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Contribution à l’étude de la nature du système de contrôle juridictionnel de l’administration au Cameroun

Contribution to the study of the nature of the judicial control system of the administration in Cameroon
Olivier Fandjip et Jerry Landry Toukam Kouahou
p. 83-119

Résumés

Le contrôle juridictionnel de l’Administration au Cameroun est-il dualiste ou moniste ? Contrairement à la France où « le dualisme juridictionnel » relève d’une « conception radicale de la séparation des pouvoirs », au Cameroun, ce dualisme est modulé. On y relève des emprunts au système moniste avec, d’une part, et malgré la présence progressive des magistrats administratifs, un rattachement du ministère public près les juridictions administratives à celui des juridictions de droit privé, et, d’autre part, sur le plan de la formation des magistrats, une présence encore importante des juges privatistes. Cette situation qu’on peut justifier par la volonté d’assurer l’efficacité de l’action administrative et surtout les difficultés économiques ne garantit certainement pas l’efficacité de cet organe. Des améliorations semblent alors nécessaires.

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Texte intégral

  • 1 En dehors de ces pays africains ralliés à la tradition juridique française, le modèle d’unité jurid (...)

1La question de la nature du système de contrôle juridictionnel de l’administration au Cameroun, notamment avec la réforme judiciaire de 2006, incite à la discussion. Il ne semble pas possible de le rattacher de manière absolue à un modèle précis. Cela semble d’ailleurs être le cas dans la majorité des États d’Afrique francophone. Il faut préciser qu’en matière de contrôle juridictionnel de l’administration, les pays d’Afrique francophone, à la suite des indépendances, se sont organisés en prenant en compte le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires hérité du droit français. On peut, par exemple, relever qu’en Afrique du Nord, le Maroc avait opté pour l’unité de contentieux avec une dualité dans son fonctionnement. Cette formule va être adoptée dans certains pays en Afrique au sud du Sahara. C’est le cas en Guinée, au Congo, au Togo, en Côte d’Ivoire, dans les Comores, en Mauritanie et au Sénégal. Le Sénégal fut le premier pays à opter pour l’unité de juridiction suite à l’indépendance. Il faut rappeler que la justice administrative dans ces pays d’Afrique, avant les indépendances, était assurée par les conseils du contentieux administratif installés dans l’ensemble de ces pays. Il en existait un pour l’Afrique occidentale française basé à Dakar au Sénégal et un autre pour l’Afrique équatoriale française situé à Brazzaville1.

  • 2 Ahmed Salem Ould Bouboutt, « Le contentieux administratif comparé en France et dans les pays d’Afri (...)

2Des changements sont intervenus par la suite. En effet, on a observé des glissements allant du système moniste vers le dualisme juridictionnel. Ainsi, en Algérie, on a vu naître des tribunaux administratifs notamment en 1998 à la suite de la mise en place deux années auparavant d’un Conseil d’État. Le cas le plus intéressant concerne le Maroc. Modèle d’unité de juridiction de référence parmi ces pays, le Maroc a mis en place en 1996 des cours d’appel de l’ordre administratif. Déjà, cinq années auparavant, des tribunaux administratifs avaient été créés notamment en 19912.

3De même, parmi les pays d’Afrique au sud du Sahara qui avaient opté pour le modèle d’unité de juridiction, certains se sont penchés vers le modèle dualiste. C’est le cas du Sénégal qui avait, en 1992, mis en place un Conseil d’État avant de revenir à l’ancien modèle de Cour suprême encore en vigueur en matière d’excès de pouvoir. On peut aussi noter l’exemple de Djibouti, qui après avoir gardé le Conseil du contentieux administratif hérité de l’époque coloniale, l’a récemment, en 2009, remplacé par un tribunal administratif juge de premier ressort en matière administrative.

4D’autres pays, à l’opposé, ont opté pour un système dualiste. Il s’agit du Bénin, du Mali, de la Tunisie, de Madagascar, de la République centrafricaine, du Tchad, du Gabon et surtout du Cameroun.

5En effet, dans la plupart de ces pays la justice administrative était insérée au sein de la plus haute juridiction à savoir la Cour suprême dont la chambre administrative connaissait en premier ressort le contentieux administratif à charge pour l’assemblée plénière de statuer en appel contre les jugements rendus par ladite chambre. Cela dit, les autres juridictions, notamment judiciaires, ne connaissent pas de matières administratives.

  • 3 http://mjp.univ-perp.fr/constit/cf2013.htm (consulté le 23 juin 2022).
  • 4 L. no 96/38, 30 juin 1996, relative à la répartition des compétences entre les tribunaux judiciaire (...)

6Dans ces systèmes également des réformes ont été observées. C’est le cas en République centrafricaine où, selon l’alinéa 2 de l’article 85 de la Charte constitutionnelle du 18 juillet 2013, « la justice est rendue […] par la Cour de cassation, la Cour des comptes, le Conseil d’État et les Cours et Tribunaux3 ». C’est le cas également au Burkina Faso où la loi organique du 23 mai 2000 a mis en place un Conseil d’État chargé de connaître en appel les décisions rendues par les tribunaux administratifs. Il s’agit, selon l’article 1er, de la « juridiction supérieure de l’ordre administratif ». Des réformes sont également observées en Tunisie et à Madagascar4.

  • 5 Dans ce système, on n’y trouve pas seulement le droit français, on y retrouve également le système (...)
  • 6 Patrick-Edgard Abane Engolo, Traité de contentieux administratif au Cameroun, Paris, L’Harmattan, 2 (...)
  • 7 Dominique Turpin, « L’état actuel du dualisme juridictionnel en France », dans Charles-André Dubreu (...)
  • 8 Nixon Tague Tokam, Le dualisme juridictionnel au Cameroun, thèse, université de Yaoundé II, 2019, p (...)
  • 9 Roger-Gabriel Nlep, L’administration publique camerounaise. Contribution à l’étude des systèmes afr (...)

7C’est sans doute pour ces raisons historiques que le Cameroun s’inspire du système français de justice administrative et se caractérise par un dualisme juridictionnel5. En effet, comme le souligne la doctrine, « la naissance du droit administratif en France inaugure la naissance du droit administratif partout où il a été exporté6 ». Il s’agit d’un système juridictionnel dans lequel coexistent deux ordres de juridictions que sont les juridictions de l’ordre judiciaire et celles de l’ordre administratif7. Les premières sont en charge des litiges entre les particuliers et les secondes connaissent des affaires mettant en cause l’administration. Mais la question n’est pas si simple, car l’examen des règles régissant le système de contrôle juridictionnel de l’administration au Cameroun laisse perplexe. Les évolutions que traverse l’organisation judiciaire au Cameroun conduisent à s’interroger sur l’état actuel ou alors la véritable nature de ce système. La nature étant ainsi entendue comme l’identité réelle au plan juridique. Comme le relève un observateur, le dualisme juridictionnel camerounais est particulier, car d’un point de vue organique, on relève « un monisme au sommet et un dualisme à la base ». « Au plan fonctionnel, il est loisible de voir tant au sommet qu’à la base un dualisme, même si de part et d’autre (plan organique et fonctionnel), on observe des acclimatations tropicales du modèle français dit dual par excellence8. » Pourtant, compte tenu des problèmes liés à ce dualisme juridictionnel hybride, « nombre d’administrés camerounais, par exemple, ne demanderaient qu’à avoir le modèle administratif français ou anglais dans sa pureté originelle9 ». Cela traduit le caractère ambigu du système judiciaire dual auquel le Cameroun appartient.

  • 10 Danièle Lochak, La justice administrative, Paris, Montchrestien, 1994, p. 7 ; René Chapus, « Qu’est (...)
  • 11 Jeanne Lemasurier, Le contentieux administratif en droit comparé, Paris, Economica, 2009, p. 6.
  • 12 Cette approche est en vigueur dans les pays comme l’Allemagne, l’Italie, le Luxembourg, la Finlande (...)

8Le contrôle juridictionnel de l’administration s’entend comme l’ensemble des institutions et organes chargés d’exercer la fonction de juger, de trancher, sur la base du droit, les contestations qui concernent l’activité de l’administration10. Ce contrôle peut être exercé selon trois systèmes. Dans le système de l’unité de juridiction, encore dit système moniste, le règlement du contentieux de l’administration est assuré par un seul et même juge, notamment le juge ordinaire, qui connaît des affaires concernant l’administration et celles qui surviennent entre les particuliers. Ce système, connu dans les pays anglo-saxons, s’oppose à celui de la dualité de juridiction adoptée en France. Ce deuxième système se caractérise par la création d’un ordre de juridiction administratif, donc un juge particulier, distinct du juge judiciaire ou juge de droit commun, chargé du contentieux de l’administration. Il s’agit d’une juridiction indépendante, autonome au même titre que la juridiction judiciaire. Le contrôle juridictionnel de l’administration s’opère ainsi dans un cadre juridictionnel dual. C’est aussi la traduction du principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires selon le droit français. On peut ainsi distinguer le système de contrôle juridictionnel moniste du système dit dualiste. Au-delà de ces deux systèmes, il existe un troisième système, le système mixte, qui peut consister, par exemple, à « soumettre le contentieux de la légalité au juge administratif alors que le recours de plein contentieux en matière contractuelle et en matière quasi délictuelle relève du juge judiciaire11 ». Cette conception du contentieux administratif est fondée sur l’idée que si l’administration est justiciable devant le juge administratif, c’est en raison du fait qu’elle assure des missions d’intérêt général et donc dispose du pouvoir réglementaire et des prérogatives de puissance publique. Dès lors qu’elle se comporte comme un particulier, gère un service public industriel et commercial, passe des contrats, le droit privé lui est applicable12. Dans ce troisième type de système, il peut encore s’agir, de manière plus simple, d’un système moniste ou dualiste, selon le cas, mais qui utilise ou alors imite des éléments qui appartiennent à un autre système.

  • 13 Voir, par exemple, Luc Sindjoun, L’État ailleurs. Entre noyau dur et case vide, Paris, Economica, 2 (...)

9Le Cameroun, il est important de le rappeler, est un État qui jadis sous l’égide de l’Allemagne était divisé en deux régions. La région nord avec quatre résidences et la région sud avec vingt-huit districts. À la suite de la défaite de l’Allemagne lors de la première guerre mondiale, avant même que le mandat de la Société des Nations ne soit accordé à la France et à l’Angleterre le 20 juillet 1922, les pays victorieux de l’Allemagne exercent déjà un pouvoir de fait sur ce territoire. Après la seconde guerre mondiale, le Cameroun est mis sous le régime de tutelle par l’ONU, soit trois quarts à la France et un quart au Royaume-Uni. Le Cameroun oriental accède à l’indépendance le 1er janvier 1960. La République fédérale est proclamée le 1er octobre 1961. Mais la Constitution adoptée le 20 mai 1972 et promulguée le 2 juin de la même année consacre la République unie du Cameroun13. Ce bref rappel historique permet de comprendre la trajectoire des institutions dans ce pays, notamment sur le plan judiciaire, en général, et administratif, en particulier.

  • 14 Jean-Calvin Aba’aOyono, La compétence de la juridiction administrative en droit camerounais, thèse, (...)
  • 15 L. no 61/12, 20 juin 1961, art. 1eret 2.
  • 16 Sur l’évolution de cette institution, lire Joseph Owona, Le contentieux administratif de la Républi (...)

10En effet, la justice administrative dans ce pays reflète son évolution politique et institutionnelle. Ainsi que le souligne la doctrine, les périodes de la « dépendance politique, l’autonomie interne, l’indépendance et la fédération, la marche vers l’unité institutionnelle correspondent, respectivement, à la création des Conseils du contentieux, Tribunal d’État, Cour fédérale de justice ainsi que la Cour suprême14 ». Après le Conseil du contentieux administratif et le Tribunal d’État sont nées la Cour fédérale de justice et la Cour suprême, notamment la chambre administrative, en passant par la Cour suprême (1961-1962). Autrement dit, à la suite de son accession à l’indépendance le 1er janvier 1960, le Cameroun a adopté une constitution en mars de la même année. Cette constitution va mettre en place une Cour suprême. Celle-ci va être chargée des pourvois en annulation contre les arrêts du Tribunal d’État et va veiller au respect des compétences par les autres juridictions15. Avec la réunification des deux Cameroun, occidental britannique et oriental français par la Constitution fédérale du 1er septembre 1961, une Cour fédérale de justice composée d’une assemblée plénière et de deux chambres administratives, dont l’une à Yaoundé et l’autre à Buea, va naître. En 1972, c’est l’unification marquée par la naissance de la Cour suprême dotée d’une chambre administrative16.

11Avec la réforme judiciaire de 2006, l’ordonnance no 72/06 du 26 août 1972 relative à l’organisation et au fonctionnement de la Cour suprême dont la chambre administrative faisait office de juge administratif, a été abrogée par la loi no 2006/016 du 29 décembre 2006 relative à l’organisation et au fonctionnement de la Cour suprême. De même, la loi no 75/17 du 8 décembre 1975 fixant la procédure devant la Cour suprême statuant en matière administrative, a été remplacée par la loi no 2006/022 du 29 décembre 2006 relative à l’organisation et au fonctionnement des tribunaux administratifs.

12Ces différentes dispositions se sont appuyées sur la Constitution du 18 janvier 1996. Le législateur le confirme à travers la loi no 2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire. Ces nouveaux textes vont apporter des changements importants tant du point de vue de la physionomie que de la procédure en contentieux administratif camerounais.

  • 17 Sébastien Yedoh Lath, « Les caractères du droit administratif des États africains de succession fra (...)
  • 18 Placide Moudoudou, « Les tendances du droit administratif dans les États d’Afrique francophone », R (...)
  • 19 Il s’agissait des juridictions instituées en 1881 dans les anciennes colonies françaises, dont cert (...)
  • 20 D. no 59/83, 14 juin 1959.
  • 21 Sur l’évolution historique de cette institution lire Joseph Owona, Le contentieux administratif de (...)
  • 22 Le Conseil du contentieux administratif, par exemple, siégeait au chef-lieu de chaque fédération et (...)

