Navigation – Plan du site

AccueilThématiques14Extraire le passé du présent : in...

Extraire le passé du présent : introduction

Alexandre Livingstone Smith, Birgit Ricquier, Daou Véronique Joiris, Laurent Nieblas Ramirez, David Kopa Wa Kopa, Shingo Takamura et Els Cornelissen
Traduction(s) :
Extracting the past from the present: Introduction [en]

Texte intégral

Cette conférence a été financée par l’ERC « starting grant » BANTURIVERS « At a Crossroads of Bantu Expansions: Present and Past Riverside Communities in the Congo Basin, from an Integrated Linguistic, Anthropological and Archaeological Perspective ». La linguiste Birgit Ricquier, responsable de ce projet pluridisciplinaire, remercie les membres de l’équipe BANTURIVERS, Alexandre Livingstone Smith dit « Ali », Daou Véronique Joiris, David Kopa wa Kopa, Shingo Takamura, Els Cornelissen, et Laurent Nieblas Ramirez pour leur contribution enthousiaste. De sincères remerciements vont également aux membres du comité scientifique du colloque, Chiara Batini, Koen Bostoen, Kathryn de Luna, Pierre de Maret, Jeffrey Fleisher, Olivier Gosselain, Alexa Höhn, Susan Keech McIntosh, Alice Mezop Temgoua et Karim Sadr, ainsi qu’au secrétariat du Centre d’anthropologie culturelle de l’ULB, en la personne de Pina Meloni.

Le colloque

1Le présent volume spécial de la revue Afriques est issu du colloque « Extraire le passé du présent : colloque international et interdisciplinaire sur l’histoire précoloniale de l’Afrique », qui a eu lieu du 1er au 5 mars 2021, prévu à l’Université libre de Bruxelles mais finalement en ligne, suite à la pandémie Covid-19. Au cours de cette première semaine de mars 2021, des chercheurs d’Afrique, d’Europe, d’Amérique du Nord, d’Asie et d’Océanie se sont réunis virtuellement pour discuter de questions liées au passé de l’Afrique, et plus spécifiquement de la démarche qui consiste à explorer le passé à partir du présent.

  • 1 Ce projet est un ERC « starting grant », intitulé « At a Crossroads of Bantu Expansions: Present an (...)

2Le colloque était organisé dans le cadre et par l’équipe du projet BANTURIVERS, un projet multidisciplinaire comprenant des linguistes (Birgit Ricquier, ULB, David Kopa wa Kopa, ULB – Université de Kisangani (UNIKIS)), des anthropologues (Daou Véronique Joiris, ULB, Shingo Takamura, ULB), des archéologues (Alexandre Livingstone Smith et Els Cornelissen, Musée royal de l’Afrique centrale (MRAC) et un archéo-ichtyologue, Laurent Nieblas Ramirez, ULB – Institut royal de sciences naturelles de la Belgique (IrSnB))1. Le projet est consacré au rôle des communautés riveraines dans le peuplement de l’Afrique centrale orientale. En pratique, il s’agit de démêler le tissu des relations sociales et l’histoire d’une série de communautés clés le long du fleuve Congo. Des sources anthropologiques et linguistiques actuelles, concernant, par exemple, la distribution et la nature des langues, les réseaux commerciaux, les techniques de pêches, etc. constituent le point de départ de nos recherches historiques. Ceci implique, entre autres, l’établissement d’une base de données de référence concernant les communautés de pêcheurs le long du fleuve Congo et en Afrique centrale en général. L’analyse des langues parlées par les mêmes populations – y compris leur vocabulaire spécialisé notamment concernant les techniques de pêche – permettent d’explorer leurs relations et affiliations. Les anthropologues et les archéologues travaillent également sur les chaînes opératoires des techniques de pêche et, bien sûr, sur celles des technologies plus habituelles telles que la poterie. L’objectif est de produire une analyse comparée des connaissances et des pratiques partagées par différentes communautés, mais en même temps de mettre en évidence les espaces sociaux dans lesquels elles interagissent. Cette compréhension nous conduit à mieux cibler les sondages archéologiques. La thématique centrale du colloque, partir du présent pour remonter dans le passé, et ceci au moyen de différentes disciplines, est donc un défi inhérent au projet.

  • 2 Les actes de cette conférence ont été publiés dans une édition spéciale de la African Archaeologica (...)

3Exactement dix ans plus tard, le colloque faisait écho à la conférence organisée à la Rice University en mars 2011, « Thinking across the African Past: Archaeological, Linguistic and Genetic Research on Precolonial African History2 ». Les organisateurs de cette conférence, Kathryn De Luna, Jeffrey Fleisher et Susan Keech McIntosh, souhaitaient donner suite au regain d’intérêt pour les approches interdisciplinaires de l’étude du passé ancien de l’Afrique et favoriser le dialogue avec les chercheurs travaillant sur des problèmes similaires en Europe, en Asie et en Amérique latine. Pour ce faire, les organisateurs avaient demandé aux participants de se concentrer sur des travaux explicitement interdisciplinaires sur le passé. Une décennie après, le dialogue interdisciplinaire reste à la une. En effet, l’histoire précoloniale du continent africain est un centre d’intérêt pour de nombreuses disciplines abordant le présent et le passé de l’Afrique de manière très différente, comme l’histoire, l’archéologie, la linguistique, la génétique, ou les études paléo-environnementales. Cette diversité est, en partie, le reflet de corpus de données très variées. Malgré cette diversité, l’objectif de tous reste toujours de démêler le passé précolonial africain et de mettre en lumière une histoire complexe de manière nuancée. Les collaborations entre diverses disciplines sont devenues une norme, mais restent souvent liées à des projets et/ou à des thèmes ou régions spécifiques. Pour se rencontrer et discuter avec des pairs confrontés aux mêmes défis de recherche, il faut participer à des conférences généralement axées sur des disciplines qui ne sont pas les nôtres : des linguistes assistent à des conférences archéologiques, des archéo-botanistes participent à des rencontres en linguistique historique, des historiens sont présents à des ateliers archéo-botaniques, des anthropologues s’informent des avancées en ethno-histoire, en écologie humaine et en génétique des peuplements, etc. Souvent, seuls quelques panels de ces réunions sont réellement pertinents pour la recherche interdisciplinaire. Comme son parent « Thinking Across the African Past », la conférence dont il est question ici mettait en avant le caractère pluridisciplinaire de la recherche sur l’histoire précoloniale africaine, en ajoutant une thématique commune à de nombreux chercheurs impliqués : extraire le passé du présent.

