Skip to navigation – Site map

HomeNuméros21Dossier thématique: Ecritures scé...Décoloniser les corps et les imag...La transmodernité d’Enrique Dusse...

Dossier thématique: Ecritures scéniques et dramatiques d’Amérique latine : quelles émancipations ?
Décoloniser les corps et les imaginaires

La transmodernité d’Enrique Dussel et le théâtre de Verónica Musalem : quel dialogisme ?

Lîlâ Bisiaux

Abstracts

My approach is a dialogue between European theatrical studies and decolonial studies to analyse the transmodern theatre of Verónica Musalem.

Top of page

Full text

  • 1 Cette pièce fait l’objet d’une traduction, en français, réalisée par David Ferré. Dans cet artic (...)
  • 2 Ce texte n’est pas encore publié. La version sur laquelle je m’appuie est un manuscrit que m’a c (...)

1Je me propose, dans cet article, de faire dialoguer les propositions théoriques du groupe de recherches latino-américain Modernité/Colonialité/Décolonialité et plus particulièrement le concept de transmodernité d’Enrique Dussel avec le théâtre de la dramaturge mexicaine Verónica Musalem. Plus spécifiquement, j’analyserai au prisme des études décoloniales deux œuvres de l’autrice, à savoir New York versus el Zapotito (Musalem, 2013a)1 et Los Maromeros (Musalem, 2013b)2 qui me semblent représentatives de sa dramaturgie. Le recours aux études décoloniales me paraît propice pour mettre en lumière l’aspect politique de ce théâtre, mais vise également à me prémunir d’une lecture eurocentrée qui serait susceptible d’invisibiliser la nature spécifique de l’articulation éthico-esthétique d’une telle dramaturgie. Pour le dire en d’autres termes, il me semble nécessaire de revoir la méthodologie des études théâtrales lorsque l’objet analysé provient de l’aire latino-américaine et d’être attentive à la production locale de savoirs ainsi qu’aux axes de réflexion propres à cette région du monde. La transmodernité dusselienne sera donc doublement investie : elle permettra de qualifier un objet d’études – ici le théâtre de Verónica Musalem –, et servira de modèle à la construction d’une nouvelle approche analytique des œuvres – fondée sur un dialogisme entre les outils de la recherche théâtrale en Europe et les propositions intellectuelles latino-américaines.

2Après avoir brièvement rappelé quelques concepts clés des études décoloniales et notamment celui de transmodernité, j’aimerais montrer comment New York versus El Zapotito et Los Maromeros se voient parsemées de métarécits modernes, coloniaux et patriarcaux, qu’une dramaturgie du jeu de rêves fait chanceler et met en perspective critique. Enfin, je tâcherai de mettre en exergue les figures de centralité orchestrant ces dramaturgies du jeu de rêves, m’incitant à qualifier le théâtre de Verónica Musalem de transmoderne.

I. La colonialité du pouvoir, du savoir, de l’être et du genre, et la transmodernité : focus définitionnel

3Tout d’abord, je voudrais m’attacher à définir le concept de colonialté du pouvoir qui est un des concepts fondamentaux du groupe Modernité/Colonialité/Décolonialité. La colonialité n’est pas synonyme de colonialisme, car ce dernier « denota una relación política y económica en la cual la soberanía de un pueblo reside en el poder de otro pueblo o nación, lo que constituye a tal nación en un imperio. Distinto a esta idea, la colonialidad se refiere a un patrón de poder » (Maldonado-Torres, 2007 : 131). La colonialité du pouvoir est un dispositif d’énonciation épistémique justifiant l’organisation (néo)coloniale du pouvoir. Cette colonialité du pouvoir crée de la différence coloniale, à savoir, une normalisation et une classification raciale de la population mondiale (Mignolo, 2003). En d’autres termes, des personnes (européennes et nord-américaines) ont érigé leurs propres caractéristiques phénotypiques, linguistiques, alphabétiques, épistémologiques ou encore religieuses comme modèles, comme normes, et ont infériorisé les êtres ne les partageant pas. Cette infériorisation ontologique reposant sur l’introduction du concept de race, Walter Mignolo la nomme colonialité de l’être (Mignolo, 2013 : 182). Selon Edgardo Lander (Lander, 2000), cette colonialité de l’être s’accompagne d’une colonialité du savoir. En effet, la colonialité du pouvoir crée également une infériorisation épistémique systématique, dans la mesure où les formes de rationalité et de production de connaissances étrangères aux européennes ont été et continuent d’être infériorisées. Or, le tour de force a été, selon Walter Mignolo (Mignolo, 2015), de naturaliser cette colonialité de l’être et du savoir, à tel point qu’elles continuent de travailler les imaginaires.

4Pour Walter Mignolo, « la colonialité est constitutive de la modernité, en ce sens qu’il ne saurait y avoir de modernité sans colonialité » (Mignolo, 2015 : 3). Pour lui, la modernité est « une époque historique racontée comme telle par des gens qui l’habitent avec leur corps en même temps qu’ils sont habités par elle, et qui sont habilités à la dire. » (Mignolo, 2015 : 3). Or, cette époque particulière de l’histoire européenne est celle de l’émergence d’un nouveau type d’économie, à savoir le capitalisme internationalisé, rendu possible par la colonisation de l’Amérique, par la production de matière première et par l’esclavagisme, ayant hissé l’Europe au centre d’un nouveau marché mondial. Cette exploitation des terres et des personnes repose précisément sur la normalisation de la classification raciale de la population mondiale, en somme sur la colonialité de l’être. Selon Walter Mignolo, « l’idée même de modernité a été inventée corrélativement à l’avènement de l’Europe » (Mignolo, 2015 : 03) qui, elle-même, prend sa source dans la colonialité. C’est en ce sens que, pour les membres du groupe Modernité/Colonialité/Décolonialité, la colonialité est constitutive de la modernité. Pour Enrique Dussel (Dussel, 2007), la modernité/colonialité prend jusqu’à nos jours diverses modalités qui coexistent sous forme d’accumulations diachroniques.

