De l’existence d’une politique jurisprudentielle dans le contentieux disciplinaire en Côte d’Ivoire
Résumés
La présente contribution a interrogé les décisions du juge de l’excès de pouvoir en matière de sanction disciplinaire afin de mettre en évidence l’existence d’une ligne, voire d’une politique jurisprudentielle. On le sait, on ne peut parler de politique jurisprudentielle que dans un sens rétrospectif, c’est-à-dire comme le bilan d’une œuvre qui se prête à être mise en cohérence. À cette fin, projetant le regard sur les deux versants du contrôle du juge en matière disciplinaire (la procédure et le contenu), l’observation donne de constater que les décisions du juge de l’excès de pouvoir laissent apparaître l’existence d’une ligne ou politique jurisprudentielle.
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- 1 Pierre-Claver Kobo, « La Chambre administrative, juge de la fonction publique », La tribune de la c (...)
- 2 Le président de la chambre administrative, Pierre-Claver Kobo, note que le contentieux disciplinair (...)
1Le contentieux de la fonction publique est présenté comme ayant donné à la chambre administrative ses lettres de noblesse1. Il est clair que, quantitativement, le contentieux disciplinaire est l’un de ses aspects les plus féconds2. Qualitativement, ce postulat reste à vérifier. Cela paraît fondamental en ce que le pouvoir disciplinaire se situe à la frontière encore diffuse du discrétionnaire et de l’arbitraire. Cette situation peut avoir des conséquences importantes sur la vie professionnelle du fonctionnaire. Pour ce faire, il convient de jeter un regard réflexif sur les décisions du juge de l’administration pour en apprécier la cohérence d’ensemble.
- 3 René Dégni-Ségui, Droit administratif général, l’action administrative, Abidjan, NEI-CEDA, 2012, t. (...)
2Il importe, au préalable, de convoquer la notion commune et technique de jurisprudence. Celle-ci ne révèle pas, en effet, un sens univoque. De façon générale, la doctrine lui reconnaît deux sens bien distincts3. Lato sensu, la jurisprudence désigne l’ensemble des décisions des tribunaux. Elle renvoie ici à un assemblage, à une juxtaposition de décisions de justice rendues par les différentes juridictions. Mais, cette proposition ne permet pas d’appréhender suffisamment la notion. Effectivement, produite à l’occasion de l’office juridictionnel, la jurisprudence se distingue des décisions de justice elles-mêmes. Celles-ci sont prises par le juge dans chaque espèce contentieuse et concernent directement les parties au litige.
- 4 Louis Bach, cité par Jean-Luc Aubert, Introduction au droit et thème fondamentaux du droit civil, P (...)
- 5 René Dégni-Ségui, Introduction au droit, Abidjan, EDUCI, 2009, p. 106.
- 6 La question de savoir si la jurisprudence constitue une source du droit a pu diviser les auteurs. C (...)
- 7 Jean-Luc Aubert, Introduction au droit et thème fondamentaux du droit civil, op. cit., p. 157.
3Parler alors de jurisprudence, c’est envisager la notion stricto sensu. Dans cette perspective, elle se laisse appréhender « comme la façon dont telle ou telle difficulté juridique est habituellement tranchée par les juridictions4 ». Pour le professeur René Dégni-Ségui, en effet, la jurisprudence « désigne la solution généralement donnée par les (juridictions) à une question de droit5 ». On parlera alors d’une jurisprudence administrative, constitutionnelle, civile, commerciale, etc., nommant par là le sens donné par les juges à une règle de droit déterminée. Ainsi entendue, la jurisprudence révèle la règle de droit applicable à telle ou telle situation et la signification exacte de cette règle6. Mais lorsqu’elle est prise en ce sens technique, la jurisprudence ne peut être le fruit de n’importe quelle décision de justice, rendue dans n’importe quelle condition7.
- 8 Ibid.
- 9 Guy Canivet et Nicolas Molfessis, La politique jurisprudentielle, conférence à la Cour de cassation (...)
4À l’évidence, pour qu’il soit possible d’affirmer que telle question est réglée de telle manière par les juges, il faut, à tout le moins, que la solution invoquée bénéficie du support d’une décision dotée d’une particulière autorité. Il est possible alors d’ajouter, avec Jean-Luc Aubert, qu’« une jurisprudence véritable ne peut être établie qu’après que l’on [a] pu observer une répétition de décision identique8 ». Sous le bénéfice de cette proposition, l’expression « jurisprudence » n’est pas sans parenté avec celle de politique jurisprudentielle. Au surplus, le risque de confusion est réel. Pourtant, les deux notions ne sont pas assimilables. L’expression « politique jurisprudentielle » pourrait faire penser, a priori, que le juge exprime ou élabore des orientations générales qu’il faudrait suivre. Le juge n’a pas un programme de société dans le sens de la politique d’un gouvernement. La notion de « politique jurisprudentielle » renvoie au chemin, à la ligne directrice suivie par la jurisprudence dans un domaine particulier, sur une question spécifique. Dans cette perspective, la politique jurisprudentielle invite le juge à emprunter la même trajectoire. L’unité ainsi réalisée, les risques de divergences et dissonances de solutions sont préservés. En fait, « pour qu’il n’y ait qu’une jurisprudence, on estimera alors qu’il faut une politique jurisprudentielle qui trace la voie, puisse être comprise, admise et, par conséquent, suivie9 ». C’est dans cette perspective que l’analyse des décisions doit être envisagée pour évoquer l’état du droit jurisprudentiel dans le champ envisagé, c’est-à-dire en matière de sanction disciplinaire.
- 10 Trois situations peuvent être évoquées à ce sujet : la responsabilité fondée sur le risque ; la res (...)
- 11 Salif Yonaba, Droit et pratique du contentieux administratif burkinabé : de l’indépendance à nos jo (...)
- 12 Meïssa Diakhaté, « La responsabilité disciplinaire du fonctionnaire en droit sénégalais », 2013, p. (...)
- 13 Pierre-Claver Kobo, Droit administratif des biens : les domaines des personnes publiques, l’expropr (...)
5Si le droit de l’administration fait place à certains domaines de responsabilité sans faute10, la jurisprudence, en matière de sanction disciplinaire, fait cependant appel à la notion de faute. C’est en effet la faute du fonctionnaire qui l’expose à la mise en cause de sa responsabilité sur le plan disciplinaire11. En dépit de cet enjeu, la définition de la notion de faute est « introuvable12 ». À tout le moins, les définitions légales et jurisprudentielles ne sont pas suffisamment certaines et opératoires. Le statut général de la fonction publique se borne à énumérer un certain nombre d’obligations auxquelles le fonctionnaire doit se soumettre sous peine d’être considéré comme en faute. Or, note Pierre-Claver Kobo, la définition par énumération, quel que soit le soin apporté, n’est jamais très satisfaisante sur le plan scientifique13.
- 14 Cour suprême chambre administrative [CSCA], 28 janvier 1998, Docteur Soumé Bi-Kacou c/ Ministère de (...)
- 15 Léon Duguit, L’État, les gouvernants et les agents, Paris, Dalloz, 2005, p. 463.
6Les incertitudes de la définition législative ne sont pas levées par le juge. Celui-ci assimile effectivement la faute à tout manquement à ses obligations commis par un fonctionnaire et qui justifie une sanction disciplinaire14. Cette indétermination de la notion est également observable dans la doctrine. Le doyen Léon Duguit y voyait l’atteinte portée par le fonctionnaire au lien qui l’unit à l’État dans le mauvais accomplissement de sa mission fonctionnelle15.
- 16 Prudent Soglohoun, « L’office du juge dans le contentieux de la responsabilité administrative au Bé (...)
- 17 CSCA, 28 janvier 1998, dans Martin Bléou, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative ivoi (...)
- 18 Sur la distinction faute personnelle / faute de service, voir les développements de Martin Bléou so (...)
7Au surplus, la situation semble a priori se complexifier en ce que le fonctionnaire, dans l’accomplissement de sa mission, peut également commettre des fautes susceptibles à la fois d’engager sa responsabilité civile et pénale. Mais pour appréhender la responsabilité civile d’un agent, il y a lieu de rappeler la règle fondamentale selon laquelle les agents publics ne sont pas personnellement responsables des dommages causés par les activités des administrations auxquelles ils appartiennent. C’est l’administration, et elle seule, qui doit répondre de son fonctionnement défectueux16, même s’il ne peut y avoir un tel résultat sans un comportement défectueux de l’agent17. La responsabilité civile de l’agent peut être recherchée si ses manquements sont qualifiés de faute personnelle détachable de la faute du service18. Il apparaît de bonne logique que la faute personnelle commise en dehors du service (lien temporel), sans les moyens du service (lien instrumental), appelle la mise en jeu de la responsabilité du fonctionnaire.
- 19 CSCA, 18 juillet 2007, Dibo Deye Bertin c/ Président de la République, http://juris.consetat.ci/pag (...)
8Quant au lien entre la faute pénale et la faute professionnelle, il résulte de ce que la faute professionnelle d’un fonctionnaire peut être source, à la fois d’une sanction pénale et disciplinaire19. Cette situation n’est pas déraisonnable en ce que le fonctionnaire est coupable d’un même fait qui conduit à le poursuivre, à la fois devant le juge pénal et devant l’autorité administrative. La responsabilité pénale des agents est fondée sur les dispositions pénales générales applicables à l’ensemble des justiciables, relatives aux délits non intentionnels.
- 20 CSCA, 29 avril 1987, Koffi N’Dri François c/ Ministère de la Sécurité intérieure ; 27 octobre 1993, (...)
- 21 Emmanuel Aubin, Droit de la Fonction publique, Paris, Lextenso, 2010, p. 423.
- 22 Roland Vandermeeren, « La double peine : diversité des ordres juridiques et pluralité des systèmes (...)
- 23 Aka Thomas Koutou, « La procédure disciplinaire et la procédure pénale sont indépendantes », Tribun (...)
9S’il est vrai qu’en matière disciplinaire ou pénale, il s’agit d’infliger une sanction en réponse à un manquement, il existe, toutefois, une réelle indépendance des deux procédures20. Cette coexistence des deux systèmes répressifs21, qui conduit à la concurrence des répressions22, réside dans le fait que les sanctions disciplinaire et pénale ne s’inscrivent pas dans la même perspective. En effet, « le but de la procédure pénale est de garantir l’intérêt de la société, tandis que celui de la répression disciplinaire est de garantir l’intérêt du service23 ». En conséquence, subordonner l’action disciplinaire à une procédure pénale qui est susceptible de s’étirer dans le temps, c’est mettre à mal la mission d’intérêt général de l’administration.
- 24 Martin Bléou, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative ivoirienne, op. cit., p. 29.
- 25 Raymond Odent, Contentieux administratif, Paris, Cours de droit, 1970-1971, fascicule 1, p. 1541.
- 26 L. no 92-570, 11 sept. 1992 portant statut général de la fonction publique, JO 17 septembre 1992, p (...)
- 27 CSCA, 30 juillet 1997, Dame Nemehou née Kindia Assiata Opportune c/ Ministère de l’Emploi et de la (...)
- 28 Voir art. 74 de la L. no 92-570, 11 sept. 1992 portant statut général de la fonction publique, JO 1 (...)
10Il s’ensuit que la sanction disciplinaire a pour fondement la faute professionnelle24. Justement, Raymond Odent fait remarquer que la sanction disciplinaire ne peut résulter que d’une faute disciplinaire25. Cela est nettement confirmé par l’article 73 du statut général de la fonction publique qui dispose que « toute faute commise par un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions l’expose à une sanction disciplinaire26 ». Celle-ci peut être interprétée comme la répression qui frappe le fonctionnaire qui a enfreint une des obligations dont le droit de la fonction publique impose le respect. Ce pouvoir disciplinaire, qui s’incarne dans la personne du chef hiérarchique27, offre ainsi la possibilité à ce dernier de prendre des sanctions dont l’échelle est limitativement fixée par le statut général de la fonction publique28.
- 29 CSCA, 25 juin 2008, Vei Bernard, voir www.consetat.ci.
- 30 C’est la même logique qui informe la solution de l’arrêt François Xavier Santucci. Dans cette espèc (...)
11Il faut, en outre, faire observer que les sanctions disciplinaires qui frappent les fonctionnaires ne sont pas l’apanage des seules autorités administratives. Ils peuvent faire l’objet d’autres sanctions de nature disciplinaires émanant d’autorités autres qu’administratives. C’est le cas notamment de celles prononcées par les instances disciplinaires faisant office de juridiction et celles prises par les commissions disciplinaires des ordres professionnels29. En matière contentieuse, il est en effet classique de distinguer les décisions administratives des ordres professionnels qui sont justiciables devant la chambre administrative de celles intervenues en matière disciplinaire, qui ont une nature juridictionnelle30.
- 31 CSCA, 26 mai 2004, Conseil national de l’ordre des pharmaciens de Côte d’Ivoire c/ Doumbia Mohamed, (...)
12Les mesures disciplinaires émanant des commissions disciplinaires des ordres professionnels et du conseil de discipline des universités et la commission permanente statuant en matière disciplinaire sont exclues de la réflexion, en ce que leurs actes, comme il ressort des développements qui précèdent, sont de nature juridictionnelle31. Au surplus, les ordres professionnels, bien qu’étant amenés à prendre des actes administratifs dans le cadre de leur mission de service public, sont des groupements privés. En réalité, s’interroger sur le contrôle des sanctions disciplinaires est une démarche déterminante pour deux raisons.
- 32 Léon Michoud, « Étude sur le pouvoir discrétionnaire de l’administration », Revue générale d’admini (...)
- 33 Salif Yonaba, Droit et pratique du contentieux administratif burkinabé, op. cit., p. 267.
- 34 Martin Bléou, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative ivoirienne, op. cit., p. 195.
- 35 En dépit de la pleine liberté de décision qu’a l’autorité administrative en matière de pouvoir disc (...)
13La première relève de considérations générales sur le pouvoir discrétionnaire qui intervient « toutes les fois qu’une autorité agit librement, sans que la conduite à tenir lui soit dictée à l’avance par une règle de droit32 ». Pourtant, il n’est pas douteux que la frontière entre le pouvoir discrétionnaire et l’arbitraire est extrêmement poreuse, tant et si bien que Salif Yonaba estime qu’il n’est pas exagéré de dire qu’en cette matière, le supérieur « fait la pluie et le beau temps » sur ses subordonnés33. De fait, le pas est très vite franchi de l’un à l’autre. Or, justement, « le discrétionnaire ne doit pas verser dans l’arbitraire34 ». C’est d’ailleurs en cela que Léon Duguit aurait même voulu que l’on évitât l’expression « pouvoir discrétionnaire », de peur de le confondre avec le pouvoir arbitraire35.
- 36 Les sanctions disciplinaires sont de 2 ordres : 1. les sanctions du premier degré qui sont entre au (...)
- 37 Georg Jellinek situait l’explication de cette situation dans le fait qu’en matière disciplinaire l’ (...)
