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Le travail d’organisation du dirigeant dans la TPE de la restauration traditionnelle : stratégies de répartition des tâches et de gestion des clients, enjeux de prévention des risques

The organisational work of an owner-manager in the traditional microenterprise restaurant industry: task distribution and customer management strategy, and risk prevention issues
Déborah Gaudin, Sandrine Caroly et Yves Roquelaure

Résumés

Cet article vise à décrire le caractère préventif que peut revêtir le travail d’organisation du dirigeant dans la très petite entreprise (TPE) à travers le déploiement de ses stratégies opératoires visant la régulation des variabilités des clients et de la production. La notion de travail d’organisation permet d’investiguer l’idée d’une prévention informelle, intégrée à l’organisation du travail par le dirigeant de la TPE, à travers sa participation en production avec ses salariés. Ainsi, le travail d’organisation du dirigeant au sein de son établissement pourrait viser à articuler à la fois la performance, la rentabilité et la santé de ses salariés. La méthodologie repose sur une analyse qualitative descriptive d’une dizaine de stratégies opératoires mises en œuvre par deux dirigeants au cours de situations de travail rencontrées au service de midi dans leurs établissements. Le recueil de données comprend principalement des autoconfrontations individuelles, sur la base de vidéos réalisées au cours d’observations du service de midi dans ces deux restaurants. Les résultats montrent que les stratégies opératoires déployées par les dirigeants offrent aux salariés un environnement favorable pour gérer des situations de travail présentant une forte variabilité liée aux clients et à leurs demandes. La santé du dirigeant peut toutefois être mise à mal par ses stratégies opératoires ciblant la régulation, qui l’expose aux contraintes et pose la question des ressources à construire pour qu’il puisse également se protéger lui-même.

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Texte intégral

1. Introduction

1Intervenir dans les très petites entreprises (TPE) en ergonomie est à la fois original et stratégique à plusieurs niveaux :

  • la recherche est peu développée dans le milieu de la TPE, alors qu’elle est autant exposée au risque professionnel que les entreprises de plus grande taille (Fabiano, Currò, & Pastorino, 2004 ; Kines, & Mikkelsen, 2003 ; Nichols, 1989 ; Sørensen, Hasle, & Bach, 2007 ; Stevens, 1999 ; Walters, & Wadsworth, 2016). Le manque de financement pour faire des études dans les TPE peut expliquer le peu de connaissances produites en ergonomie jusqu’à maintenant. Il n’est pas non plus aisé d’aborder ce type d’entreprise par une approche épidémiologique, étant donné leur petite taille, leur grand nombre et leur dispersion sur le territoire français. Pourtant elles sont très nombreuses, en France comme en Europe (Walters, Wadsworth, Hasle, Refslund, Ramioul, & Antonsson, 2017). En 2018, 96 % des entreprises en France sont des TPE, elles emploient 19 % de la main-d’œuvre des salariés en équivalent temps plein (ETP), alors que les grandes entreprises font travailler 27 % de l’effectif salarié français (Demaison, Goin, Grivet, Lesdos, & Maury-Duprey, 2020).

  • le caractère spécifique de la TPE est notamment la proximité entre les salariés et l’employeur dans le travail, avec un dirigeant qui connaît bien les contraintes du travail et participe à la production (Gaillard, 2016 ; 2017). Le dirigeant tient à la fois le rôle de manager et d’exécutant en production dans son établissement. Les difficultés de rentabilité sont souvent évoquées comme une préoccupation importante du dirigeant dans la survie de son entreprise (Torrès, 2008). La faiblesse des fonds propres des TPE accroît leur fragilité pour faire face aux aléas conjoncturels et se développer, dans un contexte où l’accès au crédit bancaire est plus difficile ou plus onéreux en raison de leur taille (Morénillas, & Sklénard, 2020).

  • le travail d’organisation du dirigeant dans les TPE est particulièrement intéressant à investiguer pour rendre compte de la prévention intégrée. L’analyse de ce travail d’organisation par le dirigeant, dans une approche processuelle, est utile pour comprendre la façon de tenir les questions de santé au travail dans les stratégies mises en œuvre pour réguler les variabilités issues du client et des aléas techniques.

  • 1 Servir le client à table, utiliser de la vaisselle réutilisable ou encore proposer un repas seuleme (...)

2Dans le cadre d’une recherche financée par le parcours doctoral national en santé travail (PDNST), il a été possible de répondre en partie à cette question du rôle du dirigeant dans la prévention par son travail d’organisation, notamment dans le secteur de la restauration traditionnelle. Le choix de ce secteur s’est fait à la fois par sa forte sinistralité et par un important effectif salarié dans des entreprises de petite taille (Malenfer, Lainé, & Balannec, 2016). Nous avions également relevé que la majorité des accidents du travail ont lieu en restauration traditionnelle (48 %, contre 32 % en rapide et 20 % en collective)1 et que les restaurations collective et traditionnelle comptent plus de cas déclarés de TMS, avec respectivement 705 cas (42 %) et 651 cas (39 %), contre 222 cas (13 %) pour la restauration rapide, d’après les données de la CNAMTS pour l’année 2019 (CNAMTS, 2021). Ces résultats montrent une sinistralité importante dans les restaurants et une nécessité de poursuivre les actions de prévention.

3Cette recherche montre qu’un travail d’organisation qui intègre la prévention des risques peut favoriser une prévention « au quotidien », qui inclut notamment la gestion du temps de travail et des ressources humaines, ainsi que des régulations collectives sur la répartition des tâches et sur les clients (Gaudin, 2021). Cette recherche contribue à mieux comprendre l’activité des dirigeants, plus particulièrement leur activité visant à organiser le travail, au sein de leur établissement et avec leurs salariés. Dans cet article, nous nous intéresserons principalement aux stratégies opératoires du dirigeant dans ce collectif, qui visent à réguler la répartition des tâches et la gestion de la clientèle, dans un contexte où le dirigeant cherche à maintenir un équilibre entre la rentabilité de son établissement, la satisfaction du client et la santé de ses salariés. Ainsi, les régulations du dirigeant, contribuant à la production et à la santé/sécurité des salariés, pourraient parfois empêcher le dirigeant de préserver sa propre santé du fait de son double statut d’employeur – un travailleur non salarié – et de manager de proximité, qui participe activement à la production avec ses salariés. Elles peuvent pourtant être une cible pour agir en prévention, en particulier si l’on considère la manière de transformer des situations de travail de façon concertée, voire de façon « intégrée ». L’intégration du couplage entre l’activité du dirigeant et des salariés constitue une perspective scientifique encore à poursuivre dans nos recherches en ergonomie organisationnelle (Falzon, 2004).

4Cet article présente le rôle central du chef d’entreprise dans le contexte de la prévention des risques dans les TPE et des troubles de santé dans le secteur de la restauration. Plusieurs notions théoriques seront abordées pour définir le concept d’organisation du travail : la structure et les dynamiques sociales, le travail d’organisation. La problématique porte sur le rôle de l’encadrement dans la prévention, par son action sur l’organisation du travail et ses régulations. Elle vise à montrer que l’environnement de travail qu’il offre à ses salariés peut permettre de réguler efficacement les perturbations de leur activité. Notre intérêt est aussi de voir l’encadrement en TPE sous l’angle de la subsidiarité. Autrement dit, il s’agit de voir comment des principes de subsidiarité peuvent se décliner dans le contexte de proximité de ce type d’entreprise, dans les situations de travail rencontrées par les dirigeants et leurs salariés. Deux types de stratégies, sur la répartition des tâches et sur la gestion des clients, seront détaillées dans les résultats. Elles ont été identifiées dans deux petits restaurants traditionnels. Cette analyse des résultats nous amènera à discuter de la subsidiarité dans le travail d’organisation du dirigeant de la TPE, du rôle de ses régulations en situation et de l’importance d’une approche processuelle de l’organisation du travail pour penser la prévention des risques comme relevant d’une activité du dirigeant.

2. Un contexte de prévention des risques dans les TPE nécessitant de s’intéresser aux dirigeants

5Un des leviers d’une prévention efficace et durable dans les très petites entreprises est de comprendre le rôle central du dirigeant dans la prise en compte des questions de santé de leurs salariés. Il connaît le travail, les contraintes du travail et peut comprendre les expositions aux risques liés aux situations de travail, ainsi que les troubles de santé de son personnel (TMS, stress, souffrance mentale). En participant à la production, il s’avère aussi lui-même exposé. En outre, s’il veut fidéliser ses salariés, il est aussi dans son intérêt de prendre en compte leurs contraintes, de les réguler, pour tenir la performance et plus largement la survie de son entreprise.

2.1. Améliorer la prévention dans les TPE, le rôle central de son dirigeant

6Notre recherche s’inscrit dans le prolongement des résultats de l’enquête européenne Safe Small and Micro Enterprises (SESAME), qui ont révélé entre autres (Walters et al., 2017) :

  • un manque de connaissances sur la prévention et la réglementation en sécurité et santé au travail (SST) conduisant les TPE à adopter une approche réactive par rapport aux risques professionnels ;

  • une sinistralité plus élevée dans les petites entreprises par rapport aux entreprises de plus grande taille ;

  • une mise en place d’actions préventives réalisée essentiellement à la suite d’un grave accident. Or, un accident survient en moyenne tous les 12 ans dans une entreprise française de trois salariés, ce qui ne favorise pas la mise en œuvre d’une démarche structurée de prévention dès la création de la petite entreprise (Lainé, 2014).

7Bien que les dirigeants des TPE soient identifiés comme des acteurs centraux dans la mise en place de mesures préventives au sein de leur entreprise (Olsen, Legge, Harris, Laird, Perry, & Hasle, 2010 ; Malenfer et al., 2016), leurs pratiques concrètes de prévention sont encore largement méconnues (Amossé, & Célérier, 2013). Étant donné que leur travail réel reste peu étudié, il demeure difficile de savoir comment ils peuvent assurer le déploiement de la prévention dans leurs établissements, tout en y assumant d’autres rôles et d’autres tâches : par exemple, recruter du personnel, organiser le travail de leurs salariés ou encore travailler à la production. Il apparaît important de produire des connaissances sur leur activité et le fonctionnement de leur TPE, dans le but de développer des pistes d’amélioration en SST dans ce type d’entreprise.