4L’appel à notre conférence a rencontré un vif succès. Les communications sélectionnées ont couvert un large spectre géographique et thématique : du Sénégal à l’Éthiopie, en passant par la RDC jusqu’à Madagascar ; depuis l’époque de la traite des esclaves jusqu’à 7 000 ans avant le présent. Les réflexions ont porté sur des sujets aussi divers que les textiles, les génomes, le mégalithisme ou des concepts plus abstraits tels que la notion de richesse. La conférence elle-même, en raison de la pandémie de Covid-19, s’est déroulée en ligne, dans un format asynchrone. Les communications, documentations et powerpoints de chaque orateur furent mis à disposition sur un site internet, avant d’être discutés en ligne durant des tranches horaires spécifiques. Si ce format ne remplace pas la richesse des interactions facilitées lors d’une conférence en présentiel, il a quand même très bien fonctionné. La rencontre a donné lieu à de nombreuses discussions, et a aussi permis à de nombreux collègues, qui ne disposaient pas de fonds pour voyager, de participer aux débats.

Extraire le passé du présent

  • 3 J. Vansina, 1995 ; P. Robertshaw, 2000.
  • 4 R.C. Bailey et al., 1989 ; S. Bahuchet, D. McKey, I. de Garine, 1991.
  • 5 A.B. Stahl, 2001 ; K.M. de Luna, J.B. Fleisher, 2019 ; K.M. de Luna, J.B. Fleisher, S. Keech McInto (...)
  • 6 A. Gallay, E. Huysecom, A. Mayor, 1994 ; E. Huysecom, 1992 ; A. Mayor, 1994 ; O. Gosselain, 1995 ; (...)

5L’histoire des recherches utilisant le présent de l’Afrique pour explorer son passé est longue, pleine de malentendus et de raisonnements qui restent malgré tout assez cloisonnés au sein de chaque discipline. On pense évidemment au débat entre archéologues, historiens et linguistes historiques concernant le phénomène de l’expansion bantoue ou à un autre exemple notoire, celui du débat entre historiens et archéologues concernant les rôles respectifs de leurs disciplines dans la construction des récits historiques3. On pense également à la controverse sur la « Wild yam question » de la fin des années 1980, toujours d’actualité, confrontant, au sein même de l’anthropologie, le point de vue de l’écologie culturelle à celui des ethnosciences sur le peuplement conjoint ou non des agriculteurs et des chasseurs-cueilleurs4. Le débat est large et complexe. Comme l’ont déjà relevé plusieurs auteurs, tels Stahl dans l’introduction de son livre Making History in Banda en 2001, De Luna et Fleisher dans l’introduction de Speaking with Substance ou encore, De Luna, Fleisher & Keech MacIntosh dans l’introduction de Thinking Across the Past des réflexions épistémologiques et méthodologiques s’imposent5. Plusieurs écoles de recherche pluridisciplinaires, ayant ancré leurs recherches sur le passé dans le présent, ont abouti à des résultats notables, comme celle se revendiquant de l’approche historique directe ou de l’ethnoarchéologie africaine6. Mais malgré cet effort, et une décade après la publication de Thinking Across the Past, force est de constater que les défis d’alors n’ont pas vraiment été dépassés et que le développement d’une architecture de recherche pluridisciplinaire en sciences humaines est loin d’être abouti.

  • 7 En ce qui concerne les processus de transformations, d’appropriations et d’invention à l’œuvre, voi (...)

6Lire le passé dans le présent pourrait sembler relever d’un truisme. Le passé structure le présent et, au-delà de la simple analogie, nous pouvons en effet lire certains aspects de l’histoire africaine dans une myriade de choses que nous avons aujourd’hui sous les yeux – ou presque. On peut interpréter le passé dans l’organisation d’un village, dans les paysages, dans la composition des forêts, ou encore dans la répartition de certains types de plantes ou d’espèces animales et, bien évidemment, dans la répartition des traits culturels tels que les langues, les instruments de musique, la préparation des aliments ou la métallurgie. On le sait, l’entreprise est loin d’être aisée. Si des éléments du passé imprègnent le présent, celui-ci est aussi et surtout le produit d’un brassage culturel matériel et immatériel résultant de processus de transformation, d’appropriation et d’invention. Reconstituer la trajectoire des choses et des idées s’avère dès lors être une entreprise nécessaire qui s’inscrit bien au-delà d’une simple interprétation du passé au sein du présent7.

  • 8 D. Hicks, 2013.

7Synthétiser tous les tenants et aboutissants des recherches pluridisciplinaires sur le présent et le passé de l’Afrique est un travail colossal et ce ne sera pas notre propos ici – certains se demandent s’il est même possible de le faire tant le champ des sciences du passé s’est élargi et diversifié8. Il nous semble néanmoins important de souligner quelques points, déjà relevés par d’autres chercheurs, concernant la résilience de perspectives évolutionnistes, les écueils de la recherche pluridisciplinaire, ou la dimension positiviste dans l’idée d’extraire le passé du présent.

  • 9 A.B. Stahl, 2001; M.-R. Trouillot 1995.
  • 10 Les appellations telles que âge de la Pierre, Néolithique ou âge du Fer, font référence à des stade (...)
  • 11 P. Poutignat, J. Streiff-Fénart, 1995 ; P. Poutignat, J. Streiff-Fénart, 2017 ; A.B. Stahl, 2001, p (...)

8En effet, les différentes disciplines consacrées au passé et au présent de l’Afrique sont encore, à des degrés divers, imprégnées de perspectives évolutionnistes héritées du xixe siècle9. On pense notamment aux visions simplificatrices et statiques des identités – surtout en matière d’ethnicité, à la catégorisation en âges de l’archéologie10, à une prédilection pour le pouvoir politique ou économique, ainsi qu’au dédain pour les artisanats traditionnels au profit de thématiques jugées plus contemporaines11. Stahl relève par exemple une série d’études montrant les stratégies misent en œuvres dans la création, le maintien ou la résistance à des revendications identitaires. En attendant un grand chantier méthodologique dans les sciences humaines, on gardera à l’esprit le caractère situé, dynamique et fluide des différentes formes d’identité et la nécessité de promouvoir des approches nuancées de l’histoire africaine.