5Or, parce que la colonialité est une matrice du pouvoir qui survit aux processus des Indépendances, la décolonisation ne peut pas se limiter à la sphère économique et politique, mais doit aussi être relative au savoir (Lander, 2000). Cette décolonisation doit ainsi « démystifier et bloquer les conditions qui, dans le passé et le présent, ont rendu possible l’existence du colonisateur (les institutions, les catégories de pensées, des sensibilités et des acteurs) pour rendre possible un avenir autre » (Mignolo, 2015 : 55). Cette décolonisation est double, car « il ne suffit pas de dénoncer le contenu de la rhétorique de la modernité et la complicité qui la lie à la logique de la colonialité. C’est, certes, une étape nécessaire, mais pas suffisante » (Mignolo, 2015 : 24). Il faut également procéder à un détachement épistémique, « apprendre à désapprendre, pour pouvoir apprendre de nouveau » (Mignolo, 2015 : 24). Il s’agit donc de procéder à une revalorisation « des formes de pensées dévalorisées par les acteurs et les institutions qui contrôlent les principes de la connaissance » (Mignolo, 2015 : 70), d’inverser la géographie de la raison « et l’idée selon laquelle on ne puisse penser qu’à partir du cœur de l’épistémologie de la modernité » (Mignolo, 2015 : 70-171).

6Cette revalorisation épistémique vise une pluriversalité qui, à l’inverse du monologisme de la modernité/colonialité, veut construire un dialogue horizontal entre les cultures, un monde où la diversité culturelle est acceptée et génère un dialogue fertile et horizontal. Il s’agit donc bien d’un projet utopique interépistémique et dialogique. C’est à ce monde en devenir qu’Enrique Dussel se réfère lorsqu’il emploie le terme transmodernité (Dussel, 2015). La transmodernité émane « del lugar epistémico de los pueblos colonizados en todo el mundo » (Ramón Grösfoguel, 2006: 6), autrement dit, de l’exteriorité de la modernité/colonialité. Ainsi, l’adjectif transmoderne « quiere indicar esa radical novedad que significa la irrupción, (…) desde la Exterioridad alterativa de lo siempre Distinto, de culturas (…) que asumen los desafíos de la Modernidad, y aún de la Post-modernidad europeo-norteamericana, pero que responden desde otro lugar » (Dussel, 2005:17).

7Or, à partir de 2008, ce projet transmoderne se voit complété par des féministes latino-américaines pour qui les concepts de colonialité du pouvoir, de l’être et du savoir sont pertinents, mais gagneraient à être articulés à une approche féministe et intersectionnelle. María Lugones montre comment la colonisation entraîne la destruction des sociétés gynécentriques, l’imposition d’une hétéronormativité, d’une bicatégorisation sexuelle des êtres, ainsi que d’attributs liés à l’assignation de sexe. Rita Laura Segato remarque, quant à elle, que la colonisation modifie la complémentarité des rôles dans certaines cultures et dépossède les femmes de leur pouvoir politique. Pour ces féministes, l’introduction, en Amérique latine, du genre tel qu’il était conçu en Europe au XVIe siècle facilite la colonisation et la soumission des peuples face au joug colonial, par la déconstruction des liens intracommunautaires et de la structure organisationnelle existante. De la sorte, pour Rita Laura Segato, le genre « es una categoría central capaz de iluminar todos los otros aspectos de la transformación impuesta a la vida de las comunidades al ser captadas por el nuevo orden colonial moderno » (Segato, 2011: 17). Ces féministes comprennent alors la colonialité du pouvoir comme un dispositif hiérarchisant les êtres et les savoirs sur la base d’une normalisation raciale et genrée de la population mondiale. C’est alors à ce titre qu’elles parlent de colonialité du genre. De ce constat elles déduisent que « no hay descolonización si no se desliga de la introducción colonial de la dicotomía jerárquica hombre-mujer, macho-hembra » (Lugones, 2012: 129). Pour être optimale la transmodernité doit donc être féministe.

8Ces quelques concepts précisés, j’aimerais désormais montrer comment la colonialité de l’être, du savoir et du genre travaillent les discours et les représentations des personnages de Los Maromeros et de New York versus el Zapotito.

II. Éléments modernes, coloniaux et patriarcaux dans New York versus El Zapotito et Los Maromeros

9Je procéderai tout d’abord à un rapide résumé de ces deux pièces. New York versus El Zapotito peut se lire comme un jeu de variations autour de la thématique des retrouvailles d’une mère et de sa fille. Cette dernière avait quitté son village mexicain pour partir à New York et revient chercher sa mère qui tient, aux côtés du magicien Nicanor, un cirque. Dans le dernier tableau, le public apprend que la fille est morte dans le désert, que la mère est également décédée, et qu’ainsi ces retrouvailles étranges, rejouées à plusieurs reprises, ne peuvent avoir eu lieu, à moins qu’elles ne soient l’œuvre du magicien.