2.2. La santé mise à mal en restauration

8L’orientation vers les TPE du secteur de la restauration a très vite été justifiée par les données de santé disponibles et par les conditions de travail préoccupantes en matière de prévention des TMS et des RPS dans ce secteur. Les cuisiniers et les employés de l’hôtellerie-restauration sont les premiers métiers les moins favorables au bien-être psychologique (Coutrot, 2018) et ces professionnels sont deux fois plus souvent à la recherche d’une amélioration de leurs conditions de travail que les ouvriers ou les employés (Amira, 2001).

9Nous avons choisi d’étudier les petits restaurants traditionnels, car la majorité des salariés du secteur de la restauration en France travaillent dans ce type d’établissement (TPE) et plus particulièrement dans le sous-secteur de la restauration traditionnelle (Lainé, Rodriguez, & Wardé, 2017). Ces restaurants traditionnels, plus nombreux, sont aussi les plus fragiles sur le plan économique que les autres types de restaurants (cantines, restaurants de type rapide). Leur disparition est rendue peu visible par l’augmentation régulière du nombre de restaurants dans le secteur, portée par l’essor des restaurants de type rapide (Mordier, 2010). Ceci peut renforcer le fait que les dirigeants des TPE en restauration placent la prévention des risques professionnels au second plan, mettant en priorité la survie de leur entreprise. La restauration traditionnelle diffère de la restauration rapide par la présence d’un service à table et l’utilisation de vaisselle réutilisable, avec un repas qui est consommé seulement à certains horaires dans la journée (Roux, 2014).

10Dans le secteur de la restauration, plusieurs études mettent en avant de fortes contraintes liées au travail, avec des horaires longs et irréguliers, des contraintes posturales et articulaires importantes, un travail fréquemment interrompu, le fait de devoir constamment se dépêcher, etc. (Mardon & Volkoff, 2017 ; Matinet, Rosanskis, & Tassy, 2020). Ce cumul de contraintes physiques, psychosociales et organisationnelles entraîne diverses conséquences, comme une plus forte probabilité d’avoir un accident du travail pour les moins expérimentés, l’apparition de TMS et de troubles du sommeil pour ceux qui poursuivent leur carrière professionnelle dans ce secteur (ibid.).

11La restauration se caractérise par un taux de rotation très élevé. La probabilité qu’un contrat à durée indéterminée (CDI) soit rompu avant un an est de 59 %, contre 16 % pour l’ensemble des secteurs en 2011 (Paraire, 2015). Un grand nombre de personnes quittent le métier pour des raisons de santé (Aboubadra, Jolly, Lainé, Colin, Argouarc’h, & Bessière, 2015) ou changent régulièrement d’employeur pour trouver de meilleures conditions de travail (Amira, 2001 ; Monchatre, 2007). Cette forte mobilité et les pénuries chroniques de main-d’œuvre sont ainsi expliquées par la pénibilité (Monchatre, 2010).

12Cette mobilité apparaît comme une stratégie de préservation de la santé pour les salariés de la restauration, mais elle vient désorganiser le travail d’organisation du dirigeant dans la TPE. Une autre stratégie est de trouver dans la TPE des modalités de coopération entre salariés et avec le dirigeant pour tenir les conditions de travail. Dans le secteur de la restauration, les possibilités de coopérer dans le travail favorisent une diminution de la survenue de troubles musculo-squelettiques (Mardon & Volkoff, 2017).

3. Un cadre théorique sur l’organisation du travail en ergonomie

13Afin de comprendre le travail d’organisation du dirigeant de TPE comme une manière de faire de la prévention des risques professionnels (TMS, RPS) des salariés, il est important de définir le concept de travail d’organisation en le regardant comme une activité dans une organisation. Cette définition du travail d’organisation du dirigeant nous amènera à prendre en compte les régulations individuelles et collectives de ce dernier pour faire face aux variabilités des situations de travail.

14Nous précisons notre manière d’aborder les notions d’organisation, d’organisation du travail et de travail d’organisation.

3.1. L’organisation, entre structure et processus

15L’organisation est constituée d’une dimension structurelle et d’une dimension processuelle, comme l’avancent Petit, Dugué et Daniellou (2011) : « une organisation a toujours deux visages : une structure organisationnelle, qui en définit le cadre (organisation formelle), et un ensemble d’interactions entre les personnes et les collectifs, qui la font vivre (organisation vivante) » (p. 394).

16La dimension structurelle de l’organisation correspond aux procédures prescrites, à la division technique et hiérarchique du travail et à l’organisation temporelle du travail (de Montmollin, 1997). La structure organisationnelle définit le cadre de travail et forme un ensemble de contraintes pour les salariés (Daniellou, Simard, & Boissières, 2010). Tandis que la dimension processuelle de l’organisation correspond aux échanges permanents entre structure et activités sociales, afin de conserver un équilibre nécessaire à la santé des individus et à l’efficacité de la production (Petit, 2020). Il s’agit d’un ensemble d’interactions, de relations entre les acteurs de l’organisation, reflétant des stratégies individuelles ou collectives pour obtenir du pouvoir ou de l’autonomie, mais aussi pour atteindre des visées communes et tenir les enjeux de l’entreprise (Daniellou et al., 2010).

17L’organisation est alors à concevoir comme un système dynamique, qui évolue en permanence, et tout acteur de l’organisation peut contribuer à la transformer. Maggi (2003 ; 2011 ; 2016) a formalisé l’organisation comme un processus d’actions et de décisions, permanent et jamais achevé, un processus d’action sociale. Dans cette notion d’agir organisationnel, l’action sur l’organisation est la résultante de régulations autonomes et discrétionnaires. L’auteur distingue « la capacité de produire ses propres règles », qui relève de l’autonomie, et « les espaces d’action prévus par un processus réglé », qui s’apparente à de la discrétion (Maggi, 2016, p. 16). Cette vision de l’organisation amène à penser le fonctionnement des très petites entreprises, comme une façon d’organiser le travail qui se (re)construit continuellement dans un processus d’actions, de décisions (par les dirigeants) et de négociations (entre dirigeants et salariés). Autrement dit, le contexte de la TPE peut être propice à la construction de règles à la fois autonomes et discrétionnaires, du fait d’une relation de proximité entre dirigeants et salariés au cours de leur activité. Au sein de cette organisation, nous supposons que l’organisation du travail peut aussi être régulièrement (re)bâtie par les interactions dues à l’activité sociale, ce qui modifie en retour la structure organisationnelle et permet de faire évoluer le contexte de travail : les règles et les procédures, la disposition de l’espace de travail, la transmission des informations, etc.

3.2. L’organisation du travail et ses déterminants

18Si l’on s’intéresse en particulier à la situation de travail au sein de l’organisation, différents déterminants organisationnels peuvent être étudiés pour leurs liens avec la santé des individus. Le modèle multidimensionnel de la santé au travail, élaboré par Roquelaure (2018), propose de comprendre et de prévenir les atteintes à la santé dans le milieu du travail en tenant compte de différentes échelles de déterminants influençant les conditions de réalisation du travail (cf. Figure 1).

Figure 1 : Modèle multidimensionnel de la santé au travail. 
Figure 1: Multidimensional model of occupational health

Figure 1 : Modèle multidimensionnel de la santé au travail.  Figure 1: Multidimensional model of occupational health

(Roquelaure, 2018)

19Ainsi, l’organisation de l’entreprise, les pratiques managériales et l’organisation du travail sont des déterminants organisationnels, à l’intérieur de l’organisation. Ils influencent les conditions de réalisation du travail et créent le cadre des situations de travail auxquelles les travailleurs vont faire face. Ils déterminent la qualité des relations professionnelles et les modalités de réalisation et d’évaluation du travail. Ils influencent les contraintes rencontrées dans les situations de travail, mais aussi les ressources individuelles et/ou collectives accordées aux travailleurs pour dépasser ces difficultés dans l’activité de travail (Roquelaure, Bodin, Descatha, & Petit, 2018).

3.3. Le travail d’organisation du dirigeant avec ses salariés

20Considérer l’organisation dans ce double visage – la structure et les interactions – et les déterminants de l’organisation du travail (en situation) sur la santé des salariés permet de positionner le travail d’organisation du dirigeant avec ses salariés comme un enjeu de prévention de TMS et RPS dans la TPE.

21Le dirigeant « cadre et encadre » le travail au sein de son entreprise (Livian, 2003), il a un rôle important dans l’organisation du travail au sein de son établissement. Il est le prescripteur de son propre travail et du travail des autres (Carballeda, & Garrigou, 2001 ; Ghram, 2011 ; Robin, Raveleau, & Prouteau, 2007). Dans son activité d’encadrement, le dirigeant de TPE supervise directement ses salariés dans un contexte de proximité (Torrès, 2008) et participe lui-même à la réalisation du travail comme peuvent le faire les encadrants de proximité (Cuny-Guerrier, 2016 ; Piney, 2015). Différentes recherches menées sur le travail des encadrants soulignent la complexité de leur travail : il s’agit d’effectuer des tâches multiples et variées sur plusieurs plans – relationnel, gestionnaire, technique ou commercial – (Mascia, 2001 ; cité par Gotteland-Agostini, Pueyo, & Béguin, 2015) et de tenir quotidiennement un cadre fortement contraint par des objectifs de performance (Piney, 2015). Les travaux de Zara-Meylan (2012) dans l’horticulture ont mis en évidence que l’activité des encadrants consiste à gérer de multiples contraintes temporelles et de l’incertitude dans des situations qui changent en permanence.

22Pour Gotteland-Agostini et al. (2015), l’activité d’encadrement peut être vue comme une activité de conception, où l’encadrant conçoit des cadres d’action. L’auteure différencie des cadres pour faire et des cadres pour faire faire. Le terme de cadres pour faire s’applique lorsque l’encadrant détermine les travaux à organiser pour lui-même et pour les autres et qu’il crée de l’organisation pour la production. Il s’agit de faire exister un cadre selon la réalité rencontrée en situation, durant la journée de travail et en fonction de l’avancée du travail (Gotteland-Agostini, 2013). Alors que les cadres pour faire faire correspondent à l’élaboration de cadres d’action par l’encadrant à travers l’interaction avec son équipe. Il se réfère ainsi à son expérience et aux savoir-faire de ses subordonnés pour faire face au réel de la situation et déterminer comment procéder pour réaliser une commande. Ainsi, pour Gotteland-Agostini et al. (2015) l’activité d’encadrement dépasse le fait de cadrer les actions de subordonnées dans un cadre donné, car l’encadrant concrétise le travail à faire et à faire faire en interagissant avec d’autres et en prenant en compte la variabilité inhérente à la situation (inter-individuelle, intra-individuelle, industrielle). Le travail d’encadrement correspond à un travail d’organisation (de Terssac, 2003), qui repose sur une régulation des écarts et des événements qui surviennent dans les situations de travail. La structure organisationnelle est alors régulièrement réorganisée par les acteurs, à travers des négociations sur les règles de l’organisation et pour faire face à l’incertitude rencontrée en situation de travail (de Terssac, 2011). Le travail d’organisation est : « un processus d’échange négocié de règles par lequel les sujets modifient et construisent leurs relations dans un cadre de subordination (…) » (de Terssac, 2011, p. 97). Il s’agit d’une activité de production des règles sociales, entre des acteurs, pour structurer les actions concourant à réaliser le travail (de Terssac, 2011).

