Hildegard Haberl, Anne-Marie Pailhès (dir.), Jardins d’Allemagne. Transferts, théories, imaginaires
Hildegard Haberl, Anne-Marie Pailhès (dir.), Jardins d’Allemagne. Transferts, théories, imaginaires, Paris, Honoré Champion, 2014, 267 p.
Texte intégral
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« […] [L]e jardin ne joue pas seulement son rôle de médiateur par sa fonction de communication ; il incarne également une utopie qui renvoie tant au passé qu’à l’avenir, jetant de cette manière un pont entre les époques » (Marion Dufresne, p. 236).
2Dans cet ouvrage dirigé par Hildegard Haberl et Anne-Marie Pailhès, composé de treize articles répartis en trois axes thématiques distincts et bien équilibrés, couvrant près de quatre siècles (du xviiie au xxie siècles), le jardin fait l’objet d’analyses précises et variées présentant un intérêt à la fois interculturel, transdisciplinaire, civilisationnel, littéraire et linguistique. Lieu de repos, de méditation, de recueillement et de villégiature, lieu utopique, protecteur et symbolique, le jardin revêt une dimension à la fois individuelle et collective où le promeneur se retrouve en même temps face à lui-même et au sein d’une microsociété. Empreint d’historicité et d’esthétisme, le jardin constitue le lieu propice aux influences étrangères, aux échanges artistiques et, par conséquent, aux transferts culturels. Même si, à travers lui, des stéréotypes et des discours nationaux, voire nationalistes peuvent émerger, le jardin porte les traces d’une mémoire collective et de l’universalité. L’une des fonctions majeures du jardin – lié fort logiquement à l’univers organique – consiste à lutter contre un urbanisme exacerbé pour rebâtir une relation harmonieuse entre l’homme et la ville. Lieu synesthésique par excellence, le jardin, offrant un cadre favorable à l’expérience sensorielle, peut même remplir une fonction cathartique. Ainsi, même si certains agencements renvoient au travail de l’homme et donc à une beauté végétale artificielle, le jardin présente les caractéristiques d’un spectacle visuel et olfactif dont « les tendances esthétiques […] passent outre les frontières » (Isabelle Krzywkowski, p. 209).
3Les trois articles de la première partie sont consacrés essentiellement à la dimension culturelle et historique du jardin et à la manière dont la France (Stefan Schweizer, Marie-Ange Maillet), la Russie (Anna Ananieva) et l’Angleterre (Marie-Ange Maillet) ont contribué à nourrir l’architecture végétale et florale en Allemagne. Le jardinier devient alors un artiste à part entière et élève son œuvre au rang d’une authentique œuvre d’art, fruit d’un savoir-faire pluriculturel et transfrontalier. Dans la deuxième partie, les cinq auteurs étudient les aspects théoriques et politiques du jardin soit en partant des ouvrages relatifs au sujet de Christian Cay Lorenz Hirschfeld (Hildegard Haberl) et de Leberecht Migge (David H. Haney), soit en se référant à une période précise de l’histoire : l’Allemagne wilhelminienne (Marino Pulliero), la RDA (Ralf Pannowitsch, Anne-Marie Pailhès) ou l’Allemagne réunifiée (Anne-Marie Pailhès). Ces cinq articles présentent le jardin comme un lieu éducatif et pédagogique (Stefan Haney), comme une « surface de projection qui sert de révélateur à la société des hommes » (Anne-Marie Pailhès, p. 159), imitant les cultures étrangères (Marino Pulliero, Anne-Marie Pailhès) tout en se faisant le relais d’un certain patriotisme (Hildegard Haberl). La troisième partie, composée de cinq contributions, met l’accent sur les aspects littéraires (Ekkehard Knörer, Isabelle Krzywkowski, Marion Dufresne et Léonie Glabau) et linguistiques (Nicole Fernandez-Bravo) du jardin. Le jardin prend ici les traits du jardin d’Eden, d’une utopie, d’un non-lieu où le temps est à la fois figé (instantané d’une époque) et éphémère, donc intimement lié à la mort (Léonie Glabau). Relevant d’une multitude de champs, les excellentes analyses traversant les diverses contributions font apparaître le jardin comme un enjeu culturel, esthétique et historique majeur de l’espace germanophone et ouvrent de multiples pistes pour de futures investigations.
Pour citer cet article
Référence papier
Ingrid Lacheny, « Hildegard Haberl, Anne-Marie Pailhès (dir.), Jardins d’Allemagne. Transferts, théories, imaginaires », Revue d’Allemagne et des pays de langue allemande, 46-2 | 2014, 513.
Référence électronique
Ingrid Lacheny, « Hildegard Haberl, Anne-Marie Pailhès (dir.), Jardins d’Allemagne. Transferts, théories, imaginaires », Revue d’Allemagne et des pays de langue allemande [En ligne], 46-2 | 2014, mis en ligne le 29 juillet 2019, consulté le 15 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/allemagne/1729 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/allemagne.1729
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