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L’exécutif dualiste dans les régimes politiques des États d’Afrique noire francophone

The dualist executive in the political regimes of French-speaking black African states
Claude F. Momo et Éric-Adol T. Gatsi
p. 123-166

Résumés

Le présent article dédié à l’Exécutif dualiste dans les États d’Afrique noire francophone est une contribution à l’étude des régimes politiques africains. L’intérêt d’un tel sujet se situe d’une part dans l’histoire constitutionnelle de ces États, témoin de la construction et de la déconstruction des régimes politiques, de l’ajustement de leur plastique ; et d’autre part dans la survenance des crises politiques ou sociales de plus ou moins grande envergure qui amènent à questionner les choix du constituant quant à l’exercice du pouvoir politique. Dans une perspective comparative inhérente à l’étude du droit constitutionnel, cet article emprunte une démarche à la fois diachronique et synchronique et propose l’examen des régimes politiques africains tant dans leur évolution historique que dans leur pratique actuelle. À ce titre, les auteurs observent que dès leur accession à la souveraineté, les États de l’Afrique noire francophone ont, pour la plupart opté pour le régime de type parlementaire moniste, avant de changer presque radicalement, fin années 60-début années 70, pour le régime présidentiel qui sera lui-même dévoyé en régime présidentialiste. Aussi, le nouveau constitutionnalisme des Etats africains amorcé au début des années 90, qui avait entre autres objectifs le rééquilibrage des rapports entre les pouvoirs de l’Etat ne réussira cet exercice que modestement, le constat étant par ailleurs loin d’être unanime à l’ensemble des Etats étudiés. Au demeurant, la théorie et la pratique constitutionnelles témoignent d’une double dynamique selon que l’Exécutif est étudié dans ses rapports internes ou dans ses rapports externes : l’Exécutif dualiste est, en Afrique noire francophone, hiérarchisé de l’intérieur et dominant de l’extérieur. Le caractère hiérarchisé de l’intérieur s’évalue à l’aune des relations des deux composantes de l’Exécutif que sont le président de la République et le Gouvernement, lesquelles relations présentent – malgré un développement progressif de contre-pouvoirs – une figure présidentielle dominatrice et un chef de Gouvernement considéré comme simple primus inter pares. Quant au caractère dominant de l’extérieur, il découle de l’analyse des relations de l’Exécutif avec les autres pouvoirs qui révèlent une balance qui penche en faveur de celui-là et laissent conclure à une incontestable primauté de l’Exécutif dans et pour l’Etat.

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Texte intégral

  • 1 Montesquieu (1689-1755), De l’esprit des lois, 1748, livre XI, chap. vi. Il convient de rappeler qu (...)

Il n’y a point encore de liberté, si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative, et de l’exécutrice. Si elle était jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et la liberté des citoyens serait arbitraire ; car le juge serait législateur. Si elle était jointe à la puissance exécutrice, le juge pourrait avoir la force d’un oppresseur1.

1C’est en ces termes que Montesquieu consacrait le désormais sacro-saint principe de séparation des pouvoirs en distinguant le pouvoir législatif chargé de faire les lois, le pouvoir exécutif en charge de la mise en œuvre des lois et le pouvoir judiciaire qui veille au respect des lois et sanctionne leur non-respect.

  • 2 Raymond Guillien et Jean Vincent, Lexique des termes juridiques, 17e éd., Paris, Dalloz, 2010, p. 9 (...)
  • 3 Privat Mel Agnero, « La réalité du bicéphalisme du pouvoir exécutif ivoirien », RFD const. 2008/3, (...)
  • 4 Karl-Henri Voizard, « Réflexions autour de la légitimité du Conseil fédéral suisse », RFD const. 20 (...)

2Le présent article se focalise sur l’exécutif, qui peut s’entendre tant d’un point de vue fonctionnel qu’organique. Du point de vue fonctionnel, l’exécutif renvoie justement à la fonction exécutrice de l’État, c’est-à-dire l’exécution des lois, considérée par la doctrine classique de la séparation des pouvoirs comme une fonction seconde de l’État, par rapport à celle d’édicter les lois2. Sous l’angle organique, il désigne l’organe, ou l’ensemble d’organes qui exerce la fonction exécutrice de l’État. L’exécutif peut être moniste, c’est-à-dire confié à un seul homme qui peut être un monarque ou un président de la République ; ou dualiste, confié à la fois à un chef de l’État et un gouvernement3. Il peut même, dans de rares cas, être confié à un petit groupe de personnes, à l’instar du Conseil fédéral suisse4. L’on s’intéressera à l’exécutif dualiste qui est la structure caractéristique de l’exécutif en régime parlementaire.

  • 5 Georges Burdeau, Traité de science politique. Les régimes politiques, 2e éd., Paris, LGDJ, 1970, t. (...)
  • 6 La notion de système politique renvoie à « l’exercice du pouvoir tel qu’il résulte de la pratique i (...)
  • 7 Voir Jean-Louis Quermonne, « La distinction entre régime présidentiel et régime parlementaire comma (...)

3Ces prolégomènes témoignent de l’importance des rapports entre pouvoirs dans l’étude des régimes politiques, réalité complexe, difficile à faire rentrer dans une seule définition, mais que Georges Burdeau a pu définir comme l’ensemble des formes constitutionnelles, des règles d’organisation et de fonctionnement des pouvoirs publics5, marquant ainsi la distinction avec la notion voisine de système politique6. Malgré les critiques sur la pertinence de leur classification7, l’intérêt heuristique de la classification qui distingue les régimes politiques puristes que sont le régime de type présidentiel et le régime de type parlementaire demeure.

  • 8 Jean Gicquel et Jean-Éric Gicquel, Droit constitutionnel et institutions politiques, 24e éd., Paris (...)
  • 9 Jean-Philippe Feldman, « Un régime parlementaire pour les pays d’Afrique », Audace. Institut Afriqu (...)
  • 10 Philippe Ardant et Bertrand Mathieu, Institutions politiques et droit constitutionnel, 22e éd., Par (...)

4Schématiquement, le régime présidentiel est réputé être celui de la séparation stricte des pouvoirs alors que le régime parlementaire est celui de la collaboration des pouvoirs. Jean Gicquel et Jean-Éric Gicquel diront qu’il « combine la spécialisation fonctionnelle et l’irrévocabilité mutuelle8 ». Le régime parlementaire, en revanche, qui s’est construit progressivement en Angleterre à partir du Moyen Âge9, est « caractérisé par la collaboration de l’exécutif et du législatif, le premier étant indépendant, mais responsable devant le second10 ». Il s’agit donc d’un régime fondé sur la confiance des deux principaux pouvoirs que sont l’exécutif et le Parlement qui doivent témoigner d’une étroite union ou d’une fusion organique.

  • 11 Selon l’expression consacrée par Maurice Duverger (« Les vaches sacrées », Itinéraires. Études en l (...)
  • 12 Pionnier dans la théorisation de ce régime politique à partir de la comparaison avec les régimes po (...)
  • 13 Olivier Duhamel et Yves Meny, Dictionnaire constitutionnel, Paris, PUF, 1992, p. 694. Lauvaux défin (...)

5À partir de ces « vaches sacrées11 » que constituent les régimes de sang pur s’est construite une idéologie constituée de régimes mixtes ou hybrides ne pouvant être classés dans l’une ou l’autre catégorie des régimes puristes. Ce sont des régimes ni présidentiels ni parlementaires, mais plutôt semi-présidentiels ou semi-parlementaires. Le régime semi-présidentiel français institué par la Constitution de 195812 est l’ambassadeur le plus illustratif de ces régimes « mi-mi » ou « ni-ni ». Il procède de la rationalisation du parlementarisme, pratique initiée par la constitution de Weimar de 1919 et théorisée pour la première fois par Boris Mirkine-Guetzévitch qui la définit comme l’institution d’« un ensemble de règles juridiques destinées à préserver la stabilité du gouvernement en l’absence d’une majorité parlementaire constante13 ».

6L’intérêt de l’étude des régimes politiques observable chez la doctrine tient à deux facteurs essentiels. L’un est lié à l’histoire constitutionnelle des États, témoin de la construction et de la déconstruction des régimes politiques, de l’ajustement de leur plastique pour se rapprocher ou se démarquer de tel ou tel autre modèle. Le second facteur est relatif à la survenance des crises politiques ou sociales de plus ou moins grande envergure qui amène à questionner les choix du constituant quant à l’exercice du pouvoir politique.

  • 14 Krzysztof Wojtyczek, « La mondialisation et les mutations du droit constitutionnel », RED publ., vo (...)
  • 15 André Cabanis et Babacar Guèye, « Dire le droit constitutionnel en Afrique francophone », Droit sén (...)
  • 16 Ismaïla Madior Fall, « La construction des régimes politiques en Afrique : insuccès et succès », Af (...)
  • 17 Stéphane Bolle, « Des constitutions “made” in Afrique », disponible sur www.la-constitution-en-afri (...)

7Par ailleurs, le choix de l’Afrique noire francophone comme terrain d’étude comparée sur les régimes politiques se justifie et est rendu possible par l’évolution constitutionnelle plus ou moins commune des États composant cet espace géographique relativement à la philosophie constitutionnelle adoptée. Depuis les indépendances, les débats relatifs aux régimes politiques africains sont dominés par les accusations de mimétisme, celles-ci étant par ailleurs étendues à l’ensemble de la construction du droit et de l’ingénierie juridique en Afrique. Ces accusations doivent être relativisées pour un certain nombre de raisons. D’abord, la mondialisation du droit constitutionnel14 procède de la reconnaissance d’un socle, « d’un fonds commun aux origines variées15 » et aux implications disséminées à travers le monde. Aussi, les régimes politiques américain et britannique sont-ils connus comme la base de tous les autres régimes politiques dans le monde construits dans des contextes sociaux historiques particuliers et qui s’en sont inspirés à des degrés différents16. À ce titre, le régime politique institué par la Ve République française dont les États d’Afrique noire francophone sont souvent accusés de décalcomanie17 est un dosage équilibré entre le régime présidentiel américain et le régime parlementaire britannique. La critique du mimétisme devra donc être déportée du terrain du principe du mimétisme, lui-même vers celui de son degré, son échelle et son ampleur.

  • 18 Le régime parlementaire est dit moniste lorsque la responsabilité du gouvernement ne peut être enga (...)
  • 19 Jean Du Bois de Gaudusson, Gérard Conac et Christine Desouches, Les constitutions africaines publié (...)
  • 20 L’échec du parlementarisme est principalement dû à son inadaptation au contexte sociologique des Ét (...)
  • 21 L’échec de la greffe du régime présidentiel de type américain tient à « la complexité inhérente au (...)

8Quoi qu’il en soit, l’histoire constitutionnelle des pays d’Afrique noire francophone depuis l’accession à l’indépendance laisse observer une évolution commune, à quelques exceptions près, dans le choix des régimes politiques. Dès leur accession à la souveraineté, ces États ont pour la plupart opté pour le régime de type parlementaire moniste18. Les constitutions camerounaise (Cameroun oriental, 4 mars 1960), gabonaise (Constitution du 14 novembre 1960), malienne (22 septembre 1960), sénégalaise (26 août 1960) et tchadienne (28 novembre 1960)19 instituent ainsi un régime parlementaire avec des adaptations plus ou moins importantes. Cette option marque la préférence des constituants africains pour un schéma proche du schéma classique de la séparation des pouvoirs qui fait de l’exécutif un pouvoir subordonné au législatif. Cependant, des causes principalement liées à son inadaptation précipiteront l’échec du régime parlementaire20 et conduiront les pays d’Afrique francophone, après quelques années seulement de parlementarisme, à opter pour un régime présidentiel qui sera lui-même dévoyé en régime présidentialiste21.

  • 22 Olivier Duhamel et Yves Meny, op. cit., p. 813.
  • 23 Louis Dubouis, « Le régime présidentiel dans les nouvelles constitutions des États africains », Pen (...)
  • 24 Sur la typologie des exécutifs, voir Joseph Owona, « Le pouvoir exécutif », Encyclopédie juridique (...)
  • 25 Ambroise Louison Essomba, Le domaine du pouvoir réglementaire du Premier ministre au Cameroun, thès (...)
  • 26 Ismaïla Madior Fall, Le pouvoir exécutif dans le constitutionnalisme des États d’Afrique, Paris, L’ (...)
  • 27 Luc Ngwé, « Le Premier ministre dans les mutations politiques des États d’Afrique francophone : ret (...)

9Cette expression est initialement utilisée pour qualifier le système en place dans les pays qui pratiquent l’élection du président de la République au suffrage universel. Plus tard, son emploi va progressivement se transformer pour acquérir une connotation péjorative et désigner « le courant déviationniste au regard du constitutionnalisme libéral qui sévirait en Amérique latine et […] les régimes qui en seraient issus22 ». Autrement dit, le régime présidentialiste se caractérise principalement par l’accroissement exponentiel des pouvoirs présidentiels. La nature présidentialiste des régimes politiques institués par les États africains est une conséquence de l’acclimatation et de la dégénérescence du modèle américain dont la transposition en l’état s’est avérée impossible. Témoin de cette transformation, Louis Dubouis dira que « le régime présidentiel africain dégénère en présidentialisme : tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains du chef de l’exécutif, le président23 ». Cette hypertrophie présidentielle était indépendante de la forme de l’exécutif, que celui-ci soit moniste ou dualiste24. L’institution des exécutifs dualistes dans les pays d’Afrique francophone débute dans les années 70 avec le retour du poste de Premier ministre25 au statut désormais précaire et aux attributions tout aussi réduites26 et qui connaîtra « des fortunes diverses et des trajectoires différenciées27 ». Cette domination absolue de l’exécutif, notamment celle de son chef, va être à l’origine d’un certain nombre de dysfonctionnements tant du point de vue de l’organisation et du fonctionnement de l’État que de celui de la protection des droits et libertés.

  • 28 Georges Burdeau, Traité de science politique, 2e éd., Paris, LGDJ, 1966, t. I, p. 98.
  • 29 Selon Marie-Claire Ponthoreau, « les constitutionnalistes sont depuis toujours comparatistes par vo (...)

10Le vent de démocratisation du début des années 90 et les événements sociopolitiques qui en découleront auront pour objectif de régler les dysfonctionnements susmentionnés. Les concertations ouvertes et inclusives qui ont caractérisé cette période viseront ainsi une redéfinition des équilibres entre les pouvoirs de l’État, et notamment une atténuation des pouvoirs de l’exécutif. L’objet du présent article découle de cet objectif : sachant que les constitutions marquent la victoire d’une philosophie politique28, il ambitionne de questionner ce désir d’équilibre du nouveau constitutionnalisme africain au vu des résultats obtenus, et d’apprécier la place qu’occupe le pouvoir exécutif dans l’architecture institutionnelle étatique. Dans une perspective comparative inhérente à l’étude du droit constitutionnel29, ce travail procède de l’étude du statut, de l’organisation et du fonctionnement de l’exécutif dans les États d’Afrique noire francophone tant dans les rapports entre les deux composantes qui le forment que dans ceux qu’ils entretiennent avec les autres pouvoirs de l’État. Car parler d’un pouvoir en droit constitutionnel revient toujours à évoquer les autres pouvoirs dès lors que le fonctionnement de chacun d’entre eux ne se conçoit, ne se comprend et ne se pose qu’en s’opposant à celui des autres.

  • 30 Le Bénin et le Tchad sont ainsi de parfaits exemples de la variation du cadre de l’étude. En effet, (...)
  • 31 Ismaïla Madior Fall, « La construction des régimes… », art. cité, p. 1.

11Cette étude emprunte une démarche à la fois diachronique et synchronique. Elle se propose ainsi, d’une part, de retracer l’évolution du statut de l’exécutif et de ses relations avec les autres pouvoirs depuis l’avènement du nouveau constitutionnalisme en Afrique, et d’autre part de présenter la situation telle qu’elle apparaît aujourd’hui. Dans ce retracé historique, l’étude qui porte exclusivement sur l’exécutif dualiste, inclura ou exclura certains pays en fonction de l’évolution de leurs théorie et pratique constitutionnelles30. En outre, elle empruntera aussi bien une approche exégétique basée sur l’exploitation des constitutions des États d’Afrique francophone, qu’empirique basée sur la pratique institutionnelle et la dynamique politique, « la notion de régime politique ne [pouvant] être saisie qu’au travers d’une combinaison des textes postulés et de la réalité vécue31 ».

  • 32 Maurice Hauriou, Précis de droit constitutionnel, 2e éd., Paris, Sirey, 1929, p. 136.
  • 33 Raymond Guillien et Jean Vincent, op. cit., p. 935.
  • 34 Pierre Avril et Jean Gicquel, Lexique de droit constitutionnel, 4e éd., Paris, PUF, 2013, p. 87.
  • 35 Roger Latournerie, cité par Pierre Avril et Jean Gicquel, Lexique…, op. cit., p. 87.

12La théorie et la pratique constitutionnelles auront permis d’aboutir à l’hypothèse retenue pour la présente étude : dans l’ensemble des États d’Afrique noire francophone, l’exécutif dualiste est hiérarchisé de l’intérieur, dominant de l’extérieur. Le caractère hiérarchisé de l’intérieur s’évalue à l’aune des relations des deux composantes de l’exécutif que sont le président de la République et le gouvernement, dont les relations entre elles présentent une figure présidentielle dominatrice et un gouvernement –notamment son chef – presque suiveur. Quant au caractère dominant de l’extérieur, il découle de l’analyse des relations de l’exécutif avec les autres pouvoirs qui révèlent une balance qui penche en faveur de celui-là et laissent conclure à une incontestable primauté de l’exécutif dans et pour l’État32. Comme cela avait déjà été remarqué ailleurs, l’exécutif ne se limite plus à la seule fonction exécutrice ; sa fonction s’est considérablement élargie pour devenir une fonction d’impulsion, d’animation et de direction générale de l’État33, voire de « continuité de la vie nationale34 ». Aussi, d’une relation de subordination rêvée par les théoriciens classiques de la séparation des pouvoirs testée sans succès dès les indépendances, et se distinguant du « rapport de corrélation35 » qui les caractérise ailleurs, l’exécutif et le législatif entretiennent toujours en Afrique francophone une relation de domination au profit du premier. Malgré des avancées indéniables par rapport à la pratique en cours dans les décennies 70-80, le défi de rééquilibrage des pouvoirs voulu par le nouveau constitutionnalisme des États de l’Afrique noire francophone affiche un bilan mitigé voire, grosso modo, négatif. La domination par l’exécutif des autres pouvoirs étatiques n’est cependant pas uniforme, car, alors que le président de la République est érigé en maître absolu de l’ensemble du système politico-institutionnel étatique malgré l’émergence de contre-pouvoirs (1), le gouvernement doit quant à lui s’accommoder de rapports d’influence mutuelle avec les autres pouvoirs dont il sort privilégié (2).

1. Un hyperprésidentialisme possiblement tempéré

13Les régimes politiques africains dotent le président de la République de pouvoirs importants que la pratique institutionnelle et le fait politique tendent à renforcer (1.1). Néanmoins, à contre-courant de la tendance doctrinale générale qui perçoit le président de la République comme un gourou institutionnel tout-puissant, il convient de relever l’émergence de plus en plus remarquée des contre-pouvoirs à la domination présidentielle (1.2).

1.1. L’hypertrophie présidentielle

14Le président de la République est, dans les États d’Afrique noire francophone, la clé de voûte du système qui est littéralement bâti autour de son personnage. Son influence sur le système n’est pas qu’institutionnelle ; elle est également politique et découle des rapports de force qui contribuent à le renforcer significativement. Au demeurant, cette influence sur le microcosme institutionnel et politique national est perceptible dans ses relations tant avec le Premier ministre, codirigeant du pouvoir exécutif (1.1.1), qu’avec les autres pouvoirs de l’État (1.1.2).

