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Varia

L’activité de médiation des encadrants de proximité d’une compagnie aérienne, dans leur tâche de planification de la production : la santé au cœur des enjeux d’encadrement

Mediation activity of first-line managers in an airline company, during their production planning task: health at the heart of management issues
Lucie Reboul, Catherine Delgoulet, Corinne Gaudart et Serge Volkoff

Résumés

Cette recherche se déroule dans une compagnie aérienne en quête d’amélioration des dispositifs de prévention pour faire face à la hausse de restrictions médicales chez les personnels au sol. Le parti pris fut de partir des pratiques effectives des encadrants de proximité pour enrichir les dispositifs de prévention, en mobilisant l’approche ergonomique de l’activité. La notion de médiation est mobilisée ici car opérante pour rendre compte d’une activité de travail prise dans des antagonismes en tension et potentiellement conflictuels (buts de santé et de production ; de court et long termes ; de la direction et des agents). Les résultats montrent la complexité de cette activité de médiation multifacette déployée dans le cadre de la tâche de planification de la production (contraintes, processus décisionnels et arbitrages, critères multiples), qui apparait cruciale pour prévenir de manière durable et globale les risques liés à la santé des agents subordonnés. Cette activité repose sur l’expérience individuelle et collective (indicateurs de santé construits en situation et mis en débat lors de la tâche de planification). Elle dépend de l’intensité du travail des encadrants (nombre d’événements à gérer et nombre important de critère à prendre en compte dans les processus décisionnels) et de leurs marges de manœuvre (composition des effectifs, représentation des enjeux de santé, pouvoir décisionnel). Cet ensemble de résultats montre alors que la santé n’est pas une tâche annexe à l’activité des encadrants mais un objet en construction permanente situé au cœur des enjeux d’encadrement, au service de la performance. À ce titre, les pratiques informelles de prévention déployées par les encadrants devraient pouvoir être mises en visibilité et articulées avec les pratiques de prévention des acteurs des services de santé au travail.

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Texte intégral

Remerciements
Cette recherche s’inscrit dans le programme scientifique du Gis Creapt et est le fruit d’un partenariat de longue date avec la compagnie aérienne. Elle a reçu le soutien financier de l’Agence Nationale pour la Recherche (ANR 14 – CE 30 – 0006). Nous remercions les personnels au sol et leurs encadrants qui ont activement participé à cette recherche, ainsi que les acteurs des services des ressources humaines et de santé et sécurité au travail qui en ont accompagné et soutenu le déroulement.

1. Intégrer le travail des encadrants dans les dispositifs de prévention

  • 1 La prévention primaire a fait récemment l’objet d’une nouvelle loi visant son renforcement (loi du (...)

1Depuis une vingtaine d’années, les problèmes de santé au travail continuent de progresser tout en se diversifiant (risques psychosociaux, troubles musculosquelletiques ; Mauroux, Coutrot, Inan, Memmi, Rosankis et al., 2021). En parallèle, les salariés sont de plus en plus nombreux à travailler malgré des difficultés de santé, en lien ou non avec le travail, et ce en raison de l’allongement de la vie professionnelle, de l’amélioration des traitements de diverses maladies et de la réduction des durées de convalescence (Lhuilier, & Waser, 2016). Face à l’ampleur de ces enjeux de santé au travail, la législation oblige les entreprises à se doter de dispositifs de prévention primaire des risques liés à la santé, c’est-à-dire qui en visent la suppression1. Parmi les différentes recommandations visant l’amélioration des dispositifs de prévention, la nécessité de soutenir et d’équiper les pratiques des managers est fréquemment évoquée, ces derniers étant identifiés parmi les « premiers acteurs de santé » dans la prise en charge des enjeux de santé et de pénibilités des personnes encadrées (Lachmann, Larose, & Penicaud, 2010). Le rôle des encadrants de proximité apparait essentiel pour garantir un travail en santé et en sécurité aux subordonnés. Mais comment les encadrants sont-ils investis de ces missions ? Comment reformulent-ils ces prescriptions au regard de leurs pratiques actuelles ? Quelles sont les compatibilités possibles avec leurs missions, plus classiques mais très accaparantes, de gestion et de planification de la production ?

2Cet article reprend les résultats d’une recherche doctorale dont l’objectif était d’élucider les relations entre le travail des encadrants de proximité et la santé des agents d’une compagnie aérienne, avec pour perspective d’intégrer les pratiques des encadrants dans les dispositifs de prévention (Reboul, 2021). Cette recherche s’intéresse non seulement aux stratégies mises en œuvre par les encadrants lors de leur tâche de planification pour préserver les salariés des atteintes liées aux conditions de travail contraignantes, mais aussi à celles qui favorisent la construction individuelle et collective de la santé, en faisant du travail une ressource. Plutôt que d’étudier la prévention comme une tâche supplémentaire et indépendante des enjeux de production, il est proposé ici de la considérer comme inhérente à l’activité de travail des encadrants, qu’ils déploient selon les conditions effectives de travail. Notre propos revient alors à étudier les contraintes et ressources de cette activité, appréhendée ici comme une activité de médiation car en prise avec des conflits de nature multiple.

3Après avoir exposé le contexte social et scientifique de cette recherche, à savoir celui d’une intensification du travail de ces personnels au sol (2), nous tâcherons de décrire le travail des encadrants à partir de différents cadres théoriques (ergonomie, sociologie) (3). La partie méthodologique (4) présentera les caractéristiques des encadrants et celles de leur travail, ainsi que les méthodes utilisées pour analyser leur activité. Ces outils sont utilisés dans une perspective diachronique (i.e. saisir les phénomènes pris dans leurs évolutions temporelles) et synchronique (i.e. identifier les articulations entre ces phénomènes dans une situation donnée). Les résultats (5) comportent deux volets : le premier s’attache à caractériser les tensions dans lesquelles sont pris les encadrants et pour lesquelles ils déploient des stratégies de médiation, et le rôle de l’expérience dans l’élaboration de ces dernières (5.1) ; le second cible les conditions défavorables au déploiement de telles stratégies, à savoir la pression temporelle et le manque de marges de manœuvre (5.2). En conclusion et discussion seront proposées plusieurs pistes pour faciliter la mise en œuvre et le développement d’une activité de médiation, et in fine, favoriser une prévention intégrée (Calvet, 2021), c’est-à-dire qui articule les niveaux primaire, secondaire et tertiaire de la prévention (6).

2. Contexte de la recherche‑action

2.1. Des personnels au sol fragilisés par une intensification du travail

  • 2 Projet ANR 14 – CE 30 – 0006.

4Cette recherche s’inscrit dans le cadre d’une recherche-action réalisée auprès de cinq grandes entreprises françaises partenaires du Gis Creapt (Centre de Recherche sur l’Expérience, l’Âge et les populations au Travail) dans le cadre d’un financement ANR2, dont une compagnie aérienne accueillant le travail de thèse. Les acteurs en interne des services de santé au travail portaient des préoccupations communes quant à des incompatibilités entre la santé des salariés et les évolutions du travail (Delgoulet, Cuvelier, Gaudart, Molinié, & Volkoff, 2014). Pour la compagnie aérienne, cela se traduisait notamment par une hausse de restrictions médicales chez les personnels au sol : les agents commerciaux et les bagagistes. Leurs missions consistent pour les premiers à accueillir, enregistrer et embarquer les passagers et leurs bagages ; et pour les seconds, à charger et décharger les bagages des convoyeurs automatiques jusque dans les soutes des avions. Parties de la hausse des problèmes de santé chez ces personnels, en lien avec l’évolution de leurs conditions de travail, les investigations de terrain et le travail d’analyse ont conduit à s’intéresser au travail des encadrants.

5Les restrictions médicales émergeaient dans un contexte de transformations multiples engagées pour faire face à la concurrence dans le secteur du transport aérien. Celles-ci concernaient l’organisation du travail et la composition des équipes : la digitalisation de la relation de service du côté des agents commerciaux ; les flexibilités internes et externes des équipes de bagagistes (polyvalence, sous-traitance) ; un vieillissement démographique accentué par la raréfaction des recrutements ; et enfin, une forte diminution des effectifs (non remplacement des départs en retraite couplé à plusieurs plans de départs volontaires). Ces nouveaux modes de gestion de la production et des ressources humaines poursuivaient le double objectif – que l’on retrouve par ailleurs dans les organisations contemporaines – de gagner en flexibilité et en rentabilité tout en réduisant les coûts liés à la main-d’œuvre (Askenazy, 2004). Les premières analyses (Reboul, Delgoulet, Gaudart, & Sutter, 2020) avaient ainsi montré qu’il en résultait un durcissement des contraintes et une perte de marges de manœuvre à un niveau individuel et collectif chez les agents commerciaux (augmentation des tâches à réaliser en posture debout ; augmentation du nombre de clients à gérer simultanément ; baisse des interactions et des coopérations avec les collègues). Ces difficultés quotidiennes étaient renforcées par des possibilités restreintes de se projeter dans le futur, les options de reconversion (pour se mettre à l’abri des contraintes, pour évoluer dans le métier) étant réduites et plus souvent subies que choisies.

6Dans ces conditions, les actions de prévention pour faire face à l’augmentation des difficultés de santé portaient surtout sur un volet secondaire (détecter les difficultés) et tertiaire (aménager le travail des personnels ayant des déficiences de santé), avec pour outil principal de gestion l’émission de restrictions médicales délivrées par les médecins du travail. Or, celles-ci étaient aussi source de tensions entre les acteurs de la santé, des ressources humaines et de la production, qui poursuivaient des objectifs a priori contradictoires de préservation de la santé, de réduction des coûts liés à la main-d’œuvre et d’efficacité productive. Ces conflits de logiques, non débattus, se retrouvaient donc au niveau des encadrants de proximité qui éprouvaient de plus en plus de difficultés à répartir le travail au sein des équipes de personnels au sol.

2.2. Une approche constructive des relations santé/travail 

  • 3 Les troubles infrapathologiques renvoient aux douleurs ou gênes perturbant le déroulement du travai (...)

7Les problèmes de santé au sein de cette compagnie aérienne, et dans beaucoup d’organisations, sont surtout appréhendés de manière individuelle (gestion au cas par cas), réactive (une fois que la personne est en difficulté) et dans du court-terme (aménagement de poste temporaire). Plusieurs études rapportent des échecs dans la mise en œuvre d’une prévention primaire (Barel, & Frémeaux, 2012 ; Delgoulet, Volkoff, Caron, Caser, Jolivet, & Théry, 2014 ; Gaillard, Sultan-Taïeb, Sylvain, & Durand, 2020), dont certains s’expliquent par les difficultés à identifier les liens multiples santé/travail et leurs effets, qui sont en partie différés et qui présentent de fortes variabilités selon les personnes et leurs parcours professionnels (Volkoff, & Molinié, 2011). La multiplication et l’accélération des changements tendent à brouiller encore davantage ces relations complexes et enchevêtrées (Wolff, Mardon, Gaudart, Molinié, & Volkoff, 2015). Il était alors question de donner des repères aux acteurs de la santé pour comprendre les ressorts des processus de fragilisation de la santé au fil des parcours de travail, dans l’objectif de co-concevoir une prévention collective et durable. Cette perspective sous-tend un modèle de la santé globale (incluant des dimensions physique, psychique, sociale, cognitive), tenant compte des troubles infrapathologiques3 (douleurs, plaintes, fatigue, etc.), et inscrit dans une approche constructive des relations santé – travail (Falzon, 2013). Cela signifie notamment que la santé est une ressource, mais aussi une quête qui tire parti des compétences développées au fil des parcours (Delgoulet, & Vidal-Gomel, 2013), celles-ci favorisant conjointement l’adaptation et la modification de son milieu par la création de ses propres normes (Canguilhem, 1943). Promouvoir la santé au travail revient donc à tenir compte des processus d’usure et de construction de la santé – dont les compétences sont parties prenantes – à l’échelle des parcours de travail, en tenant compte des caractéristiques des postes auxquels sont exposés quotidiennement et de manière cumulée les salariés (Gaudart, & Ledoux, 2013).

8Notre hypothèse était que le travail des encadrants avait une influence sur ces processus d’usure et de construction de la santé, méritant que l’on en identifie les ressorts. L’objectif était donc d’enrichir les dispositifs de prévention en intégrant les pratiques informelles de gestion de la santé, dans un contexte où ces dispositifs étaient réduits à la restriction médicale et pensés indépendamment des enjeux de production. Il s’agissait plus largement de produire des connaissances sur l’activité de travail des encadrants pour transformer durablement le travail et favoriser le développement des organisations (Falzon, 2013 ; Petit, 2020).