  • 12 E. Sapir, 1916.
  • 13 D. Hicks, 2013.
  • 14 R. Borofsky, 2002 ; S.B. Ortner, 1984 ; 1991 ; T. Spear, 1994 ; A.B. Stahl, 2001.
  • 15 P. Minard et al., 2002.
  • 16 S. Palmié, C. Stewart, 2016.

9En ce qui concerne la recherche pluridisciplinaire, il reste encore beaucoup de chemins à parcourir. En effet, si l’importance du travail pluridisciplinaire est admise depuis longtemps, il n’en reste pas moins que, dans la pratique, l’harmonisation méthodologique des disciplines concernées par le présent et le passé des sociétés, africaines ou autres, en est toujours au stade des balbutiements. En dehors de la méconnaissance des méthodes propres aux unes et aux autres, on constate une absence quasi totale d’intégration des avancées des disciplines sur des thématiques proches – même en ne considérant que les sciences humaines. C’est assez paradoxal, car on vante les mérites d’une telle intégration depuis longtemps. Du côté des États-Unis, l’idée des Four-Field Approach – soit l’archéologie, la linguistique, l’anthropologie physique et l’anthropologie culturelle – est soutenue au moins depuis le début du xxe siècle par Boas. Sapir, élève de Boas, esquisse une véritable intégration des sciences humaines concernées par le passé – dans sa publication de 1916, Time Perspective in Aboriginal American Culture12. Il propose de voir l’ethnologie comme une discipline historique et passe en revue les aspects de l’anthropologie physique, de l’ethnologie et de la linguistique permettant des inférences historiques indirectes, par opposition aux inférences directes permises par l’archéologie. Cette publication est un pas important dans le sens d’une véritable intégration, même si elle s’inspire de travaux plus anciens13. Aujourd’hui néanmoins, cette intégration relève toujours plus d’un projet que d’une réalité14. La situation n’est guère plus brillante en Europe, comme en France, où l’on observe dès les débuts du xxe siècle des tiraillements entre sociologie, anthropologie et histoire. L’idée de pluridisciplinarité, regroupant en tout cas sociologie et anthropologie, est présente dans les travaux de Durkheim, puis de Mauss, mais le débat entre historiens et anthropologues sur la prévalence de l’une ou l’autre discipline se poursuit dans la deuxième moitié du xxe siècle et continue jusqu’à nos jours15. Malgré l’importance du débat, on est loin de la constitution d’une trousse à outils commune16.

  • 17 « upstreaming, that is going backwards in time » (J. Vansina, 1990, p. 31). Il fait référence à Fen (...)

10L’idée d’extraire le passé du présent doit éviter d’autres écueils en matière d’approche pluridisciplinaire. La linguistique a été l’une des premières à interroger le passé en usant de données actuelles. Pour l’Afrique, par exemple, Sigismund Koelle a publié sa Polyglotta Africana en 1854, tandis que Wilhelm Bleek a inventé le terme Bantuistik en 1859, après avoir identifié la relation entre une série de langues de la côte orientale de l’Afrique et esquissé l’idée d’une famille de langues bantoues. Bien qu’ils n’aient pas eu de recherches historiques à l’esprit, la question de l’origine et de la dispersion des langues est rapidement devenue un sujet de recherche. Curieusement, Sapir, que l’on évoquait plus haut, à qui l’on doit l’idée de direct historical approach, est aussi un linguiste. L’idée, ainsi qu’une série de principes importants, ont été reprises sous le vocable de upstreaming par Vansina17.

  • 18 J. Vansina, 1961.
  • 19 M. Bloch, 1931 ; H. Collet, 2020.
  • 20 d’Alembert, 1821.
  • 21 Petelo Boka, 1910 ; J. Cuvelier, 1953.

11L’engagement des historiens a été retardé par le débat sur la validité de l’histoire orale – des données historiques révélatrices de la manière dont un certain sens est donné au présent – et il faut attendre la percée méthodologique des années 1960, souvent attribuée à Vansina, pour voir se structurer l’analyse des données de l’histoire orale18. Pourtant, du côté des historiens français, l’histoire régressive est admise depuis les travaux de Marc Bloch, qui pose quelques principes de la méthode toujours valable aujourd’hui19. Pour la petite histoire, on retiendra aussi que l’idée d’aborder l’histoire à rebours est attribuée à d’Alembert20. On notera aussi que les connaissances historiques étaient déjà collectées et transcrites par des Africains aux alentours des années 1900. Par exemple, Carl Christian Reindorf (un pasteur afro-européen) a publié en 1895 son Histoire de la Côte d’Or et d’Asante – initialement écrite en langue ga – ou encore Petelo Boka, un religieux d’origine kongo, qui a compilé un manuscrit, en kikongo, sur l’histoire des clans kongo21. Bien que ces deux personnes ne soient pas des historiens au sens académique du terme – elles n’avaient pas pour but d’analyser et de critiquer, mais de reproduire et d’utiliser la tradition historique – leur travail est un bon indice de l’intérêt pour une connaissance du passé et d’une prédilection pour cette forme de tradition historique sur le continent africain.

  • 22 O.P. Gosselain, A. Livingstone Smith, 2013.
  • 23 Encore aujourd’hui, la division de l’histoire telle qu’elle est perçue par les sources archéologiqu (...)
  • 24 P. Robertshaw, 1990 ; A.B. Stahl, 2001.
  • 25 F. Pierot, 1987.
  • 26 A. Haour, 2018.
  • 27 N. Arazi et al., 2020.

