Éditorial
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1Ce deuxième numéro d’Amerika comprend deux dossiers. Le premier est issu d’une journée d’étude organisée en 2009 en collaboration avec l’équipe ACE (Anglophonie : Civilisations et Écritures) et l’Institut des Amériques de Rennes autour de « Imaginaires géopolitiques américains ». Le deuxième correspond à une partie des communications retenues pour publication et présentées lors du colloque du LIRA (2010), « Mémoire et représentations esthétiques en Amérique latine ».
2Ces deux sujets, qui ont de nombreux points en commun (dire le traumatisme, se positionner par rapport à l’histoire, aborder la porosité de la réalité et de l’esthétique), sont d’une grande actualité pour notre communauté scientifique. En effet, de nombreux chercheurs, en provenance de dix-huit pays et représentants de générations différentes ont répondu à nos appels. Ces deux activités et les débats qui les ont suivies ont permis de constater que ces thématiques étaient souvent au centre de réflexions scientifiques pluridisciplinaires contemporaines.
3Les imaginaires politiques sont abordés à partir de l’idée de frontière, considérée bien entendu sur le plan du territoire, mais aussi, dans une démarche plus souple, en tant que lieu d’échanges et d’affrontements culturels et idéologiques aussi bien sur le plan du réel que sur celui de la représentation. La frontière cesse ainsi d’être observée de l’extérieur, pour devenir point de mire et lieu du regard, point de départ capable à son tour de mettre en question les notions de centre et de périphérie, voire de mettre à plat des idées acquises depuis longue date. L’hybridité, le rhizome, le mélange, le mouvant apparaissent comme autant de clefs opératoires pour souligner le dynamisme des frontières et du frontalier, leurs capacités de mise en question et de mise en route de projets novateurs. La frontière devient ainsi lieu de passage et en même temps point d’ancrage, objet et sujet de la représentation.
4La perspective choisie est interdisciplinaire. Il s’agit de mettre en vis-à-vis les débats philosophiques, littéraires, historiques, culturels, autour de la frontière, dans une perspective diachronique et synchronique, qui relie des expériences et des vécus de nature hétérogène dans le but de mieux comprendre le présent et de se projeter vers l’avenir.
5Le deuxième volet de ce numéro 2 d’Amerika est consacré à « Mémoires et représentations esthétiques en Amérique latine » dans une période volontairement récente (1960 à nos jours). Les événements étudiés constituent des points de rupture dans l’histoire des pays concernés. Le massacre de Tlatelolco à Mexico (1968), les dictatures militaires en Argentine ou en Uruguay (années 70-80), la révolution cubaine (1959). Ces faits ont occupé une place centrale sur la scène médiatique et publique et ont suscité de multiples productions artistiques.
6Les huit articles sélectionnés s’interrogent sur les interactions entre l’absence de deuil, l’impunité et la nécessité d’une méta-mémoire ; ils questionnent les rapports entre idéologie et esthétique. Littérature, photographie, musique sont autant de points de départ pour nommer l’innommable, parler des disparitions forcées, des tortures, de l’horreur. L’interaction entre arts et société est manifeste, et leur influence opère dans les deux sens, par le biais de prises de position, de mises en question de l’histoire officielle. L’inédit et l’inouï retrouvent un deuxième souffle et observent les limites du deuil. Ces opérations entrent en contradiction avec toutes les manifestations d’aliénation et les tentatives de passer sous silence la répression et les atteintes aux droits de l’homme. Le devoir de mémoire légitime de tout citoyen et la commémoration collective des événements marquants s’expriment par une mémoire déclarative et posent la question des contre-pouvoirs et de nouvelles formes d’organisation alternatives.
7La mise en question du passé et la critique des médias et des autorités politiques sont des aspects étudiés dans ce dossier. Les discours critiques permettent en même temps de proposer une chaîne de souvenirs, d’éléments constitutifs d’une cohésion sociale et d’une identité. Les discours et les lieux de mémoire servent de point de rassemblement pour la collectivité, dans la mesure où ils affichent les empreintes du passé. Le recul contribue à révéler des errements du passé et peut alors se dresser comme une barrière contre l’oubli.
8Le prochain numéro d’Amerika permettra de compléter ce panorama autour de la mémoire et la représentation esthétique, en abordant d’autres aires géographiques (Colombie, Brésil, Chili, Amérique Centrale) et des phénomènes artistiques et sociaux de la même nature.
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Referencia electrónica
Néstor Ponce, «Éditorial», Amerika [En línea], 2 | 2010, Publicado el 18 junio 2010, consultado el 13 diciembre 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/amerika/1094; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/amerika.1094
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