Le texte en partage
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- 1 Artemisia Vulgaris (2008), À la racine (2011), Les Ombres et les lèvres (2016), écrits et mis en sc (...)
1Créé en 2004, le collectif d’auteurs Lumière d’Août est composé de six membres : Marine Bachelot Nguyen, Juliette Pourquery de Boisserin, Alexis Fichet, Alexandre Koutchevsky, Laurent Quinton et Nicolas Richard. Revendiquant résolument leur implantation locale à Rennes, souvent en marge du circuit théâtral habituel représenté dans la capitale bretonne par l’imposant Théâtre National de Bretagne (TNB), les auteurs du collectif ont pu néanmoins bénéficier d’une exposition nationale, lors des créations justement au TNB1, lors de la journée de lectures au Jardin de la rue de Mons, intitulée « Pour l’instant », lors du Festival d’Avignon 2007, ou encore lors de la semaine que lui a consacrée le Théâtre de la Bastille en février 2011. Cependant, cette énumération ne rend, en aucun cas, compte de la multiplicité et de la diversité des créations depuis 2004, le plus souvent réalisées en Bretagne : les soirées ou marathons de lecture, les performances sonores ou artistiques, les spectacles déambulatoires, les soirées spéciales, ou encore les créations « plurielles », grand format composé de formes brèves créées par tous les membres du collectif.
2Mais, avant même la pluralité des modalités de création, ce sont le choix premier de l’association, et, incidemment, la dénomination « collectif d’auteurs » qui suscitent des interrogations, et ce d’autant plus que cette association n’est pas occasionnelle, mais semble sous-tendre durablement l’écriture : qu’est-ce qui fait collectif au sein de Lumière d’Août ? comment peuvent s’articuler écriture et collectif ? Est-ce que le collectif supplée l’auteur ?
Qu’est-ce qu’un collectif d’auteurs ?
- 2 Le Groupe Petrol assume une vision davantage expérimentale du collectif, perçu comme « un laboratoi (...)
- 3 « Lumière d’Août, croisement de textes », Frictions, n° 26, printemps-été 2016, p. 157.
3La question de l’acception du terme « collectif » se pose d’autant plus que l’idée d’une singularité essentielle de l’auteur n’est pas remise en cause au sein de Lumière d’Août. S’il est sans doute abusif de parler d’un romantisme ou d’une idéalisation de l’écriture, il est possible de déceler les marques d’une célébration, sur un mode mineur, de sa puissance poétique et politique à dire et troubler le monde. Il en résulte, en outre, le refus de l’écriture collective, comme peuvent le pratiquer d’autres collectifs d’auteurs dramatiques tels La Coopérative d’écriture ou le Groupe Petrol2, et l’affirmation de la signature individuelle. Marine Bachelot Nguyen, dans une présentation du collectif, écrit ainsi : « Nous avons toujours tenu à ce que chaque texte ou mise en scène soit signée. Fonctionner en collectif a permis à chacun d’entre nous, certainement, d’affirmer plus fortement sa singularité et son univers, ses angles et ses obsessions propres »3.
4Par ailleurs, la diversité incontestable des écritures de chacun des membres semble ruiner toute tentative d’identification du collectif à partir d’une esthétique commune. Marine Bachelot s’inscrit dans la lignée historique d’un théâtre militant et féministe, voire LGBT ; les textes de Juliette Pourquery de Boisserin, les moins ouvertement théâtraux du collectif, ressortiraient davantage à une écriture de l’intime, voire à l’autofiction ; ceux de Nicolas Richard à la poésie sonore. Laurent Quinton mêle dans ces pièces interrogations philosophiques, grotesque politique et références à la culture populaire, Alexis Fichet se rattache à l’histoire de la performance et des arts plastiques, avec une sensibilité marquée pour les questions scientifiques et environnementales. Quant aux textes d’Alexandre Koutchevsky, ils traquent les émotions fugitives, l’imminence du sentiment et sa disparition, le détail sensible qui bouleverse affectivement les êtres, et témoignent des intérêts historiques et aéronautiques de l’auteur.
- 4 En effet, l’écriture, aux débuts du collectif, prévalait sur la réalisation scénique. Le théâtre ap (...)
5Le besoin et l’intérêt ont pu certainement concourir à cimenter le collectif. Aux débuts de Lumière d’Août, le regroupement pourvoyait, assurément, les auteurs d’une visibilité, étant données la valorisation contemporaine de la notion de collectif dans le champ artistique et la curiosité affichée pour ce genre d’expérimentation, difficilement accessible à un auteur néophyte isolé. De plus, la nature duelle de Lumière d’août, à la fois collectif d’auteurs et compagnie théâtrale4, a certainement aidé à son émergence, grâce à la pratique des commandes internes en vue d’un important projet mené par un des membres, qui donnait l’opportunité aux autres membres de voir leur texte représenté. En d’autres termes, pour répondre au défaut de notoriété dont souffraient les membres de Lumière d’Août, le collectif reproduisit à très petite échelle, sans doute involontairement, le rapport des institutions théâtrales à l’égard des auteurs dramatiques, aboutissant paradoxalement à une singularisation de chacun.
