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Séminaire :« Traverser les frontières: Formes et enjeux des écritures contemporaines » (Collectif interdisciplinaire de jeunes chercheur∙e∙s, Aix-Marseille Université ED 354)

Séminaire 2021-2022

« Traverser les frontières: Formes et enjeux des écritures contemporaines ».

En ligne: https://univ-amu-fr.zoom.us/j/99752904646?pwd=SEkxUFRpbXhabHg2NUsyaEtPKytCQT09

Calendrier et programme

Lundi 10 janvier 2022

Séance d’ouverture
Invité: André Benhaïm (Princeton)

Professeur de littérature française et francophone du XXe siècle – bassin méditerranéen et Afrique du Nord –  à Princeton, et notamment l’auteur du livre  Après Ulysse. Vers une poétique de l’hospitalité en Méditerranée (2021).


Lundi 17 janvier 2022
« Les frontières dans l’écriture des rêves : textures, dispositifs et déclinaisons sociales ».
Invitée : Arianna Cecconi (anthropologue)
Modératrice: Johanna Carvajal Gonzalez


Les rêves semblent être par définition le contraire de la réalité. Néanmoins, il existe des communautés qui confèrent aux rêves un sens de prémonition ou bien de révélation, liant directement l’onirisme à la réalité. L’anthropologue Arianna Cecconi (EHESS, Université de Milan-Bicocca), a soutenu une thèse intitulée Les rêves viennent du dehors : Une ethnographie de la nuit dans les Andes péruviennes. Dans son travail, elle interroge la présence dans les rêves des disparus en contexte de conflit armé, la matière onirique des rêves ainsi que leur présence dans le corps social. L’écriture académique se décline ainsi dans une pluralité de supports qui ouvrent à d’autres questionnements, permettant une lecture et une diffusion différentes de la recherche traditionnelle. Une écriture perméable qui se sert des langages audiovisuels, de la narration et même des codes de l’écriture romanesque, convoquant le dialogue pluridisciplinaire entre anthropologie, ethnographie, psychologie et art. Il s’agit donc de la « déconstruction et de la problématisation de la dichotomie ‘rêve’ et ‘réalité’, la dialectique entre le rêve en tant qu’expérience individuelle et collective, et l’attention aux conditionnements sociaux et culturels qui vont influencer les narrations oniriques[1] ».
 
[1] Arianna, Cecconi, “PARECÍA TODO UN SUEÑO…”, Argumentos, n° 3, septiembre 2008, http://argumentos-historico.iep.org.pe/articulos/parecia-todo-un-sueno/, consulté le 6 décembre 2021.

Jeudi 17 février 2022
« Auto-traduction de la « migrance » : apprivoiser l’espace transfrontalier ». 
Vanessa Cavallari (Aix-Marseille Université)

La condition de nomadisme apatride à laquelle les écrivains exilés ou migrés sont soumis, accorde une valeur spécifique au langage dans leur littérature. Le langage ne constitue plus uniquement un outil de critique, mais ce qui les fait sentir habités par un autre je. À ce propos, les points de contact entre l’exil et l’auto-traduction sont nombreux, l’auto-traduction étant une production littéraire circulaire permettant à l’auteur de revenir sur l’œuvre sans jamais la fermer. Or, cette circularité se retrouve dans l’exil de l’écrivain. Si la migration sous-entend l’arrivée dans une culture, l’exil peut être assimilé à une condition de « migrance » plus proche d’une errance incessante. L’exiliance pose l’exilé devant un passage par différentes langues et cultures. Le translinguisme n’est que la trace laissée par cette transition où la migration en tant que déterritorialisation est en fait une reterritorialisation, ce qui n’est pas vrai pour les écrivains en migrance. L’exil, tout comme l’auto-traduction, « ne vise pas à la re-localisation dans un ailleurs, il est le temps et l’espace suspendus » (Enderle-Ristori 2012 : 9), un espace transfrontalier permanent. L’auto-traduction est à la lisière entre littérature source et littérature cible ; suspendue dans le temps de l’exil et dans l’espace de la transculture, s’adaptant parfaitement à l’expression exilique et en devenant l’emblème dans la création littéraire. L’exilé occupe un espace qui n’est ni celui de son départ, ni celui de son arrivée , exactement comme l’auto-traduction est à la fois prototexte et métatexte sans être paradoxalement ni l’un ni l’autre, mais une phase créative transitoire. Le sujet de l’exil à l’égard de sa culture de départ est un ex-il, un ‘il’ qui appartient au passé et qui en est déraciné mais qui continue dans cet espace incertain de l’auto-traduction.