12Les archéologues sont arrivés particulièrement tard dans les débats sur l’histoire africaine. En effet, la contribution de l’archéologie à l’histoire africaine était à l’origine focalisée sur l’âge de pierre et l’origine de l’humanité. Les premiers à s’intéresser à l’histoire récente – c’est-à-dire à notre ère – étaient en fait étrangers à cette discipline, comme l’architecte Laidler, qui a cherché à établir un lien entre le style de poterie de Great Zimbabwe et les populations bantoues environnantes22. Il faut attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour voir l’archéologie sortir de l’âge de la pierre. À partir de ce moment, les archéologues africanistes se consacrent de plus en plus à l’archéologie de ce qu’on appelle « l’âge du Fer », l’un des reliquats des théories évolutionnistes que l’on évoquait plus haut23. L’intérêt pour ce que l’on appelait à l’époque « l’âge du Fer récent » va croître24. Partant de là, certains questionnements vont traverser les disciplines et les archéologues vont être confrontés aux historiens et aux linguistes. Par exemple, dans les années 1980, Pierre de Maret a fouillé Mashita Mbanza, suivant en cela une piste ouverte par Jan Vansina sur l’origine des populations pende25. Enfin, dans les développements plus récents de cet intérêt pour l’histoire ancrée dans le présent, les recherches archéologiques sont développées en étroite relation avec les traditions orales. Dans le cadre du projet ERC « Crossroads of Empires » d’Anne Haour, l’emplacement exact de certaines fouilles archéologiques a été décidé par des informateurs de l’histoire orale26. La première couche archéologique était le sol d’une concession. Dans le projet « Patrimoines arabos-swahilis du Maniema » de Noémie Arazi, les fouilles archéologiques ont été guidées par le paysage mémoriel des informateurs de l’histoire orale27. Bien qu’il reste beaucoup à faire pour structurer méthodologiquement ce type d’approche, nous ne pouvons que constater qu’une intégration fluide de l’histoire orale et de l’archéologie est possible.

  • 28 F. Braudel, 1958.
  • 29 C. Coquery-Vidrovitch, 2021.
  • 30 J. Vansina 1961 ; 1985.
  • 31 Voir par exemple le travail de l’éco-anthropologue Edmond Dounias chez les Fang Mvae du Sud Camerou (...)
  • 32 J. Lave, 1988 ; J. Lave, E. Wenger, 1991 ; C. Corniquet, 2011 ; 2013 ; O.P. Gosselain, 2016.
  • 33 A.B. Stahl, A.P. Roddick, 2016 ; O.P. Gosselain, 2016.
  • 34 G. Condominas, 1980 ; A. Livingstone Smith, 2016.

13En ce qui concerne l’anthropologie et ses collaborations multidisciplinaires avec l’archéologie et la linguistique historique, deux contributions relativement distinctes peuvent être identifiées : celles héritées de la relation complexe entre l’histoire et l’anthropologie d’une part, et celles découlant de l’ethnographie, de l’ethnoécologie, sous certains de ses aspects, et des études sur la culture matérielle, d’autre part. Il est impossible d’éviter le passé lorsque l’on discute avec les gens de ce qu’ils font, de la manière dont ils le font et des raisons pour lesquelles ils le font d’une manière spécifique. La « tradition » est presque systématiquement invoquée par les informateurs lorsqu’ils expliquent les choses. Mais pendant longtemps, l’anthropologie s’est peu intéressée à l’histoire « réelle ». Le débat entre Lévi-Strauss et Braudel dans la revue Annales de 1958 en témoigne28. Dans un même temps, le travail des anthropologues, des historiens et des ethnohistoriens qui se sont engagés à combiner les sources écrites, les archives et, ce que l’historienne africaniste Coquery-Vidrovich appelle la « mémoire vive » a progressé de son côté et s’est enrichi méthodologiquement29. Tournant le dos à l’entreprise dés-historicisante de l’anthropologie coloniale, puis du structuralisme, les recherches actuelles placent les institutions étudiées dans le « temps court » – on est loin de la longue durée défendue par Braudel. Plus que la « tradition orale », elles s’appuient sur l’étude de « l’histoire orale »30. Ce domaine de recherche dynamique et novateur en anthropologie, qui combine ainsi l’étude du passé et celle du présent, est évidemment ce que nous voyons comme une voie à suivre. En outre, la tradition anthropologique de l’ethnographie, de l’ethnoécologie historique et des études de la culture matérielle représente un ensemble de connaissances que les archéologues et les ethnolinguistes peuvent plus facilement exploiter. S’inspirer du matériel empirique contemporain – comme les modalités d’établissement sur le territoire, le lexique ethnoécologique ou la description d’une « chaîne opératoire » – fait désormais partie des pratiques intra- et multidisciplinaires31. Toutefois, cette approche mérite d’être développée davantage. Du point de vue des études de la culture matérielle, on note aussi des avancées, très localisées, mais importantes. À la suite des travaux de Lave et Wenger, Corniquet et Gosselain ont proposé d’utiliser une série de concepts sociologiques de la théorie des communautés de pratique pour décrire l’univers des artisanes potières en Afrique subsaharienne – au Niger spécifiquement32. Différents niveaux de relations, depuis le noyau familial jusqu’aux communautés de pratiques, se retrouvent autour des lieux de cuissons, des sources d’argiles ou des marchés. Au travers de biographies et de généalogies d’artisans, ils ont montré comment les réseaux de potières (véhiculant toute une série d’idées), se déployaient dans le temps et dans l’espace sous la forme de « constellations33 ». Ces constellations s’accordent parfaitement avec ce qui a aussi été défini en anthropologie par Condominas comme espace social ou comme matérialisation de réseaux d’interactions sociales présents ou anciens34.

  • 35 C. Bromberger, 1984 ; C. Bromberger, A. Morel, 2001.

14« Chaîne opératoire », « communauté de pratique », « constellation de communautés », « espace social », « rémanence », pour ne citer que quelques-unes des contributions théoriques de la socio-anthropologie, sonnent comme des mots à la mode, mais ils ont fourni aux africanistes traitant de la culture matérielle et de l’histoire une fantastique boîte à outils pour explorer le présent et le passé des sociétés africaines. Et, en fait, pour relier les deux. Combinées aux contributions théoriques d’autres domaines, comme la méthode linguistique « mots et choses » ou l’analyse spatiale, elles constituent un environnement pluridisciplinaire confortable dans lequel anthropologues, linguistes et archéologues, entre autres, peuvent partager des questions, des outils et des concepts et pas seulement des résultats, en évitant les raisonnements disciplinaires cloisonnés35. Le fait d’apporter davantage de concepts anthropologiques de ce type à la connaissance d’autres disciplines peut nourrir notre capacité à nous inspirer du présent pour imaginer le passé.