3. La prévention des risques par les encadrants : une activité de « médiation »

9Étudier les pratiques de prévention des risques par les encadrants implique de s’écarter de deux perspectives extrêmes toutefois dominantes dans la littérature (Benedetto-Meyer, Hugot, & Ughetto, 2021). La première renvoie à une vision de la gestion de la santé décrite comme « normative » (Nivet, Petit, & Falzon, 2021), où l’encadrant a pour objectif la mise en œuvre méthodique et rationnelle des bonnes pratiques, telles que définies par des experts. Cela masque alors ce que font vraiment les encadrants, la complexité de leurs raisonnements en situation réelle et les contraintes et difficultés avec lesquelles ils jonglent (Briner, Engwall, Juillerat, Mintzberg, Morgeson et al., 2012). La seconde perspective privilégie un angle d’analyse déterministe qui tend à réduire les encadrants à une courroie de transmission passive et instrumentalisée par les décideurs : des encadrants qui se contenteraient de se décharger des incohérences et des contraintes sur les niveaux inférieurs. L’ergonomie de l’activité, quant à elle, défend un modèle de l’homme actif en situation à partir du postulat d’un écart irréductible entre le prescrit et le réel. L’activité déployée est source d’innovation quotidienne pour faire face aux imprévus, aléas et dysfonctionnements permanents qui déjouent les prévisions et attendus. Les encadrants, au même titre que les personnels qu’ils encadrent, mettent en œuvre des régulations pour concilier des objectifs liés à la prescription de leur travail et ceux qu’ils s’auto-prescrivent en fonction de leurs caractéristiques en santé et en compétences (Guérin, Laville, Daniellou, Duraffourg, & Kerguelen, 2007).

10La revue de littérature qui suit adopte une lecture croisée en ergonomie et en sociologie afin de caractériser l’activité des encadrants, ses conditions et ses conséquences à court et long termes sur les milieux sociotechniques. La notion de « médiation » est finalement proposée pour penser l’activité des encadrants dans ses relations au travail des personnels encadrés et à leur santé.

3.1. Une gestion permanente de problèmes à la croisée de temps multiples

11De prime abord, le travail des encadrants est difficile à circonscrire : leurs missions et tâches ont des dimensions multiples – gestionnaire, productive, commerciale, relationnelle – (Mascia, 2001) et sont souvent mal définies – « développer les compétences », « conduire les changements », etc. Cette forme de « prescription floue » (Duc, 2002) donne lieu à des modes opératoires hétérogènes dont les conséquences sont difficiles à identifier, car multiples et différées dans le temps (Nivet, Petit, & Falzon, 2021). Ces caractéristiques amènent les encadrants à déployer une activité d’articulation en vue d’intégrer des objectifs diversifiés (Gotteland-Agostini, Zara-Meylan, & Pueyo, 2016). La pluralité des sources de prescription de leur travail (Six, 2000) donne lieu à des dilemmes qui obligent les encadrants à trancher, souvent en faveur des buts productifs et immédiats (Benchekroun, Bourgeois, & Hubault, 2002). L’activité des encadrants se caractérise alors par ce qui échappe à la planification (Hubault, 2013), c’est-à-dire la gestion de nombreux problèmes porteurs de contradictions, survenant de toute part et les mobilisant de manière conséquente (Piney, Gaudart, Nascimento, & Volkoff, 2015 ; Rogalski, & Langa, 1997), jusqu’à 1/3 du temps des chefs d’atelier (Mascia, 2001).

12La gestion de problèmes s’effectue souvent dans la réactivité, l’urgence et le court-terme (Rogalski, & Langa, 1997), mais les encadrants tiennent aussi compte en parallèle de temporalités plus longues, dépassant la situation-problème. Molinié et Gaudart (2019) montrent comment les encadrants de la production aéronautique organisent les progressions de parcours des ouvriers en synchronisant trois niveaux de temporalités : des temporalités individuelles, relatives à la progression des compétences de chacun et à la préservation de leur santé (limiter l’exposition à des contraintes physiques en définissant une durée maximale d’occupation d’un poste) ; des temporalités collectives, renvoyant aux parcours collectifs (assurer les conditions de transmission des compétences, organiser la mobilité selon des critères de progression partagés, équilibrer les compétences dans les équipes) ; et enfin des temporalités gestionnaires, qui conditionnent l’organisation du travail (les changements technico-organisationnels : procédures, objectifs, produit, etc.) et les compositions des équipes (les choix de recrutement, de formation, etc.). Cependant, ces synchronisations temporelles sont fragiles et peuvent, selon les conditions, connaître des dyschronies – i.e. des conflits entre plusieurs flux de transformations qui ne vont pas au même rythme ni dans la même direction. C’est par exemple le cas lorsque les encadrants choisissent de protéger un ouvrier ayant un problème de santé en l’affectant sur un poste peu exigeant physiquement mais nécessitant certaines compétences. Ce choix d’affectation, en allant à l’encontre des critères de progression des compétences associés au « mérite », peut alors déboucher sur des tensions dans les collectifs. À un autre niveau, Zara-Meylan (2016) met en évidence que les chefs horticulteurs ne pilotent pas la production à vue mais cherchent à créer un milieu temporel en agençant plusieurs modèles du temps pour conduire au mieux les différentes cultures. En plus du temps chronométré, régulier et quantitatif, trois temps qualitatifs et non déterministes sont définis : les temps relatifs à l’évolution des processus (e.g., le temps de la croissance d’une plante) ; les temps présents tirés par des perspectives futures souhaitables ; et enfin les temps « uchroniques », des alternatives passées qui renvoient à ce qui n’est pas advenu mais qui aurait pu l’être si l’encadrant en avait choisi autrement.

13Ces travaux soulignent d’une part que l’activité des encadrants s’inscrit dans des échelles de temps longs, relatives au développement des compétences, à la construction de la santé ou à la conduite de la production, et d’autre part, que cette activité influe sur les situations à venir en élaborant dans le moment présent des futurs possibles et souhaitables. Elle est en cela source de production d’un temps à soi, dans lequel les encadrants peuvent allier les temps qui font sens pour eux, au regard de leurs expériences (Gaudart, 2014). Ces connaissances issues de la littérature montrent alors une activité de gestion de problèmes multiples, potentiellement contradictoires et inscrits dans des temporalités hétérogènes. Elles confirment l’importance, pour notre question de recherche, d’analyser les pratiques des encadrants dans leurs dimensions d’improvisation et de créativité pour saisir des processus de décision souvent non conscients, peu dicibles, réactifs et dépendants du contexte (Briner et al., 2012) ; et de saisir l’ampleur de leurs effets en tenant compte des temps longs. Cependant, loin d’être uniquement réactive et aléatoire, la gestion de problèmes repose en réalité sur des compétences multifonctionnelles et dynamiques.

3.2. Des compétences orientées par des modèles « profanes » de la santé

14La notion de « compétences », qui s’est développée depuis les années 80 dans le monde du travail, fait l’objet de diverses définitions. En ergonomie, les auteurs ont notamment souligné leur caractère situé, multidimensionnel et historiquement ancré (Leplat, & Montmollin, 2001 ; de Montmollin, 1984). Leur dimension intégrative s’observe dans la mise en œuvre de régulations visant à trouver, dans l’activité, des compromis entre des buts multiples : d’efficacité, de préservation de soi et des autres ainsi que d’inscription dans un milieu social (Gaudart, & Weill-Fassina, 1999). Dynamiques, elles évoluent et se réorganisent avec l’expérience du travail qui favorise l’élargissement du champ temporel, c’est-à-dire une anticipation plus grande des phénomènes et une meilleure évaluation des effets des actions dans le temps (Weill-Fassina, 2012). Cette anticipation repose sur le repérage d’indices et d’invariants présents dans les milieux sociotechniques, à partir desquels les travailleurs, dont font partie les encadrants, discriminent des configurations à risque (pour s’en prémunir) mais aussi des configurations favorables (pour s’y orienter). Petit (2020) évoque l’importance pour les encadrants de pouvoir détecter des « signaux faibles », c’est-à-dire non formalisés et pouvant paraître anodins pour des non-initiés, cependant nécessaires à gérer pour ne pas entrer en situation de crise. Ces indices portent sur l’environnement technique ainsi que sur les individus (leurs caractéristiques et leurs variabilités inter et intra individuelle) et les risques liés à la santé. Les encadrants se forgent donc des modèles profanes de la santé (Dodier, 1986) à partir d’indicateurs différents (relevant de l’infrapathologie) de ceux donnés par les modèles médico-légaux. C’est aussi ce que mettent en évidence Cuny-Guerrier, Caroly, Coutarel et Aublet-Cuvelier (2015) chez les encadrants du secteur de la découpe de viande : ceux-ci s’appuient sur des modèles complexes mais « naïfs » de l’étiologie des TMS à partir desquels ils organisent le travail et font de la prévention primaire – constat que l’on retrouve aussi chez les encadrants en horticulture (Gotteland-Agostini et al., 2016), et de manière plus générale dans des travaux portant sur le management (Dellve, & Eriksson, 2017).

15Les compétences se développent sur du temps long, en fonction des caractéristiques des tâches, du contenu du travail et des modalités du parcours professionnel (Delgoulet, 2020). Leur développement est en partie rendu possible et orienté par l’activité réflexive de chacun, c’est-à-dire la mise en œuvre d’une activité métafonctionnelle permettant de réguler et de rediriger l’action en fonction des buts que se fixent les personnes (préservation de soi, qualité du travail, performance) et des représentations de leurs compétences (Falzon, 1994). Cette activité réflexive peut également s’étayer de manière formelle ou informelle sur les pairs ou la hiérarchie. Parmi les dispositifs formels, les espaces de discussion et de délibération sur le travail proposent des espaces-temps propices au développement d’une telle activité et à la transformation des conditions de réalisation du travail (Rocha, Mollo, & Daniellou, 2017). Pour les encadrants, la question des compétences est particulièrement sensible du fait des caractéristiques de leur travail et de ses évolutions. On retient notamment : 1) une forte pression temporelle qui maintient au quotidien les encadrants dans la réactivité, ce qui peut nuire à l’activité réflexive (Carbadella, & Garrigou, 2001 ; Zara-Meylan, 2016) ; 2) une tendance à l’éloignement des encadrants des lieux de production pouvant fragiliser la capacité à construire des indicateurs pertinents et à détecter des signaux faibles (Detchessahar, Devigne, & Stimec, 2010 ; Tengblad, 2003) ; 3) une substitution de l’accès au poste sur reconnaissance de l’expertise par celle d’un diplôme, soulevant la question du contenu des formations au management potentiellement en décalage avec la réalité du travail (Nivet, Petit, & Falzon, 2021 ; Wolff, 2013) ; et enfin, 4) une durée de présence limitée des encadrants dans les milieux sociotechniques (incitation et valorisation de leur propre mobilité) interrogeant la possibilité de développer des compétences en situation (Guillaume, & Pochic, 2010 ; étude APEC, 2015).

16Ces quatre dimensions peuvent se conjuguer de manière variable en fonction de l’entreprise, de son organisation et du type d’encadrants concernés. Cela questionne plus généralement les possibilités de développer les compétences des encadrants, notamment celles visant la prévention et la construction de la santé, et de les mettre en patrimoine dans un contexte où la transmission n’est souvent pas organisée (Piney et al., 2015). Étudier la place de la santé dans les enjeux d’encadrement implique donc d’inférer des compétences déployées à cet effet pour les développer.

3.3. Une activité de médiation, en prise à des conflits multiples

17L’activité des encadrants se distingue de celle des opérateurs communément étudiés en ergonomie, notamment de deux manières : 1) les encadrants occupent une position d’intermédiaire en se situant entre la direction et les opérationnels ; 2) en tant que « maitres d’œuvre organisationnels » (Petit, 2020), leur travail a des conséquences, à court et long termes, sur la santé et les compétences des opérateurs qu’ils encadrent.

3.3.1. Une position d’intermédiaire entre la direction et les opérationnels

18Le cadre de la théorie de la régulation sociale (Reynaud, 1997 ; de Terssac, 2012), mobilisée en sociologie des organisations, nous offre une grille d’analyse des enjeux liés au positionnement social des encadrants au sein de l’organisation, dont dépendent la construction de la santé et les possibilités de prévention des risques. En effet, cette théorie amène à concevoir l’organisation du travail comme le produit des initiatives des individus et le fruit d’interactions sociales, en reconnaissant par-là l’autonomie des sujets dans la capacité à inventer des règles et à y consentir. La notion de régulation dans ce cadre est sociale : elle correspond aux compromis ponctuels et provisoires effectués à partir de rationalités et d’intérêts hétérogènes et conflictuels d’acteurs assignés à une fonction. Reynaud (1997) met en avant deux grands types de régulation : 1) les régulations de contrôle – qui sont des régulations officielles (les règles et les procédures, les objectifs définis) et 2) les régulations autonomes, qui sont officieuses (les pratiques locales, effectives, nées d’interactions sociales et développées dans le travail réel). La rencontre entre ces deux régulations donne potentiellement lieu à une régulation conjointe, définie comme « le résultat de plusieurs légitimités » (de Terssac, 2012, p. 10). Ceci pose alors la question des formes de compromis créés par les encadrants, qui se trouvent au carrefour de ces deux types de régulations.

