La rapidité avec laquelle les relations internationales se reconfigurent dans l’immédiat après-guerre, de l’armistice de 1945 aux débuts de la guerre froide, rebat les cartes des représentations interétatiques, ainsi que celles des peuples et de leurs cultures. Les ennemis d’hier deviennent ainsi parfois de nouveaux alliés dans la construction de l’Europe. L’Allemagne est au cœur de ces transformations : aux yeux des pays occidentaux, et de la France en particulier, l’Allemagne de l’Ouest apparaît comme un rempart face au communisme qui s’étend à l’Est, mais incarne encore un danger, avec la crainte du réarmement et de la possible résurgence de l’idéologie nazie. Les responsables politiques français sont particulièrement méfiants à cet égard. Tandis que les Alliés américains et britanniques se déclarent confiants dans la capacité de l’Allemagne à reconstruire un État démocratique et sont conscients du rôle économique et industriel allemand dans la construction d’une nouvelle Europe,...
Pacifier l’image de l’ennemi héréditaire allemand dans le cinéma documentaire français d’après-guerre
Résumés
Le cinéma de non-fiction reflète le rapprochement très rapide de la France et de l’Allemagne de l’Ouest dans la période de l’après-guerre et y participe. En l’espace d’une dizaine d’années, de 1945 à la seconde moitié des années 1950, la figure de l’ennemi héréditaire allemand disparaît au profit de celle du voisin et de l’allié dans la construction européenne. Cette transformation assez soudaine interroge : alors que le ressentiment et surtout la méfiance semblent prédominer chez les dirigeants français dans l’immédiat après-guerre, les premières poignées de main entre responsables français et ouest-allemands symbolisant la confiance et la paix apparaissent dès le début des années 1950. Quelles images ont préparé et accompagné ce basculement ? À partir de l’étude d’un corpus de films de non-fiction (reportages d’actualité et courts ou moyens métrages documentaires) produits en France entre 1944 et le milieu des années 1950, l’article retrace le chemin parcouru de ces « images d’ennemi » aux « images d’ami », à partir de plusieurs étapes. Des prisonniers de guerre allemands filmés comme des ennemis vaincus après la Libération aux Berlinois·es victimes du blocus mené par les Soviétiques, les reportages et les documentaires accompagnent chacune de ces évolutions. Si ces films français ne placent pas encore l’Allemagne de l’Ouest et les Allemand·e·s sur un pied d’égalité avec la France, ils n’en apparaissent pas moins comme des agents du processus de réconciliation à l’œuvre et permettent en tant que tels de rendre compréhensibles ses stratégies médiatiques.
Notes de l’auteur
Cet article s’appuie sur des résultats également présentés en anglais dans l’ouvrage de Lucie Česálková, Johannes Rhein, Perrine Val, Paolo Villa (éd.), Nonfiction Cinema in Postwar Europe. Visual Culture and Reconstruction of Public Space, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2024.
Extrait du texte
Ce document sera publié en ligne en texte intégral en décembre 2025.
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Pour citer cet article
Référence papier
Matthias Steinle et Perrine Val, « Pacifier l’image de l’ennemi héréditaire allemand dans le cinéma documentaire français d’après-guerre », Revue d’Allemagne et des pays de langue allemande, 56-2 | 2024, 399-418.
Référence électronique
Matthias Steinle et Perrine Val, « Pacifier l’image de l’ennemi héréditaire allemand dans le cinéma documentaire français d’après-guerre », Revue d’Allemagne et des pays de langue allemande [En ligne], 56-2 | 2024, mis en ligne le 04 décembre 2025, consulté le 11 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/allemagne/4130 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/1314y
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