1.1.1. Le bicéphalisme apparent ou la domination de l’exécutif par le président de la République

  • 36 Alioune Sall, « Le bicéphalisme du pouvoir exécutif dans les régimes politiques d’Afrique noire : c (...)
  • 37 Télesphore Ondo, « Réflexion sur le contrôle parlementaire au Gabon », Revue juridique et politique (...)

15Après le régime parlementaire d’après les indépendances et le régime présidentiel embrassé au début des années 70, les transitions démocratiques amorcées au cours des années 90 auront des incidences diverses sur le régime politique des États africains, notamment sur le tandem président de la République et Premier ministre36. Si certains auteurs ont pu voir dans les transitions démocratiques du début des années 90 l’occasion « d’une redistribution des cartes au sein du pouvoir exécutif37 », l’observation de l’agencement des rapports entre ces deux figures de l’exécutif commande qu’on distingue selon la période considérée et les pays, mais aussi selon qu’il s’agit de la théorie ou de la pratique.

  • 38 Selon les termes de Albert Bourgi, « Enfin les Premiers ministres à part entière ! », Jeune Afrique(...)
  • 39 Élisée Tikonimbé Koupokpa, Le modèle constitutionnel des États d’Afrique noire francophone dans le (...)

16Les constitutions de transition issues des conférences nationales souveraines dans certains pays comme le Bénin, le Niger et le Togo ressusciteront le régime parlementaire moniste post-indépendance. Aussi instituent-elles un Premier ministre « à part entière38 », détenant l’essentiel du pouvoir politique qu’il exerce sous le contrôle d’un Haut Conseil de la République (HCR), et un président de la République relégué au rang de figure quasi symbolique39. Cependant, les constitutions consécutives à la période transitoire rompront avec cette logique du tout parlementaire et rejoindront la tendance générale dans les États d’Afrique francophone qui consiste en un retour à la configuration pré-transitionnelle, à savoir la domination présidentielle et l’affaiblissement corrélatif de la fonction primo-ministérielle.

  • 40 Const. togolaise initiale du 14 oct. 1992, art. 77 ; Const. nigérienne du 26 déc. 1992, art. 62 et (...)
  • 41 Const. togolaise initiale du 14 oct. 1992, art. 66.

17Certes, théoriquement, certains États essaieront de conserver quelques acquis de la période transitoire en soustrayant la fonction primo-ministérielle à toute influence présidentielle tant du point de vue de son statut que de ses attributions. Ainsi en sera-t-il de la définition et la conduite de la politique de la Nation confiée au Premier ministre40, ou encore du statut très confortable de ce dernier expurgé de toute influence présidentielle. Au Togo, par exemple, la Constitution de 1992 oblige le président de la République de choisir le Premier ministre dans la majorité parlementaire et lui retire tout pouvoir discrétionnaire quant à sa démission41.

  • 42 Koffi Ahadzi-Nonon, « Le Premier ministre en Afrique noire francophone : étude de quelques exemples (...)
  • 43 Cette idéologie présidentialiste est a fortiori plus visible dans les pays qui, comme le Bénin, ont (...)
  • 44 Const. gabonaise du 26 mars 1991, art. 15 et 16 ; Const. sénégalaise du 22 janv. 2001, art. 42 ; Co (...)

18Mais cette « magnificence du Premier ministre42 » ne sera ni générale ni pérenne. L’option prise par le constituant togolais sera abandonnée à la faveur de la révision constitutionnelle du 31 décembre 2002 qui classera le pays dans les rangs des autres États où l’idéologie présidentialiste est dominante43. Celle-ci se manifeste par l’institution d’un statut désormais précaire et la subordination totale du Premier ministre au président de la République. De manière générale, le président de la République nomme de manière discrétionnaire le Premier ministre, met fin à ses fonctions44 et préside le Conseil des ministres. La désignation et la révocation du Premier ministre relève donc entièrement du fait du Prince, celui-là étant désormais responsable devant celui-ci, tout comme l’ensemble de son gouvernement.

  • 45 Jean-Philippe Feldman, art. cité, p. 9.

19Cette continuité du statut précaire du Premier ministre dans la plupart des États africains dans la lignée de la pratique des années 70, ou ce retour à la case de départ dans les États ayant connu un intermède favorable à un statut confortable du Premier ministre, s’explique par la raison fondamentale qu’est l’absence d’alternance des hommes à la tête des États. Dans la majorité des pays, le vent du changement du début des années 90 a été négocié et géré par les chefs d’État en poste45, lesquels ont donc manœuvré et usé de toutes sortes de subterfuges pour conserver la maîtrise de l’appareil institutionnel de l’État. Ceux qui ont cédé sous la pression des acteurs sociopolitiques se sont vite ravisés face aux premiers signes d’adversité. L’effervescence des années de braise étant passée, ils ont pu, plus ou moins aisément, effectuer un retour au statu quo ante.

  • 46 Au Gabon, la formule jadis consacrée par l’art. 8 (3) de la Constitution du 26 mars 1991 qui oblige (...)
  • 47 Jean Gicquel et Jean-Éric Gicquel, Droit constitutionnel..., op. cit., p. 653.
  • 48 Ismaïla Madior Fall, « Quelques réserves sur l’élection du président de la République au suffrage u (...)
  • 49 Gérard Conac, « Portrait du chef d’État », Pouvoirs 1983, no 25, p. 121-130, notamment p. 121.
  • 50 Jean-Philippe Feldman, art. cité, p. 8. Sur cette conclusion, voir également Alioune Sall, « Proces (...)

20La pratique institutionnelle confirme cette tendance de la domination présidentielle de l’exécutif. Car dans tous les pays africains, y compris ceux dont les constitutions confient la définition de la politique nationale au Premier ministre, c’est le président de la République qui assure en réalité cette fonction46. Il est donc à la fois « décideur, bâtisseur, pierre de fondation des institutions47 ». C’est lui qui fixe le cap à suivre et demeure « le meneur de jeu qui initie les réformes et imprime sa marque au fonctionnement général des institutions48 ». Mieux, pour emprunter ces termes de Gérard Conac relativement anciens, mais encore d’actualité dans nombre d’États africains, le président de la République « se confond avec le système lui-même » : « Il n’en est pas seulement le symbole. Il le modèle et le contrôle. On attend de lui qu’il guide, qu’il enseigne, qu’il protège49. » Cette hypertrophie présidentielle confine le Premier ministre, désormais simple primus inter pares, au mieux à une simple fonction d’« intendance » selon la formule gaulliste, c’est-à-dire de coordination de l’action gouvernementale. Comme l’affirme fort à propos Jean-Philippe Feldman, « l’institution d’un Premier ministre a donc fréquemment rempli un rôle symbolique dans le cadre d’une prétendue “démocratisation” marquée par la fin officielle du parti unique », car dans les faits, les chefs d’État ont conservé leur prééminence50. Dans ces conditions, en fait de dyarchie, le tandem président de la République et Premier ministre dans les États d’Afrique francophone présente une suprématie présidentielle incontestable.

  • 51 François Bastien, « À quoi sert l’élection du Président au suffrage universel ? », Parlement[s], v (...)
  • 52 Georges Pompidou, Le nœud gordien, Paris, Plon, 1974, cité par Didier Maus, Les grands textes et la (...)
  • 53 Sur la notion de césarisme démocratique, voir Antoni Peretiatkowicz, « Le césarisme démocratique et (...)
  • 54 François Chazel, « Les écrits politiques de Max Weber : un éclairage sociologique sur les problèmes (...)

21Cette suprématie présidentielle à la tête de l’exécutif trouve sa justification dans le statut du président de la République dans les États d’Afrique francophone. Présentée comme la rencontre entre un homme et un peuple, selon cette fiction de la mythologie gaullienne, l’élection du président de la République au suffrage universel direct est désormais « le point de bascule des équilibres politiques51 ». Elle fait de ce dernier l’épicentre du système politico-institutionnel étatique, en lui conférant une légitimité populaire qui l’autorise à mettre en œuvre la politique proposée aux électeurs et validée par ceux-ci52. Dans ces conditions, toute tentative de restriction de ses pouvoirs par l’établissement d’un Premier ministre concurrent peut être considérée comme une entrave à la volonté populaire. À ce titre, l’option de confier la définition de la politique de la Nation au Premier ministre faite par certains États peut être questionnée dès lors qu’il ne jouit d’aucune légitimité populaire directe. La suprématie présidentielle dans les États d’Afrique francophone est ainsi comparable au « césarisme démocratique53 » ou encore à la « démocratie plébiscitaire » chère à Max Weber54, puisqu’elle se fonde sur une légitimité populaire claire.

1.1.2. Le statut privilégié du président de la République vis-à-vis des autres pouvoirs

  • 55 Pour le célèbre auteur, « pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que par la disposition de (...)
  • 56 Jean Gicquel et Jean-Éric Gicquel, Droit constitutionnel, op. cit., p. 653.
  • 57 Arthur Meier Schlesinger, La présidence impériale, Paris, PUF, 1976.

22La relation entre le président de la République et les autres pouvoirs est un trait caractéristique majeur des régimes politiques africains. Elle rame quasiment à contre-courant de l’idée de checks and balances chère à Montesquieu qui fait du pouvoir le contre-pouvoir du pouvoir55 et justifie l’étiquette de « monarque républicain56 » ou de « présidence impériale » chère à Arthur Meier Schlesinger57 souvent collée à la fonction présidentielle. Alors que les textes et la pratique consacrent une très improbable mise en cause de sa responsabilité par les autres pouvoirs, le président de la République a, en revanche, à l’égard de ceux-ci, des moyens d’influence certains.

1.1.2.1. L’improbable responsabilité juridique et politique du président de la République

  • 58 Lire utilement Télesphore Ondo, La responsabilité introuvable du chef d’État africain : analyse com (...)

23La problématique de la responsabilité des dirigeants contient deux variantes que sont la responsabilité juridique et la responsabilité politique, l’une et l’autre constituant le nœud gordien du statut du président de la République. L’improbabilité de leur mise en œuvre amène à relativiser l’efficacité du système institué par les constitutions africaines58.

  • 59 Frédéric-Joël Aivo, « La responsabilité pénale des gouvernants dans les régimes politiques africain (...)
  • 60 Ibid., p. 8.

24L’enjeu de la responsabilité juridique du président de la République tient à deux nécessités presque contradictoires dont l’aménagement exige un équilibre délicat59, à savoir protéger la fonction présidentielle et éviter l’impunité. Question universelle qui transcende continents, systèmes et régimes politiques, elle se pose néanmoins avec plus d’acuité dans les démocraties en construction comme celles qui sont en Afrique où l’on observe, grosso modo, « un arsenal imprécis, incomplet et inefficace60 ». Autant dire que la question de la responsabilité juridictionnelle du chef de l’État en Afrique laisse à observer une constante et des variantes.

  • 61 Louis Favoreu, « De la responsabilité pénale à la responsabilité politique du Président de la Répub (...)
  • 62 Philippe Ardant, « La responsabilité pénale du président français. Réponse à deux questions », Pouv (...)
  • 63 Guy Carcassonne, « La responsabilité pénale du président français. Réponse à deux questions », op.  (...)

25La constante, c’est que tous les pays consacrent un régime juridique particulier du président de la République qui jouit d’un privilège de juridiction. Ce privilège se fonde, voire se justifie par la spécificité de la fonction présidentielle qui doit être protégée « contre les atteintes qui pourraient lui être portées61 » et ainsi permettre à son titulaire « d’exercer aussi sereinement que possible le mandat que les électeurs lui ont confié62 ». Ce régime particulier qui semble remettre en cause le sacro-saint principe de l’égalité devant la loi et son corollaire qu’est l’égalité devant la justice est assumé par Guy Carcassonne pour qui « ce qu’y perd le principe d’égalité devant la justice est incomparablement moins grave que ce que perdraient, dans l’hypothèse inverse, la séparation des pouvoirs et la continuité de l’État63 ».

  • 64 Michel de Villiers, Dictionnaire de droit constitutionnel, 2e éd., Paris, Armand Colin, 1999, p. 11 (...)
  • 65 Voir Const. sénégalaise du 22 janv. 2001, art. 101 ; Const. burkinabé du 2 juin 1991, art. 138 ; Co (...)
  • 66 . Frédéric-Joël Aivo, art. cité, p. 13.
  • 67 Philippe Ardant conteste avec véhémence la relation établie entre haute trahison et responsabilité (...)
  • 68 Marie-Anne Cohendet, Le président de la République, Paris, Dalloz, 2002, p. 33.

26La variante, c’est qu’en passant d’un État à un autre, et en fonction de l’interprétation retenue voire de la dynamique politique, on peut être en face d’une simple immunité, d’une irresponsabilité ou d’une impunité totale. L’irresponsabilité s’oppose à toute mise en cause du titulaire de la fonction pour les opinions émises et les actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions et s’étend au-delà du mandat64. La quasi-totalité des États d’Afrique francophone institue en la faveur du président de la République une irresponsabilité pour les actes rattachables à sa fonction, sauf pour certains faits précis, dont la haute trahison pour laquelle sa responsabilité pénale peut être directement engagée à l’initiative du Parlement devant une juridiction spéciale qu’est généralement la Haute Cour de justice65. La haute trahison est donc « le motif majeur, sinon exclusif66 » de déclenchement de la responsabilité pénale du président de la République67. Quid des actes détachables de la fonction présidentielle que sont d’une part les actes commis avant l’accession à la fonction présidentielle, d’autre part ceux commis pendant le mandat, mais en dehors de sa fonction officielle, c’est-à-dire ceux commis en tant qu’individu et non en tant que président de la République68.

  • 69 Selon l’art. 136(2) de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990, « les juridictions de droit c (...)
  • 70 Voir, en ce qui concerne les arguments pour, Jean Foyer, « Haute Cour de justice », Répertoire de d (...)
  • 71 Pour Louis Favoreu, l’engagement de la responsabilité pénale de Jacques Chirac, alors président de (...)
  • 72 Guy Carcassonne, « Le président de la République et le juge pénal », Droit et politique à la croisé (...)

27Leur régime est plus ou moins clair selon les pays. Si, au Bénin, il est clairement institué une responsabilité de principe du président de la République devant les juridictions de droit commun pour les actes détachables de sa fonction69, la majorité des États africains entretiennent un flou juridique sur la question puisque cette catégorie d’actes est simplement ignorée par les textes. Cette imprécision qui a également caractérisé le statut pénal du président de la République en France a donné lieu à des interprétations divergentes sur fond d’opposition entre partisans et opposants à l’extension de l’irresponsabilité présidentielle à ces actes70. S’il est vrai que l’extension de l’irresponsabilité juridictionnelle du président de la République aux actes détachables de ses fonctions déboucherait sur une impunité critiquable, l’institution d’une responsabilité ordinaire pour ces actes peut être utilisée à des fins politiques71 et avoir pour conséquence de fragiliser, au-delà de l’individu, la fonction présidentielle. C’est pourquoi une solution intermédiaire soutenable serait d’instituer une immunité juridictionnelle pour ces actes détachables qui suspendrait toutes poursuites éventuelles, celles-ci ne pouvant être enclenchées qu’à l’expiration du mandat de son titulaire72.

  • 73 Léon Duguit, Traité de droit constitutionnel, t. IV : L’organisation politique de la France, 2e éd. (...)
  • 74 André Moine, « L’irresponsabilité politique du président de la Ve République (à la suite des révis (...)
  • 75 Mathilde Philip-Gay, L’amnistie des dirigeants politiques : contribution à l’étude de la responsabi (...)

28Il est donc loisible de reconnaître que le statut juridique pénal du président de la République en Afrique francophone n’est pas celui d’une irresponsabilité infinie ni d’une impunité totale, même si la pratique devrait amener à relativiser ce constat. En effet, le régime flou et imprécis de la haute trahison73 ainsi que la dynamique politique qui offre quasiment toujours une majorité écrasante au Parlement acquise au président de la République rendent son inculpation plus qu’improbable. Aussi, la difficile césure entre les actes rattachables et détachables qui découle de « la dualité entre la personne et l’organe qu’elle incarne, conduit ainsi à des méandres juridiques, dont ceux menant à une quasi totale irresponsabilité juridique74 » du chef de l’État. En un mot, les tergiversations juridiques et le fait politique contribuent à instaurer un système d’amnistie de facto du chef de l’État75.

  • 76 Pierre Avril, « Pouvoir et responsabilité », Le pouvoir. Mélanges en l’honneur de Georges Burdeau, (...)
  • 77 Raymond Guillien et Jean Vincent, op. cit., p. 633.
  • 78 André Moine, art. cité, p. 1.

29La responsabilité politique, « principe autonome et spécifique par rapport aux autres types de responsabilité » et qui ne découle, « ni de la faute, ni du risque76 », s’entend de « l’obligation pour le titulaire d’un mandat politique de répondre de son exercice (actes, paroles, écrits) devant celui de qui il le tient77 ». Elle se traduit par « la possibilité pour un autre organe de remettre en cause son mandat en cas de désaccord politique78 ». Théoriquement, elle peut être parlementaire ou populaire.

  • 79 Voir Moctar Tall, Le Parlement dans les États d’Afrique noire francophone : essai sur le Burkina Fa (...)
  • 80 Louis Favoreu, art. cité, p. 19.
  • 81 Voir Philippe Ardant, « La responsabilité politique et pénale des chefs d’État, des chefs de gouver (...)

30Par la première, la responsabilité politique est engagée devant le Parlement qui peut donc, à travers une procédure précise, démettre de ses fonctions le président de la République. À l’instar de la France jusqu’à une époque récente, les États africains ont institué à la faveur du président de la République une irresponsabilité politique79 qui s’inscrit en droite ligne de la rationalisation du parlementarisme. Celui-ci ne peut donc aucunement être démis de ses fonctions, sauf si sa responsabilité juridictionnelle, notamment pénale, entraîne sa responsabilité politique80 et débouche sur sa démission. Si l’irresponsabilité politique du président de la République peut se justifier dans les régimes parlementaires où le titulaire de cette fonction jouit des attributions essentiellement symboliques et protocolaires, elle trouve difficilement justification dans un contexte où celui-ci exerce l’effectivité du pouvoir politique comme dans les régimes de type présidentiel81.

  • 82 André Moine, art. cité, p. 2
  • 83 En France, cette justification peut se doubler d’une autre, celle du défaut d’attributions suscepti (...)
  • 84 C’est sans doute en raison de ces comportements que le constituant français a substitué l’irrespons (...)

31Pour certains auteurs, malgré la contradiction démocratique entre la présidentialisation du pouvoir et l’irresponsabilité politique qui est patente, cette option est défendable. La responsabilité politique du président de la République suppose l’existence d’une autorité politique susceptible de le désavouer, fonction qui ne peut être confiée qu’à une autorité jouissant d’une légitimité supérieure à la sienne82. Or, une telle autorité politique n’existe pas, face au président de la République élu au suffrage universel direct sur une base nationale, donc titulaire d’une légitimité supérieure à toutes les autres autorités politiques83. Pour autant, l’impression de l’anomalie démocratique produite par cette irresponsabilité politique demeure et est souvent confirmée dans les faits, lorsque le président de la République exprime des opinions, adopte des comportements ou des attitudes manifestement contraires à la Constitution84.

  • 85 Voir infra.