23Le travail d’organisation peut être vu comme une régulation au niveau de l’organisation permettant de tenir l’efficacité du travail et la santé des salariés (Petit, 2020). En réalisant ce travail d’organisation, on peut alors supposer que le dirigeant de la TPE effectue un travail à caractère « préventif » dans la vie quotidienne de son entreprise. Ce travail d’organisation dépend de l’activité du dirigeant et de celles de ses salariés, dans un contexte de proximité spécifique à la TPE (Torrès, 2008). Il dépend aussi des compétences organisationnelles, définies comme étant : « les savoirs, connaissances, routines, savoir-faire, normes, valeurs, règles coutumières, réseaux, mythes et croyances » (Gaillard, de Terssac, Sarfati, & Waser, 2013, p. 19) qui permettent, dans le déroulement de l’activité, à la fois de produire et d’organiser. Irène Gaillard (2016) montre que ses compétences organisationnelles du dirigeant et des salariés permettent le développement et l’intégration des questions de santé et sécurité du travail dans le fonctionnement même de la TPE. Elle met en avant l’existence d’un dialogue social direct entre salariés et dirigeant, ainsi qu’une connaissance partagée des réalités du terrain.

24Nous préférons le concept de régulation et de stratégies opératoires pour décrire ses compétences organisationnelles. Le terme « régulation » est défini en ergonomie comme l’ajustement des compromis opératoires dans l’activité, pour faire face à la variabilité des situations. Le terme « stratégies opératoires » désigne pour nous des actions réalisées par le dirigeant, relatives au processus de régulation. Elles se définissent comme des savoir-faire qu’un individu élabore pour parvenir à maintenir l’équilibre entre ce qu’il est et les caractéristiques de son milieu de travail (Major, 2011). Il s’agit de montrer les actions du dirigeant visant les régulations, en situation de travail et dans le contexte de son établissement.

4. Une problématique sur le travail d’organisation du dirigeant

25Le contexte des TPE et la littérature sur l’organisation du travail nous amènent à comprendre que l’amélioration des démarches de prévention des TMS et RPS dans les TPE de la restauration traditionnelle passe par une meilleure connaissance de l’activité des dirigeants des TPE de la restauration traditionnelle, de leur capacité à tenir ensemble des enjeux de santé et de performance, de leurs possibilités de réguler et de soutenir leurs salariés. Il apparaît dans d’autres recherches que les conditions de réalisation de l’activité des salariés sont en partie le résultat de l’activité de leurs dirigeants (Coutarel & Petit, 2013 ; Cuny-Guerrier, 2016). Nous ne montrerons pas dans cet article, comment par son travail d’organisation, le dirigeant d’une TPE peut offrir un cadre de travail préventif à ses salariés. Nous chercherons à montrer l’activité de deux dirigeants, leurs stratégies opératoires pour réguler la gestion du client et la répartition des tâches au cours du service de midi, en envisageant que cela fait partie plus largement de leur travail d’organisation, et que celui-ci peut inclure la prévention des risques.

26Le « travail d’organisation du dirigeant » nous semble avoir un caractère spécifique dans ce milieu de travail. Dans les restaurants observés, la spécificité de l’activité du dirigeant est celle de la production, selon sa fonction (serveur, cuisinier), ainsi que de l’encadrement (Gotteland et al., 2015) ou de l’organisation (Gaillard, 2017). Ainsi, dans notre approche, le dirigeant est à la fois le référent d’un cadre d’action – en encadrant un collectif de salariés – et un membre agissant de ce collectif – en occupant lui-même une fonction en production. Ces actions vont donc cibler à la fois l’exécution de la production et l’organisation de celle‑ci.

27Nous définirons le « travail d’organisation » en nous appuyant sur les travaux de Terssac. Le dirigeant d’une TPE organise l’activité (la sienne et celle des salariés), en définissant des règles d’organisation liées à son rôle d’encadrement, tout en participant lui-même au collectif. Ainsi, s’il occupe une position hiérarchique dans le collectif, il est aussi membre d’un collectif de salariés avec qui il travaille à la production et avec qui il va redéfinir ses propres règles. Dans notre recherche, l’initiative des salariés n’est pas montrée, même s’il est évident qu’ils participent eux aussi à leur niveau à organiser le travail. Notre choix est de centrer notre analyse sur l’activité du dirigeant de la TPE et son travail d’organisation avec les autres. Le travail d’organisation du dirigeant, tel que nous l’avons défini, porte principalement sur ses régulations, en situation de travail et s’inscrivant dans un travail collectif (cf. Figure 2). Il a une visée préventive, en cherchant à préserver la santé des salariés (TMS, RPS), et il tient compte des contraintes spécifiques rencontrées par les TPE de la restauration traditionnelle (tenir les enjeux de rentabilité, de satisfaction des clients).

Figure 2 : Le travail d’organisation du dirigeant comme régulation pour préserver la santé de ses salariés, dans les TPE de la restauration traditionnelle. 
Figure 2: The owner-manager’s organisational work as a regulation to preserve employee health, in traditional restaurant microenterprises

Figure 2 : Le travail d’organisation du dirigeant comme régulation pour préserver la santé de ses salariés, dans les TPE de la restauration traditionnelle.  Figure 2: The owner-manager’s organisational work as a regulation to preserve employee health, in traditional restaurant microenterprises

28Dans le cadre de cet article, nous traiterons uniquement des régulations du dirigeant sur l’aspect processuel de l’organisation, en situation de travail, notamment ses stratégies opératoires sur la répartition des tâches et sur la gestion du client, car elles témoignent le caractère « préventif » du travail d’organisation du dirigeant.

29Le travail d’organisation du dirigeant s’inscrit dans le fonctionnement général du restaurant, tenant compte des variabilités individuelles (compétences des travailleurs, expérience dans la restauration, ancienneté dans l’établissement), contextuelles (nombre de clients attendus par jour, conditions météorologiques), techniques (fonctionnement de l’équipement, du matériel) et organisationnelles (répartition des tâches selon les travailleurs présents, horaires). Dans cette recherche, nous considérons que le dirigeant d’un restaurant traditionnel met en œuvre des régulations en tenant compte de trois objectifs :

  • satisfaire le client (logique qualité, durabilité des relations clients),

  • tenir la rentabilité (logique performance, durabilité de l’entreprise),

  • tenir la santé au travail (logique de bien-être, durabilité dans l’emploi).

30Cependant, ces objectifs peuvent être parfois conflictuels dans la réalisation des buts de l’activité, notamment dans le travail d’organisation du dirigeant. Par exemple, il ne peut attendre qu’un opérateur puisse à la fois être très rapide pour satisfaire les attentes des clients et dans le même temps lui demander de ralentir pour préserver sa santé. Ainsi, le dirigeant fait des compromis dans les principes qui guident la manière d’organiser le travail.

31Il s’agira dans la partie présentant les résultats de décrire les stratégies opératoires du dirigeant servant à faire face à des variabilités rencontrées dans les relations de service de la restauration. Dans la discussion, nous reprendrons ces stratégies sous l’angle des trois principes de subsidiarité qui nous intéressent : le principe de compétence, le principe de secours et le principe de suppléance.

5. Une méthodologie visant l’analyse de l’activité du dirigeant de la TPE

32Une analyse descriptive des stratégies opératoires des deux dirigeants (DA et DB) de TPE de la restauration traditionnelle, pendant quatre services de midi filmés et observés, a permis de mettre en avant leur manière de tenir les enjeux de performance, de rentabilité dans leur propre établissement et de santé de leurs salariés. Le choix de se centrer sur le service de midi est de pouvoir observer le travail d’organisation en action, pendant le « coup de feu » où l’intensité du travail est extrême. C’est le moment où les régulations individuelles et collectives sont nombreuses pour éviter des situations de débordement qui seraient trop coûteuses pour tous.

33Cette étude a été menée sans demande (directe ou indirecte) d’acteurs des TPE de la restauration traditionnelle (entreprises, syndicats, organisations professionnelles). Elle a été financée par le fonds de recherche du Plan Santé Travail n° 3 et répond à une préoccupation politique en Europe et en France à propos de la mise en œuvre de la prévention des risques dans les très petites entreprises (de moins de 10 salariés).

34Le recueil de données a duré deux ans (Gaudin, 2021). Il est divisé en deux étapes : les investigations préliminaires et les investigations approfondies. Les investigations préliminaires se sont déroulées dans neuf TPE de la restauration traditionnelle, avec 2 à 5 visites par restaurant en 2018. Elles ont été utiles pour la compréhension générale du processus de production et des variabilités dans les restaurants traditionnels, ainsi que pour faire un choix éclairé des situations de travail à analyser dans les investigations approfondies (Saint-Vincent, Vézina, Bellemare, Denis, Ledoux, & Imbeau, 2011). Elles ont servi à mieux comprendre notre milieu de recherche, les TPE de la restauration traditionnelle, dans un contexte où ces établissements n’ont généralement pas de documents écrits formalisant leur organisation ni de données générales sur la santé des travailleurs (données AT/MP, plaintes). Notre but était de pouvoir identifier les principales contraintes et les ressources mobilisées par les dirigeants de chaque établissement étudié pour organiser le travail.

35Les investigations approfondies ont été faites dans deux restaurants au cours de l’année 2019, avec une dizaine de visites par restaurant en 2019. Ces deux restaurants avaient été étudiés au cours des investigations préliminaires et étaient volontaires pour participer aux investigations approfondies. Ces dernières visaient : « une compréhension plus fine de l’activité de travail et de ses interrelations avec les autres éléments de la situation de travail » (St-Vincent et al., 2011, p. 222). Notre but était de décrire et d’expliquer l’activité des dirigeants. Plus précisément, il s’agissait de comprendre leur travail d’organisation au sein de leur restaurant, ainsi que leur activité au cours des services de midi, à travers leurs stratégies opératoires visant à réguler les perturbations du service.

