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L’analyse de l’activité de démaillage : intérêts pour et dans la conception d’un filet de pêche biodégradable

Analysis of the unmeshing activity: advantages for and in the design of a biodegradable fishing net
Tabatha Thiébaut-Rizzoni, Laurent Guillet, Julie Lassalle et Christine Chauvin

Résumés

L’activité de pêche est une activité à risque qui a été principalement étudiée en ergonomie afin d’optimiser la sécurité à bord. L’enjeu écologique actuel pousse à s’intéresser à la pêche d’une manière nouvelle pour, entre autres, concevoir des engins de pêche plus respectueux de l’environnement. Jusqu’à présent, aucune étude n’a porté sur l’usage des engins de pêche par les pêcheurs. À partir d’observations in situ à bord de 2 bateaux de pêche et d’entretiens d’auto-confrontation explicitante menés auprès de 4 matelots, cette étude décrit l’utilisation du filet à différents niveaux de l’activité de pêche : macro, méso et micro. Elle met en évidence le stress mécanique subi par le filet, les schèmes d’utilisation mobilisés par les matelots au cours du démaillage des captures, et aborde la problématique de santé au travail. Les résultats participent à enrichir le cahier des charges de la conception d’un engin de pêche biodégradable, à éclairer les équipes de conception sur l’activité de pêche réelle et contribuent à construire un environnement facilitant la transition des pratiques de pêche actuelles à des pratiques de pêche plus durables.

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Notes de l’auteur

Financement
Cette étude a été réalisée dans le cadre du projet INdIGO, financé par l’INTERREG.

Texte intégral

Remerciement
Nous tenons à remercier vivement les équipages des deux fileyeurs qui ont participé à l’étude.

Contexte de l’étude

1L’étude s’inscrit dans le projet INdIGO (INnovative fIshing Gear for Ocean). Ce projet porte sur la co-conception d’un filet de pêche biodégradable en milieu marin dans un objectif de développement de pratiques plus durables de pêche. Le projet INdIGO est soutenu par le programme Interreg France-Angleterre et est principalement financé par les fonds européens de développement régional pour une durée de trois ans et dix mois (septembre 2019 – juin 2023). Il regroupe dix partenaires académiques et industriels français et anglais. Six d’entre eux font partie d’unités de recherche (Université de Bretagne Sud, Université de Plymouth, Université de Portsmouth, SMEL, IFREMER et CEFAS) et quatre sont des partenaires industriels ou experts en matériaux (NaturePlast, Filt, IRMA et Marine South East). Le projet comporte plusieurs volets, notamment techniques, économiques et psycho-ergonomiques. Ce dernier porte sur l’étude de l’acceptabilité du filet de pêche biodégradable et son appropriation par les pêcheurs. Son but est d’identifier les conditions favorables à la transition des pratiques de pêche actuelles à des pratiques plus durables.

2La présente étude cherche à comprendre et décrire l’activité de pêche au filet pour contribuer à la construction d’un environnement facilitant la transition des pratiques de pêche actuelles à des pratiques de pêche plus durables.

1. Introduction

3La pêche maritime regroupe de multiples métiers qui se caractérisent par l’utilisation d’engins de pêche différents (par exemple le métier du filet ou du casier), par l’espèce ciblée (par exemple le métier de la coquille ou de la sole) ou par le type de pêche (par exemple la petite pêche ou la pêche au large) (Ifremer, 2009). Quel que soit le métier pratiqué, le but principal de la pêche est de capturer un nombre important de poissons (Roger, Chaumel, Ouellet, & Longchamps, 1987) ; la rémunération étant dépendante de l’importance des pêches – quantité – et des conditions du marché (Andro, Myre, & Roger, 1991). Dans cet objectif, les patrons-pêcheurs choisissent un matériel de pêche adapté au type de captures ciblées, à la zone de pêche et à la durée d’immersion de leur matériel. C’est pourquoi les engins de pêche sont conçus autour d’objectifs de rentabilité, de performance et de résistance dans le temps. La problématique environnementale liée à ce matériel de pêche est mise au second plan.

4Au regard des enjeux actuels de préservation de l’écosystème, la société évolue en faveur de pratiques dites « durables » c’est-à-dire dont les conséquences de l’activité de pêche sur l’environnement marin sont maîtrisées et tendent vers la protection de l’environnement (selon les critères FAO pour le développement durable des pêches). Différentes mesures ont été prises pour limiter la pression qui s’exerce sur les ressources marines. Les plus connues concernent l’encadrement des prélèvements au travers des quotas de pêche et l’encadrement de l’effort de pêche (limitation du nombre de navires, du temps passé en pêche, etc.). En Europe, ces mesures s’inscrivent dans le cadre de la Politique Commune des Pêches (PCP). Un autre enjeu vise à limiter le phénomène dit de « pêche fantôme » qui désigne les conséquences de la perte ou de l’abandon des engins de pêche sur l’environnement marin. Ces engins perdus ou abandonnés continuent à capturer de la faune marine jusqu’à ce qu’ils se désagrègent (ce qui peut prendre jusqu’à 100 ans). Depuis quelques années, les recherches portant sur la conception d’engins de pêche biodégradable se multiplient. Ces travaux abordent la question des propriétés mécaniques de ces nouveaux engins (Seonghun, Pyungkwan, Seongjae, & Kyounghoon, 2020 ; Su, Moe Føre, & Grimaldo, 2019), de leur efficacité (Grimaldo, Herrmann, Su, Føre, Vollstad, Olsen, Larsen, & Tatone, 2019 ; Grimaldo, Herrmann, Jacques, Vollstad, & Su, 2020 ; Kim, Kim, Jeong, Bae, Lim, & Su, 2018) et de leur impact sur l’environnement (Wilcox, & Hardesty, 2016). Wilcox et Hardesty (2016) notent que l’usage d’un filet de pêche biodégradable est pertinent parce qu’il limite l’écotoxicité ; en revanche, il ne résout pas le problème de pêche fantôme. En effet, un filet perdu en mer continue de pêcher entre une à quatre semaines après sa perte et la biodégradation des filets est estimée a minima à deux ans. Les auteurs soulignent également que, compte tenu de sa dégradation plus rapide qu’un filet traditionnel, le filet est susceptible d’être plus fragile et de se casser plus fréquemment. Il apparaît donc essentiel de s’assurer que le nouvel engin est bien adapté à l’activité de pêche.