13Cela dit, comme dans l’ensemble des États africains « de succession française17 », on assiste au Cameroun à des changements visant à améliorer la qualité de la justice18. Avant ces évolutions, de nombreux dysfonctionnements étaient enregistrés. Ainsi, jusqu’à la naissance de la chambre administrative de la Cour suprême, en passant par le Conseil du contentieux administratif19, le Tribunal d’État20, et la Cour fédérale de justice21, on ne pouvait véritablement parler de juridiction administrative d’instance, ou alors de tribunal administratif, à l’image des ordres de juridictions connus dans d’autres pays. Cette dernière restait concentrée au sein de quelques circonscriptions administratives22. La réforme a apporté un correctif à cette organisation.

  • 23 Voir par exemple, Jacques Bipele Kemfouedio, « L’administration camerounaise dépouillée de ses prér (...)

14On peut également relever la question de l’autonomie de cette juridiction, à côté des juridictions de l’ordre judiciaire. L’adhésion du Cameroun au système de dualité de juridiction signifie la présence d’une justice administrative capable d’évoluer de manière séparée de la juridiction de l’ordre judiciaire. Cette indépendance rejoint celle qui est consacrée par la constitution eu égard aux autres pouvoirs. En effet, il ressort de l’article 37 alinéas 1 et 2 de la Constitution camerounaise du 18 janvier 1996 que « le pouvoir judiciaire […] exercé par la Cour suprême, les Cours d’appel, les Tribunaux […] est indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif ». Il s’agit donc de la capacité de la justice administrative à être autonome, à ne pas dépendre des différents pouvoirs susvisés, ou encore à fonctionner indépendamment de ceux-ci, y compris à l’égard des juridictions de l’ordre judiciaire. Il est certes vrai que dans un système de contrôle dualiste, la justice administrative n’est pas exclusive des juridictions judiciaires, car le contentieux mettant en cause l’administration peut dans certains cas être traité par le juge judiciaire23. Mais il s’agit de compétences exceptionnelles, car le juge de droit commun de l’administration dans ce système demeure le juge administratif.

  • 24 Danièle Lochak, La justice administrative, opcit., p. 7.

15À cet égard, la justice administrative camerounaise est bien organisée. Cette armature de la justice administrative, que l’on peut définir comme l’ensemble des institutions et organes chargés d’exercer la fonction de juger, de trancher, sur la base du droit, les contestations qui concernent l’activité de l’administration24, en excluant les attributions exceptionnelles du juge judiciaire en la matière, montre bien que le système en vigueur au Cameroun est dualiste.

  • 25 Voir par exemple, Nixon Tague Tokam, Le dualisme juridictionnel au Cameroun, opcit., p. 15 ; Céle (...)

16En dépit de cette répartition, l’idée de la nature réelle du système appliqué au Cameroun incite à la discussion. Depuis la réforme judiciaire récente au Cameroun, cette question n’a été abordée par des chercheurs que de manière générale, soit en étudiant la spécificité du dualisme juridictionnel, soit en analysant simplement la réforme du contentieux administratif camerounais25, sans véritablement insister sur l’identification de la nature du système camerounais de contrôle juridictionnel de l’administration. C’est tout l’intérêt de la présente étude.

  • 26 Laurent Esso, « Plus près… encore plus proche… », Justitia, no 12, 2019, p. 5.

17Cette question est importante encore aujourd’hui face aux critiques faites à la justice camerounaise, en particulier, et à l’administration de manière générale. C’est ainsi que, face à ces critiques, le ministre de la Justice et Garde des sceaux a souligné les efforts faits par les pouvoirs publics et qui tendent vers une « réforme de la pratique administrative, [une] amélioration du service rendu au public, [des] investissements en tous genres […] afin non seulement d’instaurer le règne de plus de sérénité et de confiance entre administration et administrés, mais aussi de modifier l’attitude, le comportement et l’opinion qu’ont ces derniers de cette administration26 […] ».

  • 27 Maurice Kamto, Droit administratif processuel du Cameroun, Yaoundé, Presses universitaires du Camer (...)
  • 28 Maurice Kamto, « La fonction administrative contentieuse de la Cour suprême du Cameroun », dans Gér (...)

18Maurice Kamto relevait d’ailleurs que la jurisprudence administrative camerounaise a un « caractère incertain » et une « légèreté juridique » qui s’expliquent par l’absence de spécialisation des magistrats27. Il faisait aussi observer la présence d’un système juridictionnel du « deux dans l’un28 ». Ce qui traduit le rattachement, d’un point de vue organique, de la justice administrative camerounaise aux juridictions de droit privé.

  • 29 Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 2001, p. 568-569.

19La question est la suivante : au regard des évolutions récentes de l’organisation judiciaire et notamment du contentieux administratif, à quel système de contrôle juridictionnel de l’administration est rattaché le Cameroun ? Ce système est-il de type dualiste, moniste ou tout simplement transversal ? La question revient donc à déterminer réellement la nature juridique de ce système, c’est-à-dire, à identifier sa qualification juridique, laquelle permet ainsi de le ranger dans une catégorie juridique29.

20Pour répondre à cette question, il est nécessaire de dégager au préalable une hypothèse, à savoir que le système camerounais de justice administrative relève du système dualiste qui emprunte au monisme.

  • 30 Jean-Louis Bergel, Théorie générale du droit, Paris, Dalloz, 2012, p. 225. Voir aussi, Madeleine Gr (...)
  • 31 Ibid.
  • 32 Christian Atias, Épistémologie juridique, Paris, PUF, 1985, p. 91 et suiv.
  • 33 Jean Carbonnier, Droit civil : introduction, Paris, PUF, 2002, p. 71.
  • 34 Julien Boudon, « La méthode juridique selon Adhémar Esmein », dans Nader Hakim et Fabrice Melellera (...)
  • 35 Florence Galletti, Les transformations de l’État et du droit public en Afrique de l’Ouest francopho (...)

21Aussi, des précisions méthodologiques s’imposent. Le droit est « inévitablement un système organisé autour d’un certain nombre de principes, de notions fondamentales, de procédés techniques dont la mise en œuvre suppose certaines méthodes30 », d’où la nécessité de recourir pour son étude à une méthode adaptée. À cet égard, la systématisation et l’interprétation des textes sont des moyens nécessaires pour comprendre la cohérence ou les incohérences du droit31. Elles sont accompagnées par la prise en compte de l’application des normes ou des cas jurisprudentiels32. Il faut également convoquer ce que Jean Carbonnier appelle les « sciences collatérales du droit33 ». Cela se traduit par le recours à des disciplines voisines (histoire, sociologie, etc.), pour mieux étudier le droit34. L’exclusion de ces aspects conduit à une perception partielle et incomplète des questions traitées35.

22Il s’agira de montrer que suivant son ancrage structurel, le système de contrôle juridictionnel de l’administration au Cameroun se rattache, certes, à un système juridictionnel dualiste (1) mais, d’un point de vue professionnel, il emprunte au système moniste (2).

1. Une nature dualiste à l’aune de son ancrage structurel

23Sur le plan structurel, c’est-à-dire au regard de leur organigramme, il suffit d’analyser, d’abord, la nouvelle structuration de la chambre administrative de la Cour suprême et des tribunaux administratifs, nouvellement créés (1.1), ensuite, l’existence d’une coopération entre ces ordres de juridictions (1.2), et, enfin, la présence d’un organe chargé de veiller à la répartition des compétences (1.3), pour comprendre que la justice administrative camerounaise relève d’un système juridictionnel dualiste.

1.1. L’appartenance à un système judiciaire dual par la délimitation des instances juridictionnelles administratives

24Il convient de distinguer, d’une part, les différents niveaux de juridiction (1.1.1), et, d’autre part, la consécration des juges administratifs spécialistes (1.1.2).

1.1.1. La délimitation des différents niveaux du contentieux administratif

1.1.1.1. La délimitation des juridictions administratives supérieures

25Il s’agit ici de la chambre administrative de la Cour suprême érigée en 2006 en juridiction d’appel et de cassation.

26Lorsqu’on analyse la loi no 2006/016 relative à la Cour suprême, on relève que le législateur a procédé à une reconfiguration de la chambre administrative ; qu’il a mis en place des formations de travail ainsi qu’une nouvelle catégorie de juges. La chambre administrative de la Cour suprême est la seconde parmi les différentes chambres que comporte cette cour.

27La chambre administrative de la Cour suprême comprend désormais : un président, des conseillers, un ou plusieurs avocats généraux, un greffier en chef et des greffiers. Ainsi, par rapport à l’ordonnance de 1972, sa composition a été reformée. Il faut observer de manière générale que la chambre administrative de la Cour suprême, sous l’égide de l’ordonnance de 1972 qui organisait jadis cette juridiction, était composée d’un président, des présidents de chambre, des conseillers titulaires ou suppléants, d’un procureur général, des substituts du procureur général, d’un greffier en chef et de greffiers.

28Cette composition a été revue avec la loi no 2006/016 qui prévoit désormais, d’une part, au siège : un premier président, président de la cour, des présidents de chambre (donc celui de la chambre administrative susvisée), des conseillers, des conseillers maîtres, des conseillers référendaires, un greffier en chef de la Cour suprême, des greffiers en chef de chambre, des greffiers.

  • 36 L. no 2006/015, 29 déc. 2006, art. 4.
  • 37 La nouvelle chambre administrative de la Cour suprême comporte 5 sections : 1 section du contentieu (...)

29D’autre part, au parquet général, on trouve : un procureur général, un premier avocat général et des avocats généraux36. La loi a également consacré une répartition des tâches à travers des formations de travail. Il s’agit des sections et de la formation des sections réunies37.

30Quant à leur composition, l’article 11 de la loi no 2006/016 dispose que chaque section est composée d’un président, de deux conseillers au moins, d’un ou plusieurs avocats généraux.

  • 38 Henri-Claude Njocke, « Juridiction administrative : réforme inachevée », art. cité.

31Le siège sera ainsi constitué du président de la chambre, des conseillers et des greffiers. La chambre administrative de la Cour suprême pourra ainsi rendre des arrêts ou encore des ordonnances. L’expression « au moins », s’agissant des conseillers, veut dire que la section peut disposer de plus de deux conseillers. Cet élargissement peut soulever le problème du nombre, s’agissant du personnel, puisque cette composition est requise au sein de toutes les chambres de la cour. Mais en dehors de cette difficulté, il y a lieu de souligner que les litiges s’étant diversifiés, il était nécessaire que le législateur adapte l’institution à une demande devenue considérable du point de vue du volume. Par ailleurs, cette multiplication des sections peut sans doute être utile pour l’examen rapide des recours. En effet, selon le texte, ces différentes sections peuvent se réunir dans certains cas, donc pour des missions bien précises. Cela donne lieu à la formation de sections réunies38.

  • 39 Elle est constituée des présidents de sections de la chambre. Cette section connaît des affaires re (...)

32La chambre des sections réunies est une autre formation que l’on peut classer parmi les formations de travail prévues au sein de la chambre administrative de la Cour suprême. Sa composition est prévue à l’article 13 de la loi no 2006/016 précitée39.

  • 40 En effet, en dehors des magistrats de carrière, c’est-à-dire des personnels formés à l’École nation (...)

33Le législateur a aussi prévu, à côté des magistrats de carrière, des juges non magistrats40.

  • 41 Darly-Aymar Djofang, art. cité.
  • 42 Ibid.

34On peut dire que cette ouverture de la juridiction à son environnement permet de renforcer la qualité de la justice rendue. Il s’agit ainsi d’« un mécanisme pour surmonter la carence en personnel41 ». Et l’on ne peut qu’espérer que de manière progressive « la Cour va sortir de son ostracisme pour bénéficier de l’expertise » de ces nouveaux membres42.

35Il n’est pas inutile de souligner les compétences de ladite chambre. En effet, au niveau suprême, symbole du dualisme juridictionnel, la justice administrative est assurée par la chambre administrative de la Cour suprême. L’article 40 de la constitution dispose que la chambre administrative de la Cour suprême « connaît de l’ensemble du contentieux administratif de l’État et des autres collectivités publiques », de l’« appel du contentieux des élections régionales et municipales […] statue souverainement sur les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions inférieures en matière de contentieux administratif […] connaît de toute autre matière qui lui est expressément attribuée par la loi.

36Selon l’article 38 de cette même constitution, « la Cour suprême est la plus haute juridiction de l’État en matière […] administrative […] ». La loi no 2006/016 fixant son organisation, notamment en son article 9 alinéa 2, précise que « chaque section » de la chambre administrative « connaît […] des pourvois en cassation relatifs aux matières qui relèvent de sa compétence ». Et pour ce qui est concrètement de ce pourvoi, l’article 35 de la même loi rappelle que les cas d’ouverture du pourvoi sont :

  1. l’incompétence ;

  2. la dénaturation des faits de la cause ou des pièces de la procédure ;

  3. le défaut, la contradiction ou l’insuffisance de motifs ;

  4. le vice de forme ; […]

  5. la violation de la loi ;

  6. la non-réponse aux conclusions des parties ou aux réquisitions du Ministère public ;

  7. le détournement de pouvoir ;

  8. la violation d’un principe général de droit ;

  9. le non-respect de la jurisprudence de la Cour suprême ayant statué en sections réunies d’une Chambre ou en Chambres réunies.

37Ainsi, ce n’est que dans ces différents cas que la chambre administrative est appelée à se prononcer, bien entendu, sur le plan juridictionnel. Il est également important de rappeler les dispositions de la loi no 2006/022 fixant l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs, notamment l’article 116, qui prévoit que « les décisions rendues en premier et dernier ressort par le Tribunal administratif sont susceptibles de pourvoi devant la Chambre administrative ». Par ailleurs, en dehors du pourvoi, l’article 40 de la constitution prévoit également que cette chambre puisse connaître « de toute autre matière qui lui est expressément attribuée par la loi ».

38Au niveau de l’appel, ou encore le double degré de juridiction, selon l’alinéa 2 de l’article 9 de la loi sur la Cour suprême, « chaque section connaît des appels […] relatifs aux matières qui relèvent de sa compétence ».

39En dehors de la Cour suprême, le système camerounais de contrôle juridictionnel de l’administration s’est enrichi d’une nouvelle catégorie de juridictions que sont les tribunaux administratifs.