5.1. Neuf restaurants étudiés au cours des investigations préliminaires

369 restaurants volontaires de la région Auvergne-Rhône Alpes ont été retenus, selon les critères suivants :

  • l’établissement comprend 1 à 9 salariés,

  • le type de restauration est traditionnel (service à table),

  • il est situé dans une zone urbaine ou en périphérie d’une ville,

  • il a une clientèle qui revient régulièrement (plus de 50 % d’habitués).

379 entretiens semi-dirigés ont été effectués avec le(s) dirigeant(s) de chaque restaurant, puis des observations ouvertes des dirigeants et des salariés et des autoconfrontations ont été réalisées. Au total 11 dirigeants et 28 salariés ont participé à ce dispositif exploratoire. Des questionnaires (31 au total dans 7 restaurants) ont permis d’évaluer l’état de santé et les conditions de travail. 9 monographies axées sur les contraintes et les ressources rencontrées dans le fonctionnement quotidien de chaque restaurant ont ensuite été rédigées. L’objectif des monographies était de préciser le contexte de chaque restaurant et de chaque dirigeant, de faire des liens avec leurs choix d’organisation du travail et leur évolution, d’identifier les ressources et les freins dans leur activité.

388 séquences d’observations ouvertes du service du midi ont été faites, moment défini par le chercheur et les dirigeants et salariés comme le plus intéressant pour observer leur manière d’organiser le travail. Un total de 41,5 heures d’observation a pu être fait dans 8 restaurants. La prise de note a été réalisée à l’aide du papier-crayon dans un journal de bord dédié au terrain d’intervention.

5.1.1. Observer et décrire le travail : des observations ouvertes

39Les observations ouvertes ont servi à observer et décrire le travail dans les TPE de la restauration traditionnelle du point de vue du dirigeant (son activité, ses interactions avec les autres), du contexte et du travail collectif. Elles ont notamment servi à décrire l’organisation du travail dans chaque restaurant : la composition des équipes, la division du travail, l’interdépendance entre les postes, la gestion de l’accueil des clients, la gestion de la production des plats. Elles ont aussi permis de repérer les déplacements, les lieux d’échange et les manières d’échanger les informations dans l’activité, ainsi qu’à localiser et identifier le type d’outils et d’équipements utilisés. Lors des observations, notre compréhension des situations de travail s’est affinée grâce aux verbalisations. Celles-ci étaient soit simultanées, donnant des explicitations dans le contexte même de l’activité (Guérin, Laville, Daniellou, Duraffourg, & Kerguelen, 2007), soit consécutives, lorsque des résultats des observations étaient discutés avec les travailleurs en s’appuyant sur des rappels d’événements, généralement en fin de service.

5.1.2. Observer et comprendre le travail : des autoconfrontations sur des traces de l’activité

40Suite aux observations ouvertes, nous avons pu mener des autoconfrontations avec les dirigeants et les salariés dans deux restaurants (A et B) choisis parmi les neuf volontaires. Elles avaient pour objectif d’accéder à la compréhension de leur travail et de leur organisation du travail. Elles permettaient de questionner les enjeux relatifs à la performance et à la qualité en fonction des postes occupés. Elles ont aussi servi à approfondir nos connaissances sur les variabilités, ainsi que sur les exigences du travail du dirigeant dans un contexte de forte dépendance au travail des autres.

5.2. Deux restaurants sélectionnés pour les investigations approfondies

41Dans le cadre des investigations approfondies, deux restaurants (A et B) ont été sélectionnés pour la diversité de leurs situations en termes de situation financière (bon, moyen), d’état de santé (bon, moyen) et de formation (diplômés ou non). Nous nous sommes intéressées à des gouvernances de TPE variées : une gouvernance avec 2 associés travaillant ensemble dans le restaurant A (dirigeant DA et chef cuisinier CA) ; une gouvernance avec 5 associés, dont 2 travaillant ensemble dans le restaurant B (maître d’hôtel DB et chef cuisinier DB2). Il s’agissait de diversifier notre échantillon avec différentes configurations à l’origine de l’organisation du travail, avec des effectifs variables en termes de nombre (3 et 8 personnes) et de qualification (faible pour A ; élevé pour B). Le tableau 1 présente les caractéristiques des restaurants A et B retenus pour la phase d’investigation approfondie.

Tableau 1 : Caractéristiques des restaurants pour les investigations approfondies en 2019. 
Table 1: Restaurant characteristics for in-depth investigations in 2019

Tableau 1 : Caractéristiques des restaurants pour les investigations approfondies en 2019.  Table 1: Restaurant characteristics for in-depth investigations in 2019

42Par conséquent, la gouvernance de ces deux restaurants est partagée entre plusieurs personnes, la situation financière et l’état de santé sont contrastés. L’effectif du restaurant B est plus important (8 personnes) et moins stable (ancienneté de 2 mois à 4 ans) que l’effectif du restaurant A, avec 3 personnes travaillant ensemble depuis l’ouverture du restaurant (ancienneté de 5 ans). Il est à noter que, dans le restaurant B, un nouvel apprenti a rejoint l’équipe en cuisine au moment de cette phase d’investigation approfondie. Le tableau 2 résume le recueil de données pour cette étude de cas.

Tableau 2 : Aperçu du recueil de données pour l’année 2019. 
Table 2: Overview of data collection for the year 2019

Tableau 2 : Aperçu du recueil de données pour l’année 2019.  Table 2: Overview of data collection for the year 2019

43Deux journées d’observation systématique ont permis d’avoir une vue d’ensemble du travail des dirigeants DA et DB de l’ouverture à la fermeture de leurs restaurants. Le recueil de données comprend également 4 observations systématiques filmées au service de midi, qui ont été suivies par 11 entretiens individuels d’autoconfrontation avec les dirigeants et les salariés.

5.2.1. Décrire l’ensemble des tâches des dirigeants : des observations systématiques

44Deux observations systématiques d’une journée entière de travail du dirigeant ont été réalisées afin de décrire la succession des tâches effectives des dirigeants de l’ouverture à la fermeture de leur établissement, en l’inscrivant dans une échelle temporelle et dans une dimension collective, par rapport au travail des autres. Les deux journées ont été intégralement filmées à l’intérieur du restaurant, avec deux points de vue fixes de la caméra (38,25 heures d’observation filmées au total). Un relevé papier/crayon a été réalisé pour rapporter les actions effectuées à l’extérieur de l’établissement (approvisionnement) ou hors champ des caméras.

45Quatre observations systématiques du service de midi ont été filmées de 12 h à 14 h. Quatre heures d’observations se sont déroulées dans le restaurant A (J1 et J2) et quatre autres dans le restaurant B (J3 et J4). Elles ciblaient les actions et les communications du dirigeant soutenant la coordination collective, ainsi que les stratégies opératoires relatives à différentes régulations du dirigeant. Une sélection du matériau récolté en observation nous a servi pour mener les entretiens d’autoconfrontation (extraits vidéos).

5.2.2. Accéder à l’activité des dirigeants : des autoconfrontations sur des vidéos du travail réel

46Dans les deux restaurants, les entretiens d’autoconfrontation ont été menés sur la base de deux vidéos – une par restaurant – avec un format d’environ 10 à 15 minutes (après montage). Elles ont servi de support pour discuter du travail réel avec les dirigeants et les salariés, de façon individuelle. Les entretiens ont duré environ 60 minutes avec les dirigeants et 45 minutes avec les salariés. Tous ces entretiens ont été faits sur place, en fonction des contraintes liées à la production. Avec l’accord des personnes interrogées, les entretiens d’autoconfrontation ont été enregistrés (audio) et partiellement retranscrits.

47Les vidéos présentées concernaient des situations jugées critiques au moment de l’observation ou des situations nominales où nous avions vu un intérêt à faire expliciter les enjeux de la situation de travail, dans le but de mieux comprendre certains choix et stratégies. Elles ont permis d’accéder aux motifs des actions des dirigeants et des salariés par rapport au travail des autres, à leurs priorités dans l’activité pour organiser la réalisation des tâches entre eux, à leurs stratégies pour éviter les interruptions et aux difficultés qu’ils anticipent avec la clientèle, les produits ou les outils.

5.3. Les caractéristiques des individus observés dans les investigations approfondies

  • 2 Les dirigeants sont signalés par un identifiant commençant par « D », les salariés par « S » s’ils (...)

48Dans le restaurant A, le dirigeant DA2 (53 ans, 5 ans d’ancienneté, serveur) travaille avec la serveuse SA et le cuisinier CA. Dans le restaurant B, la dirigeante DB (26, 2 ans d’ancienneté, serveuse) travaille avec les serveuses SB1 et SB2. En cuisine, son associé le dirigeant DB2 travaille avec deux cuisiniers et deux apprentis cuisiniers, mais notre analyse est centrée sur la dirigeante DB. Les caractéristiques individuelles de la population de l’échantillon sont résumées dans le tableau 3 ci‑après.

Tableau 3 : Caractéristiques des dirigeants et des salariés de l’échantillon, au niveau de l’âge, du sexe, de l’ancienneté dans l’établissement et de la fonction en production. 
Table 3: Characteristics of the managers and employees in the sample, in terms of age, gender and seniority in the establishment and production function

Tableau 3 : Caractéristiques des dirigeants et des salariés de l’échantillon, au niveau de l’âge, du sexe, de l’ancienneté dans l’établissement et de la fonction en production.  Table 3: Characteristics of the managers and employees in the sample, in terms of age, gender and seniority in the establishment and production function

49Notre échantillon comprend un total de 10 individus, avec 3 dirigeants et 7 salariés. Il est constitué de 5 hommes et 5 femmes, âgés de 17 à 53 ans. On retrouve une plus grande proportion de femmes dans le métier de serveur, avec 5 femmes travaillant en salle, contre 1 homme au service et 4 hommes en cuisine. La durée de l’ancienneté est comparable dans le restaurant A, le dirigeant et les deux salariés travaillent ensemble depuis la création de la TPE il y a 5 ans, alors qu’elle apparaît plus contrastée dans le restaurant B.

