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Les relations entre historiens français et allemands dans les années 1950 et 1960. Entre nouvelles orientations politiques et processus de mutations scientifiques

Ulrich Pfeil
p. 439-451

Résumés

La manière de traiter le passé après un conflit guerrier a pu prendre des formes différentes dans l’histoire. Aujourd’hui encore, la question se pose souvent de savoir si le passé brûlant entre deux anciens ennemis doit faire immédiatement l’objet d’un travail réflexif ou s’il vaut mieux le laisser d’abord reposer afin de ne pas mettre aussitôt en péril les processus de rapprochement. Français et Allemands ont procédé après 1945 d’une manière différenciée, laissant d’abord en marge les questions complexes de la guerre tout juste surmontée, afin de se concentrer immédiatement, à l’échelle des historiens, sur les époques plus éloignées et les manuels scolaires d’histoire. Ainsi, l’histoire devait cesser de mobiliser les hommes les uns contre les autres. Ces forums et institutions sont au centre de cette contribution, afin de saisir comment les deux pays sont parvenus à se rapprocher par le biais des discussions sur le passé.

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Texte intégral

  • 1  Cf. Aleida Assmann, Das neue Unbehagen an der Erinnerungskultur. Eine Intervention, Munich, Beck, (...)
  • 2  Geiko Müller-Fahrenholz, « Heilt die Zeit alle Wunden ? Vergebung in der Politik – Eine Friedensau (...)

1Konrad Adenauer et Charles de Gaulle, les deux « pères tutélaires » de l’entente franco-allemande, ne sont pas connus pour avoir voulu éclairer d’une lumière critique l’histoire des relations de leurs deux pays ; bien au contraire, ils apparaissent aujourd’hui comme des défenseurs de la stratégie de la page tournée, au regard rivé vers l’avenir. Cette attitude est en contradiction avec les résultats des spécialistes de la Friedensforschung, qui, au cours de ces dernières années, ont sans cesse signalé qu’il est impossible d’ignorer les expériences traumatiques et qu’il n’y a pas d’autre choix pour dépasser les conflits qu’une confrontation dynamique et durable avec tout l’héritage du passé1, afin d’effectuer le travail d’apaisement à partir de ce « walk through history » commun : « Le processus de rupture de l’inimitié commence quand, à la place de l’image de l’ennemi, naît le sentiment d’empathie pour la parenté profonde entre les êtres humains »2. Dans un schéma idéal, les acteurs doivent créer un lien entre les arrière-plans négatifs et positifs du passé, ce qui, selon Juan Guttierrez, est l’une des grandes conditions fondamentales de la réconciliation :

  • 3  Juan Guttierrez, « Friedens- und Versöhnungsarbeit. Konzepte und Praxis. Unterwegs zu einer dauerh (...)

« Entre un passé de pure horreur et un avenir de paix, il ne peut pas y avoir de liens, de ponts. Ce dont on doit se souvenir, dans le passé, doit contenir un élément de paix, qui permet d’aller vers l’avenir par la réconciliation. Ce qui n’est pas l’objet du souvenir ne peut pas être utilisé comme élément de réconciliation pour l’avenir »3.

2Au niveau collectif comme individuel, s’occuper d’histoire dans l’espace public passe pour un facteur constitutif de l’établissement et de l’entretien de relations, à condition que le passé ne devienne pas un très pesant passé qui ne passe pas (Henry Rousso). Aussi, dans cette contribution, examinerons-nous dans quelle mesure, en marge de la stratégie de la page tournée pratiquée par les plus hautes instances, il y eut des initiatives transnationales fondées sur la considération de l’histoire comme vecteur de la réconciliation franco-allemande.

1. Un rapprochement difficile

  • 4  Hermann Oncken, Nation und Geschichte (1924), Berlin, Grote, 1935, p. 197.

3Après 1945, les historiens allemands durent sans cesse faire face à la culpabilité allemande et à leurs responsabilités personnelles sur la scène internationale, après avoir pratiqué dans l’entre-deux-guerres une sorte d’auto-mobilisation autour de la thèse de l’inimitié héréditaire entre la France et l’Allemagne. C’est ce qu’avait illustré l’attitude ouvertement francophobe de l’historien Hermann Oncken, déclarant en 1924 : « L’ennemi n’est ni à droite ni à gauche, l’ennemi est sur le Rhin ! »4 Le rapport de Hermann Heimpel sur le 9e congrès international des historiens à Paris, en 1950, permet d’appréhender les difficultés émotionnelles considérables qu’il y avait à surmonter :

  • 5  Hermann Heimpel, « Internationaler Historikertag in Paris », Geschichte in Wissenschaft und Unterr (...)

« D’ailleurs, c’eût été un incompréhensible miracle si, eu égard aux exactions qui ont été commises et sont commises, il n’y avait pas de sentiments amers, de réserves et d’hésitations. C’est pourquoi il est réjouissant qu’il y ait eu des rencontres humaines et scientifiques nombreuses et vraies. […]. Tous – à commencer par les présidents – avaient d’amers souvenirs à surmonter. Un des interlocuteurs français m’a raconté pendant une bonne heure ce qu’il avait vécu à Dachau, avant d’en venir à une discussion professionnelle ; un autre mit un terme à une conversation au cours de laquelle il m’avait assuré une aide précieuse dans des questions personnelles en me faisant part qu’il était originaire d’Oradour-sur-Glane. Il conclut à peu près par cette phrase : “De telles souffrances ne doivent pas rester des fossés, mais devenir des ponts” »5.

  • 6  Voir au sujet de la « réconciliation », Corine Defrance, Ulrich Pfeil, « Verständigung und Versöhn (...)
  • 7  Winfried Schulze, « Der Neubeginn der deutschen Geschichtswissenschaft nach 1945. Einsichten und A (...)
  • 8  Édouard Husson, Comprendre Hitler et la Shoah. Les historiens de la République fédérale d’Allemagn (...)

4À côté du fardeau résultant de ce passé douloureux, la dernière phrase de cette citation indique une disposition qui, à maints égards, déboucha aussi, dans le Second après-guerre, sur la revendication du « Plus jamais ça ! », offrant un « horizon de réconciliation » que Heimpel traduisit en l’espoir « que, dans une meilleure constellation, la science puisse devenir un vecteur de l’humanité ». Après que des historiens, à l’instar de Hermann Oncken, eurent apporté leur tribut décisif à la situation de confrontation psychologique durable au lendemain de la Première Guerre mondiale, leur propre culpabilité fut l’occasion de repenser les choses pour un grand nombre d’entre eux, si bien que des historiens, de part et d’autre du Rhin, décidèrent en conséquence de s’engager dans un processus que Charles de Gaulle et Konrad Adenauer qualifièrent de « réconciliation » à partir de la fin des années 19506. Pour cela, il fallait faire parfois des gestes symboliques forts, comme Robert Fawtier tenta de l’expliquer en 1949 à l’historien fribourgeois Gerhard Ritter. Il lui fit part de son étonnement de ce que le Deutscher Historikerverband n’ait jusqu’alors pas pris position au sujet de l’assassinat de Marc Bloch, demandant à Walther Kienast de rédiger un article nécrologique qui parut dans la Historische Zeitschrift en 19517. Cela n’empêcha pourtant pas Ritter de dénoncer les Annales pour leur « marxisme » lors du congrès annuel des historiens allemands à Brême en 1953 et de poursuivre ces attaques lors du congrès international des historiens à Rome en 19558.