1.1.1.2. La délimitation des juridictions administratives inférieures

  • 43 Olivier Fandjip, Les mutations récentes de la justice administrative en Afrique francophone. Étude (...)

40L’autre élément qui traduit le dualisme juridictionnel au Cameroun est la structuration de la justice administrative depuis la base avec des tribunaux administratifs. Ces derniers ont été créés par la Constitution du 18 janvier 1996 et mis en œuvre par les décrets de 2012, susvisés, en passant par la loi no 2006/02243. Ces tribunaux sont composés d’un président, de juges, d’un greffier en chef et de greffiers.

41Cet organe est chargé de rendre les décisions au sein de ces juridictions administratives. En effet, comme son nom l’indique, il rend des décisions appelées des jugements. La loi a prévu que les jugements doivent être rendus après délibération, à la majorité des voix des juges ayant suivi les débats.

42En dehors des jugements, cette formation peut aussi rendre des ordonnances. Celles-ci relèvent de l’office ou alors de la juridiction du président du tribunal administratif ou du magistrat qu’il délègue à cet effet. Ainsi en sera-t-il en matière de référé et de sursis à exécution.

43L’organisation des tribunaux administratifs au niveau du parquet, encore dénommé ministère public, est différente.

44Au niveau du parquet, le tribunal administratif est composé du procureur général près la cour d’appel du ressort du tribunal administratif, d’un ou plusieurs substituts du procureur général.

  • 44 Par ailleurs, comme dans le cas de la chambre administrative de la Cour suprême, des juges non-magi (...)

45Il s’agit du ministère public, organe qui veille à la bonne application des lois et des règlements. En effet, comme le prévoit l’article 29 alinéa 1 de la loi no 2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire, « le ministère public ou parquet veille à l’application des lois, règlements et décisions de justice ». « Il peut, dans l’intérêt de la loi, prendre devant toute juridiction auprès de laquelle il est représenté, les réquisitions qu’il estime utiles44. »

46À la suite de l’organisation de ces tribunaux administratifs, le législateur, plus précisément le pouvoir réglementaire et conformément à la loi, a désigné les membres de ces différents tribunaux.

47Le décret du 18 avril 2012 organise donc la composition au siège de ces tribunaux ; le parquet, quant à lui, étant celui des juridictions judiciaires. En effet, l’article 6 de la loi no 2006/022 adopte la formule classique, à savoir une formation de jugement, un parquet et un service des greffes.

  • 45 L. no 2006/022, art. 13.

48En guise de rappel, s’agissant notamment de la formation de jugement, encore dénommée le siège, elle a prévu un président, des juges, un greffier en chef et des greffiers. À cet effet, le décret du 18 avril 2012 a désigné trois magistrats aux sièges des différents tribunaux parmi lesquels un président comme l’indique l’article 6 alinéa 1 a (i) et (ii) de la loi no 2006/022 susvisée. Il en est ainsi parce que le tribunal administratif siège en formation collégiale de trois membres et les décisions sont rendues à la majorité des voix. Par ailleurs, le président peut être suppléé conformément au texte portant statut de la magistrature en cas d’absence ou d’empêchement45.

  • 46 La chambre administrative ne statuera plus sur les ordonnances de sursis à exécution et de référé p (...)

49Cette formation rend des jugements et des ordonnances. Les ordonnances relèvent de l’office ou de la juridiction du président ou encore du magistrat qu’il délègue à cet effet46.

  • 47 Célestin Keutcha Tchapnga, art. cité, p. 27.

50Lorsqu’on confronte le décret du 18 avril 2012 à certaines dispositions de la loi no 2006/022, des doutes surviennent. A priori, cette composition paraît insuffisante parce que le texte ne désigne ni les personnels du service des greffes ni les juges non magistrats. Pour ce qui est de l’absence des juges non magistrats, le décret du 18 avril 2012 est précis, car d’une part, l’article 6 de la loi no 2006/022 qui fixe la composition du tribunal administratif ne fait pas allusion à cela et, d’autre part, parce que l’article 8 alinéa 2 de cette même loi n’en fait pas un impératif. Il dispose que cette catégorie de juge ou substitut en service extraordinaire au sein des tribunaux administratifs peut être nommée pour les besoins du service. Le législateur n’a donc pas jugé nécessaire d’en désigner pour le moment. Cependant, leur désignation aurait été aussi l’occasion d’apporter plus de précisions sur leur statut47.

  • 48 L. no 2006/022, art. 11.

51Au sujet des greffiers en chef et des greffiers, prévus par l’article 6 alinéa 1 a (iii) et (iv), le législateur n’en fait, sans doute, pas mention dans le décret du 18 avril 2012 parce qu’ils sont nommés conformément au texte portant statut des personnels des greffes et à celui portant organisation administrative des juridictions48.

52S’agissant des compétences de ces juridictions, selon l’article 2 de la loi no 2006/022, les tribunaux administratifs sont des « juridictions inférieures en matière de contentieux administratif au sens de l’article 40 de la Constitution ». Ils « connaissent en premier ressort, du contentieux des élections régionales et municipales et en dernier ressort, de l’ensemble du contentieux administratif concernant l’État, les collectivités publiques territoriales décentralisées et les établissements publics administratifs […] ».

53Et en vertu de l’article 14 de la même loi, ils « sont, sauf dispositions contraires de la loi, juges de droit commun du contentieux administratif en premier ressort ».

54Cette organisation structurelle de la justice administrative au Cameroun montre que le principe de la séparation des autorités administrative et judiciaire y est bien adopté. Il en est de même avec l’émergence des juges administratifs formés au sein de la section administrative de l’École de magistrature. Cela conforte l’idée d’un modèle dualiste de contrôle juridictionnel de la puissance publique.

1.1.2. L’appartenance à un système judiciaire dual par la consécration des juges administratifs spécialistes

  • 49 Dans cette perspective, depuis l’année 2011 au Cameroun, on observe une multiplication des travaux, (...)

55Sur le plan professionnel, le système dualiste de contrôle juridictionnel de l’administration au Cameroun apparaît également dans la mesure où les efforts tendant à mettre en place des magistrats formés au droit et au contentieux administratif sont remarquables. Il est, en effet, important de rappeler que la récente modification apportée par la loi no 2006/016 du 29 décembre 2006 relative à la Cour suprême a conduit à la création d’une section Common Law au sein de ladite chambre, à l’ouverture d’une section Common Law à l’École de formation des magistrats, et surtout à des formations au contentieux administratif offertes aux acteurs de la justice et, surtout, l’ouverture d’une section administrative au sein de l’École nationale d’administration et de magistrature. Ceci fait ainsi partie des mesures visant à consolider ce système dualiste49.

  • 50 En effet, selon l’article 25 du D. no 2018/240 du 9 avril 2018 portant réorganisation de l’École na (...)

56L’évolution la plus significative a été l’ouverture à l’École nationale d’administration et de magistrature d’une section administrative50.

57Ceci montre donc que sur le plan professionnel, la justice administrative camerounaise a évolué. Ceci justifie l’idée de son adhésion à un système dualiste de contrôle juridictionnel de l’administration. Tous ces éléments permettent ainsi de comprendre que du point de vue de la formation, celle des juges administratifs spécialistes du contentieux administratif, en particulier, et du droit public, en général, est désormais en place. Cela mérite d’être salué. Le caractère dual de ce système est également identifiable en raison du dialogue qui est possible entre ces ordres de juridictions.

1.2. L’existence des moyens de coopération entre les juges comme signe d’appartenance à un système judiciaire dual

  • 51 Le dialogue des juges en contentieux administratif camerounais, expression de l’appartenance du Cam (...)

58La coopération entre les juges est synonyme ici du dialogue qui peut exister entre eux. En tant qu’outil de coordination et d’harmonisation des systèmes judiciaires, ce dialogue s’impose. C’est pourquoi le législateur camerounais a tracé les sillons d’une relation apaisée entre les deux ordres juridictionnels. Tout ceci traduit aussi l’appartenance au système dual de contentieux administratif. En effet, le dialogue entre la juridiction administrative camerounaise et les juridictions nationales peut s’analyser à deux niveaux : il peut s’agir, d’une part, du dialogue entre cette juridiction et la juridiction de l’ordre judiciaire et, d’autre part, d’un dialogue entre les différentes juridictions administratives, elles-mêmes. Il convient d’insister uniquement sur le premier cas, car il est plus significatif ici51.

  • 52 Axel Wandji Kemajou, La question préjudicielle en droit administratif processuel camerounais, thèse (...)
  • 53 Le dialogue entre ces différentes juridictions de l’ordre administratif apparaît aussi dans le cadr (...)

59Il s’agit d’un dialogue par le biais de la question préjudicielle. En effet, ce dualisme juridictionnel qui met en place des juridictions qui exercent des compétences exclusives oblige la juridiction principale à surseoir à statuer jusqu’à ce que la question qui relève de la compétence de l’autre ordre de juridiction soit tranchée52. On parle alors d’une question préjudicielle53.

  • 54 Le dialogue entre les juges administratifs s’applique aussi en matière d’emprise. Ce dialogue qui s (...)
  • 55 L. 2006/022, art. 2, al. 3 (a).
  • 56 L. 2006/022, art. 15, al. 2.

60Le juge administratif camerounais peut ainsi être saisi par son homologue judiciaire au sujet de l’appréciation de la légalité ou de l’interprétation d’une décision administrative54. Cette position est fondée sur les dispositions de la loi no 2006/022 du 29 décembre 2006 sur les tribunaux administratifs. Ce texte dispose, d’une part, que les recours incidents en appréciation de la légalité, au même titre que les recours en annulation pour excès de pouvoir et en matière non répressive, font partie du contentieux administratif55. D’autre part, que le « tribunal administratif du siège de l’autorité ayant pris la décision attaquée est également compétent pour connaître de l’action en indemnité imputable à la décision querellée, ainsi que des recours en interprétation et appréciation de la légalité de l’acte litigieux intervenant sur renvoi de l’autorité judiciaire56 ».

  • 57 CA du littoral, arrêt no 038/C, 16 mars 2012, M. Ebwea Diwoto Joël c/ Mme Minyem Matongo Jeannette, (...)

61En effet, l’appréciation de la légalité intervient, par exemple, lorsqu’un justiciable, devant le juge judiciaire, remet en cause le caractère légal d’une décision administrative même si l’objet de son recours devant cette juridiction ne se rapportait pas, principalement, à la question de la légalité ou de l’annulation. Par exemple, la délivrance d’un titre foncier est une décision administrative dont l’appréciation ou l’annulation relève de la compétence des juridictions administratives57.

  • 58 Ibid, p. 159 et suiv.
  • 59 CA du littoral, arrêt no 134, 20 juil. 2012, Communauté urbaine de Douala c/ Famille Yamilo.

62L’examen de la jurisprudence, tant administrative que judiciaire, confirme cette idée58. Le juge judiciaire, par exemple, notamment la cour d’appel du Littoral, a reconnu l’existence d’un tel dialogue lorsqu’il affirme que « l’appréciation de la légalité d’un acte administratif, en l’espèce le décret d’incorporation du terrain litigieux dans le domaine privé de l’État et son attribution à la Communauté urbaine de Douala d’après l’article 2 de la loi no 2006/022 du 29 décembre fixant l’organisation et le fonctionnement des Tribunaux administratifs, rentre dans le contentieux administratif59 ».

  • 60 CSCA, jugement no 3, 29 oct. 1987, Nkwetta Emmanuel et autres c/ État du Cameroun (MINAT).
  • 61 Cour fédérale de justice-Chambre administrative de Yaoundé, arrêt no 89, 30 sept. 1969, Messono Ate (...)

63Le dialogue entre la juridiction administrative et judiciaire apparaît donc en matière d’appréciation de la légalité. Toutefois, dans certains cas ce dialogue est impossible. Le juge administratif a eu l’occasion de le souligner. Il a rappelé que « la juridiction judiciaire, en tant que gardienne des libertés individuelles, est toujours exclusivement compétente pour apprécier la légalité des actes administratifs qui sont à l’origine des atteintes dont elles peuvent faire l’objet60 ». Ainsi, en matière d’appréciation de la légalité des actes administratifs, le dialogue entre le juge judiciaire et le juge administratif n’est impossible que dans le cas où, en tant que gardien des libertés individuelles, le juge judiciaire est compétent pour apprécier la légalité des actes portant atteinte à ces libertés. Autrement dit, en matière d’appréciation de légalité des décisions administratives, comme l’a relevé le juge administratif, un recours incident en appréciation de légalité n’est recevable que sur renvoi d’un « tribunal de l’ordre judiciaire qui, ne pouvant, sauf en matière répressive, apprécier la légalité d’un acte administratif, est tenu lorsqu’il est saisi d’un litige dont la solution dépend de la question de la légalité d’un acte administratif, de surseoir à statuer jusqu’à ce que la juridiction administrative se prononce sur un problème de la légalité61 ».

  • 62 CSCA, jugement no 4, 31 oct. 1985, Onambele Ela Raphael c/ État du Cameroun, dans Salomon Bilong, o (...)

64S’agissant de l’interprétation des actes administratifs, c’est-à-dire d’en préciser le sens en cas de doute, il appartient également au juge administratif de se prononcer lorsque cette question est posée à l’occasion d’une instance devant le juge judiciaire. En effet, cette question préjudicielle qui ouvre la voie à un dialogue entre le juge administratif et judiciaire avait, avant la réforme récente du contentieux administratif de 2006, été exclue. L’exclusion était tirée de l’article 9 de l’ordonnance du 26 août 1972 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême. Le juge administratif avait eu l’occasion de se prononcer sur cette exclusion en relevant « qu’il découle des textes de l’article 9 de l’ordonnance no 72/6 que le contentieux administratif camerounais ne prévoit pas le recours principal en interprétation d’une disposition législative ou réglementaire […], qu’il y a lieu, conformément à une jurisprudence établie […] de déclarer la Chambre Administrative de la Cour suprême incompétente pour connaître du présent recours62 ».

