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Italiques

Tristan Siegmann, Berlin. Lieux, traces, frontières. La photographie à l’épreuve des transformations sociales

Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2013
Corine Defrance
p. 512
Référence(s) :

Tristan Siegmann, Berlin. Lieux, traces, frontières. La photographie à l’épreuve des transformations sociales, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2013, 48 p. (préface de Jérôme Vaillant)

Texte intégral

1À l’automne 2010, une série de clichés du photographe et grand reporter Tristan Siegmann a été exposée à l’espace « Cosmopolis » de Nantes, sous le titre « Berlin : lieux, traces, frontières. La photographie à l’épreuve des transformations sociales ». C’est une sélection d’une trentaine de ces photographies, réalisée par l’auteur, que Jérôme Vaillant propose ici, accompagnée de textes d’éminents spécialistes de l’Allemagne. Le principe est fructueux et des germanistes, historiens, sociologues commentent librement ce que leur inspirent ces photos de 2005/2006, prises dans le quartier de Friedrichshain (anciennement Berlin-Est).

2Tous les commentateurs sont marqués par le choix – nostalgique pour les uns, intemporel et esthétique pour les autres – du noir et blanc, par l’absence quasi complète des individus, mais par l’omniprésence de leurs traces, témoignant de la façon dont ils s’approprient la ville. Jean-Louis Georget, l’un des initiateurs du projet, insiste sur les notions d’interstice, de passage, d’entre-deux géographique et temporel, de monde en devenir que donnent à voir les photographies de Siegmann. Il nous livre quelques clés pour comprendre la démarche de l’artiste et son parcours. Bénédicte Zimmermann décrypte ce que ces clichés révèlent des évolutions sociales et économiques sur une plus longue durée : elle souligne combien le photographe est fasciné par la privatisation et la clôture de l’espace, par la redéfinition des rapports entre public et privé, l’individuel et le collectif, les effets de superposition entre marxisme et capitalisme. Elle voit dans la démarche de Siegmann une possibilité, au-delà de Berlin, d’interroger les évolutions de toutes les grandes métropoles et de nos sociétés. Guillaume Robin recontextualise le travail du photographe en mettant en exergue les partis pris social et esthétique révélés par l’exploration de Friedrichshain, car ce quartier a une histoire très singulière. Il a été tout à la fois la vitrine de l’architecture stalinienne, le lieu de la répression du 17 juin 1953, mais aussi un centre culturel particulièrement dynamique. Enfin Jay Rowell interprète les photographies non seulement au regard de sa sensibilité personnelle, mais aussi et surtout au miroir de la symbolique collective conférée à l’urbanisme et à l’architecture par les acteurs politiques, et produite par l’histoire et la mémoire. Ainsi est-il saisi par le décalage entre les projets politiques, souvent révolutionnaires, pour transformer l’espace urbain, et leur échec spectaculaire. Il invite le lecteur à prêter attention aux espaces vides et indéterminés, aux cicatrices du passé, qui sont l’une des principales caractéristiques de Berlin et où se lisent les tensions actuelles qui traversent la capitale.

3Ce petit ouvrage invite le lecteur à suivre son propre cheminement entre ces traces stratifiées, à revisiter Berlin, son passé et ses évolutions en cours en démultipliant les regards sur l’objet, en confrontant le point de vue esthétique à ceux – divers – des sciences sociales, en se reposant finalement la question de ce qu’est un lieu, une trace voire une frontière. Car celui qui s’attendait à trouver au cœur des photographies de Siegmann la trace du Mur, qui pendant 28 ans a divisé la ville, l’Allemagne, l’Europe et le Monde, sera surpris de n’en trouver que deux clichés (dont celui reproduit en couverture). Ce sont d’autres murs, d’autres portes ou fenêtres fermées, évoquant d’autres frontières (sociales, économiques, culturelles) qui arrêtent aujourd’hui le regard du photographe, du chercheur, du promeneur. Ces photographies puissantes, commentées avec intelligence et sensibilité, composent un ensemble subjectif, qui traduit le point de vue du photographe situé dans le temps et l’espace : Friedrichshain il y a bientôt dix ans. Ces clichés vides d’hommes et de vie sont angoissants : friches industrielles, bâtiments délabrés, voies sans issues, omniprésence de la trace de ce qui n’est plus donnent le sentiment d’un monde à l’abandon. Le promeneur contemporain arpentant ce même quartier, désormais en pleine gentrification, aura à n’en pas douter une autre perception des mutations sociales. Cet ouvrage lui sera un précieux point de départ pour un nouveau dialogue avec la ville et son histoire.

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Pour citer cet article

Référence papier

Corine Defrance, « Tristan Siegmann, Berlin. Lieux, traces, frontières. La photographie à l’épreuve des transformations sociales »Revue d’Allemagne et des pays de langue allemande, 46-2 | 2014, 512.

Référence électronique

Corine Defrance, « Tristan Siegmann, Berlin. Lieux, traces, frontières. La photographie à l’épreuve des transformations sociales »Revue d’Allemagne et des pays de langue allemande [En ligne], 46-2 | 2014, mis en ligne le 29 juillet 2019, consulté le 17 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/allemagne/1722 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/allemagne.1722

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Auteur

Corine Defrance

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