32La responsabilité politique du président de la République devant le Parlement étant ainsi écartée par les constitutions africaines, reste celle devant le peuple lui-même, ultime censeur de la politique présidentielle. Hormis les cas des manifestations populaires contre la politique présidentielle85, la responsabilité politique du président de la République devant le peuple s’exerce exclusivement dans les urnes et peut être engagée indirectement ou directement.

  • 86 En effet, alors que Charles de Gaulle démissionne en 1969 après le résultat négatif au référendum s (...)

33Directement, elle est engagée à travers l’élection présidentielle qui donne la latitude au peuple d’examiner le bilan de la politique du président sortant et de décider, le cas échéant, de lui accorder ou non sa confiance pour un autre mandat. Indirectement, il peut s’agir des élections législatives à l’occasion desquelles le peuple entend montrer sa désapprobation à la politique présidentielle en provoquant une cohabitation avec l’opposition. Il peut également s’agir du référendum à travers lequel le président de la République décide d’engager sa responsabilité politique en testant la confiance que lui portent les électeurs. Cependant, le référendum comme moyen de mise en cause de la responsabilité politique du président de la République doit être relativisé, ce pour deux raisons. D’une part, le recours à ce moyen est libre et dépend de la volonté discrétionnaire du président qui, généralement, ne décide d’y recourir que lorsqu’il est certain de son issue positive. Ainsi, en Afrique noire francophone, aucun référendum ne s’est jamais soldé par l’échec de l’option soutenue par le président de la République. D’autre part, même dans l’hypothèse où l’issue lui serait défavorable, l’effet qui peut y être attaché dépend encore d’une option discrétionnaire du président de la République qui peut ou non décider d’en tirer les conséquences d’une sanction politique86.

1.1.2.2. La réelle emprise de jure et de facto sur les autres pouvoirs

34La domination de la vie politico-institutionnelle de l’État par le président de la République s’étend à toutes les institutions, notamment aux autres pouvoirs de l’État.

  • 87 Exception faite de quelques rares cas notables, comme au Togo où le Conseil supérieur de la magistr (...)
  • 88 En guise d’illustration, voir l’art. 28 de la loi organique L 91/011 du 23 décembre 1991 portant cr (...)
  • 89 Félix Bakounda-Mpele, « Repenser le président africain », Actes du VIIe Congrès français de droit c (...)
  • 90 Alioune Badara Fall, « Les menaces internes à l’indépendance de la justice », L’indépendance de la (...)
  • 91 Alioune Badara Fall, « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics… », art. cité, p. 13.

35Vis-à-vis du pouvoir juridictionnel, le chef de l’État dispose de plusieurs leviers pouvant l’aider à assurer sa prééminence. Ainsi, si les années 90 ont marqué l’autonomisation du pouvoir judiciaire, son indépendance est bien souvent assurée par le président de la République qui en est le garant. Aussi préside-t-il généralement le Conseil supérieur de la magistrature87, organe qui gère la carrière des magistrats88, est responsable de leur nomination, promotion, notation et sanction89, fonctionne selon une procédure souvent opaque et n’obéit à aucun critère précis et objectif90. Il bénéficie en outre des moyens qui peuvent lui permettre d’entraver soit une procédure juridictionnelle en cours91, soit l’application d’une décision de justice (droit de grâce). À ces moyens institutionnels de domination du pouvoir judiciaire par le président de la République, il faut en ajouter d’autres, que celui-ci détient puis exerce de fait, avec pour conséquence l’émasculation de la justice, phénomène tantôt flagrant, tantôt sournois selon les États respectifs.

  • 92 Boniface Obou Ouraga, Droit constitutionnel et science politique, Abidjan, ABC, 2012, p. 182-184.
  • 93 Meïssa Diakhate, « Les ambiguïtés de la juridiction constitutionnelle dans les États d’Afrique noir (...)
  • 94 Selon l’art. 89 (3) de la Constitution sénégalaise du 22 janvier 2001, « les membres du Conseil con (...)
  • 95 Généralement le Parlement et le corps judiciaire (Benin : Const., art. 115 ; RDC : Const., art. 182 (...)
  • 96 Célestin Keutcha Tchapnga, « Règlement intérieur de l’Assemblée nationale – Procédure de validation (...)

36La juridiction constitutionnelle n’est pas à l’abri de cette prééminence présidentielle dans un jeu de pouvoir dominé par le chef de l’État92. Bien que l’un et l’autre soient gardiens de la Constitution, le juge constitutionnel est placé dans une relation de subordination statutaire à l’égard du chef de l’État. La subordination découle d’abord du statut et singulièrement du mode de désignation des juges constitutionnels93 qui relève soit de l’apanage du chef de l’État comme au Sénégal94, soit d’une prérogative partagée avec d’autres pouvoirs constitués95 qui lui sont, en général, statutairement ou pratiquement soumis. Elle découle ensuite du conflit d’interprétation qui est susceptible de tourner à l’avantage du président de la République. L’exemple camerounais offert par le président de la République qui promulgua en l’état le règlement intérieur de l’Assemblée nationale censuré, en est une illustration patente. Condamnée quasi unanimement par la doctrine, cette attitude du président de la République a pour conséquence de saper dangereusement l’autorité du juge constitutionnel et est symptomatique de la domination de celui-ci par celui-là96.

  • 97 Sur la question, voir l’étude menée par Claude F. Momo, John Keudjeu de Keudjeu et Éric-Adol T. Gat (...)
  • 98 Voir Const. burkinabé, art. 50 ; Const. camerounaise, art. 8(12) ; Const. sénégalaise, art. 87 ; Co (...)
  • 99 Voir Const. camerounaise, art. 15(3).
  • 100 Les proportions des membres de la chambre haute nommés par le président de la République sont de l’ (...)
  • 101 Éric-Adol T. Gatsi, « Mise en place du Sénat au Cameroun : légalité et légitimité en question », RD (...)

37L’emprise présidentielle sur le pouvoir législatif procède d’un certain nombre de mécanismes qui ont pour conséquence d’aboutir au déclin progressif de la loi97. Elle se manifeste d’abord par les pouvoirs importants dont il dispose dans l’organisation voire la destinée du Parlement. On mentionnera le droit de dissolution de l’Assemblée nationale (chambre basse du Parlement)98 qui constitue l’un des traits caractéristiques majeurs du parlementarisme ; le droit d’initier la prorogation ou l’abrègement du mandat de ses membres99 ; et dans certains pays la nomination d’une fraction des sénateurs (chambre haute du Parlement)100, pouvoir que nous avons considéré comme une « anomalie démocratique101 ».

  • 102 Const. camerounaise, art. 18 (4) et 23 (4) ; Const. gabonaise, art. 57.
  • 103 Const. camerounaise, art. 30 (3)(c) ; Const. ivoirienne, art. 110(3) ; Const. congolaise, art. 150  (...)

38Cette emprise se traduit ensuite par les prérogatives qui lui sont accordées dans le travail parlementaire que constitue la procédure législative. Ainsi en est-il de la prééminence des projets de loi sur les propositions de loi102 qui s’analyse en un aménagement de l’initiative des lois partagée entre le Parlement et le président de la République, de l’arbitrage en cas de conflit entre les deux chambres103, de la requête pour une seconde lecture pour certains projets ou propositions adoptées, etc.

  • 104 Const. du Mali, art. 74 ; Const. du Burkina Faso, art. 107, Const. du Niger, art. 106, Const. du Ga (...)
  • 105 Marc Guillaume, « Les ordonnances : tuer ou sauver la loi ? », Pouvoirs 2005, no 114, p. 117-129, n (...)
  • 106 Yves Nau, Le pouvoir de veto du chef de l’Exécutif dans les régimes politiques libéraux, thèse, Par (...)
  • 107 Voir, par exemple, Const. du Burkina Faso, art. 59, Const. du Bénin, art. 68.
  • 108 Cour constitutionnelle béninoise, décision DCC 27-94 du 24 août 1994. Voir Kossi Somali, Le Parleme (...)

39Elle se traduit enfin par la possibilité qui lui est offerte d’écarter le Parlement dans sa fonction législative. Ceci peut se faire à travers la procédure des ordonnances104 qui, bien qu’elle soit généralement contrôlée en amont et en aval par celui-ci, n’en constitue pas moins « l’abaissement du Parlement dépossédé de sa prérogative essentielle de vote de la loi105 ». La mise à l’écart du Parlement peut aussi se faire à travers le recours au référendum d’initiative présidentielle qui peut prendre les allures d’un « droit de veto translatif », c’est-à-dire « une prérogative consistant à faire trancher par le corps électoral un litige majeur entre le chef de l’État et l’assemblée, qui tous deux se réclament de la confiance populaire pour défendre leurs points de vue et notamment le contenu d’un acte législatif106 ». Elle peut se faire enfin à travers la mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels reconnus par certaines constitutions au président de la République en cas de périls graves107, en vertu desquels celui-ci peut légiférer en lieu et place du Parlement sans autorisation préalable. Cette prérogative est considérée par la Cour constitutionnelle béninoise comme une décision discrétionnaire insusceptible de toute contestation, donc un acte de gouvernement108.

40À ces aménagements textuels se greffe l’emprise de fait du président de la République sur ces autres pouvoirs qui découle de la pratique (souvent illégale ou inconstitutionnelle) et du fait politique. Ces facteurs combinés transforment dans les faits le Parlement en une chambre d’enregistrement où les projets de loi sont rarement vraiment discutés au fond et le pouvoir juridictionnel en une institution contestée dont l’indépendance s’avère être plus un vain mot qu’un principe appliqué.

1.2. Le développement progressif de contre-pouvoirs à l’hyperpuissance présidentielle109

  • 109 La notion de contre-pouvoir s’entend ici au sens de la limitation de l’abus du pouvoir politique ou (...)
  • 110 Gérard Conac, art. cité, p. 126.

41Si le président de la République est la clé de voûte du système politico-institutionnel en Afrique noire francophone, des mécanismes visant à la canalisation de ses pouvoirs voient progressivement le jour dans certains pays. Comme le reconnaissait déjà Gérard Conac, « la puissance apparente des chefs d’États africains peut dissimuler une réelle faiblesse. Leur influence est parfois très limitée et leur marge de manœuvre des plus étroites110 ». Alors que de manière générale, l’ingénierie juridico-constitutionnelle se montre plus ou moins réticente à instituer ces contre-pouvoirs (1.2.1), c’est davantage dans la dynamique politique que ces derniers s’expriment le mieux (1.2.2).

1.2.1. L’efficacité mitigée des contre-pouvoirs institutionnels

  • 111 C’est le cas des moyens de sanction du gouvernement à l’instar de la question de confiance et de la (...)

42Ce sont les mécanismes prévus par les textes. Outre les cas d’opposition du Parlement au gouvernement qui constituent des contre-pouvoirs par ricochet à la politique présidentielle111, on s’attardera sur la cohabitation et la justice constitutionnelle.

1.2.1.1. La cohabitation conflictuelle

  • 112 Pierre Avril et Jean Gicquel, op. cit., p. 20.

43La cohabitation est définie comme « la contradiction politique entre les majorités présidentielle et parlementaire112 ». La pratique de la cohabitation en Afrique noire francophone doit être circonscrite à la fois dans le temps et dans l’espace, seuls quelques États ayant fait l’expérience, en l’occurrence le Togo, le Niger et récemment la RDC.

  • 113 Const. togolaise initiale du 14 oct. 1992, art. 66.

44La cohabitation affecte principalement les relations entre les deux figures de l’exécutif, qu’il s’agisse de la désignation du Premier ministre ou de la délimitation des attributions de l’un et de l’autre. Si, hors cohabitation, la désignation du Premier ministre relève, comme on l’a souligné plus haut, du fait du prince, en cas de cohabitation, celui-ci n’a généralement nulle autre option que d’entériner le choix de la formation politique ou de la coalition politique détenant la majorité parlementaire. Si seul le Bénin a expressément prévu cette hypothèse dans sa Constitution de 1992113, la pratique observable dans certains pays à l’instar du Niger et de la RDC a conduit au constat d’une cohabitation de facto. Qu’il s’agisse de la cohabitation consacrée à la béninoise ou de la cohabitation implicite à la nigérienne ou à la congolaise, l’obligation faite au président de la République de nommer une personnalité qu’on lui impose, s’analyse comme une sérieuse limite à son impérialisme.

  • 114 Emmanuel Grégoire, « La cohabitation au Niger », Afrique contemporaine, no 175, p. 48.
  • 115 Jean Du Bois de Gaudusson, « Les solutions constitutionnelles des conflits politiques », Afrique co (...)
  • 116 Au Togo, saisi à l’initiative du président de la République après une guerre épistolaire avec le Pr (...)

45Sur la question des attributions des deux figures de l’exécutif, les dispositions constitutionnelles relatives dans les deux pays cités en exemple ont donné lieu à des interprétations divergentes sur fond de crise politique, l’enjeu étant le contrôle effectif du pouvoir exécutif114. Cette friction au sommet de l’État – « nid à contentieux juridiques et politiques115 » – a, au Togo comme au Niger (davantage ici que là-bas), débouché sur une crise politique sévère dont la résolution tentée par le juge116 n’a pourtant pas, dans ce dernier pays, empêché le coup d’État du 27 janvier 1996. Ces conflits politiques irrésolubles nés de ce système ont finalement amené le constituant togolais à modifier la disposition qui liait le choix présidentiel du Premier ministre en cas de cohabitation. Cette suppression ne change véritablement rien, car même en l’absence d’une telle disposition, le président n’aurait nul autre choix, en cas de cohabitation, que de s’en référer à l’opposition, sauf à risquer une censure de son gouvernement nommé au forceps.

  • 117 Voir Jeune Afrique, no 3060, 1er-7 septembre 2019.

46La cohabitation en RDC est la résultante du dénouement des élections législatives de décembre 2018 et sénatoriales de mars 2019 à l’issue desquelles l’ancien président Joseph Kabila conserve la majorité parlementaire avec son Front commun pour le Congo (FCC) et domine ainsi le groupe du nouveau président Félix Tshisekedi, Cap pour le changement (CACH). En conséquence, le gouvernement dévoilé le 25 août 2019 comporte 65 membres, dont 42 pour le FCC et seulement 23 pour le CACH, ce qui démontre l’absence de mainmise du président de la République sur l’équipe gouvernementale. Ce cas de figure étant récent, des conclusions définitives ne peuvent pas encore être tirées. Néanmoins, des observateurs observent déjà des frictions qui rendraient ce gouvernement ingouvernable117.

1.2.1.2. La variable efficacité de la justice constitutionnelle

  • 118 Markus Böckenförde Babacar Kante, Yuhniwo Ngenge et Henry Kwasi Prempeh, Les juridictions constit (...)

47La justice constitutionnelle est un contre-pouvoir de plus en plus important à la toute-puissance du président de la République africain. Instituée de manière générale par les premières constitutions postindépendances, avec la création des sections constitutionnelles des Cours suprêmes, elle s’est autonomisée dans les années 90 à la faveur de la création des Cours et des Conseils constitutionnels118. Ceux-ci, qui tirent leur inspiration du modèle européen de justice constitutionnelle, sont chargés du contrôle de constitutionnalité des lois, de la régulation des rapports entre les organes de l’État, du contentieux des élections nationales, en plus de leur fonction contentieuse. Ces attributions font d’eux les garants de la démocratie, fonction qui peut, au besoin, les conduire à canaliser la dictature de la majorité et les velléités impérialistes du président de la République.

  • 119 Voir, par exemple, la décision du Conseil constitutionnel burkinabé no 2005-007/CC/EPF du 14 octobr (...)
  • 120 Babacar Kante, « Les juridictions constitutionnelles et la régulation des systèmes politiques en Af (...)

48À l’observation, ce rôle n’est pas tenu dans les mêmes proportions et avec la même amplitude par tous les juges constitutionnels d’Afrique francophone. Alors que certains s’illustrent encore par leur prudence et leur self-restraint souvent complices face aux propensions dominatrices de l’exécutif, notamment de son chef119, d’autres ont franchi le cap par leur hardiesse qui fait d’eux de véritables contre-pouvoirs et, au-delà, la clé de voûte de l’architecture institutionnelle étatique120. Mis à part le contentieux électoral, cette hardiesse s’est surtout exprimée à travers le contrôle de constitutionnalité, singulièrement quant à la question de l’admissibilité du contrôle de constitutionnalité des lois constitutionnelles.

  • 121 Cons. const., déc. no 62-20 DC du 6 novembre 1962, Loi relative à l’élection du président de la Rép (...)
  • 122 Dans une jurisprudence désormais confirmée, le Conseil constitutionnel sénégalais s’est par exemple (...)
  • 123 Voir les arrêts de la Cour const. du Mali, déc. MLI-2001-A-003 01-128 du 12 décembre 2001, Loi port (...)
  • 124 Luc Sindjoun, Les grandes décisions de la justice constitutionnelle africaine : droit constitutionn (...)
  • 125 Mactar Kamara, « Supra-constitutionnalité et exercice du pouvoir constituant dérivé », RRJ 2008, p. (...)
  • 126 Adama Kpodar, « Controverse doctrinale », ABJC, Revue de contentieux constitutionnel, no 1, 2013, p (...)
  • 127 Joseph Djogbenou, « Le contrôle de constitutionnalité des décisions de justice au Bénin : une fanta (...)
  • 128 Claude F. Momo, « Le gardien de la Constitution en Afrique subsaharienne francophone », RRJ 2017-1, (...)
  • 129 Dodzi Kokoroko, « Réflexions sur la limitation jurisprudentielle du pouvoir de révision au Bénin », (...)
  • 130 Voir, en ce sens, Dodzi Kokoroko, « L’apport de la jurisprudence constitutionnelle à la consolidati (...)
  • 131 Albert Bourgi et Christian Casteran, Le printemps de l’Afrique, Paris, Hachette, 1991.

49Ramant à contre-courant de leurs homologues européens121 et sénégalais122, les juges constitutionnels malien, tchadien, béninois et nigérien123 ont posé le principe de la justiciabilité des lois constitutionnelles, c’est-à-dire les lois de révision constitutionnelle. Deux écoles de pensée se structurent autour de cet office plutôt particulier du juge constitutionnel africain124 qui procède de l’idée de super ou supra-constitutionnalité125. Pour certains, le contrôle par le juge constitutionnel des lois de révision constitutionnelle est constitutif d’une « scissiparité jurisprudentielle » qui amène le juge à s’ériger en maître de la Constitution en élargissant à sa guise les normes de références126, et débouche sur le gouvernement des juges127. Pour d’autres, ce contrôle se fonde sur la nature du pouvoir de révision qui est un corps institué ou constitué et qui, comme tel, ne peut être illimité et de ce fait, doit être encadré128. Aussi lui permet-il, en prévenant les révisions circonstancielles, conjoncturelles et opportunistes129, de protéger l’idéal démocratique qui constitue le soubassement de la norme fondamentale afin que le pouvoir de révision ne soit pas le prétexte de la perversion des principes fondamentaux du constitutionnalisme130. L’admission du contrôle de constitutionnalité des lois de révision a ainsi permis au juge constitutionnel de censurer la levée de la clause limitative des mandats présidentiels, acquis majeur du renouveau constitutionnaliste africain131 qui avait pour objectif de stabiliser et dépersonnaliser la fonction présidentielle.

  • 132 Déc. no 022/CC du 30 avril 2018. Pour le juge, les destins de l’Assemblée nationale et du gouvernem (...)
  • 133 Déc. no 064/CC du 22 novembre 2016 et déc. no 020/CC du 11 juillet 2017. Dans ces décisions, après (...)