3.3.2. Produire des effets sur la santé et les compétences des subordonnés

19L’approche développementale adoptée insiste sur les effets à court et long termes de l’activité des encadrants sur la santé et les compétences des subordonnés. En effet, nous considérons que le rapport avec le savoir ou savoir-faire à acquérir (e.g. un geste, une procédure, une règle) n’est pas direct mais s’instancie à travers un « système médiateur » qui assure la construction du savoir (Weill-Barais, & Resta-Schweitzer, 2008). Dans cette perspective, l’activité des encadrants assure un étayage au développement des compétences des encadrés, en ce qu’elle peut être créatrice de marges de manœuvre. Ces dernières sont nécessaires pour que chacun développe des modes opératoires efficients : « c’est-à-dire efficace[s] pour la performance et compatible[s] avec la préservation de soi, voire le développement de soi par le travail » (Coutarel, Caroly, Vézina, & Daniellou, 2015, p. 15). Un pair, formateur ou responsable hiérarchique, peut participer de ce processus de médiation. L’activité des managers et le produit de cette activité conditionnent ainsi quotidiennement et sur le long terme le développement des compétences en façonnant des conditions de réalisation du travail.

3.3.3. Une activité de médiation

20Compte tenu des spécificités du travail des encadrants, nous proposons de caractériser cette activité comme étant une activité de « médiation ». A priori la médiation renvoie à l’intervention d’une personne qui « s’entremet entre des personnes ou des partis ayant des différends pour tenter de les faire parvenir à un accord ou à un accommodement »4. Cette définition met en avant les notions de conflits (différends) et de compromis (accord). C’est aussi ce que montre la littérature en sociologie et en ergonomie lorsqu’elle pointe les multiples antagonismes entre lesquels les encadrants sont pris et pour lesquels ils déploient des régulations entendues au sens ergonomique (de buts) et sociologiques (sociales). Dans leur activité de gestion de problèmes, les encadrants doivent effectivement intégrer des enjeux liés à la gestion des risques liés à la santé, dans des échelles de court terme (éviter un accident, atteindre les objectifs de production) mais aussi de long terme (développer les compétences, le collectif de travail). Ils élaborent des compromis entre les régulations de contrôle et les régulations autonomes. Cette revue de littérature met ainsi en évidence trois grands types d’antagonismes face auxquels se retrouvent généralement les encadrants :

  • des antagonismes de buts : préserver la santé des agents ; assurer les objectifs de production ;

  • des antagonismes de temporalités : des enjeux de court terme ; des enjeux de long terme ;

  • des antagonismes sociaux : des régulations autonomes ; des régulations de contrôle.

21Le terme de « médiation » est ainsi utilisé ici comme un descripteur de l’activité des encadrants, afin de mettre en exergue la dimension du conflit, que nous pensons centrale dans leur travail. Il est aussi mobilisé dans le cadre des théories constructivistes de l’apprentissage (Pastré, 2008) et l’approche en ergonomie constructive (Delgoulet, & Vidal-Gomel, 2013) pour caractériser les ressources (humaines, matérielles, temporelles) favorisant la construction de savoir et savoir-faire. Dans le cadre de notre approche développementale, c’est la fonction que nous prêtons à l’activité des encadrants qui, selon les conditions, est source de développement des compétences et de préservation de la santé de subordonnés.

22À partir de ce cadre théorique, nous chercherons à identifier dans le travail des encadrants, spécifiquement lors de la tâche de planification de la production, des logiques d’affectation des personnels qui tiennent compte d’enjeux de santé, de temporalités multiples et de dimensions sociales. Pour cela, nous analyserons leur activité de gestion de problèmes, ces derniers témoignant de conflits de différentes natures amenant les encadrants à déployer une activité de médiation. Notre hypothèse soutient que cette activité a, selon certaines conditions, des effets bénéfiques sur la santé et les compétences des agents.

4. Méthodologie : une combinaison de méthodes

23La recherche-action est co-construite dans le cadre d’une coopération entre l’équipe de recherche du Gis Creapt et les acteurs des services de santé au travail (médecins du travail, ergonomes, préventeurs) et des services des ressources humaines. Pour cela, un comité de pilotage s’est mis en place et s’est tenu tous les deux mois pendant deux ans. Ces rencontres ont permis de définir les questions de recherche, à l’aide d’analyses effectuées sur les pratiques réelles des encadrants et de celles réalisées auprès de personnels au sol (Reboul et al., 2020). La méthodologie présente les caractéristiques des encadrants et des situations de travail étudiées (4.1) et les méthodes utilisées pour caractériser l’activité des encadrants (4.2.).

4.1. Caractéristiques des encadrants et des situations de travail

  • 5 Le statut d’encadrant « non-cadre » n’est pas un cas particulier de cette compagnie aérienne comme (...)

24La recherche, réalisée avant la pandémie, a été menée auprès de 31 encadrants (30 encadrants de proximité et un agent de maitrise, e.g. leur supérieur direct) de chaque métier (agents commerciaux et bagagistes) et au sein de deux sites, un grand (site A) et un petit (site B). L’ancienneté au poste occupé va de 2 à 19 ans, et les âges de 39 à 59 ans. Tous les encadrants ont été agents dans le métier et dans les entités qu’ils supervisent au moment du recueil des données, hormis une encadrante qui provient d’un autre service et un encadrant qui a pris place dans un nouveau service au cours de la recherche. Ce sont des encadrants non-cadres, non reconnus comme encadrants par l’organisation mais qui ont des tâches et des missions managériales : planifier les tâches des personnels au sol, superviser les équipes, évaluer et développer les compétences, favoriser l’adhésion des salariés aux décisions prises par la compagnie5. Les agents de maîtrise, encadrants « formels », sont pour leur part engagés dans des programmes de mobilité qui les amènent à changer fréquemment de poste. Ils ont également une lourde charge administrative et de faibles interactions avec les agents, ce qui explique le choix de s’intéresser plutôt aux encadrants « informels ».

25Les analyses se sont focalisées sur la tâche de planification, réalisée un jour sur deux en alternance avec la tâche de supervision directe des équipes (gestion des clients et gestion des vols). Elle consiste à surveiller et à reprendre les plannings des agents pour les adapter aux nombreux événements qui perturbent de manière continue les planifications initiales programmées la veille (par exemple, un retard de vol, un afflux de clients non maitrisé, etc.). Selon la taille de l’entité, l’effectif à superviser est variable : pour le site A, les encadrants peuvent gérer jusqu’à 170 plannings en simultané par équipe de 4‑5 encadrants par entité (soit trois grandes entités lors du recueil des données) ; sur le site B, l’encadrant supervise seul une trentaine de plannings. La consigne donnée dans la fiche de poste est « d’optimiser la répartition des ressources et de s’assurer de l’efficacité productive ». La seule règle en matière de santé est l’obligation de respecter les restrictions médicales transmises par le service de santé lors de l’affectation des tâches au personnel. Cette tâche de suivi et d’ajustement des plannings requiert la présence permanente d’un ou plusieurs encadrants dès 05 h du matin et jusqu’à 23 h le soir, et suppose d’arbitrer en temps réel entre différentes contraintes liées aux variabilités sociotechniques apparaissant sous forme d’événements (retard d’un vol, problème client, bagage abandonné, absence d’un agent, etc.). L’intérêt de l’analyse de cette tâche est qu’elle offre une visibilité sur les critères et les prises de décisions présidant aux réajustements des plannings des agents.

4.2. Des méthodes centrées sur l’analyse des événements

4.2.1. Combiner des approches diachronique et synchronique

26L’objectif de cette recherche-action était de comprendre l’activité de prise en charge de la santé par les encadrants, ses effets à court et long termes sur les parcours en santé et en compétences des agents, ses conditions et ressources. Il s’agissait donc de produire des connaissances sur le travail réel des managers, celles-ci constituant un levier essentiel à la transformation du travail.

27Deux approches, synchronique et diachronique, sont combinées (Molinié, Gaudart, & Pueyo, 2012). La première vise à étudier les conditions de déploiement des médiations, i.e. les compromis réalisés face aux conflits, et leurs effets à court et long termes sur le système sociotechnique. L’analyse ergonomique de l’activité de travail est utilisée pour observer dans une situation présente comment se construisent les liens santé/travail. La seconde permet d’inscrire ces analyses dans des échelles de temps long pour notamment identifier le rôle de l’expérience et les conditions nécessaires à sa mise en circulation. Elle est outillée d’entretiens à visée rétrospective (Buchmann, Mardon, Volkoff, & Archambaud, 2018) permettant de reconstruire les parcours professionnels et cibler les sources de l’expérience.

4.2.2. Modes de recueil et de construction des données

  • 6 Pour deux sessions d’observation sur les 29 réalisées auprès de 31 encadrants, le poste de planific (...)

28La méthode basée sur l’analyse des événements est préconisée par plusieurs auteurs (Briner et al., 2012 ; Mintzberg, 1973) en ce qu’elle permet de partir de problèmes concrets et réels rencontrés par les encadrants pour en comprendre les modes de gestion et les variabilités selon les conditions. Les « événements » renvoient ici à tout élément perturbant la planification initiale, déclenchant potentiellement une médiation, qui, selon les conditions, sera plus ou moins bien aboutie. Leur relevé s’est réalisé via l’observation de l’activité de travail de chaque encadrant, à l’aide de matériels audio et vidéo. 29 sessions d’observations6 ont été réalisées entre mai et aout 2016, selon trois plages horaires différentes : les vacations du matin, de l’après-midi et du soir. Les verbalisations simultanées à la gestion d’événements ont été relevées et permettaient d’obtenir des informations sur les buts poursuivis par les encadrants. L’ensemble a fait l’objet d’une retranscription via le logiciel Actograph®.

291 540 événements ont été recueillis et ont fait l’objet d’analyse selon plusieurs modalités. Chacun d’eux peut être de source « production » (e.g. retard, annulation d’un avion, demande d’effectif en zone, recherche d’un agent, etc.), de source « santé » (e.g. enchaînement de tâches jugées pénibles sur le planning d’un agent ; problème de planning lié à une restriction médicale ; demande de la part d’un agent pour travailler avec un collègue, pour réaliser telle tâche ou en éviter une autre, pour gérer ses horaires de travail ; absence ou retard d’un agent, etc.), mais aussi de source « non connue » (parce que l’objet de la demande n’a pas été identifié, ou parce que l’événement contient d’emblée un enjeu de production et de santé). Un événement « production » peut s’avérer, en cours de gestion, comporter des enjeux de santé, et notre analyse vise à identifier les compromis crées pour articuler ces deux volets. L’événement peut être aussi « détecté » (repéré à l’initiative de l’encadrant) ou « subi » (fait l’objet d’une demande). Ces différentes modalités nous permettent d’identifier, de manière quantitative, l’ampleur des enjeux de santé dans l’activité des encadrants et d’établir des relations avec l’expérience de ces derniers, appréhendée à partir des événements détectés à leur initiative.

30Un indicateur de densité relative a été créé pour identifier des périodes plus ou moins denses en événements et leurs effets sur les modes de gestion. Cet indicateur a été estimé à partir du nombre d’interventions opérées en réponse à un événement par les encadrants par tranche horaire. Trois modes de densité entre lesquels les interventions sont réparties en quantité égale ont été définis (cf. figure 1) : une densité modérée (au maximum une intervention toutes les 4 minutes), moyenne (au maximum une intervention toutes les 3 minutes) et forte (au maximum une intervention toutes les deux minutes).

Figure 1 : Répartition de la densité horaire d’interventions (moyenne d’occurrence d’intervention/heure) par encadrant, selon le métier. 
Figure 1: Distribution of hourly intervention density (average intervention occurrence/hour) by first line manager, according to the profession

Figure 1 : Répartition de la densité horaire d’interventions (moyenne d’occurrence d’intervention/heure) par encadrant, selon le métier.  Figure 1: Distribution of hourly intervention density (average intervention occurrence/hour) by first line manager, according to the profession

(Jaune : encadrant du service client ; gris : encadrant sur service bagages). D’après les relevés sur 1 540 événements de 31 encadrants (2016). 
(Yellow: customer service first-line managers; gray: baggage service first-line managers). Based on records of 1540 events concerning 31 first-line managers (2016).

