Laurent Boscher, Histoire des prisonniers politiques, 1792-1848. Le châtiment des vaincus
Laurent Boscher, Histoire des prisonniers politiques, 1792-1848. Le châtiment des vaincus, Paris, L’Harmattan, 2008, 396 p., ISBN 978-2-296-05115-7, 38.50 €.
Texte intégral
1Après avoir récemment publié une Histoire de la répression des opposants, consacrée aux mêmes années 1792-1848, Laurent Boscher propose ici un second volet réservé aux « prisonniers politiques ». Le plan distingue différents épisodes chronologiques regroupés en quatre parties successives : « La République (1792-1799) », puis « Le Consulat et l’Empire (1799-1814) » (observons au passage que la République ne disparaît pas en 1799…), enfin les années 1814-1830 et 1830-1848. Chacune est subdivisée en chapitres qui, eux, se veulent thématiques. Ainsi, la première partie voit-elle se succéder des lieux de répression et/ou d’enfermement : « Paris », « La province », « L’exil », « Les îles de Ré et d’Oléron, « Cherbourg » et « La Guyane ».
2La relative rareté des notes de bas de page et la composition de la bibliographie attestent d’emblée que l’ouvrage prétend avant tout être une synthèse, davantage qu’une véritable recherche. Les lacunes bibliographiques sont en effet nombreuses et, à titre d’exemple, l’auteur du présent compte rendu ne peut que déplorer le fait que la déportation en Guyane de Collot d’Herbois et Billaud-Varenne, et donc les biographies de ces personnages clef, soient évoquées avec le « travail » de J. Guilaine et des ouvrages généraux sur la déportation. Cela nous vaut, comme on pouvait s’y attendre, un certain nombre d’erreurs factuelles, notamment sur le fait que Barère et Vadier auraient tous deux réussi à échapper à l’arrestation, Collot d’Herbois et Billaud-Varenne étant seuls expédiés à Oléron dans l’attente de leur traversée vers la Guyane (p. 72 et 85). Rappelons ici que, si Vadier s’est soustrait à l’arrestation, Barère a bel et bien accompagné à Oléron ses deux anciens collègues du Comité de salut public, mais que, plus tard, l’ordre d’exécution de la déportation n’a de fait touché que Collot et Billaud. De la même façon, prétendre que, une fois arrivés en Guyane, le sort des deux déportés s’est quelque peu adouci grâce à une « humanité » nouvelle – consécutive à la mise en place du Directoire – relève d’une profonde méconnaissance de cet épisode. Passons, enfin, sur le refus de Billaud-Varenne d’accepter une liberté qui lui est proposée aux lendemains du coup d’État de Brumaire, qui amène ce commentaire : « [Billaud] avait fait le choix de prolonger son séjour équinoxial jusqu’à la fin de ses jours » (p. 88)… dire que le mot « choix » pose problème relève de l’euphémisme.
3Je ne cite là qu’un cas, pour être bref, mais d’autres exemples pourraient abonder dans le même sens pour les années 1792-1814. Qui plus est, l’auteur multiplie les appréciations pour le moins douteuses : la loi de prairial an II serait l’« œuvre de Robespierre » (p. 27) ; « la République jacobine [aurait sombré] corps et âmes dans les méandres inextricables de la répression la plus frénétique qui soit » (p. 16) ; la répression serait alors le « symbole paroxystique de la tyrannie la plus outrancière » (p. 51) ; « Nettement moins meurtrier que l’auréolée République, bien moins liberticide que la légendaire Convention, le régime bonapartiste, faute de postérité contemporaine [ah bon ? !], n’en demeure pas moins, aujourd’hui encore, et dans la tradition républicaine en tout cas, le symbole même du despotisme répressif le plus achevé qui soit. Pour combien de temps encore ? » (p. 169)…
4« Qui trop embrasse, mal étreint », dit le proverbe. Ajoutons que, au-delà du seul créneau chronologique retenu, l’« étreinte » est surtout faible par les connaissances apportées, par l’indigence de pans entiers de la bibliographie (parmi d’autres, les pages consacrées aux émigrés le prouvent), enfin par des jugements qui relèvent davantage de l’anathème que d’un véritable travail scientifique. Faire l’économie de cette lecture n’est pas une suggestion, mais un conseil appuyé.
Pour citer cet article
Référence papier
Michel Biard, « Laurent Boscher, Histoire des prisonniers politiques, 1792-1848. Le châtiment des vaincus », Annales historiques de la Révolution française, 355 | 2009, 225.
Référence électronique
Michel Biard, « Laurent Boscher, Histoire des prisonniers politiques, 1792-1848. Le châtiment des vaincus », Annales historiques de la Révolution française [En ligne], 355 | janvier-mars 2009, mis en ligne le 01 décembre 2009, consulté le 14 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ahrf/10773 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ahrf.10773
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