  • 63 L. 2006/022, art 14, al. 1.
  • 64 L. 2006/022, art 15, al. 2.
  • 65 Voir la jurisprudence T. confl., 16 juin 1923, Septfonds, Lebon 498, D. 1924. 3. 41, concl. Matter, (...)
  • 66 La matière contractuelle fournit aussi la possibilité de dialogue entre les juges judiciaire et adm (...)

65En revanche, depuis la réforme de 2006, le dialogue entre ces juridictions est possible sur la base de la question préjudicielle relative à l’interprétation, car, désormais, les tribunaux administratifs, qui sont, sauf dispositions contraires de la loi, juge de droit commun du contentieux administratif en premier ressort63, sont compétents, notamment ceux du siège de la décision attaquée, sur les « recours en interprétation et en appréciation de la légalité de l’acte litigieux intervenant sur renvoi de l’autorité judiciaire64 ». La jurisprudence pourra apporter d’amples précisions sur la portée de cette disposition, notamment sur la question de savoir quels sont les types d’actes administratifs qui pourraient conduire à une question préjudicielle devant le juge judiciaire donc un dialogue. Cette question a déjà été tranchée par la jurisprudence en France65. C’est dire qu’au Cameroun, entre le juge administratif et le juge judiciaire, il peut y avoir, à travers le mécanisme de la question préjudicielle, un dialogue. Cela traduit bien son appartenance au système de contrôle juridictionnel de l’administration qualifié de dualiste66.

66Ce dialogue possible entre le juge judiciaire et le juge administratif montre bien la volonté du législateur camerounais de mettre en place des moyens visant à coordonner son système judiciaire, de conserver de l’harmonie et la prévisibilité, la bonne administration de la justice et surtout la protection des droits fondamentaux.

67Cela permet de comprendre que la nature du système camerounais de contrôle juridictionnel de l’administration est dualiste. Ce système a l’avantage de concilier efficacement droits, libertés et intérêt général. Toutefois, il peut aussi conduire à de nombreux conflits de compétence. C’est la raison d’être de la création d’une instance chargée de jouer le rôle de départiteur de compétence. La présence de cette instance est aussi le signe d’un rattachement au système de contrôle dualiste.

1.3. L’appartenance à un système judiciaire dual par la création d’un organe départiteur des compétences

68Au Cameroun, la séparation entre juridiction administrative et judiciaire est consolidée par la présence au sein de la chambre administrative de la Cour suprême d’une formation des chambres réunies qui assure le rôle de départiteur de compétence.

  • 67 Dominique Turpin, art. cité, p. 235.
  • 68 À titre de droit comparé, en France le règlement des conflits de compétence est assuré par le Tribu (...)

69En effet, selon l’article 41 de la loi no 2006/016 sur la Cour suprême, « la formation des Chambres réunies connaît des règlements de juges […] des procédures portant sur des questions de principe s’il y a risque de solutions divergentes, soit entre les juges du fond, soit entre les Chambres ». Cet organe tranche donc les conflits de juridiction pouvant entraver le cours normal de la justice. La mise en place d’un tel organe apparaît, non seulement comme l’expression de la prise en compte des difficultés du dualisme juridictionnel, notamment « l’inconvénient […] qui tient à ce que les problèmes de compétence prennent trop souvent le pas sur les questions de fond, au détriment d’une bonne administration de la justice, simple et rapide67 », mais aussi comme l’un des symboles de ce même dualisme juridictionnel68.

70Sur le plan de la procédure, la formation des chambres réunies peut être saisie par le biais d’une ordonnance du premier président ou par un arrêt émanant d’une section ou des sections réunies d’une chambre ou encore à travers des réquisitions du procureur général. Une fois le dossier introduit, il fait l’objet d’un enregistrement et est, à la diligence du greffier en chef, acheminé auprès du premier président. À son niveau, le premier président désigne un rapporteur parmi les membres de la formation. Ce dernier doit, sous trentaine, retourner son rapport au greffier en chef, accompagné du dossier. Vient alors l’intervention du procureur général qui reçoit le dossier accompagné du rapport. Ce rapport lui est transmis sous pli confidentiel. Il dispose lui aussi de trente jours pour retourner le dossier au greffe accompagné de ses conclusions ainsi que ses propositions relatives à son inscription au rôle.

  • 69 L. no 2006/016, art. 131-139.

71S’agissant, enfin, de la protée de ses décisions, celles-ci « s’imposent aux juridictions inférieures sur tous les points de droit tranchés69 ».

  • 70 Sylvain-Sorel Kuate Tameghe, La justice, ses métiers, ses procédures, L’Harmattan, Paris, 2016, p.  (...)
  • 71 L. no 2006/016, art. 7, 15-17.

72Pour ce qui est de sa composition, il faut dire que la formation des chambres réunies, composante de la Cour suprême, à côté de la chambre administrative, judiciaire et autres est composée du premier président, des présidents de chambre et des présidents de section. Mais, en raison de la nature des affaires, le premier président a la possibilité, par le biais d’une ordonnance, de choisir un conseiller, ou même plusieurs, qui vont siéger en son sein. Cette possibilité offerte au premier président reste large et un observateur relève qu’étant donné que le nombre de conseillers qu’il peut choisir n’est pas fixé, « rien n’interdit, un jour, que l’ensemble des conseillers soit invité à prendre part aux assises de cette instance70 ». Le premier président ou le président de chambre le plus ancien dans le grade, notamment en cas d’empêchement du premier, assure la présidence de cet organe. Le premier président a également la possibilité de choisir un conseiller pour remplacer un membre de la formation en cas d’absence, car cette instance doit siéger en présence de tous les membres qui la composent71.

  • 72 Ainsi, comme en France, on pourrait soutenir que le dualisme juridictionnel camerounais est un « pr (...)

73En somme, il s’agit pour cette instance de placer les justiciables loin des dénis de justice, des violations des règles de compétences pouvant porter atteinte à leurs droits72. Cependant, ce dualisme juridictionnel n’est pas radical, notamment sur le plan de la formation du personnel. Il emprunte certains traits du système moniste, notamment au plan professionnel. C’est ce qui permet de parler d’un système judiciaire dual aux empreints monistes.

2. Une nature dualiste aux emprunts monistes à l’aune de la formation des magistrats

74Sur le plan de la formation des acteurs de la justice administrative, notamment des magistrats, le droit camerounais suscite quelques interrogations qui, dans une certaine mesure, conduisent à le ranger dans la catégorie des systèmes. En dépit des évolutions qui ont été enregistrées ces dernières années, en effet, cette institution demeure influencée par la présence en son sein des juges de formation privatiste (2.1). Ce rapprochement vers le système moniste apparaît même en amont avec le rattachement du parquet des juridictions administratives à celui des juridictions de droit commun (2.2).

2.1. Les emprunts monistes d’un système de contrôle dualiste à l’aune de son rattachement au parquet des juridictions judiciaires

2.1.1. Le rattachement du ministère public des tribunaux administratifs à celui des juridictions judiciaires

75Les aménagements qui ont été apportés au sein de la justice administrative camerounaise ces dernières années sont importants dans la mesure où ils ont conduit à mettre en place une juridiction administrative dont l’autonomie devient de plus en plus affirmée. Toutefois, on ne saurait manquer de relever que, contrairement à ce qu’on peut observer dans d’autres modèles de contentieux administratif qui partagent la même tradition juridique que le Cameroun, il existe encore une dépendance du ministère public des juridictions administratives à l’égard des juridictions de droit privé. Il en est ainsi au niveau des juridictions administratives de premier ressort.

  • 73 Ibid.

76Le ministère public est l’ensemble des magistrats chargés de requérir l’application de la loi et de veiller aux intérêts généraux de la société. Ceux-ci sont hiérarchisés, indépendants des juges du siège et ne bénéficient pas de l’inamovibilité73. Cela apparaît en filigrane dans la loi de 2006 portant organisation judiciaire, en son article 29 alinéa 1, qui dispose que « le ministère public ou parquet veille à l’application des lois, règlements et décisions de justice ». « Il peut, dans l’intérêt de la loi, prendre devant toute juridiction auprès de laquelle il est représenté, les réquisitions qu’il estime utiles. »

77Cette précision étant faite, au niveau des tribunaux administratifs, le rattachement du ministère public près les tribunaux administratifs à celui des juridictions judiciaires apparaît dans les lois 2006/022 et 015 du 29 décembre 2006 sur les tribunaux administratifs et l’organisation judiciaire. L’article 6 de la loi no 2006/022 prévoit qu’au parquet ces tribunaux soient constitués par le procureur général près la cour d’appel du ressort du tribunal administratif, d’un ou plusieurs substituts du procureur général. Le vocable cour d’appel utilisé par le législateur, sans toutefois préciser de quelle cour il s’agit, pouvait susciter des interrogations dans le cas où il existerait d’autres « cours administratives d’appel » dans les autres régions du pays. Mais dès lors que la seule « cour administrative d’appel » en vigueur dans le contentieux administratif camerounais est la chambre administrative de la Cour suprême, il n’y a pas de doute qu’il s’agit des cours d’appel des juridictions de droit privé. La mise en place des tribunaux administratifs conforte cette thèse. Selon les articles 19, 20 et 30 de la loi no 2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire, chaque région étant dotée d’une cour d’appel qui siège au chef-lieu de ladite région, celle-ci est composée au parquet d’un procureur général, d’un ou plusieurs avocats généraux, d’un ou plusieurs substituts du procureur général ou plusieurs attachés. L’article 30 alinéa 1 précise notamment qu’il « existe auprès de chaque Cour d’appel un parquet général dirigé par un procureur général qui relève directement du ministre chargé de la justice ».

2.1.2. L’unicité du ministère public près les juridictions administratives et judiciaires au sein de la Cour suprême

  • 74 L. no 2006/016, art. 29-31.

78L’alliance entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire apparaît également au niveau de la Cour suprême, notamment sa chambre administrative, juridiction d’appel et de cassation. En effet, selon la loi 2006/016, au niveau de la Cour suprême, de manière générale, le ministère public est exercé par le procureur général ou encore les avocats généraux sous l’autorité du premier. Des mécanismes de suppléances ont également été prévus. À cet égard, c’est le premier avocat général qui supplée le procureur général, et l’avocat général le plus ancien dans le grade le plus élevé supplée le premier avocat général, en cas d’empêchement. Il est très important de noter que, d’une part, les conclusions de l’avocat général doivent être communiquées au procureur général lorsqu’il s’agit des affaires importantes et, d’autre part, que le procureur général a la possibilité d’affecter les avocats généraux dans les différentes chambres74.

  • 75 L. no 2006/016, art. 11-12.

79La chambre administrative de la Cour suprême, composante de ladite cour, est elle-même constituée de cinq sections qui sont, pour les matières qui relèvent de leurs compétences respectives, juges d’appel et pourvois en cassation. Plus précisément, s’agissant du ministère public, la loi prévoit, tant au sein de la chambre administrative qu’au niveau des différentes sections, une composition qui laisse apparaître cette unicité du ministère public. En effet, chaque chambre de la Cour suprême est composée d’un président, des conseillers, d’un ou plusieurs avocats généraux, d’un greffier en chef et des greffiers. Chaque section de la chambre administrative, quant à elle, est composée d’un président, de deux conseillers au moins et d’un ou plusieurs avocats généraux75.

  • 76 Olivier Fandjip, Les mutations récentes de la justice administrative en Afrique francophone, op. ci (...)

80De ce point de vue, l’organisation des juridictions administratives au Cameroun se caractérise donc par un rattachement d’une partie desdites juridictions aux juridictions de l’ordre judiciaire76.

  • 77 Roger Bonnard, Le contrôle juridictionnel de l’administration. Étude de droit administratif comparé(...)

81Il s’agit d’une approche qui amène à s’interroger. Dans un système dualiste, comme le souligne Roger Bonnard, « pour apprécier dans quelle mesure les organisations des Tribunaux administratifs réalisent ou non l’autonomie qu’ils doivent avoir et les séparent matériellement et organiquement de l’administration, il faut d’abord savoir à quelles conditions un Tribunal administratif sera vraiment autonome et séparé de l’administration77 ».

  • 78 Ibid.

82L’auteur précise à cet égard que, d’un point de vue global, la justice administrative doit être structurée en prenant en compte « une séparation organique entre la fonction d’administrer et la fonction de juger les litiges administratifs ». Dans un premier temps, il doit y avoir une « spécialisation dans la fonction juridictionnelle », c’est-à-dire que la juridiction administrative « devra être un organe qui, étant investi de la fonction juridictionnelle, sera rigoureusement spécialisé dans l’exercice de cette fonction ». « C’est ainsi qu’il ne pourra pas cumuler avec la fonction juridictionnelle des attributions ressortissant proprement de la fonction administrative78. »

  • 79 Ibid.

83Autrement dit, le juge administratif ne se limite qu’à prendre des décisions à caractère juridictionnel, donc ne saurait en plus de cette compétence adopter des décisions administratives, lesquelles relèvent de la compétence de l’administration. En plus, il convient de préciser que « même, dans l’activité qu’il exerce en la forme juridictionnelle », le juge de l’administration « devra se limiter à ce qui est opération juridictionnelle au point de vue matériel79 ».

  • 80 Ibid.

84Dans un second temps, le juge administratif doit jouir d’une « autonomie complète dans l’exercice de sa fonction juridictionnelle ». « Il devra notamment être indépendant de l’administration. À cet effet, il devra être placé complètement en dehors de la hiérarchie administrative, afin qu’il ne soit pas susceptible d’être soumis à une action de surveillance, d’instruction et de pouvoir hiérarchique80. »

  • 81 Ibid.

85Enfin, et surtout, « l’indépendance du Tribunal vis-à-vis de l’administration veut aussi qu’aucun agent de l’administration ne vienne prendre part aux opérations juridictionnelles du Tribunal ». « D’ailleurs sa séparation avec les Tribunaux ordinaires exige qu’aucun de ses membres ne soit emprunté au personnel de ces Tribunaux81. »

86Au regard de ces différents critères, il y a certainement une entorse à l’ancrage structurel dualiste du système de contrôle juridictionnel de l’administration dans le contexte camerounais.

  • 82 Pierre Tifine, Droit administratif français, Revue générale du droit, no 4203, 2013.