31Immédiatement après chaque session d’observation, un entretien « post-activité » a été mené avec chaque encadrant ; sa durée variait de 20 minutes à 1 heure selon leur disponibilité. Il visait à recueillir d’une part l’appréciation des encadrants sur leur journée de travail : ce qui avait été difficile, facile, les particularités de la vacation, les événements significatifs ; et d’autre part, des éléments biographiques portant sur leurs parcours (formation, qualification, état de santé, âge, ancienneté dans le métier, date d’entrée dans la compagnie, projets pour le futur).

32Six entretiens d’autoconfrontation (Mollo, & Falzon, 2004) menés à partir de séquences vidéo de gestion d’événements ont été réalisés en complément auprès des encadrants volontaires et disponibles. À l’aide de ces entretiens, nous cherchions à accéder aux modèles « profanes » de la santé des encadrants, dans un contexte où la santé n’était pas abordée spontanément ou alors uniquement sur les aspects formels des restrictions médicales. L’autoconfrontation était donc un moyen de comprendre les objectifs et critères sous-tendant la gestion des événements : expliciter les buts multiples, les critères et les indices, l’évaluation des conséquences supposées à court et à long termes de tel choix de planning, tout en identifiant comment se sont constitués ces indices et critères au fil des parcours.

4.2.3. Modes de traitement des données

  • 7 Statistical Analysis System.

33Les matériaux empiriques issus des entretiens, des observations et des verbalisations simultanées ont fait l’objet de traitements qualitatifs : chaque événement a été modélisé selon les différents critères énoncés ci-dessus (horaire de survenue, mode de prise en compte, source de l’événement, durée, etc.) et une recherche systématique des critères pris en compte dans les modifications de planning a été opérée via l’analyse des entretiens. Les compétences sont inférées à partir de l’identification d’invariants. Les 1 540 événements ont également été analysés à l’aide d’un outil de traitement quantitatif (analyse statistique descriptive à l’aide du logiciel SAS7) pour caractériser l’activité de gestion des événements par les encadrants et identifier des effets de contexte sur les modes de gestion, notamment l’effet de la densité en événements. Ces deux types de données (qualitatives et quantitatives) sont articulées de manière à mettre en perspective des monographies de gestion d’événements (modes opératoires et décisionnels, critères pris en compte) avec des résultats généraux de gestion des événements.

5. Résultats : l’activité de médiation, ses contraintes et ses ressources

5.1. Une activité de gestion permanente d’événements

  • 8 Les prénoms ont été modifiés afin d’assurer l’anonymat des personnes.

34Pour illustrer la complexité des processus de décision des encadrants, nous avons choisi ici de présenter d’emblée la gestion d’un événement survenu au cours de la vacation de Nathalie8, encadrante expérimentée du service client dans le site B (petit site). Elle planifie seule le travail d’une trentaine d’agents, de 5 h à 12 h. Parmi les agents supervisés lors de l’observation, 20 % sont en restriction médicale et 20 % sont inexpérimentés (des intérimaires, des étudiants, des renforts provenant des services administratifs) auxquels nous pouvons ajouter quelques agents novices à la suite de leur reclassement au sein de ce service. Elle gère au total 85 événements pendant sa tâche de planification (sur une durée cumulée de 4 h 30/7 h travaillées), soit environ 19 événements par heure ou 1 événement toutes les 3 min (le plus court dure 10 secondes, et le plus long 17 min en temps cumulé). 41 % de ces événements sont de source « santé » et 39 % sont « détectés ».

35La monographie présentée ici se déclenche à la suite d’un événement de source « production ». Il s’agit d’une consigne de la part de la hiérarchie pour que l’encadrante assure la continuité de service d’un poste. La gestion de cet événement s’étend sur une heure et dure 17 minutes cumulées. Cette situation comporte trois grandes étapes et la gestion est interrompue à plusieurs reprises par d’autres événements. Après une description de cette situation (cf. encadré), nous procéderons à son analyse selon le cadre retenu de la médiation (5.2), en puisant dans les commentaires issus de l’auto-confrontation, mais aussi ceux d’autres encadrants à propos d’enjeux similaires. Les résultats qui suivent présenteront les conditions jouant sur la qualité des médiations, à partir de données obtenues sur l’ensemble des encadrants (5.3).

5.1.1. Étape 1 (de 09 h 11 à 09 h 20) : échange avec la responsable hiérarchique

  • 9 Cette tâche essentielle requiert la présence de deux à quatre agents selon le type de vol et elle e (...)

36Nathalie peine à monter un embarquement9 dans le créneau 11h-13h notamment par suite de l’absence d’une agent expérimentée (Christelle) pour congé maladie. Or sa responsable hiérarchique (Resp.) vient à ce moment-là dans le bureau pour lui donner la consigne de créer une continuité de service pour des banques d’assistance en zone d’embarquement (A13). Nathalie (N.) en profite pour lui faire part du problème :

  • 10 Agencer de manière très fine les plannings.
  • 11 Enlever les tâches du planning de Christelle.
  • 12 Assistant du responsable embarquement.
  • 13 Responsable embarquement.
  • 14 Comptoir enregistrement en zone public, c’est-à-dire lorsque les clients s’enregistrent et déposent (...)

N. : J’ai fait de la couture10. J’ai dû dégrafer11 Christelle, donc j’ai un souci, j’ai Carole qui va faire l’embarquement du Strasbourg, en agent 212, du coup l’agent 113 c’est Sabine, et elle fait un bout de C1314 là après son embarquement mais c’est pas terrible….

37La responsable hiérarchique, davantage inquiète pour la continuité de service des banques A13, formule néanmoins quelques propositions de solutions, sans résultats. Elle conclut :

Resp. : Je sais pas, regarde, je te laisse faire, mais ce serait bien d’avoir de l’A13.

38Nathalie continue d’expliquer les différentes solutions et contraintes qu’elle entrevoit. Sa hiérarchique lui demande alors d’optimiser les plannings afin de créer de l’espace pour placer cet embarquement.

  • 15 Construire les plannings de manière qu’il y ait le moins de temps « morts » possible.

Resp. : Il y a des petits trous alors essaie d’optimiser ta planche15.
Resp. : Et le planning de Justine ? Parce que c’est pareil, elle, elle commence pas au début, donc la faire commencer au début et libérer Justine pour lui faire faire l’embarquement.

39Nathalie s’oppose tout d’abord à cette solution qui selon elle consiste à faire travailler les agents pour « rien », mais applique néanmoins la consigne (mettre un embarquement à Justine) :

  • 16 Tâche consistant à accompagner les clients dans leurs opérations sur borne automatique (édition car (...)
  • 17 IE (Interruption Événement) signifie que Nathalie s’interrompt pour gérer un autre événement.

N. : Mais j’ai rien à lui faire faire à cette heure-là, c’est à partir de midi que j’ai besoin, pas avant. Justine finit à 12 h, donc même si je lui enlève ça, à part lui faire faire de la borne libre-service16 les embarquements finissent à 12 h 10, c’est ça le problème (interruption événement : IE)17.

40La responsable réitère sa proposition d’optimiser les plannings

Resp. : Je sais pas, c’est à regarder, d’essayer d’optimiser de cette façon-là, de remplir les trous, pour avoir de 12 h à 13 h le maxi de monde.

5.1.2. Étape 2 (de 09 h 45 à 09 h 55) – élaboration de scénarios

41Nathalie laisse en suspens cet événement pour en gérer d’autres. Elle croise l’agent Justine qui lui signale ne pas vouloir prendre en charge cet embarquement (qui se termine au minimum à 12 h 10), souhaitant terminer à l’heure (12 h). Nathalie reprend cet événement une trentaine de minutes plus tard et élabore plusieurs scénarios afin de trouver un compromis entre ces différents enjeux (verbalisations simultanées).

N. : Elle me complique la vie hein (IE). Cet embarquement me casse les bonbons, elle veut pas le faire parce que machin mais bon, c’est dans sa tranche horaire, un embarquement, tu pars à l’heure au lieu de partir 10 min en avance, tu vois ce que je veux dire… J’essaie de prendre en compte mais… (IE). Lui, ça va pas parce que ça se chevauche, ce vol, elle y est pas, ah ça m’arrange pas (IE).

42Elle délaisse ce problème pour en résoudre d’autres, et revient dessus quelques minutes plus tard, vers 09 h 53. Elle explique les différentes contraintes dont elle tient compte :

N. : Pour lui enlever cette tâche-là, faut que je la remplace par une tâche qui finit à la même heure, donc je pourrais mettre l’agent qui finit trois minutes après elle mais pas cool. Si j’essaie de lui mettre là, pas possible, elle est en restriction, elle fait pas d’embarquement. Elle, elle a déjà un embarquement, Pierre fait pas d’embarquement, Carole en A13 jusqu’à 12 h 15, donc pas possible un embarquement qui finit à 12 h 50 et en A13 cinq minutes, y a un delta de 10‑15 min sur les autres tâches. Agnès, elle passe d’un embarquement sur l’autre donc si ce vol est retardé, elle va me louper l’embarquement du 2e derrière. La seule à qui je peux éventuellement le donner, c’est à elle sauf que la tâche finit aussi 5‑10 min après, donc ça veut dire que je me prive de 10 min d’un agent pour faire plaisir à un autre, ça marche pas comme ça (IE).

5.1.3. Étape 3 (de 10 h 09 à 10 h 11) – réaliser un arbitrage et en informer l’agent

43Elle finit par trancher avec pour solution de permettre à l’agent Justine de terminer à l’heure (12 h) et de laisser l’autre agent finaliser seul l’embarquement. Elle en informe Justine qui l’appelle (téléphone) :

N. : Oui ? Non je t’oublie pas, mais le problème c’est que les autres, je peux pas leur mettre, ils ont des trucs derrière, ils vont pas y arriver, la seule à qui je pourrais la donner, c’est à Carole sauf que sa tâche finit à 12 h 10, donc (…). Oui mais ils ont la banque d’enregistrement derrière ou Julie, Pierre et autres, ils font pas cet embarquement. C’est ça le truc, après les autres ils ont des embarquements juste derrière, Christine elle a embarquement agent 1 juste derrière, mais bon, normalement, t’es agent 2, donc tu pars largement avant, t’es pas obligée de… (IE). Georges, il embarque le vol 6235, non ils finissent pas à midi 10, l’embarquement du vol à midi, une tâche automatisée à 30 ou 25, on a que Lise sur le vol 3493 en agent 1, le Metz qui finit à midi. Moi je veux bien te mettre en agent 1 sur le Metz à la place mais je trouve que ton vol en agent 2, c’est quand même mieux. Tu le lâcheras, il finira tout seul et il fera son enveloppe, on le préviendra d’avance, il se débrouillera, hein, oui non j’ai bien compris, aller bisous.

44Cette monographie d’événement montre la complexité des situations gérées par les encadrants. Elle permet dans un premier temps de mieux repérer les composantes de leur travail et les critères jouant sur leurs processus décisionnels, pour procéder, dans un second, à son analyse à l’aide du descripteur (médiation) – i.e. une activité prise dans des conflits de natures multiples, et où les compromis trouvés visent à obtenir des effets positifs sur la santé à court et long termes des subordonnés.

5.2. Des médiations multifacettes et leurs ressources

45Trois formes de médiations sont mises en évidence à travers cet extrait de la situation de travail de Nathalie. Cette activité de médiation (les critères et l’expérience) se traduit notamment par des pratiques, certes informelles, mais partagées par les encadrants qui ont un parcours de travail semblable.

5.2.1. Une médiation entre santé et production

46Bien que les objectifs du poste soient essentiellement formulés en termes « productifs » (optimiser les plannings), on constate dans cet extrait que Nathalie cherche malgré tout à articuler des buts multiples, distingués ici selon des enjeux de santé et de production, à savoir la préservation de la santé des agents, celle de l’encadrante elle-même et la production d’un service en délai et de qualité. Cela se traduit par une recherche de solutions qui tiennent compte de plusieurs critères, tels que : respecter une restriction médicale « Si j’essaie de lui mettre là, pas possible, elle est en restriction, elle fait pas d’embarquement » ; diversifier les plannings « Elle, elle a déjà un embarquement » ; éviter de placer un agent dans une situation où il n’est pas à l’aise au niveau de ses capacités « Pierre fait pas d’embarquement » ; donner des temps suffisants entre deux tâches (préparation de la tâche, temps de déplacement, rédaction d’un compte-rendu, récupération physique et mentale, prévision d’éventuels débordements temporels) « elle passe d’un embarquement sur l’autre donc si le vol est retardé, elle va me louper l’embarquement du 2e derrière » ; tenir compte des enjeux d’équité et de justice organisationnelle « Pour lui enlever cette tâche-là, faut que je la remplace par une tâche qui finit à la même heure, donc je pourrais mettre l’agent qui finit trois minutes après elle mais pas cool » ; se ménager de la marge de manœuvre « donc ça veut dire que je me prive de 10 min d’un agent pour faire plaisir à un autre, ça marche pas comme ça ».

