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Témoignage(s) et mise(s) en scène : construction d’espaces mémoriels

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VENDREDI 9 SEPTEMBRE 2022

Laboratoire Écritures (EA 3943)

Université de Lorraine (site Metz)

JOURNÉE D’ÉTUDE

Art & Théâtre

Appel à communication

La journée d’étude entend explorer l’apparition et la construction d’espaces mémoriels de plus en plus présents au sein des arts de la scène et des arts plastiques. De nouvelles pratiques documentaires se développent actuellement et se caractérisent notamment par le désir des artistes de mener des expériences dans des contextes spécifiques lors du processus de création, donnant lieu à la création d’une archive hétérogène qui nourrit ensuite l’écriture de spectacles ou d’installations. Dans ce cadre, nous observerons plus spécifiquement le rôle du témoignage dans la constitution d’un espace mémoriel dynamique au sein de dispositifs scéniques, performatifs.

  • 1 Aleida Assmann, Erinnerungsräume. Formen und Wandlungen des kulturellen Gedächtnisses, Munich, C.H. (...)
  • 2 Hayden White, « Chapitre 2. Les fictions de la représentation factuelle », in Philippe Carrard (Tra (...)
  • 3 Ibid., p. 64.
  • 4 Philippe Lacoue-labarthe, « Histoire et mimèsis », in L’Imitation des modernes, Paris, Galilée, p. (...)

Comment les témoignages sont-ils intégrés au sein d’œuvres complexes qui fabriquent des images poétiques et polysémiques capables de questionner le pouvoir subversif de la mémoire1, au centre duquel se trouve le processus du souvenir et de l’oubli ? Si Hayden White établit un rapprochement entre le travail de l’historien et celui de l’écrivain créateur, il n’accorde pourtant pas le droit aux historiens d’inventer les événements qu’ils rapportent2. Il évoque par contre les stratégies dont tous deux se servent pour composer leurs discours3. Nous pourrons ainsi nous demander comment les artistes produisent leurs œuvres à partir de témoignages et façonnent un récit à travers une logique qui entend relier et mettre en tension les destins individuels avec des dimensions historiques et politiques. Il s’agira de mieux comprendre la manière dont ils peuvent parvenir à interroger le « sens historique4 » et à activer une mémoire culturelle qui évolue constamment. Au théâtre, nous avons pu constater que de nombreux spectacles interrogent ces dernières années la mémoire culturelle de l’Europe (notamment les artistes Milo Rau, Yaël Ronen, She She Pop, Anestis Azas). Il s’agit de spectacles qui mettent en scène des récits biographiques afin de revenir sur l’Histoire de l’Europe tout en performant son présent.

  • 5 Jacques Rancière, Le spectateur émancipé, Paris, La fabrique, 2008, p. 108.

Au-delà des questions propres à chaque discipline artistique, cette journée d’étude sera l’occasion de s’interroger sur le rôle du témoin au sein de représentations artistiques dans une perspective transdisciplinaire. Les questionnements esthétiques pourront ainsi être enrichis par des théories développées par d’autres disciplines. Mentionnons à titre d’exemple les travaux de Marianne Hirsch au sujet de la « postmémoire ». Cette dernière a mis l’accent sur la transmission de récits traumatiques par les témoins des faits ou la génération des survivants aux générations suivantes. Tandis que la première génération est porteuse de ces récits traumatiques, la seconde est décrite comme une génération charnière, permettant de faire le lien entre la première et les suivantes, héritières d’une histoire non vécue. Le terme « postmémoire » a également été interrogé au sein de différents travaux scientifiques proposant d’autres terminologies qui semblent mieux adaptées selon les contextes. Quel que soit le terme choisi à partir des années 1990, « mémoire absente » (Fine), « mémoire des cendres » (Fresco), « mémoire trouée » (Raczymow), « mémoire multidirectionnelle » (Rosthberg), « mémoire connective » (Hoskins), la question principalement repose ici sur le témoignage et la « structure générationnelle de transmission » de ces récits. Les notions de témoignage ou même d’un témoignage « par adoption » (Hartman) ou d’écriture « adoptive » (Chambers) rendent compte aussi des fractures dans cette transmission mémorielle et des différentes possibilités de représenter et mettre en scène le témoignage au sens large du terme. Prenons comme exemple l’installation The eyes of Gutete Emerita de l’artiste Alfredo Jaar (1996) décrite par Jacques Rancière comme une politique de la métonymie, mettant en lien l’individuel et le multiple, mais surtout mettant l’accent sur la construction de la victime5 à travers son dispositif. Nous pourrions également citer l’œuvre Bocas de ceniza (2003-2204) de l’artiste colombien Juan Manuel Echavarría, qui utilise l’oralité pour mettre en scène le témoignage.

C'est dans ce cadre théorique que les propositions de cette journée d'étude peuvent s'inscrire, étudiant alors comment les projets artistiques dont il sera question composent des œuvres à partir de témoignages et interrogent le rapport à l’Histoire ou à la mémoire collective (Halbwachs) et culturelle (Jan Assmann).

Comité d’organisation :

Virginia de la Cruz Lichet, Université de Lorraine (virginie.de-la-cruz@univ-lorraine.fr)

Marie Urban, Université de Lorraine (marie.urban@univ-lorraine.fr)

Envoi des propositions de communication :

Les propositions (titre et résumé de 250 mots) sont à envoyer au comité d’organisation.

Langues autorisées : français

Date limite des propositions : 30 mai 2022

Notes

1 Aleida Assmann, Erinnerungsräume. Formen und Wandlungen des kulturellen Gedächtnisses, Munich, C.H.Beck, 1999, p. 359.

2 Hayden White, « Chapitre 2. Les fictions de la représentation factuelle », in Philippe Carrard (Traduit et présenté par), L’histoire s’écrit. Essais, recensions, interviews, in CARRARD, Philippe (Traduit et présenté par), Hayden White. L’Histoire s’écrit, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2017, p. 63.

3 Ibid., p. 64.

4 Philippe Lacoue-labarthe, « Histoire et mimèsis », in L’Imitation des modernes, Paris, Galilée, p. 90.

5 Jacques Rancière, Le spectateur émancipé, Paris, La fabrique, 2008, p. 108.

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