87En France, par exemple, et à titre de droit comparé, les ordonnances des 2 février et du 12 mars 1831 avaient confié ce rôle au sein des juridictions administratives à des commissaires du gouvernement. Depuis le décret no 2009/14 du 7 janvier 2009, on parle désormais de rapporteur public. Il s’agissait des membres du Conseil d’État chargés de représenter le gouvernement et de proposer au juge administratif une solution au litige. Toutefois, comme le précise Pierre Tifine, « les commissaires du gouvernement se sont considérés comme indépendants vis-à-vis du pouvoir exécutif et ils ont pris l’habitude de rendre leurs conclusions en leur propre nom, ce qui a largement contribué à mieux identifier et à structurer les règles du droit administratif82 ».

  • 83 Célestin Keutcha Tchapnga, Précis de contentieux administratif au Cameroun, opcit., p. 21.

88À cet égard, l’idée de la doctrine selon laquelle la justice administrative camerounaise n’est pas encore convenablement « placée au même rang de dignité que la juridiction judiciaire », donc n’est pas encore « à la fois indépendante d’elle et indépendante comme elle83 », est encore soutenable. Cela montre que le dualisme juridictionnel camerounais est à tendance moniste. Ce rattachement organique de la justice administrative à la juridiction judiciaire est aussi remarquable que l’insuffisance des juges administratifs spécialistes.

2.2. Les emprunts monistes d’un système de contrôle dualiste eu égard à l’insuffisance des juges administratifs spécialistes

89Pour comprendre de tels propos, quelques rappels méritent d’être faits. D’une part, en ce qui concerne les juridictions de premier ressort, l’article 8 alinéa 1 de la loi no 2006/022 relative aux tribunaux administratifs dispose que les membres du tribunal administratif et ceux du parquet sont des magistrats relevant du statut de la magistrature.

90L’article 9 du même texte ajoute que le président et les juges du tribunal administratif sont nommés conformément au texte portant statut de la magistrature.

91Les magistrats du ministère public auprès du tribunal administratif sont nommés conformément au texte portant statut de la magistrature, conclut l’article 10 de la même loi. C’est aussi sur la base de ces dispositions que le décret du 18 avril 2012 a procédé à la désignation des juges au sein des différents tribunaux administratifs.

92D’autre part, en ce qui concerne les autres juridictions administratives, l’article 5 alinéa 1 de la loi no 2006/016 sur la Cour suprême dispose que les membres de cette cour sont également des magistrats relevant du statut de la magistrature. Il convient aussi de rappeler que ces magistrats sont formés à l’École nationale d’administration et de magistrature, établissement de formation qui depuis sa création, jusqu’en 2012, ne forme que des magistrats de droit privé. Ainsi, pendant toutes ces années, et même en ce moment, bien que cela n’apparaisse que dans une certaine mesure, le règlement des litiges administratifs reste encore, pour une bonne part, confié à des magistrats de droit privé.

  • 84 Nixon Tague Tokam, Le dualisme juridictionnel au Cameroun, opcit., p. 267 ; Samuel-Éric Koua, « L (...)

93À titre d’exemple, on peut relever le rattachement du parquet des tribunaux administratifs au parquet général des cours d’appel de l’ordre judiciaire du ressort territorial desdits tribunaux. Cette approche, que certains observateurs justifient par les difficultés financières et le principe de l’indivisibilité du parquet, montre le caractère transversal du dualisme juridictionnel camerounais84. En effet, même si cette unification n’est qu’organique, étant donné qu’au sein des parquets généraux desdites cours, le contentieux administratif est traité par des attachés au parquet général chargé du contentieux administratif, ces derniers étant des magistrats formés en droit et contentieux administratif, nul doute que ce travail se fait sous l’égide du procureur général près ladite cour. Celui-ci est, sauf exception, un magistrat de formation privatiste. Ce procureur général est principalement chargé d’assurer les fonctions du ministère public dans le ressort de la cour d’appel des juridictions de droit privé concernées. C’est lui qui donne les orientations significatives dans les affaires à traiter dans le cadre du contentieux administratif à ses différents collaborateurs qu’il charge de l’instruction du dossier. De ce point de vue, la justice administrative camerounaise, symbole du dualisme juridictionnel, porte encore l’empreinte du droit privé sauf à envisager l’hypothèse où ce parquet général est placé sous la responsabilité d’un magistrat formé à la section administrative de l’école ; ce qui est une hypothèse difficilement vérifiable.

  • 85 Jean-Calvin Aba’aOyono, « Les mutations de la justice à la lumière du développement constitutionnel (...)
  • 86 Célestin Keutcha Tchapnga, art. cité, p. 26.

94Tout ceci conduit à regretter, une fois de plus, l’absence de maîtrise du droit du contentieux administratif par des magistrats de formation privatiste. C’est un tel profil qui explique parfois, de l’avis de certains observateurs, les solutions adoptées par cette juridiction85. Analysant cette dominance privatiste des magistrats au regard de la loi no 2006/022 sur les tribunaux administratifs, la doctrine avait souligné que « de là à retomber dans les errements et les incohérences jurisprudentielles enregistrés jusqu’ici, il n’y a qu’un pas que le juge judiciaire ne manquera pas de franchir86 […] ».

  • 87 Célestin Keutcha Tchapnga, Précis de contentieux administratif au Cameroun, opcit., p. 234.

95Par ailleurs, analysant également les évolutions liées à la formation des magistrats spécialistes du droit et contentieux administratif, un observateur souligne qu’avant le déploiement sur le terrain de ces nouveaux juges administratifs spécialistes, les juridictions administratives ont commencé à travailler avec des « juges judiciaires spécialisés en contentieux administratif » étant donné que « seules de telles formations […] peuvent permettre aux futurs juges administratifs camerounais de rendre progressivement plus intelligible leur lecture des textes87 ».

96Aussi, même après la mise en place de cette formation particulière propre au juge administratif, elle reste limitée au regard de l’ampleur, notamment sur le volume, du contentieux administratif camerounais aujourd’hui. Ces juges administratifs spécialistes sont en nombre insuffisant. Dans une certaine mesure, leur action restera donc discrète. Une quinzaine de magistrats administratifs par promotion ne peut pas laisser croire que le contentieux administratif pourra systématiquement être traité par des spécialistes. Il faudra encore attendre qu’un nombre conséquent de ces magistrats soit déployé sur le terrain pour conclure à une véritable prise en charge du contentieux administratif par des spécialistes. Par exemple, on peut noter que le décret no 2020/443 du 10 août 2020, portant nomination des magistrats du parquet, a déployé 35 attachés au parquet chargés du contentieux administratif sur le terrain : quatre pour le tribunal administratif rattaché au parquet général près la cour d’appel de l’Adamaoua, 4 pour le centre, 3 pour l’est, 4 pour le littoral, 4 pour le nord, 5 pour le nord-ouest, 5 pour l’ouest, 4 pour le sud, et 2 pour le sud-ouest. Tout ceci contre plus de 120 nouveaux substituts du procureur de la République dans les parquets des différents tribunaux judiciaires du ressort desdites régions : 8 pour l’Adamaoua, 32 pour le centre, 28 pour l’est, 15 pour le littoral, 6 pour le nord, 9 pour le nord-ouest, 9 pour l’ouest, 11 pour le sud, et 11 pour le sud-ouest.

  • 88 Art. 77, al. 1 de la loi de 1994 portant organisation judiciaire au Gabon.

97À titre de droit comparé, au Gabon, le législateur n’a pas retenu cette approche. Les différents ordres de juridiction dans ce pays sont séparés en dépit de leur rattachement au Conseil supérieur de la magistrature. En effet, « le président, les vice-présidents, les juges-magistrats et les représentants du ministère public sont choisis à titre principal parmi les magistrats de l’ordre administratif88 ». Il y a donc, contrairement à l’approche de son homologue camerounais, une distinction, d’une part, entre magistrat de carrière et juge non magistrat et, d’autre part, ceux de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif.

  • 89 Art. L. 231 et suiv. du Code de justice administrative.
  • 90 Voir Jean-Marc Sauvé, « Bilan d’une réforme », dans Catherine Teitgen-Colly (dir.), Perspectives co (...)

98En France, a été institué en 1986 le Conseil supérieur des tribunaux administratifs, également compétent à l’égard des cours administratives d’appel, dont le rôle est équivalent à celui que joue le Conseil supérieur de la magistrature pour les magistrats de l’ordre judiciaire. Il est présidé par le vice-président du Conseil d’État89. La conception d’un juge administratif est différente dans ce pays. Le juge administratif ici relève non pas du statut général de la magistrature, mais du statut général de la fonction publique de l’État, d’une part et, d’autre part, il est recruté par le canal de l’École nationale d’administration90.

  • 91 Sur l’ensemble, lire Damien Connil, L’office du juge administratif et le temps, thèse, université d (...)
  • 92 Daniel Chabanol, La pratique du contentieux administratif, Paris, LexisNexis, 2011, p. 2.

99Ceci montre que dans ce système juridictionnel dualiste, le juge administratif est un spécialiste qui doit s’adapter aux réalités de la société qu’il est appelé à réguler. L’un des défis majeurs qui l’interpellent est celui de la maîtrise des impératifs de la vie administrative, c’est-à-dire son aptitude à agir de manière à permettre à l’administration de fonctionner dans de bonnes conditions et, en même temps, maintenir les actions de cette dernière dans des limites raisonnables afin d’assurer la protection des droits et libertés91. Le conseiller d’État Daniel Chabanol explique que pour jouer efficacement ce rôle d’arbitre entre ces valeurs souvent inconciliables, le juge administratif doit avoir une formation importante sur le plan administratif et juridique. Il doit être associé de façon permanente aux travaux de l’administration pour mieux comprendre ses contraintes et ses modes de fonctionnement. C’est d’ailleurs cette singularité de sa formation et de sa vie professionnelle qui explique le maintien de la dualité de juridiction92. C’est cet ensemble de connaissances qui permet au juge de construire une jurisprudence à la hauteur des enjeux.

  • 93 Damien Connil, L’office du juge administratif et le temps, opcit.
  • 94 Ibid.

100En France, par exemple, en prenant en compte de la situation économique, le Conseil d’État dans l’affaire Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux a souligné qu’en présence d’un événement imprévisible et extérieur aux parties et bouleversant l’économie du contrat, le cocontractant de l’administration devait poursuivre l’exécution et recevoir une indemnité93. En d’autres termes, pour mener à bien sa mission, le juge administratif doit être doté d’un « capital culturel » à la hauteur des enjeux94.

  • 95 Il en est ainsi, d’une manière générale, en Afrique. Voir Champlain Dounkeng Zele, « Le paradoxe de (...)
  • 96 Ibid., p. 70.

101Cela dit, à l’opposé du modèle français dont il s’inspire, le juge administratif camerounais n’est pas véritablement spécialisé ni même indépendant95. Parlant de l’indépendance, il est parfois peu audacieux, celle-ci n’étant pas bien assumée à l’égard de l’exécutif. En ce sens, un observateur fait remarquer « que même dans la nouvelle configuration des pouvoirs, le juge confronté à des affaires ayant une implication politique est dans une position inconfortable ». « Soit il est tenté de refuser de se prononcer en invoquant des arguments de procédure, soit de recourir à des principes d’interprétations ménageant la suprématie du politique96. »

  • 97 Patrick-Edgard Abane Engolo, Traité de contentieux administratif au Cameroun, opcit., p. 18. Voir (...)

102La dépendance de la juridiction administrative camerounaise vis-à-vis du « versant judiciaire » est donc encore présente. Comme le résume la doctrine, « hier et aujourd’hui encore, s’il fallait qualifier » le juge administratif en Afrique, « on dira qu’il est lent à la décision, inapte au droit administratif et intéressé par son sort97 ».

  • 98 Jeanne Lemasurier, Le contentieux administratif en droit comparé, opcit., p. 2 et suiv.

103Ainsi, en droit camerounais, ce recoupement du système dualiste avec l’intervention des juridictions de droit commun conduit dans une certaine mesure à retomber dans le système unique de contentieux administratif ou encore anglo-saxon98. Cela semble redoutable parce que, bien qu’il ait le mérite de la simplicité et de l’efficacité dans la protection des administrés, le juge judiciaire connaît mal le fonctionnement de l’administration et ne pourrait pas être à même de mesurer efficacement l’équilibre entre l’intérêt général et les droits et libertés.

  • 99 Ibid et David Renders, « La réforme du Conseil d’État de Belgique », AJDA 2008, p. 229.

104Cela fait donc du système camerounais de contentieux administratif un système dualiste à tendance moniste. Le droit camerounais n’est pas un cas isolé, car même dans les pays de tradition anglo-saxonne où le juge judiciaire est normalement habilité à juger l’administration, naissent de plus en plus de juridictions administratives spéciales. Cela s’apparente à une réorganisation du contentieux selon le système dualiste. Dans certains pays, comme la Belgique et les Pays-Bas, le contentieux administratif relève à la fois de la juridiction administrative et judiciaire. On peut d’ailleurs remarquer une part majeure de compétence dévolue au juge judiciaire99.

Conclusion

  • 100 Jean-Marc Sauvé, « Dialogue entre les deux ordres de juridiction », 21 juillet 2017, https://www.co (...)

105Le système de contrôle juridictionnel de la puissance publique dans les pays d’Afrique francophone, en général et au Cameroun en particulier, eu égard aux évolutions observées ces dernières années, n’est pas un système parfaitement dualiste. Malgré la nouvelle réorganisation de la justice administrative camerounaise par la réforme de 2006, l’idée de la nature réelle du système en vigueur dans ce pays incite toujours à la discussion. Contrairement à la France où « le dualisme juridictionnel et la répartition des compétences qui en procède » relèvent de l’histoire de ce pays « marquée par la Révolution française et une conception radicale de la séparation des pouvoirs100 », au Cameroun, ce dualisme est nuancé.

  • 101 Avec l’avènement de l’ordre juridictionnel communautaire, le système « trialiste » s’est progressiv (...)
  • 102 Henri-Martial Ntah à Matsah, Le ministère public dans le contentieux administratif au Cameroun : co (...)
  • 103 Bernard Pacteau, « Colonisation et justice administrative », dans Jean Massot (dir.), Le Conseil d’ (...)