- 38 Alice Dégni-Ségui, « Le régime disciplinaire des fonctionnaires en Côte d’Ivoire », RID 1987, p. 84 (...)
14La deuxième raison se rapporte au lien spécifique entre le pouvoir discrétionnaire et la sanction disciplinaire. Il se trouve que la sanction disciplinaire, notamment celle des fonctionnaires, relève du pouvoir discrétionnaire de l’administration. Pourtant, si les sanctions disciplinaires sont limitativement déterminées par le législateur36, la détermination des fautes ressortit à la compétence de l’autorité administrative37. Le statut général de la fonction publique évoque en effet, sans autre précision, le « manquement à ses obligations professionnelles ». La généralité de ce propos, qui traduit en fait l’imprécision des fautes, est un terreau favorable à l’excès de pouvoir38. L’articulation entre la nécessité de rendre moins redoutable le pouvoir discrétionnaire afin de protéger les fonctionnaires contre ses excès et la liberté d’action de l’administration devient alors un impératif presque axiologique pour le juge.
- 39 CSCA, 15 mars 1989, Néa Gahou Maurice c/ Ministère de la Fonction publique ; 18 décembre 2002, Tour (...)
- 40 CE, 25 oct. 2002, Rasmane Compaore c/ État burkinabé, dans Salif Yonaba, Les grandes décisions de l (...)
- 41 Demba Sy, « Un demi-siècle de jurisprudence administrative au Sénégal : de l’émergence à la maturat (...)
- 42 CSCA, 26 avril 2002, Touré Nebetien et 20 avril 2016, Coulibaly Nazoloma Amara c/ Ministère de la F (...)
- 43 CSCA, 20 avril 2016, ibid.
15Dès lors, cerner la cohérence des décisions du juge de l’excès de pouvoir en matière de sanction disciplinaire, c’est d’abord offrir une vision renouvelée du contrôle du pouvoir d’appréciation de l’administration opérée par le juge, surtout que l’on observe un déplacement de l’échelle du contrôle39. Cette tendance est notable au Burkina Faso et au Sénégal40. À l’excès de timidité et au manque de hardiesse41, la jurisprudence administrative laisse voir un juge audacieux et mieux outillé techniquement42. C’est ainsi que l’exercice du pouvoir de l’administration en matière de sanction disciplinaire fait aujourd’hui l’objet d’un contrôle de proportionnalité43. Aborder cette analyse revient à évoquer une problématique peu développée dans la doctrine : la question de l’existence d’une véritable politique jurisprudentielle.
- 44 Guy Canivet et Nicolas Molfessis, La politique jurisprudentielle, op. cit.
16Dans la présente contribution, il s’agira, par une démarche empirique basée sur le dépouillement et l’analyse de la jurisprudence, d’interroger les décisions du juge de l’excès de pouvoir en matière de sanction disciplinaire afin de mettre en évidence l’existence d’une ligne, voire d’une politique jurisprudentielle44.
17On ne peut parler de politique jurisprudentielle que dans un sens rétrospectif, c’est-à-dire comme le bilan d’une œuvre qui se prête à être mise en cohérence. Il paraît indiqué, à cette fin, de projeter le regard sur les deux versants du contrôle du juge en matière disciplinaire : la procédure et le contenu. Cette approche a le mérite d’être inclusive en ce qu’elle permet d’avoir une vue d’ensemble ou d’observer l’existence d’une politique jurisprudentielle globalement cohérente du juge de l’excès de pouvoir. L’examen de plusieurs décisions donne effectivement une certaine visibilité à la jurisprudence relativement au contrôle de la procédure disciplinaire. De ce point de vue, le contrôle de la procédure disciplinaire est marqué par une jurisprudence consolidée (1). À un moindre degré, la même observation peut être faite relativement au contrôle du contenu des sanctions disciplinaires, qui laisse apparaître une jurisprudence en construction (2).
1. Le contrôle de la procédure disciplinaire, une jurisprudence consolidée
- 45 Voir Ibrahim Salami, « L’efficacité du contentieux de pleine juridiction en droit administratif bén (...)
- 46 Cette obligation vaut même lorsque l’autorité administrative détient en la matière un pouvoir discr (...)
- 47 Ce dernier vérifie, en effet, à la fois la légalité interne et externe de l’acte. La légalité exter (...)
18La procédure disciplinaire est régie par quelques règles obligatoires établies dans l’intérêt des fonctionnaires. L’administration, tenant les leviers d’un commandement royal qui ne pouvait mal faire, a été conduite grâce au principe de légalité à accepter d’être liée par ses propres règles45. Les autorités administratives sont ainsi tenues à l’obligation de respecter certaines règles de forme et de procédure dans la mise en mouvement de leur pouvoir disciplinaire, c’est-à-dire dans la mise en œuvre du pouvoir qu’elles ont de prendre des sanctions disciplinaires contre les fonctionnaires coupables de fautes disciplinaires46. Il est certes incontestable, pour permettre à l’autorité administrative de prendre la décision la plus adéquate au regard des circonstances propres à chaque dossier, vu qu’aucune solution ne s’impose d’elle-même, qu’elle puisse disposer d’une très grande liberté. Mais cette liberté n’est ni générale ni absolue et ne peut être exercée que sous le contrôle du juge47. En la matière, les solutions jurisprudentielles révèlent une double constance. Elles laissent apparaître, à la fois, un ancrage du principe du respect des droits de la défense (1.1) et un enracinement du principe de motivation de la sanction (1.2).
1.1. L’ancrage du principe du respect des droits de la défense
- 48 La chambre administrative l’a appliqué dans une affaire se rapportant à la chefferie traditionnelle (...)
- 49 Olivier Schrameck, « Quelques observations sur le principe du contradictoire », dans Mélanges en l’ (...)
19Le respect des droits de la défense est une exigence rituelle de la jurisprudence administrative ivoirienne. Le principe déborde même le cadre spécifique du droit de la fonction publique pour irriguer tout le contentieux administratif48. Le principe du respect des droits de défense s’appréhende « comme la possibilité offerte à toute personne de faire valoir des moyens de défense dans une procédure dont l’aboutissement est susceptible de préjudicier à ses droits49 ». De la synthèse de la jurisprudence administrative, il ressort une constance dans l’exigibilité de la communication du dossier (1.1.1). Cependant, dans la mise en œuvre pratique, la jurisprudence est marquée par une évolution de ses modalités (1.1.2).
1.1.1. La constance dans l’exigibilité de la communication du dossier
- 50 Expression empruntée à Joseph Barthélemy, Précis de droit public, Paris, Dalloz, 2006, p. 302.
- 51 Ndèye Madjiguène Diagne, Les méthodes et les techniques du juge en droit administratif sénégalais, (...)
- 52 Voir art. 75 al. 1 de la L. no 92-570, 11 sept. 1992 portant statut général de la fonction publique (...)
20Les formes substantielles ou essentielles ont pour objet de garantir les droits des administrés. Elles constituent une « soupape de sûreté50 » en ce qu’elles sont, d’une part, prévues dans l’intérêt de la protection des administrés et, d’autre part, que leur observation modifie le contenu de la décision51. Dit autrement, les formes substantielles sont celles dont l’omission constitue un cas d’ouverture pouvant entraîner ipso facto l’annulation de l’acte. Le principe de la communication du dossier, qui est un aspect des droits de la défense, signifie qu’un fonctionnaire, objet d’une procédure disciplinaire, doit prendre connaissance de son dossier personnel afin d’être informé des griefs formulés à son encontre. Concrètement, l’administration met à la disposition de l’administré les pièces qu’elle détient et qui constituent son dossier. Cela apparaît nettement dans la loi no 92-570 du 11 septembre 1992 portant statut général de la fonction publique et dans le décret du 2 juillet 1993 portant modalités communes d’application du statut général de la fonction publique qui consacrent le principe des droits de la défense. L’article 75 impose, en effet, aux autorités administratives investies du pouvoir de prendre des sanctions de premier degré, l’obligation d’adresser au préalable une « demande d’explications écrites à l’intéressé ». La même obligation ressort de l’article 81 du décret du 2 juillet 1993. Aux termes du décret, le fonctionnaire poursuivi dans le cadre d’une procédure disciplinaire doit être mis à même de présenter sa défense, c’est-à-dire ses observations et objections relativement aux motifs de la décision. Le statut général de la fonction publique va plus loin pour les sanctions du second degré qui ne peuvent être prises qu’à l’issue d’une procédure faisant intervenir le conseil de discipline52.
21L’analyse des décisions de la chambre administrative relative à la communication du dossier laisse voir une double constance. Celle-ci s’apprécie tant au niveau de l’affirmation du principe de la communication du dossier que de ses exceptions.
- 53 CSCA, 27 février 1974, Edi Ossohou Sévérin c/ Ministère de l’Intérieur ; 28 janvier 1987, Commissai (...)
- 54 Yédoh Sébastien, Lath Allou et Elvis Adjaffi, « Les droits de la défense dans le contentieux de la (...)
22Relativement à l’affirmation du principe, c’est l’arrêt Edi Ossohou Séverin qui inaugure une jurisprudence constante et abondante dans le domaine spécifique de la fonction publique53. Cette formalité substantielle est rappelée, à juste titre, par la chambre administrative qui, convoquant le statut général de la fonction publique, en fait une application rigoureuse, dans le cadre de la procédure administrative non contentieuse54. S’appuyant, en effet, sur la loi no 64-488 du 21 décembre 1964 portant statut général de la fonction publique qui indique que les sanctions du premier degré, dont fait partie le blâme, sont prononcées « après demande d’explications écrites adressée à l’intéressé » et sur le décret no 65-16 du 14 janvier 1965 portant modalités d’application du statut général de la fonction publique, aux termes duquel « la procédure disciplinaire est engagée par une demande d’explication écrite adressée au fonctionnaire par l’autorité hiérarchique dont il dépend », le juge annule la décision infligeant à l’officier de police un blâme avec inscription au dossier en ce qu’elle n’a pas obéi au formalisme prescrit par les dispositions ci-dessus évoquées.
23L’arrêt Edi Ossohou Séverin a le mérite de rappeler aux autorités administratives que les administrés ont le droit, lorsqu’elles ont l’intention de prendre une sanction à leur égard, de discuter les griefs formulés contre eux.
- 55 René Chapus, Droit administratif général, Paris, Montchrestien, 2001, t. II, p. 342.
24En réalité, le principe du respect des droits de la défense, au-delà du fait qu’il offre au fonctionnaire poursuivi la possibilité de préparer efficacement sa défense, est un outil de moralisation de l’administration. Il permet, à la fois, d’empêcher l’administrateur malveillant de prendre des mesures arbitraires et d’éclairer l’autorité de bonne foi en lui permettant de décider en bonne connaissance de cause. Par-là, le droit à la communication du dossier est à la fois propre à réduire les risques de sanctions insuffisamment étudiées ou prononcées pour des motifs inavouables et un instrument de bonne administration55.
25La seconde constance de la jurisprudence de la chambre administrative apparaît à l’observation des exceptions dégagées dans la mise en œuvre du principe. À la question de savoir si la communication du dossier est un principe d’application absolue, la chambre administrative donne une réponse sans ambiguïté : le juge ivoirien de l’excès de pouvoir admet constamment des exceptions au principe de la communication du dossier.
- 56 CSCA, 27 avril 1994, Yoboue N’Dri François c/ Ministère de l’Emploi et de la Fonction publique ; 13 (...)
26On peut, pour rendre compte des exceptions à la communication du dossier, souligner que les droits de la défense ne peuvent être utilement invoqués dans deux hypothèses. La première situation est celle où le requérant est poursuivi et condamné en matière pénale avant l’intervention de la sanction disciplinaire. La communication, faut-il le rappeler, a pour objet de permettre à l’agent menacé d’assurer efficacement sa défense contre les mesures projetées. Or la procédure pénale étant épuisée, l’agent est naturellement informé des motifs de la décision. En de telles circonstances, estime le juge, « les condamnations pénales infligées aux requérants rendent sans objet une demande d’explications écrites56 ».
- 57 CSCA, 26 février 2020, Poiri Blé Simplice c/ Président de la République, voir ibid.
- 58 CSCA, 17 février 1991, Adou Affian c/ Ministère de la Fonction publique, voir ibid.
27La seconde hypothèse se rapporte à la nature de la faute du fonctionnaire. La nature de la faute fait perdre au fonctionnaire le droit d’invoquer à son profit le principe du droit de la défense. C’est le cas notamment de l’abandon de poste. L’abandon de poste résultant du fait que, sans raison valable, l’agent a cessé d’assurer son service ou n’a pas rejoint le poste qu’il doit occuper, a pour effet de rompre le lien unissant l’agent à l’administration57. Or c’est justement le lien statutaire qui fonde le droit du fonctionnaire à revendiquer le droit à la communication du dossier. Sous le bénéfice de cette présentation, le droit à la communication du dossier est mis en échec par la faute du fonctionnaire. L’on peut trouver une illustration de cette situation dans l’espèce Adou Affian58. La chambre administrative écarte le moyen de la violation des règles de procédure invoquée par le requérant en ce que son retrait au village, dans l’attente de son nouveau poste d’affectation, a été assimilé à un abandon de poste.
28Mais à la question de savoir comment s’exerce concrètement cette formalité, le juge semble avoir une approche évolutive.
1.1.2. L’évolution des modalités formelles de la communication du dossier
- 59 CSCA, 27 février 1974, Edi Ossohou Séverin c/ Ministère de l’Intérieur, op. cit., et 25 novembre 19 (...)
- 60 CSCA, 30 juillet 1997, Commissaire Godrin Kouadio Roger c/ Ministère de la Sécurité intérieure ; 4 (...)
29À l’observation de la jurisprudence administrative relative aux modalités de la communication du dossier, l’on est frappé par l’empirisme du juge. Plus exactement, cette jurisprudence révèle une approche variable des modalités de la demande d’explication écrite. En effet, elle est marquée par une nette évolution. À la rigidité initiale a succédé, au fil des décisions, une certaine souplesse59. Effectivement, le juge a d’abord interprété et appliqué de manière rigoureuse les règles de forme prescrites par la loi. Cette rigidité est nette, ainsi que l’attestent les arrêts de la chambre administrative. Ces arrêts excluent du principe des droits de la défense « l’audition en forme d’interrogatoire de police ». C’est ce que rappelle l’arrêt Edi Ossohou Séverin qui jette les bases d’une jurisprudence ferme et abondante60. La cour y a jugé que l’audition en forme d’interrogatoire de police, même si au bout un procès-verbal est signé, ne peut se substituer à la procédure requise sans méconnaître les droits de la défense.
30En effet, un interrogatoire est un ensemble de questions que pose un officier de police à une personne impliquée dans une affaire. Il est évident qu’une telle procédure, eu égard à l’environnement qui l’entoure, n’offre pas toutes les garanties de sérénité que requiert une demande d’explication écrite. Or celle-ci a pour objet de permettre au requérant de s’exprimer librement, en dehors de toute pression.
- 61 CSCA, 28 janvier 1987, Assielou Koutou c/ Ministère de la Sécurité intérieure, voir ibid.