50Il convient également de mentionner la récente actualité gabonaise en évoquant la décision de la Cour constitutionnelle ayant donné lieu à la dissolution de l’Assemblée nationale et à la démission du gouvernement132, à la suite de la non-tenue des élections législatives dans le délai par elle fixé dans deux décisions antérieures133. Une telle décision marque la volonté du juge constitutionnel gabonais de jouer à fond le rôle de régulateur du fonctionnement des organes étatiques, et quoiqu’il s’agisse d’un avis consultatif, ne s’analyse pas moins en une sanction de la mauvaise volonté du pouvoir de procéder à l’organisation des élections législatives.

1.2.2. La spontanéité des contre-pouvoirs conjoncturels

  • 134 Ismaïla Madior Fall, « La construction des régimes politiques en Afrique… », art. cité, p. 35.

51Il s’agit ici de ceux qui interviennent à l’extérieur de l’ingénierie juridique, c’est-à-dire en marge de la sphère du droit134.

1.2.2.1. L’arbitrage du fait politique

52Si le droit encadre la vie politico-institutionnelle de l’État, le fait politique la régule, voire la façonne. C’est celui-ci qui détermine en réalité les rapports de force entre les autorités de l’État, lesquels fixent à leur tour l’étendue des pouvoirs des uns et des autres. Ainsi, alors que le président de la République est le maître du jeu lorsqu’il domine la vie politique, son pouvoir s’effrite dès lors que la dynamique politique l’oblige à le partager avec d’autres forces politiques, voire avec ses adversaires politiques. Deux hypothèses peuvent être identifiées ici : les alliances politiques et les crises politiques.

  • 135 Ibid., p. 34.

53Lorsque l’accession du président de la République a été portée par une alliance ou une coalition politique, sa marge de manœuvre pour son casting gouvernemental est considérablement réduite. Il est dans l’obligation de prendre en considération toutes les composantes de la coalition. Dans ces conditions, la composition de l’équipe gouvernementale qui ici est un gouvernement d’alliance ou de coalition (par opposition au gouvernement homogène) s’analyse en « une véritable opération de redistribution de “dividendes” au prorata de l’apport supposé ou réel de chaque parti à la coalition135 ». Quelques exemples peuvent être cités en guise d’illustration : en Côte d’Ivoire, le gouvernement formé après l’accession de Alassane Ouattara à la présidence de la République à l’issue de la très contestée élection présidentielle de 2010 est représentatif de la coalition scellée entre Alassane Ouattara, Henri Konan Bedié et Guillaume Soro contre le président sortant Laurent Gbagbo ; au Sénégal, le gouvernement constitué consécutivement à la victoire en 2012 de Macky Sall témoigne de la coalition Benno bokk yakaar (« Unis par l’espoir » en wolof) constituée notamment de Moustapha Niasse ou encore de Youssou Ndour, qui le porta à la victoire contre le président sortant Abdoulaye Wade ; au Cameroun, les gouvernements successifs depuis le retour des élections pluralistes attestent de l’alliance scellée entre le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) du président Paul Biya au pouvoir et plusieurs autres partis politiques alliés (Union nationale pour la démocratie et le progrès de Maïgari Bello Bouba, Front pour le salut national du Cameroun de Issa Tchiroma Bakary ou encore une faction de l’Union des populations du Cameroun, etc.)

  • 136 Quoiqu’il ait des affinités avec la cohabitation, le gouvernement d’union nationale s’en démarque n (...)
  • 137 Ces mesures ont été inscrites dans les nombreux accords de sortie de crise qui ont émaillé la crise (...)

54Les crises politiques ont également pour effet d’amenuiser l’autorité présidentielle. Dans ces conditions, les accords de sortie de crise aboutissent à des compromis qui amènent le président de la République à renoncer à certaines de ses prérogatives discrétionnaires, qu’il s’agisse du pouvoir de nomination ou de certaines de ses attributions. L’observation des exemples amène à dégager des caractéristiques communes : composition de l’équipe gouvernementale conditionnée ou imposée au président de la République, sous forme de gouvernement d’union nationale136, en vue de prendre en compte toutes les forces politiques impliquées dans la crise, délégation de certaines prérogatives présidentielles au gouvernement et particulièrement au Premier ministre, etc. Ces caractéristiques ont été observées, à des degrés différents, en Côte d’Ivoire à l’occasion de la crise politique qui a commencé en 2002137, à plusieurs reprises en RDC notamment à l’occasion de la crise politique née du blocage institutionnel actuellement en cours, au Gabon en guise de sortie de crise post-élection présidentielle de 2016, etc.

1.2.2.2. Les soulèvements populaires, ultime rempart

  • 138 Alain Ondoua, « La population en droit constitutionnel. Le cas des pays d’Afrique francophone », Af (...)
  • 139 On laissera de côté ici les soulèvements populaires à l’origine des printemps arabes qui sortent du (...)
  • 140 Claude F. Momo, art. cité.

55Après avoir été confiné pendant longtemps à un statut de tabou constitutionnel en Afrique138 et face à la complaisance des contre-pouvoirs institutionnels ou à l’inefficacité du gardien traditionnel de la Constitution face aux dérives présidentielles, le peuple a, dans plusieurs pays africains, pris son destin en main139. Cette réappropriation populaire de la souveraineté se justifie par la crise de confiance qui s’est progressivement installée entre la classe dirigeante et le peuple et qui a elle-même débouché sur la crise de légitimité de celle-là. Le fondement de cette attitude populaire est évident : bien que structurellement elle puisse être perçue comme un contre-pouvoir, il s’agit bien de la manifestation la plus complète de la souveraineté, c’est-à-dire du pouvoir de droit originaire, suprême et inconditionné dont est titulaire le peuple140, qui fait de lui le gardien ultime des idéaux démocratiques contenus dans la Constitution.

  • 141 Les soulèvements populaires contre la rupture de la légalité constitutionnelle en RDC avec l’expira (...)
  • 142 Sur cette question, Ismaïla Madior Fall, « La construction des régimes politiques en Afrique… », ar (...)
  • 143 En l’espèce, le soulèvement populaire contre la modification constitutionnelle se transforma, chemi (...)

56Si ces soulèvements populaires sont restés infructueux dans certains États141, ils ont porté leurs fruits dans d’autres. À l’observation, les modifications constitutionnelles régressives heurtant des principes cardinaux du nouveau constitutionnalisme africain constituent le domaine de prédilection de la mobilisation des peuples africains. Ainsi, les mobilisations massives et persistantes ont obligé le président béninois M. Kerekou à abandonner le projet de modification constitutionnelle tendant à la levée du verrou de la limitation des mandats présidentiels à deux et de la limite de l’âge maximal à 70 ans. Aussi, face à la croisade populaire et aux manifestations incessantes, le président Abdoulaye Wade a dû renoncer à son projet de modification constitutionnelle dont le but principal était d’instituer un système électoral de liste en vue de la présidentielle pour l’élection simultanée d’un président et d’un vice-président de la République142. Enfin, le désir du président Compaoré de modifier l’article 37 de la Constitution burkinabé du 2 juin 1991 en vue de briguer d’autres mandats présidentiels s’est heurté au bloc populaire qui a exigé et obtenu son retrait, et bien plus143. Dans l’un comme dans l’autre cas, les soulèvements populaires s’analysent comme des derniers remparts contre l’absolutisme présidentiel, et partant, tendent à la protection des idéaux démocratiques.

  • 144 Voir Larry D. Kramer, Le peuple lui-même : constitutionnalisme populaire et contrôle de constitutio (...)

57Les soulèvements populaires présentent un risque indéniable de dictature populaire, d’où les doutes sur la capacité du peuple à effectivement jouer le rôle de gardien de la Constitution144. Néanmoins, l’éveil du peuple souverain a l’avantage de s’analyser en une sanction légitime de l’illégitime tentative de dévoiement des acquis démocratiques et d’institution du despotisme présidentiel. Il marque la réappropriation par le peuple de la souveraineté dont il est titulaire et le recul de la conception nationale de la souveraineté qui pourrait servir de prétexte à la mise à l’écart des aspirations populaires.

2. Le déséquilibre des rapports d’influence mutuelle entre le gouvernement et les autres pouvoirs

  • 145 Théodore Holo dira à cet effet que dans un régime présidentiel, « le Parlement se borne à faire la (...)

58Hormis le Bénin qui institue une séparation plutôt rigide entre les pouvoirs conformément aux allures présidentielles du régime politique145 institué par la Constitution du 11 décembre 1990, tous les pays d’Afrique noire francophone prescrivent une certaine collaboration entre les différents pouvoirs. C’est ici que l’idée de checks and balances prend tout son sens, car alors que le gouvernement dispose du pouvoir d’influencer l’action des autres pouvoirs (2.1), ceux-ci ont à leur disposition des moyens de contrôle plus ou moins efficaces de l’action de celui-là (2.2).

2.1. L’effectivité des leviers d’action du gouvernement sur les autres pouvoirs

59Il convient de s’attarder respectivement sur les moyens d’action du gouvernement sur le Parlement (2.1.1) et sur la justice (2.1.2).

2.1.1. La mainmise du gouvernement sur l’action du Parlement

  • 146 Moctar Tall, op. cit.

60Les moyens d’influence dont jouit le gouvernement sur le Parlement se situent dans le cadre de l’action législative. À ce titre, la subalternisation de la représentation nationale avant les transitions démocratiques146 va globalement se poursuivre après celles-ci. La domination gouvernementale, qui s’inscrit dans le sillage de la rationalisation du parlementarisme chère à Boris Mirkine-Guetzévitch, se manifeste aussi bien à travers le domaine de la loi, son initiative que la procédure législative stricto sensu.

  • 147 En vertu de ce domaine illimité, le Parlement pouvait légiférer sur tout, y compris sur la détermin (...)
  • 148 Paul Durand, « La décadence de la loi dans la constitution de la cinquième République », JCP, 1959, (...)
  • 149 Kossi Somali, op. cit., p. 250-252.

61Sur le domaine, le passage d’une définition formelle de la loi qui débouchait sur un domaine législatif illimité147, à une définition matérielle limitant ledit domaine, a eu pour conséquence l’accroissement considérable du domaine réglementaire. Le gouvernement devient ainsi le législateur de droit commun qui « porte les règles de droit dans tous les autres domaines de la vie juridique [...], tandis que le Parlement n’est plus qu’un législateur d’exception qui ne possède de compétence législative qu’en vertu d’une disposition formelle148 ». À cet affaiblissement statutaire du Parlement s’ajoute la mauvaise protection du domaine de la loi « du fait de la défaillance du juge et sa subordination au pouvoir politique149 ».

  • 150 Qu’il s’agisse du président de la République comme au Bénin, au Cameroun, au Sénégal (art. 105 des (...)
  • 151 En guise d’exemple, hormis la première législature du Parlement togolais où des propositions parlem (...)

62Quant à l’initiative des lois, il y a la réalité principielle et la réalité pratique. Le principe est celui d’une initiative concurremment exercée par l’exécutif150 et le législatif. Mais la pratique offre à observer une réalité qui relativise le principe sus-énoncé, à savoirs que les textes déposés au Parlement sont presque exclusivement d’origine gouvernementale. Les propositions parlementaires sont donc rares, lorsqu’elles ne sont pas simplement inexistantes151. Cette réalité s’explique par un triple facteur.

  • 152 Maurice Hauriou, op. cit., p. 352.
  • 153 Selon Pierre Avril, « le gouvernement, qui dispose du concours des administrations centrales, est t (...)

63Le premier est d’ordre pratique. Il tient, d’une part, à la nature même de la fonction exécutive qui est de définir et de conduire la politique de l’État. À ce titre, le pouvoir exécutif a plus intérêt à initier les lois pour mettre en œuvre sa politique générale152 en même temps qu’il possède de meilleurs moyens techniques pour la conception et l’élaboration des projets législatifs153 (ce qui se justifie a fortiori pour la loi de finances à propos de laquelle le gouvernement jouit d’une initiative exclusive). Il tient, ensuite, à la coloration généralement monolithique des Parlements africains qui les transforme en spectateurs de la vie politique dénués de toute envie d’initier les textes législatifs.

  • 154 Celles-ci se déclinent en deux. On a d’une part celles qui excluent toute proposition qui n’est pas (...)
  • 155 La quasi-totalité des États d’Afrique francophone prévoit cette irrecevabilité inspirée de la Const (...)

64Les deux autres facteurs sont d’ordre juridique. L’un est relatif aux nombreuses irrecevabilités qui menacent les propositions parlementaires telles des épées de Damoclès, lesquelles constituent un véritable obstacle à la mise en œuvre des celles-ci. Le droit constitutionnel comparé identifie deux catégories d’irrecevabilité que sont les irrecevabilités tenant à l’objet du texte154 et celles tenant à la protection des finances publiques, tendant à écarter les propositions ayant pour but de faire instituer des dépenses ou réduire l’assiette fiscale sans créer des sources de recettes ou des économies correspondantes155.

  • 156 Michel Ameller, Parlements, 2e éd., Paris, PUF, 1966, p. 197-198.
  • 157 Georges Burdeau, « La fonction gouvernementale », RPP, décembre 1946, p. 212.

65L’autre est relatif à la maîtrise de l’ordre du jour, question capitale pour la fonction législative, considérée comme « la clé de voûte du processus législatif » qui détermine « l’orientation et la qualité du travail législatif156 ». Maître de l’ordre du jour, le gouvernement peut se transformer en bourreau des propositions parlementaires indésirables en les excluant systématiquement de l’ordre du jour. Confiée au Parlement lui-même, la fixation de l’ordre du jour peut devenir l’instrument privilégié d’un blocage institutionnel dès lors qu’il est admis que l’exécutif doit avoir les moyens de mettre en œuvre la politique qu’il définit. Comme le reconnaît Georges Burdeau, « un gouvernement dépourvu de la faculté de légiférer serait aussi désarmé qu’un pilote privé de gouvernail157 ». L’idéal serait donc d’instituer un système qui prenne en compte à la fois l’autonomie des assemblées et les impératifs du pouvoir.

  • 158 Const. béninoise, art. 94 : « L’Assemblée nationale informe le président de la République de l’ordr (...)
  • 159 Voir article 84 (2) du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale du Bénin et l’article 82 (2) de (...)
  • 160 Dans ces pays, le recours abusif du Gouvernement aux procédures d’urgence a pour but d’annihiler la (...)

66À ce sujet, une double tendance se dégage, chacune étant tempérée par des aménagements. La première, très minoritaire, consiste à octroyer au Parlement la maîtrise absolue de son ordre du jour. C’est l’option choisie par le Togo et le Bénin qui confient au Parlement la mainmise sur l’établissement de l’ordre du jour. La Constitution togolaise est particulièrement péremptoire sur la question en son article 82 (1) : « l’Assemblée nationale a la maîtrise de son ordre du jour. Elle en informe le gouvernement158 ». Dans ces conditions, les besoins gouvernementaux d’inscription prioritaire ou de modification de l’ordre du jour font l’objet de demandes examinées en conférences des présidents159, à moins qu’il ne s’agisse de l’urgence demandée par le gouvernement160.

  • 161 Selon l’art. 48 (1) de la Constitution française, « L’ordre du jour des assemblées comporte, par pr (...)
  • 162 On peut ici citer les exemples du Burkina Faso (Const., art. 118(1)), du Cameroun (Const., art. 18[ (...)
  • 163 C’est le cas du Sénégal dont l’art. 84 de la Constitution du 22 janvier 2001 pose : « L’inscription (...)
  • 164 Const. camerounaise, art. 18 (4) (3) et art. 23 (4) (3) ; Const. burkinabé, art. 118 (2).

67L’autre tendance, majoritaire, calquée sur le modèle français161, consiste à octroyer la maîtrise de l’ordre du jour, quoique fixé par le Parlement, au gouvernement dont les projets de loi sont d’office prioritaires162 ou qui dispose du droit de fixer l’ordre de priorité des points à débattre pendant les séances163. Néanmoins, quelques aménagements sont prévus pour tempérer cette mainmise gouvernementale sur l’ordre du jour parlementaire. Ainsi, les Constitutions camerounaise et burkinabé prévoient un examen de droit des propositions gouvernementales qui n’ont pas été examinées à l’issue d’une période donnée (deux sessions ordinaires au Cameroun et deux mois au Burkina Faso)164.

  • 165 Const. camerounaise, art. 18 (5) et 23 (5) ; Const. gabonaise, art. 58.
  • 166 Const. camerounaise, art. 30 (3) (c) ; Const. ivoirienne, art. 110 (3) ; Const. congolaise, art. 15 (...)
  • 167 Const. camerounaise, art. 18(3)(a) et 23(3)(a) ; Const. ivoirienne, art. 107(2), Const. congolaise, (...)
  • 168 Jean-Pierre Camby, « Le droit d’amendement, une nouveauté », Mélanges Dmitri Georges Lavroff, Paris (...)
  • 169 François Luchaire et Gérard Conac, La constitution de la République française, Paris, Economica, 19 (...)
  • 170 Pierre Avril, « Le vote bloqué », RDP 1965, p. 399.

68La phase législative proprement dite est également marquée par la domination du gouvernement qui se manifeste de plusieurs manières : l’urgence de droit si demandée par le gouvernement165, arbitrage de l’exécutif en cas de conflit entre les deux Chambres du Parlement166, etc. Plus significative est la restriction du droit d’amendement167, élément privilégié de concertation de la loi168, qui peut prendre deux formes différentes. La première est à l’image de la restriction du droit d’initiative parlementaire relevé plus haut, c’est-à-dire qu’elle concerne l’exclusion des amendements en raison de la protection du domaine réglementaire et en raison de la protection des finances publiques. La seconde, qui procède de la procédure du vote bloqué inspirée de la Constitution française, consiste à obliger le Parlement à procéder à un vote d’ensemble pour rejeter une série d’amendements169. Considérée comme amputant le Parlement de ses moyens d’action vis-vis du gouvernement170, la procédure du vote bloqué n’est instituée que par certains pays d’Afrique francophone, à l’instar du Burkina Faso (Const., art. 121).

2.1.2. L’influence du gouvernement sur la justice

  • 171 Alioune Badara Fall, « Les menaces internes à l’indépendance de la justice », art. cité, p. 48.
  • 172 Martine Kaluszynski, « La judiciarisation de la société et du politique », intervention orale au Co (...)

69Elle renvoie à la problématique de l’indépendance de la justice, « condition sine qua non pour l’efficacité dans son action et sa crédibilité aux yeux des citoyens » et dont les termes, « varient selon les pays et [...] en fonction de la place du politique, du social, de l’idéologie ou de la religion dans le système étatique considéré171 ». L’intérêt de cette problématique est de plus en plus certain en Afrique depuis l’amorce du mouvement de démocratisation du début des années 90. Il s’explique par le phénomène de judiciarisation de la société entendue comme l’appropriation juridique progressive des phénomènes sociaux, y compris ceux jadis laissés à la seule dynamique politique172. Pourtant, la panne judiciaire diagnostiquée par des auteurs a pour cause principale une carence criarde d’indépendance de la justice, mise sous tutelle par un pouvoir exécutif trop fort. Les moyens de domination présidentiels sur la justice ayant déjà été évoqués plus haut, il sera exclusivement question ici de ceux mis à la disposition du gouvernement pour influencer son fonctionnement.

  • 173 On insistera ici qu’il ne s’agit que du pouvoir judiciaire, les autres organes du pouvoir juridicti (...)
  • 174 L’art. 5 de l’ordonnance no 58-270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de (...)
  • 175 Nadine Marie-Schwartzenberg, « Le parquet et la prokuratura dans une optique de droit comparé », R (...)
  • 176 Thierry Renoux, L’autorité judiciaire et le Conseil constitutionnel, Paris, Economica-PUAM, 1984, p (...)
  • 177 Voir le rapport du professeur Michèle-Laure Rassat à Monsieur le garde des Sceaux, Paris, ministère (...)
  • 178 Laurent Lemesle et Frédéric-Jérôme Pansier, Le procureur de la République, Paris, PUF, 1998, p. 21  (...)
  • 179 Claude Goyard, « Autorité judiciaire, indépendance de la magistrature, pouvoir judiciaire ? », Rev. (...)

