abandonnée au milieu des plaines argentines :

« Il est midi, on cuisine. Il n’y a que nous deux, les autres sont descendus à la ville. Tu voulais des hamburguesas, je suis allée au kioske de quoi en préparer.

« Comme d’habitude, je ne fais pas comme il faut. Pas comme tu aimes. Pas comme tu me l’as expliqué mille fois. Je ne me souviens plus de la recette (…) Ou alors je ne t’écoute pas, que j’ai la tête ailleurs, que j’ai l’esprit trop occupé par les hommes, tous les autres hommes, n’importe quels autres hommes. Ou bien je me suis trop habituée à ce qu’on fasse tout à ma place comme toutes les petites Européennes qui ont les fesses bien au chaud dans leur tour d’argent, éduqués à ne rien faire et à chercher qui est la plus belle dans les miroirs des palais.

Je jette le saladier en plastique vert au sol et je te crie dessus. Ma voix se brise et se perd dans les aigues, je crie pour couvrir la tienne. Pour ne plus t’entendre.

Tu m’attrapes à la gorge. D’une seule main, tu me soulèves du sol. Pas longtemps, je crois, je ne sais plus » (p. 14).

4Ce texte, qui alterne le récit et les poèmes, en français, mais aussi en espagnol (avec un lexique et une traduction à la fin de l’ouvrage), la langue dans lequel ce drame a été vécu, impressionne par sa candeur, sa dureté, par cet ambiguïté qui est le fruit d’un amour fou.

5Les écorchés vifs, ils existent. Pour les rencontrer, lisez ce livre.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Néstor Ponce, « Maeleen Bernard, À la folie, mon amour »Amerika [En ligne], 27 | 2024, mis en ligne le 31 mars 2024, consulté le 10 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/amerika/19197 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/amerika.19197

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