  • 9  Cf. Christoph Cornelissen, Gerhard Ritter. Geschichtswissenschaft und Politik im 20. Jahrhundert, (...)
  • 10  Rapport non signé (Schmittlein ?), cité d’après Corine Defrance, Les Alliés occidentaux et les uni (...)

5Gerhard Ritter9, qui représentait résolument une « conception nationale de l’histoire dans sa forme bourgeoise et conservatrice, prussienne, “klein-deutsch” et protestante », passait précisément pour persona non grata auprès des autorités du gouvernement militaire français en Allemagne, bien qu’il fût impliqué dans le cercle des conjurés de l’attentat du 20 juillet 1944. Les responsables français des services d’occupation n’établissaient qu’une différence mineure entre le « fervent nationaliste » et le partisan de la Prusse qu’était Ritter et les nationaux-socialistes : « Ce n’est pas par conviction républicaine qu’il complotait contre le Führer, mais parce que l’imprudence de Hitler compromettait l’œuvre de Bismarck et des rois de Prusse »10.

2. L’esprit de Spire

  • 11  Voir pour sa biographie, Corine Defrance, « Raymond Schmittlein (1904-1974). Leben und Werk eines (...)
  • 12  Cf. « Résolution ». Texte remis à M. Roland Gosselin par M. le Professeur Fritz Kern, le 26 août 1 (...)
  • 13  Cf. Ch. Cornelissen, Gerhard Ritter (note 9), p. 470 sqq. ; Corine Defrance, « Die internationalen (...)
  • 14  Norbert Ropers, « Prävention und Friedenskonsolidierung als Aufgabe für gesellschaftliche Akteure  (...)

6Pendant la période d’occupation alliée en Allemagne, le gouvernement militaire français chercha le contact avec le courant des historiens allemands qui défendaient l’idée de l’« Abendland », c’est-à-dire d’une Europe héritière de l’Occident chrétien. Ensemble, historiens français et allemands, dans l’après-guerre, recherchèrent une présentation supra-nationale de l’Histoire qui puisse, en dépit de tous les ressentiments de part et d’autre, donner une nouvelle impulsion à la recherche du dépassement de l’antagonisme et préparer la voie du rapprochement et de la coopération. Les rencontres de Spire, initiées par Raymond Schmittlein, directeur de l’Éducation publique du gouvernement militaire à Baden-Baden11, sont le symbole de cette volonté de compréhension. Ces rencontres se déroulèrent entre 1948 et 1950 dans un climat marqué par la vague d’enthousiasme européen et eurent pour objectif de dépasser les antagonismes nationaux et de ramener les historiens (ouest-)allemands dans le giron de la corporation internationale des historiens. Cette « institution de caractère privé ou tout au moins qui ne d[evait] pas avoir l’air officiel » entendait soumettre à un examen intensif les historiographies nationales et les manuels scolaires12, afin d’analyser les différentes « images historiques », les rapprocher et par là même entreprendre un processus multiple de rééducation et de rapprochement entre les anciens ennemis au niveau de la société civile13. Aujourd’hui encore, au vu des derniers résultats de la Friedensforschung historique, de telles rencontres passent pour le moyen adéquat pour atténuer les conflits, car « seule la libre discussion entre historiens, et encore plus, naturellement, leur exposé par le biais de matériel scolaire idoine, représente une pratique et une pédagogie orientées vers la paix, ce qui est un progrès »14.

  • 15  Cf. Ulrich Pfeil (éd.), Das Deutsche Historische Institut Paris und seine Gründungsväter. Ein pers (...)
  • 16  H.W. Erbe, « Internationales Historikertreffen in Speyer », GWU, 1 (1950), p. 301 sqq.
  • 17  Cf. Corine Defrance, La politique culturelle de la France sur la rive gauche du Rhin, 1945-1955, S (...)

7Parmi les membres, côté allemand, se trouvaient des historiens qui furent bientôt très impliqués dans la fondation de l’Institut historique allemand de Paris, comme Paul Egon Hübinger, Eugen Ewig et Gerd Tellenbach15. Ils incarnaient l’« Esprit de Spire », c’est-à-dire cet « esprit international et cette compréhension franco-allemande sur la base d’une communauté scientifique »16. Des structures institutionnalisées de dialogue comme les rencontres de Spire permirent d’une part de reconfigurer les réseaux scientifiques dans le contexte européen ; d’autre part de concevoir un nouvel espace commun par la coordination du courant historiographique « abendländisch »17.

  • 18  Cf. Gerd Tellenbach, Aus erinnerter Zeitgeschichte, Fribourg-en-Brisgau, Wagner, 1981.
  • 19  Cf. Wolfgang W. Mickel, « Streit um die Nation. Die Deutsche Frage in der politischen Bildung », A (...)
  • 20  « III. Internationaler Historikerkongreß vom 17.-20. Oktober 1949 », GWU, 1 (1950), p. 52.
  • 21  Cf. Otto-Ernst Schüddekopf, Zwanzig Jahre Westeuropäischer Schulgeschichtsbuchrevision 1945-1965. (...)
  • 22  « III. Internationaler Historikerkongreß vom 17.-20.10.1949 » (note 20), p. 52 sq.

8Le Moyen Âge fut au cœur des premières conversations, conformément au vœu de la partie allemande, étant donné ses difficultés dans l’après-guerre à appréhender le vécu de son histoire la plus contemporaine – son « erinnerte Zeitgeschichte »18, ce qui avait aussi conduit les responsables de l’Éducation, dans certains Länder, à renoncer à inclure l’histoire du temps présent dans les programmes d’histoire19. Du 17 au 20 octobre 1949, plus de 50 historiens français, belges, suisses et allemands se retrouvèrent aux troisièmes rencontres internationales d’historiens à Spire pour « poursuivre le dialogue sur la coordination de l’histoire de l’Occident [Abendland] »20. La revue allemande Geschichte in Wissenschaft und Unterricht, entre autres, a rendu compte alors de la manière dont les historiens allemands reprirent le contact avec leurs collègues étrangers par l’examen du matériel pédagogique21. Comme, par le passé, les divergences d’interprétation avaient marqué l’image qu’on avait de l’autre, ces entretiens devaient désormais ouvrir la voie à un avenir commun, si bien que leur valeur scientifique n’arrivait qu’au second plan, comme en témoignent ces propos d’un commentateur : « Pour tous les participants, la plus forte impression fut le sentiment, en tant qu’homines bonae voluntatis, d’avoir fait un pas important pour la compréhension et l’entente entre les peuples, et non pas le fait d’avoir établi telle ou telle nouvelle connaissance historiographique »22.

  • 23  Voir sur la place de l’Abendland dans la société ouest-allemande pendant les années 1950, Axel Sch (...)
  • 24  Cf. Winfried Schulze, Corine Defrance, Die Gründung des Instituts für Europäische Geschichte Mainz(...)
  • 25  Gerhard Ritter à Max Braubach, 15 janvier 1953, Universitätsarchiv Bonn, Nachlass Max Braubach, vo (...)