10Concernant Los Maromeros, si cette pièce ne peut être lue comme un drame classique, je peux néanmoins distinguer deux fables. L’une d’elle se déroule à Mexico. Elena, sur le point de se suicider dans son appartement avec de l’alcool, des drogues et des médicaments, est interrompue par l’arrivée de Norma, une femme qu’elle ne semble pas connaître. Cette dernière l’entraîne dans un voyage nocturne et initiatique, à travers la capitale, lors duquel on apprend qu’Elena écrit une pièce de théâtre s’intitulant Los Maromeros. L’autre intrigue se déroule dans la sierra. Des Canadiens y sont arrivés pour trouver de l’or, guidés par une légende relative à une montagne dorée. Des maromeros, des acrobates-paysans, racontent des histoires, font leurs numéros, et une sorcière est également présente.

11Je voudrais ensuite remarquer que dans New York versus el Zapotito la mère dit à sa fille :

Je pouvais aller au bal où l’orchestre jouait et j’y allumais une cigarette et fumais, bien sûr que je faisais attention à ce que tes oncles ne me voient pas, car s’ils m’attrapaient ils me donnaient une de ces baffes que tu n’imagines même pas ce que prenait ma figure. (Musalem, 2013a: 27).

12Ce souvenir met au jour le fait que, dans la société patriarcale, l’espace assigné aux femmes est celui de l’intérieur, mais également le fait que l’institution familiale est régie par le ou les patriarches s’octroyant un pouvoir décisionnel sur les femmes qu’ils font, parfois, respecter par la violence physique. Ainsi, « davantage retenues dans des activités à l’intérieur de la sphère domestique que les garçons, les filles sont aussi bien plus surveillées dans leurs activités extérieures, comme leurs sorties et leurs fréquentations » (Bereni, Chavin, Jaunait, Revillard, 2012 : 25). Or, si l’attribution de l’espace intérieur aux femmes était déjà de coutume dans les sociétés pré-cortésiennes, selon Rita Laura Segato, l’intrusion de la modernité/colonialité a profondément modifié le système genré de ces sociétés, « manteniendo la apariencia de continuidad pero transformando los sentidos, al introducir un orden ahora regido por normas diferentes. (…) las nomenclaturas permanecen, pero son reinterpretadas a la luz del nuevo orden moderno » (Segato, 2011 : 32). Cette modification de la signification préhispanique du genre est organisée selon trois axes, pour Laura Rita Segato, à savoir :

La superinflación de los hombres en el ambiente comunitario, en su papel de intermediarios con el mundo exterior, es decir, con la administración del blanco; la emasculación de los hombres en el ambiente extra-comunitario, frente al poder de los administradores blancos; la superinflación y universalización de la esfera pública, habitada ancestralmente por los hombres, con el derrumbe y privatización de la esfera doméstica. (Segato, 2011 : 32)

13Cette transformation du genre par la modernité/colonialité « tiene consecuencias terribles en lo que respecta a la violencia que victimiza [a las mujeres] » (Segato, 2011 : 34). En effet, selon elle, la dévirilisation des hommes indigènes par les hommes blancs et la vexation que cette dévirilisation produit entraînent une compensation passant par une violence exercée sur les femmes de leur foyer. Ainsi, pour Rita Laura Segato, les violences intrafamiliales subies par les femmes, tout comme la privatisation de l’espace intérieur qui leur était assigné sont profondément modernes et coloniales. Il me semble alors que lorsque la mère rappelle la surveillance de ses frères et leur contrôle par la violence physique sur ses déplacements, elle fait implicitement référence à ce patriarcat moderne et colonial.

14Mais si la mère semble parfois critiquer ce patriarcat, elle reconduit également une injonction à l’hétéronormativité dans les propos qu’elle tient à sa fille. En effet, elle dit, « À quoi sert tout ceci si tu n’as pas un homme à tes côtés ? (…) Être seule est la pire des choses qui puisse arriver à une femme » (Musalem, 2013a : 74). Non seulement, elle sous-entend que l’hétérosexualité est une norme, niant toute autre forme de sexualité, mais enseigne à sa fille qu’en tant que femme elle n’existe pas sans un homme à ses côtés. Cette hétéronormativité se retrouve lors de la scène du numéro de cirque de la femme-serpent joué par les deux personnages féminins :

LA MÈRE : (…) Raconte-nous, petite, pourquoi tu es comme ça ?

LA FILLE-SERPENT : Parce que je suis une femme méchante et que j’ai désobéi à mes parents…

LA MÈRE : Vous entendez tout ce qui arrive à une femme méchante ! (…) Les gens disent que tu es méchante. C’est vrai ?

LA FILLE-SERPENT : Mes grands-pères et mes grands-mères étaient des gens très sévères. Un jour je suis tombée amoureuse d’un homme puis d’un autre. (…) Les gens disaient que j’étais une fille méchante, ils m’insultaient, me jetaient nourriture et déchets, parce que je n’étais pas comme les autres filles. (…) J’ai enfreint les lois de ce monde, et de la société. Un jour, cette malédiction m’est tombée dessus. Un jour, je me suis réveillée comme ça. J’ai toujours été amoureuse de plusieurs êtres, je ne peux pas vraiment dire d’hommes… (Musalem, 2013a : 39)