- 5 Gilles Hanus, L’Épreuve du collectif, Lagrasse, Verdier, 2016, p. 86
6Cependant, la longévité remarquable du collectif manifeste indubitablement que l’association ne procédait pas seulement d’une nécessité induite par l’économie du théâtre français et ne se réduisait pas plus à l’obtention d’opportunités de représentation. De fait, le collectif chez Lumière d’Août n’est pas une figure productrice, dressée contre le mythe bourgeois ou suranné de l’individualité créatrice, ni une puissance esthétique ou politique fédératrice fondée sur le nombre, mais l’horizon indivisible de l’écriture. En bref, l’écriture n’est pas une aventure collective, comme peut l’être le processus de création théâtrale, mais un enjeu collectif. Gilles Hanus, dans son ouvrage récent L’Épreuve du collectif (2016) dans lequel il aspire à réfléchir le « nous » du collectif sans faire appel à des causes exogènes (l’intérêt, le besoin, la mobilisation) ou à l’explication identitaire, indexe le collectif à l’acte du partage, « le partage du singulier »5. La notion de partage ici semble fondamentale, en ce qu’elle combine les deux principes fondateurs du collectif Lumière d’Août : persistance de la singularité et mise en commun de celle-ci, à travers le partage de la création singulière. L’écriture crée du collectif dans son partage, qui vient en retour lui donner sa légitimité.
- 6 Cette idée de partage implique également que Lumière d’Août ne soit pas un ensemble fermé sur lui-m (...)
7Mais, au-delà de la mise en commun de la singularité au sein du groupe, le partage est aussi la modalité de diffusion des textes au-delà des limites du collectif. Il entraîne un mouvement de dissémination fait de trajets centrifuges, de reprises, de déplacements, de remises en jeu perpétuels, dessinant un espace hors du théâtre, non hiérarchisé, dans lequel les singularités textuelles forment continuellement de nouvelles constellations théâtrales avec d’autres singularités, qu’elles soient elles-mêmes textuelles, ou matérielles (l’environnement), ou humaines (les autres créateurs, les lecteurs, les spectateurs, les passants, les visiteurs, les habitants d’un quartier). En quelque sorte, le collectif, pris dans un mouvement centrifuge, déborde au-delà de ses limites pour accéder à une extension élargie6. Reste à savoir comment ces deux niveaux de partage se déploient pragmatiquement.
Le texte à l’épreuve du collectif
- 7 Gilles Hanus, op. cit., p. 86.
- 8 In Elisabeth Philippe, « Bande à part », Les Inrockuptibles, n° 958, 9 avril 2014, p. 48.
8Les collectifs d’auteurs contemporains, n’étant pas formés autour d’un projet esthétique ou d’une vision politique, ce « commun impersonnel »7 dont parle Gilles Hanus, se définissent essentiellement comme des lieux de discussion, de rencontre. C’est ainsi que Maylis de Kérangal a pu parler du collectif Inculte comme d’une « zone d’échange, un espace de trafic où l’on se parle de ce que l’on écrit, où l’on se transmet des expériences »8. Pertinente pour décrire le fonctionnement interne de Lumière d’Août, il faudrait toutefois prolonger cette définition quelque peu, en remarquant que l’échange, le partage sont ici réglés selon un protocole, depuis la naissance du collectif, protocole inspiré par l’expérience fondatrice de la création des Pièces d’identités par le Théâtre de Folle Pensée à Saint-Brieuc en 2002.
- 9 Sur cette expérience, voir par exemple le dossier consacré à la « constellation Folle pensée » par (...)
9Roland Fichet souhaitait alors prolonger l’aventure collective au long cours des Récits de Naissance, qui venait de s’achever. Mais alors que celle-ci avait fait appel à des auteurs bénéficiant déjà d’une certaine reconnaissance institutionnelle, il projeta d’accompagner artistiquement et financièrement l’émergence d’une nouvelle génération d’auteurs, français ou africains, parmi lesquels se trouvaient, outre les six membres de Lumière d’Août, Eléonore Weber, Garance Dor, Dieudonné Niangouna ou Kouam Tawa entre autres, en leur passant commande d’un texte sur leur « identité ». Faire émerger une nouvelle génération d’auteurs, mais aussi dresser un portrait générationnel (tous les auteurs avaient autour de trente ans), faire un panorama des nouvelles formes dramatiques, tels étaient les objectifs de Roland Fichet. Pour cela, il mit en place un protocole d’écriture, fait d’échanges perpétuels autour des productions écrites lors de longues séquences de résidence, durant lesquelles les auteurs étaient amenés à proposer leurs textes aux autres et en débattre. Ces dispositifs procédaient de la volonté de donner un cadre protocolaire à des pratiques informelles : il s’agissait de soutenir l’idée simple, mais paradoxale, que l’écriture est une affaire collective, assise sur un rapport dialectique entre solitude et ouverture à l’autre9.