5Le volet psycho-ergonomique du projet INdIGO s’attache à impliquer les pêcheurs dans le processus de conception. Ce volet vise tout particulièrement à prendre en compte l’activité réelle de pêche. La demande initiale du projet porte sur l’utilisation du filet de pêche en matière de contraintes subies par le filet, et oriente l’étude sur un aspect technique. Les résultats doivent servir à enrichir le cahier des charges du filet de pêche biodégradable. Les analyses vont au-delà de cette demande en apportant également un éclairage sur l’activité des marins-pêcheurs et sur les contraintes de l’activité.

2. Cadre théorique

6L’analyse de l’activité résulte de l’analyse de plusieurs situations de travail qui varient selon le contexte, les caractéristiques de l’opérateur, la tâche, et les régulations réalisées consciemment ou non. Elle doit prendre en compte les « opérations manuelles et intellectuelles réellement mises en jeu à chaque instant par l’opérateur pour atteindre ses objectifs (pas nécessairement et/ou uniquement ceux prescrits) selon les contraintes du contexte » (Amalberti, & Hoc, 1998, pp. 212‑213).

7L’activité de pêche est une activité collective (patron-pêcheur et matelots) dont les conditions de travail varient selon les contraintes temporelles (durée variable de la sortie en mer), environnementales (bruit, météo, état de la mer) et spatiales (espace confiné) (Maline & Dorval, 1991) et est considérée comme une activité à risque (Charvet, Laurioux, & Lazuech, 2016 ; Le Berre, Le Du, & Le Sauce, 2008 ; Morel, 2007 ; Roger et al., 1987 ; Tirilly, & Foret, 2000). Elle comprend plusieurs tâches, dont celles relatives au traitement des captures (tri, éviscération, lavage) et à la manœuvre du train de pêche (filage du filet, virage du filet, démaillage des captures, rangement du filet). Dans le cadre de l’analyse de l’usage situé d’un filet de pêche, ce sont les tâches relatives aux manœuvres du train de pêche qui sont étudiées et, plus particulièrement, les opérations de démaillage d’une capture, lors desquelles le filet fait l’objet de nombreuses manipulations.

8Comme « le geste et la technique de pêche sont liés à une sensibilité personnelle qui présente une variation infime d’un pêcheur à l’autre [et] s’affine avec l’expérience » (Le Sann, 2021), c’est l’analyse de plusieurs situations qui met en exergue l’usage réel de l’outil. L’analyse de l’activité permet d’identifier les processus de régulation mis en place par les opérateurs pour atteindre leur(s) objectif(s) avec l’outil, et de dégager des similitudes d’usage de l’outil entre opérateurs à un niveau micro.

9Pour analyser l’usage d’un outil au niveau micro, il est nécessaire de distinguer ce que Rabardel (1995) appelle artefact et instrument. L’auteur définit un artefact comme un dispositif matériel ou symbolique conçu par l’individu ou autrui comme moyen d’action dans le cadre d’une activité (Rabardel, 1995). L’instrument renvoie à « l’usage par le sujet [individu/opérateur] de l’artefact en tant que moyen qu’il associe à son action » (Béguin, & Rabardel, 2000 ; Rabardel, 1995, p. 27). Dans le cadre de la pêche maritime, un engin de pêche en sortie d’usine est un artefact tandis que l’engin de pêche en cours d’utilisation est un instrument. L’instrument est le produit de l’utilisation répétée d’un engin de pêche dans son contexte d’usage jusqu’à l’observation d’une certaine habitude d’usage.

10L’instrument suppose la construction de schèmes d’utilisation par l’opérateur (Béguin & Rabardel, 2000 ; Rabardel, 1995). Les schèmes sont définis comme une organisation invariante de la conduite pour traiter une classe de situation donnée (Rabardel, 1995 ; Vergnaud, 1990, 2013). Les schèmes évoluent selon le développement de l’opérateur lorsqu’il observe et analyse les situations auxquelles il est confronté et qu’il adapte ses actions en conséquence (Vergnaud, 1990). Ainsi les schèmes d’utilisation d’un engin de pêche seront différents d’un pêcheur à un autre, selon le contexte d’usage, la tâche à effectuer, l’expérience et les caractéristiques des opérateurs.

11L’analyse de l’usage de l’instrument filet de pêche passe donc par l’analyse des schèmes d’utilisation du filet dans plusieurs situations de travail. Dans la présente étude, il s’agit plus particulièrement d’analyser l’usage du filet de pêche par l’opérateur au cours de l’activité de démaillage d’une capture afin de « modéliser » cette activité.