15L’entreprise n’est donc pas si facile, et il est toujours délicat de suivre la trajectoire des choses directement du présent au passé. Étape après étape. En organisant la conférence « Extraire le passé du présent », nous n’avions pas l’ambition de régler tous les problèmes, mais les contributions présentées oralement, ainsi que celles rassemblées ici, constituent un pas dans la bonne direction.

16Les textes de la présente publication couvrent quatre principaux thèmes : l’environnement, la technologie, les manières de vivre induites par des connections et des interactions et enfin la mobilité.

17En ce qui concerne l’environnement, un premier article, par Achille B. Biwolé, Olivier J. Hardy, Jean-Louis Doucet, est intitulé « Histoire récente de la forêt littorale du sud du Cameroun. Les réponses du passé quant au rôle probable des perturbations humaines sur la composition floristique actuelle ». L’article est consacré à l’histoire des forêts dominées par de grands arbres émergents généralement considérés comme indicatifs d’anciennes occupations humaines. Dans cet article, les auteurs examinent l’impact des activités humaines passées sur la composition floristique actuelle de la forêt d’Afrique centrale. La deuxième contribution est celle de Jan Jansen et James R. Fairhead intitulée « Teaming up with termites—Appraising termites’ contributions to earth technologies in West Africa ». Les auteurs examinent les interactions entre l’homme et les termites en Afrique de l’Ouest et proposent une compréhension intégrée du rôle important joué par les termites dans l’histoire sociale et culturelle de l’Afrique de l’Ouest.

18Pour ce qui est de la technologie, l’article de Caroline Robion-Brunner, « Contribution des données paléométallurgiques à l’histoire des sociétés ouest-africaines durant les royaumes de Ghâna, Mâli, Gao et Mossi », aborde la relation entre la production de fer et les grandes formations politiques d’Afrique de l’Ouest à travers le temps. À l’aide de cartes rétrospectives, elle examine l’impact de la production de fer sur les populations qui vivaient entre les zones sahéliennes et soudano-sahélienne. La contribution de Chloé Capel, « Contemporary oasis hydraulics: An open window on the sociology of the population of medieval Saharan cities », examine quant à elle le cas de Sijilmasa au Maroc. Le texte combine les champs d’analyse de l’hydrosociologie et de l’archéologie hydraulique pour élaborer une grille d’analyse des systèmes d’irrigation fossilisés dans les parcelles agricoles contemporaines. À partir d’une étude de l’hydraulique oasienne subcontemporaine, elle développe une analyse diachronique des organisations sociales anciennes, un modèle qui peut être utilisé pour explorer d’autres oasis sahariennes médiévales. Alice Mezop s’intéresse aux traditions mégalithiques contemporaines du nord du Cameroun dans une contribution intitulée « Pratiques mégalithiques actuelles et subactuelles et dynamique du peuplement dans le Faro au nord du Cameroun (xixe et xxe siècles) ». Combinant enquêtes et prospections archéologiques, elle souligne l’existence de deux traditions géographiquement distinctes et montre qu’elles s’interpénètrent. Ce patrimoine, encore largement sous-exploité et menacé de destruction, peut éclairer l’histoire complexe des strates de peuplement et des interactions humaines dans la région du Faro au Nord-Cameroun. Enfin, la contribution d’Ulrike Nowotnick, intitulée « Glimpses into cooking practices—observations on past and present Sudanese griddle baking », porte sur l’histoire des plaques de cuisson plates – des ustensiles de cuisine utilisés pour cuire des pains plats. Elle examine les preuves archéologiques attestant de l’utilisation de plaques à griller en céramique au cours des 2 500 dernières années au Soudan et en Éthiopie, et replace ces objets dans leur contexte à l’aide d’une étude sur les pratiques contemporaines de cuisson sur plaque au Soudan.

19Dans la partie consacrée aux manières de vivre induites par les contacts et les interactions, l’article de Karen D. Lupo et Dave N. Schmitt, intitulé « Recasting forest forager and food-producer population interaction as a pivotal prehistoric process of change », se concentre sur les nombreuses interrelations entre les forestiers chasseurs-cueilleurs et agriculteurs-éleveurs. Passant en revue l’étendue et la portée de ces interactions, ils affirment qu’elles ont dû avoir des conséquences importantes sur les vestiges matériels. Ils suggèrent que les futures recherches archéologiques prennent en compte l’influence des chasseurs-cueilleurs sur les déplacements et les modes de vie des producteurs de nourriture et de fer qui migrèrent vers les régions forestières. L’article d’Eloi Cyrille Tollo intitulé « Approches comparative et analytique des pratiques funéraires anciennes à Mbanza Kongo (Province du Zaïre, Angola) », examine la question des pratiques funéraires dans deux cimetières de l’ancienne capitale du royaume Kongo : Mbanza Kongo. Son idée est d’aller au-delà des aspects relatifs à l’archéologie funéraire, y compris la chronologie, la distribution spatiale, l’architecture et les méthodes d’inhumation des tombes, pour examiner comment, dans ces zones funéraires, les pratiques cultuelles locales s’accommodent de l’influence du christianisme.

