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Texte intégral

1La loi portant modernisation du droit de la nationalité (Gesetz zur Modernisierung des Staatsangehörigkeitsrechts, StARModG) est entrée en vigueur, pour la majorité de ses dispositions, au 27 juin 2024, trois mois après sa publication au Journal officiel.

2Selon le projet de loi de modernisation du droit allemand de la nationalité (Entwurf eines Gesetzes zur Modernisierung des Staatsangehörigkeitsrechts), qui a précédé l’avènement de cette réforme législative, la modernisation du droit allemand de la nationalité naît du constat que les chiffres de la naturalisation en Allemagne stagnent depuis de nombreuses années à un niveau réduit et sont relativement faibles à l’échelle de l’Europe, l’Allemagne se situant en dessous de la moyenne en termes de taux de naturalisation d’après les chiffres d’Eurostat. Le projet de loi, dans sa problématique, observe qu’alors qu’il est de l’intérêt de toute la société que les personnes éligibles optent pour la naturalisation afin de pouvoir prendre activement part à la vie sociale, le droit allemand de la nationalité n’était pas suffisamment orienté sur la prise en compte des besoins des personnes ayant une histoire de migration et sur la création d’attractivité pour l’intégration. Il s’agissait, en modernisant le droit allemand de la nationalité, de l’adapter au cadre de l’Allemagne en tant que pays d’immigration.

3Face à ce projet ambitieux en termes d’intégration, les candidats à la naturalisation dont la procédure de naturalisation était en cours au jour de son entrée en vigueur étaient même appelés à solliciter de l’administration la suspension de la procédure de naturalisation les concernant en vue de bénéficier de l’application de la réforme.

4La réforme dessine de nouveaux contours au processus de naturalisation. C’est ainsi que la loi portant modernisation du droit allemand de la nationalité, en réécrivant en partie et par ailleurs cette matière, se caractérise par la possibilité d’obtenir la nationalité allemande assez rapidement, par son approche de la pluralité de nationalités et par son attention particulière aux profils des candidats à la naturalisation.

I. Célérité du processus de naturalisation

5Les délais minimaux pour solliciter la naturalisation ont été écourtés. Ainsi, il est désormais possible d’obtenir la nationalité allemande au bout de cinq ans (selon le § 10, (1), de la loi sur la nationalité) au lieu de huit ans au minimum. En outre, une naturalisation au bout de trois ans est possible en cas de « prestations d’intégration particulières » (« besondere Integrationsleistungen »). Selon le § 10, (3), 1., de la loi sur la nationalité, il s’agit de l’étranger qui fait preuve, notamment, de prestations professionnelles, éducatives ou d’apprentissage de particulièrement bonne qualité ou d’un engagement citoyen de particulièrement bonne qualité. Des dispositions particulières réglementent la question de la continuité du séjour en Allemagne.

II. L’appréhension de la pluralité de nationalités

6Avec la réforme, se profile une nouvelle appréhension de la binationalité comme du cumul de plusieurs nationalités.

7Il est désormais possible, sans restriction, de conserver sa nationalité antérieure lors de l’acquisition de la nationalité allemande (abrogation de l’ancien § 10, 4., de la loi sur la nationalité, associé à son ancien § 12 prévoyant des cas d’exception à l’application de l’ancien § 10, 4.), de sorte qu’il sera du ressort du droit de la nationalité de l’État d’origine de déterminer si la nationalité initiale peut être conservée ou reprise après acquisition de la nationalité allemande.

8Une nouvelle conception du droit du sol marque une approche différenciée de la pluralité de nationalités. En effet, les enfants nés en Allemagne de parents étrangers acquièrent désormais sans réserve la nationalité allemande, si au moins un des parents réside légalement en Allemagne depuis plus de cinq ans et a le droit de séjourner dans ce pays sans limitation de durée. Ces enfants peuvent conserver la nationalité de leurs parents. La durée de séjour du parent étranger en Allemagne passe ainsi de huit à cinq ans (§ 4, (1), 1., de la loi sur la nationalité).

III. Profils d’obtention de la nationalité allemande

9Avec la réforme, l’accent a été porté sur des critères notoires quant à la personnalité des candidats à la nationalité allemande, qui viennent s’adjoindre aux prérequis plus classiques.