70À ce titre, l’influence gouvernementale sur la justice est observable tant du point de vue de son organisation que de son fonctionnement173, les deux se tenant d’ailleurs. Sur l’organisation, l’influence du gouvernement découle de la structure pyramidale et hiérarchique de la justice qui produit des effets différents selon qu’il s’agisse de la magistrature assise ou de la magistrature debout (le parquet). Alors que la hiérarchie de la magistrature du siège place au sommet de l’organisation le plus haut magistrat de la plus haute juridiction nationale, la magistrature du parquet est généralement placée sous le contrôle du ministre de la Justice, garde des Sceaux qui trône au sommet du parquet national. Cette subordination du ministère public à la Chancellerie, conception spécifiquement française174 reprise par tous les États d’Afrique francophone qui cristallise « la crise identitaire du parquet175 » se justifie, selon certains auteurs, par la spécificité de ce corps. Ainsi, pour certains, l’indépendance de la justice ne concerne que les magistrats du siège176 alors que pour d’autres, les membres du ministère public ne représentent pas le corps judiciaire, mais bien le pouvoir exécutif ou la Nation entière177, et leurs fonctions ne sont pas inhérentes au pouvoir judiciaire178. En conséquence, concluent les défenseurs de cette option, la soumission du ministère public à la Chancellerie a pour but d’assurer le principe de la séparation des pouvoirs179.

  • 180 Art. 18(1) de la L. no 2011/028 du 14 décembre 2011 portant création d’un tribunal criminel spécial

71Cette structure organisationnelle déteint sur le fonctionnement de la justice. Ainsi placé au sommet du parquet national, le ministre de la Justice devient le procureur national qui peut donner des instructions aux procureurs de la République et aux procureurs généraux. Aussi est-il in fine le juge de l’opportunité des poursuites dans des cas qui sont susceptibles de nuire aux intérêts du gouvernement tout comme il peut intervenir dans le cours d’un procès pour demander l’abandon des charges contre un accusé ou un prévenu. Outre ces implications qui découlent de la structure organisationnelle de la magistrature du parquet, certains États consacrent expressément le droit pour le ministre de la Justice d’interférer dans le cours de la justice. Au Cameroun par exemple, la loi portant création, organisation et fonctionnement du tribunal criminel spécial donne au procureur de la République le droit d’abandonner les poursuites contre un accusé ou un condamné coupable de détournement des deniers publics après remboursement du corpus delicti, sur avis conforme du garde des Sceaux180.

  • 181 Daniel Soulez-Larivière, Grand Soir pour la justice, Paris, Seuil, 1997, p. 103.
  • 182 Mireille Delmas-Marty, Procédures pénales d’Europe. Allemagne, Angleterre et Pays de Galles, Belgiq (...)

72Cette structure organisationnelle qui fait du ministère public « le cheval de Troie de l’exécutif181 » amène à questionner la qualité de « magistrat » des membres du ministère public, ainsi exclus de l’application des principes d’indépendance et d’inamovibilité182. Aussi crée-t-elle dans l’esprit des citoyens des suspicions d’instrumentalisation de la justice qui porte atteinte à sa fiabilité et sa légitimité.

2.2. L’incertitude des contrepoids des autres pouvoirs vis-à-vis du gouvernement

  • 183 Demba Sy, « La renaissance du droit constitutionnel en Afrique : question de méthode », Droit sénég (...)

73Si pour certains auteurs, « l’implosion des régimes autoritaires, militaires, mono-partisans et présidentialistes a donné lieu à ce qu’on peut appeler un véritable précipité des régimes parlementaires généralement dualistes et rationalisés183 », il convient d’être plus mesuré dans les conclusions. Car les contrepoids institués pour amenuiser la domination gouvernementale ne produisent pas véritablement l’effet escompté tel qu’on le verra en étudiant les moyens d’action de chacun de ces pouvoirs sur le gouvernement.

2.2.1. L’hypothétique responsabilité politique du gouvernement devant le Parlement

  • 184 Stéphane Bolle, Le nouveau régime constitutionnel du Bénin : essai sur la construction d’une démocr (...)

74L’introduction des moyens de contrôle de l’action gouvernementale par le Parlement marque l’option parlementaire des régimes politiques africains post-transitions. Ils s’analysent comme des armes dont dispose le Parlement pour s’assurer de l’efficacité de l’action gouvernementale ou pour en sanctionner la philosophie et/ou la mise en œuvre. Si une certaine doctrine est d’avis que l’introduction des éléments du parlementarisme dans les Constitutions africaines des années 90 était un moyen pour contenir un exécutif impérial184, la réalité est autre. Car quoique la responsabilité politique du gouvernement puisse théoriquement être mise en œuvre devant le Parlement à travers les moyens d’information et de sanction, des obstacles tant textuels qu’opérationnels rendent cette possibilité plus qu’hypothétique.

2.2.1.1. Les moyens théoriques de mise en œuvre de la responsabilité politique du gouvernement

75On distingue les moyens d’information et les moyens de sanction.

  • 185 Les moyens de contrôle de l’action gouvernementale sont ainsi prévus par la Constitution béninoise (...)

76L’information parlementaire n’est pas exclusive aux régimes parlementaires puisqu’elle ne débouche pas sur une sanction directe du gouvernement185. Elle peut se faire à travers les questions ou les commissions.

  • 186 Michel Ameller, Les questions, instrument du contrôle parlementaire, Paris, LGDJ, 1964, p. 9.
  • 187 Georges Burdeau, cité par Michel Ameller, « L’heure de question au Palais Bourbon », Le Pouvoir. (...)
  • 188 René Dosière, « Le contrôle ordinaire », Pouvoirs 2010/3, no 134, p. 37-46, notamment p. 37.
  • 189 Philippe Lauvaux, « Le contrôle, source du régime parlementaire, priorité du régime présidentiel », (...)

77Définies comme l’acte par lequel un membre d’une assemblée demande à un ministre des explications sur un point déterminé de sa politique186, l’importance des questions parlementaires dans la construction démocratique réside dans l’établissement d’un « dialogue entre les responsables de la politique du pays et les représentants du peuple mandatés pour les contrôler187 ». Les questions peuvent être écrites ou orales. Contrairement à leur dénomination, la distinction tient moins à leur forme (toutes étant formulées par écrit) qu’à leurs régimes respectifs. Les questions écrites, procédure la plus courante, reçoivent des réponses par écrit, contrairement aux questions orales, procédure élémentaire et spontanée188 qui donne lieu à des réponses orales. Parmi les questions orales, on distingue les questions orales avec débat (questions urgentes) et celles qui font l’objet d’une séance publique particulière suivant le modèle du question time britannique189.

  • 190 Maurice Hauriou, Précis de droit constitutionnel [1929], Paris, CNRS, 1985, p. 527 ; Georges Vedel, (...)
  • 191 Pierre Avril et Jean Gicquel, op. cit., p. 22-23.

78Quant aux commissions, outre les commissions législatives permanentes qui peuvent, à l’occasion de leur travail législatif190, être amenées à auditionner tout membre du gouvernement ou toute personne dont l’avis est requis, l’information du travail gouvernemental est surtout le fait des commissions d’enquête et de contrôle. Celles-ci sont des structures ad hoc créées pour enquêter sur des faits précis, généralement selon une procédure quasi judiciaire191.

  • 192 Michel Ameller, Parlements, 2e éd., Paris, PUF, 1966, p. 45.
  • 193 Raymond Guillien et Jean Vincent, op. cit., p. 111 ; Pierre Avril et Jean Gicquel, op. cit., p. 17.
  • 194 Bertrand Peauvert, Droit constitutionnel, Levallois-Perret, Studyrama, 2004, p. 397.
  • 195 Pierre Avril et Jean Gicquel, op. cit., p. 25.

79Second moyen de contrôle de l’action gouvernementale par le Parlement, la sanction parlementaire débouche sur la responsabilité politique du gouvernement devant celui-ci, « pierre angulaire classique du régime parlementaire, car fondé sur l’équilibre des pouvoirs192 ». Cette procédure visant à faire démissionner le gouvernement, s’analyse comme la nécessaire contrepartie du droit de dissolution que détient le chef de l’État. Historiquement apparue en Grande-Bretagne, berceau de cette pratique, la mise en œuvre de la responsabilité politique du gouvernement peut être faite soit à travers la question de confiance, soit à travers la motion de censure. La motion de censure est une procédure par laquelle le Parlement entend mettre en jeu la responsabilité du gouvernement par la désapprobation de sa politique, en vue d’obtenir sa démission193. Quant à la question de confiance, qu’on appelle encore motion de censure provoquée194, c’est une procédure par laquelle le gouvernement requiert l’assentiment du Parlement en engageant sa responsabilité sur sa politique générale ou sur un projet de loi195.

2.2.1.2. Les obstacles à la mise en œuvre de la responsabilité politique du gouvernement ou la relativité de l’option parlementaire des Constitutions africaines

  • 196 Éric Thiers, « Le contrôle parlementaire et ses limites juridiques : un pouvoir presque sans entrav (...)
  • 197 Christian Bidegaray et Claude Emeri, « Le contrôle parlementaire », RDP 1973, p. 1719.
  • 198 Pierre Avril et Jean Gicquel, Droit parlementaire, Paris, Montchrestien, 2010, p. 312.
  • 199 Télesphore Ondo, « Réflexion sur le contrôle parlementaire au Gabon », art. cité, p. 333
  • 200 Contrairement à la France où toute personne qui fait obstruction au travail de la Commission peut ê (...)
  • 201 Kossi Somali, op. cit., p. 332-342.

80Plusieurs obstacles peuvent contribuer à saper l’efficacité des moyens de contrôle et de sanction de l’action gouvernementale par le Parlement. Sur les moyens d’information, il y’a d’abord le formalisme souvent excessif, la procédure parfois contraignante et les conditions toujours rigides qui gouvernent la constitution des commissions d’enquête et de contrôle, lesquels peuvent être de nature à dissuader les éventuels initiateurs196. Aussi, « l’impérialisme majoritaire197 » peut aboutir à bloquer toute velléité hégémonique du Parlement et contrer les tentatives de création de commissions d’enquête et de contrôle. C’est dans ce sens que Pierre Avril et Jean Gicquel évoquent dans le contexte français « l’opportunité politique » comme critère déterminant d’appréciation de la recevabilité de la demande de création d’une commission198. L’« investigation dépendance199 » est également à relever, car il s’agit de l’absence de pouvoir de contrainte des Commissions sur les autorités gouvernementales qui peuvent impunément s’opposer au travail de la commission200. À cela il faut ajouter le fait que dans certains pays, les parlementaires en général, y compris ceux de l’opposition, sont peu disposés à utiliser ces moyens mis à leur disposition, par incompétence ou par ignorance201.

  • 202 1/3 de chaque chambre au Burkina Faso (Const., art. 115), au Togo (Const., art. 98), au Cameroun (C (...)
  • 203 Majorité absolue au Burkina Faso (Const., art. 115), au Sénégal (Const., art. 86), au Gabon (Const. (...)
  • 204 On relèvera que la réussite de la motion de censure contre le gouvernement d’Eugene Koffi Adoboli e (...)

81Sur les moyens de sanction, pour des raisons tenant au souci de stabilité gouvernementale, le régime généralement institué par les constituants africains est peu propice à la mise en œuvre effective de ces moyens de sanction. En effet, qu’il s’agisse de l’initiative202 ou de la majorité requise203, tout est sciemment fait pour ne pas aisément aboutir à la mise en œuvre de la responsabilité politique du gouvernement par le Parlement. Le fait majoritaire consécutif au quasi-monolithisme des Parlements africains et la servilité des députés de la majorité gouvernementale font de la sanction politique du gouvernement par le Parlement un cas exceptionnel, voire une hypothèse d’école. Aussi peut-on observer l’extrême rareté de cette mise en œuvre dans les États d’Afrique francophone204. L’hypothèse du parlementarisme rationalisé se trouve une fois de plus vérifiée.

  • 205 André Moine, art. cité, p. 5.

82Sur un plan plus théorique, l’hypothèse du parlementarisme des Constitutions africaines doit être relativisée, voire questionnée. Comme on l’a vu, la responsabilité politique du gouvernement devant le Parlement constitue une marque de l’équilibre des pouvoirs qui caractérise le régime parlementaire et s’analyse en la contrepartie du pouvoir de dissolution du président de la République. Cependant, l’on peut observer que ce contre-pouvoir parlementaire n’est pas dirigé contre le véritable détenteur du pouvoir politique qu’est le président de la République. Comme il a été souligné plus haut, dans tous les pays d’Afrique francophone, y compris ceux qui confient la définition de la politique nationale au Premier ministre, c’est bien le chef de l’État qui assure cette fonction dans les faits. Cette configuration se justifie en plus par l’élection du président de la République au suffrage universel direct sur la base d’un programme. C’est donc lui qui devrait, logiquement, être responsable devant le Parlement. Dans ces conditions, la responsabilité du Premier ministre devant le Parlement comporte une double incongruité. D’une part, parce qu’il est dépourvu de légitimité populaire, il ne devrait pas être responsable devant le peuple. Il serait plus logique qu’il soit responsable devant celui dont il tient la légitimité, lequel devrait être politiquement comptable de ses actes devant le peuple. D’autre part, n’étant pas responsable de la définition de la politique nationale, la responsabilité politique oblige le gouvernement et notamment son chef à répondre d’une fonction qui n’est pas la sienne. On assiste ainsi à une logique renversée : l’exécutant répond du choix du mandant alors que le détenteur du pouvoir politique qui souvent gouverne de fait est politiquement irresponsable devant le Parlement205.

2.2.2. La nébuleuse responsabilité judiciaire des membres du gouvernement

  • 206 Philippe Ardant, Institutions politiques et droit constitutionnel, 18e éd., Paris, LGDJ, 1997, p. 5 (...)
  • 207 Maurice Kamto, « La responsabilité pénale des ministres sous la Ve République », RDP 1991, no 5, 19 (...)

83La problématique de la responsabilité juridique des membres du gouvernement se pose en termes identiques que celle du président de la République. À la question de savoir s’il est judicieux de placer les ministres sous un régime judiciaire de droit commun, Philippe Ardant reconnaît la nécessité d’instituer un régime dérogatoire pour éviter des poursuites abusives ou vindicatives206. Cependant, l’option généralement choisie par les États d’Afrique francophone varie selon la nature de la responsabilité. Outre la responsabilité politique qui vient d’être étudiée, Maurice Kamto distingue la responsabilité civile découlant du statut d’individu du ministre et la responsabilité pénale tributaire de son statut de citoyen « soumis aux lois régissant les libertés garantissant la paix, l’ordre public et les bonnes mœurs dans la Cité207 ». Aucune disposition particulière ne régit la responsabilité civile des ministres qui, de ce point de vue, « obéit aux règles de droit commun ».

  • 208 Frédéric-Joël Aivo, art. cité, p. 18.
  • 209 Christian Bigaut et Bernard Chantebout, « De l’irresponsabilité prétendue des ministres sous la Ve  (...)
  • 210 Philippe Ardant, Institutions politiques et droit constitutionnel, op. cit., p. 511.
  • 211 Il convient de rappeler que l’ancienne formulation de la Constitution française de la Ve République (...)
  • 212 Pour les références, voir supra.
  • 213 Const. burkinabé, art. 138 (2) ; Const. sénégalaise, art. 101 (2) ; Const. camerounaise, art. 53 (1 (...)

84Pour la responsabilité pénale, en revanche, les États d’Afrique francophone font le choix d’un régime d’exception « de responsabilité proportionné et mesuré208 » que certains auteurs justifient par la nature particulière de leurs fonctions209. Mais ici aussi, il convient de distinguer « [les] actes extérieurs à la fonction de ceux commis dans l’exercice de la fonction210 ». Si les actes détachables sont justiciables devant les tribunaux répressifs de droit commun, il en est autrement des actes accomplis dans l’exercice de la fonction ministérielle pour lesquels les Constitutions africaines, à l’instar de la France d’avant 1993211, instituent une procédure particulière suivie devant une juridiction particulière qu’est la Haute cour de justice212. Il ne faut cependant pas déduire une identité de régimes, car si la Haute cour de justice est instituée dans la quasi-totalité des États, ceux-ci se distinguent par la nature des infractions à elle confiées. En effet, alors que certaines Constitutions à l’instar de celle du Bénin font mention du terme générique d’« infractions commises » dans l’exercice des fonctions ministérielles, d’autres s’avèrent plus ciblées en visant des infractions particulières, à savoir les crimes et délits (Burkina Faso, Sénégal, etc.) ou le complot contre la sûreté de l’État (Cameroun)213. Dans ce cas, toute énumération étant limitative, les autres faits non explicitement visés, c’est-à-dire, par exemple, non constitutifs de crimes ou délits (à l’instar des contraventions) au Burkina Faso et au Sénégal, ou de complot contre la sûreté de l’État au Cameroun sont exclus de la compétence de la Haute cour de justice. Ne pouvant être impunis, et l’immunité ou l’irresponsabilité ne se présumant pas, ils ressortissent de la compétence du juge répressif de droit commun.

  • 214 Kossi Somali, op. cit., p. 372.
  • 215 Outre le fait que le Parlement fait généralement office de procureur en ce sens que lui seul peut m (...)
  • 216 Bertrand Mathieu, « La responsabilité pénale des ministres ou l’urgente réforme d’une institution f (...)
  • 217 C’est d’ailleurs cette malheureuse réalité qui a amené le constituant français à initier la modific (...)

85À ce titre, même s’il est vrai que l’autorité du chef de l’État peut déteindre jusque sur le régime de la responsabilité pénale des ministres à travers le transfert de facto de son irresponsabilité214, l’efficacité et l’effectivité du dispositif en place dépendent fortement de la juridiction concernée dans les pays qui instituent ce dualisme juridictionnel. La mise en cause de la responsabilité pénale des ministres s’avère ainsi improbable devant la Haute cour de justice en raison de sa nature politique, de sa composition et de la procédure contraignante suivie devant elle qui donne au Parlement de pouvoirs considérables215. Le fait majoritaire et la dynamique politique peuvent donc transformer ce régime en lettre morte216, ce qui explique le mutisme de ces juridictions spéciales en Afrique217. En revanche, la mise en œuvre de la responsabilité des ministres pour les infractions relevant de la compétence des juridictions répressives de droit commun est plus probable. Ainsi assiste-t-on dans certains pays, à l’instar du Cameroun, à l’ouverture des procédures judiciaires à l’encontre des ministres, dans le cadre de la lutte contre la corruption devant les juridictions répressives de droit commun.

Conclusion

  • 218 Hans Kelsen, Théorie générale du droit et de l’État, Paris, LGDJ, 1997 ; Raymond Carré de Malberg, (...)
  • 219 Si ces deux éminents juristes sont positivistes, ils se distinguent quant à la valeur qui fonde la (...)
  • 220 Louis Favoreu, La politique saisie par le droit : alternances, cohabitation et Conseil constitution (...)