9La fondation de l’Institut d’histoire européenne à Mayence, décidée à Spire, résulta elle aussi d’une initiative française, par laquelle la conception nationale (protestante) de l’histoire, véhiculée par le professeur de Fribourg Gerhard Ritter et le Verband der Historiker Deutschlands – en train de se constituer –, devait être contrecarrée par un pôle orienté vers l’Europe (dans sa dimension abendländisch23)24. Cet institut fut conçu comme un instrument allié permettant d’ancrer l’historiographie allemande à l’Occident, ce à quoi, vu d’aujourd’hui, cette institution est tout à fait parvenue. Au début des années 1950, elle chercha cependant à s’affranchir de sa réputation d’être une fondation française, de façon à s’affirmer dans le paysage scientifique allemand. Toutefois, elle resta un lieu du dialogue franco-allemand, auquel Gerhard Ritter participa alors. En janvier 1953, il écrivit à Max Braubach, historien de Bonn : « L’Institut européen [a été] le lieu de ces discussions, que j’ai menées en automne avec P[ierre] Renouvin – Paris – et J[acques] Droz, entre autres, et qui ont mené aux accords connus sur les points controversés de l’histoire franco-allemande. Les ouvrages de l’Institut nous ont été d’une aide précieuse pour ce travail »25.

3. Les discussions sur les manuels scolaires

  • 26  Rainer Riemenschneider, « Verständigung und Verstehen. Ein halbes Jahrhundert deutsch-französische (...)
  • 27  Rainer Bendick, « Irrwege und Wege aus der Feindschaft. Deutsch-französische Schulbuchgespräche im (...)
  • 28  Gerhard Glogowski, « Das Georg-Eckert-Institut und sein Beitrag zur internationalen Verständigung  (...)

10Des discussions de Spire résulta encore la volonté d’historiens français et allemands de « renouer le fil du dialogue par-delà les frontières »26, ce qui déboucha sur les discussions franco-allemandes au sujet des manuels scolaires27. Après une première rencontre, en 1949, entre le président de l’Association des professeurs français d’histoire et de géographie, le professeur Édouard Bruley, et Georg Eckert, le futur directeur de l’Institut international des manuels scolaires, créé en 1951 à Brunswick28, il fut décidé de reprendre les entretiens franco-allemands sur les manuels scolaires d’histoire qui avaient commencé dans l’entre-deux-guerres et avaient été aussitôt interrompus.

  • 29  R. Riemenschneider, « Verständigung und Verstehen » (note 26), p. 142.
  • 30  Cf. Rainer Riemenschneider, « Verständigung und Verstehen. Ein halbes Jahrhundert Deutsch-französi (...)

11En effet, deux délégations d’historiens français et allemands s’étaient rencontrées à Paris en 1935, pour élaborer conjointement des « recommandations » pour l’enseignement de l’histoire, comprenant 39 thèses et un communiqué final, portant sur la période de l’histoire allant du xviie au xxe siècles. Évidemment, toutes les difficultés n’avaient pu être aplanies et bien des divergences d’interprétation avaient subsisté sur des points particulièrement névralgiques comme le traité de Versailles et la question de la responsabilité allemande dans le déclenchement de la Première Guerre mondiale (Kriegsschuldfrage). Identifier les principaux problèmes et faire en sorte que les interprétations contradictoires pussent être mentionnées dans les manuels scolaires de chacun des deux pays avaient alors constitué un grand pas en avant pour la coopération scientifique29, mais la date à laquelle ces directives furent signées (1935) indique qu’elles étaient condamnées à l’échec30.

  • 31  Cf. Ulrich Pfeil, « Jacques Droz und die Geschichtsbilder der deutschen Geschichte », in : Michel (...)
  • 32  « Les rencontres de professeurs français et allemands », Le Monde, 9 novembre 1954.

12Ces directives servirent de base pour de nouvelles discussions entre historiens des deux pays qui, lors de deux sessions, à la Sorbonne et à l’Institut d’histoire européenne de Mayence, reprirent et complétèrent les thèses de l’entre-deux-guerres sous l’égide de Pierre Renouvin, Jacques Droz31 et Gerhard Ritter, permettant ainsi de formuler en 1951 les « recommandations franco-allemandes » pour les manuels scolaires. Ces actions étaient bien en avance sur la compréhension et la coopération prônées au plus haut niveau politique : il fallut attendre octobre 1954 pour que Paris et Bonn concluent un accord culturel. Ceci explique le commentaire de Bruley dans Le Monde, au lendemain de cet accord, signalant que des professeurs d’histoire français et allemands s’étaient déjà rencontrés tous les ans depuis 1950 pour discuter ensemble des manuels scolaires : « Les historiens français et allemands n’ont donc pas attendu la convention de 1954 pour rechercher en commun la vérité historique et s’efforcer de bannir toute appréciation passionnée »32.

  • 33  Robert de Nerciat, consul général de France à Munich, à Christian de Margerie, ministre plénipoten (...)

13Au cours des années suivantes, les deux parties poursuivirent leurs entretiens, notamment lors d’un congrès à Bamberg à l’été 1956, où l’objectif fut d’accorder la plus grande place possible aux éléments créant des liens plutôt qu’aux perspectives nationales. Le consul général français à Munich apprécia cette optique : « De telles rencontres prouvent, en tout cas, un effort des intellectuels, tant du côté allemand que du côté allié, à unifier l’enseignement de l’histoire et à éviter, dorénavant, dans cette science tout ce qui est propre à prolonger des querelles que l’on doit espérer périmées »33.

14Dans la pratique, lors de ces entretiens, les concepts problématiques comme celui de « nation » étaient historicisés pour leur ôter la connotation nationaliste qui leur avait été conférée au xixe siècle : « En aucune façon, ce terme (“natio”) n’a de rapports avec le mot moderne “nation”, pas plus que son contenu concret ne prépare ou n’annonce les nations modernes. » Dans l’esprit de l’époque, le concept d’Abendland fut employé pour sa charge transnationale :

  • 34  Die deutsch-französischen Beziehungen im Mittelalter. Ergebnisse der deutsch-französischen Histori (...)

« La dynastie carolingienne a créé, dans le cadre de l’Occident, une unité de civilisation. Celle-ci devait se distinguer de plus en plus, dans ses divers aspects, de celle de l’Empire d’Orient. Ses éléments durables devaient se retrouver ensuite dans les pays issus de l’Empire Carolingien. Charlemagne n’a été ni Allemand ni Français, mais Franc d’origine austrasienne. Poursuivant l’œuvre de ses prédécesseurs, il a créé, à partir des territoires situés entre Loire et Rhin, l’Empire Carolingien. Charles a unifié dans son royaume des territoires et des peuples de cultures différentes, de structures sociales et économiques différentes »34.