20Les trois dernières contributions peuvent être regroupées sous le thème de la mobilité. L’article de David Kay intitulé « Mobile sedentism? The Marakwet settlements of the Elgeyo Escarpment, north-western Kenya », se concentre sur les pratiques de subsistance mobiles. En utilisant le concept de « sédentarité mobile », il combine des données archéologiques et des données d’enquêtes contemporaines sur les ménages avec des récits oraux, afin d’étudier le déplacement progressif d’un établissement entier à travers un paysage sur une période de deux siècles. L’évolution des modes de résidence est liée aux tendances plus générales des pratiques de subsistance mobiles dans la zone d’étude au fil du temps. L’article de Liévain Mwangal Mpalang'a-Maruv intitulé « L’évolution et les mobilités spatiales de la ville de Musumb, capitale de l’empire lunda de 1852 à 1885 » porte sur l’histoire de la capitale de l’empire lunda. Il explore l’origine du mot musumb par lequel les capitales lunda sont désignées et examine les raisons sous-jacentes à leur mobilité, à savoir le processus électoral et les systèmes idéologiques des empereurs lunda, combinés à la pression du monde économique, à l’antagonisme entre les Aruwund et les Chokwe, ainsi qu’à l’infiltration des M’Siri et à l’ingérence étrangère. Enfin, l’article « Paths in the eastern Congo rainforest: Vernacular histories, colonial interpretations and linguistic data on the settlement of the lower Lualaba » par Birgit Ricquier, Laurent Nieblas Ramirez, Alexandre Livingstone Smith, Shingo Takamura, David Kopa wa Kopa et Daou Véronique Joiris est consacré à l’histoire du bas Lualaba, plus précisément la région entre Kisangani et Lowa, surtout connue par des publications et des rapports datant de la période coloniale. Dans cet article, les auteurs confrontent les enregistrements récents des histoires vernaculaires aux données disponibles dans les archives coloniales. Ils esquissent une chronostratigraphie culturelle de la région axée sur les origines, les voies de circulation et les contacts sociaux. Les parcours et les échanges culturels décrits dans ces récits historiques présentent des parallèles frappants avec l’histoire des langues dans la zone étudiée.

Haut de page

Bibliographie

Arazi, N., Bigohe, S., Mulumbwa Luna, O., Mambu, C., Matonda, I., Senga, G., Livingstone Smith, A., 2020, « History, archaeology and memory of the Swahili-Arab in the Maniema, Democratic Republic of Congo », Antiquity, 94 (375), p. e18. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.15184/aqy.2020.86

Bahuchet, S., McKey, D., Garine, I. de, 1991, « Wild yams revisited: Is independence from agriculture possible for rain forest hunters-gatherers? », Human Ecology, 19 (2), p. 213-243.

Bailey, R.C., Head, G., Jenike, M., Owen, B., Rechtman, R., Zechenter, E., 1989, « Hunting and gathering in tropical rain forest: Is it possible? », American Anthropology, 91 (1), p. 59-82.

Beaune, S.A. de, 2010, « Dimensions littéraires et fictionnelles dans le discours sur la préhistoire », in S.A. de Beaune, R. Labrusse (dir.), La préhistoire au présent, Paris, CNRS Éditions, p. 407-446.

Bloch, M., 1931, Les caractères originaux de l’histoire rurale française, Paris, Armand Colin.

Borofsky, R., 2002, « The four subfields: Anthropologists as mythmakers », American Anthropologist, 104 (2), p. 463-480. https://0-www-jstor-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/stable/683998

Braudel, F., 1958, « Histoire et sciences sociales : la longue durée », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 13 (4), p. 725-753. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3406/ahess.1958.2781

Bromberger, C., 1984, « Des cartes ethnologiques : pour quoi faire ? », Terrain, 3, p. 84-87.

Bromberger, C., Morel, A. (dir.), 2001, Limites floues, frontières vives. Des variations culturelles en France et en Europe, Paris, Édition de la Maison des Sciences de l’Homme.

Collet, H., 2020, Le sultanat du Mali. Histoire régressive d’un empire médiéval (xxie-xive siècle), Paris, CNRS Éditions.

Condominas, G., 1980, L’espace social. À propos de l’Asie du Sud-Est, Paris, Flammarion.

Conklin, H.C., 1957, Hanunóo agriculture: A report on an integral system of shifting cultivation in the Philippines, Rome, Food and Agriculture Organization of the United Nations Rome.

Coquery-Vidrovitch, C., 2021, Les routes de l’esclavage - Histoire des traites africaines, vie-xxe Siècle, Paris, Albin Michel.

Corniquet, C., 2011, « Cadres de pratiques et circulation des connaissances chez les potières de l’Arewa (Niger) », Cahiers d’études africaines, 51 (1), p. 87-114.

Corniquet, C., 2013, Ancrage social, ancrage spatial. Circulations des savoirs céramiques chez les potières de l’Arewa et du Kurfey (Niger), Bruxelles, Université Libre de Bruxelles.

Cuvelier, J., 1953, « Note sur la documentation de l’histoire du Congo (d’après Mwene Petelo Boka) », Bulletin des séances de l’IRCB (Inst. Royal Colonial Belge), 24 (2).

D’Alembert, 1821, Œuvres complètes de d’Alembert, t. 2, part. 1, London, Martin Bossange et Co. https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/bpt6k6473519v

David, N., Kramer, C., 2001, Ethnoarchaeology in action, Cambridge, Cambridge University Press.

David, N., Gavua, K.B., MacEachern, A.S., 1991, « Ethnicity and material culture in north Cameroon », Canadian Journal of Archaeology, 15, p. 171-177.

Dietler, M., Herbich, I., 1989, « Tich Matek: The technology of Luo pottery production and the definition of ceramic style », World Archaeology. Ceramic Technology, 21 (1 (June)), p. 148-164.

Dounias, E., 1993, Dynamique et gestion différentielles du système de production à dominante agricole des Mvae du Sud-Cameroun forestier, Montpellier, Université de Montpellier 2.

Dounias, E., Oishi, T., 2016, Inland traditional capture fisheries in the Congo Basin, Revue d’ethnoécologie, 10. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ethnoecologie.2789

Fenton, W.N., 1952, « The training of historical ethnologists in America », American Anthropologist, 54 (3), p. 328-339. https://0-www-jstor-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/stable/664070

Fenton, W.N., 1962, « Ethnohistory and its problems », Ethnohistory, 9 (1), p. 1-23. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.2307/480783

Gallay, A., Huysecom, E., Mayor, A., 1994, Peuples et céramiques du delta intérieur du Niger, Genève, Département d’anthropologie et d’écologie de l’Université de Genève.

Gosselain, O., 1995, Identités techniques. Le travail de la poterie au Cameroun méridional, Bruxelles, Université Libre de Bruxelles.

Gosselain, O.P., 2016, « The world is like a beanstalk: Historicizing potting practice and social relations in the Niger River area », in A. Roddick, A.B. Stahl (dir.), Knowledge in motion: Constellations of learning across time and place, Tucson, University of Arizona Press, p. 36-66.