86Après avoir constaté l’incontestable domination de l’exécutif sur les autres pouvoirs de l’État en Afrique noire francophone, il est important de conclure cette étude par une réflexion sur les fondements théoriques de cette domination. À ce titre, il convient de relever que, comme il a été précisé plus haut, les théoriciens précurseurs de la théorie de la séparation des pouvoirs rêvaient d’un schéma harmonieux, presque utopique, où l’organe créateur du droit était au-dessus de tous les autres. Cette vision a été le cheval de bataille de positivistes au rang desquels on retrouve les incontournables Hans Kelsen et Raymond Carré de Malberg218 qui, sur les pas des hommes de la Révolution, estiment que la hiérarchie des normes réduit l’autonomie de la sphère politique à sa plus mince expression. Ces auteurs défendent ainsi l’idée d’une soumission totale de l’État au droit, et de l’exécutif au législatif219. La belle formule de Louis Favoreu « la politique saisie par le droit » s’inscrit dans cette logique220.

  • 221 . M. Hauriou, Précis de droit constitutionnel, op. cit., p. 383.
  • 222 . Ibid., p. 388

87À rebours de cette vision, l’école de la puissance publique chapeautée par le doyen Maurice Hauriou défend, justifie et assume l’idée de la suprématie du politique sur le droit et, partant, de l’exécutif sur les autres pouvoirs. Pour le doyen de Toulouse, « la primauté du pouvoir exécutif doit être appréciée d’un point de vue politique et non pas d’un point de vue juridique221 ». Elle se fonde sur la force publique, son rôle en politique internationale et ses répercussions en politique intérieure, sur la tradition historique qui fait du pouvoir exécutif « le premier et le plus ancien pouvoir de l’État, celui dont les autres pouvoirs publics se sont détachés, mais qui demeure leur souche commune222 ». Peu importe donc que l’exécutif soit une source de droit inférieure au législatif puisque, poursuit-il :

  • 223 . Ibid., p. 473.

la place d’un pouvoir dans l’État ne doit pas être déterminée par le fait qu’il constitue une meilleure source de droit, mais par le fait qu’il réalise un meilleur organe de gouvernement, car il vaut mieux pour l’État vivre en utilisant un organe d’action qui est une source de droit inférieure que de succomber pour être resté fidèle à une source de droit supérieure qui n’est pas un organe d’action. Autrement dit, la place des pouvoirs dans l’État se règle dans le plan politique et non dans le plan juridique223.

  • 224 . M. Waline, « À propos des pleins pouvoirs », L’Année politique française et étrangère, 1933, p. 4 (...)

88Cette thèse souligne le caractère pernicieux de la thèse du positivisme juridique dont l’effritement progressif en 1933 marque, selon Marcel Waline, « un tournant de l’histoire du droit public224 ».

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Notes

1 Montesquieu (1689-1755), De l’esprit des lois, 1748, livre XI, chap. vi. Il convient de rappeler que, quoiqu’il soit le plus connu des théoriciens de la séparation des pouvoirs, Montesquieu n’en est cependant pas le créateur, car les origines théoriques de ce principe remontent à l’Antiquité, avec notamment les travaux de Platon (Lois) et Aristote (La Politique). Plus tard au xviie siècle, John Locke s’illustrera avec son Traité du gouvernement civil publié en 1690. Sur la question, lire Caroline Sägesser, « Législatif, exécutif et judiciaire. Les relations entre les trois pouvoirs », Dossiers du CRISP, vol. 87, no 2, 2016, p. 9-71 ; Mauro Barberis, « Le futur passé de la séparation des pouvoirs », Pouvoirs 2012, no 143, p. 5-15.

2 Raymond Guillien et Jean Vincent, Lexique des termes juridiques, 17e éd., Paris, Dalloz, 2010, p. 935.

3 Privat Mel Agnero, « La réalité du bicéphalisme du pouvoir exécutif ivoirien », RFD const. 2008/3, no 75, p. 413-549, notamment p. 514 ; Julien Boudon, « Brèves réflexions sur la “dyarchie” de l’exécutif en France », Droits 2016/1, no 63, p. 215-224.

4 Karl-Henri Voizard, « Réflexions autour de la légitimité du Conseil fédéral suisse », RFD const. 2013/1, no 93, p. 149-174.

5 Georges Burdeau, Traité de science politique. Les régimes politiques, 2e éd., Paris, LGDJ, 1970, t. V, p. 2-14.

6 La notion de système politique renvoie à « l’exercice du pouvoir tel qu’il résulte de la pratique institutionnelle dominante ». Voir Olivier Duhamel, Droit constitutionnel et politique, Paris, Seuil, 1994, p. 653-654.

7 Voir Jean-Louis Quermonne, « La distinction entre régime présidentiel et régime parlementaire commande-t-elle encore l’avenir de la Ve République ? », RDP 2005, no 6, p. 1505-1511, notamment p. 1508 ; Brigitte Vincent, « La typologie classique des régimes politiques à l’épreuve du constitutionnalisme est-Européen », dans Genoveva Vrabie (dir.), L’évolution des concepts de la doctrine classique de droit constitutionnel, Bucarest, Institutul European, 2008, p. 69-79.

8 Jean Gicquel et Jean-Éric Gicquel, Droit constitutionnel et institutions politiques, 24e éd., Paris, Montchrestien, 2010, p. 132.

9 Jean-Philippe Feldman, « Un régime parlementaire pour les pays d’Afrique », Audace. Institut Afrique, http://www.audace-afrique.org/attachments/243_Un%20régime%20parlementaire-JP-Feldman.pdf, p. 10.

10 Philippe Ardant et Bertrand Mathieu, Institutions politiques et droit constitutionnel, 22e éd., Paris, LGDJ, 2010, p. 347-348.

11 Selon l’expression consacrée par Maurice Duverger (« Les vaches sacrées », Itinéraires. Études en l’honneur de Léo Hamon, Paris, Economica, 1982, p. 639-645).

12 Pionnier dans la théorisation de ce régime politique à partir de la comparaison avec les régimes politiques en cours dans d’autres États européens, Duverger souligne comme trait caractéristique la combinaison de la responsabilité du gouvernement devant le Parlement avec l’existence d’un président de la République élu au suffrage universel direct muni de pouvoirs importants. Voir Maurice Duverger, « Le concept de régime semi-présidentiel », dans M. Duverger (dir.), Les régimes semi-présidentiels, Paris, PUF, 1986, p. 7-17 ; Maurice Duverger, « Système présidentiel et système semi-présidentiel », Jean-Louis Seurin (dir.), La présidence en France et aux États-Unis d’Amérique, Paris, Economica, 1986, p. 347-358.

13 Olivier Duhamel et Yves Meny, Dictionnaire constitutionnel, Paris, PUF, 1992, p. 694. Lauvaux définit quant à lui le parlementarisme rationalisé comme le fait de « traduire par les règles juridiques écrites et des mécanismes formels, les modes de fonctionnement du système parlementaire, et de les aménager dans une perspective rationnelle » (Philippe Lauvaux, Parlementarisme rationalisé et stabilité de l’Exécutif, Bruxelles, Bruylant, 1988, p. 9).

14 Krzysztof Wojtyczek, « La mondialisation et les mutations du droit constitutionnel », RED publ., vol. 22, no 1, 2010, p. 143-168.

15 André Cabanis et Babacar Guèye, « Dire le droit constitutionnel en Afrique francophone », Droit sénégalais, no 11, 2013, p. 105.

16 Ismaïla Madior Fall, « La construction des régimes politiques en Afrique : insuccès et succès », Afrilex, janvier 2014, p. 2.

17 Stéphane Bolle, « Des constitutions “made” in Afrique », disponible sur www.la-constitution-en-afrique.org, p. 1.

18 Le régime parlementaire est dit moniste lorsque la responsabilité du gouvernement ne peut être engagée que devant le Parlement. Il est en revanche dit dualiste si le gouvernement est à la fois responsable devant le Parlement et le chef de l’État. Voir Jean-Claude Colliard, « Conclusion », dans J.-C. Colliard (dir.), Les régimes parlementaires contemporains, Paris, Presses de Sciences Po, 1978, p. 273-283 ; Pauline Türk, Théorie générale du droit constitutionnel, 2e éd., Paris, Gualino, 2009, p. 122.

19 Jean Du Bois de Gaudusson, Gérard Conac et Christine Desouches, Les constitutions africaines publiées en langue française, Paris, La Documentation française, 1997, t. I.

20 L’échec du parlementarisme est principalement dû à son inadaptation au contexte sociologique des États d’Afrique francophone qui s’accommodent mal d’une figure présidentielle concurrencée et ne jouissant pas de pouvoirs étendus. Pour Gérard Conac, « si beaucoup de leaders historiques ont cherché à s’émanciper de l’influence du parlementarisme, c’était pour éviter d’avoir à partager des responsabilités gouvernementales entre un chef d’État et un Premier ministre qui ne pouvaient être rien d’autre que des concurrents » (Institutions constitutionnelles et politiques des États d’Afrique francophone et de la République malgache, Paris, Economica, « La vie du droit en Afrique », 1979, p. 57).

21 L’échec de la greffe du régime présidentiel de type américain tient à « la complexité inhérente au schéma institutionnel issu de la répartition du pouvoir dans la Constitution américaine du 17 septembre 1787 » qui débouchait sur une « défaillance “congénitale” des transplants institutionnels africains » (Ismaïla Madior Fall, « La construction des régimes… », art. cité, p. 9 et 10)

22 Olivier Duhamel et Yves Meny, op. cit., p. 813.

23 Louis Dubouis, « Le régime présidentiel dans les nouvelles constitutions des États africains », Penant, no 691, 1962, p. 222.

24 Sur la typologie des exécutifs, voir Joseph Owona, « Le pouvoir exécutif », Encyclopédie juridique de l’Afrique, Dakar-Lomé-Abidjan, Nouvelles Éditions africaines, 1982, t. I, p. 97 ; Paul-Marie Gaudemet, Le pouvoir exécutif, Paris, Montchrestien, 1966.

25 Ambroise Louison Essomba, Le domaine du pouvoir réglementaire du Premier ministre au Cameroun, thèse, FSJP, université de Douala, 2011-2012 ; Godefroy Moyen, « L’exécutif dans le nouveau constitutionnalisme africain : les cas du Congo, du Bénin et du Togo », Annales de l’université Marien-Ngouabi, vol. 10, no 3, 2009, p. 40-68, notamment p. 43.

26 Ismaïla Madior Fall, Le pouvoir exécutif dans le constitutionnalisme des États d’Afrique, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 13 ; Guillaume Pambou Tchivounda, « Essai de synthèse sur le Premier ministre africain », RJPIC, no 33, septembre 1979, p. 261 ; Gérard Conac, op. cit., p. 67 ; Serigne Diop, Le Premier ministre africain : la renaissance du bicéphalisme exécutif en Afrique à partir de 1969, thèse, université de Dakar, 1985, p. 11-15 ; Ibrahima Diop, L’exécutif dualiste dans les États d’Afrique noire francophone : étude de la problématique du partage du pouvoir exécutif, thèse, université de Clermont-Ferrand I, 1998.

27 Luc Ngwé, « Le Premier ministre dans les mutations politiques des États d’Afrique francophone : retour sur des expériences de formalisation d’un rôle et d’un ordre politiques », Afrika spectrum, no 1, 2006, p. 7-34.

28 Georges Burdeau, Traité de science politique, 2e éd., Paris, LGDJ, 1966, t. I, p. 98.

29 Selon Marie-Claire Ponthoreau, « les constitutionnalistes sont depuis toujours comparatistes par vocation » (Droit(s) constitutionnel(s) comparé(s), Paris, Economica, 2010, p. 40).

30 Le Bénin et le Tchad sont ainsi de parfaits exemples de la variation du cadre de l’étude. En effet, malgré la nature clairement présidentielle du régime institué par la Constitution béninoise de 1990 qui prévoit un exécutif moniste, en pratique, le pays a quasi systématiquement eu un exécutif dualiste. Cette pratique constitutionnelle a été rompue par le président en exercice Patrice Talon qui, lors de la constitution de son premier gouvernement en 2016, a décidé de ne point nommer de Premier ministre. Le Tchad quant à lui a, depuis 1991, systématiquement eu un exécutif dualiste, jusqu’à l’abolition du poste de Premier ministre par la Constitution de mai 2018 qui institue, de ce fait, un régime présidentiel.

31 Ismaïla Madior Fall, « La construction des régimes… », art. cité, p. 1.

32 Maurice Hauriou, Précis de droit constitutionnel, 2e éd., Paris, Sirey, 1929, p. 136.

33 Raymond Guillien et Jean Vincent, op. cit., p. 935.

34 Pierre Avril et Jean Gicquel, Lexique de droit constitutionnel, 4e éd., Paris, PUF, 2013, p. 87.

35 Roger Latournerie, cité par Pierre Avril et Jean Gicquel, Lexique…, op. cit., p. 87.

36 Alioune Sall, « Le bicéphalisme du pouvoir exécutif dans les régimes politiques d’Afrique noire : crises et mutations », Penant, no 825, septembre-décembre 1997, p. 287-309.

37 Télesphore Ondo, « Réflexion sur le contrôle parlementaire au Gabon », Revue juridique et politique des États francophones, no 3, juillet-septembre 2003, p. 305.

38 Selon les termes de Albert Bourgi, « Enfin les Premiers ministres à part entière ! », Jeune Afrique, no 1583, p. 26.

39 Élisée Tikonimbé Koupokpa, Le modèle constitutionnel des États d’Afrique noire francophone dans le cadre du renouveau constitutionnel : le cas du Bénin, du Niger et du Togo, thèse, université de Gand et université de Lomé, 2011, p. 43-54.

40 Const. togolaise initiale du 14 oct. 1992, art. 77 ; Const. nigérienne du 26 déc. 1992, art. 62 et 76 de la Const. nigérienne actuelle du 31 oct. 2010 ; Const. malienne du 12 janv. 1992, art. 53.

41 Const. togolaise initiale du 14 oct. 1992, art. 66.

42 Koffi Ahadzi-Nonon, « Le Premier ministre en Afrique noire francophone : étude de quelques exemples récents », Revue nigérienne de droit, no 1, novembre 1999, p. 53 et suiv.

43 Cette idéologie présidentialiste est a fortiori plus visible dans les pays qui, comme le Bénin, ont opté pour un régime de type présidentiel et où, en l’absence d’un Premier ministre (malgré la pratique), le président de la République est l’unique titulaire du pouvoir exécutif et le chef du gouvernement (Const. béninoise du 11 déc. 1990, art. 54). Dans ces conditions, il devient évident que la nomination d’un Premier ministre non prévu par la Constitution ne peut être que pour des raisons de coordination de l’action gouvernementale.

44 Const. gabonaise du 26 mars 1991, art. 15 et 16 ; Const. sénégalaise du 22 janv. 2001, art. 42 ; Const. camerounaise de 1996, art. 10 ; Const. nigérienne du 31 oct. 2010, art. 56 et 57 ; Const. malienne de 1992, art. 38 et 39, etc.

45 Jean-Philippe Feldman, art. cité, p. 9.

46 Au Gabon, la formule jadis consacrée par l’art. 8 (3) de la Constitution du 26 mars 1991 qui obligeait la concertation du gouvernement pour la définition de la politique de la Nation a été révisée par la modification du 11 janvier 2018 pour confier cette fonction au seul président de la République. En Côte d’Ivoire, si le Premier ministre fait généralement devant le Parlement une déclaration de politique générale, il s’agit en réalité de la présentation du programme conçu par le président de la République. Voir Privat Mel Agnero, art. cité, p. 519.

47 Jean Gicquel et Jean-Éric Gicquel, Droit constitutionnel..., op. cit., p. 653.

48 Ismaïla Madior Fall, « Quelques réserves sur l’élection du président de la République au suffrage universel. Les tabous de la désignation démocratique des gouvernants », Afrique contemporaine, vol. 242, no 2, 2012, p. 99-113, notamment p. 112.

49 Gérard Conac, « Portrait du chef d’État », Pouvoirs 1983, no 25, p. 121-130, notamment p. 121.

50 Jean-Philippe Feldman, art. cité, p. 8. Sur cette conclusion, voir également Alioune Sall, « Processus démocratique et bicéphalisme du pouvoir exécutif en Afrique noire : essai d’un bilan », Revue juridique et politique des États francophones, no 3, 2006, p. 412-462.

51 François Bastien, « À quoi sert l’élection du Président au suffrage universel ? », Parlement[s], vol. 4, no 2, 2005, p. 128-143, notamment p. 128.

52 Georges Pompidou, Le nœud gordien, Paris, Plon, 1974, cité par Didier Maus, Les grands textes et la pratique institutionnelle de la Ve République, Paris, La Documentation française, 2e éd., 1985, p. 65-67 ; Prival Mel Agnero, art. cité, p. 516 et suiv.

53 Sur la notion de césarisme démocratique, voir Antoni Peretiatkowicz, « Le césarisme démocratique et la nouvelle constitution de Pologne », RDP 1939, vol. 46, no 56, p. 309-325.

54 François Chazel, « Les écrits politiques de Max Weber : un éclairage sociologique sur les problèmes contemporains », Revue française de sociologie, vol. 46, no 4, 2005, p. 841-870.

55 Pour le célèbre auteur, « pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrêté le pouvoir » (Montesquieu, De l’esprit des lois, 1748, livre XI, chap. iv).

56 Jean Gicquel et Jean-Éric Gicquel, Droit constitutionnel, op. cit., p. 653.

57 Arthur Meier Schlesinger, La présidence impériale, Paris, PUF, 1976.

58 Lire utilement Télesphore Ondo, La responsabilité introuvable du chef d’État africain : analyse comparée de la contestation du pouvoir présidentiel en Afrique noire francophone (exemples camerounais, gabonais, tchadien et togolais), thèse, université de Reims, 2005.

59 Frédéric-Joël Aivo, « La responsabilité pénale des gouvernants dans les régimes politiques africains d’influence française », Afrilex, janvier 2010, p. 10.

60 Ibid., p. 8.

61 Louis Favoreu, « De la responsabilité pénale à la responsabilité politique du Président de la République », RFD const. 2002/1, no 49, p. 7-29, notamment p. 11.

62 Philippe Ardant, « La responsabilité pénale du président français. Réponse à deux questions », Pouvoirs 2000, no 92, p. 61-75, notamment p. 63.

63 Guy Carcassonne, « La responsabilité pénale du président français. Réponse à deux questions », op. cit., p. 64-65.

64 Michel de Villiers, Dictionnaire de droit constitutionnel, 2e éd., Paris, Armand Colin, 1999, p. 114.

65 Voir Const. sénégalaise du 22 janv. 2001, art. 101 ; Const. burkinabé du 2 juin 1991, art. 138 ; Const. ivoirienne du 8 nov. 2016, art. 157 ; Const. nigérienne du 31 oct. 2010, art. 142 ; Const. camerounaise modifiée, art. 53(3) ; Const. gabonaise du 26 mars 1991, art. 78 ; Const. béninoise de 1990, art. 136 ; Const. malienne de 1992, art. 95.

66 . Frédéric-Joël Aivo, art. cité, p. 13.

67 Philippe Ardant conteste avec véhémence la relation établie entre haute trahison et responsabilité pénale. Selon cet auteur, la haute trahison devrait plutôt être rattachée à la responsabilité politique du président de la République dès lors « qu’elle peut très certainement être constituée par des actes qui ne correspondent pas à des infractions pénales » et peut être exercée indépendamment de la qualification de crime ou délit et des peines édictées par le Code pénal. Aussi, poursuit-il, la Haute Cour de justice dispose de pouvoirs discrétionnaires qui lui permettent d’exercer une justice politique sans entrave, le principe nullum crimen, nulla poena sine lege ne lui étant pas opposable (« Responsabilité politique et pénale des chefs d’État, des chefs de gouvernement et des ministres », RID comp. 2002, vol. 54, no 2, p. 465-485, notamment p. 467-468).