15De même que ni la France ni l’Allemagne ne pouvaient chacune exclusivement revendiquer le passé de l’Empire carolingien, le Saint-Empire romain germanique fut débarrassé, par ces recommandations, de toute prétention nationaliste. L’Empire ne pouvait s’identifier à l’Allemagne, mais unissait en lui-même plusieurs regna et était aussi l’héritier de traditions lorraines. Les considérations finales sur les relations franco-allemandes au Moyen Âge mettaient l’accent sur les liens :

« La France et l’Allemagne font alors partie d’un grand ensemble de civilisation et sont parcourues également par de grands courants d’échanges intéressant de larges couches sociales, d’une part dans le domaine philosophique, littéraire et artistique, d’autre part dans le domaine économique, grâce notamment aux grands ordres religieux, aux écoles et universités, aux pèlerinages, aux voyages des marchands. La diversité des langues nationales ne fait pas encore obstacle à cette communauté de civilisation […]. Nous souhaitons donc que les historiens des deux pays s’intéressent à ces questions difficiles, qui pourraient donner lieu à de nouvelles confrontations franco-allemandes dans l’optique où nous nous plaçons. »

  • 35  Christoph Conrad, Sebastian Conrad, « Wie vergleicht man Historiographien », in : id. (éd.), Die N (...)

16Les rencontres de Spire et les discussions franco-allemandes sur les manuels scolaires sont les signes de ces efforts précoces émanant de la société civile pour établir de nouveaux fondements sociaux et émotionnels pour les relations entre les deux pays après les affres de la guerre. En posant la question des différences et des points communs dans le passé pour clarifier le problème des « caractères nationaux », les participants à ces rencontres, après 1945, s’étaient persuadés que l’étranger n’était pas une donnée établie ni une caractéristique des personnes et des objets, mais une forme mouvante de relation à l’autre : « Mus par le désir de trouver la voie d’une interprétation consensuelle du passé », ces entretiens devaient « mener non à une interprétation unique, mais à des versions compatibles d’une histoire commune »35.

  • 36  Cf. Rainer Riemenschneider, « An der Schwelle zur Wiederaufnahme der deutsch-französischen Schulbu (...)

17Jusqu’en 1967, les historiens et professeurs du secondaire français et allemands continuèrent à se rencontrer régulièrement dans le cadre de colloques sur des questions historiques spécifiques et les résultats ont été publiés respectivement dans les deux pays36. Après des changements profonds de programmes dans les deux pays dans les années 1970 et l’introduction de manuels scolaires d’un nouveau type, une relance des rencontres bilatérales s’imposait. Les manuels présentaient de nouvelles lacunes, qui n’étaient pas dues aux partis pris des auteurs, mais aux contraintes des programmes. À la différence des premières rencontres, les responsables invitèrent aussi les géographes, en raison de la particularité française où les deux disciplines sont enseignées de manière combinée. Mais cette modification permit également de donner une nouvelle impulsion à ces échanges. Tandis que, dans le passé, les participants avaient essentiellement discuté des relations franco-allemandes, les nouvelles recommandations insistaient surtout sur l’aspect comparatif. Il s’agissait de mieux informer les élèves français et allemands des évolutions historiques et géographiques dans l’autre pays.

  • 37  Cf. Corine Defrance, Ulrich Pfeil, « Symbol or reality ? The background, implementation and develo (...)

18Enfin, ces rencontres n’avaient pas pour objectif de « négocier » une version commune des choses : l’entente ne doit pas forcément aboutir à un consensus, mais peut aussi consister à s’accorder sur un constat de divergences. Pour les acteurs, cette phase paraissait importante et constructive, parce qu’elle devait faciliter et accélérer l’entente pour aboutir à une pratique de l’enseignement, que l’on appelle, depuis un certain nombre d’années maintenant, l’approche « multiperspective ». Le bilan de ces rencontres permit aussi aux Allemands d’engager des discussions avec la Pologne dès 197237.

4. Des relations « sur base universitaire » : la fondation de l’Institut historique allemand de Paris

  • 38  Notiz von Eugen Ewig für Konrad Adenauer, (s.d. été 1952), édité dans Ulrich Pfeil, Vorgeschichte (...)

19Au début des années 1950, quand resurgit l’idée de créer un Institut historique allemand à Paris, les initiateurs de ce projet pouvaient déjà s’appuyer sur de nouvelles structures institutionnalisées dans le domaine des relations franco-allemandes entre historiens. Les raisons politiques et psychologiques l’emportaient toujours sur les considérations professionnelles, comme cela ressort d’une note de Eugen Ewig pour Konrad Adenauer, à l’été 1952 : « C’est sur la base commune de l’histoire des deux peuples que le contact est le plus facile à établir et, le cas échéant, qu’on peut élaborer une image commune de l’histoire. Les susceptibilités nationales ne peuvent pas être aiguillonnées par un tel travail »38. Les propos suivants de Ewig montrent à quel point les rencontres de Spire ont influé sur les prémisses de la fondation de l’IHA de Paris :

« Il y a la possibilité, avec des moyens modestes, d’obtenir à brève échéance des résultats scientifiques, éveillant l’attention de la corporation et permettant en même temps de créer une école de jeunes historiens, qui, par leur formation même, seraient déjà sensibilisés à la pensée européenne. Car, au cœur de la question de l’avenir européen, se trouve la relation franco-allemande, qui peut ici être tout à la fois revue et approfondie à partir du terrain politiquement tout à fait neutre que représente l’histoire médiévale. »

  • 39  Cf. Walter Hallstein à Eugen Ewig, 23 décembre 1952, in : U. Pfeil, Vorgeschichte (note 38), p. 28 (...)

20Derrière cette première initiative en faveur d’un IHA à Paris se cachait l’idée d’inscrire la fondation d’une telle institution dans le cadre des négociations déjà en cours depuis plusieurs mois au sujet d’un accord culturel franco-allemand et de rechercher la possibilité de la fixer dans le texte de l’accord39. Mais, comme Rudolf Salat, chef de la direction culturelle de l’Auswärtiges Amt (AA), en fit part à Ewig dès la fin 1952, un tel procédé n’était pas envisageable :

  • 40  Rudolf Salat à Eugen Ewig, 30 décembre 1952, in : U. Pfeil, Vorgeschichte (note 38), p. 287.

« Aujourd’hui, je voudrais vous faire savoir que la coopération scientifique entre les deux pays est expressément envisagée dans le projet, presque achevé, de l’accord culturel franco-allemand. Les projets concrets ne peuvent cependant pas être inscrits dans l’accord culturel, car ce dernier doit se limiter à toute une série de principes généraux »40.

  • 41  Rudolf Salat à Eugen Ewig, 27 mars 1953, in : U. Pfeil, Vorgeschichte (note 38), p. 288.
  • 42  Eugen Ewig à Rudolf Salat, 21 mai 1953, in : U. Pfeil, Vorgeschichte (note 38), p. 288.
  • 43  Rudolf Salat à Eugen Ewig, 5 août 1953, in : U. Pfeil, Vorgeschichte (note 38), p. 290.