10En portant une attention particulière au profil des personnes naturalisées, des orientations déterminantes ont été prises. Elles doivent être en mesure de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille, et en particulier ne pas recourir aux prestations d’aide sociale du deuxième ou du douzième livre du Code social (SGB II, SGB XII), à trois exceptions près :

  • le cas des demandeurs d’emploi travaillant à temps plein et de ceux qui travaillaient à temps plein pour une durée d’au moins vingt mois pendant les vingt-quatre mois écoulés (selon le § 10, (1), 3., b., de la loi sur la nationalité),

  • le cas des conjoints ou partenaires de vie enregistrés d’une personne travaillant à temps plein, au sens du § 10, (1), 3., b., de la loi sur la nationalité, et qui vivent en famille avec cette personne et avec un enfant mineur,

  • le cas des anciens travailleurs migrants (« Gastarbeiter ») et travailleurs contractuels (« Vertragsarbeiter ») et de leurs conjoints venus les rejoindre à l’époque, s’ils ne sont pas à l’origine de l’octroi des prestations sociales du deuxième ou du douzième livre du Code social (§ 10, (1), 3., a., de la loi sur la nationalité).

11Le « Gastarbeiter » est l’étranger qui, en raison d’une convention de recrutement et de placement de main-d’œuvre, a, jusqu’au 30 juin 1974, immigré sur le territoire de la République fédérale d’Allemagne dans son état au 2 octobre 1990. Le « Vertragsarbeiter » est l’étranger qui, en tant que travailleur contractuel, a, jusqu’au 13 juin 1990, immigré sur le territoire de l’Allemagne réunie.

12Pour ce qui est des prestations sociales du deuxième livre, il s’agit de l’allocation citoyenne « Bürgergeld » et de la prestation minimale pour les chômeurs ou « Grundsicherung für Arbeitsuchende ». Selon le § 1, (1), du deuxième livre du Code social, la prestation minimale pour les chômeurs (« Grundsicherung für Arbeitsuchende ») est une prestation sociale ayant vocation à permettre à ses allocataires de mener une vie correspondant à la dignité de l’être humain. Venant au soutien des personnes en capacité de travailler pour l’obtention ou pour le maintien d’une activité professionnelle et visant à assurer leur subsistance en l’absence d’autre moyen de l’assurer (selon le § 1, (2), deuxième phrase, du deuxième livre du Code social), elle consiste en des prestations, adressées aux demandeurs d’emploi, de conseil, de garantie de moyens de subsistance et en vue de réduire ou de mettre un terme à leur besoin d’assistance, en particulier au moyen de l’intégration dans la formation professionnelle et dans le travail (selon le § 1, (3), du deuxième livre du Code social). Pour sa part, l’allocation citoyenne ou « Bürgergeld » (§ 9, (1), du deuxième livre du Code social) est perçue par des personnes en capacité de travailler et par des personnes en lien avec elles qui sont dans le besoin, dès lors que ces personnes liées ne sont pas éligibles à des prestations selon le quatrième chapitre du douzième livre du Code social. Au nombre des prestations concernées, on compte le « Regelbedarf » (l’alimentation, les vêtements, l’hygiène personnelle, le ménage, l’énergie domestique, les besoins personnels de la vie quotidienne, selon le § 20, (1), du deuxième livre du Code social), les « Mehrbedarfe » (les besoins supplémentaires, notamment pour des raisons familiales, médicales, éducatives, selon le § 21 du deuxième livre du Code social) et le chauffage (notamment dans les termes du § 22 du deuxième livre du Code social).

13Les prestations du douzième livre du Code social sont les aides sociales ou « Sozialhilfe ». Selon le § 8 du douzième livre du Code social, les aides sociales en cause comprennent l’aide à la subsistance, la sécurité de base en cas de vieillesse et de diminution de la capacité de travail, l’aide à la santé, l’aide aux soins, l’aide à surmonter des difficultés sociales particulières, l’aide dans d’autres situations ainsi que le soutien et le conseil apportés respectivement. Le § 1 du douzième livre du Code social précise que la finalité de ces aides sociales est de permettre aux bénéficiaires de mener une vie qui soit conforme à la dignité humaine, dans le cadre d’un effort commun pour vivre indépendamment de ces aides.