- 10 Alexandre Koutchevsky, Les Morts qui touchent, Montpellier, L’Entretemps éditions, 2011, p. 45.
10Né à la suite de cette première expérience institutionnelle, le collectif Lumière d’Août reprend et accentue la formalisation du dispositif, en revendiquant l’idée selon laquelle le texte n’existe que partagé, n’a de consistance qu’en tant qu’il est pris dans un flux d’échanges. C’est le déploiement de la parole partagée autour du texte qui accorde à celui-ci une présence effective au monde, une réalité sensible. Alexandre Koutchevsky dans l’édition de sa pièce Les Morts qui touchent (2011) a résumé cela en une formule frappante : « on n’écrit jamais seul »10. Il y décrit alors l’influence des discussions avec les autres membres du collectif, des échanges critiques accompagnant l’avancée difficile de la pièce. Il est évident que ces pratiques de discussions autour des textes ne sont pas propres aux auteurs de Lumière d’Août. Mais le choix d’écrire dans un collectif formalise ces conversations souvent informelles. Bien plus, ce nécessaire travail collectif de « retours » sur le texte, s’il se déploie généralement dans l’espace numérique qui comble les distances géographiques, est comme ritualisé lors des résidences biannuelles d’une semaine, auxquelles la compagnie tient beaucoup, ménageant temps d’écriture solitaire durant la journée et discussions le soir sur les productions en chantier :
- 11 Ibid., p. 48
Lors de ces résidences, chacun se retrouve seul avec son écriture durant la journée, puis, à l’heure de l’apéritif, l’un d’entre nous lit son texte aux autres. Nous passons ensuite de longs moments à discuter de ce que nous avons entendu. Cette pratique de lecture de textes en cours d’écriture nécessite un climat de grande confiance et d’écoute. Il ne nous est possible de partager les brouillons, les pistes, qu’avec peu de monde.11
- 12 « Lumière d’Août, croisement de textes », art. cit., p. 163.
11Nicolas Richard emploie une comparaison beaucoup plus âpre dans l’évocation de ces moments de partage des textes : il s’agit pour lui d’« une sorte de crash test pour les textes. Est-ce que le véhicule est suffisamment solide et résistant pour aller tout seul sur les routes ? À quels types de routes est-il le mieux adapté ?»12. De fait, l’échange devient épreuve, c’est-à-dire que le texte est soumis au jugement, jamais définitif, des pairs, en vue non d’une sélection mais de possibles amendements, qui dépendront toujours du choix de l’auteur. Il est remarquable que cette épreuve du collectif s’accomplisse le plus souvent au moment de l’éclosion du texte : le collectif peut ainsi devenir l’adjuvant d’une relance ou d’une inflexion de l’écriture.
L’exposition problématique du collectif
- 13 Véronique Goudinoux, « Hier et aujourd’hui. Enjeux des pratiques collectives », Art Press 2, n° 40, (...)
- 14 « Lumière d’Août, croisement de textes », art. cit., p. 157-166.
12Ce premier partage des textes est intrinsèquement intime et secret. Lumière d’Août s’est donc confronté au problème récurrent des collectifs, dans tous les domaines artistiques, à savoir son exposition publique, le passage « d’une parole familière, privée, celle de la conversation, à une autre, construite par le dialogue et par le débat, s’élevant dans l’espace public »13. Une première réponse à cette difficulté consiste à la mise en scène du collectif en dehors des œuvres, sur leur site internet, sur leur blog, dans les paratextes encadrant les éditions des textes ou, encore dans leur intervention dans des revues de théâtre, comme dans le dossier qui lui est consacré par la revue Frictions : le questionnaire rédigé par Marine Bachelot Nguyen est en effet l’occasion de mettre en avant la pratique des « retours », suivie par le collectif14.
- 15 Les pièces de ce spectacle sont publiées dans ce qui constitue le seul recueil du collectif : Lumiè (...)
- 16 Alexandre Koutchevsky, Théâtre-Paysage, Rennes, Éditions des deux corps, 2011, p. 14.