21Il ne fallait donc pas penser à une réalisation rapide du projet, comme Salat le dit encore à Ewig le 27 mars 195341, mais ce dernier ne se laissa pas intimider par la réserve de la section culturelle de l’AA. Le 20 mai, Ewig s’entretint avec Henry Spitzmuller, le successeur de Raymond Schmittlein à la tête de la Direction générale des Affaires culturelles du Haut-Commissariat français en Allemagne, qui réagit très positivement à ses projets et promit de sonder prudemment les instances décisives. En mai, Ewig s’adressa également par courrier à Robert Schuman, « pour lui faire part des grandes lignes du projet »42. Du côté de la République fédérale, il ne fallait alors guère attendre de soutien, car les élections législatives devaient avoir lieu le 6 septembre 195343.

  • 44  Vorlage des Referates 9 im Bundeskanzleramt für den Staatssekretär, 27 décembre 1954, Bundesarchiv (...)
  • 45  Gerd Tellenbach à Wilhelm Grau, 27.12.1954, BAK, B 136, vol. 912, p. 271-274.

22Une nouvelle occasion se présenta quand Adenauer, au début 1954, laissa entendre à des représentants de la science historique ouest-allemande qu’il entendait financer des projets scientifiques en histoire sur la part des fonds de recherche dont il avait la disposition. Le 13 novembre 1954, Wilhelm Grau, en tant que chef du bureau de la recherche scientifique à la chancellerie fédérale, invita Tellenbach, Braubach, Heimpel et Hübinger à se rencontrer en petit comité le 10 décembre pour discuter des projets. Lors de cet entretien, Tellenbach affirma que « les projets de recherche déposés dans ce cadre correspondaient plutôt aux procédures classiques d’accréditation par la Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG) et qu’il fallait examiner si Monsieur le chancelier ne souhaitait pas plutôt soutenir un projet caressé depuis longtemps par la corporation des historiens allemands et qui ne pouvait pas être réalisé par la DFG, à savoir la création d’un centre de recherche historique à Paris »44. En marge du bénéfice qu’en retirerait la communauté historienne allemande, l’historien de Fribourg ne perdait pas des yeux la fonction transnationale d’une telle entreprise et il voyait dans la fondation d’un centre de recherche à Paris, outre la possibilité « d’encourager de manière durable notre science », la belle occasion « d’encourager à partir de là la coopération entre historiens français et allemands »45. D’un commun accord, les participants à l’entretien conclurent qu’en créant ce centre, il ne devait pas s’agir d’un institut coûteux ayant une fonction de représentation pour réaliser un programme de recherche prévu sur des années, mais exclusivement d’un point d’appui pour les historiens allemands en France.

  • 46  Ibid., p. 271.
  • 47  Vorlage des Referates 9 für den Staatssekretär, 27 décembre 1954, BAK, B 136, vol. 912, p. 265 sqq(...)
  • 48  BMI à Hübinger 16 mars 1954, Universitätsarchiv Bonn, Nachlass Hübinger, vol. 184.

23Dans un contexte intellectuel similaire, des historiens rhénans, catholiques et partisans de l’Abendland commencèrent à exaucer un « vœu depuis longtemps cher aux historiens allemands »46 : celui d’un centre allemand de recherche historique (Deutsche Historische Forschungsstelle) à Paris47. Lorsque fut abordée la question de la « direction intellectuelle » de cette institution, on pensa rapidement au médiéviste de Mayence puis bientôt de Bonn, Eugen Ewig, qui avait été très chaleureusement recommandé auprès de la chancellerie par son compagnon de longue date, Paul Egon Hübinger, directeur de la section III « Affaires culturelles du Bund » au ministère fédéral de l’Intérieur (BMI) depuis le 1er mars 195448 :

  • 49  Paul Egon Hübinger à Wilhelm Grau, 23 décembre 1954, BAK, B 136, vol. 912, p. 262.

« Comme toute l’affaire est orientée pour avancer de manière souple et presque privée, j’estime que le professeur Ewig, précisément, est particulièrement qualifié pour en assurer le patronage, car plus qu’aucun des autres messieurs qui pourraient entrer en ligne de compte, il dispose de relations personnelles avec des cercles scientifiques et politiques importants en France, ce qui lui permettra d’avancer aussi inofficiellement que possible avec pourtant l’autorité nécessaire »49.

  • 50  Cf. Ulrich Pfeil, « Eugen Ewig – “Créer un ordre transnational”. Von einem Mittler zwischen Deutsc (...)
  • 51  Vgl. Vorlage des Referates 9 (Wilhelm Grau) « Betr. : Historische Forschungsstation in Paris », ma (...)

24Hermann Aubin, président du Verband Deutscher Historiker, fit cependant remarquer qu’Ewig avait travaillé aux archives départementales (Staatsarchiv) de Metz pendant la Seconde Guerre mondiale50. Au début de février 1955, Hübinger balaya définitivement les objections à l’encontre de Ewig : « Quand il était en activité aux archives à Metz, il n’a pas travaillé contre les intérêts français : au contraire, il a mis en sécurité des documents d’archives à la demande de celui qui allait bientôt être le Premier ministre, Robert Schuman. » Dans sa double fonction de chef de la section culturelle du BMI et d’historien, Hübinger se proposa de préparer, en commun avec Ewig, la fondation de ce centre de recherche51.

  • 52  Bericht der Diplomatischen Vertretung der Bundesrepublik Deutschland zum Plan einer deutschen gesc (...)

25Ces projets engagés de façon si prometteuse se retrouvèrent cependant au point mort en raison des informations négatives transmises par la représentation diplomatique allemande à Paris le 16 mars 1955. Celle-ci craignait « que l’ouverture d’un institut historique à Paris servant exclusivement les intérêts de la recherche allemande ne trouve certainement pas l’assentiment complet de tous les cercles concernés par les questions culturelles et que, de surcroît, des critiques négatives n’émergent vraisemblablement des cercles conservateurs français »52.

  • 53  Vermerk über eine Besprechung im Bundeskanzleramt vom 17.1.1956, 11.00 Uhr zum Plan einer deutsche (...)
  • 54  Eugen Ewig au Bundeskanzleramt, 30 janvier 1956, BAK, B 136, vol. 912, p. 336.
  • 55  Cf. Eckard Michels, Das Deutsche Institut in Paris 1940-1944. Ein Beitrag zu den deutsch-französis (...)
  • 56  « Bericht über meine Sondierung in Paris zwecks Errichtung einer deutschen Forschungsstelle », mar (...)

26Au cours d’une nouvelle consultation à la chancellerie, à la mi-janvier 1956, Hübinger proposa de reprendre les discussions sur la manière concrète de réaliser ce projet lors de conversations privées entre historiens français et ouest-allemands. Il suggéra encore de convaincre Eugen Ewig de se rendre à Paris, 1pour prendre prudemment ces premiers contacts »53. Ce dernier donna aussitôt son accord et partit pour la capitale française aux frais de la chancellerie du 26 février au 17 mars 195654. Il y rencontra une trentaine de personnalités dirigeantes de la vie culturelle et universitaire françaises et s’entretint encore avec Robert Schuman et André François-Poncet (1887-1978). « Aucun interlocuteur n’a soulevé la moindre objection à l’encontre de la fondation d’un centre de recherche allemand », rapporta Ewig dans ses premières conclusions, mais les historiens français formulaient cependant une condition fondamentale en raison des expériences qu’ils avaient faites naguère avec l’Institut allemand pendant l’occupation55 : ce centre devait être créé « sur base universitaire »56. Ewig savait que son voyage n’avait pas pour seul objet l’ouverture d’une institution scientifique, mais que, au-delà de ce projet, il en allait de la compréhension franco-allemande : « Ils [les propos des historiens français, U.P.] montrent aussi que le centre de recherche pourra être un pont jeté vers les cercles français, qui, aujourd’hui encore, sont réservés à l’égard de l’Allemagne. » Comme les diplomates de Bonn n’avaient plus d’objections, l’affaire fut engagée.