15La transformation de la fille en femme-serpent prend ses origines, selon ses dires, dans la transgression des normes sociales et familiales. Cette transgression consiste à aimer plusieurs fois « des êtres » et non pas des hommes. Il peut s’agir d’une manière, pour la fille, de signifier sa bisexualité ou peut-être le fait qu’elle est attirée par des personnes qui refusent une quelconque assignation de genre. Il m’apparaît alors que c’est la mise en crise de l’hétéronormativité et/ou du genre qui lui vaut les insultes et maltraitances qu’elle subit, tout comme ce qu’elle nomme une malédiction. Or, María Lugones met en exergue le fait que l’hétéronormativité est le produit de la modernité/colonialité, dans la mesure où, selon elle, moult sociétés précolombiennes valorisaient, ou du moins, ne percevaient pas en termes négatifs, l’homosexualité. Par ailleurs, je remarque que la femme-serpent est exposée comme une bête de foire, un monstre de cirque. Or, la monstration de ce qui est présenté comme une monstruosité est traditionnellement un moyen d’inculquer une norme :

C’est pour cela qu’on exhibe des monstres humains à une échelle quasi industrielle des dernières décennies du XIXe siècle aux premières du XXe, (…) cela aura été un des rouages essentiels de la dissémination du pouvoir de normalisation dans la société de masse : l’extension du domaine de la norme s’y est réalisée à travers un ensemble de dispositifs d’exhibition de son contraire, de mise en scène de son image inversée. (…) Rien de mieux que le monstre pour enseigner la norme. (Reneville, 2018 :81).

16Par ailleurs, la monstration et la spectacularisation de la monstruosité dans des foires au tournant du XIXe et du XXe siècle, prend son essor des théories scientistes, darwinistes et phrénologiques, censées prouver la prétendue supériorité ou infériorité de certains êtres. Or, ces êtres supposément inférieurs correspondent à ceux qui transgressent la norme morale, mais aussi à ceux dont le corps n’est pas jugé normal, car en situation de handicap ou non-blanc. Historiquement, le spectacle de monstre est donc « profondément ancré dans le racisme, le colonialisme » (Bogdan, 1994 : 45). Ainsi, parce que le numéro de la femme-serpent de New York versus El Zapotito exhibe l’injonction à l’hétéronormativité et s’inscrit dans cette longue tradition de monstration de la monstruosité, il m’apparaît qu’il exhibe un des instruments de la colonialité de l’être et du genre.

17Enfin, il me semble que les propos tenus par la fille expriment à plusieurs reprises une colonialité du savoir. Elle dit, en effet, « Je suis venue de très loin, des États-Unis. La Civilisation ! » (Musalem, 2013a : 21). « Là-bas, les choses sont différentes, propres, civilisées et il y a de l’argent… » (Musalem, 2013a :32). L’emploi du terme « civilisation » est lourd de sens, et fait écho à la classification et hiérarchisation entre populations dites civilisées et populations à civiliser, justifiant le (néo)colonialisme et la violence physique et épistémique qu’il engendre.

18De plus, concernant désormais Los Maromeros, j’aimerais commenter les paroles suivantes d’un personnage nommé le Canadien :

Pues a mí, sí, me gusta mucho… es guapa. Es morena, me gustan las mujeres de por acá. (…) Es morena, es alta, es caliente, es joven, es bella, me calienta, me prende, la quiero. Me pone feliz, será mía. Esta noche será mía, la voy a poseer toda la noche. ¡Sin tregua! Sin parar. Es lo que quiere ella, es lo que quiero yo. Mi pene es enorme, es duro, cada vez más duro (Musalem, 2013b).

19Le Canadien est excité sexuellement par la jeune femme à la peau mate qu’il veut posséder et faire sienne. Or, cette réplique semble mettre en lumière l’imbrication du patriarcat et de la colonialité, dans le sens où, ici, la femme de couleur est objectifiée par le regard de l’homme blanc. Laura Rita Segato fait à ce propos remarquer que la modernité/colonialité s’accompagne systématiquement d’un regard objectificateur, rabaissant et pornographique porté sur les corps racisés. Selon elle, le regard pornographique se distingue du regard érotique, dans le sens où le premier se réfère à « el goce de un sujeto exterior que fantasía la apropiación del cuerpo explorado y explotado » (Segato, 2014 : 608), quand le second renvoie à « el placer de la conjunción en que la entrega es compartida » (Segato, 2014 : 608). Je précise que le Canadien s’extrait du dialogue pour tenir ces propos au public, et il m’apparaît que cette position d’extériorité par rapport au dialogue, associée à l’exotisation et l’objectification du corps féminin racisé, met ici en lumière une des modalités de la colonialité du genre.

20Par ailleurs, les Canadiens sont venus pour trouver de l’or dans la montagne. Ils interrogent alors les maromeros pour réussir à situer cette montagne et à en piller les ressources. Or, cette quête n’est pas sans rappeler celle de l’El Dorado qui est d’ailleurs le titre de la première scène du treizième tableau. Si je n’ai pas le temps de reprendre ici les diverses mutations de ce mythe, je voudrais souligner trois choses. Tout d’abord, au XVIIIe siècle, dans l’actuelle Guyane, l’une de ses versions consiste à croire qu’il existe, au bord du lac Parime, une montagne dorée, recelant de l’or à foison. Ensuite, le mythe de l’El Dorado alimente, dès le XVIe siècle, les rêves de richesses des conquistadores et motive leur exploration et conquête du continent américain. Or, celles-là se voient légitimées par la colonialité du pouvoir : il apparaît normal de spolier la terre des peuples natifs et d’extirper leurs richesses, car ils sont jugés ontologiquement inférieurs. Enfin, au Mexique, c’est l’argent qui supplante l’or pour donner vie au mythe de l’El Dorado. Or, l’Empire espagnol s’enrichit considérablement grâce aux mines d’argent de Zacatecas et de Potosí, et ce sont en partie ces mines qui permettent à l’Europe de prendre une place centrale, dans le marché international, à partir du XVIe siècle. Ainsi, il m’apparaît qu’au travers du mythe de l’El Dorado la conquête de l’Amérique latine est rejouée, et que le sous-bassement épistémique et raciste de cette conquête est mis au jour.