50Le restaurant A est ouvert depuis 2013, du lundi au vendredi et avec des horaires de travail en journée, en continu (7 h 30 à 18 h 30-21 h selon les jours de semaine). Les principales prestations du restaurant sont : les repas à midi, le bar et les buffets pour des événements sur place. En moyenne, 50 à 60 couverts sont servis le midi. Le restaurant B est ouvert depuis 2010, du lundi au samedi, avec des horaires en coupure les mercredi, jeudi et vendredi : ceci est lié à un cumul de services à midi et le soir pour ces jours-là. Le restaurant propose aussi la possibilité de privatiser l’établissement pour des événements. Il sert en moyenne 80‑90 couverts le midi et 30‑40 couverts le soir.

51Nous avons sélectionné 8 situations au cours des observations dans les restaurants A et B, afin de rendre compte des stratégies opératoires réalisées par les dirigeants lors des observations filmées. L’analyse de ces 8 situations a permis de dégager 17 stratégies opératoires mises en œuvre par les dirigeants, qui ont été classées selon deux catégories de variabilités :

  • la variabilité liée à la réalisation des tâches et à leur répartition dans le collectif : elle correspond aux différences des modes opératoires mis en œuvre pour effectuer une tâche ;

  • la variabilité des clients et de leurs demandes : elle correspond aux comportements des clients et aux imprévus liés à leur demande.

  • 3 Pour plus de détails voir Gaudin, 2021.

52Pour cet article, seules 10 stratégies sur 17 seront traitées dans le détail3. Celles-ci nous paraissent les plus illustratives des stratégies de gestion des tâches et du client.

53Notre unité d’analyse est la situation de travail du service de midi, de 12 h à 14 h 30, caractérisée par :

  • un client qui oriente le travail par ses exigences et le type de commande,

  • l’utilisation d’artefacts pour synchroniser l’activité des serveurs et des cuisiniers,

  • des variations dans les tâches à réaliser avec l’évolution temporelle du service,

  • des « coups de feu » désignant une période de forte intensité dans le travail.

6. Des résultats sur les régulations des dirigeants, révélant un travail d’organisation préventif auprès des salariés de la TPE

54Les résultats sont centrés sur l’activité de deux dirigeants (DA et DB) pendant le service de midi. Au cours de cette période, la variabilité des situations de travail est importante. Elle est principalement liée aux clients, à leur nombre et à leurs demandes. Notre intérêt porte sur les stratégies opératoires déployées par ces deux dirigeants pour réguler cette forte variabilité, à un niveau individuel et collectif. L’analyse vise à décrire les stratégies opératoires mises en œuvre par les dirigeants pendant le service de midi. Le tableau suivant présente les 10 stratégies que nous avons sélectionnées, avec 6 stratégies sur la répartition des tâches et 4 stratégies sur la gestion des clients :

Tableau 4 : Vue d’ensemble des stratégies opératoires analysées dans les restaurants A et B, selon les dirigeants (DA, DB), la stratégie observée, l’enjeu de performance et l’effet en termes de prévention des risques. 
Table 4: Overview of the operating strategies analysed in restaurants A and B, according to their owner-managers (DA, DB), the strategy observed, the performance issue and the effect in terms of risk prevention

Tableau 4 : Vue d’ensemble des stratégies opératoires analysées dans les restaurants A et B, selon les dirigeants (DA, DB), la stratégie observée, l’enjeu de performance et l’effet en termes de prévention des risques.  Table 4: Overview of the operating strategies analysed in restaurants A and B, according to their owner-managers (DA, DB), the strategy observed, the performance issue and the effect in terms of risk prevention

55Les 10 stratégies opératoires sont effectuées dans 5 cas par le dirigeant DA du restaurant A et dans 5 cas par la dirigeante DB du restaurant B. La prévention consiste principalement à éviter d’exposer les salariées, en faisant une tâche à leur place ou en collaborant à la réalisation de la tâche avec elles.

6.1. Réguler à propos du contenu et de la répartition des tâches

56Parmi les 6 stratégies opératoires en lien avec la répartition des tâches, 3 ont été identifiées dans le restaurant A et les 3 autres dans le restaurant B.

6.1.1. Diminuer les contraintes de la tâche, échanger et s’entraider dans le restaurant A

57Le dirigeant DA a effectué trois types de stratégies visant la répartition des tâches. Concernant la première stratégie, il est le seul à effectuer certaines tâches, notamment le changement de fût de bière au sous-sol du restaurant. Dans la deuxième stratégie, il échange les tâches avec la serveuse, en reprenant l’installation du mobilier et en lui déléguant la fin de la mise en place d’un nouveau fut de bière qu’il est en train de réaliser. Dans la troisième stratégie, il seconde la serveuse à l’encaissement. Reprenons dans le détail ces trois types de régulation dans l’organisation du travail.

58Stratégie 1 : En début de service, le dirigeant DA interrompt une tâche prioritaire, la prise de commande, pour aller changer un fût de bière au sous-sol. Il passe par une trappe située dans la cuisine et descend par un escalier étroit. En autoconfrontation, il explique que le changement de fût de bière n’est pas évident à réaliser en raison de la localisation des fûts : le passage pour se rendre au sous-sol n’est pas suffisamment sécurisé, mais il n’a pas les moyens de faire de gros travaux de réaménagement à cet endroit. Il préfère faire lui-même le changement de fût pour éviter que la serveuse soit exposée à utiliser le passage par la trappe et cet escalier.

59D’après les retours du dirigeant et de la salariée, cette situation est ordinaire : c’est une tâche attribuée au dirigeant. Le dirigeant s’interdit de décharger la tâche « changer le fût » à la serveuse parce qu’il sait que l’accès par la trappe n’est pas conforme en termes de sécurité et que la serveuse a des douleurs au dos et au genou. Il choisit de s’exposer à la place de cette dernière à une tâche considérée comme étant « plus risquée ». Mais, c’est en même temps un choix visant la performance, parce qu’il se considère plus agile que la serveuse et qu’avec l’habitude il est devenu plus rapide qu’elle pour faire le changement de fût, une étape technique qui peut être délicate à réaliser correctement.

60Stratégie 2 : Au cours du service, le dirigeant DA fait un échange de tâches avec la serveuse pour la préserver du port de charge, dans une situation où il faut déplacer du mobilier pour installer des clients supplémentaires en terrasse. Il lui propose qu’elle reprenne la préparation de boissons et termine de purger la tireuse à bière à sa place. En autoconfrontation, le dirigeant donne deux raisons à cette inversion des tâches en situation de travail entre lui et sa serveuse : l’efficacité, parce qu’il connaît bien la disposition des tables, et la santé de sa serveuse qu’il souhaite maintenir en emploi. Le dirigeant réorganise la répartition des tâches en tenant compte du degré de sollicitation physique. Mais cette stratégie reporte les contraintes physiques sur lui-même avec un coût cognitif élevé : l’interruption de la tâche principale pour l’un et l’autre rendra plus difficile la reprise de l’activité individuelle et collective de gestion du service du midi.

61Cette situation apparaît plus singulière que la précédente, le dirigeant expliquant qu’il a mis en place seulement quelques tables en terrasse, n’imaginant pas qu’un grand nombre de clients s’installerait à l’extérieur un jour de semaine au mois de décembre. De fait, dans cette situation, il devient nécessaire d’ajouter du mobilier, une tâche qui est habituellement faite avant le début du service de midi par le dirigeant. Ici, le dirigeant choisit de s’exposer à du port de charge lourde à la place de la salariée. Ayant connaissance des douleurs au dos et au genou de sa salariée, il sait qu’elle va réaliser cette tâche avec plus de difficultés que lui. Ce choix vise aussi la performance, car le dirigeant, qui gère la disposition des tables chaque matin, est plus à même de redisposer au mieux et rapidement les tables en terrasse.

62Stratégie 3 : En fin de service, le dirigeant DA seconde la serveuse dans la réalisation de l’encaissement. Il prépare la facture d’un groupe de clients, leur demande de patienter à table pour éviter d’augmenter la taille de la file d’attente à la caisse et en informe la serveuse. Il lui évite ainsi de devoir faire des tâches de comptabilité en situation de pression temporelle (calculer le montant total, extraire les frais des bouteilles de vin, diviser par le nombre de personnes), lui évitant des risques d’erreur de caisse. Il peut se rendre également disponible à reprendre l’encaissement à tout moment.

63Dans ce cas, la tâche d’encaissement est partagée entre la serveuse et le dirigeant. Ce dernier choisit de ne pas poursuivre certaines tâches (débarrasser les tables, faire les desserts avec le cuisinier, etc.) et de venir en soutien à la serveuse. Leur collaboration vise à diminuer au plus vite la file d’attente, celle-ci limite les déplacements dans le restaurant et l’attente pourrait mécontenter les clients. En autoconfrontation, la serveuse souligne que la collaboration du dirigeant sur cette tâche lui donne aussi la possibilité de déléguer l’encaissement au dirigeant à tout moment. Dans cette situation, le dirigeant soutient la serveuse en effectuant des actions qu’elle ne peut réaliser en étant positionnée à la caisse (faire patienter des personnes à table) ou qu’elle ne pourrait réaliser par manque d’informations : elle ne connaît par exemple pas le prix à facturer pour les repas du groupe de clients, il a été négocié au préalable avec le dirigeant.

6.1.2. Déléguer, échanger ou seconder la réalisation des tâches dans le collectif dans le restaurant B

64La dirigeante DB a effectué trois types de stratégies sur la répartition des tâches. Au cours de la première stratégie, elle donne des solutions aux demandes des clients lors de leur installation, mais elle délègue aux deux serveuses la réalisation de ces solutions, sans intervenir elle-même auprès des clients. Dans la deuxième stratégie, elle seconde la serveuse à la préparation des boissons. Dans la troisième stratégie, elle reprend l’encaissement, effectuée par SB1, en déléguant le débarrassage de la vaisselle qu’elle est en train d’effectuer à la serveuse SB2.

65Stratégie 4 : L’installation des clients est rendue difficile en début de service en raison d’un cumul de modifications demandées par les clients au niveau de l’attribution des tables. La dirigeante DB apporte des solutions aux problèmes rencontrés par les serveuses SB1 et SB2 à l’accueil des clients, mais elle leur délègue la mise en place de ces solutions. Le fait de déléguer ces tâches lui permet d’intervenir le moins possible auprès des clients pour pouvoir continuer de réaliser sa tâche principale de prise de commande.