3. Méthode

12Pour modéliser l’activité de démaillage, le recueil et l’analyse ont porté sur deux types de données : des observations de l’activité de pêche menées in situ (à bord des bateaux) et des entretiens d’auto-confrontation explicitante (EACE) (Cahour, Salembier, & Zouinar, 2016). Les EACE s’inspirent de l’entretien d’explicitation (Vermersch, 2010) et de l’entretien d’auto-confrontation (Theureau, 2010). L’entretien d’explicitation sert à « mettre à jour l’implicite [de l’action] de façon à obtenir une description détaillée du déroulement de l’action » (Vermersch, 2010) et « élucider comment il [l’opérateur] s’y est pris pour effectuer cette action » (Vermersch, 1996). Cet entretien suit une méthodologie de questionnement spécifique (fragmentation de l’action) et est basé sur le ressouvenir de la situation. L’entretien d’auto-confrontation sert à décrire et commenter sa propre activité à l’aide d’une trace de son activité (par exemple, un support vidéo). L’EACE combine les deux méthodes de manière à ce que l’opérateur soit confronté à une trace de son activité qu’il doit expliciter et commenter, en étant guidé par le chercheur pour fragmenter au mieux ses actions. Cette méthodologie était particulièrement adaptée au contexte de l’étude pour deux raisons. Dans le cadre d’une activité répétitive comme le démaillage, l’utilisation d’un entretien d’explicitation risque de favoriser le mélange d’épisodes de l’activité de démaillage (blended episodes). C’est pourquoi il a été décidé d’utiliser un support vidéo comme trace de l’activité. Le guidage verbal utilisé dans l’entretien d’explicitation sert à obtenir un niveau fin de détail de l’action (schèmes) et des éléments sur certains aspects corporels (perceptions). C’est pourquoi il a été choisi d’utiliser un EACE.

13La méthodologie choisie a permis de décrire l’activité d’un niveau général – niveau macro – à un niveau plus spécifique de démaillage d’une capture – niveau micro.

3.1. Échantillon

3.1.1. Bateaux

14Les observations ont été effectuées à bord de deux fileyeurs lorientais (notés fileyeurs 1 et 2 dans le texte). Ces bateaux ont une licence de petite pêche et utilisent des filets de pêche en nylon de différents types (filet droit, trémail). Le tableau 1a présente les caractéristiques des bateaux, du matériel et la durée des embarquements observés.

Tableau 1a : Caractéristiques des embarquements effectués. 
Table 1a: Characteristics of sailing conditions

Tableau 1a : Caractéristiques des embarquements effectués. Table 1a: Characteristics of sailing conditions

15Les bateaux de pêche sont d’une longueur équivalente. Les patrons-pêcheurs utilisent un matériel similaire en matière de filet, en quantité plus importante pour le fileyeur 2. Lors des embarquements observés, les sorties ont duré environ 12 h. Le premier embarquement a été mené au mois de janvier et le second au mois d’avril. Les patrons-pêcheurs ayant attendu des conditions favorables pour embarquer les chercheuses, les conditions météorologiques étaient relativement calmes (cf. Tableau 1b).

Tableau 1b : Conditions météorologiques des deux embarquements. 
Table 1b: Weather conditions for the two sailings

Tableau 1b : Conditions météorologiques des deux embarquements. Table 1b: Weather conditions for the two sailings

3.1.2. Participants

16Les équipages de chaque bateau étaient composés d’un patron-pêcheur et de trois matelots. Les patrons-pêcheurs ne manipulant pas le filet, les observations in situ de l’activité de pêche, décrites ci-dessous, ont porté sur les activités des matelots.

3.1.2.1. Participants : observations in situ 

17Tous les matelots ont accepté d’être observés et filmés ; ce qui représente au total 6 matelots. Le tableau 2 présente les caractéristiques (âge, expérience) des participants observés. Seul le matelot 4 est novice ; les cinq autres matelots sont des experts et deux (matelots 5 et 6) sont proches de la retraite.

Tableau 2 : Caractéristiques des participants observés. 
Table 2: Characteristics of observed participants

Tableau 2 : Caractéristiques des participants observés. Table 2: Characteristics of observed participants

3.1.2.2. Participants : entretiens d’auto-confrontation explicitante

18Seuls 4 matelots ont accepté de réaliser des entretiens (matelots 1, 2, 3 et 6). Ces matelots ont une expérience de pêche comprise entre 7 et 30 ans (cf. Tableau 2). Trois d’entre eux ont été observés au cours du premier embarquement (matelots 1, 2 et 3) et le quatrième lors du second embarquement (matelot 6). Le matelot 5 n’a pas souhaité participer. Le matelot 4 n’a pas été consulté par le patron-pêcheur pour participer aux entretiens (mineur avec une faible expérience et départ de l’équipage à la fin de son contrat d’apprentissage).

3.2. Recueil de données

3.2.1. Recueil de données : observations in situ

19Les observations ont été réalisées à l’aide d’une grille d’observation, d’une caméra embarquée et d’un smartphone.

3.2.1.1. Recueil de données : grille d’observation 

20La grille d’observation était séparée en deux sections.

21Section 1 : recueil des caractéristiques techniques du bateau (localisation du bateau, année construction, immatriculation, matériaux de construction, puissance du moteur, longueur et largeur du bateau, tirant d’eau, capacité du parc à filet, membres d’équipage, métier pratiqué), des types d’apparaux de pêche embarqués (vire filet, pomailleur), du type de pêche réalisée, de l’organisation de la pêche (nombre de zones de pêche, espèces ciblées) et des filets embarqués (type, couleur, dimension des mailles, hauteur, quantité, durée d’immersion, longueur mise à l’eau).