13Par ailleurs, de l’expérience briochine évoquée précédemment, Lumière d’Août transpose également la forme spectaculaire composite, formée d’une série de formes brèves autour d’un thème précis, et basée sur un système de commandes internes. C’est ainsi que Marine Bachelot passe commande en mai 2006 aux autres auteurs d’une forme brève répondant à l’interrogation suivante : « Que serait une courte pièce politique d’aujourd’hui, travaillée avec les moyens de la littérature et du théâtre ? », qui donnera lieu à la création plurielle du spectacle Courtes pièces politiques au Théâtre de la Paillette à Rennes à l’automne 2006, mis en scène par elle-même et Alexis Fichet15. L’années suivante, Alexandre Koutchevsky invite ses compagnons à écrire là aussi des formes brèves autour de la question aéronautique, pour le projet « Ciel dans la ville » à l’occasion du soixante-quinzième anniversaire de l’aéroclub rennais en 2007. Dans les deux cas, le collectif permet la multiplicité des points de vue, déplaçant le projet individuel vers une confrontation, une rencontre qui diffracte les supposés originels. Partager, c’est donc aussi accepter de se laisser déposséder de son obsession par les autres. Si Alexandre Koutchevsky, à l’origine de « Ciel dans la ville » perçoit les avions « comme des vecteurs poétiques d’imminence et de disparition »16, la commande faite aux autres suppose que cette poétique aéronautique peut être oubliée : ainsi Nicolas Richard décrit, sur un ton comique, une leçon de haut vol qui tourne mal (Monitoring (dans ton ULM)), Marine Bachelot la proximité intrigante entre un golf et un centre de rétention (Parc des expulsions), Laurent Quinton le fantôme d’un pilote allemand, abattu pendant la seconde guerre mondiale et dont on vient de retrouver le corps (Tout le monde s'appelle Schmiedel). Mais la forme composite, si elle donne une certaine figuration d’une pluralité de voix, participe d’une économie spectaculaire traditionnelle, si elle n’est pas portée par un mouvement de dissémination des textes dans l’espace public, par lequel il est possible de retrouver un partage.
Le partage public des textes
14Le partage des textes n’est pas seulement, en effet, à l’œuvre dans les processus d’écriture, il est un principe régissant le déploiement public des textes, ses trajets pluriels vers leurs destinataires (ce serait là son second niveau d’actualisation). Certes, Lumière d’Août produit, de plus en plus, des spectacles ressortissant à une économie et à une esthétique qui rejouent la trajectoire classique de l’exposition du texte. Encore faut-il préciser que ces mises en scène, si elles ne sont pas signées par le collectif mais individuellement, sont complétées par celui-ci. Le nombre permet en effet l’organisation quasi systématique d’ateliers d’écriture, de pratique, d’analyse du spectacle, durant la période de répétitions ou de représentations. Ces ateliers permettent une circulation complexe du texte, au-delà de son actualisation scénique.
- 17 Hamlet and the something pourri d’Alexis Fichet a été publié aux Solitaires Intempestifs en 2010, e (...)
15Il semble plus pertinent de pointer les pratiques remarquables de dissémination des textes hors du théâtre et de sa clôture. Plus que l’édition17, les trajets excentriques des textes qui les conduisent hors du théâtre, vers des lieux inhabituels ou des genres parallèles sont emblématiques de cette dissémination. Un texte peut ainsi être repris, retravaillé pour une mise en jeu relevant de la performance et s’approchant des arts plastiques, de la poésie sonore, du chant, de la lecture à la table ou mise en scène.
- 18 Publié dans une petite maison d’édition bretonne : Nicolas Richard, Façades, Vannes, édition La Mai (...)
16Ces variations génériques sont par exemple à l’œuvre dans le trajet postérieur à la création dans une mise en scène proprement théâtrale des textes qui composent l’ensemble Courtes Pièces Politiques. Ceux-ci seront repris dans le cadre Festival de Poche de Hédé dans une adaptation pour un court de tennis en 2007, puis en 2008 dans une chapelle pour le Festival Besoin de Théâtre à Morlaix, enfin sous une forme déambulatoire lors de la résidence du collectif dans le quartier de Maurepas en 2012. Entre temps, certains textes auront été lus lors de la journée de lecture au Festival d’Avignon en 2007. Autre exemple : les actualisations du texte Façades de Nicolas Richard18, d’abord sous forme de lecture performée en mars 2005 par l’auteur lui-même sur la Péniche-Spectacle à Rennes, puis en mai 2005 sous forme de performance musicale, par l’auteur lui-même accompagné de deux musiciens rock au Bon Accueil, structure consacrée aux arts plastiques, sous forme de lecture mise en scène à la boucherie Beucher à Chateaugiron la même année, précédée d’une mise en scène théâtrale au Studio-Théâtre de Vitry sur Seine en novembre 2005 par Alexis Fichet. La mise en scène théâtrale peut précéder ou succéder aux autres actualisations, et si elle est, de par sa nature institutionnelle, le moment privilégié d’exposition publique, de reconnaissance symbolique, ou de travail soutenu autorisé par l’apport appréciable de moyens financiers et techniques, il reste que Lumière d’Août accorde autant d’importance aux différentes modalités de partage des textes. Le collectif a fait de la contrainte économique une sorte de vertu artistique. C’est en effet par la variété de la diffusion que l’ambition de partage peut être satisfaite, puisqu’elle permet la rencontre avec des publics divers et, surtout, de faire vivre le texte au-delà de l’espace clos et polarisé du théâtre, de l’introduire dans divers environnements pour susciter des frottements particuliers avec eux, pour inviter le spectateur à sortir de son état de destinataire et à accueillir le texte comme expérience.