66La dirigeante cherche à garder son rôle dans le collectif : elle sert le vin et prend les commandes, tandis que la serveuse SB1 s’occupe de préparer et servir les boissons, la serveuse SB2 ayant en charge d’accueillir et d’installer les clients. Ce choix vise la performance, il s’agit de tenir le rôle attribué avant le démarrage du service pour mieux se coordonner pendant le service de midi. Ces rôles sont discutés entre la dirigeante et les serveuses avant chaque service selon différentes conditions. Lorsque le nombre de clients est moins important, les rôles sont redéfinis pour favoriser une montée en compétences. Par exemple, le jour de l’observation, le restaurant est complet et la serveuse SB2 ne fait pas de prise de commande, mais elle est autorisée à le faire quand l’affluence de clients est moindre.

67Stratégie 5 : Au cours du service, la dirigeante DB va chercher un fût de bière en réserve, elle seconde la serveuse SB1 sur la préparation des boissons. En autoconfrontation, elle explique que la serveuse SB1 a déjà beaucoup de boissons à préparer au moment où elle remarque que le fût est presque vide. Contrairement aux deux autres serveuses, la dirigeante est capable de porter seule et rapidement un fût plein, à proximité de la tireuse à bière. Pour gagner du temps et ne pas interrompre les serveuses, elle décide d’effectuer elle-même cette tâche. La dirigeante précise qu’en dehors des situations de service et de pression temporelle, les fûts sont en général portés par deux personnes, leur poids avoisinant 20 kilos.

68La dirigeante sait que SB1 n’arrive pas à réaliser le changement de fût seule en raison du poids du fût, alors qu’elle-même peut le faire. La dirigeante interrompt le fil de ses tâches pour porter secours à la serveuse SB1 et lui éviter un blocage dans la préparation des boissons. Ce choix relève aussi de la performance, dans cette situation l’action de la dirigeante évite de mobiliser une autre personne pour porter le fût et elle est plus rapide.

69Stratégie 6 : En fin de service et pour gérer la longue file d’attente à la caisse, la dirigeante reprend la tâche d’encaissement parce qu’elle est plus rapide que les serveuses. Dans ce cas, elle échange les tâches avec les serveuses en cours d’action, ce qui permet de diminuer la file d’attente à la caisse plus rapidement. La serveuse SB1 peut ainsi reprendre sa tâche principale de la préparation des boissons, alors que la serveuse SB2 termine le débarrassage de la vaisselle que la dirigeante était en train d’effectuer. Il s’agit d’optimiser la répartition des tâches par rapport aux compétences de chacune et aux rôles prédéfinis en amont.

70La tâche d’encaissement est d’ordinaire réalisée par la serveuse SB1 ou la dirigeante et il arrive régulièrement qu’une file d’attente se forme vers la caisse en fin de service. Mais, cette situation est singulière, car ce jour-là, la file est particulièrement longue : elle entrave les déplacements des travailleuses, l’attente devient plus longue pour les clients, etc. En reprenant l’encaissement, la dirigeante permet surtout à la serveuse SB1 d’avoir plus de temps pour effectuer ses propres tâches, notamment la préparation des boissons, à un moment où il faut produire un nombre important de cafés (fin de service). Ceci évite que la serveuse SB1 fasse ensuite des pics d’accélération dans son activité, suite à la tâche d’encaissement. Autrement dit, si la dirigeante n’avait pas repris l’encaissement dans cette situation, la serveuse SB1 aurait poursuivi l’encaissement pendant 10 à 15 minutes, puis elle aurait dû accélérer pour rattraper la production des 10 à 15 cafés qui auraient été commandés entre-temps. La dirigeante vise à la fois à mettre la serveuse SB1 dans les meilleures conditions possibles pour faire son travail et à tenir la performance : la dirigeante fait ce que les serveuses ne peuvent pas réaliser de manière aussi performante qu’elle-même en est capable, de par son expérience.

71Dans les deux restaurants A et B, on observe une gestion collective de la répartition des tâches, grâce à des régulations du dirigeant qui est capable de modifier les contraintes de la tâche pour ses salariés, sans leur enlever les possibilités d’apprentissage de la gestion du client et de la gestion temporelle de l’activité. Les dirigeants semblent agir sur l’organisation du travail dans le registre décisionnel pour favoriser un environnement capacitant pour les salariés, tout en assurant les objectifs de rentabilité de la TPE. On remarque également que le dirigeant peut aussi choisir de s’exposer lui-même à certaines situations, pour éviter une exposition de ses salariés.

6.2. Réguler à propos des clients

72Onze stratégies opératoires en lien avec la gestion des clients et effectuées par les dirigeants DA et DB ont été analysées. Nous avons choisi d’en présenter quatre pour illustrer deux situations de travail rencontrées dans chaque restaurant, caractéristiques du travail d’organisation. La première situation comprend deux stratégies pour gérer la file d’attente à l’encaissement dans le restaurant A. La seconde situation concerne la mise en place de deux stratégies pour faire face à un client difficile dans le restaurant B.

6.2.1. Gérer l’encaissement dans le restaurant A, une régulation visant la gestion du client par le dirigeant

73Nous avons vu dans la partie précédente que le dirigeant DA aide la serveuse lors de l’encaissement en gérant à sa place et par avance la facturation des repas d’un groupe de clients. Deux autres stratégies sont effectuées pour diminuer la file d’attente à la caisse en fin de service et gérer le bon déroulement de l’encaissement. Il s’agit de reporter à plus tard le paiement de l’addition pour certains clients, de compléter les informations concernant les additions des clients auprès de la serveuse, ainsi que d’échanger avec les clients qui doivent attendre, ce qui permet de prévenir certains comportements (impatience, agressivité).

74Stratégie 7 : Elle consiste à différer le paiement des repas pour les personnes de confiance qui viennent régulièrement manger dans ce restaurant. Le dirigeant DA leur demande de revenir plus tard dans la journée pour régler leur facture. Il utilise généralement cette stratégie avec les clients qui passent devant le restaurant sur leur trajet travail-domicile. Il peut le faire, car il connaît bien les habitudes de ses clients réguliers (lieu de travail, domicile, horaires de travail, etc.).

75La tâche d’encaissement est d’ordinaire réalisée par la serveuse ou le dirigeant. Comme dans la situation décrite précédemment dans le restaurant B, la file d’attente est particulièrement importante, ce qui amène certaines difficultés supplémentaires (ne plus pouvoir se déplacer aisément dans le restaurant, devoir gérer les clients pressés, devoir accélérer suite à un long temps passé à l’encaissement, etc.). Le dirigeant cherche à éviter ces contraintes supplémentaires pour la serveuse et lui-même, ainsi que de tenir la satisfaction des clients en évitant de les faire attendre trop longtemps. La décision de différer le paiement peut seulement être prise par le dirigeant : elle touche aux finances du restaurant et il prend le risque de ne pas être payé a posteriori : il fait ce que la serveuse ne peut pas réaliser (prendre cette décision). Cette stratégie tient à la fois la santé et la performance. Elle permet de diminuer la durée de la tâche d’encaissement : ce qui permet d’éviter ensuite des pics d’accélération sur les autres tâches en production et d’éviter de devoir gérer des situations d’insatisfaction du côté de la clientèle.

76Stratégie 8 : Dans cette situation, le dirigeant délaisse les tâches moins urgentes en production (par exemple débarrasser et nettoyer les tables pour servir des plats chauds ou prendre des commandes de café) et il se rend auprès des clients qui attendent dans la file d’attente et cherche à les divertir : il échange avec eux sur leur satisfaction de la prestation, il s’informe sur leur situation personnelle et professionnelle, etc. Dans cette situation, la relation de proximité établie par le dirigeant avec la clientèle apparaît comme un avantage pour éviter les tensions avec les clients qui attendent. En autoconfrontation, le chef cuisinier et la serveuse mentionnent la capacité du dirigeant à accueillir les clients comme un atout pour leur propre activité : il donne du temps au cuisinier et à la serveuse en faisant patienter les clients ; il rend les clients habitués coopérants.

77Dans cette situation, le dirigeant aide la serveuse dans le sens où il fait le choix de venir vers la caisse pour faciliter la tâche de l’encaissement en agissant sur les clients qui attendent, au lieu de poursuivre d’autres tâches en production. Cette stratégie permet aussi de réguler le fait que des informations pourraient manquer à la serveuse pour faire correctement l’encaissement. Lors de cette observation, le dirigeant a par exemple indiqué en direct à la serveuse de quelle manière il fallait facturer les repas pris par les membres d’un groupe. Il avait déjà calculé le montant par personne, en ayant déduit les boissons qu’un des membres du groupe voulait prendre à sa charge. Autrement dit, le choix du dirigeant de collaborer sur la tâche d’encaissement, plutôt que de réaliser d’autres tâches, permet de soutenir la serveuse dans son travail.

6.2.2. Gérer un client difficile dans le restaurant B, une régulation de la dirigeante pour soutenir l’équipe

78Dans cette dernière partie, la dirigeante DB déploie deux stratégies pour gérer un client difficile. Elle met d’abord en place une stratégie pour éviter la présence du client pénible dans le restaurant, puis elle évite une exposition individuelle à ce client en réorganisant la répartition des tâches au niveau du collectif.

79Stratégie 9 : Dans le cas d’un client difficile connu de la dirigeante et qui a été désagréable avec les serveuses à plusieurs reprises, la dirigeante a décidé de bloquer le client en amont de la réservation. Elle a identifié son nom et son prénom, qu’elle transmet aux serveuses, et donne pour consigne de le refuser sur le planning de réservation. Les motifs invoqués sont partagés, annoncer que le restaurant est complet. Pendant plusieurs mois, cette stratégie fonctionne et permet de bloquer le client avant son arrivée dans l’établissement. Elle permet à la dirigeante et aux serveuses de se préserver du client difficile, qui vient perturber l’organisation du service de midi.

80Dans ce contexte, la dirigeante prend une décision – le blocage du client – pour se préserver et préserver les serveuses. En outre, elle assume cette position vis-à-vis des 4 associés qui partagent avec elle la gouvernance du restaurant, ce qui n’est pas une posture évidente à assumer dans un milieu où il est d’usage de considérer que « le client est roi ». Cette situation s’avère singulière. D’après la dirigeante, c’est la première fois que cette stratégie est mise en œuvre, mais elle fait suite à plusieurs situations difficiles rencontrées avec ce client. La dirigeante préserve ainsi son équipe et se préserve elle-même, en évitant une exposition à une personne qui se comporte de manière agressive tout au long du service de midi.

