Luigi Délia et Éthel Groffier, La vision nouvelle de la société dans L’Encyclopédie méthodique, volume I, Jurisprudence. Josiane Boulad-Ayoub, La vision nouvelle de la société dans L’Encyclopédie méthodique, volume II, Assemblée Constituante
Luigi Délia et Éthel Groffier, La vision nouvelle de la société dans L’Encyclopédie méthodique, volume I, Jurisprudence. Québec, Presses de l’Université Laval, 2012, 546 p., ISBN 978-2-7637-1524-7, 32 €.
Josiane Boulad-Ayoub, La vision nouvelle de la société dans L’Encyclopédie méthodique, volume II, Assemblée Constituante. Québec, Presses de l’Université Laval, 2013, 590 p. ISBN 978-2-7637-1755-5, 48 €.
Texte intégral
1Pour rendre plus accessible à un vaste public le contenu de « la Méthodique » qui, « à cause de son gigantisme même, […] est restée largement méconnue », les Presses de l’Université Laval ont confié à la philosophe Josiane Boulad-Ayoub le soin de diriger une équipe chargée de publier une anthologie de la collection conçue par Charles-Joseph Panckoucke comme devant « tenir lieu dans les cabinets des Savants et des Amateurs peu riches, d’une multitude d’autres livres dont l’acquisition partielle leur coûterait le centuple de cette Encyclopédie méthodique ». Afin de répondre à cet ample programme, plus de deux cents volumes ont paru entre 1782 et 1832. L’originalité de cette entreprise éditoriale réside dans le fait que chaque matière fait l’objet d’un ouvrage unique, en un ou plusieurs tomes, qui constitue un dictionnaire spécialisé au sein duquel les articles sont classés par ordre alphabétique. L’ambition des éditeurs de l’anthologie est de refléter, sous une forme forcément réduite, la richesse des divers dictionnaires thématiques et de « présenter au large public intéressé par le développement des sciences humaines une sélection des articles qui ont le plus de résonance actuelle », assortis d’analyses scientifiques éclairant le contexte de leur écriture. La difficulté majeure d’une telle publication se trouve, comme celle de toute anthologie, dans les choix effectués.
2La première livraison est, à cet égard, rassurante. Les auteurs, une juriste et un philosophe, ont réussi, de part et d’autre de l’Atlantique, à grouper sous le titre Jurisprudence, une soixante d’extraits d’une à une dizaine de pages, issus des dix premiers volumes de l’EM parus de 1782 à 1791, constituant le Dictionnaire de jurisprudence et le Dictionnaire de police et municipalités. Dans le premier, la répression des délits et le droit criminel se taillent la part du lion, mais le droit de la famille et les projets de réforme sociale ne sont pas négligés. Les auteurs de ce choix éclairent opportunément la « méthode » suivie dans l’élaboration de la nouvelle encyclopédie, ainsi que la personnalité de ceux qui y ont participé. Les morceaux choisis sont précédés d’une analyse globale soulignant à la fois l’originalité des contributions et les rapports entre l’Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers et celle que Panckoucke avait conçu comme la « Bibliothèque complète et universelle de toutes les connaissances humaines ». La Méthodique reprend d’ailleurs parfois des articles de son aînée : tel le premier texte de l’anthologie ici présentée, « autorité politique », emprunté à Diderot. Le Répertoire universel et raisonné de jurisprudence de Guyot a été largement sollicité et donc, indirectement, les nombreuses contributions de Merlin de Douai à celui-ci. Certains auteurs de la nouvelle encyclopédie deviendront célèbres, comme Henrion de Pansey ou Garran de Coulon, sans oublier André-Jean Boucher d’Argis, fils du collaborateur de la première encyclopédie et qui mourra sur l’échafaud en l’an II. La multiplicité des auteurs sollicités rend certes la qualité de l’ouvrage disparate ; de plus, la description du système juridique en vigueur à la fin de l’Ancien Régime est devenue obsolète à partir de 1789, ce que les critiques contemporains n’ont pas manqué de souligner. Cependant, les textes – judicieusement choisis – présentent dès lors « une valeur historique certaine en ce qu’ils donnent un bon aperçu des abus à réformer et des projets pour ce faire ».