106Il est construit sur un système juridictionnel dualiste, puis progressivement « trialiste101 ». En effet, il s’agit d’un système de contrôle juridictionnel qui est certes dualiste, mais dans lequel on relève, dans un premier temps, un rattachement de la fonction du ministère public au parquet des juridictions de droit privé. Le ministère public dans le contentieux administratif est le même que celui des juridictions judiciaires. Même si le contentieux administratif est traité par des attachés au parquet général chargés du contentieux administratif, qui sont des magistrats spécialistes, ce travail est réalisé sous l’égide du procureur général près d’une cour d’appel qui relève des juridictions judiciaires. Ce dernier étant, en l’état actuel, un magistrat privatiste. Comme le note un observateur, on assiste au sein de la juridiction administrative à la protection de l’administration par le ministère public qui entretient l’illusion de la liberté de la parole102. Cette approche rappelle la situation avant les indépendances où la règle de la séparation des autorités administratives et judiciaires n’était pas absolument prise en compte. Cela était lié au dilemme auquel le Conseil d’État était confronté, à savoir assurer la justice administrative en préservant les impératifs de la colonisation103.

107Dans un second temps, s’agissant de la formation des magistrats, celle des juges administratifs spécialistes est désormais prévue. Toutefois, ces juges administratifs spécialistes sont peu nombreux. De ce point de vue, si l’on maintient, sur le plan numérique, le quota actuel des auditeurs de justice formés au contentieux administratif à l’École nationale d’administration et de magistrature, il serait intéressant de déployer aussi les juges non-magistrats, notamment les fonctionnaires, afin de renforcer ce transfert du contentieux administratif à des juges entièrement formés pour ces affaires.

  • 104 Maurice Kamto, « La fonction administrative contentieuse de la Cour suprême du Cameroun », art. cit (...)

108Ainsi, malgré l’avènement des juges administratifs spécialisés en contentieux administratif, le règlement du contentieux administratif au Cameroun reste encore, pour une bonne part, assurer par des juges judiciaires spécialisés. Il en est ainsi compte tenu de la présence insuffisante des juges administratifs spécialistes. On est donc encore proche du système juridictionnel de « deux dans l’un » avec, comme conséquence, des flottements dans la démarche des juges104.

  • 105 L. const. no 61/24, 1er sept. 1961, art. 33, al. 3.
  • 106 Joseph Binyoum et Patrick Ngolle Ngwesse, Éléments de contentieux administratif camerounais, opci (...)
  • 107 Jean Rivero, « Les phénomènes d’imitation des modèles étrangers en droit administratif », dans Andr (...)

109Ce choix n’est pas incompréhensible et est sans doute lié au contexte économique du pays, car la stricte séparation tant structurelle que professionnelle des juridictions exige d’importants moyens financiers. Le choix du législateur camerounais révèle certainement cette réalité. Par exemple, dans les États fédérés, les juridictions sont organisées en fonction de cette forme de l’État. C’était le cas en 1961 au Cameroun, avec en premier et dernier ressort la Cour fédérale de justice juge du contentieux administratif fédéral105. Le Tribunal d’État restait juge de droit commun du contentieux administratif de l’État fédéral du Cameroun oriental. Pour le contentieux administratif du Cameroun occidental, il était assuré par le juge judiciaire. Mais pouvait s’appliquer à l’administration, dans cette partie du pays, l’immunité de juridiction héritée du droit britannique106. Ainsi que le souligne la doctrine, le Cameroun et de nombreux pays africains « conscients de la différence de volume entre leur contentieux administratif et celui de l’ancienne métropole, sensibles aussi au gaspillage en hommes de valeur qu’aurait entraîné la dualité intégrale dans des États insuffisamment fournis en cadres supérieurs, ont donné, du schéma français, une adaptation économique : la dualité des contentieux subsiste, mais la spécialisation des organes de jugement n’apparaît qu’au niveau supérieur107 ».

110C’est dire que la nature de ce système camerounais est certainement le reflet de son contexte.

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Notes

1 En dehors de ces pays africains ralliés à la tradition juridique française, le modèle d’unité juridictionnel était en vigueur dans d’autres pays. C’était le cas au Ghana, en Guinée équatoriale, sur l’île Maurice, en Guinée-Bissau, au Sao Tomé et Principe, au cap Vert, au Mozambique. Ces pays appliquent essentiellement le système de Common Law. Il y a aussi le cas de pays proches du modèle français, comme la Belgique, qui appliquaient le système d’unité de juridiction en plein contentieux dans les pays comme le Rwanda, la République démocratique du Congo et le Burundi. Les pays qui initialement n’étaient pas ralliés à la tradition juridique française ont eu des penchants pour le dualisme juridictionnel. Il en est ainsi de la République démocratique du Congo qui, avec la Constitution du 18 février 2006, a opéré une subdivision de la Cour suprême de justice en Cour constitutionnelle, Conseil d’État et Cour de cassation, http://www.leganet.cd/Legislation/Droit%20Judiciaire/OL.82.017.31.03.1982.htm (consulté le 23 juin 2022). Désormais au Burundi, la chambre administrative de la Cour suprême est chargée de juger en appel les décisions des juridictions inférieures en matière de responsabilité. Il s’agit des cours administratives nouvellement mises sur pied (L., 14 janv. 1987 portant réforme du Code de l’organisation et de la compétence judiciaire ; L., 25 févr. 2005 régissant la Cour suprême, art. 34, 37). Les pays comme la Guinée-Bissau (Constitution du 16 mai 1984, voir constitutions du monde, http://mjp.univ-perp.fr/constit/constitintro.htm, consulté le 23 juin 2022) ou le cap Vert, n’appartenant pas eux aussi au modèle français, ont prévu qu’éventuellement des juridictions administratives pourraient être mises sur pied. Dans le premier cas, l’art. 93 de la Constitution du 16 mai 1984 dispose que « l’existence des tribunaux exclusivement destinés au jugement d’une certaine catégorie d’infractions est interdite ». « Sont exceptés des dispositions du numéro précédent les tribunaux militaires dont la compétence s’exerce dans le jugement des infractions de même nature, qui pour des motifs pertinents leur sont équivalents ; les tribunaux administratifs, fiscaux et des comptes ». Au cap Vert, art. 228, al. 2 de la constitution dispose qu’« il peut exister des tribunaux de l’ordre judiciaire de seconde instance et des tribunaux administratifs » (art. 222 et 228, Constitution du 14 févr. 1981, version du 4 sept. 1992, http://mjp.univ-perp.fr/constit/constitintro.htm, consulté le 23 juin 2022).

2 Ahmed Salem Ould Bouboutt, « Le contentieux administratif comparé en France et dans les pays d’Afrique francophone », RDP 2013, p. 379.

3 http://mjp.univ-perp.fr/constit/cf2013.htm (consulté le 23 juin 2022).

4 L. no 96/38, 30 juin 1996, relative à la répartition des compétences entre les tribunaux judiciaires et le tribunal administratif et à la création d’un conseil des conflits de compétence en Tunisie et art. 121 de la Constitution du 11 décembre 2010 à Madagascar.

5 Dans ce système, on n’y trouve pas seulement le droit français, on y retrouve également le système grec depuis les années 1830 qui, selon sa Constitution de 1975, confie l’ensemble du contentieux administratif à un juge spécialisé, ainsi que dans d’autres pays comme l’Égypte, avec un Conseil d’État, les Émirats arabes unis, avec une Cour fédérale de première instance chargée des litiges administratifs, le Venezuela, la République islamique d’Iran, avec une Cour de justice administrative.

6 Patrick-Edgard Abane Engolo, Traité de contentieux administratif au Cameroun, Paris, L’Harmattan, 2019, p. 14.

7 Dominique Turpin, « L’état actuel du dualisme juridictionnel en France », dans Charles-André Dubreuil (dir.), L’évolution du droit administratif en France et en Russie, Paris, PUF, 2016, p. 233-243.

8 Nixon Tague Tokam, Le dualisme juridictionnel au Cameroun, thèse, université de Yaoundé II, 2019, p. 15.

9 Roger-Gabriel Nlep, L’administration publique camerounaise. Contribution à l’étude des systèmes africains d’administration publique, Paris, LGDJ, 1986, p. 15.

10 Danièle Lochak, La justice administrative, Paris, Montchrestien, 1994, p. 7 ; René Chapus, « Qu’est-ce qu’une juridiction ? La réponse de la jurisprudence », Mélanges Eisenmann, Paris, Cujas, 1975, p. 265 ; Bruno Odent et Didier Truchet, La justice administrative, Paris, PUF, 2008, p. 3 ; Raymond Odent, Contentieux administratif, Paris, Dalloz, 2007, t. 1, p. 59 et suiv. ; Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 1987, p. 493.

11 Jeanne Lemasurier, Le contentieux administratif en droit comparé, Paris, Economica, 2009, p. 6.

12 Cette approche est en vigueur dans les pays comme l’Allemagne, l’Italie, le Luxembourg, la Finlande et les Pays-Bas. C’est un modèle qui pose des difficultés, par exemple, lorsque la responsabilité de l’État ne résulte pas d’un acte matériel, mais d’un acte illégal (ibid.).

13 Voir, par exemple, Luc Sindjoun, L’État ailleurs. Entre noyau dur et case vide, Paris, Economica, 2002, p. 10, 38-39 ; Roger-Gabriel Nlep, L’administration publique camerounaise, opcit., p. 28 ; Henri Wesseling, Le partage de l’Afrique, 1880-1914, Paris, Denoël, 1996 ; Henri Grimal, La décolonisation, 1919-1963, Paris, Armand Colin, 1965, p. 22.

14 Jean-Calvin Aba’aOyono, La compétence de la juridiction administrative en droit camerounais, thèse, université de Nantes, 1994, p. 15-26.

15 L. no 61/12, 20 juin 1961, art. 1eret 2.

16 Sur l’évolution de cette institution, lire Joseph Owona, Le contentieux administratif de la République du Cameroun, Paris, L’Harmattan, 2011 ; Jean-Calvin Aba’a Oyono, La compétence de la juridiction administrative en droit camerounais, opcit. ; Roger-Gabriel Nlep, L’administration publique camerounaise, opcit., p. 206-608 ; Bernard-Raymond Guimdo Dongmo, « Le droit d’accès à la justice administrative au Cameroun. Contribution à l’étude d’un droit fondamental », RRJ 2008, p. 453-498.

17 Sébastien Yedoh Lath, « Les caractères du droit administratif des États africains de succession française. Vers un droit administratif africain francophone ? », RDP 2011, p. 1255-1288.

18 Placide Moudoudou, « Les tendances du droit administratif dans les États d’Afrique francophone », Revue juridique et politique des États francophones, no 1, 2010, p. 74 et suiv. ; Magloire Ondoa (dir), L’administration publique camerounaise à l’heure des réformes, Paris, L’Harmattan, 2010.

19 Il s’agissait des juridictions instituées en 1881 dans les anciennes colonies françaises, dont certaines ont été effacées suite à la décolonisation. D’autres ont été transformées en tribunaux administratifs. Elle arrive au Cameroun en 1920. Voir Delphine Costa, Contentieux administratif, Paris, LexisNexis, 2011, p. 7.

20 D. no 59/83, 14 juin 1959.

21 Sur l’évolution historique de cette institution lire Joseph Owona, Le contentieux administratif de la République du Cameroun, op. cit., p. 14-27 ; Joseph Binyoum et Patrick Ngole Ngwesse, Éléments de contentieux administratif camerounais, Paris, L’Harmattan, 2010, p. 20 et suiv.

22 Le Conseil du contentieux administratif, par exemple, siégeait au chef-lieu de chaque fédération et dans chaque territoire, à l’époque coloniale, dans la plupart des États africains, à charge pour le Conseil d’État français de faire office de juridiction supérieure. Pour plus de détails voir Joseph Owona, op. cit., p. 14-27.

23 Voir par exemple, Jacques Bipele Kemfouedio, « L’administration camerounaise dépouillée de ses prérogatives de puissance publique devant le juge judiciaire. Regard sur la jurisprudence en matière de voie de fait administrative », Annales de droit, no 12, 2018, p. 31-60.

24 Danièle Lochak, La justice administrative, opcit., p. 7.

25 Voir par exemple, Nixon Tague Tokam, Le dualisme juridictionnel au Cameroun, opcit., p. 15 ; Célestin KeutchaTchapnga, « La réforme attendue du contentieux administratif au Cameroun », Juridis, no 70, 2007, p. 24-29, p. 25 ; Henri-Claude Njocke, « Juridiction administrative : réforme inachevée », Cahiers africains d’administration publique, no 72, 2009, p. 117.

26 Laurent Esso, « Plus près… encore plus proche… », Justitia, no 12, 2019, p. 5.

27 Maurice Kamto, Droit administratif processuel du Cameroun, Yaoundé, Presses universitaires du Cameroun, 1990, p. 11.

28 Maurice Kamto, « La fonction administrative contentieuse de la Cour suprême du Cameroun », dans Gérard Conac et Jean du Bois de Gaudusson (dir.), Les cours suprêmes en Afrique. La jurisprudence administrative, Paris, Economica, 1999, p. 31.

29 Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 2001, p. 568-569.

30 Jean-Louis Bergel, Théorie générale du droit, Paris, Dalloz, 2012, p. 225. Voir aussi, Madeleine Gravitz, Méthodes des sciences sociales, Paris, Dalloz, 2000, p. 34.

31 Ibid.

32 Christian Atias, Épistémologie juridique, Paris, PUF, 1985, p. 91 et suiv.

33 Jean Carbonnier, Droit civil : introduction, Paris, PUF, 2002, p. 71.

34 Julien Boudon, « La méthode juridique selon Adhémar Esmein », dans Nader Hakim et Fabrice Melelleray (dir.), Le renouveau de la doctrine française. Les grands auteurs de la pensée juridique au tournant du 21e siècle, Paris, Dalloz, 2009, p. 263. Dans le même sens, François Ost et Michel Van de Kerchove, « De la pluralité à la transversalité. La science juridique à la croisée des disciplines », dans Christophe Alonso et al. (dir.), La pensée du doyen Hauriou à l’épreuve du temps, Aix-Marseille, PUAM, 2015, p. 261.