21De plus, la tentative de suicide d’Elena au premier tableau me semble mettre en lumière la violence de certains schémas misogynes et patriarcaux. Elle dit :

Pasó el tiempo (…). Los hombres dejan de mirarte. (…) Con los hombres no pasa lo mismo, a ellos les dicen: qué hombre tan atractivoQué guapo, el madurito’. Y a una le dicen: es el cambio hormonal, hazte un perfil hormonal para ver qué tienes, lo importante es envejecer con dignidad. (Musalem, 2013b).

22De la sorte, elle exhibe le différentiel de pouvoir entre hommes et femmes, la nécessité pour une femme d’être validée par le regard masculin hétérosexuel, et l’imbrication du jeunisme et du machisme. La tentative de suicide d’Elena me semble alors mettre au jour le male gaze (Bartky, 1991), à savoir le regard masculin objectivant porté sur le corps des femmes. Le terme male gaze désigne une réduction des femmes à un corps ou à une partie de leur corps, considéré uniquement comme un objet de désir et/ou de plaisir pour le regard masculin hétérosexuel. Le male gaze a de lourdes conséquences psychologiques chez les femmes qui l’intériorisent et s’auto-objectifient alors (Fredrickson, Roberts, 1991), cherchant à correspondre à l’image inatteignable de la femme désirable construite par le patriarcat, que je qualifierais, pour ma part, de moderne et coloniale. La dépression est d’ailleurs l’une des atteintes psychiques énumérées par Barbara Fredrickson et Tomi Ann Roberts. De la sorte il m’apparaît que la tentative de suicide d’Elena prend sa source de cette intériorisation du male gaze omniprésent, et que dans cette réplique, Elena le met au jour.

23Ces éléments modernes, coloniaux et patriarcaux, dont je ne fais pas ici la liste exhaustive par souci de concision, sont, à mon sens, mis en perspective critique, dénaturalisés et désessentialisés par ce que Jean-Pierre Sarrazac nomme la dramaturgie du jeu de rêves, et dont j’aimerais désormais brièvement rendre compte.

III. Déstabilisation des éléments modernes, coloniaux et patriarcaux par la dramaturgie du jeu de rêve

24Selon Jean-Pierre Sarrazac, le jeu de rêves désigne une dramaturgie qui « brouille les frontières entre le rêve et la réalité » (Sarrazac, 2012 : 58), plongeant le public dans une hésitation, une oscillation perpétuelle. À l’image d’une nuit peuplée de songes, il « brise définitivement toute linéarité et toute causalité » (Sarrazac, 2012 : 61) et élabore un monde où « le temps et l’espace n’existent pas » (Sarrazac, 2012 : 58).

25Dans New York versus el Zapotito, cette confusion entre rêve et réalité et cette perturbation des repères spatio-temporels sont le fruit de divers mécanismes. Tout d’abord, les deux premiers tableaux se déroulent la nuit, moment propice aux songes. D’ailleurs, dans la quatrième scène du premier tableau, la fille dort :

La fille dort au milieu de la nuit. Elle dort sur l’une des nattes. (…) Alors que la fille dort, tout s’illumine sur le plateau. Dans ce tableau, l’atmosphère est celle d’une vieille carte postale, comme un rêve (…). [La fille] se lève, hypnotisée, comme un somnambule qui marche dans un rêve. (Musalem, 2013a : 37)

26Il en va de même dans la sixième scène où une didascalie indique que « la fille est allongée (…) inconsciente. Au milieu de son rêve agité, la mère apparaît et semble plus âgée » (Musalem, 2014 : 38). Or, dans cette même scène, la fille se réveille et converse avec sa mère, brouillant la frontière entre le rêve et la réalité. Ensuite, lors du premier tableau, les retrouvailles entre les deux personnages féminins se déroulent à trois reprises comme si les précédentes n’avaient jamais existé, rendant ainsi leur statut problématique : ont-elles eu lieu ? Ont-elles été rêvées ? De plus, lors du second tableau, la fille et Nicanor jouent des scènes du film Día de Otoño de Roberto Galvadón, dont l’intrigue repose sur la confusion du personnage principal entre ses rêves et sa vie réelle. Je remarque également que les temps se superposent : certaines répliques datent d’avant le départ de la fille, d’autres de son retour, brouillant ainsi toute chronologie. De plus, la pièce est truffée d’incohérences : les personnages se contredisent les uns les autres ou eux-mêmes, si bien que non seulement le public ne sait pas si ce à quoi il assiste est réel ou rêvé, mais il s’interroge aussi sur la véracité des propos tenus. Enfin, ce doute devient paroxysmique lors du dernier tableau dans lequel se succèdent des monologues indiquant que la fille, morte dans le désert, n’est jamais arrivée à New York et que la mère est décédée bien avant le retour de la fille à Zapotito. Il s’agit alors de deux versions contradictoires d’une même histoire qui rendent logiquement impossible les retrouvailles entre les deux femmes, auxquelles le public a pourtant assisté. Peut-être alors que tout a été rêvé ou que l’impossible a été bravé par la puissance de Nicanor, le magicien. Peut-être enfin que Nicanor n’est pas un véritable sorcier, mais uniquement le magicien d’un spectacle de cirque. En effet, chaque scène de la pièce fonctionne de manière autonome à l’instar de la construction d’une représentation circassienne et la pièce multiplie les numéros comme celui de l’homme-tronc ou de la femme-serpent. Peut-être alors que ces retrouvailles impossibles entre une mère et sa fille ne sont que le fil rouge, le fil narratif d’un spectacle de cirque s’intitulant New York versus El Zapotito.

