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L’héritage du national-socialisme à Berlin et Munich : quand des étudiants du Nouveau Monde arpentent le champ des politiques de la mémoire

L’héritage du national-socialisme à Berlin et Munich : quand des étudiants du Nouveau Monde arpentent le champ des politiques de la mémoire | Introduction

Fabien Théofilakis
p. 473-474

Texte intégral

  • 1  Rudy Koshar, Germany’s Transient Pasts : Preservation and National Memory in the Twentieth Century(...)
  • 2  Karen E. Till, The New Berlin. Memory, Politics, Place, chap. I « Hauntings, Memory, Place », Minn (...)

« Tout comme le nouveau Berlin a acquis une forme matérielle rayonnante à travers ses bâtiments et quartiers conçus par des architectes mondialement connus, des lieux et des paysages à travers la ville incarnent de nouveaux Berlin imaginés dans le passé et des Berlin historiques imaginés aujourd’hui. Capitale de cinq différentes Allemagne historiques, Berlin représente l’“identité optique instable”1 de la nation […] »2.

  • 3  Depuis 1997, le Centre canadien d’études allemandes et européennes (CCEAE), sis à l’Université de (...)

1Et Berlin au xxie siècle apparaît comme un palimpseste sans doute d’autant plus étourdissant quand ses visiteurs ont une vingtaine d’années, sont des Québécois qui étudient à l’Université de Montréal la philosophie, la musicologie, la science politique, les lettres ou la civilisation allemande, et participent à un voyage d’études de dix jours en immersion en Allemagne, en juillet 20163.

2Le thème du voyage portait, cette année, sur les politiques de la mémoire dans l’Allemagne du xxie siècle et invitait les participants à réfléchir à l’héritage du national-socialisme à partir de la comparaison entre deux espaces emblématiques sous le nazisme comme après sa défaite : d’une part, Berlin, ville rouge, longtemps rétive à l’influence du NSDAP, capitale du IIIe Reich, puis de l’Allemagne réunifiée depuis 1990 ; d’autre part Munich, ville de naissance du Parti nazi, Hauptstadt der Bewegung à partir de 1935, mais aussi capitale de l’État libre de Bavière. L’objectif était alors d’étudier un enjeu fondamental pour la nouvelle Allemagne et ses voisins européens : les rapports que l’Allemagne contemporaine, celle de la troisième génération dont les parents sont nés après la défaite du IIIe Reich, celle qui ne connaîtra bientôt plus de témoins directs de la Seconde Guerre mondiale ni de la Shoah, entretient avec un passé qui ne passe pas.

3Le séminaire s’est donc intéressé à la façon dont les pouvoirs légitimes, à l’échelle nationale comme locale, gèrent l’héritage du nazisme au pouvoir, mais aussi à la manière dont les politiques de la mémoire doivent composer avec des phénomènes de concurrence, de réappropriation comme de détournement. Même si le IIIe Reich quitte l’histoire du temps présent pour appartenir définitivement au passé, sa mémoire, elle, ne cesse d’être un enjeu politique et sociétal majeur pour l’Allemagne d’aujourd’hui que le séminaire a découverte. Loin de se résumer à un devoir, la politique de la mémoire cherche à articuler, au présent, une vision pacifiée du passé afin d’offrir au futur une histoire commune. Les neuf participants étaient ainsi invités à s’interroger sur la multiplicité de ses formes, de ses espaces, de ses acteurs afin de voir dans quelle mesure Berlin et Munich avaient trouvé une juste place au passé qui accepte l’oubli tout en évitant les abus de mémoire.

4Le déroulement du voyage chercha donc, chez des étudiants en maîtrise ou en début de doctorat, à susciter un questionnement en lien avec leur thème de recherche en favorisant un regard interdisciplinaire, à les familiariser avec la culture allemande en les confrontant, grâce à des textes et à des rencontres, à une diversité de situations, et à provoquer leur position d’extériorité en faisant appel à leur sensibilité. Le programme – sept jours à Berlin, cinq à Munich – a ainsi multiplié, en miroir, les visites auprès de lieux et d’acteurs du champ de la politique de la mémoire : camps de concentration (Gedenkstätte und Museum Sachsenhausen ; KZ-Gedenkstätte Dachau), musées (Deutsches Historisches Museum ; Pinakothek der Moderne), lieux du souvenir et d’éducation dans la double perspective des victimes et des bourreaux (Haus der Wannsee-Konferenz, Denkmal für die ermordeten Juden Europas ; NS-Dokumentationszentrum, Reichsparteitagsgelände à Nuremberg), espaces réutilisés ou habités (Olympiastadion Berlin, Bayerischer Platz du quartier de Schöneberg ; visite de Munich sur les traces du national-socialisme), centres de conservation et de recherche (Bundesarchiv – Lichterfelde West ; Institut für Zeitgeschichte à Munich)…

5Les deux articles qui suivent peuvent donc se lire comme deux regards contemporains sur la place de la trace – physique comme imaginaire, visible comme invisible, rémanente comme évanescente – dans le Berlin d’aujourd’hui. Que ce soit la réflexion de Babette Chabout-Combaz sur la phénoménologie des mémoriaux ou la « divagation » de Sophie Devirieux sur la pratique mémorielle à laquelle invite l’urbex, ils montrent combien les politiques de la mémoire – et leurs lacunes – peuvent transformer l’absence de trace en trace de l’absence.

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Notes

1  Rudy Koshar, Germany’s Transient Pasts : Preservation and National Memory in the Twentieth Century, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1998.

2  Karen E. Till, The New Berlin. Memory, Politics, Place, chap. I « Hauntings, Memory, Place », Minnesota University Press, 2005, p. 5.

3  Depuis 1997, le Centre canadien d’études allemandes et européennes (CCEAE), sis à l’Université de Montréal et cofinancé par l’Office allemand d’échanges universitaires (DAAD), est un centre de recherche qui forme des étudiants des cycles supérieurs à une approche interdisciplinaire à partir de thématiques interculturelles centrées sur l’Allemagne dans l’espace européen. Ce diplôme complémentaire prend la forme de séminaires à Montréal et d’un voyage d’études en Europe. Le CCEAE accueille un professeur invité DAAD qui anime ces activités. Je l’ai été pendant deux ans, entre 2014 et 2016. Pour de plus amples informations, voir le site (<http://www.cceae.umontreal.ca>).

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Pour citer cet article

Référence papier

Fabien Théofilakis, « L’héritage du national-socialisme à Berlin et Munich : quand des étudiants du Nouveau Monde arpentent le champ des politiques de la mémoire | Introduction »Revue d’Allemagne et des pays de langue allemande, 48-2 | 2016, 473-474.

Référence électronique

Fabien Théofilakis, « L’héritage du national-socialisme à Berlin et Munich : quand des étudiants du Nouveau Monde arpentent le champ des politiques de la mémoire | Introduction »Revue d’Allemagne et des pays de langue allemande [En ligne], 48-2 | 2016, mis en ligne le 28 décembre 2016, consulté le 15 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/allemagne/413 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/allemagne.413

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Auteur

Fabien Théofilakis

Maître de conférences à l’Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne, professeur invité DAAD (2014-2016) à l’Université de Montréal

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