3Sous le titre Dictionnaire de police et municipalités, les volumes IX et X de L’Encyclopédie méthodique ont paru au cours des deux premières années de la Révolution. Outre le ton résolument réformateur du contenu, leur particularité résulte du fait qu’ils sont l’œuvre d’un auteur unique : Jacques Peuchet – auquel l’un des deux auteurs du présent livre a consacré un ouvrage : Éthel Groffier, Jacques Peuchet (1758-1830), Québec, Presses de l’Université Laval, 2009 – avocat, journaliste, géographe, économiste…, ancien collaborateur de Morellet, qui sera élu à plusieurs reprises au cours de la Révolution lors d’élections administratives locales, et emprisonné après le 10 août 1792 et après fructidor an V, tout en devenant un spécialiste de la police, au sens ancien du terme. Les deux volumes composés par lui présentent, en conséquence, une unité que n’avaient pas les précédents. Il a, au surplus, suivi scrupuleusement les consignes de Panckoucke, faisant précéder les différentes entrées d’un Discours préliminaire, et dessinant, à la fin, un Tableau général et méthodique de la police pour servir de plan de lecture au dictionnaire de la Police et de la Municipalité.
4C’est également Peuchet qui a choisi les textes composant la deuxième livraison de l’anthologie. Désireux de manifester le modernisme de sa collection encyclopédique, Panckoucke lui confia la rédaction d’une histoire de la Révolution en train de se faire, afin de donner « une idée vraie de la Révolution » selon l’expression de Jacques Peuchet lui-même. Trois tomes en plusieurs volumes étaient prévus, mais le projet tourna court, tant en raison des événements politiques que de l’amollissement de l’enthousiasme révolutionnaire de l’auteur, si bien que seul le premier volume du tome II a vu le jour, à la fin de 1791, réunissant une partie des débats de la Constituante groupés, puisqu’il s’agit d’un dictionnaire, sous des rubriques classées par ordre alphabétique : Académie, Acadiens…, Assignat, Avignon…, en passant par Acte constitutionnel et Assemblée constituante, parmi d’autres. L’intérêt de publier aujourd’hui un tel échantillonnage forcément tronqué peut sembler mineur aux yeux de chercheurs familiers des Archives parlementaires et dont la préférence va aux matériaux bruts et complets. Il réside essentiellement dans l’analyse de la méthode suivie par Peuchet qui suit fidèlement, ici aussi, les directives de Panckoucke, insérant chaque article dans le contexte des débats et nouant les liens qui unissent son contenu à d’autres publications contemporaines. Le classement même de chaque entrée selon des rubriques prédéfinies est justifié ainsi dans l’Avertissement sur cette Partie du Dictionnaire encyclopédique de l’Assemblée nationale daté du 6 novembre 1791 : « […] dans les questions de fait, c’est toujours le personnage ou le lieu principal de l’événement qui indique les débats ; dans les questions de droit politique, de législation, c’est l’objet principal, celui sur lequel portait le sens ou l’intention de la délibération qui a été préféré. Ainsi pour exemple du premier genre, les événements de la retraite du roi à Montmédy et de son retour forcé à Paris, sont placés au mot roi, événement ; pour exemple du second genre, ce même mot roi, législation, indiquera la série des débats qui ont eu lieu sur son inviolabilité, ses droits à la couronne, etc ». Une telle reconstruction rend-elle plus accessibles les délibérations des Constituants au « large public » visé par l’anthologie d’aujourd’hui ? Ce volume éclaire, en tout cas, la pensée et les choix politiques de Jacques Peuchet, un peu délaissé par l’historiographie de ce côté-ci de l’Atlantique.
Pour citer cet article
Référence papier
Jean Bart, « Luigi Délia et Éthel Groffier, La vision nouvelle de la société dans L’Encyclopédie méthodique, volume I, Jurisprudence. Josiane Boulad-Ayoub, La vision nouvelle de la société dans L’Encyclopédie méthodique, volume II, Assemblée Constituante », Annales historiques de la Révolution française, 376 | 2014, 193-195.
Référence électronique
Jean Bart, « Luigi Délia et Éthel Groffier, La vision nouvelle de la société dans L’Encyclopédie méthodique, volume I, Jurisprudence. Josiane Boulad-Ayoub, La vision nouvelle de la société dans L’Encyclopédie méthodique, volume II, Assemblée Constituante », Annales historiques de la Révolution française [En ligne], 376 | avril-juin 2014, mis en ligne le 11 juillet 2014, consulté le 14 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ahrf/13193 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ahrf.13193
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