35 Florence Galletti, Les transformations de l’État et du droit public en Afrique de l’Ouest francophone, thèse, université de Perpignan, 2003, p. 3.

36 L. no 2006/015, 29 déc. 2006, art. 4.

37 La nouvelle chambre administrative de la Cour suprême comporte 5 sections : 1 section du contentieux de la fonction publique, 1 section du contentieux des affaires foncières, 1 section du contentieux des contrats administratifs, 1 section de l’annulation et des questions diverses. Cette répartition est organisée selon l’objet de la requête. On pouvait s’attendre à une répartition classique comme notamment le contentieux de l’annulation ou de la légalité, d’une part et celui de pleine juridiction, d’autre part. Cette nouvelle articulation n’a pas manqué de faire l’objet de critiques. En effet, on peut regretter « l’absence d’une section du contentieux des élections » dans cette répartition, dans la mesure où la chambre administrative de la Cour suprême a compétence pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues en matière de contentieux des élections régionales et municipales. De ce point de vue, « l’on se serait attendu à ce que le législateur crée une section autonome chargée de connaître de cette matière ». « La complexité des questions électorales et la floraison du contentieux électoral imposent que l’on traite cette matière avec beaucoup plus de sérieux » (Darly-Aymar Djofang, « Le nouveau visage de la Cour suprême du Cameroun : vers une plus grande efficacité ? », Revue de l’ERSUMA, no 1, 2012.

38 Henri-Claude Njocke, « Juridiction administrative : réforme inachevée », art. cité.

39 Elle est constituée des présidents de sections de la chambre. Cette section connaît des affaires renvoyées devant elle, soit par ordonnance du premier président, soit par arrêt d’une section. Elle connaît en outre du recours en révision des décisions contradictoires rendues lorsqu’il y a eu dol personnel ; lorsqu’il a été statué sur les pièces reconnues ou déclarées fausses depuis la décision ; lorsqu’une partie a succombé, faute de présenter une pièce décisive retenue par son adversaire ; lorsque la décision de déchéance est intervenue sans que le demandeur au pourvoi ait été mis en demeure, soit pour se constituer un avocat, soit pour introduire une demande d’assistance judiciaire (L. no 2006/016, art. 41, al. 2, sur la Cour suprême).

40 En effet, en dehors des magistrats de carrière, c’est-à-dire des personnels formés à l’École nationale de la magistrature, il est prévu un personnel supplémentaire au sein de cette juridiction à savoir les professeurs des universités de rang magistral, de droit ou d’économie, justifiant d’un exercice d’au moins 15 années consécutives, les avocats inscrits au barreau national et ayant exercé consécutivement pendant 20 ans, les fonctionnaires de catégorie A ou cadres contractuels d’administration titulaire d’une maîtrise en droit ayant exercé consécutivement pendant 20 années.

41 Darly-Aymar Djofang, art. cité.

42 Ibid.

43 Olivier Fandjip, Les mutations récentes de la justice administrative en Afrique francophone. Étude critique à partir du modèle camerounais, Paris, L’Harmattan, 2019, p. 99.

44 Par ailleurs, comme dans le cas de la chambre administrative de la Cour suprême, des juges non-magistrats ont aussi été consacrés au sein de tribunaux administratifs. En ce qui concerne les tribunaux administratifs, le texte prévoit des juges ou substituts non magistrats à savoir les professeurs de droit, les chargés de cours de droit, les fonctionnaires de catégories A et cadres contractuels. Ceux-ci pourront être membres des tribunaux administratifs en service extraordinaire pour un mandat de 5 ans. Le législateur précise les conditions d’admissibilité à ces postes. Cela traduit un souci de rigueur et de spécialisation, car la gestion du contentieux de l’administration exige des juges une connaissance suffisante du droit administratif et de l’administration. C’est pourquoi, pour les professeurs, peuvent être nommés, ceux ayant exercé pendant 10 années consécutives, 15 ans pour les chargés de cours et, enfin, pour la dernière catégorie, ceux-ci doivent être titulaire d’une maîtrise en droit et justifier de 15 années de fonction.

45 L. no 2006/022, art. 13.

46 La chambre administrative ne statuera plus sur les ordonnances de sursis à exécution et de référé par le canal d’un conseiller désigné par ordonnance du président pour une année comme c’était le cas, à titre transitoire (L. no 2006/022, art. 119, al. 3).

47 Célestin Keutcha Tchapnga, art. cité, p. 27.

48 L. no 2006/022, art. 11.

49 Dans cette perspective, depuis l’année 2011 au Cameroun, on observe une multiplication des travaux, notamment des ateliers et des séminaires au profit des acteurs de la justice, particulièrement des magistrats et avocats. Ces travaux visent à leur apporter des outils nécessaires au traitement du contentieux administratif. Les pouvoirs publics ont certainement pris en compte la sonnette d’alarme tirée par la doctrine lorsqu’elle soulignait que « la non-spécialisation des magistrats formés à d’autres types de contentieux serait à l’origine du caractère incertain de la jurisprudence administrative » (Célestin Keutcha Tchapnga, Précis de contentieux administratif au Cameroun. Aspects de l’évolution récente, Paris, L’Harmattan, 2017, p. 233). C’est en ce sens que les formations ont été faites au profit non seulement des magistrats de la Cour suprême et leurs collaborateurs, greffiers et avocats, mais aussi à l’ensemble des acteurs de la justice administrative dans les différentes régions du pays. Elles ont été réalisées à travers le programme d’appui au secteur de la justice. De même, au cours de l’année 2012, à la suite du décret portant nomination des juges auprès des tribunaux administratifs, nouvellement créés, ces nouveaux juges administratifs spécialisés ont bénéficié d’une formation en contentieux administratif tant au Cameroun qu’à l’étranger, notamment à travers un séjour au sein du Conseil d’État en France. La formation au contentieux administratif a également été offerte aux 30 jeunes auditeurs de justice administrative appelés à exercer en qualité d’attachés au parquet général chargé du contentieux administratif dans les différentes régions du pays.

50 En effet, selon l’article 25 du D. no 2018/240 du 9 avril 2018 portant réorganisation de l’École nationale d’administration et de magistrature, la formation y est suivie au sein de 3 divisions : administrative, régies financières, magistrature et greffes. Dans cette dernière division, qui comporte plusieurs sections, a été ajoutée une nouvelle section, dite administrative, à côté de la section judiciaire et des comptes. Le décret susvisé prévoit que les détails relatifs à l’ouverture et au contenu desdites formations sont fixés par arrêté portant ouverture du concours, adopté par le ministre en charge de la fonction publique. À cet effet, par exemple, l’article 1er de l’arrêté no 003935 du 13 juin 2018 du ministre de la Fonction publique portant ouverture du concours d’entrée à l’École nationale d’administration et de magistrature, pour le compte de l’année 2018-2019, prévoit une quinzaine de places pour la section judiciaire, sur 60 places au total, avec 30 places pour la section judiciaire et 15 autres pour la section des comptes. S’agissant précisément de la section administrative, ledit arrêté apporte des précisions sur la nature des épreuves, notamment une épreuve de droit constitutionnel, une épreuve de droit et contentieux administratif, une épreuve de libertés publiques et une épreuve de droit international public. Ces épreuves relèvent des différentes branches du droit public avec les nombreuses matières qu’elles comportent.

51 Le dialogue des juges en contentieux administratif camerounais, expression de l’appartenance du Cameroun au système dual de contrôle de l’administration, ne se réduit pas seulement au niveau de la juridiction administrative et judiciaire. Il apparaît aussi entre les différents juges administratifs. Il s’agit d’un dialogue par le biais de la question préjudicielle entre les juges administratifs. En effet, le dialogue entre les juridictions administratives au Cameroun est possible, d’abord, en vertu de l’incompétence des tribunaux administratifs régionaux dans certaines matières où ces juridictions doivent procéder à un renvoi. En effet, à la suite de l’alinéa 1 de l’article 14 de la loi de 2006 sur les tribunaux administratifs qui désigne les tribunaux administratifs régionaux comme étant des juridictions de droit commun du contentieux administratif en premier ressort, l’alinéa 2 de cette même disposition prévoit l’incompétence desdits tribunaux « lorsqu’ils se trouvent devant une difficulté d’interprétation ou d’appréciation de la légalité d’un texte législatif ou réglementaire ». Dans ce cas, ces juridictions doivent « surseoir à statuer et renvoyer la question devant la Chambre administrative de la Cour suprême ». Ainsi, la difficulté à interpréter ou à apprécier la légalité d’une loi ou d’une décision administrative conduit les juridictions administratives de droit commun à ouvrir un dialogue avec la chambre administrative de la Cour suprême. Il existe donc, par le biais de ce renvoi préjudiciel, un dialogue entre ces juridictions de l’ordre administratif.

52 Axel Wandji Kemajou, La question préjudicielle en droit administratif processuel camerounais, thèse, université de Poitiers, 2017, p. 61.

53 Le dialogue entre ces différentes juridictions de l’ordre administratif apparaît aussi dans le cadre d’une voie de fait. Jadis consacrée à l’article 9 alinéa 4 de l’ordonnance du 26 août 1972 relative à l’organisation de la Cour suprême, la voie de fait a été reprise par l’article 3 (2) de la loi de 2006 sur les tribunaux administratifs. Selon cette disposition, « les tribunaux administratifs de droit commun connaissent, en outre […] des voies de fait administratives et ordonnent toute mesure pour qu’il y soit mis fin ». Il convient simplement de rappeler ici que le juge administratif camerounais a eu l’occasion de définir la voie de fait comme étant des « actes tellement irréguliers qu’ils perdent le caractère administratif » (Salomon Bilong, Mémento de la jurisprudence administrative du Cameroun, Dschang, Presses universitaires de Dschang, 2014, p. 115). Dans ce cadre, le dialogue peut intervenir, une fois de plus, entre les tribunaux administratifs régionaux et la chambre administrative de la Cour suprême. En effet, l’article 3 (2) de la loi de 2006 dispose par la suite que « toutefois, il est statué par la Chambre administrative de la Cour suprême sur l’exception préjudicielle soulevée en matière de voie de fait ». Les discussions relatives à la compétence en matière de constatation de la voie de fait, laquelle compétence est une question préjudicielle pour les uns, et partagée pour les autres, ne sauraient remettre en cause la possibilité d’un renvoi préjudiciel (Magloire Ondoa, La protection des dépenses d’indemnisation en droit administratif camerounais, thèse, université de Yaoundé, 1990, p. 219 ; Jean-Luc Engoutou, La cour fédérale de justice et le droit administratif camerounais, thèse, université de Yaoundé 2, 2010, p. 281 ; Axel Wandji Kemajou, op. cit., p. 82 ; Bonaventure Carol Mballa Emotho, Voie de fait administrative et compétence juridictionnelle au Cameroun, thèse, université de Dschang, 2020, p. 121 et suiv.). Cela dit, une question préjudicielle, dite spéciale, par opposition à celles examinées dans le cadre de l’appréciation de la validité et de l’interprétation des actes administratifs, est possible en matière de voie de fait administrative. Si l’on se situe du côté de la thèse selon laquelle le juge judiciaire ne peut connaître d’une voie de fait sans la constater (Jacques Bipele Kemfouedio, art. cité, p. 38), donc ne peut prendre des mesures pour la faire cesser sans en constater, cela n’exclut pas le renvoi préjudiciel consacré à l’alinéa suivant de la disposition susvisée. Ainsi, si une question préjudicielle est invoquée devant le juge judiciaire, il doit surseoir à statuer. Il en est notamment de même pour la juridiction administrative des tribunaux administratifs qui, en cas de saisine au sujet d’une voie de fait, ne pourront que se déclarer incompétents, surseoir à statuer et renvoyer la question devant la chambre administrative de la Cour suprême. Cela ouvre la voie à un dialogue entre le juge judiciaire qui connaît d’une voie de fait administrative et la chambre administrative de la Cour suprême, ou entre cette dernière et les tribunaux administratifs. La chambre administrative de la Cour suprême a eu à le souligner en affirmant que « la loi donne compétence aux tribunaux de droit commun pour connaître en outre des emprises et des voies de fait administratives et pour ordonner toutes les mesures pour qu’il y soit mis fin […]. Seul le juge judiciaire a compétence pour octroyer des dommages-intérêts » (Cour suprême, chambre administrative [CSCA], 24 avr. 1986, Koum Jemba Joseph). Le juge judiciaire est lui aussi allé dans ce sens lorsqu’il a souligné que « ni les pièces du dossier, ni les débats ne laissent apparaître que les actes reprochés à la Fourrière municipale de la Communauté urbaine de Yaoundé ont été soumis à l’appréciation de la plus haute juridiction et ont reçu cette qualification susceptible d’appeler l’intervention du juge de céans » (Président du tribunal de première instance, Yaoundé centre administratif, ord., référé no 591, 24 oct. 2008, Feussouo Siméon, Aboudi Patrick c/ Fourrière municipale de la communauté urbaine de Yaoundé). Voir aussi Président du tribunal de première instance de Dschang, ord., référé no 21, 8 déc. 2011, Kengmo Étienne, Jiofack Jacques et Ngassa Édouard c/ Le sous-préfet de l’arrondissement de Nkong-Ni, dans Jacques Bipele Kemfouedio, art. cité, p. 40). Ils affirment ainsi la place de ce dialogue, même si dans cette dernière affaire le juge va se déclarer, à tort, incompétent.