- 62 CSCA, So’O Georges c/ État du Cameroun, jugement no 2 78-79, 2 nov. 1978, dans Salomon Bilong, Méme (...)
- 63 Ibid., p. 228.
31L’arrêt Assielou Koutou c/ Ministère de la Sécurité intérieure s’oriente dans le même sens avec la même netteté61. Ainsi, n’est pas conforme au principe du respect des droits de la défense, une audition signée du fonctionnaire mis en cause. Précisant, en effet, le sens de l’article 18 du décret du 14 janvier 1965, le juge considère, à raison, qu’« il faut entendre une demande faite par écrit de la part de celui qui l’adresse au fonctionnaire en cause et une réponse également écrite de la part de ce dernier ». La position du juge camerounais mérite, à ce propos, d’être soulignée62. Ce dernier va loin lorsqu’il exige que le dossier soit complet. Cela suppose que le fonctionnaire doit être mis en situation de discuter les moyens et tous les éléments retenus pour étayer l’accusation. Cette exigence est une des conditions de régularité de la procédure63.
- 64 CSCA, 25 novembre 1992, N’Guessan Konan c/ Ministère de l’Emploi et de la Fonction publique, op. ci (...)
32La rigueur et la rigidité observées dans les décisions ci-dessus rapportées contrastent étrangement avec le libéralisme, voire le laxisme, dont a fait montre le juge dans des arrêts ultérieurs. On comprend difficilement le fléchissement de la jurisprudence dans deux décisions rendues par la chambre administrative quelques années plus tard. La première résulte de l’arrêt N’Guessan Konan où la chambre administrative admet qu’une audition préalable de l’intéressé sur procès-verbal soit substituée à la demande d’explication écrite ; et ce, nonobstant les termes clairs et nets de la loi64. Le juge prend d’abord soin de rapporter l’exigence de la demande d’explication écrite dans la procédure disciplinaire déduite de l’article 18 du décret de 1965 portant application du statut général de la fonction publique. Il considère ensuite et enfin que l’intéressé « a été entendu par son chef de service sur procès-verbal, en présence de deux témoins, ses collègues de travail ; qu’une telle pratique n’a rien de contraire aux dispositions du décret précité ».
- 65 CSCA, 28 avril 1999, Kouakou N’Guessan c/ Ministère de la Sécurité intérieure, voir www.consetat.ci
33La souplesse de l’arrêt N’Guessan Konan est largement confortée par l’arrêt Kouakou N’Guessan65. La chambre administrative y écarte purement et simplement l’application de la formalité, à savoir la demande d’explication, l’estimant « superflue ». Pour rejeter le moyen du requérant tiré de l’absence d’une demande d’explication écrite, la chambre administrative précise :
Considérant que s’agissant d’une procédure disciplinaire, le conseil d’enquête a largement entendu le requérant avant la proposition de sanction et que dès lors la demande d’explication écrite apparaît superflue ; qu’il y a donc lieu d’écarter ce moyen comme inopérant.
- 66 René Dégni-Ségui, Droit administratif général, op. cit., p. 797.
34Cette évolution sensible de la jurisprudence administrative est sans aucun doute « une pratique contra legem66 ».
35Dans les deux arrêts qui précèdent, le juge fait une appréciation erronée des textes en la matière. Rédigés en des termes identiques, les arrêts N’Guessan Konan et Kouakou N’Guessan ne sont en accord ni avec l’esprit ni avec la lettre de la loi portant statut général de la fonction publique.
36Il y a un désaccord avec la lettre de la loi, par cela seul que la présentation des observations du fonctionnaire menacé a été recueillie de façon orale là où le décret évoque une demande et des observations écrites. La demande doit être préalable pour permettre au fonctionnaire de présenter des observations écrites. Une audition, même devant le conseil de discipline, ne peut alors se substituer à la demande d’explication écrite.
37La position de la chambre administrative est parfaitement injustifiée eu égard à l’esprit de la loi en ce que, dans ces deux cas, cette procédure n’offre pas aux fonctionnaires des garanties de liberté et de sérénité dans la présentation de leurs observations. Or l’idée est justement de créer un cadre devant permettre au fonctionnaire d’apporter la contradiction au grief dont il est l’objet.
- 67 CSCA, 26 février 2020, Poiri Blé Simplice c/ Président de la République, op. cit.
38Le juge fait ici une confusion entre la situation des fonctionnaires soumis au statut général de la fonction publique et celle des magistrats67. La loi portant statut de la magistrature dont la teneur, sur ce point, échappe à toute logique n’impose pas, en effet, au supérieur hiérarchique d’adresser une demande d’explication écrite avant la mise en œuvre d’une action disciplinaire contre un magistrat. S’il est vrai que la loi ne prescrit pas formellement une telle exigence, l’esprit du principe du respect des droits de la défense commandait que le juge fasse œuvre prétorienne et retienne ce moyen visé par le requérant.
39Le principe du respect des droits de la défense s’incarne également dans l’obligation pour l’administration de motiver sa décision en matière de sanction disciplinaire. L’enracinement de cette exigence est notable dans la jurisprudence ivoirienne.
1.2. L’enracinement de la motivation de la sanction
- 68 Jean-Marie Auby et Roland Drago, Traité de contentieux administratif, Paris, LGDJ, t. 1, 1984, p. 3 (...)
- 69 Ndèye Madjiguène Diagne, « Brèves réflexions sur le contrôle de la légalité des actes administratif (...)
- 70 Georges Dupuis, « Les motifs des actes administratifs », Études et documents du Conseil d’État, 197 (...)
- 71 La même règle vaut pour les avis émis par le conseil de discipline ; ils n’ont pas à être motivés. (...)
- 72 L. no 97-243, 25 avr. 1997 modifiant la L. no 94-440, 16 août 1994, déterminant la composition, l’o (...)
40La motivation des actes administratifs est une formalité qui s’effectue sur le « corps de l’acte68 ». De ce point de vue, « elle se distingue de l’obligation qui s’impose aux autorités administratives de fonder leurs décisions sur des motifs qui ne figurent pas forcément sur l’intrumentum69 ». Mais, en réalité, qu’est-ce qui peut ou doit être rendu public ? A contrario, qu’est-ce qui peut ou doit rester secret ? Ce dilemme entre exigence de transparence et volonté de garder le secret est au cœur de la problématique de la motivation des actes administratifs. Motiver une décision pour l’administration, c’est exprimer les motifs, c’est-à-dire les raisons de droit et de fait sur l’acte qu’elle édicte70. Les actes administratifs doivent-ils être motivés pour être valides ? Le principe en la matière en Côte d’Ivoire est que les actes administratifs n’ont pas à être motivés71, au contraire des décisions de justice, dont le défaut ou l’insuffisance de motivation est une cause de cassation72. Il en résulte que la motivation est une exigence qui s’épuise constamment dans la procédure disciplinaire (1.2.1). Cette situation conduit à se demander si la motivation n’est pas en réalité une obligation discutable (1.2.2).
1.2.1. La motivation de la sanction, une exigence constante
- 73 CSCA, 26 décembre 2017, Diakite Mamadou Lamine c/ Ministère de la Construction, voir ibid.
41Dans un arrêt en date du 26 décembre 201773, le requérant dans sa demande avait curieusement visé la loi française du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs. Le juge ivoirien a, à juste titre, considéré d’une part que la loi française ne saurait s’appliquer en l’espèce et, d’autre part, qu’en Côte d’Ivoire, aucune loi ou aucun principe général de droit ne fait obligation à l’administration de faire figurer les motifs dans l’acte concerné.
- 74 CSCA, 23 juin 2010, Boli Epse Hélène Dina Lacoste c/ Ministère de la Construction, de l’Urbanisme e (...)
42Cette posture n’est pas suivie en toute circonstance. De fait, la liberté de l’administration relative à l’expression de ses motifs s’arrête là où il existe le principe du respect des droits de la défense74. L’examen de la jurisprudence ivoirienne, relative à la motivation révèle que le juge a une position bien nette. La motivation devient obligatoire dès lors qu’il s’agit d’une décision administrative revêtant le caractère de sanction et portant gravement atteinte à une situation individuelle. La nature de cette sanction doit être précisée pour éviter toute équivoque. Faut-il avoir, ici, une conception large de la notion de sanction en y incluant les sanctions fiscales, économiques ou financières, voire contractuelles ? L’appréciation prétorienne du champ d’application de la motivation révèle qu’il est circonscrit aux sanctions disciplinaires. C’est la loi portant statut général de la fonction publique qui a rendu obligatoire la motivation des sanctions disciplinaires.
- 75 CSCA, 29 juin 2016, Bello Deza c/ Ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative(...)
43L’analyse des décisions révèle que le juge soulève d’office ce moyen d’annulation. En fait, alors même que les requérants n’ont pas visé l’exigence de motivation, le juge vérifie si le fonctionnaire frappé par une sanction disciplinaire est, à la seule lecture de la décision qui lui est notifiée, en mesure de connaître les motifs de droit et de fait. De façon constante, le juge s’estime fondé à suppléer ce qu’il estime être une rédaction maladroite de l’objet de la demande pour faire produire à celle-ci un effet utile. Par cette interprétation constructive de la demande du requérant, le juge se pose en rempart contre la violation des droits et libertés du justiciable. C’est ce qui se dégage de l’arrêt Bello Deza où le juge décide que l’acte de naissance, suivant lequel M. Bello Deza est né le 15 juin 1951 et qui a servi de fondement à sa radiation des effectifs de la fonction publique, n’a pu être produit par l’administration75. Une telle décision, changeant fondamentalement la situation de Bello Deza en ce qu’elle a abouti à la radiation de ce dernier, avait nécessairement besoin d’être motivée, au risque de se voir annulée. Dès lors, estime le juge, la décision par laquelle le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative a mis le susnommé à la retraite et l’a radié des effectifs de la fonction publique, à compter du 1er juillet 2011, est entachée d’illégalité et encourt, en conséquence, annulation.
- 76 CSCA, 29 avril 1992, Youan Bi Trayé Mathias c/ Ministère de l’Emploi et de la Fonction publique, vo (...)
44La même observation peut être faite à la lecture de l’arrêt Youan Bi Trayé76 :
Considérant que le ministre de l’Emploi et de la Fonction publique qui, dans son mémoire en date du 25 juin 1990, conclut au rejet du recours comme étant mal fondé en raison du contenu de la lettre de suspension de la solde, n’a pu rapporter la preuve que le requérant a été informé de la décision le mettant à la disposition du Directeur du Personnel de l’Enseignement primaire ; que le ministre de tutelle à qui cette preuve a été demandée par lettre en date du 12 mars 1992 du Conseiller rapporteur n’a pas cru devoir répondre à cette demande, ce qui confirme l’absence de notification de la décision de mise à la disposition, alléguée par le requérant.
- 77 CE, 29 juil. 2020, Grah Ange Olivier c/ Président de la République, voir ibid.
45Ces arrêts permettent d’observer que, dès lors que la décision se situe en matière disciplinaire ou porte gravement atteinte aux situations individuelles, le juge reste extrêmement vigilant au regard des motifs avancés par l’administration. Il importe cependant de noter que l’exigence de motivation tombe lorsque la décision de l’autorité administrative est précédée de l’avis d’un organe consultatif à qui cette exigence est imposée. Dans une telle hypothèse, l’autorité de décision n’est invitée à motiver qu’en cas de décision contraire à l’avis formulé par l’organe consultatif. Il suit de là, et c’est la conclusion à laquelle le juge est parvenu, que la référence faite par le président de la République à l’avis de la Commission de discipline du parquet ne saurait être utilement visée par le requérant comme un défaut de motivation suffisante. Le juge rappelle « qu’il ressort de l’article 56 de la loi portant statut de la Magistrature, que c’est l’avis émis par la Commission de Discipline du Parquet qui doit être motivé ; que le décret du Président de la République n’est obligatoirement motivé qu’en cas de décision contraire à l’avis de la Commission77 ».
- 78 Ibid.
- 79 CSCA, 2 novembre 1978, So’O Georges c/ État du Cameroun, op. cit., p. 235.
46Un autre enseignement peut être tiré de cette décision. Il se rapporte au contenu du contrôle. S’il est vrai que les prescriptions légales n’imposent pas une forme particulière, il ressort des arrêts que le juge sanctionne les motivations trop sommaires. Est sommaire la motivation par référence, c’est-à-dire celle qui consiste pour l’administration à se borner à rappeler les termes d’une loi sur la base de laquelle elle entend prendre une décision78. Ici encore, le droit comparé et notamment la jurisprudence camerounaise offrent des pistes intéressantes. En effet, relativement aux modalités de la motivation, le juge estime qu’elle doit être complète et concrète, de sorte que la décision comporte expressément tous les motifs. Concrètement, la décision de sanction qui renvoie à l’avis de la section permanente est jugée insuffisante, car cet avis n’est pas obligatoirement mis à la disposition ni du public ni de l’accusé79.
1.2.2. La motivation de la sanction, une exigence discutable ?
- 80 Voir sur ce point Éric Carpano, « L’obligation de motivation des actes unilatéraux en droit de l’Un (...)
- 81 Doivent désormais être motivées les décisions individuelles défavorables à leur destinataire, les d (...)
- 82 À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1. restreignent l’exercice des libertés publ (...)
- 83 CE, 24 juil. 1981, Belasri, AJDA 1981, p. 473 ; CE 1er juil. 1981, Besnault, AJDA 1981, p. 474.
- 84 Georges Vedel, « Psychopathologie de la vie administrative », Le Monde, 16-17 janvier 1972.
47L’obligation de motiver qui résulte du statut général de la fonction publique ne mérite-t-elle pas d’être généralisée à l’ensemble des actes administratifs80 ? En d’autres termes, l’expression des motifs (la motivation) doit-elle figurer ou non sur l’instrumentum (le document écrit qui consigne la décision) ? En France, sous l’impulsion de la doctrine, la résistance à la motivation cède d’abord avec la loi du 11 juillet 197981. Comme si cette loi ne suffisait pas, le code des relations entre le public et l’administration vient renforcer l’exigence de motivation82. Il rappelle en son article L.211-2 que « les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent ». La motivation exigée par la loi doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision et le Conseil d’État français a interprété de façon rigoureuse cette exigence83. À cet égard, la motivation remplit une fonction démocratique. Elle permet l’autolimitation de l’administration et aux citoyens de contrôler l’action de l’administration en révélant au public les mobiles des décisions publiques. En réalité, les tenants de cette thèse ont mis en avant la nécessité de protéger les libertés publiques. Il s’agit de défendre ces libertés en invitant le législateur et le juge à contraindre l’administration à exprimer ses motifs sur l’acte même qu’elle édicte84. Ce faisant, l’administration met l’administré en situation de préparer efficacement sa défense. Parallèlement, la connaissance, grâce à la motivation des raisons retenues par l’administration, permettrait une meilleure compréhension des décisions et éviterait donc des recours.
- 85 Maurice Hauriou, Robert-Édouard Charlier et Jean Rivero estiment que l’administration doit motiver (...)