17La variété des sites est donc essentielle pour cette ambition de partage. Lumière d’Août déploie ainsi fréquemment l’actualisation de ses textes dans des institutions non théâtrales, des bibliothèques ou centre culturels. Bien plus, ces actualisations ont lieu de plus en plus, après 2006, en plein air ou dans des lieux non culturels : sur le site de l’étang de Trégu dans la forêt de Brocéliande, dans les arbres à la Chapelle du Rosais, dans un cours d’eau au domaine de Tizé, dans des espaces publics dans un quartier périphérique de Rennes, dans un aéroport et sur différents blockhaus du Mur de l’Atlantique.
18On peut y voir un moyen de toucher des publics intimidés, rebutés par le théâtre ou tout simplement qui l’ignorent et l’originalité de ces réalisations peut être comparée à une stratégie de séduction des publics, peut-être rétifs aux écritures contemporaines. D’ailleurs, Lumière d’Août s’attache à proposer des conditions de réception conviviales, qui dédramatisent l’événement artistique, comme l’atteste le titre choisi pour les mini-festivals tenus au Théâtre du Cercle de 2009 à 2011 : « Les soirées Verveine ». Mais plus généralement, la réception des textes est pensée comme une expérience sensible, d’ouverture aux textes comme au lieu qui l’accueille, mais aussi de traversée prolongée, voire éprouvante, de cette pluralité d’écritures. C’est à cet endroit que le choix récurrent de la forme déambulatoire prend tout son sens : elle est exploration de lieux, de situations, d’écritures plurielles, mais aussi mise en jeu physique du corps des spectateurs, qui prennent part par leur corps au partage des textes. Ciel dans la ville (2007) et sa déclinaison Ciel dans la Nuit (2008) en sont un bon exemple. Le parcours du premier restait modeste, mais déjà différents lieux plus ou moins confortables étaient parcourus (trajet en bus avec spectacle dans l’allée centrale, grillage entourant l’aéroport, terrain vague, rampe d’approche de la piste de l’aéroport), laissant apparaître différentes ambiances aéroportuaires. Le second radicalise le déambulatoire puisqu’il propose une traversée de la nuit de 21h à 6h, remplie de spectacles, de performances, de chorégraphie (avec la participation de Loïc Touzé) et de collations. Ces déambulations offrent des expériences sensibles au spectateur, mais en même temps trahissent peut-être une impuissance du texte à être entendu dans sa nudité, en suivant une logique événementielle. Il est, en effet, possible que le plaisir de l’être-ensemble déborde le plaisir du texte, le partage de l’expérience exceptionnelle excède alors peut-être le partage des textes. Ces déambulations sont, en tout cas, des moments en rupture de quotidien, durant lequel le spectateur peut s’ouvrir, s’abandonner aux textes, participer au partage.
Pour un théâtre topographique
- 19 « Lumière d’Août, croisement de textes », art. cit., p. 158.
19Cette aspiration à sortir de la boîte noire, cette recherche de l’expérience sensible du spectateur comme condition privilégiée de la transmission des textes agit sur l’écriture même. En effet, les membres de Lumière d’Août ne se contentent pas de sortir du théâtre, ils écrivent fréquemment depuis cette sortie, cette ouverture. En effet, s’il existe un trait esthétique à même de relier les dramaturgies, qu’on a déjà dites différentes par leurs thématiques et leurs poétiques, c’est la résolution affirmée d’écrire à partir d’un lieu déterminé. Le titre de la dernière création de Juliette Pourquery de Boisserin, Là où on est (2015-2016) et la présentation qu’elle en fait, sont emblématiques de cette pratique : « le texte tend à interroger le rapport des gens à leurs territoires, là où je vis, c’est-à-dire dans une zone rurale éloignée de tous les centres nerveux humains, artistiques, culturels, économiques… »19.