54 Le dialogue entre les juges administratifs s’applique aussi en matière d’emprise. Ce dialogue qui sous l’empire de l’ordonnance du 16 août 1972 se limitait à la voie de fait, notamment par la question du renvoi préjudiciel, est désormais possible avec l’emprise. Il suffit de se référer une fois de plus à l’article 3 (2) de la loi du 29 décembre 2006 sur les tribunaux administratifs qui dispose que les tribunaux administratifs régionaux connaissent en outre des emprises et ordonnent toutes les mesures pour qu’il y soit mis fin. Toutefois, il est statué par la chambre administrative de la Cour suprême sur l’exception préjudicielle soulevée en cette matière ; l’emprise étant entendue comme étant une atteinte irrégulière à une propriété privée (Cour fédérale de justice, 23 mars 1971, Medou Gaston c/ État fédéré du Cameroun oriental ; CSCA, jugement no 30, 4 févr. 2003, Pellamié Joseph c/ Communauté urbaine de Douala). Ces dispositions montrent clairement que le juge judiciaire est compétent en cette matière. Un renvoi préjudiciel, donnant la voie à un dialogue, est possible dans la mesure où le juge judiciaire ne saurait apprécier la régularité des actes administratifs qui sont à l’origine de l’emprise (Axel Wandji Kemajou, op. cit., p. 79). Dans ce cas, il doit surseoir à statuer et renvoyer la question devant la chambre administrative de la Cour suprême. Il en sera de même pour le tribunal administratif saisi d’une affaire relative simplement à l’emprise. La jurisprudence administrative confirme cette idée. Dans l’affaire Kamdem Wafo Michel, par exemple, la chambre administrative de la Cour suprême relève que « l’ensemble des dommages dont le requérant demande réparation apparaît dès lors comme étant la conséquence d’une emprise irrégulière de la puissance publique sur une propriété immobilière privée ». « Que par suite, conformément à une jurisprudence constante, il revient aux seuls tribunaux de droit commun de statuer sur la demande d’indemnisation formée par Kamdem Wafo Michel en raison de l’ensemble des dommages résultant de l’occupation illégale de sa villa et de ses conséquences » (CSCA, jugement no 18, 24 avr. 1986, KamdemWaffo c/ État du Cameroun). On voit donc un dialogue possible entre la juge judiciaire, les tribunaux administratifs et la chambre administrative de la Cour suprême. Cela permet de comprendre que la nature du système camerounais de contrôle juridictionnel de l’administration est de nature dualiste. Ce système a l’avantage de concilier efficacement droits, libertés et intérêt général. Toutefois, il peut aussi conduire à de nombreux conflits de compétence. C’est la raison d’être de la création d’une instance chargée de jouer le rôle de départiteur de compétence.

55 L. 2006/022, art. 2, al. 3 (a).

56 L. 2006/022, art. 15, al. 2.

57 CA du littoral, arrêt no 038/C, 16 mars 2012, M. Ebwea Diwoto Joël c/ Mme Minyem Matongo Jeannette, dans Axel Wandji Kemajou, op. cit., p. 65.

58 Ibid, p. 159 et suiv.

59 CA du littoral, arrêt no 134, 20 juil. 2012, Communauté urbaine de Douala c/ Famille Yamilo.

60 CSCA, jugement no 3, 29 oct. 1987, Nkwetta Emmanuel et autres c/ État du Cameroun (MINAT).

61 Cour fédérale de justice-Chambre administrative de Yaoundé, arrêt no 89, 30 sept. 1969, Messono Atenen Pierre c/ État du Cameroun.

62 CSCA, jugement no 4, 31 oct. 1985, Onambele Ela Raphael c/ État du Cameroun, dans Salomon Bilong, opcit., p. 494.

63 L. 2006/022, art 14, al. 1.

64 L. 2006/022, art 15, al. 2.

65 Voir la jurisprudence T. confl., 16 juin 1923, Septfonds, Lebon 498, D. 1924. 3. 41, concl. Matter, S. 1923. 3. 49, note Hauriou et son évolution récente avec l’affaire Tribunal des conflits, 17 octobre 2011, no 3828 et 3829 Scea du Chéneau et autres, no 3808, AJDA 2011.

66 La matière contractuelle fournit aussi la possibilité de dialogue entre les juges judiciaire et administratif (Édouard GnimpiebaTonnang, « Le renouveau du contentieux contractuel public au Cameroun, introduction », dans Celestin Keutcha Tchapnga (dir), Les grandes décisions annotées de la juridiction administrative au Cameroun, Paris, L’Harmattan, 2017, p. 617-702). En effet, le contentieux précontractuel public offre l’occasion au juge administratif de surseoir à statuer pour laisser aux juridictions de droit commun d’apprécier certaines questions civiles, commerciales et pénales liées aux négociations précontractuelles, bien qu’il soit complètement compétent pour connaître du règlement de certaines questions préalables, notamment celle liée à la qualification de la nature administrative des contrats, par des jugements avant dire droit (CSCA, jugement no 147-Avant-dire-droit, 31 août 2005, Um Ntjam François Désiré et fils c/ État du Cameroun [MINEF]). De même, le juge administratif d’instance, appelé à régler la question de la régularité des engagements pris par les parties au contrat administratif, ne refusera pas de connaître du contentieux des vices de consentement entachant le contrat. Il décidera à l’occasion d’appliquer les solutions civilistes dans son prétoire et ne devra en principe pas surseoir à statuer, afin de vérifier, par exemple, la capacité à contracter du cocontractant, si le contrat n’était pas entaché d’erreurs ou s’il n’a pas été conclu sous la contrainte (CSCA, jugement no 21/2002-2003, 28 nov. 2002, Le Consortium d’études et de réalisations internationales du Cameroun c/ Commune urbaine de Yaoundé). Néanmoins, il sera obligé de surseoir à statuer pour laisser le juge judiciaire régler les questions relatives notamment à la nationalité des parties au contrat, à l’existence de manœuvres dolosives entachant le contrat et les contestations soulevées par les concurrents évincés pourront également être réglées par le juge pénal, notamment lorsqu’il s’agira par exemple de déceler d’éventuelles infractions pénales ayant polluées la naissance du contrat. Bien différente est la situation des questions pénales liées à la vie du contrat. Le juge pénal, bénéficiant ici de la plénitude de compétence que lui confèrent les textes, statuera sur toutes les questions qui lui seront posées à l’occasion (CSCA, jugement no 57/2008, 2 avril 2008, Société pour le développement des forêts et des industries du bois (SDFIB) c/ État du Cameroun PM-MPSRE).

67 Dominique Turpin, art. cité, p. 235.

68 À titre de droit comparé, en France le règlement des conflits de compétence est assuré par le Tribunal des conflits qui comprend des membres du Conseil d’État, de la Cour de cassation et le ministre de la Justice. Il statut non seulement sur des conflits négatifs d’attribution, c’est-à-dire lorsque les autorités administratives et judiciaires se déclarent incompétentes sur une même question, mais aussi sur les conflits positifs d’attribution, donc en cas d’intervention de l’autorité judiciaire dans le domaine du juge administratif. Cet organe intervient également en cas de risque de contrariété, sur le fond, pouvant conduire à un déni de justice les décisions des juridictions administratives et judiciaires. Au Cameroun, cette instance ne se limite pas seulement à de telles compétences. Elle connaît aussi des demandes de renvoi entre les différentes juridictions pour cause de suspicion légitime ou de sûreté publique, de toute autre affaire prévue par un texte particulier, des affaires renvoyées devant elle par ordonnance du premier président ou par arrêt d’une section. Il en est de même du recours en révision des décisions contradictoires rendues en cas de dol personnel. De même quand il a été statué sur les pièces reconnues ou déclarées fausses depuis la décision, quand une partie a succombé, faute de présenter une pièce décisive retenue par son adversaire et, enfin, dans le cas où une décision de déchéance est intervenue sans que le demandeur au pourvoi ait été mis en demeure, pour se faire assister par un avocat ou pour introduire une demande d’assistance judiciaire.

69 L. no 2006/016, art. 131-139.

70 Sylvain-Sorel Kuate Tameghe, La justice, ses métiers, ses procédures, L’Harmattan, Paris, 2016, p. 209.

71 L. no 2006/016, art. 7, 15-17.

72 Ainsi, comme en France, on pourrait soutenir que le dualisme juridictionnel camerounais est un « principe d’organisation du système juridictionnel […] selon lequel il existe 2 catégories (dites : “ordres”) de juridictions : des juridictions administratives, dont la juridiction suprême » est la chambre administrative de la Cour suprême, « chargées de connaître de la plupart des litiges dans lesquels sont en cause l’État ou les autres collectivités publiques ; des juridictions judiciaires, dont la fonction est de trancher les litiges entre personnes privées et d’assurer la répression des infractions et dont la juridiction suprême » est la chambre judiciaire de la Cour suprême. « Les conflits de compétence pouvant surgir entre les deux ordres de juridictions sont tranchés par » la formation des chambres réunies de la Cour suprême (Serge Guinchard et Thierry Debard (dir.), Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 2017-2018, p. 836).

73 Ibid.

74 L. no 2006/016, art. 29-31.

75 L. no 2006/016, art. 11-12.

76 Olivier Fandjip, Les mutations récentes de la justice administrative en Afrique francophone, op. cit., p. 123.

77 Roger Bonnard, Le contrôle juridictionnel de l’administration. Étude de droit administratif comparé, Paris, Dalloz, 2006, p. 112-113.

78 Ibid.

79 Ibid.

80 Ibid.

81 Ibid.

82 Pierre Tifine, Droit administratif français, Revue générale du droit, no 4203, 2013.

83 Célestin Keutcha Tchapnga, Précis de contentieux administratif au Cameroun, opcit., p. 21.

84 Nixon Tague Tokam, Le dualisme juridictionnel au Cameroun, opcit., p. 267 ; Samuel-Éric Koua, « La réforme du contentieux administratif du 29 décembre 2006 au Cameroun : regard rétrospectif d’un auditeur de justice administrative », Revue aricaine de sciences juridiques, no 2, 2015, p. 156.

85 Jean-Calvin Aba’aOyono, « Les mutations de la justice à la lumière du développement constitutionnel de 1996 », Juridis, no 44, 2000, p. 84.

86 Célestin Keutcha Tchapnga, art. cité, p. 26.

87 Célestin Keutcha Tchapnga, Précis de contentieux administratif au Cameroun, opcit., p. 234.

88 Art. 77, al. 1 de la loi de 1994 portant organisation judiciaire au Gabon.

89 Art. L. 231 et suiv. du Code de justice administrative.

90 Voir Jean-Marc Sauvé, « Bilan d’une réforme », dans Catherine Teitgen-Colly (dir.), Perspectives contentieuses des réformes de la justice administrative, Paris, LGDJ, 2011, p. 33.

91 Sur l’ensemble, lire Damien Connil, L’office du juge administratif et le temps, thèse, université de Pau et des pays de l’Adour, 2010, p. 493. Voir par exemple, Olivier Fandjip, « La régularisation des recours introduits en l’absence d’une décision et l’avis du Conseil d’État du 27 mars 2019 », RRJ, no 2, 2019, p. 725. Du même auteur : « Le juge administratif français face à l’urgence », dans L’évolution du droit administratif en France et en Russie, opcit., p. 267.

92 Daniel Chabanol, La pratique du contentieux administratif, Paris, LexisNexis, 2011, p. 2.

93 Damien Connil, L’office du juge administratif et le temps, opcit.

94 Ibid.

95 Il en est ainsi, d’une manière générale, en Afrique. Voir Champlain Dounkeng Zele, « Le paradoxe de l’institution judiciaire dans les régimes politiques africains de 1960 jusqu’à nos jours : entre déconstruction et reconstruction relative d’un pouvoir », Revue internationale de droit africain, no 91, 2011, p. 60.

96 Ibid., p. 70.

97 Patrick-Edgard Abane Engolo, Traité de contentieux administratif au Cameroun, opcit., p. 18. Voir aussi Olivier Fandjip, Le temps dans le contentieux administratif en France et dans les États d’Afrique francophone, Paris, L’Harmattan, 2019, p. 155.

98 Jeanne Lemasurier, Le contentieux administratif en droit comparé, opcit., p. 2 et suiv.

99 Ibid et David Renders, « La réforme du Conseil d’État de Belgique », AJDA 2008, p. 229.

100 Jean-Marc Sauvé, « Dialogue entre les deux ordres de juridiction », 21 juillet 2017, https://www.conseil-etat.fr/actualites/discours-et-interventions/dialogue-entre-les-deux-ordres-de-juridiction (consulté le 6 juillet 2022).

101 Avec l’avènement de l’ordre juridictionnel communautaire, le système « trialiste » s’est progressivement mis en place et se construit par paliers complexes, notamment avec l’ordre OHADA (Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires).

102 Henri-Martial Ntah à Matsah, Le ministère public dans le contentieux administratif au Cameroun : contribution à l’étude des organes de la juridiction administrative au Cameroun, thèse, université de Yaoundé 2, 2010, p. 412.

103 Bernard Pacteau, « Colonisation et justice administrative », dans Jean Massot (dir.), Le Conseil d’État et l’évolution de l’outre-mer français du xviie siècle à 1962, Paris, Dalloz, 2007, p. 49-71.

104 Maurice Kamto, « La fonction administrative contentieuse de la Cour suprême du Cameroun », art. cité, p. 31 et 38.

105 L. const. no 61/24, 1er sept. 1961, art. 33, al. 3.

106 Joseph Binyoum et Patrick Ngolle Ngwesse, Éléments de contentieux administratif camerounais, opcit., p. 31.

107 Jean Rivero, « Les phénomènes d’imitation des modèles étrangers en droit administratif », dans André de Laubadère, André Mathiot et Jean Rivero, Pages de doctrine, Paris, LGDJ, 1980, p. 468.

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Pour citer cet article

Référence papier

Olivier Fandjip et Jerry Landry Toukam Kouahou, « Contribution à l’étude de la nature du système de contrôle juridictionnel de l’administration au Cameroun »Les Annales de droit, 16 | 2022, 83-119.

Référence électronique

Olivier Fandjip et Jerry Landry Toukam Kouahou, « Contribution à l’étude de la nature du système de contrôle juridictionnel de l’administration au Cameroun »Les Annales de droit [En ligne], 16 | 2022, mis en ligne le 01 juin 2023, consulté le 18 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/add/2310 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/add.2310

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Auteurs

Olivier Fandjip

Chargé de cours à l’université de Dschang (Cameroun), docteur en droit public, chercheur et enseignant associé, université Clermont-Auvergne

Articles du même auteur

Jerry Landry Toukam Kouahou

Docteur en droit public à l’université de Dschang (Cameroun)

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