48Cette exigence n’est-elle pas surabondante ? La question semble risquée en ce que la compagnie de ceux qui soutiennent que l’administration doit motiver sa décision est belle scientifiquement85. Il est, en effet, tentant de se mettre sous l’autorité du doyen Vedel qui, naguère, dénonçait le principe de non-motivation des actes administratifs.
- 86 Demba Sy évoquait les risques de ralentissement, voire de paralysie, des services administratifs da (...)
49En dépit de cette belle compagnie et surtout de la quasi-unanimité de la doctrine relativement à l’idée que l’administration doit motiver sa décision, cette position n’est pas à l’abri de la relativité86. L’on peut partir de l’observation faite par le commissaire du gouvernement Letourneur dans la célèbre affaire Barel :
La règle suivant laquelle les actes administratifs n’ont pas à être motivés a pour conséquence de supprimer à leur égard le vice de forme tiré du défaut de motifs ; elle n’a ni pour but ni pour effet de soustraire l’administration à l’obligation de faire connaître au juge de l’excès de pouvoir les motifs des actes attaqués devant lui, l’obligation qui résulte de l’existence même du contrôle juridictionnel, qui est la condition indispensable à l’exercice de ce contrôle et qui est totalement étrangère à ce qui n’est qu’une pure règle de forme.
50Pour souligner la pertinence de cette analyse qui tend à relativiser la portée de l’obligation de motiver, deux séries d’observations peuvent être faites.
- 87 Voir François Kouakou N’Dri, Le juge ivoirien et la preuve dans le contentieux administratif, thèse (...)
51La première est liée aux caractères généraux de la procédure administrative contentieuse. Cette procédure est fondamentalement inquisitoriale, c’est-à-dire dirigée par le juge. Elle se distingue, en cela, de la procédure civile longtemps laissée à la seule initiative des parties agissant par voie d’assignation, puis de notification. Ce rôle actif du juge administratif dans la procédure contentieuse se manifeste au niveau de l’instruction et de la charge de la preuve87. C’est lui qui, recevant la requête, en vérifie la recevabilité, invite le demandeur à la régulariser (par la production de la décision attaquée), adresse cette requête aux autres parties intéressées au litige en leur impartissant un délai de réponse et finalement décide de mettre fin à l’échange des mémoires, lorsque l’affaire lui apparaît « en état » d’être jugée.
- 88 Georges Dupuis, « Les motifs des actes administratifs », Études et documents, op. cit., p. 31.
- 89 CSCA, 22 novembre 2017, Dadie Ahi Marie France c/ Premier président de la cour d’appel de Bouaké, v (...)
52Le pouvoir inquisitorial du juge lui permet, dès lors que le requérant conteste les motifs, d’exiger de l’administration de les expliquer. L’usage pertinent de la procédure inquisitoriale rend, en réalité, la motivation superfétatoire88. Dans l’arrêt Dadié Ahi Marie France épouse Akichi c/ Premier président de la Cour d’appel de Bouaké, le juge annule la note et les appréciations portées sur le bulletin de notation de la requérante, faute pour l’autorité administrative d’avoir fourni au dossier les éléments de preuve89. En fait, pour justifier le caractère objectif de sa note, le premier président de la Cour d’appel de Bouaké soutenait avoir recueilli l’avis circonstancié des deux chefs de juridiction et procédé à une enquête officieuse avant l’établissement de la note. Or ces deux supérieurs hiérarchiques ont donné une note chiffrée de 17/20 et des appréciations élogieuses. Le juge estime fondée l’allégation du demandeur à défaut pour l’administration de pouvoir faire la preuve des éléments qui motivent sa décision.
53La seconde observation relative à la portée de l’obligation de motiver, intimement liée à la première en ce qu’elle en est le corollaire, est le renversement de la charge de la preuve. En principe, la charge de la preuve incombe au demandeur. C’est au fonctionnaire, objet de la sanction et qui conteste sa légalité, d’en apporter la preuve. Il importe, cependant, de noter que la procédure inquisitoriale qui caractérise le contentieux administratif autorise le juge à renverser la charge de la preuve. Effectivement, en l’absence de preuve formelle, mais en présence d’allégations sérieuses formulées par le demandeur et étayées sur des faits précis, le juge peut décider de renverser la charge de la preuve et de mettre l’administration dans l’obligation d’expliquer, « d’ouvrir ses dossiers ». Il ressort des arrêts que le juge se livre à un exercice de recherche qui le conduit, à l’occasion de l’instruction de l’affaire, à user de son pouvoir inquisitorial, lorsque, bien entendu, les éléments du dossier sont insuffisants.
- 90 CSCA, 18 avril 2012, Kouame Appoh Ernest c/ Ministère de la Sécurité intérieure, voir ibid.
- 91 CSCA, 22 mars 2017, Poiri Blé Simplice c/ Commission d’avancement des magistrats, voir ibid.
54Il s’ensuit que le juge est conduit à exiger de l’administration les preuves ayant motivé sa décision. Par là, il rétablit une certaine égalité entre les parties. Ainsi, dans l’arrêt Youan Bi Trayé, face à la réfutation des faits invoqués par l’administration, le juge s’est adressé aux autorités administratives. Ni le ministre de la Fonction publique ni le ministre de tutelle, à qui le juge a demandé de prouver que le requérant avait été informé de la décision le mettant à la disposition du directeur du personnel de l’enseignement primaire, n’ont pu apporter la preuve de leur affirmation. D’autres décisions sont symptomatiques de cette démarche du juge. Deux affaires méritent à cet égard d’être mises en exergue. Dans l’arrêt Kouamé Appoh Ernest c/ Ministre de la Sécurité intérieure, le juge invite le ministre à produire le procès-verbal d’enquête à la suite duquel la sanction de blâme a été prise contre le sieur Kouamé Appoh Ernest90. Tirant les conséquences du refus du ministre à produire ce document, le juge considère que l’arrêté portant blâme est entaché d’illégalité. La même démarche est empruntée dans l’arrêt Poiri Blé Simplice c/ Commission d’avancement des magistrats91. À la requête de M. Poiri Blé Simplice qui invoquait la méconnaissance de son droit à la reconstitution de sa carrière par la Commission d’avancement des magistrats, le juge estime « qu’à défaut de pouvoir faire la preuve de l’inscription du candidat Poiri Blé Simplice sur la liste d’aptitude aux fonctions du 111 à compter de l’année 2009, par la production de procès-verbaux de délibération, la Commission, en se déterminant, au cours de sa session du vendredi 18 juillet 2014 au titre de l’année 2014 […] n’a pas donné de base légale à sa décision qui encourt, de ce fait, annulation ».
55Il ressort visiblement des arrêts qui précèdent que la motivation devient surabondante lorsque le juge exerce normalement son office.
56De l’économie de la procédure disciplinaire se dessine une ligne ou une politique jurisprudentielle cohérente du juge de l’excès de pouvoir. Ce constat ne renseigne que partiellement sur l’état de la politique jurisprudentielle en matière disciplinaire. Pour en avoir une vue d’ensemble, il convient de s’interroger également sur la jurisprudence relative au contenu de la sanction disciplinaire.
2. Le contrôle du contenu de la sanction, une jurisprudence en construction
- 92 Francis Wodié, « L’inexistence des actes juridiques unilatéraux en droit administratif français », (...)
57Lorsque les exigences de forme qui président l’édiction de l’acte par l’autorité compétente sont respectées, le juge analyse alors son contenu. L’acte doit, en effet, avoir « un objet légal et poursuivre une fin publique dans des circonstances de fait et de droit régulièrement déterminées92 ». Chacun de ces deux éléments, l’instrumentum et le negotium, peut être entaché d’un vice d’illégalité affectant ou contaminant l’acte. L’intérêt est de voir si le contenant, parfaitement en phase avec la légalité, ne porte pas un contenu violant les droits du fonctionnaire. Le juge est alors conduit à franchir un autre palier et à exercer un contrôle sur l’appréciation de l’autorité administrative. Ce contrôle du pouvoir d’appréciation se révèle délicat en ce que d’une part, le juge n’est pas le supérieur de l’autorité administrative et, d’autre part, celle-ci dispose en certains domaines d’un pouvoir discrétionnaire. Il convient donc de faire remarquer, à ce propos, que les motifs autant que les éléments d’identification de la sanction sont interrogés par le juge. Le contrôle des motifs des sanctions révèle une jurisprudence variable (2.1) ; ce qui contraste avec la stabilité des caractéristiques de la sanction disciplinaire (2.2).
2.1. Les variables du contrôle des motifs
- 93 CSCA, 26 avril 2002, Touré Nebetien, op. cit.
58Toute décision administrative repose sur un ou plusieurs motifs qui en sont les éléments de fait ou de droit. Pourtant, le domaine disciplinaire est l’un de ceux où les motifs des décisions sont le moins fixés d’une manière claire et précise par le législateur. Si la loi énumère les sanctions que l’autorité administrative peut prendre, elle ne dit pas, en revanche, quels sont les faits qui constituent des fautes. En fait, c’est un principe dans cette matière que les fautes susceptibles d’entraîner une répression ne soient pas définies par la loi, de sorte que l’autorité détentrice du pouvoir disciplinaire a une liberté d’action importante. Si le juge ne peut apprécier l’opportunité de la décision93, il peut toutefois examiner des éléments de légalité en ce qu’un acte n’est jamais entièrement discrétionnaire. Dans cette perspective, la chambre administrative s’est prononcée dans de nombreux arrêts sur l’existence des motifs et, dans une certaine mesure, sur l’appréciation de leurs valeurs. Relativement à ces deux points, l’état de la jurisprudence révèle globalement une cohérence de la démarche du juge. On observe, en effet, que relativement à l’existence des motifs, la jurisprudence administrative est affermie (2.1.1). Après un revirement isolé, celle se rapportant à l’appréciation de la valeur des motifs est en voie de construction (2.1.2).
2.1.1. L’affermissement du contrôle de l’existence des motifs
- 94 Roger Bonnard, Précis de droit administratif, Paris, Sirey, 1935, p. 33.
59Les motifs sont les données de fait et de droit, extérieures et antérieures à l’acte, et qui le rendent nécessaire ou au moins possible. Selon l’expression de Roger Bonnard, « le motif est l’élément premier de l’acte ». « Il est l’antécédent qui le précède. Il constitue sa raison d’être94. »
- 95 Gaston Jèze, « Essais d’une théorie générale sur l’influence des motifs déterminants sur la validit (...)
60Relativement au contrôle des motifs, l’intelligibilité de la démarche du juge peut s’apprécier à deux niveaux95. Le premier niveau d’analyse consiste à rechercher les motifs qui ont inspiré la décision de l’administration, les faits qui la soutiennent. Sur ce point, un double mouvement dans l’intensité du contrôle du juge se laisse saisir. Plus exactement, le contrôle des motifs se réalise à deux niveaux : l’exactitude matérielle des faits et la qualification juridique des faits.
61Lorsque l’administration affirme s’être appuyée sur des faits bien précis pour l’édiction de la décision contestée, il ressort de la lecture des arrêts de la chambre administrative que le juge n’annule ou ne confirme l’acte administratif qu’après avoir vérifié l’existence matérielle des faits. Ce contrôle qu’on pourrait qualifier de primaire, en ce que s’épuisant dans la matérialité des faits, autorise le juge à prendre en considération les circonstances de fait qui ont motivé l’édiction de l’acte. Dans l’affaire By Jules, le contrôle exercé par le juge a abouti à constater que la sanction de révocation frappant le fonctionnaire repose sur des faits réels : « L’indiscipline du sieur By Jules et son manque de conscience professionnelle ». Les allégations selon lesquelles il serait victime de ses convictions politiques sont rejetées par le juge. La même démarche est retenue par le juge dans l’espèce Youan Bi Trayé Mathias, même si le résultat est différent. En effet, le juge estime que « la sanction disciplinaire infligée à Youan Bi Trayé Mathias doit être considérée comme fondée sur des faits matériellement non établis ». C’est dire qu’en toute hypothèse, les faits sur lesquels reposent les décisions administratives sont assujettis au contrôle relativement à leur matérialité.
- 96 CSCA, 28 novembre 1990, Guinde Loua c/ Ministère des PTT, voir www.consetat.ci.
62À ce niveau premier d’analyse, succède un second qui, lui, porte sur le ressort légal des faits. N’importe quel fait ne justifie ni ne fonde les décisions administratives. Le contrôle du juge prend de l’épaisseur lorsqu’il s’assure, dans un second temps, que les faits sont légalement susceptibles de pouvoir constituer une faute. Cette appréciation va consister à voir si le fait reproché au fonctionnaire et qui motive la décision a une existence légale. À ce stade du contrôle, la jurisprudence administrative est suffisamment claire. Il en ressort qu’il ne suffit pas que les faits retenus pour motiver la décision soient exacts ; il faut que ces faits soient par leur nature au nombre de ceux que l’autorité administrative pouvait légitimement prendre. Dans l’arrêt, Guindé Loua c/ Ministre des PPT, le juge considère que la suppression de rendement infligée au sieur, en plus du blâme et du déplacement d’office, n’est pas comprise dans l’énumération de l’article 25 du statut général de la fonction publique96.
- 97 CSCA, 20 février 1963, By Jules, op. cit. ; 22 février 1989, Teo Antionne, voir ibid.
63Jusqu’à une période relativement récente, le juge n’allait pas plus loin ; il ne se risquait pas à chercher, en tenant compte des circonstances, si la sanction infligée était en adéquation avec la faute ; ce qui s’inscrit, apparemment, dans l’ordre normal des choses en ce que, en la matière, l’administration disposant d’un pouvoir discrétionnaire, l’appréciation de la gravité de la sanction ne relève pas de la compétence du juge. Il le rappelle rituellement dans ces décisions. L’espèce By Jules est particulièrement nette à cet égard. La chambre administrative, après avoir indiqué que les faits reprochés au requérant sont « de nature à justifier une sanction disciplinaire », le juge ajoute aussitôt qu’il ne lui appartient pas « d’en apprécier la gravité97 ».
- 98 CSCA, 15 mars 1989, Néa Gahou Maurice c/ Ministère de la Fonction publique, op. cit.
64Cependant, cette appréciation souveraine faite par l’administration du choix des sanctions disciplinaires a conduit à quelques abus. C’est dire qu’abandonné à l’appréciation souveraine de l’autorité, le fonctionnaire coupable d’une faute légère peut écoper de la sanction la plus lourde. C’est ainsi que, dans l’affaire Néa Gahou Maurice, un retard de 14 jours, sans que cela résulte d’une attitude délibérée, a pu entraîner la révocation d’un fonctionnaire98. Le motif invoqué par l’autorité administrative est clairement tiré de ce que le retard accusé par le sieur Néa Gahou Maurice est assimilé à un refus de rejoindre son poste.