  • 57  Cf. Ulrich Pfeil, « Die ‘Generation 1910’. Rheinisch-katholische Mediävisten vom ‘Dritten Reich’ z (...)
  • 58  Robert Schuman à Konrad Adenauer, 5 juin 1958 ; Konrad Adenauer à Robert Schuman, 24 juin 1958, BA (...)

27Gerd Tellenbach, Max Braubach et Eugen Ewig donnaient la garantie du caractère scientifique et non-gouvernemental du centre de recherche en fondant à Mayence, le 2 avril 1957, la « Commission scientifique pour la recherche sur l’histoire des relations franco-allemandes » (Wissenschaftliche Kommission zur Erforschung der Geschichte der deutsch-französischen Beziehungen) comme société de droit public, que rejoignit Paul Egon Hübinger en 1959, après avoir quitté ses fonctions au BMI57. Les membres d’honneur élirent Eugen Ewig comme secrétaire général (Geschäftsführer). Ce dernier, au cours des mois suivants, mit en route le processus d’institutionnalisation en accord avec les instances officielles, en particulier avec le ministère fédéral de l’Intérieur, ministère qui assura complètement le financement du centre de recherche jusqu’à sa restructuration en institut fédéral en 1964. Avec le soutien de Schuman et d’Adenauer58, le Centre allemand de recherches historiques put être finalement ouvert officiellement le 21 novembre 1958 et entreprendre ses activités.

  • 59  Tagungsbericht von Eugen Ewig, 2 juin 1961, BAK, B 250, vol. 7.

28L’une des premières initiatives du Centre, pour se profiler en tant qu’institution médiatrice entre historiens français et allemands, fut d’organiser les rencontres franco-allemandes d’historiens, dont la première édition eut lieu à Sarrebruck en 1961. Elle devait marquer une étape pour les relations à venir des historiens des deux pays, comme le nota Ewig dans son rapport : « Dans sa conclusion, le professeur [Fernand] Braudel, en tant que porte-parole de la délégation française, a insisté sur le fait que les relations entre la science historique française et allemande, interrompues depuis 1914, viennent d’être seulement renouées lors de ce congrès et que ce colloque marque à tous égards un nouveau début »59.

  • 60  Voir pour la terminologie : Wilfried Loth, Bernd A. Rusinek (éd.), Verwandlungspolitik. NS-Eliten (...)

29L’Institut d’histoire européenne de Mayence, l’Institut historique allemand de Paris, mais aussi les rencontres d’historiens de Spire, et enfin les entretiens sur les manuels scolaires sont autant de lieux d’apprentissage qui furent d’une importance capitale tant pour le rapprochement franco-allemand dans le cadre de la construction européenne que pour la reconstruction de la science historique (ouest-)allemande après 1945. Ils font partie de ces « zones de mutation »60 dans une phase de transition historique et reflètent des processus de transformation, qui en font un révélateur ou un instrument de mesure des relations bilatérales après 1945. Ils ont créé des structures de dialogue institutionnalisées et ont rendu possible le début d’une évolution, qui permit de combler les fossés psychologiques profonds au lendemain d’une période de confrontation. Après une phase de non-relation qui suivit la Première Guerre mondiale et de mobilisation de la science historique à des fins idéologiques pendant l’occupation de la France par l’Allemagne nazie, ils ont contribué à démolir l’inimitié, la haine et le ressentiment dans les années 1950 et 1960, pour les remplacer, aussi rapidement que possible, par le bon voisinage, la confiance et l’amitié. En 1961, un diplomate ouest-allemand souligna quelle fonction majeure les relations entre historiens et plus généralement les relations scientifiques pouvaient avoir pour la compréhension franco-allemande :

  • 61  Vermerk der bundesdeutschen Botschaft in Paris von 1961, in : U. Pfeil, Vorgeschichte (note 38), p (...)

« Les relations culturelles entre la France et l’Allemagne ont une importance qu’on ne peut jamais assez souligner pour la consolidation de la relation globale entre les deux pays. Dans ce cadre, il faut tout particulièrement insister sur le rôle de la science »61.

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Notes

1  Cf. Aleida Assmann, Das neue Unbehagen an der Erinnerungskultur. Eine Intervention, Munich, Beck, 2013.

2  Geiko Müller-Fahrenholz, « Heilt die Zeit alle Wunden ? Vergebung in der Politik – Eine Friedensaufgabe », in : Dieter Senghaas (éd.), Frieden machen, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 2000, p. 189-205, ici p. 198.

3  Juan Guttierrez, « Friedens- und Versöhnungsarbeit. Konzepte und Praxis. Unterwegs zu einer dauerhaften, friedensschaffenden Versöhnung », in : Jörg Calliess (éd.), Agenda for Peace : Reconciliation/Agenda für den Frieden : Versöhnung (Loccumer Protokolle 55/98), Rehburg-Loccum, 1999, p. 152-196, ici p. 172.

4  Hermann Oncken, Nation und Geschichte (1924), Berlin, Grote, 1935, p. 197.

5  Hermann Heimpel, « Internationaler Historikertag in Paris », Geschichte in Wissenschaft und Unterricht (GWU), 1/9 (1950), p. 556-559, ici p. 556 sq. Voir aussi Karl Dietrich Erdmann, Die Ökumene der Historiker. Geschichte der Internationalen Historikerkongresse und des Comité International des Sciences Historiques, Göttingen, V&R, 1987, p. 274 sqq.

6  Voir au sujet de la « réconciliation », Corine Defrance, Ulrich Pfeil, « Verständigung und Versöhnung. Eine Herausforderung für Deutschland nach 1945 », in : id. (éd.), Verständigung und Versöhnung nach dem “Zivilisationsbruch” ? Deutschland in Europa nach 1945, Bruxelles, Peter Lang Verlag, 2016, p. 13-53 ; Corine Defrance (éd.), « “La réconciliation” après les conflits : un “savoir-faire” européen ? », Les Cahiers SIRICE, 1 (2016), n° 15.

7  Winfried Schulze, « Der Neubeginn der deutschen Geschichtswissenschaft nach 1945. Einsichten und Absichtserklärungen der Historiker nach der Katastrophe », in : Ernst Schulin (éd.), Deutsche Geschichtswissenschaft nach dem Zweiten Weltkrieg (1945-1965), Munich, Oldenbourg, 1989, p. 1-37, ici p. 25 sqq.