22Section 2 : recueil des informations sur le contexte de pêche (état de la mer, météo, zones de pêche) et sur les séquences d’activité (heure de début et de fin des activités de virage, filage, démaillage, rangement).

23La grille a été remplie au cours des observations.

3.2.1.2. Recueil de données : enregistrements vidéo

24Lors des deux embarquements réalisés, 6 h 47 de vidéo ont été enregistrées (4 h 06 pour l’embarquement 1 et 2 h 41 pour l’embarquement 2) à l’aide d’une caméra embarquée et d’un smartphone (pour l’embarquement 1), après obtention du consentement verbal des matelots. 

25Dans l’embarquement 1, la caméra embarquée était fixée sur la structure du pont du navire, à endroits variables selon la disposition des apparaux de pêche et les déplacements de matelots (pour capter les gestes effectués avec le filet) ; le smartphone était tenu à la main, proche des matelots lors des opérations de démaillage (sans perturber leur activité). Dans l’embarquement 2, la caméra embarquée était tenue à bout de bras, du fait de l’aménagement du navire. Les paramètres de vidéo étaient choisis selon le besoin : fish-eye pour l’activité globale, et plan normal pour l’activité de démaillage.

Figure 1 : Capture d’écran d’une captation vidéo de la séquence de démaillage des captures sur le fileyeur 1. 
Figure 1: Screen capture of a video of the unmeshing catch sequence on gillnetter 1

Figure 1 : Capture d’écran d’une captation vidéo de la séquence de démaillage des captures sur le fileyeur 1. Figure 1: Screen capture of a video of the unmeshing catch sequence on gillnetter 1

26Les vidéos de la caméra embarquée ont porté sur les activités médiatisées par le filet de pêche : le virage – remontée du filet, démaillage des captures et rangement – (2 h 46 pour l’embarquement 1 et 2 h 33 pour l’embarquement 2) et le filage – mise à l’eau du filet – (1 h 15 pour l’embarquement 1 et 8 min pour l’embarquement 2).

27Les vidéos réalisées à l’aide du smartphone (pour l’embarquement 1) et à l’aide du paramétrage normal de la caméra embarquée (pour l’embarquement 2) ont porté spécifiquement sur les opérations de démaillage, qui visent à passer le poisson à travers les mailles (5 minutes pour l’embarquement 1 et 9 minutes pour l’embarquement 2).

3.2.2. Recueil de données : entretiens d’auto‑confrontation explicitante

28Les entretiens d’auto-confrontation explicitante (EACE) ont été menés avec les matelots volontaires à leur domicile, sur le bateau de pêche ou dans un local universitaire. Les matelots étant peu disponibles, en raison notamment de leurs contraintes professionnelles (horaires et état de fatigue), les entretiens se sont déroulés en moyenne 63 jours après l’observation.

29La vidéo a été visionnée en intégralité, à vitesse réelle, pour aider le matelot à se remémorer la situation. L’EACE a débuté par la consigne suivante :

« Maintenant je vais remettre la vidéo. Et ce que je vais te demander, c’est que tu me décrives/m’expliques exactement ce que tu fais. Comment tu fais pour démailler, comment tu procèdes. Qu’est-ce que tu sens de particulier, à quoi tu fais attention ».

30La vidéo a ensuite été déroulée au ralenti. La chercheuse arrêtait la vidéo pour approfondir certains éléments et éviter que le participant reste « accroché » à l’image vidéo et focalisé sur l’expérience visuelle. La vidéo était arrêtée dans deux situations : quand le matelot commençait à verbaliser et décrire ses actions, et quand la chercheuse était intéressée pour en savoir davantage. La chercheuse formulait ses questions au présent pour favoriser les verbalisations du matelot, notamment sur le flux de ses actions (« Et là, tu fais quoi ? », « Donc là, avec ta main gauche, tu tiens la tête ? », « Parce qu’avant, tu faisais quoi ? ») et sur ses perceptions sensorielles (« Donc quand tu tires et que tu sais que ça passe, est-ce que tu fais attention à quelque chose ? », « Comment tu fais attention à ça ? »). L’objectif était d’obtenir une description fine des actions effectuées ; les verbalisations portant sur les affects ont été écoutées, mais n’ont pas été encouragées. La lecture de la vidéo était soit reprise quelques secondes avant l’interruption, pour donner la possibilité au matelot d’approfondir ses verbalisations et fragmenter davantage ses actions, soit reprise pour continuer le visionnage de l’action.

31Le but était double : (1) décrire finement l’activité de démaillage – pour identifier les schèmes mobilisés – et (2) comprendre les contraintes exercées sur le filet en vue de formuler des recommandations. 

3.3. Traitement des données

3.3.1. Traitement des données : observations in situ

32Les données issues des observations (grille d’observation et vidéos) ont été utilisées pour modéliser l’activité de pêche et apporter des recommandations pour la conception du filet de pêche biodégradable (FPB).

3.3.1.1. Traitement des données : grille d’observation

33Les données recueillies au moyen de la grille d’observation ont été exploitées pour décrire l’activité de pêche à un niveau global. Un chronogramme a été réalisé, pour chaque embarquement, à l’aide des heures reportées au cours de l’observation in situ. Cela a constitué un premier niveau d’analyse de l’activité de pêche : le niveau macro.