65Cette espèce a donné l’occasion à la cour d’inaugurer une nouvelle ère dans la jurisprudence de la chambre administrative. Bien que le juge ne l’ait pas expressément indiqué, la technique de l’erreur manifeste d’appréciation informe sa démarche. Celle-ci peut s’apprécier à deux niveaux. S’appuyant d’abord sur l’existence des faits, le juge opère un contrôle sur leur qualification juridique. Il en arrive au constat que le sieur Néa Gahou n’a pas rejoint immédiatement son nouveau poste d’affectation. Peut-on en déduire un refus de rejoindre son poste comme le prétend le ministre de la Fonction publique ? Ayant analysé, en effet, l’ensemble des circonstances de l’affaire, il constate notamment que l’intéressé n’a pas opposé un refus ferme, « déterminé » et « catégorique » à rejoindre son poste d’affectation.
66Effectivement, il ressort de l’arrêt que le sieur Néa Gahou, invoquant sa situation familiale (trois de ses enfants sont en classe d’examen dans des établissements privés), demande au ministre des Eaux et Forêts de différer la prise d’effet de la décision de mutation. Pourtant, n’ayant pas reçu de réponse favorable à sa requête, il s’est présenté finalement à son nouveau poste d’affectation. La qualification de l’autorité est, de ce point de vue, erronée, car « un retard de quelques jours mis par le fonctionnaire ne peut être regardé comme le refus de rejoindre son poste visé par la loi ».
67Le juge établit ensuite un rapport de juste adéquation entre la situation, c’est-à-dire la faute et la décision, à savoir la sanction. De la sorte, en rapprochant la sanction de la faute qui le justifie, il découvre que l’autorité administrative n’a pas fait une exacte appréciation de la situation. Cette analyse poussée qui est, en réalité, l’application à l’administration d’une règle de bon sens conduit le juge à soutenir « que le retard mis par Néa Gahou pour rejoindre son poste d’affectation constituait certes une faute disciplinaire, mais celle-ci ne pouvait justifier le licenciement pour refus de rejoindre son poste ».
68La qualification faite par l’administration étant en désaccord avec le comportement observé par le fonctionnaire amène le juge à s’interroger, non sur l’opportunité de la décision de l’autorité administrative, mais sa cohérence avec le comportement fautif. Il est ainsi conduit à procéder à des appréciations auxquelles il se refusait lorsqu’il était saisi en matière de sanction disciplinaire. Le juge porte, par là, un jugement sur la valeur des motifs.
2.1.2. L’appréciation de la valeur des motifs en voie de construction
69Tout acte juridique se décline par la définition d’un objectif et la détermination des moyens pour l’atteindre. On peut alors s’interroger sur le moment du contrôle, c’est-à-dire là où il est exercé par le juge. Sur le premier élément qui se rapporte à la définition de l’objectif, le juge vérifie si elle est ou non contraire à la légalité. Relativement au deuxième élément, à savoir la détermination des moyens pour atteindre l’objectif, il engage le juge sur une voie, a priori, délicate. Il faut, en effet, apprécier, évaluer, après l’autorité administrative, le caractère raisonnable des moyens et prendre le risque de substituer son appréciation à celle de l’autorité administrative. L’autorité administrative, plus proche de la situation, est logiquement en mesure d’en apprécier la juste proportion et ainsi décider des modalités propres à satisfaire les objectifs poursuivis.
70Or dans l’arrêt Néa Gahou Maurice, le juge adopte une démarche intellectuelle qui le conduit à voir si les moyens ne sont pas manifestement inappropriés à l’objectif que s’est assigné l’autorité administrative. Les termes de l’arrêt sont assez clairs à cet égard :
Considérant que si le retard mis par Néa Gahou Maurice pour rejoindre son poste d’affection constituait une faute disciplinaire, celle-ci ne pouvait justifier le licenciement pour refus de rejoindre son poste.
- 99 Maurice Hauriou, Principes de droit public, Paris, Dalloz, 2010, p. 485.
71Lorsqu’on analyse le raisonnement du juge, on découvre que l’illégalité de l’acte ne vient pas de sa non-conformité à des règles juridiques, mais du fait que cet acte est manifestement déraisonnable. En fait, l’exigence de bonne administration que lui impose la nature des choses commandait de faire un usage mesuré ou raisonnable de son pouvoir discrétionnaire. La règle de la moralité administrative dégagée par le doyen Hauriou retrouve ici une actualité. Allant au-delà de la logique normative, ce dernier estime que « c’est encore un des bienfaits de la puissance publique contenue dans l’administration d’avoir engendré un contrôle des actes qui soit exercé au nom de la morale publique, plutôt qu’au nom du droit, plus loin que la légalité99 ».
- 100 Jacky Hummel, « La théorie de la moralité administrative et l’erreur manifeste d’appréciation », Re (...)
72Sous ce rapport, le contrôle du juge consiste à la fois à vérifier le respect par l’administration de la légalité, mais aussi, et surtout la règle de la moralité administrative. Celle-ci impose aux administrateurs des principes du droit que l’on peut qualifier d’atypiques100. En l’espèce, dans la décision Néa Gahou Maurice, la révocation est annulée par cela seul qu’elle est jugée superflue ou excessive en raison de la finalité de l’action administrative.
- 101 CSCA, 27 mai 1992, Komenan Yao Louis c/ Ministère de la Sécurité, voir www.consetat.ci.
73Pourtant, ce coup d’accélérateur donné par le juge dans ce dernier arrêt va connaître un fléchissement inattendu avec l’arrêt Komenan Yao101 : la chambre administrative, reprenant la jurisprudence By Jules, estime en effet, contre toute attente, « qu’elle ne peut apprécier l’opportunité et la gravité de la sanction prise par l’administration sans faire acte d’administration ; ce que lui interdisent les principes généraux ». Il faut noter que cette décision, ramant à contre-courant de l’évolution, reste isolée. Profitant certainement d’un environnement favorable aux droits et libertés, la chambre administrative réhabilitera et renforcera la jurisprudence Néa Gahou Maurice.
- 102 CSCA, 18 décembre 2002, Touré Nébetien c/ Ministère du Travail et de la Fonction publique, op. cit.
74La réhabilitation interviendra avec l’arrêt du 18 décembre 2002, Touré Nebetien102. Tout en rejetant la requête tendant à l’annulation d’une sanction d’exclusion temporaire de six mois, le juge fait observer que même si la sanction disciplinaire relève du pouvoir discrétionnaire de l’administration et se trouve par la même insusceptible d’être discutée devant le juge administratif, il peut en apprécier la valeur lorsque celle-ci « est manifestement excessive ».
- 103 CSCA, 20 avril 2016, Coulibaly Nazoloma Amara c/ Ministère de la Fonction publique et de la Réforme (...)
75C’est sans doute l’arrêt Coulibaly Nazoloma Amara qui a porté, dans la période récente, le coup de grâce au refus d’apprécier le choix de la sanction infligée au fonctionnaire103. Les acquis des arrêts précités seront renforcés et consolidés par cet arrêt qui introduit, expressis verbis, le concept de proportionnalité. Il pose le principe que « la sanction disciplinaire infligée à un agent de la fonction publique doit être proportionnelle à la faute commise ; qu’il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyen en ce sens, à rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnelle à la gravité de ces fautes ».
- 104 Le principe de proportionnalité tire sa source de la jurisprudence administrative internationale. L (...)
- 105 CSCA, 18 décembre 2002, Touré Nébetien c/ Ministère du Travail et de la Fonction publique, op. cit.
76On le sait, le contrôle de proportionnalité est perçu comme l’exigence d’un rapport ou d’une adéquation entre les moyens employés par l’administration et le but qu’elle vise104. Concrètement, elle consiste, pour le juge, à mettre en rapport la sanction disciplinaire avec la faute commise par le fonctionnaire. Détenant les leviers du pouvoir de décision, l’administration ne doit en user que dans la mesure du nécessaire. La décision est, dès lors, frappée d’illégalité si les atteintes aux droits et libertés sont superflues ou excessives, eu égard à la finalité de l’action administrative105.
77Ainsi entendu, le principe de proportionnalité semble conduire le juge à aller plus loin ; beaucoup plus loin sur un terrain qui n’est pas le sien, mais celui de l’autorité administrative. Il offre ainsi au juge un pouvoir inhabituel et exorbitant. On ne peut manquer de se demander à ce propos si le juge est devenu coadministrateur et, par là même, coupable d’un excès de pouvoir jurisprudentiel.
- 106 Yves Gaudemet estime que la loi n’est pas la seule source du pouvoir lié, une autre source étant la (...)
78Le dire n’est pas tout à fait exact106. Effectivement, le juge rappelle que le choix de la sanction relevant du pouvoir discrétionnaire n’est pas susceptible d’être discuté devant le juge administratif. Il ressort de l’arrêt Touré Nebetien que « le choix que fait le ministre du Travail, de la Fonction publique et de la Réforme administrative entre plusieurs sanctions prévues par la loi pour réprimer une faute commise par un fonctionnaire relève du pouvoir discrétionnaire de cette autorité et n’est pas susceptible d’être discuté devant le juge administratif sauf si la sanction est manifestement excessive ».
79C’est vrai qu’en mettant en balance la faute commise et la sévérité de la sanction prononcée, le juge semble dicter à l’autorité administrative le seuil à ne pas franchir. À la vérité, il n’est pas juste, du point de vue juridique, d’affirmer que le contrôle de proportionnalité conduit le juge sur le terrain de l’opportunité ou en fait le supérieur hiérarchique de l’administration. Car il est constant que contrôle du juge est restreint aux seules hypothèses d’erreur manifeste ou excessive. Le juge ne dispose pas d’un pouvoir d’appréciation générale de la décision de l’autorité administrative. Autrement dit, le pouvoir de contrôle n’est pas étendu à tous les cas possibles d’erreurs simples ou légères. Les arrêts Touré Nebetien et Coulibaly Nazoloma Amara portent la marque d’une plus grande volonté juge, à travers le contrôle proportionnalité, de protéger les libertés.
- 107 Expression empruntée à Olivier Cayla, « Si la volonté générale peut errer. À propos de “l’erreur ma (...)
- 108 Expression empruntée à Jean-Marc Sauvé, « Le principe de proportionnalité protecteur des libertés » (...)
80Si le choix de la sanction est laissé à la discrétion de l’autorité administrative qui peut ainsi pour une faute insignifiante, tel un retard de quelques heures au travail, infliger la sanction la plus sévère, on imagine aisément qu’une malhonnêteté grave peut se voir sanctionnée par un simple avertissement. C’est dire que la volonté de l’administration « peut errer107 ». Or la police ne doit pas tirer sur les moineaux à coup de canon108. Dès lors, la nécessité de limiter l’arbitraire et de rétablir l’équité conduit à souscrire à la consécration du contrôle de proportionnalité.
- 109 En fait, il n’y a plus d’actes entièrement discrétionnaires, mais dans les actes administratifs, se (...)
81Au surplus, il ne faut pas ignorer « qu’il n’y a pas d’actes où, à côté de la question d’opportunité, on ne puisse soulever des questions de légalité109 ». Il se dégage, à la lecture des arrêts de la chambre administrative, que le contrôle de proportionnalité se situe au moment de la qualification juridique des faits ; ce qui relève normalement du pouvoir du juge. De la sorte, en appréciant la qualification juridique des faits, le juge découvre que l’erreur de droit a eu pour conséquence de mettre l’autorité administrative hors d’apprécier sainement sa décision. Il s’ensuit que, dès l’instant où la qualification est entachée d’une erreur manifeste, c’est-à-dire apparente et grave, elle conduit inéluctablement à une décision déraisonnable ou dépourvue d’objectivité.
- 110 Martin Bléou, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative ivoirienne, op. cit., p. 442.
- 111 Édouard Lafferrière, « De la compétence sur les poursuites dirigées contre les fonctionnaires publi (...)
82C’est ce que révèle l’arrêt Dr Soumé Kacou Brice où l’autorité administrative estime qu’il y a une faute personnelle là où le juge, à bon droit, découvre un mauvais fonctionnement du service110. Dans cette espèce, l’autorité administrative fait, en effet, une confusion grave entre la faute personnelle et la faute de service ou du service. Si la faute personnelle, selon l’expression de Laferrière, révèle « l’homme avec ses faiblesses, ses passions, ses imprudences », la faute de service, elle, « révèle un administrateur, un mandataire de l’État plus ou moins sujet à l’erreur111 ». Or de cette affaire il ressort que le décès d’une parturiente est lié à l’organisation et au fonctionnement du service public hospitalier. Celui-ci, rappelle le juge, devait être doté en permanence de médicaments nécessaires pour les urgences. Le fait que le manque de médicaments entraîne la mort de la parturiente alors que le Dr Soumé Kacou Brice, après son diagnostic, a délivré aux parents une ordonnance pour l’achat des médicaments est une faute du service. Il s’agit d’un cas typique de mauvais fonctionnement du service public.
83La même grille d’analyse peut être faite à propos de l’arrêt Coulibaly Nazoloma Amara. Dans cette affaire, la révocation de M. Coulibaly Nazoloma Amara est fondée, selon le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, sur des faits constitutifs de détournement de deniers publics. Le ministre soutient que les fonds dont le sieur Coulibaly Nazolma Amara était le dépositaire ont été affectés à un usage auquel ils n’étaient pas destinés. Tirant les conséquences de cette appréciation, l’autorité administrative en arrive à conclure ou à qualifier ce fait de détournement de deniers publics.
84Pour annuler la décision de l’autorité administrative qui, manifestement, ne fait pas une appréciation juridique rigoureuse de la situation, le juge invoque l’article 226 du Code pénal. En effet, aux termes de cette disposition, est « présumé avoir détourné ou dissipé les deniers, effets ou titre remis entre ses mains, celui qui se trouve dans l’impossibilité de les représenter ou de justifier qu’il en a fait un usage conforme à leur destination ». « Pour faire tomber cette présomption, il lui appartient de prouver que l’impossibilité dans laquelle il se trouve, soit de présenter lesdits deniers, effets ou titres, soit de justifier qu’il a fait un usage conforme à leur destination, n’a pas une origine frauduleuse, ou si cette origine est frauduleuse, qu’elle ne lui est pas imputable. »
- 112 Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 2016, p. 414.
- 113 Pélagie Théoua N’Dri, « La sanction disciplinaire des gestionnaires publics pour fautes de gestion (...)
85En affectant les fonds publics à un chapitre autre que celui pour lequel ils étaient destinés, le sieur Coulibaly Nazoloma Amara fait un usage non conforme à leur destination. Il s’agit là, sans aucun doute, d’un comportement fautif. Mais cette faute, à la lumière de l’article 226 du Code pénal, n’est pas constitutive de détournement de deniers publics en ce que l’usage qui en a été fait n’a pas une origine frauduleuse. Le sieur Coulibaly Nazoloma Amara commet, en réalité, selon le juge « des erreurs de gestion », mais non un détournement de deniers publics. Cette qualification n’est pas à l’abri de la critique. Se référant aux agissements du sieur Nazoloma, le juge procède à des qualifications qui ne renvoient pas à la même réalité. Il utilise indifféremment les expressions « comportements fautifs » et « erreurs de gestion ». Or l’erreur est une fausse représentation de la réalité qui conduit une personne à se tromper ou à mal apprécier une situation. Elle peut atténuer la responsabilité112. En revanche, la faute est constitutive d’infraction prévue par les textes. En l’espèce, le paiement d’une dépense après l’affectation d’un crédit budgétaire d’une ligne à une autre, exception faite des modalités de la récente consécration de la fongibilité asymétrique des crédits dans l’ordre juridique financier ivoirien, est une violation des règles d’exécution des dépenses publiques113.