81Stratégie 10 : Cependant, nous avons pu observer que le client difficile en question a réussi à dépasser la règle de triage et il se trouve dans le restaurant lors de l’observation : il se trouve accompagné d’un client non connu qui s’est chargé de réserver la table. La dirigeante et la serveuse expérimentée SB1 repèrent vite le client difficile et en informent la serveuse novice SB2 (qui ne l’a jamais vu). La dirigeante réorganise la répartition des tâches de manière collective. Au lieu de servir la table individuellement, comme elles ont l’habitude de le faire, elles vont alterner entre elles pour éviter qu’une seule serveuse soit exposée au client difficile. Elles gèrent la table de ce client de manière collective, en se rendant à tour de rôle à cette table pour amener des boissons, des plats, débarrasser, etc.

82La dirigeante fait des tâches que les serveuses peuvent faire, mais elle le fait pour les préserver, car elle a choisi de répartir les tâches d’une autre manière, afin que l’exposition au client difficile soit collective plutôt qu’individuelle.

7. Discussion sur le travail d’organisation du dirigeant et sur le concept de subsidiarité appliqué au fonctionnement de la TPE

83L’analyse des résultats sur les stratégies mises en œuvre par deux dirigeants de TPE pendant le service de midi montre que les régulations qu’ils mettent en œuvre visent bien à tenir conjointement la performance, la qualité de service et la santé de leurs salariés. Le maintien de la santé et de l’efficacité du salarié semble d’autant plus crucial dans le travail de production d’une TPE que l’effectif est petit et qu’une défaillance de la gestion collective pourrait amener à une désorganisation difficile à rattraper. Ainsi, on comprend l’importance d’avoir une approche processuelle de l’activité du dirigeant dans son travail d’organisation. La prévention classique des risques par le dirigeant à l’aide d’outils formels relatifs à la structure, ne donne pas à voir cette réalité de la prévention dans la gestion « à chaud » de l’organisation du travail. Elle amène à modifier notre façon d’évaluer les actions de prévention des chefs d’entreprise des TPE dans la gestion des risques professionnels de TMS et de RPS.

84Cette prévention intégrée à la gestion quotidienne de l’activité peut relever un paradoxe : le dirigeant non reconnu dans ce mode de prévention « à chaud », non pris en compte dans un système préventif formel, peut finalement être amené à être plus exposé que ses salariés. Le système actuel prend peu en compte la santé des dirigeants de TPE et notre recherche centrée sur l’activité du dirigeant, nous amène à souligner l’importance, à l’avenir, de mieux prendre en compte la santé des dirigeants dans les entreprises de petite taille. En effet, la délégation à ses salariés d’une part de ses tâches n’est pas évidente et il peut chercher davantage à les préserver qu’à se préserver soi-même. Il est pris lui-même dans l’activité collective (Caroly, 2022), en participant de façon active à la production avec ses salariés, et il agit aussi sur l’activité collective par ses stratégies opératoires (répartition des tâches et gestion du client). Un dirigeant en mauvaise santé pourrait être empêché de réaliser un travail d’organisation à caractère préventif, ce qui amènerait à une organisation du travail peu favorable pour ses salariés.

85Le travail d’organisation des dirigeants des TPE de la restauration traditionnelle consiste à tenir ensemble et du mieux possible plusieurs objectifs : en particulier celui de servir vite et bien les clients pour assurer la performance et la rentabilité du restaurant, tout en minimisant les conséquences néfastes sur leur propre santé et celle des salariés. Dans cette perspective, ils produisent avec leurs salariés, des possibilités de réguler en situation. Dans ce sens, notre étude apporte un élément nouveau, lié au contexte des TPE et à la participation du dirigeant dans le collectif de travail. Il apparaît que les conséquences des régulations du dirigeant modifient en retour sa propre activité, mais aussi celles des salariés. Plus largement, le dirigeant peut, sur la base de son expérience de l’activité productive au sein du collectif, faire un travail d’organisation visant à transformer l’organisation du travail existante dans son établissement. En intégrant les résultats de ses propres régulations sur l’activité collective, il rend possible l’évolution de l’organisation du travail dans sa TPE.

86Nos résultats montrent que les dirigeants de TPE sont avant tout des travailleurs « qui mettent la main à la pâte » en participant principalement à l’activité productive de leur établissement. Ils exercent un double métier, qui consiste à participer à la prestation de service de leur entreprise pour en garantir la performance (production) et à gérer leur entreprise en vue de la faire durer (gestion). Ils apparaissent plus impliqués et engagés dans la production que les encadrants de grande entreprise de différents secteurs industriels (Carballeda & Garrigou, 2001 ; Robin et al., 2007). L’activité des dirigeants de TPE est variée et fréquemment interrompue par les exigences à tenir entre production et gestion du restaurant. Elle s’inscrit dans une relation forte d’interdépendance avec leurs salariés. Ces derniers apparaissent relativement autonomes et polyvalents. Ils sont par ailleurs capables de seconder le dirigeant dans ses tâches, ce qui représente une ressource très importante pour le dirigeant. Le travail d’organisation du dirigeant se caractérise par des prises de décisions en situation et avec le collectif, ce qui favorise l’efficacité des régulations et participe à une prévention informelle, intégrée à l’organisation du travail.

87Les dirigeants des TPE de la restauration traditionnelle doivent faire face à de multiples prescriptions dans les situations de travail. Dans leur activité de travail, ils vont être confrontés avec leurs salariés à des variabilités liées à la production et à la situation de service. Ils ont un rôle de « régulateur » des événements. Comme les encadrants de la Fonction publique étudiés par Piney (2015), ils vont gérer en priorité et en temps réel les événements. Mais dans notre étude, cette régulation des événements n’est pas seulement gérée de manière individuelle par le dirigeant, elle peut être portée par le collectif : par exemple, lorsque le dirigeant définit des solutions et en délègue l’exécution aux salariés afin de garder ses priorités dans l’activité productive. En outre, si le personnel est expérimenté, il est alors capable de réguler certains événements de manière autonome, ce qui soutient en retour l’activité du dirigeant.

88Ceci nous conduit à considérer nos résultats au regard du concept de subsidiarité, généralement discuté pour les entreprises de plus grande taille que les TPE dans la littérature (par exemple, dans la distribution d’énergie électrique avec 600 salariés (Rocha, Mollo, & Daniellou, 2017) ; dans un groupe de banques régionales avec 1 400 salariés (Merceron, 2016). La subsidiarité définit les principes de délégation du pouvoir dans une communauté et elle peut permettre de « réfléchir à l’inscription des marges de manœuvre individuelles et collectives dont devraient disposer les salariés dans le fonctionnement courant de l’organisation » (Dugué & Petit, 2022, p. 65). L’idée principale de la subsidiarité consiste à permettre, entre autres, de prendre les décisions au plus bas niveau pertinent (Petit et al., 2011). Ainsi, la subsidiarité se fonde sur l’idée que l’organisation du travail doit permettre aux personnes de développer leur capacité d’action et de décision au plus juste en fonction de leurs compétences. Ce qui nécessite à la fois de la confiance dans cette « délégation de pouvoir maitrisée » (Petit et al., 2011) et une autonomie à chaque niveau décisionnel. Cette notion étudiée récemment en ergonomie dans les grandes entreprises (Petit et al., 2011) et PME (Petit, 2020), nous semble particulièrement intéressante à utiliser dans une TPE. Trois principes de subsidiarité peuvent être déclinés dans les rapports de subordination entre un dirigeant et un salarié ; le principe de compétence, le principe de secours et le principe de suppléance (Pradines, 2004). Nous allons les mettre en discussion avec nos résultats sur le travail d’organisation du dirigeant avec ses salariés dans une entreprise de petite taille :

89Le principe de compétence où « l’échelon supérieur s’interdit toute tâche que peut accomplir par lui-même l’échelon inférieur » (Pradines, 2004, p. 9) est aussi appelé le principe de subsidiarité négative (Guéry, 2019), car le niveau supérieur n’intervient pas dans les domaines où le niveau inférieur est capable de décider et agir. De notre point de vue, ce principe suppose de définir la répartition des tâches entre le dirigeant de la TPE et le salarié, au regard de ce qu’ils sont capables de réaliser (leurs compétences). Le dirigeant a le devoir d’ajuster la distribution des tâches aux caractéristiques du salarié et de la situation de travail, et de ne pas faire à sa place si ce dernier est capable de décider et d’agir par lui-même. En ce sens, il favorise l’autonomie du salarié par rapport à son champ de compétences. Cette idée renvoie à la formation du salarié et à sa connaissance du fonctionnement de l’établissement. Avec un salarié novice et peu qualifié, le dirigeant devrait concrètement accomplir plus de tâches qu’avec un salarié expérimenté et formé professionnellement. Dans nos résultats, trois stratégies pourraient suivre le principe de compétence. Dans la stratégie 4, la dirigeante s’interdit toute tâche que peuvent faire les serveuses, elle répond à leurs demandes en décidant de solutions à mettre en œuvre, mais laisse ensuite les salariées agir dans la situation. Dans les stratégies 3 et 8, le dirigeant n’intervient pas directement sur la tâche d’encaissement de la serveuse, mais il effectue des tâches parallèles visant à soutenir la serveuse dans la réalisation de cette tâche. Dans ce sens, l’aide apportée par le dirigeant suit l’idée du principe de compétence, il agit pour diminuer la file d’attente, mais reconnaît la compétence de la serveuse en n’agissant pas à sa place.

90Le principe de secours où « l’échelon supérieur a le devoir de s’acquitter des tâches que l’échelon inférieur ne peut réaliser » (Pradines, 2004, p. 9) est un principe de subsidiarité positive, car elle se caractérise par une intervention du niveau supérieur en soutien au niveau inférieur (Guéry, 2019). Il s’agit d’une intervention structurelle quand l’échelon supérieur crée des conditions durables pour que l’échelon inférieur puisse décider et agir (Ibid.). Pour nous, ce principe considère que le salarié peut être empêché de faire certaines tâches et qu’il devrait avoir la possibilité de déléguer au dirigeant ce qu’il ne peut réaliser par lui-même. Ce principe rejoint l’idée d’une autonomie du salarié pour re-concevoir la répartition des tâches établie à un niveau organisationnel, et qui serait principalement portée par le dirigeant dans la TPE. Suivant cette idée, le dirigeant a l’obligation de reprendre la réalisation des tâches que le salarié ne peut exécuter. Cependant, ce principe ne dit rien sur une éventuelle situation où le dirigeant pourrait aussi être empêché dans la réalisation de certaines tâches. Dans nos résultats, nous pensons que cinq stratégies rejoignent l’idée du principe de secours, car elles révèlent une intervention du dirigeant sur la tâche du salarié et avec un aspect pérenne, lorsqu’il s’agit d’une régulation installée de manière durable. Par exemple, dans les stratégies 1 et 2 dans le restaurant A, le dirigeant va régulièrement être attentif à faire lui-même les tâches avec des contraintes physiques, s’interdisant de décharger ce type de tâche (changer le fût au sous-sol, porter du mobilier) sur la serveuse parce qu’il est conscient qu’elle a des douleurs dorsales. Dans le restaurant B, la stratégie 6 qui consiste à échanger les tâches permet à la serveuse SB1 de ne pas perdre le fil des commandes de boissons et à la dirigeante de la remplacer à l’encaissement. La dirigeante veille à ce que les serveuses puissent poursuivre la réalisation de leurs tâches prioritaires en fonction des rôles définis avant le début du service. Enfin, la stratégie 9 dans le restaurant B relève d’une situation unique, mais elle vise une préservation pérenne de l’équipe avec une décision de la dirigeante qui sert à éviter l’exposition régulière à un client difficile.