3.3.1.2. Traitement des données vidéos

34Les données vidéos analysées visaient à apporter des recommandations plus précises pour la conception du FPB. Un focus a été fait sur l’utilisation du filet de pêche.

35Deux niveaux ont été étudiés :

  • Un niveau méso, où les séquences de l’activité de démaillage étaient analysées au niveau collectif (sur la base des données recueillies à l’aide de la caméra embarquée).

  • Un niveau micro, où les opérations de démaillage étaient analysées au niveau individuel (sur la base des données recueillies à l’aide du smartphone pour l’embarquement 1 et du paramétrage normal de la caméra embarquée pour l’embarquement 2).

36Les conditions de travail difficiles (humidité et température négative), le travail dynamique (déplacements des matelots) et l’espace exigu du pont ont eu un impact sur la qualité des vidéos. Les séquences vidéo retenues pour l’analyse ont été choisies en fonction de la qualité de l’image et de la visibilité du travail des matelots. Elles sont présentées dans le tableau 3.

Tableau 3 : Caractéristiques des séquences vidéo filmées. 
Table 3: Characteristics of the filmed video sequences

Tableau 3 : Caractéristiques des séquences vidéo filmées. Table 3: Characteristics of the filmed video sequences

37Au total, seize séquences de démaillage (5 sur l’activité collaborative et 11 sur les opérations individuelles) ont été retenues puis traitées à l’aide d’un logiciel de codage vidéo.

3.3.2. Traitement des données : entretiens d’auto‑confrontation explicitante

38Les données recueillies au moyen des EACE avaient pour objectif de compléter les données vidéos au niveau micro. Les EACE ont porté sur la description fine de l’activité de démaillage, notamment les opérations effectuées par les matelots sur le filet.

3.3.2.1. Utilisation des données vidéos comme support aux EACE

39Les vidéos qui ont servi de support aux entretiens sont présentées dans le tableau 4.

Tableau 4 : Caractéristiques des entretiens d’auto-confrontation explicitante. 
Table 4: Characteristics of the expliciting self-confrontation interviews

Tableau 4 : Caractéristiques des entretiens d’auto-confrontation explicitante. Table 4: Characteristics of the expliciting self-confrontation interviews

40Au total, les EACE ont porté sur 11 séquences vidéo filmées en plan rapproché (smartphone ou paramétrage normal de la caméra embarquée) et durant lesquelles le matelot observé réalisait des opérations de démaillage d’une capture. Soit la capture correspondait aux objectifs de pêche (sole, merlan, bar, dorade), soit elle était jugée indésirable (chignon, étoile de mer).

3.3.2.2. Traitement des EACE

41Le traitement des EACE s’est déroulé en cinq étapes :

  1. Les EACE ont été intégralement retranscrits.

  2. Les verbalisations ont été combinées aux données vidéos pour obtenir un niveau fin de description des situations (Cahour, Liccope & Créno, 2018).

  3. Une analyse qualitative a été effectuée à partir d’une grille inspirée des catégories verbales proposées par Coeugnet, Cahour et Kraiem (2019) (perceptions, activités mentales, actions, affects). Des sous-catégories propres au projet INdIGO ont été précisées. Par exemple dans la catégorie perception on trouve perception visuelle – position des mailles (Annexe 1).

  4. Les schèmes d’utilisation du filet identifiés dans l’analyse qualitative ont été modélisés. Chaque situation de démaillage comprenait entre 7 schèmes d’utilisation du filet (pour la plus courte) et 11 schèmes (pour la plus longue).

  5. Les contraintes subies par le filet ont été identifiées (discours ou vidéos) puis catégorisées en contraintes physiques (comme le nombre de mailles qui influence la casse du filet), techniques (comme le fait de faire moins attention au soin apporté au filet lorsqu’il s’agit d’un vieux filet) ou organisationnelles (pression temporelle).

42Les informations obtenues par ce couplage de données ont servi à identifier l’organisation de l’activité de démaillage pour chacune des 11 situations à des fins de modélisation des schèmes d’utilisation du filet de pêche. La combinaison des 11 situations a abouti à une modélisation générale des schèmes de l’activité de démaillage (Annexe 2).

4. Résultats

43Comme précédemment mentionnée, l’activité de pêche a été traitée selon trois niveaux d’analyse :

  • Niveau macro : information sur l’organisation d’une journée de pêche (à partir des grilles d’observation)

  • Niveau méso : informations sur l’activité collective de démaillage (recueillies au moyen de vidéos)

  • Niveau micro : informations sur les opérations individuelles de démaillage, c’est-à-dire les schèmes de démaillage (à partir des vidéos et entretiens).

4.1. L’analyse de l’activité de pêche : niveau macro

44L’analyse du niveau macro a porté sur le séquençage de l’activité de pêche du point de vue du travail collectif. 

4.1.1. Séquençage des activités de pêche 

45Le séquençage de deux embarquements a été étudié. Le chronogramme du premier embarquement est présenté dans la figure 2. Le travail en mer s’est déroulé sur 11 h (départ du ponton à 4 h 30, retour à 15 h 30). Les filets ont été filés (mis à l’eau) le matin, laissés entre 4 et 5 h à l’eau, puis virés (remontés à bord).