- 114 Maurice Hauriou, Précis de droit administratif et de droit public, Paris, Dalloz, 2010, p. 424.
- 115 Marcel Waline, « Le pouvoir discrétionnaire de l’administration », art. cité, p. 206.
86Si on peut douter de la compétence du juge à apprécier les réalités de l’action administrative en ce qu’il se trouve manifestement éloigné de cette situation, néanmoins, on peut difficilement expliquer et accepter qu’il ne puisse pas, en mettant en lien la faute et la sanction, annuler une décision ou une sanction manifestement déraisonnable. Cette idée de l’évolution du contrôle du juge avait été mise en exergue par le doyen Hauriou. Il a pu considérer que le juge de l’excès de pouvoir n’est pas strictement un juge de la légalité. Il dépasse ce point de vue pour se faire juge de la « moralité administrative », pour exercer une sorte de « police de l’administration114 ». C’est en ce sens, fait remarquer Marcel Waline citant M. Giraud, qu’il ne doit y avoir dans l’administration ni caprice ni fantaisie115.
87Au surplus, en poussant plus loin la réflexion, on peut trouver un argument tiré de l’esprit même du statut général de la fonction publique qui valide le contrôle de proportionnalité. Le législateur a, en effet, établi une échelle des sanctions qui tient compte évidemment de la gravité des fautes. Le statut détermine une liste de sanctions, mentionnées dans l’ordre croissant de sévérité et réparties en deux groupes. Si les sanctions du premier degré sont infligées aux fautes légères, celles du second degré sont prises à l’occasion des fautes les plus graves. L’échelle des sanctions révèle l’idée que le législateur a entendu introduire une certaine proportionnalité dans l’application de la sanction. S’il est juste que la faute du sieur Néa Gahou Maurice méritait une sanction en raison du retard de 14 jours pour rejoindre son poste, il n’est pas équitable de révoquer un agent qui s’est rendu coupable d’une faute vénielle au regard des circonstances de l’espèce. Cette disproportion manifeste, même en matière de pouvoir discrétionnaire, mérite alors d’être sanctionnée par le juge de l’excès de pouvoir.
88Si la jurisprudence ivoirienne se rapportant au contrôle des motifs est en phase de maturation, elle est constante s’agissant de son identité.
2.2. La stabilité des caractéristiques de la sanction disciplinaire
89Évoquer l’identité de la sanction, c’est analyser certains points importants relatifs aux caractères de la sanction disciplinaire. Le juge de l’excès de pouvoir rappelle constamment des éléments qui permettent de caractériser ou d’identifier la sanction disciplinaire. Invariablement le juge affirme le principe non bis in idem (2.2.1) et l’autonomie de la sanction disciplinaire (2.2.2).
2.2.1. L’invariabilité du principe non bis in idem
- 116 CSCA, 28 novembre 1990, Guinde Loua c/ Ministère des PTT, op. cit. ; 25 mars 1992, N’Guessan Diby J (...)
- 117 Georges Dupuis, Marie-José Guédon et Patrice Chrétien, Droit administratif, Paris, Sirey, 2009, p. (...)
90Dans la mise en œuvre du pouvoir disciplinaire, le fonctionnaire peut se voir infliger plusieurs sanctions. Il arrive très souvent, en effet, que l’autorité administrative sanctionne doublement le fonctionnaire pour la même faute. Cette situation, lorsqu’elle est critiquée devant le juge de l’excès de pouvoir, trouve constamment sa solution dans le principe non bis in idem116. Ce principe, qui tire sa source ou son inspiration du droit pénal, signifie qu’un même fait ou une même faute ne peut faire l’objet de plusieurs sanctions successives. Cela est tout à fait justifié en ce que, si les sanctions administratives sont des actes administratifs par leur auteur, elles restent des actes répressifs par le contenu117. Relativement au principe du non-cumul, il convient de relever que la position du juge est empreinte de rigueur et de constance tant dans l’affirmation du principe que dans les exceptions qu’il admet.
91L’affirmation du principe du non-cumul se dégage de plusieurs décisions de la chambre administrative. Le considérant principal de l’arrêt Tapé Albert qu’il convient de rapporter intégralement suffit à illustrer nos propos :
Considérant, en l’espèce, que le ministre de la Sécurité intérieure à qui la requête et le rapport ont été communiqués n’a pas cru devoir déposer de mémoire en défense ; que, cependant, l’examen des pièces produites par le requérant révèle d’une part que l’arrêté portant suspension et déferrement de Tapé Albert devant le Conseil d’enquête visait expressément et uniquement la mauvaise manière de servir, faute ayant entraîné la sanction de quinze jours d’arrêt de rigueur entièrement subi par le requérant ; d’autre part que l’abus de confiance et la violation de consignes contestées par Tapé Albert et dont le Conseil d’enquête n’a pu être légalement saisi ne sont pas matériellement établis ; qu’il résulte de cet examen que la sanction de la radiation repose sur la même faute déjà sanctionnée ; que cette décision viole les principes généraux du droit et les dispositions réglementaires sur la discipline générale des corps de la Sûreté nationale.
92Cependant, le principe du non-cumul n’est pas d’application absolue. Cette dernière se trouve écartée dans deux hypothèses. La première exception est d’origine jurisprudentielle : le juge, dans son prétoire, découvre que la règle du non-cumul peut être tenue en échec lorsque l’une des sanctions ne figure pas dans l’énumération des sanctions disciplinaires. En d’autres termes, le requérant n’est pas fondé à invoquer le cumul lorsque l’une des mesures ne constitue pas une sanction disciplinaire.
- 118 CSCA, 27 juin 2001, Gnohou Bernard c/ Ministère de l’Emploi et de la Fonction publique, op. cit.
93Effectivement, sans qu’elles figurent dans l’énumération de l’article 74 du statut général de la fonction publique, certaines mesures administratives ont, par leur contenu, un caractère répressif. Elles sont, de ce point de vue, susceptibles de léser les intérêts du fonctionnaire. Or dès lors que ces sanctions affectent la situation des fonctionnaires, elles sont assimilées par ceux-ci à des sanctions disciplinaires. C’est ce qui ressort des faits de l’arrêt Gnohou Bernard c/ Ministre de l’Emploi et de la Fonction publique où le requérant estime qu’il a été l’objet d’une double sanction118. Le remboursement des sommes qu’il a détournées, prescrit par l’arrêté attaqué, constitue pour lui une sanction disciplinaire s’ajoutant à l’exclusion temporaire.
94Pourtant, on le sait, les sanctions disciplinaires applicables au fonctionnaire sont limitativement énumérées par l’article 74 du statut général de la fonction publique. Le juge considère la requête mal fondée en ce que le remboursement des sommes détournées par le fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions prescrit par l’arrêté n’est pas inscrit au titre des sanctions disciplinaires.
95Une décision identique dans une affaire analogue se trouve dans l’arrêt Touré Nebetien. Cet arrêt est la manifestation de la constance de la jurisprudence de la chambre administrative puisque cette dernière déclare :
[…] considérant, en l’espèce, que Touré Nebetien ne rapporte pas la preuve de la double sanction qu’il allègue ; qu’en effet, il ne produit pas de décision de déplacement d’office ; que celle qu’il verse au dossier, pris par le Directeur général des Impôts qui l’a remis à la disposition de la Direction des Ressources humaines de son ministère d’origine, pour les besoins de l’enquête ouverte contre lui, doit être regardée comme une suspension et non comme une sanction ; qu’en conséquence de ce qui précède, le moyen soulevé ne peut prospérer.
96Il ressort des décisions analysées que la règle du non-cumul s’épuise dans l’énumération des sanctions disciplinaires, telle que prévue par le statut général de la fonction publique. Cette position doit être reçue, car les préjudices n’ayant pas la même nature, ils ne peuvent naturellement suivre le même régime juridique.
97La deuxième atténuation est d’ordre législatif et réglementaire. Le principe du non-cumul est écarté par les textes dans deux hypothèses. La première hypothèse est celle prévue par la loi no 78-662 du 4 août 1978 portant statut de la magistrature, modifiée par les lois no 94-437 du 16 août 1994 et 94-498 du 6 septembre 1994, qui admet, en son article 38, le cumul de sanctions disciplinaires. En effet, lorsqu’il est infligé à un magistrat un abaissement d’échelon ou une rétrogradation, il peut être également sanctionné d’un déplacement d’office.
98La seconde hypothèse résulte du décret no 79-476 du 6 juin 1979 portant règlement sur la discipline générale et le service intérieur des corps de la sécurité nationale. L’article 64-c dispose que « la mutation à titre disciplinaire est une sanction complémentaire qui peut accompagner chacune des sanctions principales s’appliquant aux membres des différents corps des services de police ». Ces dispositions qui sont des exceptions au principe du non-cumul annoncent, en réalité, l’autonomie de la sanction disciplinaire.
2.2.2. L’intangibilité du principe de l’autonomie
- 119 Expression empruntée à Emmanuel Aubin, Droit de la Fonction publique, op. cit., p. 404.
99Un fonctionnaire qui adopte un comportement répréhensible constitutif d’une faute disciplinaire peut être concomitamment objet de poursuite pénale devant le juge ordinaire et se voir puni pénalement. L’affaire Agnofé N’Douba a soulevé la question de la responsabilité pénale du fonctionnaire non dépourvue de tout lien avec sa responsabilité disciplinaire. À ce propos, le juge considère que les faits ayant donné lieu à une condamnation pénale « entachent la moralité même de l’agent de l’État » et que, quoique « commis en dehors du service, ces faits apparaissent comme manifestement incompatibles avec ses obligations professionnelles ». En réalité, cette situation n’est donc pas déraisonnable en ce que la fonction administrative est devenue une activité à risque pénal. Pour autant, il faut se garder de surestimer cette évolution. Il n’existe pas, de « confusion des genres119 ».
100Effectivement, l’article 77 alinéa 4 de la loi portant statut général de la fonction publique dispose qu’« en cas de manquement à ses obligations professionnelles, ou d’infraction de droit commun commis dans le cadre professionnel, le fonctionnaire peut faire l’objet d’une sanction disciplinaire indépendamment des poursuites pénales susceptibles d’être engagées contre lui ». C’est en substance ce qui transparaît également de l’article 63 alinéa 3 du décret du 6 juin portant règlement de discipline : « une même faute peut être sanctionnée à la fois sur le plan pénal et sur le plan disciplinaire, l’action disciplinaire est indépendante de l’action pénale ».
101De fait, selon une jurisprudence constante et abondante qui, en réalité, découle beaucoup plus des textes précités que d’une découverte prétorienne, la sanction disciplinaire est autonome par rapport à la sanction pénale. Les deux procédures étant séparées ou distinctes, le juge considère que « le pénal ne tient pas, le disciplinaire en l’état » et inversement. À ce propos, la synthèse de la jurisprudence permet de faire une double observation.
- 120 CSCA, 18 juillet 2007, Dibo Deye Bertin c/ Président de la République, op. cit.
102La première observation résulte de ce que le juge considère que la sanction disciplinaire n’est pas régie par l’équivalent du principe de la légalité des délits, c’est-à-dire de la détermination des fautes susceptibles d’être sanctionnées. C’est qu’en droit disciplinaire, on ne trouve pas de texte législatif analogue au Code pénal dans lequel se trouveraient toutes les obligations des fonctionnaires et toutes les fautes qu’ils pourraient commettre. La chambre administrative le rappelle en ces termes dans l’arrêt Dibo Deye120 :
[…] considérant que le principe de légalité des infractions ou l’adage « nullum crimen sine lege » ne s’applique pas en matière de sanction administrative ; que Monsieur Dibo ne saurait, valablement, tirer argument du fait que le motif retenu à son encontre, « le manquement aux ordres et consignes » ne figure pas dans la liste des incriminations dressées par l’article 85 du décret du 14 décembre 2001, laquelle liste ne saurait être limitative, pour soutenir l’illégalité de sa radiation.
103Ce qui peut être sanctionné, c’est globalement tous les manquements aux obligations professionnelles, le cas échéant en dehors même du service, dès lors que le comportement hors service peut affecter le fonctionnement du service. Il en résulte naturellement une inadéquation entre l’échelle des peines et celle des infractions.
- 121 CSCA, 27 octobre 1993, Nene Bi Doubi Richard c/ Ministère de la Sécurité intérieure ; 19 novembre 2 (...)
- 122 CSCA, 27 mai 1992, Komenan Yao Louis et Sery Ouanda Pierre c/ Ministère de la Sécurité publique, vo (...)
- 123 CSCA, 24 octobre 2007, Boni née Kouadio Akissi Viviane c/ Président de la République ; 18 juillet 2 (...)
104La seconde observation se rapporte à l’indépendance de l’action pénale et de l’action disciplinaire. D’une part, il se peut que les deux procédures soient déclenchées et qu’elles se déroulent parallèlement. En pareille circonstance, la faute disciplinaire n’a pas besoin d’être constatée par le juge pénal avant d’être sanctionnée sur le plan disciplinaire121. En d’autres termes, le pouvoir disciplinaire n’est pas subordonné au jugement des tribunaux. Ainsi, au requérant qui soutenait à la fois que leur radiation est entachée de discrimination et qu’elle a été prononcée alors même que la décision pénale qui les sanctionne n’est pas définitive, la haute juridiction réaffirme sa jurisprudence de l’indépendance de la procédure pénale et disciplinaire122. Toutefois, sans qu’il s’agisse « d’une exception préjudicielle véritable, mais [d’]une simple mesure de prudence », le juge considère que, dès lors que la loi applicable au cas de répression disciplinaire est fondée sur des faits dont la matérialité doit être établie par le juge pénal, « l’autorité administrative ne saurait retenir une infraction, l’homicide, pour fonder une sanction administrative, la radiation, avant que le juge pénal n’ait donné une telle qualification123 ».
- 124 CSCA, 29 avril 1987, Koffi N’Dri François c/ Ministère de la Sécurité intérieure, voir www.consetat (...)
105D’autre part, les résultats peuvent être différents. Il se peut que pour un même fait, un agent soit acquitté au pénal sans que cela fasse obstacle à une condamnation sur le plan disciplinaire. En effet, l’appréciation des faits par l’autorité judiciaire et administrative peut être différente en ce qu’il est possible qu’ils se fondent sur des éléments d’information tout aussi différents. C’est le cas lorsque le fonctionnaire dont l’administration est persuadée qu’il a commis un délit, mais qui est acquitté par le juge au bénéfice du doute. C’est l’hypothèse de l’espèce Koffi N’Dri François où le juge estime que « l’action disciplinaire est indépendante de l’action pénale, le refus d’ordre de poursuivre, le non-lieu ou l’acquittement ne font pas obstacle à l’exercice du pouvoir disciplinaire pourvu que les faits soient établis124 ». En conséquence, la relaxe par le tribunal militaire n’entrave en rien la poursuite disciplinaire.