91Le principe de suppléance où « l’échelon supérieur s’interdit de se décharger de certaines tâches qui lui reviennent en propre » (Pradines, 2004, p. 9) est également un principe de subsidiarité positive, avec une intervention du niveau supérieur à la place du niveau inférieur (Guéry, 2019). Il s’agit alors d’une intervention conjoncturelle, car l’échelon supérieur décide et agit à la place de l’échelon inférieur dans un moment où la conjoncture le requiert (Ibid.). De notre point de vue, le dirigeant a la responsabilité d’assumer la réalisation de certaines tâches qui devraient être faites par lui seul, ce qui veut dire que toute tâche ne peut pas être déléguée à un salarié. Ce dernier ne peut donc pas reprendre des tâches qui ne seraient pas de sa responsabilité. Dans une TPE de la restauration, il s’agirait par exemple de certaines tâches liées à la gestion de l’établissement (gérer un crédit bancaire) ou au management de l’équipe, les tâches en production (servir le client, cuisiner) étant plutôt réalisables selon les compétences professionnelles des individus. Dans nos résultats, trois stratégies suivent le principe de suppléance. La stratégie 7, qui consiste à diminuer la file d’attente en demandant à quelques clients de confiance de régler leurs additions à un autre moment, en différé, représente une prise de risque financière qui peut seulement être assumée par le dirigeant et non par la serveuse. Dans le restaurant B, les stratégies 5 et 10 sont décrites comme étant plutôt conjoncturelles que structurelles. Le fait que les serveuses se rendent tour à tour à la table du client difficile est lié à la présence de ce dernier, cette stratégie (10) n’est d’ordinaire pas utilisée, car elle est coûteuse pour les serveuses et la dirigeante qui doivent se réorganiser autour de cette table sur toute la durée du service. Pour la stratégie 5, la dirigeante et la serveuse expérimentée expliquent que le changement de fût est rarement réalisé de cette manière – la dirigeante le fait toute seule – soit les cuisiniers les aident à changer les fûts, soit elles le font à deux.

92Il est à noter que dans les TPE étudiées, l’autorité du dirigeant, au-delà de son aspect formel, semble davantage discutée du fait d’un management de proximité. Elle revêt un caractère participatif, avec un dirigeant impliqué dans la production, ce qui facilite la participation des salariés dans les processus décisionnels. La TPE n’est pas caractérisée par une logique descendante et unique du dirigeant vers les salariés pour plusieurs raisons. D’une part, les dirigeants rencontrés étaient souvent dépendants des compétences techniques de leurs salariés, n’étant pas forcément issus eux-mêmes du métier. D’autre part, ils avaient un intérêt direct à permettre le développement des compétences et des connaissances de leurs salariés sur leur établissement, afin de pouvoir se libérer de certaines tâches.

93Enfin, nous avons relevé que des temps de discussion sur le travail prennent place en fin de service ou le lendemain à la mise en place, de manière récurrente, mais informelle, parfois en binôme ou en trinôme, en l’absence de clients et quand les tâches sont plus automatisées – par exemple, en faisant la vaisselle, en débarrassant les tables, ou lors du nettoyage. Ces temps de discussion prennent la forme de débriefing informel où les travailleurs reparlent des situations de travail, des incidents vécus au service et échangent sur les régulations effectuées.

94En se référant à un modèle de subsidiarité pour penser l’organisation du travail au sein de la TPE, le dirigeant a la possibilité de revoir la dynamique de répartition du « pouvoir d’agir » (Clot, 2010) au sein de son entreprise :

  • en reconnaissant le salarié comme « maître de son travail, donc décideur de son périmètre d’action » (Guéry, 2019, p. 83),

  • en remettant au centre « la capacité de régulation collective » (Reynaud, 1997),

  • en favorisant « le débat sur le travail » (Rocha et al., 2017) au sein « d’espaces de discussion » (Detchessahar, 2013).

95Notre recherche pourrait enrichir le modèle de subsidiarité organisationnelle par les régulations mises en œuvre par le dirigeant de TPE avec ses salariés, dans une relation de proximité et d’activité collective. Les principes de subsidiarité sont à repenser pour se décliner davantage dans un cadre dynamique et concret, dans une approche processuelle, et au cœur des situations de travail. L’utilisation du cadre théorique sur les 3 principes de subsidiarité est une grille d’analyse intéressante qu’il faudrait pouvoir faire évoluer au contexte de la TPE. Cependant, si ces résultats ouvrent sur de nouvelles perspectives scientifiques sur le travail de prévention au quotidien, dans l’organisation du travail, ils sont à nuancer comme nous l’avons indiqué sur les risques d’épuisement du dirigeant. Très peu d’études nous permettent de caractériser la santé des dirigeants (Torrès, 2017) et des autoentrepreneurs en général (Loriol, & Sall, 2014). Les études en épidémiologie ne permettent pas d’avoir des échantillons de dirigeants de TPE suffisamment importants par secteur d’activité pour faire des analyses statistiques et cette population échappe aux médecins du travail. L’ergonomie par son analyse du travail pourrait participer à la production de connaissances sur les liens entre les expositions aux risques et les troubles de santé des dirigeants de TPE, comme l’ont fait les enquêtes SESAME (Caroly, Gaudin, Lainé, & Malenfer, 2017) et SANTPE (Legrand & Darbus, 2021), mais il reste encore beaucoup à faire pour comprendre les environnements capacitants des cadres et concevoir des organisations capacitantes (Arnoud, 2013). Notre recherche participe à explorer ce champ de recherche, notamment les manières dont le dirigeant de TPE tient les régulations dans le travail d’organisation au niveau de la répartition du travail, ainsi que d’autres aspects importants comme la gestion des horaires de travail et du réseau élargi de personnes-ressources pour maintenir un cadre de travail stable qui lui évite de s’épuiser (Gaudin, 2021).

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Notes

1 Servir le client à table, utiliser de la vaisselle réutilisable ou encore proposer un repas seulement à certains horaires de la journée avec une large gamme de prix sont des prestations propres à la restauration traditionnelle : ce qui permet entre autres de la distinguer par rapport à la restauration rapide (Roux, 2014). En outre, les restaurants traditionnels sont ouverts à une population qui n’est pas délimitée au préalable, alors que la restauration collective est liée par contrat à une collectivité de consommateurs réguliers, comme une maison de retraite, une école, une entreprise ou un hôpital (Gaudin, 2021).

2 Les dirigeants sont signalés par un identifiant commençant par « D », les salariés par « S » s’ils travaillent en salle et par « C » s’ils œuvrent en cuisine.

3 Pour plus de détails voir Gaudin, 2021.

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Table des illustrations

Titre Figure 1 : Modèle multidimensionnel de la santé au travail.  Figure 1: Multidimensional model of occupational health
Crédits (Roquelaure, 2018)
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Titre Figure 2 : Le travail d’organisation du dirigeant comme régulation pour préserver la santé de ses salariés, dans les TPE de la restauration traditionnelle.  Figure 2: The owner-manager’s organisational work as a regulation to preserve employee health, in traditional restaurant microenterprises
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/activites/docannexe/image/7971/img-2.png
Fichier image/png, 117k
Titre Tableau 1 : Caractéristiques des restaurants pour les investigations approfondies en 2019.  Table 1: Restaurant characteristics for in-depth investigations in 2019
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/activites/docannexe/image/7971/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 126k
Titre Tableau 2 : Aperçu du recueil de données pour l’année 2019.  Table 2: Overview of data collection for the year 2019
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/activites/docannexe/image/7971/img-4.jpg
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Titre Tableau 3 : Caractéristiques des dirigeants et des salariés de l’échantillon, au niveau de l’âge, du sexe, de l’ancienneté dans l’établissement et de la fonction en production.  Table 3: Characteristics of the managers and employees in the sample, in terms of age, gender and seniority in the establishment and production function
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/activites/docannexe/image/7971/img-5.jpg
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Titre Tableau 4 : Vue d’ensemble des stratégies opératoires analysées dans les restaurants A et B, selon les dirigeants (DA, DB), la stratégie observée, l’enjeu de performance et l’effet en termes de prévention des risques.  Table 4: Overview of the operating strategies analysed in restaurants A and B, according to their owner-managers (DA, DB), the strategy observed, the performance issue and the effect in terms of risk prevention
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/activites/docannexe/image/7971/img-6.jpg
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Pour citer cet article

Référence électronique

Déborah Gaudin, Sandrine Caroly et Yves Roquelaure, « Le travail d’organisation du dirigeant dans la TPE de la restauration traditionnelle : stratégies de répartition des tâches et de gestion des clients, enjeux de prévention des risques »Activités [En ligne], 20-1 | 2023, mis en ligne le 15 avril 2023, consulté le 20 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/activites/7971 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/activites.7971

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Auteurs

Déborah Gaudin

Université Grenoble Alpes, Pacte/IEP, BP 48, 38040 Grenoble, France – deborah.gaudin@gmail.com

Sandrine Caroly

Université Grenoble Alpes, Pacte/IEP, BP 48, 38040 Grenoble, France – sandrine.caroly@univ-grenoble-alpes.fr

Articles du même auteur

Yves Roquelaure

Université d’Angers, Irset, Inserm UMR 1085, Équipe Ester, 28 rue Roger Amsler, CS 74521, 49045 Angers, France – yves.roquelaure@univ-angers.fr

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