Figure 2 : Chronogramme d’activité de pêche, embarquement du 8 janvier 2021 à bord du premier fileyeur. 
Figure 2: Fishing activity timeline, January 8, 2021 boarding gillnetter 1

Figure 2 : Chronogramme d’activité de pêche, embarquement du 8 janvier 2021 à bord du premier fileyeur. Figure 2: Fishing activity timeline, January 8, 2021 boarding gillnetter 1

46Chaque patron-pêcheur a ses propres stratégies de pêche. Le second embarquement s’est déroulé d’une manière différente du premier : route vers les zones de pêche et repos des matelots, filage des filets du jour, virage des filets filés la veille puis filage immédiat, virage des filets filés le matin, retour au port, débarquement des captures en criée. Malgré l’organisation différente du temps de travail, quatre activités principales ont été identifiées dans les deux embarquements : la route, le filage, le repos et le virage rythment les journées de pêche.

4.1.2. Durée des activités de pêche

47En moyenne, lors des deux embarquements observés, le temps de route a occupé 32 % de la journée, le filage 11 %, le repos 14 % et le virage 44 % (cf. Tableau 5). Les résultats indiquent que le temps de route de l’embarquement n° 1 était trois fois moins important que dans l’embarquement n° 2. Cela s’explique par le choix des zones de pêche (plus ou moins éloignées du port de pêche) et par leur nombre (3 zones de pêche pour l’embarquement n° 1 et 7 zones de pêche pour l’embarquement n° 2).

Tableau 5 : Durée des activités de pêche, embarquement du 8 janvier 2021 à bord du fileyeur 1. 
Table 5: Duration of fishing activities, January 8, 2021 boarding gillnetter 1

Tableau 5 : Durée des activités de pêche, embarquement du 8 janvier 2021 à bord du fileyeur 1. Table 5: Duration of fishing activities, January 8, 2021 boarding gillnetter 1

4.1.3. Description des activités de pêche

48La route, assurée par le patron-pêcheur, débute à la sortie du port de pêche et renvoie au déplacement du bateau en direction d’une zone de pêche ou du port.

49Le repos renvoie au temps de récupération des matelots et du patron-pêcheur, lorsqu’aucune activité n’est réalisée. Durant cette période, le patron-pêcheur assure la veille en passerelle ou se repose avec les matelots en cabine ; dans ce cas le bateau est laissé à la dérive, moteur en marche.

50Le filage débute lorsque le pavillon (bouée à l’extrémité du filet) est lancé à l’eau et se termine lorsque le second pavillon (à l’autre extrémité) est à l’eau. Au cours de cette activité, le bateau de pêche est conduit par le patron-pêcheur. Le patron-pêcheur gère l’allure du bateau et le rythme du filage. Un matelot surveille la mise à l’eau du filet tandis qu’un autre s’occupe du montage de la filière suivante. Le filet n’est manipulé qu’en cas d’incident (nœud, blocage sur le bateau).

51Le virage (remontée du filet sur le bateau) débute lorsque le vire-filet est actionné, après que les matelots aient passé l’extrémité du filet dedans, et se termine lorsque le filet est rangé dans le bac. Plusieurs tâches sont associées au virage : récupération du pavillon, passage du filet dans le vire-filet, démaillage des captures, rangement dans le parc à filet. Tous les matelots sont mobilisés au cours du virage. 

52Quand ils en ont le temps, pendant les manœuvres de filage, virage et lors de la route retour, les matelots réalisent un certain nombre d’opérations sur les captures (éviscération, tri) et nettoient l’espace de travail (sédiments, algues, restes de captures). 

53La durée du travail en mer varie selon l’emplacement des zones de pêche (temps plus ou moins long pour se rendre sur zone), le nombre de filets (plus il y a de filet, plus le temps passé en mer est long), le déroulement du virage (plus il y a de captures, plus le démaillage est long, plus le virage est lent), la pêche du jour (si la pêche est bonne sur une zone, le patron-pêcheur peut décider de filer de nouveau le filet puis le virer, ce qui allonge le temps passé en mer), la saison et la météo. Aucun horaire n’est déterminé à l’avance.

4.1.4. Contraintes exercées sur le filet

54L’objectif principal de l’étude (apporter des recommandations de conception du FPB) nécessite de s’intéresser aux activités les plus contraignantes pour le filet.

55Parmi les quatre activités (filage, virage, repos et route), seules deux sont médiatisées par le filet de pêche : le filage et le virage. Le focus a été fait sur l’activité de virage, pour deux raisons :

  • Le virage représente la majeure partie du travail actif des marins-pêcheurs (51 % virage, 36 % route et 13 % filage).

  • Le virage est l’activité la plus à risque pour le filet de pêche (manipulations lors du démaillage et passage par les apparaux de pêche) (Andro et al., 1991 ; Le Berre, Le Du, & Le Sauce, 2008 ; Roger et al., 1987).

56Pour identifier les contraintes exercées sur le filet, il est indispensable de comprendre le parcours du filet et les éléments susceptibles de l’endommager. La figure 3 illustre le parcours du filet à bord, du vire-filet (1) jusqu’au parc à filets (4).

Figure 3 : Schéma du parcours du filet sur le pont de pêche, embarquement du 8 janvier 2021 à bord du fileyeur 1. 
Figure 3: Diagram of the net path on the fishing deck, January 8, 2021 boarding gillnetter 1.

Figure 3 : Schéma du parcours du filet sur le pont de pêche, embarquement du 8 janvier 2021 à bord du fileyeur 1. Figure 3: Diagram of the net path on the fishing deck, January 8, 2021 boarding gillnetter 1.