Conclusion
106La réflexion sur le contentieux disciplinaire devant le juge administratif a permis de relever l’existence d’une politique jurisprudentielle en la matière. L’économie générale des arrêts analysés offre une visibilité et une cohérence aux décisions du juge de l’excès de pouvoir. Certainement, le fait que la chambre administrative soit, depuis quelques années, présidée par un enseignant, agrégé de droit public, n’est pas étranger à cette situation. Ce constat conduit à faire plusieurs observations.
- 125 Pierre-Claver Kobo, « Le contentieux administratif dans l’espace AA-HJF : bilan et perspectives », (...)
- 126 CSCA, 20 février 1963, By Jules, op. cit.
107La première résulte de ce que la synthèse de jurisprudence a permis de constater une volonté constante du juge de s’émanciper des attaches politiques pour faire preuve d’une certaine indépendance125. Il suffit, pour s’en convaincre, de rapprocher les arrêts By Jules et Coulibaly Nazoloma Amara. Dans le premier, la chambre administrative, après avoir indiqué que les faits reprochés au requérant sont de nature à justifier une sanction disciplinaire, estime cependant que l’appréciation de la valeur ou de la gravité de la sanction de l’autorité administrative ne lui appartient pas126. Dans le second, rendu cinquante ans plus tard, contrairement à la jurisprudence antérieure dans laquelle toute faute professionnelle pouvait justifier toute sanction disciplinaire, le juge s’interdisant de connaître la gravité des sanctions prises par l’administration découvre en mettant en rapport la sanction et la gravité de la faute une disproportion. C’est que le juge, soucieux au départ du respect des exigences de l’action administrative et des prérogatives de l’administration, recherche aujourd’hui l’équilibre avec l’obligation de protection des droits et libertés.
108La seconde observation, qui est en réalité liée à la première, est que la politique jurisprudentielle va dans le sens de la protection des droits des fonctionnaires. L’indétermination des fautes face à l’existence d’une échelle des sanctions n’a pas, en fait, affecté l’efficacité du contrôle du juge administratif. Il est alors possible de dire qu’en la matière, le recours pour excès de pouvoir est l’arme la plus efficace pour protéger les libertés.
Notes
1 Pierre-Claver Kobo, « La Chambre administrative, juge de la fonction publique », La tribune de la chambre administrative, no 9, janvier 2018, p. 4. Il importe de noter que ce numéro est spécialement consacré au contentieux de la fonction publique.
2 Le président de la chambre administrative, Pierre-Claver Kobo, note que le contentieux disciplinaire occupe une place massive dans l’activité contentieuse de la chambre administrative, dans « La Chambre administrative, juge de la fonction publique », ibid., p. 3.
3 René Dégni-Ségui, Droit administratif général, l’action administrative, Abidjan, NEI-CEDA, 2012, t. 2, p. 309.
4 Louis Bach, cité par Jean-Luc Aubert, Introduction au droit et thème fondamentaux du droit civil, Paris, Armand Colin, 1988, p. 156.
5 René Dégni-Ségui, Introduction au droit, Abidjan, EDUCI, 2009, p. 106.
6 La question de savoir si la jurisprudence constitue une source du droit a pu diviser les auteurs. Certains lui reconnaissent le qualificatif de source en ce que l’interprétation est œuvre de création. D’autres lui refusent ce qualificatif arguant que le juge doit se borner à appliquer la loi. La controverse s’est apaisée aujourd’hui ; les principes généraux du droit dégagés par le juge sont une source incontestable de la légalité administrative. Sur cette question, voir Francis Wodié, Le juge et la loi, Abidjan, CERAP, 2011, p. 14 ; René Degni-Segui, Introduction au droit, op. cit., p. 106.
7 Jean-Luc Aubert, Introduction au droit et thème fondamentaux du droit civil, op. cit., p. 157.
8 Ibid.
9 Guy Canivet et Nicolas Molfessis, La politique jurisprudentielle, conférence à la Cour de cassation, depuis lors enrichie des discussions menées avec Guy Canivet, comme des réflexions conduites par celui-ci sur le rôle et le fonctionnement de la Cour de cassation, https://dgemc.ac-versailles.fr/IMG/pdf/la_politique_jurisprudentielle.pdf (consulté le 7 septembre 2022).
10 Trois situations peuvent être évoquées à ce sujet : la responsabilité fondée sur le risque ; la responsabilité pour rupture directe de l’égalité devant les charges publiques ; la responsabilité résultant des lois et conventions internationales.
11 Salif Yonaba, Droit et pratique du contentieux administratif burkinabé : de l’indépendance à nos jours, Ouagadougou, Presses universitaires de Ouagadougou, 2015, p. 267.
12 Meïssa Diakhaté, « La responsabilité disciplinaire du fonctionnaire en droit sénégalais », 2013, p. 1-36, http://afrilex.u-bordeaux.fr/la-responsabilite-disciplinaire-du-fonctionnaire-en-droit-senegalais (consulté le 10 juin 2022).
13 Pierre-Claver Kobo, Droit administratif des biens : les domaines des personnes publiques, l’expropriation, Abidjan, ABC, 2010, p. 32.
14 Cour suprême chambre administrative [CSCA], 28 janvier 1998, Docteur Soumé Bi-Kacou c/ Ministère de l’Emploi, de la Fonction publique et de la Prévoyance sociale ; 28 janvier1998, Dame Aké Akébié Sylvie c/ Ministère de l’Emploi, de la Fonction publique et de la Prévoyance sociale, dans Martin Bléou, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative ivoirienne, Abidjan, CNDJ, 2012, p. 442.
15 Léon Duguit, L’État, les gouvernants et les agents, Paris, Dalloz, 2005, p. 463.
16 Prudent Soglohoun, « L’office du juge dans le contentieux de la responsabilité administrative au Bénin, Burkina Faso, Niger », 2017, p. 36, http://afrilex.u-bordeaux.fr/loffice-du-juge-dans-le-contentieux-de-la-responsabilite-administrative-au-benin-burkina-faso-niger/ (consulté le 10 juin 2022).
17 CSCA, 28 janvier 1998, dans Martin Bléou, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative ivoirienne, op. cit., p. 442.
18 Sur la distinction faute personnelle / faute de service, voir les développements de Martin Bléou sous les arrêts CSCA, 28 janvier 1998 et CSCA, 26 mai 2005, Aka Ettien et État de Côte d’Ivoire c/ Dao Mamadou, dans ibid.
19 CSCA, 18 juillet 2007, Dibo Deye Bertin c/ Président de la République, http://juris.consetat.ci/page_book.php (consulté le 10 juin 2022). Sur la distinction entre sanction disciplinaire et sanction pénale, Léon Duguit met l’accent sur le fait que la répression pénale est une décision juridictionnelle alors que la décision disciplinaire est au fond et en la forme une décision administrative (L’État, les gouvernants et les agents, op. cit., p. 466).
20 CSCA, 29 avril 1987, Koffi N’Dri François c/ Ministère de la Sécurité intérieure ; 27 octobre 1993, Nene Bi Doubi Richard c/ Ministère de la Sécurité intérieure ; 24 juin 2015, Kouassi N’Goran Roger c/ Ministère de la Sécurité intérieure ; 20 avril 2016, Coulibaly Nazoloma Amara c/ Ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative, voir www.consetat.ci.
21 Emmanuel Aubin, Droit de la Fonction publique, Paris, Lextenso, 2010, p. 423.
22 Roland Vandermeeren, « La double peine : diversité des ordres juridiques et pluralité des systèmes répressifs », AJDA 2003, p. 1854-1861.
23 Aka Thomas Koutou, « La procédure disciplinaire et la procédure pénale sont indépendantes », Tribune de la Chambre administrative, no 9, janvier 2018, p. 45.
24 Martin Bléou, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative ivoirienne, op. cit., p. 29.
25 Raymond Odent, Contentieux administratif, Paris, Cours de droit, 1970-1971, fascicule 1, p. 1541.
26 L. no 92-570, 11 sept. 1992 portant statut général de la fonction publique, JO 17 septembre 1992, p. 746.
27 CSCA, 30 juillet 1997, Dame Nemehou née Kindia Assiata Opportune c/ Ministère de l’Emploi et de la Fonction publique, dans Martin Bléou, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative ivoirienne, op. cit., p. 14.
28 Voir art. 74 de la L. no 92-570, 11 sept. 1992 portant statut général de la fonction publique, JO 17 septembre 1992, p. 746.
29 CSCA, 25 juin 2008, Vei Bernard, voir www.consetat.ci.
30 C’est la même logique qui informe la solution de l’arrêt François Xavier Santucci. Dans cette espèce, le juge considère que le conseil de l’université et la commission permanente des enseignants du supérieur sont des juridictions lorsqu’ils statuent en matière disciplinaire.
31 CSCA, 26 mai 2004, Conseil national de l’ordre des pharmaciens de Côte d’Ivoire c/ Doumbia Mohamed, voir www.consetat.ci.
32 Léon Michoud, « Étude sur le pouvoir discrétionnaire de l’administration », Revue générale d’administration, t. 3, 1814, p. 8 ; Marcel Waline, « Le pouvoir discrétionnaire de l’administration et sa limitation par le contrôle juridictionnel », RDP 1930, p. 197.
33 Salif Yonaba, Droit et pratique du contentieux administratif burkinabé, op. cit., p. 267.
34 Martin Bléou, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative ivoirienne, op. cit., p. 195.
35 En dépit de la pleine liberté de décision qu’a l’autorité administrative en matière de pouvoir discrétionnaire, l’autorité administrative commet une illégalité qui peut entacher l’acte discrétionnaire, s’il poursuit un but autre celle que la loi lui donne. Voir sur ce point Léon Duguit, L’État les gouvernants et les agents, op. cit., p. 544.
36 Les sanctions disciplinaires sont de 2 ordres : 1. les sanctions du premier degré qui sont entre autres : l’avertissement, le blâme, le déplacement d’office : 2. les sanctions du second degré recouvrent la radiation du tableau d’avancement, la réduction du traitement dans la proportion maximum de 25 % et pour une durée ne pouvant excéder trente jours, l’exclusion temporaire, pour une durée ne pouvant excéder six mois, l’abaissement d’échelon, l’abaissement de classe la révocation avec ou sans suspension des droits à pension.
37 Georg Jellinek situait l’explication de cette situation dans le fait qu’en matière disciplinaire l’État n’intervenait pas en tant que souverain, appliquant une peine pour un fait qualifié, mais comme un contractant ayant, en vertu du contrat, le droit d’apprécier si son employé remplit bien ou mal la charge qu’il a acceptée (cité dans Léon Duguit, L’État, les gouvernants et les agents, op. cit., p. 463).
38 Alice Dégni-Ségui, « Le régime disciplinaire des fonctionnaires en Côte d’Ivoire », RID 1987, p. 84-141 et 112.
39 CSCA, 15 mars 1989, Néa Gahou Maurice c/ Ministère de la Fonction publique ; 18 décembre 2002, Touré Nebetien c/ Ministère du Travail et de la Fonction publique, voir www.consetat.ci.
40 CE, 25 oct. 2002, Rasmane Compaore c/ État burkinabé, dans Salif Yonaba, Les grandes décisions de la jurisprudence burkinabé, s. l., 2013, p. 296 et CE, 26 avr. 1994, Cheikh Tidiane Mbengue et autres, dans Répertoire de jurisprudence : droit administratif, recueil des arrêts du Conseil d’État, 1993-1994-1995, Dakar, CREDILA, 1996, p. 221
41 Demba Sy, « Un demi-siècle de jurisprudence administrative au Sénégal : de l’émergence à la maturation », dans Actualité du droit public et de la science politique en Afrique. Mélanges en l’honneur de Babacar Kanté, Dakar, L’Harmattan, 2017, p. 629 ; Martin Bléou, « Le contrôle des faits et du droit par le juge de l’excès de pouvoir en Côte d’Ivoire », RID 1981, p. 59 ; « La Chambre administrative de la Cour suprême de Côte d’Ivoire », dans Gérard Conac et Jean de Gaudusson (dir.), Les cours suprêmes en Afrique : la jurisprudence administrative, Paris, Economica, 1988, t. 3, p. 112-146 ; Babakane Djobo Coulibaley, « Le juge administratif rempart de protection des citoyens contre l’administration en Afrique noire francophone ? », 2013, p. 1-35, https://afrilex.u-bordeaux.fr/le-juge-administratif-rempart-de-protection-des-citoyens-contre-ladministration-en-afrique-noire-francophone/ (consulté le 10 juin 2022).
42 CSCA, 26 avril 2002, Touré Nebetien et 20 avril 2016, Coulibaly Nazoloma Amara c/ Ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative, op. cit. Ces arrêts consacrent le contrôle de proportionnalité en Côte d’Ivoire.
43 CSCA, 20 avril 2016, ibid.
44 Guy Canivet et Nicolas Molfessis, La politique jurisprudentielle, op. cit.
45 Voir Ibrahim Salami, « L’efficacité du contentieux de pleine juridiction en droit administratif béninois et camerounais », 2016, p. 2, http://afrilex.u-bordeaux.fr/lefficacite-du-contentieux-de-pleine-juridiction-en-droit-administratif-beninois-et-camerounais/ (consulté le 10 juin 2022).
46 Cette obligation vaut même lorsque l’autorité administrative détient en la matière un pouvoir discrétionnaire.
47 Ce dernier vérifie, en effet, à la fois la légalité interne et externe de l’acte. La légalité externe se rapporte notamment à l’incompétence et au vice de forme et de procédure. Voir en ce sens l’arrêt Edi Ossohou Sévérin, dans Martin Bléou, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative ivoirienne, op. cit., p. 138.
48 La chambre administrative l’a appliqué dans une affaire se rapportant à la chefferie traditionnelle ; le juge a, en effet, estimé que le fait pour le préfet d’Oumé de nommer un nouveau chef pour le village de Guépahouo sans que le prédécesseur ait eu communication des « griefs » à lui faits et ait été placé en situation « de présenter ses observations sur la mesure envisagée, au titre des droits de la défense » ou, tout simplement, « ait été mis à même de se défendre », constitue une irrégularité. Et même si aucun texte ne prévoit la procédure de destitution du chef de village. CSCA, 21 mars 2007, GOGA Marcel c/ Ministère de la Sécurité intérieure.
49 Olivier Schrameck, « Quelques observations sur le principe du contradictoire », dans Mélanges en l’honneur de Guy Braibant, Paris, Dalloz, 1996, p. 631.
50 Expression empruntée à Joseph Barthélemy, Précis de droit public, Paris, Dalloz, 2006, p. 302.
51 Ndèye Madjiguène Diagne, Les méthodes et les techniques du juge en droit administratif sénégalais, thèse de doctorat d’État, Dakar, université Cheikh-Anta Diop, 1995, p. 400.