27Dans Los Maromeros, l’intrigue se déroule en deux lieux, dans la sierra et dans la ville de Mexico. Quelques éléments permettent au public de supposer que l’intrigue de la sierra renvoie à la pièce intitulée Los Maromeros que le personnage nommé Elena est en train d’écrire. En effet, Elena dit :

El año pasado conocí a alguien que me contó una historia, de una historia de una historia. (…) Así que en una de las plazas más bellas del mundo me contó la historia de unos maromeros. Y en ese momento supe que tenía que escribir sobre eso. Por el momento uno habla y dice cosas y se expresa y cuenta historias. (Musalem, 2013b)

28Or, comme les tableaux se déroulant dans la sierra sont essentiellement composés d’histoires racontées par des maromeros, il est possible de penser que ces tableaux correspondent à l’œuvre écrite par Elena. Par ailleurs, dans la sierra une sorcière entraîne un homme qu’elle perd dans la montagne, ce qui renvoie, comme le note Norma, à un passage de la pièce d’Elena. Cependant, cette anecdote de l’homme et de la sorcière est également présentée comme un rêve :

29Norma: ¿Te acuerdas qué soñabas?

30Elena: En un estanque. No, no me acuerdo… en un hombre, en un bosque. En una mujer. Había un grito. (Musalem, 2013b)

31Peut-être alors que l’intrigue se déroulant dans la sierra, est moins à comprendre comme celle qu’écrit Elena, que comme une succession de rêves du personnage. Mais là encore, il est possible de mettre en doute une telle hypothèse. En effet, la frontière entre les deux lieux et les deux intrigues est poreuse. Tout d’abord, la liste inaugurale des personnages précise qu’une même actrice doit jouer le rôle de la chanteuse du bar-théâtre de Mexico et de la sorcière de la sierra. Ensuite, au troisième tableau, Elena, dans le bar à Mexico, croit reconnaître la chanteuse, elle dit : « Esa mujer la conozco… » (Musalem, 2013b). Or, au tableau suivant, se déroulant dans un bistrot de la sierra, la sorcière déclare : « Ella la mujer en el bar, ya me reconoció. Me mira, pobrecita » (Musalem, 2013b), comme si elle parlait d’Elena. De plus, au sixième tableau, la sorcière se trouve dans le bar-théâtre de la capitale et prodigue des conseils à Elena. Enfin, le quinzième tableau se situe dans « La sierra y la ciudad al mismo tiempo » (Musalem, 2013b), et l’ultime partie réunit les maromeros, la sorcière, Elena et Norma. Peut-être alors que ce n’est pas uniquement la seconde intrigue, mais bien toute la pièce qui est une succession de rêves d’Elena. D’ailleurs, le prologue invite à valider cette hypothèse car Elena y parle de songes, elle dit : « la noche mece con su suave aliento a las almas en reposo, sueños dulces, sueños inesperados. Pesadillas de muchos » (Musalem, 2013b). De plus, dans le premier tableau, elle dit à Norma « Bebo alcohol, tomo, me empedo… ¿No ves…? ¡Me drogo! Me pongo hasta la madre » (Musalem, 2013b). Peut-être que tout n’est qu’une hallucination due aux substances ingérées, ce qui expliquerait les nombreuses incohérences et contradictions dont la pièce est saturée. Enfin, une dernière hypothèse consiste à penser que le livre qu’Elena rédige renvoie à la pièce de Verónica Musalem, comme si Elena écrivait Los Maromeros, la pièce qui la contient elle-même. Elle dit : « Los Maromeros, el libro. ¿Existe? Tal vez es ahora que todo se está escribiendo » (Musalem, 2013b).

32Ainsi, selon des modalités diverses, il m’apparaît que New York versus El Zapotio et Los Maromeros peuvent être considérées comme des dramaturgies du jeu de rêves, du doute et de la confusion, brouillant la frontière entre songe et réalité. Or, si le public doute du statut à accorder à chaque scène et à chaque parole, s’il s’interroge quant à la nature de ce qu’il voit et à la véracité des propos tenus par les personnages, il me semble que les éléments modernes, coloniaux et patriarcaux qui se disséminent dans ces deux pièces ne font pas exception et qu’ils sont eux aussi interrogés et questionnés. Alors que la colonialité tend à naturaliser et à ériger au rang de vérité indubitable ses assertions, classifications et hiérarchisations, ces dernières sont ici emportées par la dramaturgie du jeu de rêves, et soumises au doute et à l’interrogation. Or, cette dé-essentialisation des catégories modernes, coloniales et patriarcales est la première étape de la décolonisation épistémique souhaitée par les membres du groupe Modernité/Colonialité/Décolonialité. C’est alors à ce titre qu’il me semble que le théâtre de Verónica Musalem procède dramaturgiquement à une désobéissance épistémique (Mignolo, 2015).