Gosselain, O.P., Livingstone Smith, A., 2013, « A century of ceramic studies in Africa », in P. Mitchell, P.J. Lane (dir.), The Oxford handbook of African archaeology, Oxford, Oxford University Press, p. 117-129.

Haour, A. (dir.), 2018, Two thousand years in Dendi, northern Benin. Archaeology, history and memory, Brill, Journal of African Archaeology Monograph Series, vol. 13.

Hicks, D., 2013, « Four-field anthropology », Current Anthropology, 54 (6), p. 753-763. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1086/673385

Huysecom, E., 1992, « Les percuteurs d’argile : des outils de potières africaines utilisés de la préhistoire à nos jours », Bulletin du centre genevois d’anthropologie, 3, p. 71-98.

Lave, J., 1988, Cognition in practice: Mind, mathematics and culture in everyday life, Cambridge University Press.

Lave, J., Wenger, E., 1991, Situated learning. Legitimate peripheral participation, New York, Cambridge University Press.

Livingstone Smith, A., 2016, « Pottery and politics: Making sense of pottery traditions in Central Africa », Cambridge Archaeological Journal, 26 (3), p. 471-491. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1017/S0959774316000317

Luna de, K.M., Fleisher, J.B., 2019, Speaking with substance: Methods of language and materials in African history, Springer International Publishing.

Luna de, K.M., Fleisher, J.B., Keech McIntosh, S., 2012, « Thinking across the African past: Interdisciplinarity and early history », The African Archaeological Review, 29 (2/3), p. 75-94. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1007/s10437-012-9123-y

MacEachern, S., 1994, « ‘Symbolic reservoirs’ and inter-group relations: West-African examples », The African Archaeological Review, 12, p. 205-224.

Mayor, A., 1994, « Durée de vie des céramiques africaines : facteurs responsables et implications archéologiques », in F. Audouze, D. Binder (dir.), Terre cuite et société, document technique, économique, culturel. Rencontre internationale d’archéologie et d’histoire, 14 (CNRS-CRA-ERA 36, Antibes, 21-23 oct. 1993), Juan-les-Pins, APDCA., p. 179-198.

Minard, P., Dakhlia, J., Gruzinski, S., Martin, J.-C., Nassiet, M., Naepels, M., 2002, « Histoire et anthropologie, nouvelles convergences ? », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 49–4bis (5), p. 81-121. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3917/rhmc.495.0081

Ortner, S.B., 1984, « Theory in anthropology since the sixties », Comparative Studies in Society and History 26 (1), p. 126-166.

Ortner, S.B., 1991, « Narrativity in culture, history, and lives », Working paper 66, Program in the Comparative Study of Social Transformations, Ann Arbor, MI, University of Michigan, SAGE Publications. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1177/1463499605050867

Palmié, S., Stewart, C., 2016, « Introduction: For an anthropology of history », Journal of Ethnographic Theory, 6 (1), p. 207-236. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.14318/hau6.1.014

Petelo Boka, 1910, Nsosani a Kingudi. Luzayilu Lua Makanda Ye Zimvila Zazonsono..., Redemptorist Archive in Leuven.

Phillipson, D.W., 1985, African archaeology, Cambridge, Cambridge University Press, Cambridge World Archaeology.

Pierot, F., 1987, Étude ethnoarchéologique du site de Mashita Mbanza (Zaïre), Bruxelles, Université Libre de Bruxelles.

Poutignat, P., Streiff-Fenart, J., 1995, Théories de l’ethnicité, suivi de Les groupes ethniques et leurs frontières de F. Barth, Paris, PUF.

Poutignat, P., Streiff-Fenart, J., 2017, « L’ancrage social des différences culturelles. L’apport des théories de l’ethnicité », Diogène, 258-259-260 (2-3-4), p. 71-83. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3917/dio.258.0071

Robertshaw, P., 1990, A history of African archaeology, London, James Currey.

Robertshaw, P., 2000, « Sibling rivalry? The intersection of archeology and history », History in Africa, 27, p. 261-286. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.2307/3172117

Sapir, E., 1916, Time perspective in aboriginal American culture. A study in method, Ottawa, Government Printing Bureau, Anthropological series, n°13, Canada Department of Mines - Geological Survey, Memoir 90.

Spear, T., 1994, « History or anthropology?: Ethnography and the historical imagination. By John and Jean Comaroff, Boulder: Westview Press, 1992, The Journal of African History, 35 (1), p. 133-134. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1017/S0021853700026001

Stahl, A.B., 2001, Making history in Banda: Anthropological visions of Africa’s past, Cambridge, Cambridge University Press.

Stahl, A.B., Roddick, A.P., 2016, Knowledge in motion: Constellations of learning Across time and place, Tucson, University of Arizona Press.

Trouillot, M.-R., 1995, Silencing the past, Boston, Mass., Beacon Press.

Vansina, J., 1961, De la tradition orale : essai de méthode historique, Tervuren, Musée royal de l’Afrique centrale.

Vansina, J., 1973, « Lukoshi, Lupambula : histoire d’un culte religieux dans les régions du Kasai et du Kwango (1920-1970) », Études d’histoire africaine, 5, p. 51-97.

Vansina, J., 1985, Oral tradition as history, Madison, University of Wisconsin Press.

Vansina, J., 1990, Paths in the rainforests: Toward a history of political tradition in Equatorial Africa, Madison, The University of Wisconsin press.

Vansina, J., 1995, « Historians, are archeologists your siblings? », History in Africa, 22, p. 369-408. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.2307/3171923

Haut de page

Notes

1 Ce projet est un ERC « starting grant », intitulé « At a Crossroads of Bantu Expansions: Present and Past Riverside Communities in the Congo Basin, from an Integrated Linguistic, Anthropological and Archaeological Perspective » (grant agreement number 804261, PI : Birgit Ricquier, 2019-2024, Université libre de Bruxelles (ULB) en collaboration avec le Musée royal de l’Afrique centrale (MRAC)). Depuis ce colloque, un anthropologue supplémentaire, Peter Lambertz, a rejoint l’équipe.