68 Marie-Anne Cohendet, Le président de la République, Paris, Dalloz, 2002, p. 33.

69 Selon l’art. 136(2) de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990, « les juridictions de droit commun restent compétentes pour les infractions perpétrées en dehors de l’exercice de leurs fonctions et dont ils sont pénalement responsables ».

70 Voir, en ce qui concerne les arguments pour, Jean Foyer, « Haute Cour de justice », Répertoire de droit pénal, no 34, mars 1999, p. 5. Pour cet auteur, « en tant que personne privée, le président de la République ne bénéficie d’aucune immunité ni d’aucun privilège de juridiction. Il est pénalement et civilement responsable comme citoyen, des actes commis avant le début de ses fonctions et de ceux commis pendant la durée de ces fonctions dès lors qu’ils en sont détachables » ; pour les arguments contre, voir Georges Vedel, Le Monde, 27 août 1998.

71 Pour Louis Favoreu, l’engagement de la responsabilité pénale de Jacques Chirac, alors président de la République française, était un moyen de mettre en cause sa responsabilité politique, c’est-à-dire un moyen de le fragiliser face à l’opinion publique et aux électeurs, à quelques mois de l’élection présidentielle (art. cité, p. 19).

72 Guy Carcassonne, « Le président de la République et le juge pénal », Droit et politique à la croisée des cultures, Mélanges Philippe Ardant, Paris, LGDJ, 1999, p. 275-288, notamment p. 277. L’auteur juge l’idée d’une responsabilité ordinaire du président de la République pour les actes détachables de sa fonction comme « textuellement peu convaincante, historiquement logiquement absurde, comparativement indéfendable, démocratiquement douteuse ».

73 Léon Duguit, Traité de droit constitutionnel, t. IV : L’organisation politique de la France, 2e éd., Paris, Boccard, 1924, p. 499. L’auteur estime que l’imprécision du régime du crime de haute trahison est un obstacle à l’application des dispositions constitutionnelles qui créent la notion.

74 André Moine, « L’irresponsabilité politique du président de la Ve République (à la suite des révisions constitutionnelles de 2007 et 2008) », Actes du 8e Congrès de l’Association française de droit constitutionnel, Nancy, 16-18 juin 2011, p. 1, http://www.droitconstitutionnel.org/congresNancy/comN6/moineTD6.pdf.

75 Mathilde Philip-Gay, L’amnistie des dirigeants politiques : contribution à l’étude de la responsabilité en droit constitutionnel comparé international, thèse, université Jean-Moulin Lyon III, octobre 2005, p. 58-59.

76 Pierre Avril, « Pouvoir et responsabilité », Le pouvoir. Mélanges en l’honneur de Georges Burdeau, Paris, LGDJ, 1977, p. 9.

77 Raymond Guillien et Jean Vincent, op. cit., p. 633.

78 André Moine, art. cité, p. 1.

79 Voir Moctar Tall, Le Parlement dans les États d’Afrique noire francophone : essai sur le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Togo, le Sénégal, thèse, université de Poitiers, 1986, p. 118-122.

80 Louis Favoreu, art. cité, p. 19.

81 Voir Philippe Ardant, « La responsabilité politique et pénale des chefs d’État, des chefs de gouvernements et des ministres », art. cité, p. 475-476.

82 André Moine, art. cité, p. 2

83 En France, cette justification peut se doubler d’une autre, celle du défaut d’attributions susceptibles de provoquer la responsabilité politique du président de la République dès lors que tous les actes qu’il prend font l’objet d’un contreseing du Premier ministre ou des ministres concernés, à l’exception de ceux correspondant principalement à son rôle d’arbitre. L’apposition de ce contreseing a pour effet symbolique de faire endosser à ces derniers la responsabilité politique de ces actes devant les représentants du peuple.

84 C’est sans doute en raison de ces comportements que le constituant français a substitué l’irresponsabilité politique du chef de l’État par une responsabilité exceptionnelle et dérogatoire, quoiqu’incohérente et improbable, à la faveur de la modification de l’art. 68 de la Constitution française intervenue le 23 février 2007, laissant les constituants africains seuls avec leurs œillères. Voir Marie de Cazals, « La Ve République face à l’instauration d’une destitution politique inédite du président de la République. Retour sur la révision du titre IX de la Constitution du 4 octobre 1958 », RFD const. 2007/3, no 71, p. 451-470.

85 Voir infra.

86 En effet, alors que Charles de Gaulle démissionne en 1969 après le résultat négatif au référendum sur la réforme des régions et la transformation du Sénat, Jacques Chirac refuse de lier son destin politique à l’issue d’un référendum : « s’ils [les Français] répondent oui, c’est très bien. S’ils répondent non, c’est très bien », affirme-t-il en 2000, à l’occasion du référendum sur le quinquennat. Aussi écarte-t-il l’hypothèse de sa démission après le référendum sur le Traité de constitution européenne tenu en mai 2005 après l’échec du « oui » pour lequel il avait battu campagne. Sur la question, voir André Moine, art. cité, p. 2 ; Philippe Ardant, « La responsabilité politique et pénale des chefs d’État, des chefs de gouvernements et des ministres », art. cité, p. 478.

87 Exception faite de quelques rares cas notables, comme au Togo où le Conseil supérieur de la magistrature est présidé par le président de la Cour suprême. Voir art. 116 (2) de la Constitution.

88 En guise d’illustration, voir l’art. 28 de la loi organique L 91/011 du 23 décembre 1991 portant création du Conseil supérieur de la magistrature (Guinée) ; Const. du 11 juin 1991 (Burkina Faso), art. 132 ; art. 1er de l’ordonnance no 60-16 du 3 septembre 1963, ainsi que la loi organique no 92-26 du 30 mai 1992 (Bénin). Voir Alioune Badara Fall, « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du juge dans les systèmes politiques en Afrique », Afrilex, no 3, juin 2003, p. 11.

89 Félix Bakounda-Mpele, « Repenser le président africain », Actes du VIIe Congrès français de droit constitutionnel, Paris, 25-27 septembre 2002, http://www.droitconstitutionnel.org/congresParis/comC6/BankoundaTXT.pdf, p. 10.

90 Alioune Badara Fall, « Les menaces internes à l’indépendance de la justice », L’indépendance de la justice, Actes du 2e congrès de l’Association des hautes juridictions de cassation des pays ayant en partage l’usage du français (AHJUCAF), Dakar, 7-8 novembre 2007, p. 47-75, notamment p. 58.

91 Alioune Badara Fall, « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics… », art. cité, p. 13.

92 Boniface Obou Ouraga, Droit constitutionnel et science politique, Abidjan, ABC, 2012, p. 182-184.

93 Meïssa Diakhate, « Les ambiguïtés de la juridiction constitutionnelle dans les États d’Afrique noire francophone », RDP 2015-3, p. 785.

94 Selon l’art. 89 (3) de la Constitution sénégalaise du 22 janvier 2001, « les membres du Conseil constitutionnel sont nommés par le président de la République ».

95 Généralement le Parlement et le corps judiciaire (Benin : Const., art. 115 ; RDC : Const., art. 182 ; Burkina Faso : Const., art. 153 ; Gabon : art. 89 ; Mali : Const., art. 91, etc.). Le Niger fait figure d’exception ici, car outre les membres nommés par le président de la République, le Parlement et le corps de la magistrature, la Cour constitutionnelle y est composée de représentants d’avocats, d’enseignants-chercheurs et d’associations de défense des droits de l’homme, tous élus par leurs pairs (Const., art. 121).

96 Célestin Keutcha Tchapnga, « Règlement intérieur de l’Assemblée nationale – Procédure de validation – Inconstitutionnalité. Note sous CS, décision no 001/CC/02-03 du 28 novembre 2002 », Juridis Périodique, no 53, janvier-février-mars 2003, p. 66. Marcelin Nguele Abada, « Commentaires de la décision no 001/CC/02-03 du 28 novembre 2002 à propos du Règlement de l’Assemblée nationale », LPA 3 août 2004, no 154, p. 15-22.

97 Sur la question, voir l’étude menée par Claude F. Momo, John Keudjeu de Keudjeu et Éric-Adol T. Gatsi « La loi en droit constitutionnel africain », dans Maurice Kamto (dir.), Traité de droit constitutionnel africain, à paraître.

98 Voir Const. burkinabé, art. 50 ; Const. camerounaise, art. 8(12) ; Const. sénégalaise, art. 87 ; Const. gabonaise, art. 19 ; Const. nigérienne, art. 59 ; Const. malienne, art. 42, etc.

99 Voir Const. camerounaise, art. 15(3).

100 Les proportions des membres de la chambre haute nommés par le président de la République sont de l’ordre suivant : 30/90 à Madagascar (Const., art. 77) ; 8/26 au Rwanda (Const. rwandaise de 2003, art. 82) ; 1/3 au Togo (Const. togolaise, art. 52 (7).

101 Éric-Adol T. Gatsi, « Mise en place du Sénat au Cameroun : légalité et légitimité en question », RDP 2015, p. 1627-1648, notamment p. 1636.

102 Const. camerounaise, art. 18 (4) et 23 (4) ; Const. gabonaise, art. 57.

103 Const. camerounaise, art. 30 (3)(c) ; Const. ivoirienne, art. 110(3) ; Const. congolaise, art. 150 ; Const. gabonaise, art. 58a.

104 Const. du Mali, art. 74 ; Const. du Burkina Faso, art. 107, Const. du Niger, art. 106, Const. du Gabon, art. 52, Const. ivoirienne, art. 106 ; Const. camerounaise, art. 28, etc.

105 Marc Guillaume, « Les ordonnances : tuer ou sauver la loi ? », Pouvoirs 2005, no 114, p. 117-129, notamment p. 118.

106 Yves Nau, Le pouvoir de veto du chef de l’Exécutif dans les régimes politiques libéraux, thèse, Paris 2, 1985, p. 322.

107 Voir, par exemple, Const. du Burkina Faso, art. 59, Const. du Bénin, art. 68.

108 Cour constitutionnelle béninoise, décision DCC 27-94 du 24 août 1994. Voir Kossi Somali, Le Parlement dans le nouveau constitutionnalisme en Afrique, thèse, université Lille 2, 2008, p. 157.

109 La notion de contre-pouvoir s’entend ici au sens de la limitation de l’abus du pouvoir politique ou de la propension à en abuser par un pouvoir de l’État. Sur la question, voir Fabrice Hourquebie, « Le contre-pouvoir enfin connu. Pour une analyse de la démocratie constitutionnelle en termes de contre-pouvoirs », Démocratie et liberté, tension, dialogue et confrontation. Mélanges en l’honneur de Slobodan Milacic, Bruxelles, Bruylant, 2008, p. 100.

110 Gérard Conac, art. cité, p. 126.

111 C’est le cas des moyens de sanction du gouvernement à l’instar de la question de confiance et de la motion de censure qu’on trouve dans les constitutions de la quasi-totalité des États d’Afrique francophone (voir infra) et du refus d’adoption d’un projet de loi. Voir Stéphane Pinon, « Une Ve République toujours plus “parlementaire” », Recueil Dalloz, 2008, p. 3096 ; André Moine, art. cité, p. 5.

112 Pierre Avril et Jean Gicquel, op. cit., p. 20.

113 Const. togolaise initiale du 14 oct. 1992, art. 66.

114 Emmanuel Grégoire, « La cohabitation au Niger », Afrique contemporaine, no 175, p. 48.

115 Jean Du Bois de Gaudusson, « Les solutions constitutionnelles des conflits politiques », Afrique contemporaine, no spécial, 4e trim. 1996, p. 256.

116 Au Togo, saisi à l’initiative du président de la République après une guerre épistolaire avec le Premier ministre, la Chambre administrative de la Cour suprême se prononça clairement, au détour d’une lecture quelque peu biaisée des dispositions querellées, en faveur du premier sur deux questions relatives aux effets de la présidence du Conseil des ministres et à l’étendue du pouvoir de nomination de chacun. Sur cette question, voir Koffi Ahadzi-Nonon, art. cité, p. 53 ; Élisée Tikonimbé Koupokpa, op. cit., p. 77-82. Au Niger, le Premier ministre Hama Amadou sortit globalement vainqueur de l’arbitrage de la Cour suprême du feuilleton conflictuel avec le président de la République Mahamane Ousmane. L’auguste juridiction condamna la création par ce dernier d’un secrétariat général du Conseil des ministres rattaché à la présidence de la République qui s’analysait comme une tentative de dépouillement des prérogatives constitutionnelles du Premier ministre et son refus de voir présider le Conseil des ministres par le président de la République. Aussi dut-elle préciser l’étendue du pouvoir de nomination des deux autorités en condamnant, cette fois-ci, la nomination, par le Premier ministre, des hauts cadres de l’administration, dont les préfets et sous-préfets, alors que seul le président de la République détenait de telles prérogatives. Voir Emmanuel Grégoire, art. cité, p. 45 et suiv. ; Élisée Tikonimbé Koupokpa, op. cit., p. 73-77.

117 Voir Jeune Afrique, no 3060, 1er-7 septembre 2019.

118 Markus Böckenförde Babacar Kante, Yuhniwo Ngenge et Henry Kwasi Prempeh, Les juridictions constitutionnelles en Afrique de l’Ouest. Analyse comparée, Stockholm-Munich, IDEA-Fondation Hanns Seidel, 2016, p. 41 et suiv.

119 Voir, par exemple, la décision du Conseil constitutionnel burkinabé no 2005-007/CC/EPF du 14 octobre 2005, annulation de la candidature de M. Blaise Compaoré ; Cons. const. du Sénégal, déc. no 3/E/2012 du 29 janvier 2012, contestation de la candidature de M. Abdoulaye Wade  ; Cons. const. du Burundi, déc. RCCB 303 du 4 mai 2015, contestation de la candidature de M. Pierre Nkurunziza.

120 Babacar Kante, « Les juridictions constitutionnelles et la régulation des systèmes politiques en Afrique », Constitution et pouvoirs. Mélanges en l’honneur de Jean Gicquel, Paris, Montchrestien, 2008, p. 265-276, notamment p. 276.

121 Cons. const., déc. no 62-20 DC du 6 novembre 1962, Loi relative à l’élection du président de la République au suffrage universel direct ; déc. no 2003-469 DC du 26 mars 2003, Révision constitutionnelle relative à l’organisation décentralisée de la République. Sur la question, voir Bruno Genevois, « Les limites d’ordre juridique à l’intervention du pouvoir constituant », RFDA 1999, p. 29 ; Bertrand Mathieu, « La supra-constitutionnalité existe-telle ? », LPA 8 mars 1995, p. 12.

122 Dans une jurisprudence désormais confirmée, le Conseil constitutionnel sénégalais s’est par exemple déclaré incompétent à contrôler la constitutionnalité d’une loi de modification constitutionnelle. Voir déc. no 9/C/98 du 9 octobre 1998 relative à la rééligibilité du président de la République et la réglementation de la compétition électorale et déc. no 3/2005 du 18 janvier 2006 concernant une loi constitutionnelle prorogeant le mandat des députés élus. Voir Ismaïla Madior Fall, Évolution constitutionnelle du Sénégal : de la veille de l’indépendance aux élections de 2007, Paris, Karthala, 2009, p. 76.

123 Voir les arrêts de la Cour const. du Mali, déc. MLI-2001-A-003 01-128 du 12 décembre 2001, Loi portant révision de la constitution du 25 février 1992 ; Cons. const. du Tchad, déc. no 001/CC/SG/04 du 11 juin 2004, Loi portant révision de la constitution du 31 mars 1996 ; Cour const. du Bénin, déc. DDC 06-074 du 8 juillet 2006, Loi constitutionnelle portant révision de l’art. 80 de la Constitution du 11 décembre 1990 et déc. DCC 11-067 du 20 octobre 2011, Loi organique portant conditions de recours au référendum ; Cour const. du Niger, avis no 2/CC du 25 mai 2009, Interprétation de certaines dispositions de la Constitution. Le juge affirme en l’espèce qu’« ayant juré de respecter et de faire respecter la Constitution que le peuple s’est librement donnée », le président de la République « saurait engager ou poursuivre le changement de la Constitution sans violer son serment ».

124 Luc Sindjoun, Les grandes décisions de la justice constitutionnelle africaine : droit constitutionnel et jurisprudentiel et politiques constitutionnelles au prisme des systèmes politiques africains, Bruxelles, Bruylant, 2009, p. 311.

125 Mactar Kamara, « Supra-constitutionnalité et exercice du pouvoir constituant dérivé », RRJ 2008, p. 1436.

126 Adama Kpodar, « Controverse doctrinale », ABJC, Revue de contentieux constitutionnel, no 1, 2013, p. 712.

127 Joseph Djogbenou, « Le contrôle de constitutionnalité des décisions de justice au Bénin : une fantaisie de plus ? », Afrilex, 2014, p. 1-27.

128 Claude F. Momo, « Le gardien de la Constitution en Afrique subsaharienne francophone », RRJ 2017-1, p. 371-420.

129 Dodzi Kokoroko, « Réflexions sur la limitation jurisprudentielle du pouvoir de révision au Bénin », Constitutions, no 3, 2013, p. 329-342.

130 Voir, en ce sens, Dodzi Kokoroko, « L’apport de la jurisprudence constitutionnelle à la consolidation des acquis démocratiques. Les cas du Bénin, du Mali, du Sénégal et du Togo », RBSJB, no 18, 2009, p. 85.

131 Albert Bourgi et Christian Casteran, Le printemps de l’Afrique, Paris, Hachette, 1991.

132 Déc. no 022/CC du 30 avril 2018. Pour le juge, les destins de l’Assemblée nationale et du gouvernement sont intimement liés. Ainsi, d’une part, aucun cas de force majeure n’ayant été signalé, le mandat des membres de l’Assemblée nationale prorogé doit cesser ; et d’autre part, en présence de la dissolution de l’Assemblée nationale qui reçoit le programme de politique générale du gouvernement, celui-ci ne peut qu’être démis.

133 Déc. no 064/CC du 22 novembre 2016 et déc. no 020/CC du 11 juillet 2017. Dans ces décisions, après avoir constaté l’impossibilité de procéder à la tenue des élections dans le délai légal, la Cour constitutionnelle avait prolongé le mandat des députés en cours de mandat jusqu’à la date du 30 avril 2018, date butoir de l’organisation desdites élections.

134 Ismaïla Madior Fall, « La construction des régimes politiques en Afrique… », art. cité, p. 35.

135 Ibid., p. 34.

136 Quoiqu’il ait des affinités avec la cohabitation, le gouvernement d’union nationale s’en démarque néanmoins. Voir Omar Diop, Partis politiques et processus de transition démocratique en Afrique noire : recherches sur les enjeux juridiques et sociologiques du multipartisme dans quelques pays de l’espace francophone, Saint-Denis, Publibook, 2006, p. 312.

137 Ces mesures ont été inscrites dans les nombreux accords de sortie de crise qui ont émaillé la crise ivoirienne (Accords de Lomé, de Linas Marcoussis, d’Accra, de Pretoria, de Ouagadougou). Sur la question, voir Basile Aka Koby, « Démocratie et gouvernance politique », État de la gouvernance en Afrique de l’Ouest : Côte d’Ivoire, Dakar, CODESRIA, 2011, p. 19-49, notamment p. 22, https://www.codesria.org/IMG/pdf/GMP_Coted_Ivoire_2011.pdf?3138/93e3c2ca502d019536bf26f8f634f1bc80e6e9ce.

138 Alain Ondoua, « La population en droit constitutionnel. Le cas des pays d’Afrique francophone », Afrique contemporaine, vol. 242, no 2, 2012, p. 87-97.