8  Édouard Husson, Comprendre Hitler et la Shoah. Les historiens de la République fédérale d’Allemagne et l’identité allemande depuis 1949, Paris, PUF, 2000, p. 76, note 1 : « [Gerhard] Ritter semble ne s’être jamais défait d’une dose de francophobie ; en 1953, au Congrès des historiens de Brême, il se livre à un réquisitoire contre le courant des Annales, qui à ses yeux est tout imprégné de marxisme » ; Bericht über die 22. Versammlung deutscher Historiker in Bremen, 17.-19. September 1953, Stuttgart 1954, p. 33 sq.

9  Cf. Christoph Cornelissen, Gerhard Ritter. Geschichtswissenschaft und Politik im 20. Jahrhundert, Düsseldorf, Droste, 2001.

10  Rapport non signé (Schmittlein ?), cité d’après Corine Defrance, Les Alliés occidentaux et les universités allemandes 1945-1949 (préface du professeur Hans-Peter Schwarz), Paris, CNRS Éditions, 2000, p. 351.

11  Voir pour sa biographie, Corine Defrance, « Raymond Schmittlein (1904-1974). Leben und Werk eines französischen Gründungsvaters der Universität », in : Michael Kissener, Helmuth Mathy (éd.), Ut omnes unum sint (Teil 1). Gründungspersönlichkeiten der Johannes Gutenberg-Universität, Stuttgart, Steiner (Beiträge zur Geschichte der Johannes Gutenberg-Universität Mainz, Neue Folge Bd. 2), 2005, p. 11-30.

12  Cf. « Résolution ». Texte remis à M. Roland Gosselin par M. le Professeur Fritz Kern, le 26 août 1948, Papiers privés de Pierre Riché (Paris).

13  Cf. Ch. Cornelissen, Gerhard Ritter (note 9), p. 470 sqq. ; Corine Defrance, « Die internationalen Historikertreffen von Speyer. Erste Kontaktaufnahme zwischen deutschen und französischen Historikern nach dem Zweiten Weltkrieg », in : Ulrich Pfeil (éd.), Die Rückkehr der deutschen Geschichtswissenschaft in die “Ökumene der Historiker” nach 1945. Ein wissenschaftsgeschichtlicher Ansatz, Munich, Oldenbourg, 2008, p. 213-237.

14  Norbert Ropers, « Prävention und Friedenskonsolidierung als Aufgabe für gesellschaftliche Akteure », in : D. Senghaas (éd.), Frieden machen (note 2), p. 219-242, ici p. 231.

15  Cf. Ulrich Pfeil (éd.), Das Deutsche Historische Institut Paris und seine Gründungsväter. Ein personengeschichtlicher Ansatz, Munich, Oldenbourg, 2007.

16  H.W. Erbe, « Internationales Historikertreffen in Speyer », GWU, 1 (1950), p. 301 sqq.

17  Cf. Corine Defrance, La politique culturelle de la France sur la rive gauche du Rhin, 1945-1955, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 1994, p. 247-253.

18  Cf. Gerd Tellenbach, Aus erinnerter Zeitgeschichte, Fribourg-en-Brisgau, Wagner, 1981.

19  Cf. Wolfgang W. Mickel, « Streit um die Nation. Die Deutsche Frage in der politischen Bildung », Aus Politik und Zeitgeschichte, B 25 (2000), p. 3-10, ici p. 6.

20  « III. Internationaler Historikerkongreß vom 17.-20. Oktober 1949 », GWU, 1 (1950), p. 52.

21  Cf. Otto-Ernst Schüddekopf, Zwanzig Jahre Westeuropäischer Schulgeschichtsbuchrevision 1945-1965. Tatsachen und Probleme, Braunschweig, Limbach, 1966.

22  « III. Internationaler Historikerkongreß vom 17.-20.10.1949 » (note 20), p. 52 sq.

23  Voir sur la place de l’Abendland dans la société ouest-allemande pendant les années 1950, Axel Schildt, Konservatismus in Deutschland. Von den Anfängen im 18. Jahrhundert bis zur Gegenwart, Munich, Beck, 1998, p. 215 sqq. ; id., Zwischen Abendland und Amerika. Studien zur westdeutschen Ideenlandschaft der 50er Jahre, Munich, Oldenbourg, 1999 ; id., Ankunft im Westen. Ein Essay zur Erfolgsgeschichte der Bundesrepublik, Francfort-sur-le-Main, Fischer, 1999, p. 149 sqq.

24  Cf. Winfried Schulze, Corine Defrance, Die Gründung des Instituts für Europäische Geschichte Mainz, Mayence, von Zabern, 1992 ; Institut für Europäische Geschichte Mainz 1950-2000. Eine Dokumentation, Mayence, von Zabern, 2000.

25  Gerhard Ritter à Max Braubach, 15 janvier 1953, Universitätsarchiv Bonn, Nachlass Max Braubach, vol. 189 (2).

26  Rainer Riemenschneider, « Verständigung und Verstehen. Ein halbes Jahrhundert deutsch-französischer Schulbuchgespräche », in : Hans-Jürgen Pandel (éd.), Verstehen und Verständigung, Pfaffenweiler, Centaurus-Verlags-Gesellschaft (Jahrbuch für Geschichtsdidaktik, vol. 2/1990), 1991, p. 137-148, ici p. 142.

27  Rainer Bendick, « Irrwege und Wege aus der Feindschaft. Deutsch-französische Schulbuchgespräche im 20. Jahrhundert », in : Kurt Hochstuhl (éd.), Deutsche und Franzosen im zusammenwachsenden Europa 1945-2000 (Werkhefte der Staatlichen Archivverwaltung Baden-Württemberg, Serie A Landesarchivdirektion, Heft 18), Stuttgart, 2003, p. 73-103 ; Romain Faure, Netzwerke der Kulturdiplomatie. Die internationale Schulbuchrevision in Europa 1949-1989, Berlin, De Gruyter/ Oldenbourg, 2015.

28  Gerhard Glogowski, « Das Georg-Eckert-Institut und sein Beitrag zur internationalen Verständigung », in : Internationale Verständigung. 25 Jahre Georg-Eckert-Institut für internationale Schulbuchforschung in Braunschweig, Hanovre, 2000 ; Rainer Riemenschneider, « Georg Eckert und das Internationale Schulbuchinstitut in Braunschweig », in : Ulrich Pfeil (éd.), Die Rückkehr der deutschen Geschichtswissenschaft (note 13), p. 115-131.

29  R. Riemenschneider, « Verständigung und Verstehen » (note 26), p. 142.

30  Cf. Rainer Riemenschneider, « Verständigung und Verstehen. Ein halbes Jahrhundert Deutsch-französische Schulbuchgespräche », Dokumente, 5 (1990), p. 400-407 ; id. : « Transnationale Konfliktbearbeitung. Die deutsch-französischen und die deutsch-polnischen Schulbuchgespräche im Vergleich, 1935-1997 », Internationale Schulbuchforschung, 20/1 (1998), p. 71-79 ; Corine Defrance, Ulrich Pfeil, « Au service du rapprochement franco-allemand. Dialogue d’historiens de part et d’autre du Rhin », in : Georges Mink, Laure Neumayer (éd.), L’Europe et ses passés douloureux, Paris, La Découverte, 2007, p. 91-103.