47La médiation déployée tient ainsi compte d’une multitude de critères relatifs à la santé (dans une acception large) dont on perçoit les liens très étroits avec la performance, à court terme (éviter de mettre un agent en échec et donc de nuire à la relation de service) mais aussi à long terme (disposer d’agents en bonne santé et motivés, construire un climat social satisfaisant en favorisant l’équité, éviter l’usure des agents en limitant la répétition de plannings pénibles). Ces pratiques sont partagées par l’ensemble des encadrants « le but aussi c’est de… équilibrer un peu les plannings, pour que ça soit varié, que chacun puisse s’asseoir un peu, que chacun puisse faire des tâches un peu diversifiées sinon c’est… » (Encadrante Site A). Les critères d’affectation des tâches tiennent également compte des spécificités des agents quant à leurs points forts et points faibles :

« Il y en a certains qui ont peur de faire des embarquements 1, qui se sentent moins à l’aise, y en a d’autres bon, peu leur importe et puis bon, ça passera bien. Et il y en a qui effectivement, préfèrent faire de la zone, préfèrent être aux embarquements, donc y a toutes ces choses-là. » (Isabelle).

« Après il y en a une que je connais bien et qui préfère faire des embarquements, moi ça m’arrange, donc je ne vais lui mettre que des embarquements, mais ça ne va pas déranger d’autres personnes, parce que les gens ne vont pas courir spécialement après » (Nathalie).

48Les encadrants du grand site (site A) énoncent aussi d’autres critères tels que : faire des équipes afin de favoriser les processus d’entraide et de coopération « Alors d’emblée on sait à peu près qui est copain avec qui, donc voilà, on sait que ça va bien se passer » (Encadrante Site A) ; construire des enchainements de tâches cohérents géographiquement :

« Moi et puis la plupart des encadrants, on essaie d’éviter de leur faire un coup sur la péninsule 1, un coup sur la péninsule 2, ou d’un bout complet de la zone à aller de l’autre côté de la péninsule (…). Essayer de les épargner un petit peu quand même » (Encadrant Site A).

49Ces critères tiennent compte des pénibilités des situations de travail – la fréquence des postures debout (tâches digitalisées), la complexité d’une tâche (agent 1 embarquement, gestion de clients de première classe, etc.), le nombre de pas quotidien (que les encadrants et agents calculent eux-mêmes à l’aide d’un podomètre installé sur leur téléphone portable), mais également des caractéristiques des agents. Ainsi, il est important pour les encadrants de bien connaître les agents dont ils planifient le travail (états de santé, capacités, relations avec les autres agents, points forts et points faibles). Face à un volume important d’agents, les encadrants qui travaillent en collectif partagent leurs informations sur ces derniers (ce qu’ils ont observé en situation de travail, la nature et fréquence des sollicitations de l’agent, sa ponctualité, les aléas, sa forme physique, etc.) :

« Peut-être que je vais moins connaître un agent, mais on est toujours deux, voire quatre à la planification, donc quand on doit redonner des plannings, on se parle toujours entre nous : “est-ce que tu sais si cette personne aime bien, est-ce que tu sais si la dérangera pas de faire plus de zone… ?”. Enfin, on est toujours en train de se demander les avis des uns des autres, pour créer le moins d’impairs possibles » (Encadrante, Site A).

50Ces critères se sont établis et continuent de se forger dans la confrontation quotidienne aux situations de travail. Les critères de construction de plannings sont notamment issus :

  • Du vécu des encadrants lorsqu’ils étaient agents

« On connaît, on a été agent, on sait ce que c’est de faire cinq embarquements 1, alors qu’il y en a d’autres qui sont assis au CSC [comptoir service client] et on apprécie quand même quand les plannings sont variés, donc autant le faire pour nos agents aussi » (Encadrante site A) ;

« Ça, c’est notre valeur ajoutée, on est là par rapport à ça, c’est notre vécu, notre valeur ajoutée qui fait qu’on adapte. Comme un collègue, si on sait qu’il n’a pas arrêté un certain temps, on va penser à le laisser un peu souffler quoi : la touche humaine quoi, le bon sens » (Encadrant, site A).

Ainsi, des encadrants qui n’ont pas été agents dans l’entité qu’ils supervisent peuvent manquer d’informations lorsqu’ils planifient, comme c’est le cas de cette encadrante qui ne connaît pas les distances à parcourir d’une entité à l’autre « Ça parle vraiment quand on l’a fait soi-même, quand on a marché soi-même. (…) les trajets qu’ils font avec les UM [enfant non accompagné] etc., ça ne me parle pas, parce que je ne le fais pas » (Encadrante, Site A).

  • Si chaque encadrant a son propre vécu des conditions de travail (ce qu’il préfère ou redoute, etc.), incorporé dans ses critères décisionnels de construction de plannings, ces critères sont néanmoins mis à jour dans l’expérience de la planification et se fondent dans des règles informelles de planification partagées par les agents et les encadrants. Au cours de cette tâche, les encadrants se construisent des repères sur les agents : la nature et la fréquence des sollicitations de l’agent (ex : être dans telle équipe) : « on a souvent des agents qui viennent et qui disent « est-ce que ça te dérange si je peux embarquer avec telle personne ? Si je peux faire de la zone avec telle personne ? » (Encadrante, site A) ; la ponctualité « L’agent qui était en retard à 13 h, on le connaît, il est régulièrement en retard, on le sait, on ne va pas lui mettre un truc tendu parce que de toute façon, voilà. Avec l’expérience, quand on en fait régulièrement, on sait qu’il y a des gens, on les identifie, on sait à quoi s’attendre » (Encadrant, site A) ; la forme physique et morale (comme par exemple, remarquer qu’un agent boite aujourd’hui, accueillir un agent qui fait un malaise, recevoir un agent tendu suite à un incident client, etc.).

  • Enfin, c’est également l’expérience du terrain en tant que superviseur qui renouvelle le vécu des conditions de travail en évolution (avec notamment la digitalisation) « Sachant qu’ils ont maintenant beaucoup, beaucoup de tâches debout, parfois c’est un peu usant. Humm… maintenant oui y en a beaucoup plus de debout, puisque la zone 5‑6 est complètement en dépose bagages automatique. Donc tout est debout » (Encadrant, site A) ; mais cela permet également d’obtenir d’autres informations sur les agents. Par exemple, Nathalie explique avoir détecté une anomalie sur le planning grâce à la connaissance de l’agent qu’elle supervise sur le terrain « Je l’ai vu du premier coup parce que je tourne souvent avec elle, parce que c’est une fille de mon équipe, et je sais très bien parce que dès qu’il y a un truc qui va pas, elle vient te le dire » (Encadrante, site B).

5.2.2. Une médiation entre des temporalités multiples

51La situation exposée met également en évidence une médiation pour résoudre un conflit entre des temporalités multiples (individuelles, collectives et gestionnaires) et inscrites dans des horizons temporels distincts (court vs long terme).

    • 18 Même lorsqu’il n’y a pas d’absent, le créneau 11h-13h est toujours difficile à planifier, comme nou (...)

    La temporalité gestionnaire est incarnée par la hiérarchique dans son injonction à optimiser les plannings (recherche de productivité, suppression des temps morts pour gagner en effectif) « Je sais pas, c’est à regarder, d’essayer d’optimiser de cette façon-là, de remplir les trous, pour avoir de 12 h à 13 h le maxi de monde » (Resp) ; en négligeant les difficultés réelles de planification (sous-effectif systématique à ce créneau-là18) et le travail réel (aléas, variabilités des agents).
    Cette temporalité se confronte néanmoins aux temporalités individuelles et collectives que l’encadrante tente de réinjecter dans les choix de planification :

  • Elle entend tenir compte de la temporalité individuelle de Justine, qui est une agent expérimentée, donc fortement sollicitée pour les tâches complexes et cumulant les heures supplémentaires, mais aussi parent d’un enfant en bas âge. Nous avons retrouvé cette même tentative d’articuler vie privée et personnelle de Justine dans une autre situation : celle-ci était réquisitionnée sur une urgence et l’encadrant avait alors pris la décision de prendre en charge son enfant dans le bureau afin qu’elle puisse gérer un aléa qui s’étendait au-delà de ses horaires de travail ;

  • Elle se préoccupe des temporalités collectives, en respectant les règles d’affectation des tâches construites dans le métier d’agent commercial, telle que celle garantissant l’équité vis-à-vis de l’attribution de la dernière tâche du planning, celle-ci conditionnant l’horaire du départ. Ces règles font partie des us et coutumes du métier ; les agents travaillent en fini-parti, la dernière tâche de leur planning comporte donc des enjeux forts et fait l’objet de processus décisionnels complexes chez les encadrants qui tiennent notamment compte d’enjeux de santé et de justice sociale : « Pour lui enlever cette tâche-là, faut que je la remplace par une tâche qui finit à la même heure, donc je pourrais mettre l’agent qui finit trois minutes après elle mais pas cool ».

  • Tout cela sans oublier la propre temporalité de l’encadrante, qui doit trouver une solution avant que l’embarquement ne débute tout en devant gérer d’autres problèmes (nombreuses interruptions). L’enjeu pour cette encadrante est aussi de permettre à Justine de terminer à l’heure afin de pouvoir continuer à compter sur elle pour gérer des urgences dans des situations futures.

52La gestion des compétences, à savoir la mobilisation de celles-ci pour atteindre les objectifs de production mais aussi leur développement, débouche également sur des conflits de temporalités. Le contexte se caractérise effectivement, on l’a dit, par de nombreux départs d’agents expérimentés et un certain nombre d’agents novices présents pour une période déterminée (main-d’œuvre extérieure, étudiants, etc.) ou indéterminée (agents reclassés suite à un problème médical ou à la fermeture d’un service). Dans ce contexte, nous pouvons distinguer deux grandes stratégies selon l’empan temporel dans lequel elles s’inscrivent (court terme vs long terme). La première, adoptée par la direction ainsi que certains encadrants, consiste à privilégier les objectifs de production immédiats en s’assurant que les postes exigeants soient confiés à des agents expérimentés. Cette stratégie s’effectue toutefois au détriment des agents expérimentés (sur-sollicités sur des tâches exigeantes et pénibles) et des agents novices (maintenus sur des tâches digitalisées, lassantes, usantes et répétitives). La seconde vise à développer les compétences des agents pour qu’ils bénéficient de plannings diversifiés et favorise par-là l’intérêt du travail tout en limitant l’usure. Cela permet aussi pour l’encadrant de disposer à terme d’un nombre plus important d’agents compétents et ainsi gagner en marges de manœuvre. Cependant, cette seconde stratégie peut, dans une période intermédiaire, se réaliser au détriment de la qualité de la relation de service, ce qui engage en partie la responsabilité de l’encadrant.

53L’extrait suivant montre un échange entre l’encadrante Murielle et Nathalie à ce sujet. La stratégie de Nathalie peut s’expliquer par son parcours au cours duquel elle a eu un poste de formatrice, qui a pu contribuer à l’élargissement de son champ temporel en matière de gestion des compétences.

  • 19 Clients de première classe et VIP.

M. : si tu veux, si on veut que tout se passe bien de manière fluide, j’ai… faut faire attention à qui tu mets tu vois […] parce que tu as des gens qui sont… ces personnes-là (reclassées), elles sont obligées d’être sur zone, en enregistrement. À la haute contribution19, je prends des gens, pour commencer, qui parlent anglais […] on a beaucoup de redéployés (reclassées), donc les gens parlent pas forcément l’anglais et il faut quand même, il faut un minimum d’élégance commerciale à la haute contribution (et être réactif)

N : Mais du coup, c’est toujours les mêmes qui vont se taper la haute contribution et ceux-là ils ont un peu les boules parce que c’est pas les postes les plus faciles justement. C’est ça le problème. Alors nous ça nous facilite la vie, en tant qu’encadrant si tu veux, d’avoir les gens compétents où il faut, sauf que du coup ils montent jamais en compétences.