IV. Figure de stabilité et transmodernité

33Cette désobéissance s’accompagne d’une revalorisation épistémique de ce que la modernité/colonialité a déprécié, revalorisation nécessaire à l’instauration d’un pluriperspectivisme propice à l’élaboration d’un dialogue interculturel horizontal. C’est donc parce que la dramaturgie de Verónica Musalem est double, parce qu’elle opère une désobéissance et une revalorisation épistémique que je la qualifie de transmoderne.

34Tout d’abord, dans New York versus El Zapotito, Nicanor semble orchestrer le jeu de rêves et s’offre ainsi comme l’unique figure stable de cette dramaturgie de l’indétermination, sorte de mage convoquant la tempête dont les vents emportent sur leur passage les divers éléments modernes, coloniaux et patriarcaux. Or, non seulement Nicanor, par son nom, renvoie à un personnage de la Bible Septante, mais il ressemble aussi à Charon qui dans la mythologie grecque faisait traverser l’Achéron dans sa barque aux âmes des morts, puisque Nicanor, dans l’avant dernière scène de New York versus el Zapotito, conduit les deux femmes décédées son embarcation. Mais le personnage n’est pas uniquement auréolé de références bibliques et grecques. En effet, les Nahuas imaginent également que les morts traversent les eaux d’un fleuve (Gómez Martínez, 2016). Par ailleurs, chez les Nahuas, l’eau était considérée comme purificatrice (León Portilla, 1992). Or, dans la barque menée par Nicanor la mère dit que les fleuves « sont des lieux de purification » (Musalem, 2013a, p. 86). De plus, Nicanor est certes le magicien du cirque, mais il peut aussi être considéré comme un nahual, c’est-à-dire comme « un mage qui devient un autre être » (López Austin, 1968 : 96) au coucher du soleil, et qui peut se transformer en animal. Non seulement la mère dit que « les nahuals errent en liberté » (Musalem, 2013a : 38) et que Nicanor est un très bon sorcier, mais une didascalie indique que :

(…) on entend le bruit du vent et les aboiements d’un chien qui semblent davantage être ceux d’un être humain. Ces sons semblent parfois très lointains et à d’autres moments très proches. (…) Puis (…) Nicanor entre, voit que la fille est endormie et ressort. (Musalem, 2013a : 34)

35À la scène suivante, la fille dit : « Le chien aboyait, mais ce n’était pas l’aboiement d’un chien, c’était comme s’il parlait et racontait quelque chose » (Musalem, 2013a : 37). Or, le fait que Nicanor se présente comme le magicien du cirque, qu’il entre en scène quand les aboiements s’estompent et qu’il rode autour du cabanon, permet d’imaginer qu’il a peut-être la capacité de se transformer en chien, comme les nahuals. Ainsi, le personnage de Nicanor, par son nom et sa fonction, s’inscrit dans la tradition catholique et hellénique, tout en étant auréolé des croyances et cosmovisions mésoaméricaines et plus particulièrement nahuatls. C’est donc à ce titre que je considère que Nicanor incarne l’horizon utopique créant un dialogue entre les cultures qu’Enrique Dussel nomme transmoderne.

36Ensuite, dans Los Maromeros, le seul élément qui me semble indubitable concerne précisément les maromeros. En effet, il s’agit à la fois du titre de l’œuvre de Verónica Musalem, de celle d’Elena, et du nom de personnages presque omniprésents dans la pièce éponyme. Or, la maroma est, au Mexique, une pratique artistique et rituelle réalisée par des paysans-acrobates qui va de pair avec une affirmation identitaire propre aux cultures zapotèques, mixtèques et nahuatls (Miranda Pineda, Serrano Díaz, Tovar García, 2017). D’ailleurs, la pratique de la maroma se vit comme un héritage culturel à conserver et à transmettre et consolide les liens entre les membres d’une même communauté (Pescayre, 2015). De la sorte, il m’apparaît que Los Maromeros procède à une revalorisation épistémique de ce que la modernité/colonialité a infériorisé, grâce à la figure de centralité de la maroma. Or, comme le projet transmoderne prend la forme d’un projet horizontal interculturel reposant nécessairement sur une revalorisation épistémique de ce que la modernité/colonialité a déprécié, je qualifie cette pièce de transmoderne.

37Pour conclure, la démarche transmoderne consistant à faire dialoguer les outils créés par les études théâtrales, en Europe, et les concepts élaborés par les études décoloniales, en Amérique-latine, se révèle féconde et propice pour prendre la mesure de l’articulation esthético-politique du théâtre de Verónica Musalem, en particulier, mais certainement, plus généralement, de celui de tant d’autres artistes latino-américains.

Top of page

Bibliography

Bartky, Sandra Lee, Femininity and Domination, New York : Routledge, 1991.

Bogdan, Robert, « Le commerce des monstres », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, vol. 104 / 1, 1994, p. 34‑46.

Dussel, Enrique, « Transmodernidad e interculturalidad (interpretación desde la filosofía de la liberación) », 2005, https://red.pucp.edu.pe/wp-content/uploads/biblioteca/090514.pdf, consulté le 20/08/2020 [En ligne].

Dussel, Enrique, Filosofías del Sur, descolonización y transmodernidad, México: Akal, 2015.

Dussel, Enrique, Política de la Liberación. Historia mundial y crítica, Madrid: Editorial Trotta, 2007.

Fredrickson Barbara L., Roberts Tomi-Ann, « Objectification Theory », Psychology of Women Quarterly., vol. 21 / 2, 1997, p. 173-206.