31  Cf. Ulrich Pfeil, « Jacques Droz und die Geschichtsbilder der deutschen Geschichte », in : Michel Grunewald et al. (éd.), France-Allemagne au xxe siècle – La production de savoir sur l’autre, vol. 2, Berne, Peter Lang, 2012, p. 231-246.

32  « Les rencontres de professeurs français et allemands », Le Monde, 9 novembre 1954.

33  Robert de Nerciat, consul général de France à Munich, à Christian de Margerie, ministre plénipotentiaire, chargé d’affaires de France près de la RFA, 6 août 1956, MAE/Nantes, Bonn/Ambassade, 171.

34  Die deutsch-französischen Beziehungen im Mittelalter. Ergebnisse der deutsch-französischen Historikertagung, Bamberg 19.-22.7.1956, Politisches Archiv des Auswärtigen Amtes (PA/AA), B 90-600, vol. 204.

35  Christoph Conrad, Sebastian Conrad, « Wie vergleicht man Historiographien », in : id. (éd.), Die Nation schreiben : Geschichtswissenschaft im internationalen Vergleich, Göttingen, V&R, 2002, p. 11-45, ici p. 15.

36  Cf. Rainer Riemenschneider, « An der Schwelle zur Wiederaufnahme der deutsch-französischen Schulbuchkonferenzen », Internationale Schulbuchforschung, 3/1 (1981), p. 72-82 ; J.-M. D’Hoop, « Un aspect des relations intellectuelles franco-allemandes contemporaines : la coopération dans la recherche et l’enseignement de l’histoire », Historiens et Géographes, 70 (1980), n° 280, p. 107-123.

37  Cf. Corine Defrance, Ulrich Pfeil, « Symbol or reality ? The background, implementation and development of the Franco-German history textbook », in : Karina V. Korostelina, Simone Lässig (éd.), History Education and Post-Conflict Reconciliation, New York, Routledge, 2013, p. 52-68.

38  Notiz von Eugen Ewig für Konrad Adenauer, (s.d. été 1952), édité dans Ulrich Pfeil, Vorgeschichte und Gründung des Deutschen Historischen Instituts Paris. Darstellung und Dokumentation, Ostfildern, Thorbecke, 2007, p. 285 sq.

39  Cf. Walter Hallstein à Eugen Ewig, 23 décembre 1952, in : U. Pfeil, Vorgeschichte (note 38), p. 287.

40  Rudolf Salat à Eugen Ewig, 30 décembre 1952, in : U. Pfeil, Vorgeschichte (note 38), p. 287.

41  Rudolf Salat à Eugen Ewig, 27 mars 1953, in : U. Pfeil, Vorgeschichte (note 38), p. 288.

42  Eugen Ewig à Rudolf Salat, 21 mai 1953, in : U. Pfeil, Vorgeschichte (note 38), p. 288.

43  Rudolf Salat à Eugen Ewig, 5 août 1953, in : U. Pfeil, Vorgeschichte (note 38), p. 290.

44  Vorlage des Referates 9 im Bundeskanzleramt für den Staatssekretär, 27 décembre 1954, Bundesarchiv Koblenz (BAK), B 136, vol. 912, p. 265-267.

45  Gerd Tellenbach à Wilhelm Grau, 27.12.1954, BAK, B 136, vol. 912, p. 271-274.

46  Ibid., p. 271.

47  Vorlage des Referates 9 für den Staatssekretär, 27 décembre 1954, BAK, B 136, vol. 912, p. 265 sqq.

48  BMI à Hübinger 16 mars 1954, Universitätsarchiv Bonn, Nachlass Hübinger, vol. 184.

49  Paul Egon Hübinger à Wilhelm Grau, 23 décembre 1954, BAK, B 136, vol. 912, p. 262.

50  Cf. Ulrich Pfeil, « Eugen Ewig – “Créer un ordre transnational”. Von einem Mittler zwischen Deutschland und Frankreich », in : id. (éd.), Das Deutsche Historische Institut Paris und seine Gründungsväter. Ein personengeschichtlicher Ansatz, Munich, Oldenbourg, 2007, p. 293-322.

51  Vgl. Vorlage des Referates 9 (Wilhelm Grau) « Betr. : Historische Forschungsstation in Paris », mars 1955, BAK, B 136, vol. 912, p. 282 sqq.

52  Bericht der Diplomatischen Vertretung der Bundesrepublik Deutschland zum Plan einer deutschen geschichtswissenschaftlichen Station in Paris, 16 mars 1955, BAK, B 136, vol. 912, p. 287-291.

53  Vermerk über eine Besprechung im Bundeskanzleramt vom 17.1.1956, 11.00 Uhr zum Plan einer deutschen geschichtswissenschaftlichen Station in Paris, 20 janvier 1956, PA/AA, B 94, vol. 615.

54  Eugen Ewig au Bundeskanzleramt, 30 janvier 1956, BAK, B 136, vol. 912, p. 336.

55  Cf. Eckard Michels, Das Deutsche Institut in Paris 1940-1944. Ein Beitrag zu den deutsch-französischen Kulturbeziehungen und zur auswärtigen Kulturpolitik des Dritten Reiches, Stuttgart, Steiner, 1993 ; Frank-Rutger Hausmann, “Auch im Krieg schweigen die Musen nicht”. Die Deutschen Wissenschaftlichen Institute im Zweiten Weltkrieg, Göttingen, V&R, 2001.

56  « Bericht über meine Sondierung in Paris zwecks Errichtung einer deutschen Forschungsstelle », mars 1956, BAK, B 136, vol. 912, p. 353 sqq.

57  Cf. Ulrich Pfeil, « Die ‘Generation 1910’. Rheinisch-katholische Mediävisten vom ‘Dritten Reich’ zur Bundesrepublik », Geschichte im Westen, 26 (2011), p. 61-87.

58  Robert Schuman à Konrad Adenauer, 5 juin 1958 ; Konrad Adenauer à Robert Schuman, 24 juin 1958, BAK, B 136, vol. 3036.

59  Tagungsbericht von Eugen Ewig, 2 juin 1961, BAK, B 250, vol. 7.

60  Voir pour la terminologie : Wilfried Loth, Bernd A. Rusinek (éd.), Verwandlungspolitik. NS-Eliten in der westdeutschen Nachkriegsgesellschaft, Francfort-sur-le-Main/New York, Campus, 1998.

61  Vermerk der bundesdeutschen Botschaft in Paris von 1961, in : U. Pfeil, Vorgeschichte (note 38), p. 467 sq.

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Pour citer cet article

Référence papier

Ulrich Pfeil, « Les relations entre historiens français et allemands dans les années 1950 et 1960. Entre nouvelles orientations politiques et processus de mutations scientifiques »Revue d’Allemagne et des pays de langue allemande, 48-2 | 2016, 439-451.

Référence électronique

Ulrich Pfeil, « Les relations entre historiens français et allemands dans les années 1950 et 1960. Entre nouvelles orientations politiques et processus de mutations scientifiques »Revue d’Allemagne et des pays de langue allemande [En ligne], 48-2 | 2016, mis en ligne le 28 décembre 2017, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/allemagne/407 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/allemagne.407

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Auteur

Ulrich Pfeil

Professeur de civilisation allemande à l’Université de Lorraine, Metz

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