5.2.3. Une médiation entre la direction et les agents

54Cette situation illustre enfin une médiation opérée pour articuler des régulations de contrôle (prescriptions et règles formelles de la direction) et autonomes (règles informelles construites chez les « exécutants »). On peut effectivement constater que Nathalie est très embarrassée de cette situation. Elle doit répondre à l’injonction de sa hiérarchie, qui relève d’une régulation de contrôle (remplir les trous, optimiser, assurer la continuité du service) en affectant cet embarquement qui, certes, débute pendant la vacation de l’agent (à 11 h 50) mais se termine après son horaire de fin (12 h 10, voire plus selon les aléas). Le flou de cette situation se traduit par les hésitations formulées par Nathalie qui tantôt adopte le point de vue de la hiérarchie : « Cet embarquement me casse les bonbons, elle veut pas le faire parce que machin mais bon, c’est dans sa tranche horaire, un embarquement, tu pars à l’heure au lieu de partir 10 min en avance tu vois ce que je veux dire », repris plus tard pendant l’entretien : « elle finit à 12 h, le vol est censé partir à 11 h 50, bon elle est dans son temps de travail, faut pas non plus exagérer, bon les vacations sont dures et compliquées mais elle est payée jusqu’à midi donc voilà » ; tantôt celui de l’agent, notamment lors de l’entretien d’auto‑confrontation :

« C’est ma supérieure hiérarchique qui m’a demandé de changer Justine, elle m’a dit “tu mets l’embarquement”, “oui mais tu vois elle finit”, “non tu lui mets”, donc je lui mets, c’est mon supérieur hiérarchique. Justine, je lui ai dit “c’est Resp. qui m’a dit de te le mettre” elle m’a demandé, je fais, je peux pas dire je fais pas, je fais au max de mes possibilités dans la mesure où j’ai pas l’autre sur le dos, mais quand elle vient me dire “fais-ci, fais-ça”, je fais hein, j’essaie d’arranger ».

55Nathalie ne défend pas seulement le point de vue de Justine, mais plus globalement celui des agents qui ont élaboré des régulations autonomes, notamment en termes de gestion des horaires : une des règles collectives consiste à ne pas confier de tâche complexe et susceptible de prendre du retard en fin de vacation pour limiter tout débordement horaire.

56Nathalie remet également en cause certaines régulations de contrôle, notamment celles visant à « remplir les trous dans les plannings ». Elle estime en effet qu’il n’est pas nécessaire d’affecter des tâches aux agents s’il n’y a pas de besoins identifiés en zone client : « Mais j’ai rien à lui faire faire à cette heure-là, c’est à partir de midi que j’ai besoin, pas avant. Justine finit à 12 h, donc même si je lui enlève ça, à part lui faire faire des bornes automatiques… ». Durant l’entretien, Nathalie met en avant des critères santé/performance différents de ceux de sa hiérarchie : « Après si les agents la détestent parce qu’elle les fait bosser comme des ânes, ben tant pis pour elle, parce que le jour où elle va demander un truc ils vont l’envoyer aux pelotes, c’est ce qui se passe ». On apprend par ailleurs que sa responsable hiérarchique ne provient ni du métier, ni du site et qu’elle a donc peu de connaissances sur le milieu et le contenu du travail du service qu’elle encadre « Elle est là depuis deux ans. Le truc de certains responsables, c’est que ce sont des gens qui n’ont jamais fait du service Client. Resp., avant elle était pas au service Client, mais au service Avion ou je sais pas quoi, notre boulot elle le connaît pas ». Ce rapport conflictuel avec la hiérarchie est plus fréquemment rapporté sur le site B. Dans le site A, la hiérarchie directe apparait plutôt comme un soutien, notamment pour gérer les potentiels conflits entre encadrants et agents. Cela peut s’expliquer par les parcours des responsables hiérarchiques et leur évolution de carrière dans le cadre d’un programme de mobilité : le site B accueille des responsables extérieurs au site pour une durée de 2 à 4 ans, tandis qu’au site A les responsables recrutés proviennent du site.

57L’analyse de cette situation de travail sous l’angle de la médiation permet ainsi de caractériser la complexité de cette position d’intermédiaire tenue par les encadrants, en donnant à voir les conflits de buts multiples. Ces données montrent aussi les composantes de l’intensité de leur travail, dans lequel se combine une charge cognitive (fréquence des événements et des interruptions, nombre important de critères, pression temporelle) avec une charge émotionnelle (aspects relationnels avec les agents et la hiérarchie, injonctions contradictoires, qualité du travail empêchée, conflits de valeurs). Les stratégies de médiation des encadrants s’appuient sur leur expérience individuelle et collective, qui permet de détecter des configurations à risque, d’anticiper et d’élaborer plusieurs scénarios probables et souhaitables pour chaque agent mais aussi pour le collectif. Outre la bonne maitrise des tâches réalisées par les agents qu’ils encadrent ou encore celle liée à l’utilisation du logiciel, les processus décisionnels des encadrants mobilisent aussi les connaissances informelles et profanes construites sur les relations santé-travail (connaissance des particularités des agents, du fonctionnement du service et du collectif, expérience à l’issue de certain poste occupé, etc.). Enfin, le collectif d’encadrants apparait comme une ressource pour gérer un nombre important d’informations concernant les agents. Ces stratégies sont partagées par les encadrants qui ont un parcours de travail similaire. Mais elles peuvent aussi se diversifier selon les expériences vécues et propres à chacun, tel que les postes occupés au fil du parcours (e.g. poste de formatrice de Nathalie) ou l’organisation hiérarchique de la structure du site (parcours des responsables hiérarchiques), qui vont favoriser ou non certaines médiations.

5.3. Des médiations soumises à conditions

58Nous avons pu nous en apercevoir avec le dernier extrait de situation présenté, les médiations des encadrants ne sont pas parfaites, puisque l’agent 1 de la tâche « embarquement » devra terminer sa tâche seul. De façon générale, les médiations sont plutôt à considérer comme des tentatives permanentes de maintenir un équilibre plus ou moins satisfaisant dans des antagonismes de natures différentes. Ces différents axes de médiation – santé/production ; court et long terme ; régulations autonomes et de contrôle – peuvent ainsi varier selon plusieurs conditions, ce dont visent à rendre compte les résultats suivants. Ces conditions sont ici présentées indépendamment pour faciliter la lecture mais elles se combinent entre elles.

5.3.1. La pression temporelle

59Nous avons ici souhaité comprendre l’impact de la densité sur les modes opératoires et décisionnels des encadrants. La vacation de Nathalie est représentative de la tendance générale : les encadrants gèrent en moyenne 17 événements par heure (1 événement toutes les 3 min 30 s) mais cela varie selon des périodes plus ou moins denses en événements. La durée de gestion d’un événement est pour 1/4 d’entre eux de plus de trois minutes (1/3 est géré en moins d’une minute). Les enjeux de production prédominent dans l’activité (deux tiers des événements sont de source « production ». Toutefois, les enjeux de santé ne sont pas négligeables puisqu’ils représentent environ 30 % des événements traités par les encadrants. De manière générale, l’activité est surtout réactive (en réponse à un aléa) : 30 % des événements sont anticipés par les encadrants (Figure 2). Le traitement des événements détectés est en moyenne plus long que ceux qui sont « subis » et ils entrainent un nombre de modifications de plannings plus important (Figure 3).

Figure 2 : répartition des interventions (en %) par mode de prise en compte de l’événement (subi/détecté). 
Figure 2: Breakdown of responses (%) by mode of event consideration (experienced/detected)

Figure 2 : répartition des interventions (en %) par mode de prise en compte de l’événement (subi/détecté).  Figure 2: Breakdown of responses (%) by mode of event consideration (experienced/detected)

D’après les relevés sur 1 540 événements de 31 encadrants (2016). 
Based on records of 1 540 events concerning 31 first-line managers (2016)

Figure 3 : répartition des interventions (en %) par nombre de planning(s) modifié(s) (de 0 à 4 et +), selon le mode de prise en compte de l’événement (subi ou détecté). 
Figure 3: Distribution of interventions (in %) by number of modified schedule(s) (from 0 to 4+), according to how the event was considered (experienced or detected)

Figure 3 : répartition des interventions (en %) par nombre de planning(s) modifié(s) (de 0 à 4 et +), selon le mode de prise en compte de l’événement (subi ou détecté).  Figure 3: Distribution of interventions (in %) by number of modified schedule(s) (from 0 to 4+), according to how the event was considered (experienced or detected)

D’après les relevés sur 1 540 événements de 31 encadrants (2016). 
Based on records of 1 540 events concerning 31 first-line managers (2016)

60Lorsque la densité en événements augmente, les encadrants sont davantage dans une posture réactive. Vis-à-vis des enjeux de santé des agents, cela peut avoir les conséquences suivantes :

  • des omissions, portant notamment sur les enjeux de santé. Les encadrants ont moins de temps de s’assurer, lors d’une modification de planning, que les tâches soient bien compatibles avec l’état de santé d’un agent. Cela peut, au mieux, être signalé par l’agent qui rappelle à l’encadrant qu’il ne peut pas réaliser telle tâche ; au pire, être ignoré, la tâche étant alors réalisée par l’agent malgré son état de santé.

  • des reports de demandes provenant des agents, en ne répondant pas au téléphone par exemple : « Il y a d’autres appels, mais qui sont en attente, mais bon voilà, à un moment donné, on ne peut pas quoi. Donc, on sait que les agents ont parfois des requêtes un peu importantes, urgentes, mais, voilà, on ne peut pas toujours satisfaire… » (Encadrante, site A), avec pour risque de passer à côté d’informations importantes tant au niveau des enjeux de production que de santé.

  • une optimisation des plannings : une hausse d’événements signifie une hausse d’aléas et des situations qui dérivent (par exemple, le retard d’un vol peut déborder sur la tâche suivante d’un agent, tâche qu’il faut donc pouvoir placer sur un autre planning). Ainsi, l’effectif prévu ne correspond plus aux besoins réels. Pour pallier ce décalage, les encadrants resserrent les plannings, recouvrent des tâches, font courir les agents, ne respectent plus les temps de pause, de préparation, etc. bref, reportent l’intensité de leur travail sur celui des agents :

« On va resserrer toutes les tâches, on va les rapprocher de plus en plus, on va faire en sorte qu’ils aient des tâches rapprochées pour en placer un maximum, si on n’a pas assez d’agents (…). Tu cherches et tu surcharges, dès que les agents ont fini et que t’en vois un qui traine, et ben hop, tu le rappelles et tu le renvoies » (Encadrant, site A).

  • une baisse des événements détectés (cf. Figure 4) et une baisse du nombre de plannings retouchés (cf. Figure 5). Ces deux résultats vont dans le sens d’une simplification des processus décisionnels en diminuant notamment le nombre de critères pris en compte. À ce sujet, les encadrants déclarent par exemple sacrifier des critères liés aux équipes et à la soutenabilité des plannings « Si ça devient bordélique, c’est vrai que je ne réfléchis plus à qui est avec qui, on met, on place et puis c’est tout » (Encadrant, site A) ; « Parfois, on n’a pas forcément le temps non plus dans l’urgence, l’urgence ça va être de redonner la tâche, et on ne va pas forcément visualiser ce que l’agent a effectué précédemment » (Encadrante, site A).

Figure 4 : Proportion d’événements détectés (en %), selon la densité (modérée/moyenne/forte), d’après nos relevés sur 1 540 interventions de 31 encadrants (2016). 
Figure 4: Proportion of events detected (%), according to density (moderate/medium/strong), based on our records of 1 540 interventions by 31 first-line managers (2016)

Figure 4 : Proportion d’événements détectés (en %), selon la densité (modérée/moyenne/forte), d’après nos relevés sur 1 540 interventions de 31 encadrants (2016).  Figure 4: Proportion of events detected (%), according to density (moderate/medium/strong), based on our records of 1 540 interventions by 31 first-line managers (2016)

Figure 5 : Répartition des interventions (en %) par nombre de planning(s) modifié(s) (1,2, 3 et 4+), selon la densité (modérée/moyenne/forte). 
Figure 5: Distribution of interventions (%) by number of modified schedule(s) (1,2, 3, and 4+), according to density (moderate/medium/strong)

Figure 5 : Répartition des interventions (en %) par nombre de planning(s) modifié(s) (1,2, 3 et 4+), selon la densité (modérée/moyenne/forte).  Figure 5: Distribution of interventions (%) by number of modified schedule(s) (1,2, 3, and 4+), according to density (moderate/medium/strong)

D’après nos relevés sur 1 540 interventions de 31 encadrants (2016). 
Based on our record of 1 540 interventions concerning 31 first-line managers (2016)

61La qualité des médiations subit la pression temporelle. Les effets de celle-ci, en affectant essentiellement les enjeux de santé et de long terme, ne sont pas directement perceptibles par la hiérarchie et les décideurs. De fait, ces relations entre santé et travail demeurent opaques et non reliées.