Gómez martínez, Arturo, « El Agua en la cosmovisión de los nahuas de Chicontepec », in Agua en la Cosmovisión de los Pueblos Indígenas en México, México : Secretaría de Medio Ambiente y Recursos Naturale, Comisión Nacional del Agua, 2016, p. 101‑116.

Grösfoguel, Ramón, « La Descolonización de la economía, política y los estudios postcoloniales :Transmodernidad, pensamiento fronterizo y colonialidad global », Tabula Rasa, 2006, p. 53‑74.

Lander, Edgardo, Colonialidad del Saber : Eurocentrismo y Ciencias Sociales. Perspectivas Latinoamericanas, Buenos Aires, Caracas : Consejo Latinoamericano de Ciencias Sociales, 2000.

León portilla Miguel, « El agua : universo de significaciones y realidades en Mesoamérica », Ciencias, 1992, p. 7‑14.

López austin, Alfredo, « Cuarenta clases de magos de mundo náhuatl », in Estudios de Cultura Nahuatl VII, México : Universidad Nacional Autónoma de México Ciudad Universitaria, 1968, p. 87‑117.

Lugones, María, « Colonialidad y Género : hacia un feminismo descolonial », in Género y Descolonialidad, Buenos Aires : Ediciones del Signo, 2008, p. 13‑42.

Lugones, María, « Colonialidad y Género », Tabula Rasa, 2008, p. 73‑102.

Maldonado-torres, Nelson, « Sobre la colonialidad del ser : contribuciones al desarrollo de un concepto », in El giro decolonial. Reflexiones para una diversidad epistémica más allá del capitalismo global, Bogotá : Siglo del Hombre Editores, 2007, p. 127‑167.

Mignolo, Walter, « Géopolitique de la sensibilité et du savoir. (Dé)colonialité, pensée frontalière et désobéissance épistémologique », Mouvements, n 73, 2013, p. 181–190.

Mignolo, Walter, Historias locales-diseños globales : colonialidad, conocimientos subalternos y pensamiento fronterizo, Madrid : Ediciones Akal, 2003.

Mignolo, Walter, La Désobéissance épistémique : rhétorique de la modernité, logique de la colonialité et grammaire de la décolonialité, Bruxelles, Bern, Berlin, PIE Peter Lang, 2015.

Miranda pineda, Joab Emanuelle Isai, SERRANO DÍAZ, Federico et TOVAR GARCÍA, Rosalinda, « Patrimonio cultural inmaterial: los maromeros de Santa Teresa, en Santiago Sochiapan, Veracruz », Estudios de Antropología Biológica, vol. 18 / 2, janvier 2017, p. 139‑162.

MUSALEM, Verónica, Los Maromeros, 2013b, texte non édité.

Musalem, Verónica, New York versus El Zapotito, Aubervilliers : Le Miroir qui fume, 2013a.

PESCAYRE Charlotte, « Traverser sur un fil. La maroma mexicaine contemporaine : patrimoine ou ‘cirque indigène ? », Terrain. Anthropologie & Sciences humaines, Association Terrain, mars 2015, p. 3‑15.

Quijano, Aníbal, « Colonialidad y modernidad-racionalidad », in Los Conquisadores, Bogota : Tercer Mundo, 1992, p. 437‑447.

Quijano, Aníbal, « Coloniality and Modernity/ rationality », Cultural Studies, vol. 21 / 2‑3, 2007, p. 168–178.

Renneville, Marc, « De Barnum à Freaks. Le monstre en spectacle », Revue de la BNF, n° 56, Bibliothèque Nationale de France, mars 2018, p. 80‑91.

Sarrazac, Jean-Pierre, Poétique du drame moderne, de Henrik Ibsen à Bernard-Marie Koltès, Paris : Seuil, 2012.

Segato, Rita Laura, « Ejes argumentales de la perspectiva de la Colonialidad del Poder », Casa de las Américas, septembre 2013, p. 17‑39.

Segato, Rita Laura, « El Sexo y la norma: frente estatal, patriarcado, desposesión, colonialidad », Revista Estudos Feministas, vol. 22 / 2, août 2014, p. 593‑616.

Segato, Rita Laura, « Género y Colonialidad : en busca de claves de lectura y de un vocabulario estratégico descolonial », in Feminismos y Poscolonialidad. Descolonizando el feminismo desde y en América latina, Buenos Aires : Godot, 2011, p. 17‑48.

Top of page

Notes

1 Cette pièce fait l’objet d’une traduction, en français, réalisée par David Ferré. Dans cet article, je me référerai à cette traduction française.

2 Ce texte n’est pas encore publié. La version sur laquelle je m’appuie est un manuscrit que m’a communiqué l’autrice et les pages ne sont pas numérotées.

Top of page

References

Electronic reference

Lîlâ Bisiaux, “La transmodernité d’Enrique Dussel et le théâtre de Verónica Musalem : quel dialogisme ?”Amerika [Online], 21 | 2021, Online since 01 March 2021, connection on 05 December 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/amerika/12503; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/amerika.12503

Top of page

About the author

Lîlâ Bisiaux

Université Toulouse Jean Jaurès/ lila.bisiaux@univ-tlse2.fr

Top of page

Copyright

CC-BY-SA-4.0

The text only may be used under licence CC BY-SA 4.0. All other elements (illustrations, imported files) are “All rights reserved”, unless otherwise stated.

Top of page
Search OpenEdition Search

You will be redirected to OpenEdition Search