20Du fait de cette résolution, le spectacle déambulatoire n’est pas simplement un parcours à réaliser entre différents espaces de jeu disséminés dans un lieu indéterminé, il est exploration sensible d’un site précis. Le processus de création débute d’ailleurs souvent par un repérage sur les lieux pressentis de la création et l’écriture vient alors après le choix du site. Par exemple, pour le déambulatoire de la Nuit des Arts rennaise de juin 2010, intitulé Marche ou Rêve, reliant la Maison de la Poésie au Bon Accueil, Laurent Quinton partit de la découverte d’une ruine pour se lancer dans l’écriture de son monologue « Le dernier des poètes », mettant en scène un personnage en « combinaison blanche intégrale, prévue sans doute pour lutter contre un type de contamination bactériologique », un survivant à un genre d’apocalypse, apparaissant pour faire une brève généalogie des lieux et déplorer l’impuissance des poètes à résister à la destruction. De même, pour le déambulatoire Vacance(s) en 2012, dont l’objectif était de faire redécouvrir des espaces publics aux habitants du quartier de Maurepas, Alexandre Koutchevsky s’inspira d’un vaste champ en jachère situé dans le parc des Gayeulles, qualifié d’intemporel, pour écrire un texte là aussi d’anticipation : une famille pique-nique en 3012 dans un champ où un millénaire auparavant on enfouissait des déchets nucléaires. Le spectateur est alors convié à relire, à revoir le paysage familier pour y découvrir des potentialités de fiction et d’histoire.
- 20 Sans doute sous l’influence des Landscape plays de Gertrude Stein, le terme de « paysage » connaît (...)
- 21 Alexandre Koutchevsky, Les Morts qui touchent, op. cit., p. 51.
- 22 Ibid., p. 52.
- 23 Cf. Jacques Rancière, La Chair des mots. Politiques de l’écriture, Paris, Galilée, 1998.
- 24 Voir dans le site de la compagnie, la rubrique « Spectacles » : http://www.lumieredaout.net/spectac (...)
21Pour décrire cette écriture topographique, Alexandre Koutchevsky a forgé la notion de « théâtre paysage »20, par lequel « il s’agit d’établir des liens avec le monde sans le cacher par les murs d’un théâtre »21. « Le théâtre-paysage cherche cet équilibre entre accueillir le monde et y dire son texte, y déplier son théâtre. Ce monde dont on parle toujours dans le théâtre, ce monde est là. Le théâtre-paysage s’y jette, le prend avec lui »22, écrit-il. Si l’auteur refuse l’idée d’une écriture déterminée par un paysage particulier, au sens où elle naîtrait précisément avec ses composantes spécifiques, y serait expressément arrimée, il n’en demeure pas moins que le paysage engage la question de l’écriture. L’écriture se fait alors véritablement littéraire, si l’on suit la définition de la littérarité de Jacques Rancière comme le double mouvement de déliaison des mots aux choses et d’appel à une nouvelle articulation, à un rapport inédit aux choses23. Dans les productions relevant de cette catégorie, classées comme telles dans l’inventaire du site web de la compagnie24, on remarque la volonté de dévoiler l’insu, l’invisible ou l’inouï d’un lieu, de remettre en jeu la présence au monde des spectateurs, par la jointure d’un texte à un environnement qui lui est nécessairement indifférent, car non-théâtral.
- 25 Cf. Gilles Deleuze, L’Image-temps, Paris, Minuit, 1985, p. 319.
22Les exemples évoqués auparavant nous donnent des indications sur cette poétique théâtrale particulière. Le choix d’une date dans un futur lointain permet de délier la parole théâtrale d’un ancrage actuel : il ne s’agit pas de décrire un paysage, mais de le faire parler, de faire surgir en lui des microfictions qui le retournent et mettent au jour ses puissances sensibles. En ce sens, le rapport réciproque entre la fiction et le paysage procède d’une écriture stratigraphique, pour reprendre les termes de Deleuze dans L’Image-temps (1985), déployant une archéologie légendaire permettant d’articuler espace sensible et Histoire25.
- 26 Marine Bachelot, Histoires de femmes et de lessives, Rennes, Éditions des Deux Corps, 2011.
23La création du déambulatoire Histoires de femmes et de lessives, écrit et mis en scène par Marine Bachelot Nguyen en 2009, participe encore plus explicitement de cette écriture stratigraphique26. Le déambulatoire parcourt cinq espaces du Parc Saint-Cyr de Rennes : l’entrée du domaine, le lavoir, une porte, des murs, un cimetière. Ceux-ci sont pour Marine Bachelot le lieu du retour des voix des pensionnaires de l’institution de rééducation pour jeunes filles, située à cet endroit depuis le XIXe siècle jusqu’en 1970. Ces cinq stations représentent cinq temps emblématiques de l’existence de ces pensionnaires : l’arrivée, le travail, le travail éducatif, la confrontation à l’extérieur, le souvenir. À première vue chronologique, la temporalité est pourtant plus complexe, puisque les voix proviennent d’époques différentes, s’entrecroisent, montrant les différentes strates temporelles de l’institution.