52 Voir art. 75 al. 1 de la L. no 92-570, 11 sept. 1992 portant statut général de la fonction publique, JO 17 septembre 1992, p. 746.
53 CSCA, 27 février 1974, Edi Ossohou Sévérin c/ Ministère de l’Intérieur ; 28 janvier 1987, Commissaire Assiélou Koutou c/ Ministère de la Sécurité intérieure ; 30 juillet 1997, Commissaire Godrin Kouadio Roger c/ Ministère de la Sécurité intérieure ; 4 novembre 2000, Digbeu Gozé Albert c/ Ministère de la Sécurité intérieure ; 25 juillet 2001, Loua Zomi c/ Ministère de l’Énergie et du Transport, voir www.consetat.ci.
54 Yédoh Sébastien, Lath Allou et Elvis Adjaffi, « Les droits de la défense dans le contentieux de la fonction publique devant la Chambre administrative », Tribune de la Chambre administrative, no 9, janvier 2018, p. 47.
55 René Chapus, Droit administratif général, Paris, Montchrestien, 2001, t. II, p. 342.
56 CSCA, 27 avril 1994, Yoboue N’Dri François c/ Ministère de l’Emploi et de la Fonction publique ; 13 juillet 1994, Lero Gnoka et autres c/ Ministère de la Sécurité intérieure, voir www.consetat.ci.
57 CSCA, 26 février 2020, Poiri Blé Simplice c/ Président de la République, voir ibid.
58 CSCA, 17 février 1991, Adou Affian c/ Ministère de la Fonction publique, voir ibid.
59 CSCA, 27 février 1974, Edi Ossohou Séverin c/ Ministère de l’Intérieur, op. cit., et 25 novembre 1992, N’Guessan Konan c/ Ministère de l’Emploi et de la Fonction publique, voir ibid.
60 CSCA, 30 juillet 1997, Commissaire Godrin Kouadio Roger c/ Ministère de la Sécurité intérieure ; 4 novembre 2000, Digbeu Gozé Albert c/ Ministère de la Sécurité ; 25 juillet 2001, Loua Zomi c/ Ministère de l’Énergie et du Transport, voir ibid.
61 CSCA, 28 janvier 1987, Assielou Koutou c/ Ministère de la Sécurité intérieure, voir ibid.
62 CSCA, So’O Georges c/ État du Cameroun, jugement no 2 78-79, 2 nov. 1978, dans Salomon Bilong, Mémento de la jurisprudence administrative du Cameroun, Dschang, Presses universitaires de Dschang, 2014, p. 221.
63 Ibid., p. 228.
64 CSCA, 25 novembre 1992, N’Guessan Konan c/ Ministère de l’Emploi et de la Fonction publique, op. cit.
65 CSCA, 28 avril 1999, Kouakou N’Guessan c/ Ministère de la Sécurité intérieure, voir www.consetat.ci.
66 René Dégni-Ségui, Droit administratif général, op. cit., p. 797.
67 CSCA, 26 février 2020, Poiri Blé Simplice c/ Président de la République, op. cit.
68 Jean-Marie Auby et Roland Drago, Traité de contentieux administratif, Paris, LGDJ, t. 1, 1984, p. 300.
69 Ndèye Madjiguène Diagne, « Brèves réflexions sur le contrôle de la légalité des actes administratifs par le juge sénégalais », dans Actualité du droit public et de la science politique en Afrique, op. cit., p. 528.
70 Georges Dupuis, « Les motifs des actes administratifs », Études et documents du Conseil d’État, 1974-1975, no 27, p. 15.
71 La même règle vaut pour les avis émis par le conseil de discipline ; ils n’ont pas à être motivés. Voir CSCA, 20 février 1963, By Jules c/ Ministère des Travaux publics, des Transports, des Postes et Télécommunications, dans Martin Bléou, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative ivoirienne, op. cit., p. 23 ; 28 janvier 1998, Falzon Henri c/ Ministère du Travail, voir www.consetat.ci.
72 L. no 97-243, 25 avr. 1997 modifiant la L. no 94-440, 16 août 1994, déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour suprême ; voir également CSCA, 25 juillet 2001, Assamoi Yao Bertin et autres c/ CAA et État de Côte d’Ivoire ; 25 novembre 2015, Société Tropical Rubber c/ État de Côte d’Ivoire dite TRCI ; 30 janvier 2013, Société GMG et Joseph Désiré Biley c/ État de Côte d’Ivoire, voir ibid.
73 CSCA, 26 décembre 2017, Diakite Mamadou Lamine c/ Ministère de la Construction, voir ibid.
74 CSCA, 23 juin 2010, Boli Epse Hélène Dina Lacoste c/ Ministère de la Construction, de l’Urbanisme et de l’Habitat ; 6 janvier 2017, Diakité Mamadou c/ Ministère de la Construction et de l’Urbanisme, voir ibid.
75 CSCA, 29 juin 2016, Bello Deza c/ Ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative, voir ibid.
76 CSCA, 29 avril 1992, Youan Bi Trayé Mathias c/ Ministère de l’Emploi et de la Fonction publique, voir ibid.
77 CE, 29 juil. 2020, Grah Ange Olivier c/ Président de la République, voir ibid.
78 Ibid.
79 CSCA, 2 novembre 1978, So’O Georges c/ État du Cameroun, op. cit., p. 235.
80 Voir sur ce point Éric Carpano, « L’obligation de motivation des actes unilatéraux en droit de l’Union », JDA 2016, dossier 2 ; « Les relations entre le public et l’administration » ; art. 74.
81 Doivent désormais être motivées les décisions individuelles défavorables à leur destinataire, les décisions individuelles qui dérogent aux règles générales fixées par les lois et règlements, les décisions qui restreignent l’exercice d’une liberté publique, celles qui infligent une sanction, celles qui restreignent ou abrogent une décision créatrice de droits ainsi que celles refusant une autorisation.
82 À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1. restreignent l’exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; 2. infligent une sanction ; 3. subordonnent l’octroi d’une autorisation à des conditions restrictives ou imposant des sujétions ; 4. retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; 5. opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ; 6. refusent un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l’obtenir ; 7. refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l’un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a) au f) du 2° de l’art. L. 311-5 ; 8. rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d’une disposition législative ou réglementaire.
83 CE, 24 juil. 1981, Belasri, AJDA 1981, p. 473 ; CE 1er juil. 1981, Besnault, AJDA 1981, p. 474.
84 Georges Vedel, « Psychopathologie de la vie administrative », Le Monde, 16-17 janvier 1972.
85 Maurice Hauriou, Robert-Édouard Charlier et Jean Rivero estiment que l’administration doit motiver sa décision.
86 Demba Sy évoquait les risques de ralentissement, voire de paralysie, des services administratifs dans Droit administratif, Dakar, CREDILA, 2014, p. 253.
87 Voir François Kouakou N’Dri, Le juge ivoirien et la preuve dans le contentieux administratif, thèse de doctorat, Abidjan, université Félix-Houphouët-Boigny, 2013, 416 p.
88 Georges Dupuis, « Les motifs des actes administratifs », Études et documents, op. cit., p. 31.
89 CSCA, 22 novembre 2017, Dadie Ahi Marie France c/ Premier président de la cour d’appel de Bouaké, voir www.consetat.ci.
90 CSCA, 18 avril 2012, Kouame Appoh Ernest c/ Ministère de la Sécurité intérieure, voir ibid.
91 CSCA, 22 mars 2017, Poiri Blé Simplice c/ Commission d’avancement des magistrats, voir ibid.
92 Francis Wodié, « L’inexistence des actes juridiques unilatéraux en droit administratif français », AJDA 1969, p. 17.
93 CSCA, 26 avril 2002, Touré Nebetien, op. cit.
94 Roger Bonnard, Précis de droit administratif, Paris, Sirey, 1935, p. 33.
95 Gaston Jèze, « Essais d’une théorie générale sur l’influence des motifs déterminants sur la validité des actes juridiques en droit public », RDP 1922, p. 443.
96 CSCA, 28 novembre 1990, Guinde Loua c/ Ministère des PTT, voir www.consetat.ci.
97 CSCA, 20 février 1963, By Jules, op. cit. ; 22 février 1989, Teo Antionne, voir ibid.
98 CSCA, 15 mars 1989, Néa Gahou Maurice c/ Ministère de la Fonction publique, op. cit.
99 Maurice Hauriou, Principes de droit public, Paris, Dalloz, 2010, p. 485.
100 Jacky Hummel, « La théorie de la moralité administrative et l’erreur manifeste d’appréciation », Rev. adm. 1996, p. 336.
101 CSCA, 27 mai 1992, Komenan Yao Louis c/ Ministère de la Sécurité, voir www.consetat.ci.
102 CSCA, 18 décembre 2002, Touré Nébetien c/ Ministère du Travail et de la Fonction publique, op. cit.
103 CSCA, 20 avril 2016, Coulibaly Nazoloma Amara c/ Ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative, op. cit.
104 Le principe de proportionnalité tire sa source de la jurisprudence administrative internationale. Le tribunal administratif de l’Organisation internationale du travail (OIT), sous la présidence de Maxime Letourneur, a annulé la décision de révocation des autorités du Bureau international du travail. Des faits, il ressort que le sieur Ferrecchia a été surpris endormi à 2 reprises à son poste. Le directeur du centre décide de renvoyer le requérant en application de l’art. 11.7 du statut du personnel. Ayant examiné l’ensemble des circonstances de l’affaire, le tribunal considère que l’exclusion définitive était en l’espèce une sanction trop lourde, « hors de toute proportion par rapport aux conditions objectives et subjectives dans lesquelles l’acte reproché a été commis » (Jugement no 203, 14 mai 1973, Ferrecchia c/ Centre international de perfectionnement et technique (OIT), extrait de Nations unies : annuaire juridique, 1973, p. 126).
105 CSCA, 18 décembre 2002, Touré Nébetien c/ Ministère du Travail et de la Fonction publique, op. cit.
106 Yves Gaudemet estime que la loi n’est pas la seule source du pouvoir lié, une autre source étant la jurisprudence elle-même. Il considère qu’à côté de ce qu’on pourrait appeler le pouvoir lié par la loi, il existe un pouvoir lié par le juge lui-même. Il en arrive à conclure que lorsque le Conseil d’État contrôle la valeur des motifs d’un acte administratif en l’absence de limitation législative, il crée simplement de nouveaux cas de compétence liée sans élargir à l’infini la catégorie (Traité de droit administratif, Paris, LGDJ, 2001, t. 1, p. 583).
107 Expression empruntée à Olivier Cayla, « Si la volonté générale peut errer. À propos de “l’erreur manifeste d’appréciation” du législateur », Revue interdisciplinaire de l’Institut universitaire de France, no 2, 2000, p. 61-90.
108 Expression empruntée à Jean-Marc Sauvé, « Le principe de proportionnalité protecteur des libertés », intervention à l’institut Portalis, Aix-en-Provence, 17 mars 2017.
109 En fait, il n’y a plus d’actes entièrement discrétionnaires, mais dans les actes administratifs, se retrouve l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire plus ou moins étendu selon les cas. Voir dans ce sens, Maurice Hauriou, « La fin de la catégorie des actes discrétionnaires, note sous CE, 31 janvier 1902, Grazietti, S. 1903.3.113 », Revue générale du droit, no 15694, 2015, www.revuegeneraledudroit.eu/?p=15694 (consulté le 7 septembre 2022).
110 Martin Bléou, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative ivoirienne, op. cit., p. 442.
111 Édouard Lafferrière, « De la compétence sur les poursuites dirigées contre les fonctionnaires publics autres que les ministres », Revue générale du droit, no 52324, 2020, www.revuegeneraledudroit.eu/?p=52324 (consulté le 7 septembre 2022).
112 Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 2016, p. 414.
113 Pélagie Théoua N’Dri, « La sanction disciplinaire des gestionnaires publics pour fautes de gestion en Côte d’Ivoire », RF fin. publ. févr. 2022, p. 10.
114 Maurice Hauriou, Précis de droit administratif et de droit public, Paris, Dalloz, 2010, p. 424.
115 Marcel Waline, « Le pouvoir discrétionnaire de l’administration », art. cité, p. 206.
116 CSCA, 28 novembre 1990, Guinde Loua c/ Ministère des PTT, op. cit. ; 25 mars 1992, N’Guessan Diby Joseph c/ Ministère de l’Éducation nationale ; 15 mars 1995, Tape Albert c/ Ministère de la Sécurité intérieure ; 27 juin 2001, Gnohou Bernard c/ Ministre de l’Emploi et de la Fonction publique ; 18 décembre 2002, Touré Nébetien c/ Ministère du Travail et de la Fonction publique, op. cit. ; 18 octobre 2006, Ehua François Laurent c/ État de Côte d’Ivoire ; 24 janvier 2007, Tia Albert et autres c/ Ministère de la Sécurité intérieure, voir www.consetat.ci.
117 Georges Dupuis, Marie-José Guédon et Patrice Chrétien, Droit administratif, Paris, Sirey, 2009, p. 514.
118 CSCA, 27 juin 2001, Gnohou Bernard c/ Ministère de l’Emploi et de la Fonction publique, op. cit.
119 Expression empruntée à Emmanuel Aubin, Droit de la Fonction publique, op. cit., p. 404.
120 CSCA, 18 juillet 2007, Dibo Deye Bertin c/ Président de la République, op. cit.
121 CSCA, 27 octobre 1993, Nene Bi Doubi Richard c/ Ministère de la Sécurité intérieure ; 19 novembre 2008, Ankoua N’Goran c/ Ministère de la Sécurité intérieure, voir www.consetat.ci.
122 CSCA, 27 mai 1992, Komenan Yao Louis et Sery Ouanda Pierre c/ Ministère de la Sécurité publique, voir ibid.
123 CSCA, 24 octobre 2007, Boni née Kouadio Akissi Viviane c/ Président de la République ; 18 juillet 2007, Dibo Deye Bertin c/ Président de la République, op. cit.
124 CSCA, 29 avril 1987, Koffi N’Dri François c/ Ministère de la Sécurité intérieure, voir www.consetat.ci.
125 Pierre-Claver Kobo, « Le contentieux administratif dans l’espace AA-HJF : bilan et perspectives », communication lors du colloque organisé par l’Association africaine des hautes juridictions francophones, Togo, Lomé, 12-14 décembre 2016, p. 11, www.consetat.ci.
126 CSCA, 20 février 1963, By Jules, op. cit.
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Référence papier
Karim Dosso, « De l’existence d’une politique jurisprudentielle dans le contentieux disciplinaire en Côte d’Ivoire », Les Annales de droit, 16 | 2022, 9-46.
Référence électronique
Karim Dosso, « De l’existence d’une politique jurisprudentielle dans le contentieux disciplinaire en Côte d’Ivoire », Les Annales de droit [En ligne], 16 | 2022, mis en ligne le 01 juin 2023, consulté le 18 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/add/2248 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/add.2248
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