5.3.2. Un manque de marges de manœuvre

62L’intensité du travail se combine avec un déficit de marges de manœuvre, résultante d’un manque de reconnaissance du travail réel des encadrants à deux niveaux :

  • les encadrants sont principalement attendus par leur hiérarchie sur des aspects productifs, ce qui donne lieu à une gestion discrétionnaire de la santé ;

  • ils sont désignés comme les principaux responsables du « sous-effectif » (ils n’optimiseraient pas assez les plannings), du fait d’une méconnaissance de l’ampleur de leur travail (nombre et nature d’événements à gérer).

Une gestion discrétionnaire de la santé

63Si la nécessité de respecter les restrictions médicales des agents lors de l’affectation de tâches sur les plannings est admis par l’ensemble des encadrants, en revanche, les autres aspects de la santé (compétences, collectif, horaires, aspects psychiques) sont davantage passés sous silence. Les encadrants tendent plutôt à déclarer qu’ils n’ont aucune obligation de tenir compte de ces différentes dimensions et que, dans un souci d’impartialité, ils veillent à ne pas regarder les noms des agents supervisés. De fait, les enjeux de santé, malgré leur ampleur et leur détection (20 % d’entre eux sont détectés) (cf. Figure 6) sont plutôt perçus, dans les discours, comme périphériques à leur tâche de planification. À ce titre, Jean définit son rôle de la façon suivante : « Je dois exploiter. Je dois faire une exploitation. Il faut qu’il y ait des trucs qui passent. Ma façon de faire, c’est comme ça. Je suis dans les clous et on ne peut pas me le reprocher ». À partir de là, deux styles d’encadrement sont désignés par les encadrants eux-mêmes, un style « gentil » et un style « autoritaire » - « Y a des gens qui sont plus dans l’humain, moi je fais partie de ces gens-là et des gens qui sont plus dans la production. Ce sont deux mondes, deux conceptions qui s’affrontent » (Louis).

Figure 6 : Répartition des interventions (en %) par mode de prise en compte de l’événement (subi/détecté), selon leur source (Non connu/ Production/ santé). 
Figure 6: Distribution of interventions (in%) by mode of event consideration (experienced/detected), according to their source (Unknown/ Production/ Health)

Figure 6 : Répartition des interventions (en %) par mode de prise en compte de l’événement (subi/détecté), selon leur source (Non connu/ Production/ santé).  Figure 6: Distribution of interventions (in%) by mode of event consideration (experienced/detected), according to their source (Unknown/ Production/ Health)

D’après les relevés sur 1540 interventions réalisées par 31 encadrants (2016).
Based on records of 1540 interventions by 31 first-line managers (2016)

  • 20 Une arrivée est une tâche de durée courte, peu exigeante physiquement, cognitivement et au niveau d (...)

64Toutefois, ces différences sont peu visibles dans les pratiques. Bien que Jean semble passer moins de temps à anticiper des problèmes relatifs à la santé (il en a moins que les autres, mais ce n’est pas significatif à un niveau statistique), il ne prononce pas plus de refus lorsqu’un agent lui formule une demande « santé », comme l’illustre cette verbalisation extraite d’une observation lors de la prise en compte d’un événement « santé » et « subi » (une demande d’un agent sur son planning) : « Bonjour (…) C’est qui mon agent préféré ? (…). [Rire]. Tu vas bien ? (..) Qu’est-ce que je peux faire pour toi ? [Rire]. C’est vrai que t’es… elle doit pas t’aimer en fait ma collègue (…) ouais, et puis moi j’ai pas fait attention à toi (…) ben je vais te glisser une arrivée20 ». En constatant lors de l’autoconfrontation qu’il accepte immédiatement cette demande, et se mobilise pour cela, il commente qu’il est finalement « comme tout le monde ». Cette confrontation a permis de déplacer une explication des modalités de gestion de la santé centrée à un niveau individuel (le style de l’encadrant) à celle basée sur un niveau collectif et organisationnel : Jean finit par expliquer que les difficultés de gestion des événements trouvaient aussi leur source dans l’organisation du travail, celle-ci contribuant selon lui à un climat de concurrence entre les encadrants, chacun cherchant à protéger les agents de son équipe, ce au détriment des autres. La prédominance des objectifs de production produit par conséquent un déni sur la gestion des enjeux de santé qui s’effectue malgré tout de manière discrétionnaire. Cela peut déboucher sur des conflits internes et une activité empêchée, mais aussi rendre les médiations plus précaires face aux transformations du travail. Si ces deux styles se diluent dans l’activité des encadrants, qui y ont finalement recours selon les conditions, ils pourraient quand bien même jouer sur les possibilités qu’ont les encadrants d’évoluer dans leur parcours : un style « gentil » nuirait à l’évolution de carrière : « Ma responsable, je m’entends extrêmement bien avec elle mais, par exemple, son opinion est, pour que je devienne responsable, que je suis peut-être un peu trop gentille » (Encadrante, site A).

Une gestion invisible d’événements

  • 21 La tâche « échec BLS » vise à prendre en charge les clients n’ayant pas pu s’enregistrer via les bo (...)

65Selon les estimations des acteurs stratégiques des ressources humaines et de la production, la digitalisation du parcours des clients (achat et enregistrement en ligne, accès aux bornes libre-service d’enregistrement des bagages ou d’embarquement, etc.) devrait permettre d’optimiser les effectifs nécessaires. Ainsi, le sous-effectif perçu par les encadrants, dans certaines circonstances, serait principalement le fait d’une mauvaise optimisation des plannings : « Ce qui nous était remonté… De dire que, si ça passait mal sur l’exploitation, c’était à cause de nous qui régulions mal. On a cet effectif, c’est juste qu’on régule mal. Ça, on l’a pas forcément digéré parce qu’on sait que… » (Encadrante site A). Nos résultats laissent penser que ces acteurs stratégiques sous-estiment la forte variabilité du secteur aérien. Ils négligent aussi les compétences réellement requises pour répondre aux exigences de certaines tâches. Par exemple, la gestion d’une arrivée d’un vol peut, en mode nominal, demander de savoir accueillir les clients par un mot de bienvenue ; elle peut être prise en charge par un intérimaire ou un étudiant. Mais lorsqu’elle passe en mode dégradé (à la suite d’un retard par exemple), elle requiert des compétences liées à la redirection de clients ayant raté leur correspondance : recherche d’un vol de substitution, nouvel enregistrement des clients, récupération et réenregistrement des bagages sur le nouveau vol, sans compter des compétences relationnelles pour accompagner les clients inquiets, voire en colère. Ces situations de sous-effectif – celui-ci étant généré par un manque de personnels compétents compte tenu des exigences des tâches – amènent à des arbitrages, souvent en faveur du plus urgent et des enjeux productifs. Par exemple, après avoir testé plusieurs configurations de plannings, Nathalie est contrainte d’attribuer deux tâches pénibles mais exigeantes techniquement qui se succèdent à un agent expérimenté en restriction médicale. Celui-ci lui rappelle alors, à l’occasion d’un autre incident, que son planning est usant et qu’il rend service au collectif et aux encadrants : « j’ai deux “échec BLS21”, je n’ai rien dit, parce que tous les jours, je suis obligé de répéter “pas de tâches debout”, donc j’y suis allé, je n’ai rien dit parce que je sais que pour vous, ce n’est pas facile ».

66Ces configurations nuisent non seulement à la santé des agents mais aussi à plus long terme à la relation agent/encadrant et à la performance. En effet, si les encadrants sont empêchés dans la qualité de leur travail et conçoivent des plannings pénibles, alors les agents seront moins enclins à « rendre service ». Or, si le système tient, c’est en grande partie parce que les agents vont au-delà du cadre prescrit du travail (cadre horaire, règles de sécurité). C’est le constat que font les encadrants :

« J’arrive à créer de l’espace là où il n’y en a pas, pour récupérer de la zone ou gréer [affecter] des zones difficiles. C’est de l’optimisation à outrance, ça joue sur le côté humain, l’engagement et le “je peux te rendre service”. Mais à un moment la bonne volonté, ça ne va plus marcher. Ça me fait de la peine de voir que je ne peux rien leur offrir » (Encadrant, site A).

6. Discussion

67Dans un premier temps, nous mettrons en perspective les résultats obtenus avec la littérature portant sur le travail des managers. Dans un second, nous esquisserons des pistes pour améliorer le travail des encadrants de cette compagnie aérienne et celui des encadrants en général.

6.1. Les médiations des encadrants : une prévention durable et globale des risques

68À travers la notion de médiation, nous avons notamment montré que la santé des personnels encadrés était au cœur des enjeux du travail de l’encadrement et non une tâche annexe et réglementaire. Cette notion est utilisée car opérante pour caractériser l’activité des encadrants tant à un niveau théorique qu’empirique. Celle-ci se caractérise ici par la gestion permanente d’événements dont une part importante est de source « santé » (30 % des 1 540 événements étudiés), appréhendée ici de manière globale et à partir du point de vue des encadrants, c’est-à-dire au prisme de leur expérience. Si ces dimensions multiples de la santé des personnels au sol demeurent non prises en compte par les concepteurs des organisations du travail, l’analyse de l’activité des encadrants montre qu’elles sont malgré tout intégrées dans un « travail d’organisation » qui reste à la charge de ceux-ci. Ces résultats montrent ainsi le rôle décisif mais cependant invisible du travail des encadrants de proximité : ils résolvent des contradictions non pensées en amont au croisement de la gestion des ressources humaines, de la prévention de la santé et d’objectifs de production, ce qui se traduit par des médiations entre des enjeux de santé et de production ; de temporalités multiples et de court et long termes ; et régulations autonomes et de contrôle (cf. Figure 7).

Figure 7 : L’activité de médiation multifacette des encadrants de proximité : trouver des compromis entre des antagonismes multiples. 
Figure 7: The multifaceted mediation activity of first-line managers: finding compromises within multiple

Figure 7 : L’activité de médiation multifacette des encadrants de proximité : trouver des compromis entre des antagonismes multiples.  Figure 7: The multifaceted mediation activity of first-line managers: finding compromises within multiple

69Ces médiations participent de la « soutenabilité du travail » (Shani, Docherty, & Forslin, 2002 ; Volkoff, & Gaudart, 2015), au sens d’un travail non délétère, permettant d’apprendre, de concilier la vie professionnelle et personnelle, de combiner des enjeux individuels et collectifs et de contribuer à articuler les différentes générations dans le travail. En cela, l’amélioration des dispositifs de prévention primaire a tout intérêt à s’appuyer sur les médiations opérées au niveau des encadrants. Ces derniers déploient, quand cela leur est possible, une prévention intégrant les niveaux primaire, secondaire et tertiaire (supprimer l’exposition au risque, telle que la répétitivité de tâches en postures pénibles ; développer les compétences individuelles et collectives ; faire remonter les difficultés du terrain aux hiérarchiques ; aménager les plannings des personnes fragilisées), tout en faisant du travail une ressource pour construire les liens santé/travail dans la durée.

70Nos outils méthodologiques permettent d’objectiver cette part du travail des encadrants et la nature des contraintes qui affectent la qualité de leurs médiations. Ces résultats rejoignent des connaissances produites en ergonomie sur l’activité d’encadrement. Leur travail est intense : ils travaillent dans l’incertitude, l’imprévisibilité et dans une complexité induite par la multiplicité des processus temporels dont ils assurent la conduite (Zara-Meylan, 2016). Ils sont à la fois dans une forte réactivité pour gérer de multiples événements et juguler leurs conséquences indésirables en cascade (Mascia, 2001 ; Rogalski, & Langa, 1997), et dans l’anticipation pour déjouer les configurations à risque mais aussi produire des futurs possibles et souhaitables pour les agents dont ils planifient les tâches (Gotteland-Agostini et al., 2016). Ces analyses mettent également en lumière la complexité des représentations des liens santé/travail chez les encadrants (Cuny-Guerrier et al., 2015) : les encadrants de la compagnie aérienne se sont façonné leur propre modèle « profane » des relations santé/travail, potentiellement opérant dans un « travail d’organisation » (de Terssac, 2012). Les possibilités de mettre en œuvre des actions de prévention selon ces représentations dépendent de la composition de leur effectif, en nombre, compétences et états de santé ; des représentations de leur travail réel ; des ressources temporelles, collectives et matérielles et enfin de leurs parcours et de l’expérience qu’ils se sont constitués du métier et des services qu’ils dirigent. Les retombées pratiques de cette recherche visent à favoriser le maintien et le développement de telles compétences.