14Les livres du Code social traitent d’autres types d’aides que ceux des deuxième et douzième livres. Si le premier livre porte sur des généralités, le troisième traite de la promotion de l’emploi, le quatrième de l’assurance sociale, le cinquième de l’assurance maladie légale, le sixième de l’assurance légale de la retraite, le septième de l’assurance légale en cas d’accident, le huitième de l’aide à l’enfant et à la jeunesse, le neuvième de la réhabilitation et de l’insertion des personnes en situation de handicap, le dixième de la procédure administrative sociale et de la protection des données sociales, le onzième de l’assurance sociale de la dépendance et le quatorzième de l’indemnisation sociale pour des dommages particuliers à la santé. Le choix des prestations sociales par principe excluantes a ainsi été limité à celles des deuxième et douzième livres, sauf dans les cas précis d’exemptions susnommés.

15En outre, les candidats à la naturalisation ne doivent en principe pas avoir de casier judiciaire. Une attention particulière est portée aux procédures pénales en cours et aux contentieux pénaux à l’étranger. Certaines sanctions pénales considérées comme moindres ne doivent être prises en considération quant à la naturalisation, selon les termes de l’article 12a de la loi sur la nationalité. Toutefois, le migrant condamné pour un acte antisémite, raciste ou motivé par la méprise de la considération de la personne humaine, ne peut pas être naturalisé, quelle que soit la peine encourue.

16Notamment, au nombre des conditions d’intégrité pour la naturalisation, vient s’ajouter la condition de « se reconnaître de la responsabilité historique particulière de l’Allemagne pour le régime nazi et ses conséquences, notamment pour la protection des juifs, et d’adhérer à la coexistence pacifique des peuples et à l’interdiction de mener une guerre d’agression », selon le § 10, (1), 1a., de la loi sur la nationalité.

17Selon le § 11, 3., de la loi sur la nationalité, est exclu de la naturalisation l’étranger qui est marié simultanément avec plusieurs conjoints ou qui montre par son comportement qu’il contrevient à l’égalité entre homme et femme ancrée dans la loi fondamentale (« Grundgesetz »).

18Les efforts de la « génération de travailleurs migrants » (« Gastarbeitergeneration ») et des travailleurs contractuels (« Vertragsarbeiter ») de l’ancienne RDA sont spécialement pris en compte. Ainsi, pour ces travailleurs et pour les conjoints les ayant rejoints à l’époque, les critères de naturalisation sont allégés. C’est pourquoi la preuve de la maîtrise de la langue allemande est rapportée dès lors qu’il est établi que la personne concernée peut se faire comprendre oralement en allemand au quotidien sans difficultés majeures, selon le § 10, (4), troisième phrase, de la loi sur la nationalité.

19Ainsi, la loi de modernisation du droit de la nationalité, en ce qu’elle vise à accélérer les opportunités de naturalisation, à promouvoir la pluralité de nationalités et à naturaliser les personnes présentant les profils adéquats, aspire également, selon la motivation du projet de loi dont elle est issue, à promouvoir l’intégration migratoire en Allemagne en tant que pays d’immigration. Son application pragmatique déterminera si à l’avenir, des réformes ultérieures s’avéreront nécessaires pour parfaire ces objectifs.

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Pour citer cet article

Référence papier

Sandie Calme, « La loi allemande portant modernisation du droit de la nationalité »Revue d’Allemagne et des pays de langue allemande, 56-2 | 2024, 483-486.

Référence électronique

Sandie Calme, « La loi allemande portant modernisation du droit de la nationalité »Revue d’Allemagne et des pays de langue allemande [En ligne], 56-2 | 2024, mis en ligne le 04 décembre 2024, consulté le 11 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/allemagne/4183 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/13154

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Auteur

Sandie Calme

Docteur en droit, LL.M. (Francfort-sur-le-Main, Allemagne), avocate au barreau de Paris, spécialiste en droit international et de l’Union européenne

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