- 27 Béatrice Gross, « Brève histoire du collectif d’artiste(s) depuis 1967 », Les Cahiers du Musée nati (...)
- 28 À ce sujet, voir les remarques de Michel Simonot sur l’expérience collective réalisée avec Lancelot (...)
24Cette écriture topographique nous invite alors à penser l’œuvre en tant que geste « hétéronome », c’est-à-dire le lieu d’un partage entre une voix auctoriale et « la multiplicité des voix constitutives du réel et de ses contingences ». En effet, selon la critique d’art Béatrice Gross, l’enjeu contemporain du collectif ne réside pas tant dans le fonctionnement, dans la mise en cause de l’individualité créatrice, de son autorité, que dans son articulation à « la collectivité réelle de l’œuvre contemporaine, de sa genèse à sa réception, dont l’auteur, individuel ou collectif, se révèle le producteur impersonnel et oblique »27. S’il serait abusif de parler de « producteur impersonnel » au sujet des auteurs de Lumière d’Août, il reste que le collectif semble être la condition de possibilité d’ouverture à une appréhension des liens, des associations entre les différentes parts du monde, comme si le collectif artistique était la prémisse de la création d’un collectif social ou environnemental. Le collectif n’est donc pas seulement une zone d’échange, mais la matrice nécessaire à l’accueil de la pluralité des voix qui forment le monde28.
25La création d’Alexandre Koutchevsky, Blockhaus, semble emblématique de cette pratique partagée : ce texte donne à entendre les voix jusqu’alors encloses dans ces constructions brutales, massives, silencieuses et en même temps incite à l’ouverture au monde, au sens des coordonnées géographiques, aux sutures des paysages et de l’Histoire. En même temps que manifeste revendiquant une inscription des textes dramatiques dans le monde, il attire l’attention en ce qu’il fait intervenir un avion en vol, au moment même où un personnage évoque la disparition de son père, qui s’est abîmé en mer avec son avion de reconnaissance. Ce texte est symptomatique de l’idée de l’écriture chez Lumière d’Aout : un texte écrit pour un endroit déterminé, à partir des voix d’une collectivité, après une longue genèse et sa mise à l’épreuve par le collectif, le partage d’une écriture par l’expérience sensible, et, peut-être surtout, la célébration de la parole théâtrale dans sa suture au monde.
Notes
1 Artemisia Vulgaris (2008), À la racine (2011), Les Ombres et les lèvres (2016), écrits et mis en scène par Marine Bachelot Nguyen, Hamlet and the something pourri (2010) écrit et mis en scène par Alexis Fichet
2 Le Groupe Petrol assume une vision davantage expérimentale du collectif, perçu comme « un laboratoire d’écriture », qui cherche à « explorer forme et questionner l’écriture » sans nécessairement avoir un objectif de production. Voir sa présentation in Collectif Théâtrocratie, Les Mots du spectacle en politique, Paris, Éditions Théâtrales, 2012, p. 94.
3 « Lumière d’Août, croisement de textes », Frictions, n° 26, printemps-été 2016, p. 157.
4 En effet, l’écriture, aux débuts du collectif, prévalait sur la réalisation scénique. Le théâtre apparaissait alors comme un moyen privilégié de transmission des textes. C’est dans cette perspective que Marine Bachelot, Alexis Fichet, Alexandre Koutchevsky sont devenus metteurs en scène. Précisons toutefois que, depuis les premières créations scéniques, les deux composantes de Lumière d’Août tendent à se disjoindre : la production performative s’émancipe de sa subordination à l’écriture pour devenir un enjeu esthétique à part entière. Par ailleurs, la réalité amphibologique n’est pas sans poser des problèmes auprès des tutelles, essentiellement de la DRAC, puisqu’elle déborde les catégories, les cadres administratifs.
5 Gilles Hanus, L’Épreuve du collectif, Lagrasse, Verdier, 2016, p. 86
6 Cette idée de partage implique également que Lumière d’Août ne soit pas un ensemble fermé sur lui-même, mais plastique pourrait-on dire, car sa structure ne cesse d’évoluer, et ouvert, par les collaborations avec d’autres structures (Dérezo, Folle Pensée, Julie Bérès, le chœur de chambre Vibrations pour n’en citer que quelques-uns) ou l’invitation d’autres auteurs (Gianina Carbunariu, Dieudonné Niangouna, Aristide Tarnagda…) à participer à des projets.
7 Gilles Hanus, op. cit., p. 86.
8 In Elisabeth Philippe, « Bande à part », Les Inrockuptibles, n° 958, 9 avril 2014, p. 48.
9 Sur cette expérience, voir par exemple le dossier consacré à la « constellation Folle pensée » par la revue Mouvement, n° 72, janvier-février 2014, p. s70-75.