2 Les actes de cette conférence ont été publiés dans une édition spéciale de la African Archaeological Review en 2012.

3 J. Vansina, 1995 ; P. Robertshaw, 2000.

4 R.C. Bailey et al., 1989 ; S. Bahuchet, D. McKey, I. de Garine, 1991.

5 A.B. Stahl, 2001 ; K.M. de Luna, J.B. Fleisher, 2019 ; K.M. de Luna, J.B. Fleisher, S. Keech McIntosh, 2012.

6 A. Gallay, E. Huysecom, A. Mayor, 1994 ; E. Huysecom, 1992 ; A. Mayor, 1994 ; O. Gosselain, 1995 ; M. Dietler, I. Herbich, 1989 ; N. David, K.B. Gavua, S. MacEachern, 1991 ; N. David, C. Kramer, 2001 ; S. MacEachern, 1994.

7 En ce qui concerne les processus de transformations, d’appropriations et d’invention à l’œuvre, voir par exemple le travail de Vansina sur le culte Lukoshi/Lupambula : J. Vansina, 1973.

8 D. Hicks, 2013.

9 A.B. Stahl, 2001; M.-R. Trouillot 1995.

10 Les appellations telles que âge de la Pierre, Néolithique ou âge du Fer, font référence à des stades évolutifs, influencées par la théorie des trois âges (Three Ages Theory), généralement attribués à Christian Jürgensen Thomsen (1788-1865) dans une publication de 1836. En réalité, il semble que Thomsen, qui avait fait des études à Paris, a lui-même été influencé par la lecture des travaux de Nicolas Mahudel (1673-1747). Ce dernier proposait une classification de l’histoire de l’humanité en âges reprise à Lucrèce dans De Rerum Natura, Livre V (S. de Beaune, 2010, p. 427), qui traduisait lui-même la pensée de philosophes grecs (les fameux âge d’or, d’argent, etc. d’Hésiode). Il faut noter que si pour les Grecs les âges successifs marquaient une dégradation morale, chez Lucrèce, ils sont associés à une notion de progrès. Ce système de classification spéculatif a influencé les premiers anthropologues évolutionnistes, et sera à la base des théories raciales / racistes du xixe et du xxe siècle.

11 P. Poutignat, J. Streiff-Fénart, 1995 ; P. Poutignat, J. Streiff-Fénart, 2017 ; A.B. Stahl, 2001, p. 3-8.

12 E. Sapir, 1916.

13 D. Hicks, 2013.

14 R. Borofsky, 2002 ; S.B. Ortner, 1984 ; 1991 ; T. Spear, 1994 ; A.B. Stahl, 2001.

15 P. Minard et al., 2002.

16 S. Palmié, C. Stewart, 2016.

17 « upstreaming, that is going backwards in time » (J. Vansina, 1990, p. 31). Il fait référence à Fenton « Ethnohistory and its problem » de 1962 (W.N. Fenton, 1962), qui fait lui-même référence à Sir W.M.F. Petrie et à Sapir (E. Sapir, 1916). Fenton mentionne aussi l’idée de upstreaming dans un article plus ancien (W.N. Fenton, 1952).

18 J. Vansina, 1961.

19 M. Bloch, 1931 ; H. Collet, 2020.

20 d’Alembert, 1821.

21 Petelo Boka, 1910 ; J. Cuvelier, 1953.

22 O.P. Gosselain, A. Livingstone Smith, 2013.

23 Encore aujourd’hui, la division de l’histoire telle qu’elle est perçue par les sources archéologiques, est souvent divisée en âges (âge de la Pierre, Néolithique, âge du Fer), dont la validité a plusieurs fois été démontée. Pourtant, David Phillipson avait déjà supprimé toutes références aux « âges » dans son ouvrage African Archaeology dès 1985 (D. Phillipson, 1985).

24 P. Robertshaw, 1990 ; A.B. Stahl, 2001.

25 F. Pierot, 1987.

26 A. Haour, 2018.

27 N. Arazi et al., 2020.

28 F. Braudel, 1958.

29 C. Coquery-Vidrovitch, 2021.

30 J. Vansina 1961 ; 1985.

31 Voir par exemple le travail de l’éco-anthropologue Edmond Dounias chez les Fang Mvae du Sud Cameroun (E. Dounias, 1993) et ceux de Conklin, le pionnier des recherches sur l’agriculture sur brûlis (H.C. Conklin, 1957) ou l’édition spéciale de la Revue d’ethnoécologie de 2016 consacrée aux techniques de pêches dans le bassin du Congo (E. Dounias, T. Oishi, 2016).

32 J. Lave, 1988 ; J. Lave, E. Wenger, 1991 ; C. Corniquet, 2011 ; 2013 ; O.P. Gosselain, 2016.

33 A.B. Stahl, A.P. Roddick, 2016 ; O.P. Gosselain, 2016.

34 G. Condominas, 1980 ; A. Livingstone Smith, 2016.

35 C. Bromberger, 1984 ; C. Bromberger, A. Morel, 2001.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Alexandre Livingstone Smith, Birgit Ricquier, Daou Véronique Joiris, Laurent Nieblas Ramirez, David Kopa Wa Kopa, Shingo Takamura et Els Cornelissen, « Extraire le passé du présent : introduction »Afriques [En ligne], 14 | 2023, mis en ligne le 31 janvier 2024, consulté le 14 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/afriques/4298 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/afriques.4298

Haut de page

Auteurs

Alexandre Livingstone Smith

Senior researcher, Heritage Studies, Royal Museum for Central Africa; Lecturer, Université libre de Bruxelles

Articles du même auteur

Birgit Ricquier

PI of the BANTURIVERS project, Center of Cultural Anthropology, Université libre de Bruxelles

Articles du même auteur

Daou Véronique Joiris

Professor, Center of Cultural Anthropology, Université libre de Bruxelles

Articles du même auteur

Laurent Nieblas Ramirez

FNRS fellow (“aspirant”), Université libre de Bruxelles, Royal Belgian Institute of Natural Sciences, Royal Museum for Central Africa

Articles du même auteur

David Kopa Wa Kopa

PhD student, Center of Cultural Anthropology, Université libre de Bruxelles – University of Kisangani

Articles du même auteur

Shingo Takamura

Senior Researcher, Kinugasa Research Organization, Ritsumeikan University

Articles du même auteur

Els Cornelissen

Senior Researcher – a.i. Head of Heritage Studies, Royal Museum for Central Africa

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search