Les numéros indiqués représentent : 1 = halage du filet par le vire-filet ; 2 = démaillage des captures ; 3 = rangement du filet ; 4 = parc à filet où le filet est entreposé avant la prochaine opération de filage. 
The numbers indicated represent: 1= hauling in of the net by the gillnetter; 2= unmeshing of the catch; 3= stowing of the net; 4= net yard where the net is stored before the next spinning operation

57Le filet est d’abord halé à bord par un ou deux matelots (Poste avant (PA), Poste milieu (PM)) à l’aide d’un vire-filet*. Les captures sont ensuite démaillées par un (PM) à trois matelots (PA, PM, Poste fin (PF)) selon la charge de travail, à la main (gantée) ou à l’aide d’instruments (marteau, démailleur). Le filet est tiré ou poussé vers l’arrière du bateau sur la table de travail. Le matelot situé à la fin de la chaîne de travail (PF) range le filet dans les bacs à l’aide d’un pomailleur*. Ce dernier (PF) veille à ce que le filet soit « clair », c’est-à-dire dépourvu de captures ou d’autres impuretés (comme les algues). Le matelot utilisant le pomailleur doit s’adapter au rythme de démaillage de ses collègues, situés en amont, pour ne pas exercer de pression sur le filet. Au cours du démaillage, les matelots font des rotations entre les différents postes (PA, PM, PF). Les rotations peuvent être effectuées à la fin du virage d’une filière (lorsque la totalité du filet est rangée), ou au cours du virage, quand la filière est longue (d’une longueur égale ou supérieure à 3 kilomètres).

4.1.5. Synthèse

58Cette description au niveau macro souligne les diverses contraintes subies par le filet de pêche. Il peut s’agir de contraintes mécaniques (apparaux de pêche, déplacement du bateau), de contraintes halieutiques (manière dont les captures se maillent dans le filet, attaques de prédateurs sur les captures déjà maillées) et humaines (manipulation du filet par les matelots). Au cours du filage et du virage, des forces de traction ou de frottements sont observées (déplacement du bateau). Au cours du virage, des apparaux de pêche (vire-filet, table de travail, pomailleur), des outils utilisés par les matelots (marteau, démailleur) sont utilisés. Ces apparaux et outils contraignent encore davantage le filet. C’est pourquoi l’activité de virage est pertinente à analyser dans le cadre de la conception du filet biodégradable ; et notamment lors de la phase de démaillage.

4.2. L’analyse de l’activité de pêche : niveau méso

59Au niveau méso, l’analyse est centrée sur l’activité de démaillage.

4.2.1. Enjeux de l’activité de démaillage

60Le démaillage des captures est essentiel dans l’activité de pêche. Il est considéré comme efficient lorsque les captures sont retirées des mailles correctement (c’est-à-dire que captures et mailles ne sont pas détériorées), rapidement et sans abîmer le filet. La phase de démaillage constitue un enjeu important : d’une part, elle a une influence sur la qualité des captures et, par conséquent, sur la rémunération et, d’autre part, le temps du démaillage influence le temps passé en mer.

4.2.2. Description de l’activité de démaillage au niveau collectif

61L’analyse de l’activité de démaillage au niveau méso met en avant l’organisation collective de cette activité : l’enchaînement des actions exercées sur le filet et leur occurrence. Un chronogramme de chaque séquence vidéo de démaillage (5 au total) a été réalisé. La figure 4 présente un chronogramme effectué à partir d’une séquence vidéo de 12 minutes.

Figure 4 : Chronogramme d’activité de démaillage des matelots 1 et 2, embarquement du 8 janvier 2021 à bord du fileyeur 1. 
Figure 4: Chronogram of unmeshing activity for seamen 1 and 2, January 8, 2021 boarding gillnetter 1

Figure 4 : Chronogramme d’activité de démaillage des matelots 1 et 2, embarquement du 8 janvier 2021 à bord du fileyeur 1. Figure 4: Chronogram of unmeshing activity for seamen 1 and 2, January 8, 2021 boarding gillnetter 1

62Dans cet exemple (cf. Figure 4), deux matelots travaillent conjointement ; leur activité consiste à démailler des captures indésirables (chignon, étoile de mer, non identifiée) et ciblées (sole et araignée). Le matelot 2 est au plus proche du vire-filet (PA sur la figure 3 du niveau macro), et le matelot 1 se trouve au bout de la table de travail (PF sur la figure 3 du niveau macro). Les captures relevées sont majoritairement « indésirables » (chignons, étoiles de mer, captures non identifiées relatives à des algues ou des poissons invendables). Plus précisément, sur les 68 captures identifiées dans l’extrait vidéo, 90 % sont indésirables et seules 10 % ont une valeur financière (3 soles et 4 araignées).

63Ce constat fait écho à la tendance générale observée au cours des 5 séquences analysées. Sur les 248 captures démaillées (représentant 44 minutes de vidéo), 76 % sont des captures indésirables. Le démaillage de captures indésirables semble important dans l’activité de pêche. Cependant, un entretien a posteriori avec le patron-pêcheur indique que ce type de capture est occasionnel et dépend des zones de pêche, de la saison, de la météo (houle, présence de goémon), de la nature du fond (sur fond sableux il est possible de capturer des étoiles molles et sur fond rocheux des étoiles dures) et de la présence de courant.