6.2. Améliorer les dispositifs de prévention en agissant sur les parcours de travail des encadrants et des agents

6.2.1. Mettre en place des espaces de débat sur les médiations

71Cette vision du travail des encadrants amène alors à considérer les ressorts de cette activité en vue de la soutenir. Nous avons pu constater que la performance des encadrants ne renvoyait pas uniquement à la bonne maitrise des caractéristiques des métiers qu’ils encadrent et qui conditionne l’accès au poste d’encadrant (ponctualité, connaissances des procédures, relation client), mais qu’elle tenait aussi compte de leur expérience – de préservation de soi et des autres – mobilisée au service des agents. Les encadrants se trouvent alors pris dans un dilemme entre la nécessité de mobiliser cette expérience pour assurer le bon fonctionnement du service et de l’ignorer au bénéfice de leurs opportunités d’évolutions de carrière. Un tel déni peut être non seulement mal vécu et avoir des conséquences fâcheuses sur du cours et long termes, mais participe aussi à individualiser la gestion managériale : en effectuant des médiations de manière clandestine, les encadrants s’empêchent de pouvoir discuter collectivement des conditions favorables ou défavorables à la gestion de la santé dans leur activité.

72Cela participe plus largement au phénomène du « silence organisationnel », c’est-à-dire l’absence de remontées d’informations vers des échelons hiérarchiques supérieurs (Petit, 2020). Ce phénomène dépend de la structure organisationnelle et des représentations sur la santé adoptées par les responsables de plus haut niveau, et de la perception du travail des encadrants. Une piste de transformation du travail consisterait alors à développer l’activité réflexive des encadrants pour favoriser leurs médiations, notamment à l’aide de dispositifs de débat sur le travail réel, entre les encadrants et leur supérieur hiérarchique direct (Rocha et al., 2017). La mise en discussion centrée sur des cas concrets de médiations peut favoriser l’activité métafonctionnelle notamment en rendant visibles les différents buts poursuivis par les encadrants, les effets des médiations sur le milieu sociotechnique ainsi que les conditions entravant leurs mises en œuvre. Les règles partagées construites à l’issue de la tenue de ces espaces pourraient ensuite fournir du contenu pour concevoir des formations, à destination des nouveaux encadrants, favorables à la circulation de l’expérience et à son partage (Delgoulet, 2020), de manière que chacun construise son propre espace de médiation.

6.2.2. Concevoir des parcours de travail des personnels au sol en santé et en compétences

73La pression temporelle figure parmi un des ingrédients affectant la qualité des médiations. Une partie du nombre élevé d’événements semble directement induite par une baisse de marges de manœuvre individuelle et collective chez les agents dans le cadre de la transformation de leurs métiers, reportant alors certains problèmes dans le travail des encadrants (Reboul et al., 2020). De fait, réintroduire des marges de manœuvre chez les personnels au sol favoriserait une gestion plus autonome des différents événements – que ceux-ci soient de source « santé » ou « production ». Soutenir des collectifs de travail qui fonctionnent, c’est-à-dire équilibrés en états de santé et compétences et stables dans le temps (Cau-Bareille, 2012), favoriserait les processus de coopération et d’entraide tant au niveau des enjeux de santé des agents que de production. Plus largement, cela demande de réfléchir aux modalités des parcours de travail des personnels au sol. Ceux-ci sont précarisés par les différentes transformations sociotechniques (digitalisation, diminution des effectifs, absence de recrutements) qui dissocient le travail, la santé et les compétences. La conception de parcours qui intègrent d’emblée les évolutions des personnes en santé et en compétences est une orientation qui semble prometteuse pour favoriser les régulations des personnels au sol tout au long de leurs parcours au service de la performance globale. Cette perspective demande de créer un espace et des outils pour favoriser la discussion entre les acteurs de la gestion globale du système, des services de santé au travail et de la production. L’usage de la simulation en conception (Barcellini, Van Belleghem, & Daniellou, 2013) à partir de plannings soutenables et de plannings usants pourrait être un outil efficace pour dessiner des futurs possibles et souhaitables et concevoir des scénarios de « parcours-construction » (Reboul et al., 2020), c’est-à-dire favorables à la construction de la santé au travail au moyen du développement des compétences.

6.2.3. Perspectives de transformations et de recherche

74L’enjeu de cette recherche-action était d’enrichir les dispositifs de prévention en tenant compte des pratiques effectives développées par les encadrants. Une partie des transformations proposées n’a pas pu être mise en œuvre, ou du moins expérimentée, en raison de la crise Covid-19 qui a largement et durablement bousculé le secteur du transport aérien. Pour autant, cette recherche a contribué à transformer les représentations sur le travail des encadrants : les comités de pilotage ont encouragé les échanges entre les différents acteurs décisionnaires autour de problématiques communes et concrètes, ici les stratégies d’affectation des encadrants, alors que ces représentations étaient initialement conflictuelles. Précisons aussi qu’au cours de l’été 2020, une nouvelle organisation de la ligne hiérarchique a eu lieu, visant à reconnaître aux encadrants un statut hiérarchique.

75Plus largement, cette recherche permet d’introduire de nouveaux éléments dans les débats actuels portant sur les liens entre management et santé des subordonnés, aujourd’hui très médiatisés sous l’angle des situations de harcèlement et des risques psychosociaux. Une vision pragmatique, développementale et conditionnelle de l’activité d’encadrement déplace des débats essentiellement ancrés dans des enjeux individuels et psychologisants (c’est-à-dire abordés uniquement en termes de « motivation », « confiance » ou encore « leadership ») à des enjeux organisationnels et systémiques. En outre, la grille de lecture centrée sur la notion d’activité de médiation est transposable à d’autres situations et pourrait être utilisée pour comprendre le travail de santé réalisé par les encadrants au sein d’autres organisations et structures. Cela aiderait in fine à mieux définir les conditions souhaitables (parcours, expérience, formation, collectif, proximité et distance, projections, conditions d’évolution, etc.) pour la soutenabilité du travail des encadrants.

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Notes

1 La prévention primaire a fait récemment l’objet d’une nouvelle loi visant son renforcement (loi du 02 août 2021).

2 Projet ANR 14 – CE 30 – 0006.

3 Les troubles infrapathologiques renvoient aux douleurs ou gênes perturbant le déroulement du travail, souvent annonciatrices d’un futur trouble de la santé persistant si aucune mesure préventive n’est prise entre temps (Molinié, & Volkoff, 2002).

4 https://www.cnrtl.fr/definition/médiation

5 Le statut d’encadrant « non-cadre » n’est pas un cas particulier de cette compagnie aérienne comme en témoigne l’enquête de Wolff (2013).

6 Pour deux sessions d’observation sur les 29 réalisées auprès de 31 encadrants, le poste de planification a été tenu par deux encadrants qui se sont succédé.

7 Statistical Analysis System.

8 Les prénoms ont été modifiés afin d’assurer l’anonymat des personnes.

9 Cette tâche essentielle requiert la présence de deux à quatre agents selon le type de vol et elle est exigeante techniquement (maitrise des logiciels et du déroulé d’un vol) et physiquement (posture debout).

10 Agencer de manière très fine les plannings.

11 Enlever les tâches du planning de Christelle.

12 Assistant du responsable embarquement.

13 Responsable embarquement.

14 Comptoir enregistrement en zone public, c’est-à-dire lorsque les clients s’enregistrent et déposent leurs bagages.

15 Construire les plannings de manière qu’il y ait le moins de temps « morts » possible.

16 Tâche consistant à accompagner les clients dans leurs opérations sur borne automatique (édition carte d’embarquement, étiquette bagage, etc.).

17 IE (Interruption Événement) signifie que Nathalie s’interrompt pour gérer un autre événement.

18 Même lorsqu’il n’y a pas d’absent, le créneau 11h-13h est toujours difficile à planifier, comme nous avons pu le constater sur plusieurs vacations.

19 Clients de première classe et VIP.

20 Une arrivée est une tâche de durée courte, peu exigeante physiquement, cognitivement et au niveau de la relation client.

21 La tâche « échec BLS » vise à prendre en charge les clients n’ayant pas pu s’enregistrer via les bornes libre-service – elle demande la maîtrise du logiciel et s’effectue en posture debout, auprès de clients potentiellement pressés et/ou mécontents.

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Table des illustrations

Titre Figure 1 : Répartition de la densité horaire d’interventions (moyenne d’occurrence d’intervention/heure) par encadrant, selon le métier.  Figure 1: Distribution of hourly intervention density (average intervention occurrence/hour) by first line manager, according to the profession
Légende (Jaune : encadrant du service client ; gris : encadrant sur service bagages). D’après les relevés sur 1 540 événements de 31 encadrants (2016).  (Yellow: customer service first-line managers; gray: baggage service first-line managers). Based on records of 1540 events concerning 31 first-line managers (2016).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/activites/docannexe/image/8096/img-1.png
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Titre Figure 2 : répartition des interventions (en %) par mode de prise en compte de l’événement (subi/détecté).  Figure 2: Breakdown of responses (%) by mode of event consideration (experienced/detected)
Légende D’après les relevés sur 1 540 événements de 31 encadrants (2016).  Based on records of 1 540 events concerning 31 first-line managers (2016)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/activites/docannexe/image/8096/img-2.jpg
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Titre Figure 3 : répartition des interventions (en %) par nombre de planning(s) modifié(s) (de 0 à 4 et +), selon le mode de prise en compte de l’événement (subi ou détecté).  Figure 3: Distribution of interventions (in %) by number of modified schedule(s) (from 0 to 4+), according to how the event was considered (experienced or detected)
Légende D’après les relevés sur 1 540 événements de 31 encadrants (2016).  Based on records of 1 540 events concerning 31 first-line managers (2016)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/activites/docannexe/image/8096/img-3.jpg
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Titre Figure 4 : Proportion d’événements détectés (en %), selon la densité (modérée/moyenne/forte), d’après nos relevés sur 1 540 interventions de 31 encadrants (2016).  Figure 4: Proportion of events detected (%), according to density (moderate/medium/strong), based on our records of 1 540 interventions by 31 first-line managers (2016)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/activites/docannexe/image/8096/img-4.jpg
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Titre Figure 5 : Répartition des interventions (en %) par nombre de planning(s) modifié(s) (1,2, 3 et 4+), selon la densité (modérée/moyenne/forte).  Figure 5: Distribution of interventions (%) by number of modified schedule(s) (1,2, 3, and 4+), according to density (moderate/medium/strong)
Légende D’après nos relevés sur 1 540 interventions de 31 encadrants (2016).  Based on our record of 1 540 interventions concerning 31 first-line managers (2016)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/activites/docannexe/image/8096/img-5.jpg
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Titre Figure 6 : Répartition des interventions (en %) par mode de prise en compte de l’événement (subi/détecté), selon leur source (Non connu/ Production/ santé).  Figure 6: Distribution of interventions (in%) by mode of event consideration (experienced/detected), according to their source (Unknown/ Production/ Health)
Légende D’après les relevés sur 1540 interventions réalisées par 31 encadrants (2016).Based on records of 1540 interventions by 31 first-line managers (2016)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/activites/docannexe/image/8096/img-6.jpg
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Titre Figure 7 : L’activité de médiation multifacette des encadrants de proximité : trouver des compromis entre des antagonismes multiples.  Figure 7: The multifaceted mediation activity of first-line managers: finding compromises within multiple
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/activites/docannexe/image/8096/img-7.jpg
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Pour citer cet article

Référence électronique

Lucie Reboul, Catherine Delgoulet, Corinne Gaudart et Serge Volkoff, « L’activité de médiation des encadrants de proximité d’une compagnie aérienne, dans leur tâche de planification de la production : la santé au cœur des enjeux d’encadrement »Activités [En ligne], 20-1 | 2023, mis en ligne le 15 avril 2023, consulté le 15 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/activites/8096 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/activites.8096

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Auteurs

Lucie Reboul

Laboratoire Pacte, Grenoble-Alpes Université, 46 avenue Félix Viallet, 38000 Grenoble – reboul.lucie@gmail.com

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Catherine Delgoulet

CRTD/CNAM, 41 rue Gay-Lussac, 75005 Paris – catherine.delgoulet@lecnam.net

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Corinne Gaudart

LISE/CNAM, 2 rue Conté, 75003 Paris, corinne.gaudart@lecnam.net

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    La fidelización de los nuevos empleados en una empresa constructora : Enfoque ergonómico de los desafíos y de los determinantes
    Paru dans Activités, 5-2 | octobre 2008

Serge Volkoff

CREAPT/CNAM, 29 promenade Michel-Simon, 93160 Noisy-le-Grand – serge.volkoff.visiteur@lecnam.net

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