Jeudi 17 mars 2022 
« Dramaturgie féminine et immigration : une plaie recousue par le corps/texte de la force créatrice féminine ».
Invitées: Metka Zupancic (Écrivaine, Professeure Émérite, Université d’Alabama à Tuscaloosa, États-Unis), Gabriela Acosta Bastida (écrivaine, Université Toulouse II Jean Jaurès)
Modératrice: Clelia Di Pasquale 
« Remembrer », c’est « réunir les morceaux épars d’un corps poétique éclaté, démembré – à cause de la perte, de la souffrance, du manque, de la peine inconsolable, de l’exagération dans la passion, de l’amour impossible, de la séparation – (…) reprendre, à l’aide de l’écriture, couture après couture, et grâce aux mots cousus à d’autres mots, le travail du rassemblement de ce qui a été démembré, de ce qui a subi la déchirure » (Metka Zupancic, 2013). Est-ce que la dramaturgie féminine – qui franchit les frontières de la simple écriture car elle prévoit la mise en scène – peut reconstruire des âmes féminines écorchées notamment dans la migration ? Est-ce que le théâtre, en tant que genre littéraire particulier peut avoir une valeur initiatique d’un cheminement au sens propre, spirituel et figuré ? Dans l’écriture théâtrale de Gabriela Acosta Bastida on ressent une forte volonté de rendre au corps féminin (souvent mutilé) l’espace dont il a besoin, de remettre en cause une mémoire souvent écorchée, et de récupérer les racines « flottantes » de ces femmes éloignées de leur pays. L’écriture, l’art théâtral dans un contexte d’immigration deviennent également un antidote à la victimisation où la souffrance même (renforcée car (re)vécu sur scène) sert à soigner une blessure qui deviendra « énergie vitale, énergie de ce qui rassemble, voire se remembre » (Metka Zupancic, 2013). Le théâtre, par son caractère de présence, aura donc comme objectif de transmuter sur scène la fragilité d’un corps transpercé, d’une âme humiliée qui, par la force de l’art, reconstruit une mémoire féminine de l’immigration.


Mardi 17 mai 2022
« Marginalia. Récits de voix et d’écoute dans la littérature d’expression française contemporaine ». 
Invité: Arno Bertina
Modératrice: Laëtitia Deleuze 

Nous nous intéresserons à ces écrivains contemporains, attentifs aux vies dites « ordinaires », qui se trouvent aux frontières – celles littérales mais aussi sociales, accentuant un état de vulnérabilité – et dont la démarche permet le relais de voix invisibilisées, passées sous silence. Ce profond souci d’écoute et de présence à l’autre donne à entendre l’expérience humaine et sociétale, qu’elle soit transcrite sous la forme du roman, de l’enquête, du récit documentaire ou de la collecte de voix. La présence de l’écrivain Arno Bertina nous permettra d’ouvrir un dialogue sur la manière dont l’écriture fait lien et renoue avec une voix des marges. Depuis ses premiers textes, l’écrivain met en lumière des corps et des voix vulnérabilisés à travers des formes narratives où le donner voix / être à l’écoute de s’informent mutuellement. À quels dispositifs le récit recourt-il afin de partager l’expérience d’une communauté dont l’existence et le futur n’ont pas de poids pour la société qui l’exclut ? Face à ces vies mal considérées et peu perçues, quelles stratégies d’énonciation sont déployées, et permettent-elles l’émergence d’un devenir ensemble ? Quelle place l’auteur choisit-il d’occuper ? Ce sont ces réflexions autour d’un récit qui légitime la parole et l’écoute des sans-voix, que nous aimerions déplier. Au creux de cet espace où ces voix sont amenées à se délier, exister, se projeter, affecter l’autre ; un mouvement se crée peut-être qui permet de faire bouger les lignes.

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