139 On laissera de côté ici les soulèvements populaires à l’origine des printemps arabes qui sortent du champ d’études géographique de cette réflexion. Sur la question, on se référera à Mathieu Touzeil-Divina, « Printemps et révolutions arabes : un renouveau pour la séparation des pouvoirs ? », Pouvoirs 2012, no 143, p. 22-45.

140 Claude F. Momo, art. cité.

141 Les soulèvements populaires contre la rupture de la légalité constitutionnelle en RDC avec l’expiration du mandat du président Joseph Kabila depuis décembre 2016 ; ainsi que ceux nés de la contestation de la volonté du président Pierre Nkurunziza de faire sauter le verrou de la limitation des mandats présidentiels au Burundi en octobre 2017 sont, par exemple, restés vains.

142 Sur cette question, Ismaïla Madior Fall, « La construction des régimes politiques en Afrique… », art. cité, p. 35.

143 En l’espèce, le soulèvement populaire contre la modification constitutionnelle se transforma, chemin faisant, en une insurrection qui provoqua la chute du régime Compaoré en place depuis plusieurs décennies. Voir Abdoulaye Soma, « Réflexion sur le changement insurrectionnel au Burkina Faso », Revue Cames, sciences juridiques et politiques, no 1, 2015, p. 4.

144 Voir Larry D. Kramer, Le peuple lui-même : constitutionnalisme populaire et contrôle de constitutionnalité, Oxford, Presses de l’université d’Oxford, 2004, p. 77-82.

145 Théodore Holo dira à cet effet que dans un régime présidentiel, « le Parlement se borne à faire la loi, mais ne participe pas à son exécution ; l’exécutif se contente d’exécuter la loi sans jamais prendre part à son élaboration » (« Droit constitutionnel. Différents régimes politiques », Juris-Info, no 6, 5 juillet 1990).

146 Moctar Tall, op. cit.

147 En vertu de ce domaine illimité, le Parlement pouvait légiférer sur tout, y compris sur la détermination du nombre de chevaux dans les haras nationaux. Voir Gilles Toulemonde, Le déclin du Parlement, mythe et réalités, thèse, université de Lille 2, 1998, p. 231. Pour certains auteurs, cette situation était critiquable dès lors qu’elle obligeait la loi à légiférer sur l’infiniment petit de l’administration, et la gestion du quotidien alors même que son domaine devra être la formulation des principes généraux. Voir Jean Charpentier, « Les lois-cadres et la fonction gouvernementale », RDP 1958, p. 253.

148 Paul Durand, « La décadence de la loi dans la constitution de la cinquième République », JCP, 1959, no 1470, p. 4.

149 Kossi Somali, op. cit., p. 250-252.

150 Qu’il s’agisse du président de la République comme au Bénin, au Cameroun, au Sénégal (art. 105 des constitutions béninoise et camerounaise), du gouvernement au Togo (Const., art. 83), Gabon (Const., art. 53), au Niger (Const., art. 109), etc. ou même les deux comme au Sénégal (Const., art. 50).

151 En guise d’exemple, hormis la première législature du Parlement togolais où des propositions parlementaires plus ou moins nombreuses ont été enregistrées du fait de la multicoloration politique, l’initiative parlementaire frise désormais la nullité. Au Bénin, en revanche, où l’activité parlementaire est autrement plus dynamique, de nombreuses propositions de loi sont enregistrées, quoique divers moyens soient souvent utilisés par le gouvernement pour les torpiller. Sur la question, voir Kossi Somali, op. cit., p. 255-261.

152 Maurice Hauriou, op. cit., p. 352.

153 Selon Pierre Avril, « le gouvernement, qui dispose du concours des administrations centrales, est techniquement mieux équipé pour élaborer les textes que ne le sont les parlementaires » (« Qui fait la loi ? », Pouvoirs 2005, no 114, p. 92).

154 Celles-ci se déclinent en deux. On a d’une part celles qui excluent toute proposition qui n’est pas du domaine de la loi et qui tend à la protection du domaine réglementaire (Const. béninoise, art. 104 ; Const. du Faso, art. 123) et celles qui excluent toute proposition sur un domaine législatif, mais faisant l’objet d’une habilitation législative en vue de l’adoption d’une ordonnance (Const. béninoise, art. 104 (3)).

155 La quasi-totalité des États d’Afrique francophone prévoit cette irrecevabilité inspirée de la Constitution française. Voir Const. du Burkina Faso, art. 120 ; Const. du Bénin, art. 107 ; Const. du Togo, art. 90 ; Const. du Niger, art. 111 ; Const. du Gabon, art. 55 ; Const. du Congo Brazzaville, art. 11 ; Const. du Mali, art. 75 et 77, Const. de la République centrafricaine, art. 59, etc.

156 Michel Ameller, Parlements, 2e éd., Paris, PUF, 1966, p. 197-198.

157 Georges Burdeau, « La fonction gouvernementale », RPP, décembre 1946, p. 212.

158 Const. béninoise, art. 94 : « L’Assemblée nationale informe le président de la République de l’ordre du jour de ses séances et celui de ses commissions. » La Cour constitutionnelle béninoise a d’ailleurs confirmé cette maîtrise de l’ordre du jour par le Parlement au détriment du gouvernement en décidant « qu’aucun délai n’est imposé entre cette communication et la séance à laquelle les membres du gouvernement peuvent assister » et qu’« il [revenait] au gouvernement de prendre les dispositions pour s’y faire entendre le cas échéant » (DCC 32-94 du 1er octobre 1994).

159 Voir article 84 (2) du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale du Bénin et l’article 82 (2) de la Constitution togolaise.

160 Dans ces pays, le recours abusif du Gouvernement aux procédures d’urgence a pour but d’annihiler la maîtrise par le Parlement de l’ordre du jour. Voir Kossi Somali, op. cit., p. 143.

161 Selon l’art. 48 (1) de la Constitution française, « L’ordre du jour des assemblées comporte, par priorité et dans l’ordre que le gouvernement a fixé, la discussion des projets de loi déposés par le gouvernement et des propositions de loi acceptées par lui ».

162 On peut ici citer les exemples du Burkina Faso (Const., art. 118(1)), du Cameroun (Const., art. 18[4] et 23[4]) ou encore du Gabon (Const., art. 57(1)).

163 C’est le cas du Sénégal dont l’art. 84 de la Constitution du 22 janvier 2001 pose : « L’inscription, par priorité, à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ou du Sénat d’un projet ou d’une proposition de loi ou d’une déclaration de politique générale, est de droit si le président de la République ou le Premier ministre en fait la demande ».

164 Const. camerounaise, art. 18 (4) (3) et art. 23 (4) (3) ; Const. burkinabé, art. 118 (2).

165 Const. camerounaise, art. 18 (5) et 23 (5) ; Const. gabonaise, art. 58.

166 Const. camerounaise, art. 30 (3) (c) ; Const. ivoirienne, art. 110 (3) ; Const. congolaise, art. 150, Const. gabonaise, art. 58a.

167 Const. camerounaise, art. 18(3)(a) et 23(3)(a) ; Const. ivoirienne, art. 107(2), Const. congolaise, art. 145, Const. gabonaise, art. 55.

168 Jean-Pierre Camby, « Le droit d’amendement, une nouveauté », Mélanges Dmitri Georges Lavroff, Paris, Dalloz, 2005, p. 109.

169 François Luchaire et Gérard Conac, La constitution de la République française, Paris, Economica, 1979, p. 873.

170 Pierre Avril, « Le vote bloqué », RDP 1965, p. 399.

171 Alioune Badara Fall, « Les menaces internes à l’indépendance de la justice », art. cité, p. 48.

172 Martine Kaluszynski, « La judiciarisation de la société et du politique », intervention orale au Colloque RIAD – Association internationale de l’assurance de protection juridique Paris, 21-22 septembre 2006, https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00134738/document.

173 On insistera ici qu’il ne s’agit que du pouvoir judiciaire, les autres organes du pouvoir juridictionnel à l’instar de la justice constitutionnelle étant placés en dehors de l’influence gouvernementale.

174 L’art. 5 de l’ordonnance no 58-270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature pose : « les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l’autorité du garde des Sceaux, ministre de la Justice. »

175 Nadine Marie-Schwartzenberg, « Le parquet et la prokuratura dans une optique de droit comparé », RID pén., 2008/1, vol. 79, p. 239.

176 Thierry Renoux, L’autorité judiciaire et le Conseil constitutionnel, Paris, Economica-PUAM, 1984, p. 162.

177 Voir le rapport du professeur Michèle-Laure Rassat à Monsieur le garde des Sceaux, Paris, ministère de la Justice, 1996, p. 6 ; l’intervention d’Élisabeth Guigou, ministre de la Justice, colloque de l’association Droit et démocratie, « Pour une autre justice », le 21 janvier 1998 au Sénat, LPA 1998, no 76, p. 7.

178 Laurent Lemesle et Frédéric-Jérôme Pansier, Le procureur de la République, Paris, PUF, 1998, p. 21 ; Thierry Renoux, op. cit., p. 58. Ces arguments sont contredits par d’autres auteurs qui voient dans l’activité du ministère public une qui forme, avec celle de la magistrature assise, un grand ensemble qu’est la fonction de juger. Denis Salas, « Réforme de la justice ou révolution des pouvoirs », Esprit, juillet 1998, p. 176-182. Sur cette controverse doctrinale, voir Isabelle Boucobza, « Le parquet dans la magistrature », Laboratoire italien, no 2, 2001, p. 109-126.

179 Claude Goyard, « Autorité judiciaire, indépendance de la magistrature, pouvoir judiciaire ? », Rev. adm. 1997, no 296, p. 172 et suiv. Pour certains, c’est au contraire la subordination d’un organe judiciaire à un organe politique qui viole la séparation des pouvoirs. Voir Georges Beljean, « La justice rempart de la démocratie », Rev. pol. et parl. 1988, no 937, p. 29.

180 Art. 18(1) de la L. no 2011/028 du 14 décembre 2011 portant création d’un tribunal criminel spécial.

181 Daniel Soulez-Larivière, Grand Soir pour la justice, Paris, Seuil, 1997, p. 103.

182 Mireille Delmas-Marty, Procédures pénales d’Europe. Allemagne, Angleterre et Pays de Galles, Belgique, France et Italie, Paris, PUF, 1995, p. 360.

183 Demba Sy, « La renaissance du droit constitutionnel en Afrique : question de méthode », Droit sénégalais, no 3, juin 2004, p. 54.

184 Stéphane Bolle, Le nouveau régime constitutionnel du Bénin : essai sur la construction d’une démocratie africaine par la Constitution, thèse, université de Montpellier 1, 1997, p. 32.

185 Les moyens de contrôle de l’action gouvernementale sont ainsi prévus par la Constitution béninoise (art. 113) qui institue un régime présidentiel.

186 Michel Ameller, Les questions, instrument du contrôle parlementaire, Paris, LGDJ, 1964, p. 9.

187 Georges Burdeau, cité par Michel Ameller, « L’heure de question au Palais Bourbon », Le Pouvoir. Mélanges offerts à Georges Burdeau, op. cit., p. 376.

188 René Dosière, « Le contrôle ordinaire », Pouvoirs 2010/3, no 134, p. 37-46, notamment p. 37.

189 Philippe Lauvaux, « Le contrôle, source du régime parlementaire, priorité du régime présidentiel », Pouvoirs 2010/3, no 134, p. 23-36, notamment p. 28.

190 Maurice Hauriou, Précis de droit constitutionnel [1929], Paris, CNRS, 1985, p. 527 ; Georges Vedel, Manuel élémentaire de droit constitutionnel, Paris, Sirey, 1949, p. 413.

191 Pierre Avril et Jean Gicquel, op. cit., p. 22-23.

192 Michel Ameller, Parlements, 2e éd., Paris, PUF, 1966, p. 45.

193 Raymond Guillien et Jean Vincent, op. cit., p. 111 ; Pierre Avril et Jean Gicquel, op. cit., p. 17.

194 Bertrand Peauvert, Droit constitutionnel, Levallois-Perret, Studyrama, 2004, p. 397.

195 Pierre Avril et Jean Gicquel, op. cit., p. 25.

196 Éric Thiers, « Le contrôle parlementaire et ses limites juridiques : un pouvoir presque sans entraves », Pouvoirs 2010/3, no 134, p. 74-75.

197 Christian Bidegaray et Claude Emeri, « Le contrôle parlementaire », RDP 1973, p. 1719.

198 Pierre Avril et Jean Gicquel, Droit parlementaire, Paris, Montchrestien, 2010, p. 312.

199 Télesphore Ondo, « Réflexion sur le contrôle parlementaire au Gabon », art. cité, p. 333

200 Contrairement à la France où toute personne qui fait obstruction au travail de la Commission peut être pénalement sanctionnée. Voir la loi de juillet 1977 modifiant l’ordonnance de novembre 1958 sur le fonctionnement des assemblées parlementaires.

201 Kossi Somali, op. cit., p. 332-342.

202 1/3 de chaque chambre au Burkina Faso (Const., art. 115), au Togo (Const., art. 98), au Cameroun (Const., art. 34(3) ; 1/5 des députés au Niger (Const., art. 107(2)).

203 Majorité absolue au Burkina Faso (Const., art. 115), au Sénégal (Const., art. 86), au Gabon (Const., art. 64 (2)), au Niger (Const., art. 107 (2)) ; majorité des deux tiers au Togo (Const., art. 98 (2)) et au Cameroun (Const., art. 34 (3)). Par ailleurs, seuls sont généralement décomptés les votes favorables à la motion, les abstentions et les votes nuls étant présumés défavorables à la censure, contrairement à la question de confiance ou les abstentions sont généralement considérées comme défavorables à la confiance. Cette réalité fait dire à Philippe Ardant que la motion de censure est une procédure plus confortable pour le gouvernement que la question de confiance, car, sauf certitude de la fidélité du soutien parlementaire, les Premiers ministres ne recouraient pas à cette dernière (« Responsabilité politique et pénale des chefs d’État, des chefs de gouvernement et des ministres », art. cité, p. 481).

204 On relèvera que la réussite de la motion de censure contre le gouvernement d’Eugene Koffi Adoboli en avril 2000 au Togo découlait moins d’une initiative parlementaire que des manœuvres présidentielles pour se débarrasser d’un Premier ministre désormais indésirable. Voir Kossi Somali, op. cit., p. 362.

205 André Moine, art. cité, p. 5.

206 Philippe Ardant, Institutions politiques et droit constitutionnel, 18e éd., Paris, LGDJ, 1997, p. 511.

207 Maurice Kamto, « La responsabilité pénale des ministres sous la Ve République », RDP 1991, no 5, 1991, p. 1241-1242.

208 Frédéric-Joël Aivo, art. cité, p. 18.

209 Christian Bigaut et Bernard Chantebout, « De l’irresponsabilité prétendue des ministres sous la Ve République », Pouvoirs 2000, no 92, p. 77-90.

210 Philippe Ardant, Institutions politiques et droit constitutionnel, op. cit., p. 511.

211 Il convient de rappeler que l’ancienne formulation de la Constitution française de la Ve République faisait de la Haute cour de justice la juridiction compétence pour connaître des infractions commises par les membres de gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions. Cette disposition avait donné lieu à diverses interprétations, notamment sur le caractère exclusif ou non de la compétence de ladite juridiction. S’opposaient ainsi l’opinion favorable au caractère non exclusif de la compétence de la HCJ et donc à une compétence partagée et concurrentielle avec les juridictions de droit commun, d’une part (Georges Vedel, Cours de droit constitutionnel et des institutions politiques, Paris, Les Cours de droit, 1960-1961, p. 1157 ; Maurice Duverger, Institutions politiques et droit constitutionnel, 4e éd., Paris, PUF, 1959, t. II, p. 662), et l’opinion favorable à sa compétente exclusive (Charles Debbasch et al., Droit constitutionnel et Institutions politiques, Paris, Economica, 1985, p. 647 ; Maurice Kamto, art. cité, p. 1253-1271). Ce débat doctrinal sera interrompu par la modification du 27 juillet 1993 qui séparera les régimes de responsabilité pénale du président et des ministres en même temps qu’elle mettra les actes posés par les membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions sous le contrôle d’une Cour de justice de la République à la composition atypique (voir art. 68-1 et 2).

212 Pour les références, voir supra.

213 Const. burkinabé, art. 138 (2) ; Const. sénégalaise, art. 101 (2) ; Const. camerounaise, art. 53 (1).

214 Kossi Somali, op. cit., p. 372.

215 Outre le fait que le Parlement fait généralement office de procureur en ce sens que lui seul peut mettre en œuvre la responsabilité politique des ministres devant la HCJ, celle-ci est en plus composée en nombre important de parlementaires et accessoirement de magistrats. Par ailleurs, les majorités requises tant pour le déclenchement de la procédure que pour l’adoption de la mise en cause sont de nature à raréfier les hypothèses de mise en cause effective.

216 Bertrand Mathieu, « La responsabilité pénale des ministres ou l’urgente réforme d’une institution fantôme », RFD const. 1992, no 14, p. 307.

217 C’est d’ailleurs cette malheureuse réalité qui a amené le constituant français à initier la modification de 1993 suscitée en vue de mettre un terme à ce système qui débouchait sur une irresponsabilité de fait des membres du gouvernement. Voir Philippe Ardant, « Responsabilité politique et pénale des chefs d’État, des chefs de gouvernement et des ministres », art. cité, p. 470.

218 Hans Kelsen, Théorie générale du droit et de l’État, Paris, LGDJ, 1997 ; Raymond Carré de Malberg, La loi, expression de la volonté générale. Étude sur le concept de la loi dans la Constitution de 1875, Paris, Sirey, 1931.

219 Si ces deux éminents juristes sont positivistes, ils se distinguent quant à la valeur qui fonde la supériorité du législatif sur l’exécutif. Alors que pour Hans Kelsen, l’ordre juridique est une hiérarchie des normes, Raymond Carré de Malberg est plutôt d’avis qu’il est une gradation d’organes (Confrontation de la théorie de la formation du droit par degrés avec les idées et les institutions consacrées par le droit positif français relativement à sa formation, Paris, Sirey, 1933). Maurice Hauriou s’appuiera sur cette thèse de Malberg pour tirer les conclusions de la supériorité de l’exécutif sur le législatif.

220 Louis Favoreu, La politique saisie par le droit : alternances, cohabitation et Conseil constitutionnel, Paris, Economica, 1988.

221 . M. Hauriou, Précis de droit constitutionnel, op. cit., p. 383.

222 . Ibid., p. 388

223 . Ibid., p. 473.

224 . M. Waline, « À propos des pleins pouvoirs », L’Année politique française et étrangère, 1933, p. 411.

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Pour citer cet article

Référence papier

Claude F. Momo et Éric-Adol T. Gatsi, « L’exécutif dualiste dans les régimes politiques des États d’Afrique noire francophone »Les Annales de droit, 14 | 2020, 123-166.

Référence électronique

Claude F. Momo et Éric-Adol T. Gatsi, « L’exécutif dualiste dans les régimes politiques des États d’Afrique noire francophone »Les Annales de droit [En ligne], 14 | 2020, mis en ligne le 01 juin 2021, consulté le 08 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/add/1898 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/add.1898

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Auteurs

Claude F. Momo

Agrégé CAMES (Conseil africain et malgache pour l’enseignement) de Droit public et maître de conférences et chef de département de Droit public, Université de Douala, Cameroun

Éric-Adol T. Gatsi

Maître-assistant CAMES, chargé de cours, Université de Buea-Cameroun

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