10 Alexandre Koutchevsky, Les Morts qui touchent, Montpellier, L’Entretemps éditions, 2011, p. 45.
11 Ibid., p. 48
12 « Lumière d’Août, croisement de textes », art. cit., p. 163.
13 Véronique Goudinoux, « Hier et aujourd’hui. Enjeux des pratiques collectives », Art Press 2, n° 40, février/mars/avril 2016, p. 12.
14 « Lumière d’Août, croisement de textes », art. cit., p. 157-166.
15 Les pièces de ce spectacle sont publiées dans ce qui constitue le seul recueil du collectif : Lumière d’Août, Courtes pièces politiques, Rennes, Éditions des deux corps, 2012.
16 Alexandre Koutchevsky, Théâtre-Paysage, Rennes, Éditions des deux corps, 2011, p. 14.
17 Hamlet and the something pourri d’Alexis Fichet a été publié aux Solitaires Intempestifs en 2010, et Les Morts qui touchent et Blockhaus d’Alexandre Koutchevsky aux éditions de L’Entretemps en 2011 et 2015. Certains textes ont été publiés chez un petit éditeur rennais, Les Deux corps, dévolu à la poésie contemporaine, qui a disparu depuis ou dans des revues littéraires ou pluridisciplinaires de la métropole bretonne comme Du nerf ou Véhicule. Par ailleurs, selon une pratique de plus en plus courante, de nombreux textes peuvent être lus sur le site du collectif (http://www.lumieredaout.net).
18 Publié dans une petite maison d’édition bretonne : Nicolas Richard, Façades, Vannes, édition La Maison, 2008.
19 « Lumière d’Août, croisement de textes », art. cit., p. 158.
20 Sans doute sous l’influence des Landscape plays de Gertrude Stein, le terme de « paysage » connaît un certain succès dans le champ dramaturgique depuis quelques décennies. Lehmann l’a utilisée pour cerner une ligne de force de son théâtre post-dramatique (1999), Vinaver a élaboré la notion de « pièce-paysage », qui sera reprise par Joseph Danan dans le Lexique du drame moderne et contemporain (1999), pour analyser une certaine économie de l’écriture contemporaine, dans laquelle la situation « émerge peu à peu comme on découvre un paysage avec tous les composants du relief » (Michel Vinaver [dir.], Écritures dramatiques, Arles, Actes Sud, 1993, p. 44). Le « théâtre paysage » de Lumière d’Août se distingue cependant de ces définitions : le texte ne fait, ne forme pas un paysage (ni même le spectacle, comme chez Lehmann), le texte s’inscrit dans un paysage déjà existant, extra-théâtral, il s’écrit pour le faire résonner théâtralement. A. Koutchevsky serait en ce sens plus proche du Landscape Theater de Bill Mitchell.
21 Alexandre Koutchevsky, Les Morts qui touchent, op. cit., p. 51.
22 Ibid., p. 52.
23 Cf. Jacques Rancière, La Chair des mots. Politiques de l’écriture, Paris, Galilée, 1998.
24 Voir dans le site de la compagnie, la rubrique « Spectacles » : http://www.lumieredaout.net/spectacles (consulté le 10/07/2020).
25 Cf. Gilles Deleuze, L’Image-temps, Paris, Minuit, 1985, p. 319.
26 Marine Bachelot, Histoires de femmes et de lessives, Rennes, Éditions des Deux Corps, 2011.
27 Béatrice Gross, « Brève histoire du collectif d’artiste(s) depuis 1967 », Les Cahiers du Musée national d’art moderne, n° 111, printemps 2010, p. 62.
28 À ce sujet, voir les remarques de Michel Simonot sur l’expérience collective réalisée avec Lancelot Hamelin, Sylvain Levey et Philippe Malone, qui a donné naissance à la fois au texte L’Extraordinaire tranquillité des choses et au collectif Petrol : « Très vite, notre frottement commun à la ville, le fait de confronter nos propres textes en public, de mêler en public nos mots à ceux des habitants, nous a donné l’envie de ne pas écrire des textes individuels […] Pour le texte final, il me paraît essentiel de ne pas écrire seul mais de faire appel à plusieurs écrivains pour croiser les approches, les imaginaires, à l’image même de ce qu’est une cité vivante » (Lancelot Hamelin, Sylvain Levey, Philippe Malone, Michel Simonot, L’Extraordinaire tranquillité des choses, Montpellier, Espace 34, 2006, p. 74-76). La volonté de saisir la multiplicité des voix urbaines impliquerait ainsi nécessairement une pratique collective.
Haut de pagePour citer cet article
Référence électronique
Stéphane Hervé, « Le texte en partage », Agôn [En ligne], HS 3 | 2022, mis en ligne le 07 avril 2021, consulté le 05 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/agon/8233 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/agon.8233
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