64La figure 4 met aussi en avant un rythme de démaillage plus important de la part du matelot 1, situé à la fin de la table de travail (259 actions effectuées contre 146 actions pour le matelot 2). Cette tendance est constatée dans les quatre séquences où deux matelots s’attachent à démailler les captures (63 % des actions de démaillage sont effectuées par le matelot situé à la fin de la table de travail). Dans la dernière séquence vidéo, 3 matelots s’attachent à démailler les captures. Le matelot occupant le poste du milieu (PM sur la Figure 3) effectue plus d’actions de démaillage (42 %) que le matelot au poste de fin (24 %) et que celui au poste avant (34 %). Cela signifie que le rythme de démaillage dépend du poste occupé : le matelot situé en deuxième position est le plus sollicité. Le détail des actions est présenté en Annexe 3.

65Bien que les données vidéos ne permettent pas de comparer le travail de novices et celui d’experts, il apparaît que le matelot novice (6 mois d’expérience) prépare les captures pour le matelot expert en les isolant de la table de travail (les captures sont suspendues sur le côté). Ce rôle s’explique du fait que le démaillage s’apprend « sur le tas ». Le patron-pêcheur a indiqué qu’il est plus prudent que le novice démaille uniquement les captures simples et apprenne à démailler les autres captures en regardant les experts.

4.2.3. Type d’actions effectuées au cours de l’activité de démaillage collective

66Ce travail d’analyse a permis d’identifier plusieurs types d’actions, présentées dans le tableau 6. Chaque action a des conséquences sur l’usure du filet, en termes de fragilisation et de déformation par exemple. Chaque action engendre également des contraintes pour le matelot, susceptibles d’engendrer des troubles musculo-squelettiques (TMS).

Tableau 6 : Caractéristiques des actions effectuées par les matelots lors du démaillage des captures sur les 5 vidéos, niveau méso d’analyse. 
Table 6: Characteristics of the actions carried out by the deckhands during the unmeshing of the catches on the 5 videos, meso level of analysis

Tableau 6 : Caractéristiques des actions effectuées par les matelots lors du démaillage des captures sur les 5 vidéos, niveau méso d’analyse. Table 6: Characteristics of the actions carried out by the deckhands during the unmeshing of the catches on the 5 videos, meso level of analysis

67Soixante-quatre pourcent des actions relatives au démaillage effectuées par les matelots consistent à tirer. Dans les 44 minutes de vidéo, cela correspond à 912 actions ; soit à 21 actions par minute en moyenne. Si l’on applique ce ratio au 5 h 20 d’activité de virage (cf. analyse macro), cela reviendrait à 6633 actions consistant à tirer. Cette action peut fragiliser les mailles ; à force de répétition, tirer sur le filet peut casser des mailles et trouer le filet qui devient moins « pêchant » (moins performant).

68Dans ces séquences, 15 % des actions effectuées consistent à traîner le filet sur la table de travail. Cette action, moins stressante pour le filet que l’action de tirer, participe tout de même à l’usure du filet par frottement.

69Les autres actions (suspendre, tordre, frapper et secouer) sont moins fréquentes dans les séquences de travail observées (respectivement, 7 %, 3 %, 3 % et 3 %) ; pour autant, leurs conséquences peuvent être critiques pour le filet. L’action de suspendre le filet lorsqu’une capture est maillée soumet le filet au poids de la capture. L’action de tordre est effectuée lorsqu’il y a enroulement autour de captures ou que les mailles ne se détachent pas en tirant. La torsion peut entraîner le pliage du filet et le déformer. Un filet plié est moins souple et moins « pêchant ». L’action de frapper le filet avec un marteau de démaillage (lorsqu’il s’agit de ramollir une capture par exemple) peut écraser les mailles. L’action de secouer le filet est peu fréquente. Cependant, elle peut occasionner la casse des mailles pour faire passer la capture à travers. Cinq pourcent des actions ont été codées en « action non identifiée » et n’apparaissent pas sur le tableau. Elles sont relatives à une action observée, mais qui n’est pas suffisamment visible pour être catégorisée (par exemple quand l’opérateur tourne le dos à la caméra).

4.2.4. Synthèse

70L’analyse méso ne se veut pas exhaustive, puisque la prise de vue ne permet pas d’identifier l’ensemble des captures démaillées, ni l’ensemble des actions effectuées. Cependant, les actions identifiées (tirer, traîner, suspendre, tordre, frapper, secouer) participent à l’usure du filet. 

71Les résultats montrent un rythme de démaillage relativement soutenu (en moyenne 1 action toutes les 3 secondes par matelot). Ce résultat pose la question des sollicitations physiques des matelots (dos, poignets, doigts), et notamment de l’émergence de troubles musculo-squelettiques des membres supérieurs (TMS) du fait de la répétitivité des actions. La rotation entre les différents postes (cf. Figure 3 niveau macro) est susceptible de réduire cette sollicitation puisque le poste au plus proche du vire-filet semble moins solliciter les matelots que le poste situé à la fin de la table de travail. En revanche, lorsqu’un matelot novice est à bord, les matelots experts sont davantage sollicités puisqu’ils occupent les postes de milieu et de fin. Il est également pertinent de rappeler que le travail de démaillage est effectué en position debout, en recherche constante d’équilibre, dans un espace exigu favorisant les postures à risque (comme les flexions avant du tronc) (cf. Niveau Macro).

72Pour approfondir les actions effectuées par les matelots, il a été décidé d’effectuer une analyse micro des actions.

4.3. L’analyse de l’activité de pêche : niveau micro

4.3.1. L’apport des observations in situ

73Un chronogramme de chacune des 11 séquences vidéo des opérations de démaillage a été réalisé pour mettre en évidence l’enchaînement des opérations effectuées. Le chronogramme présenté dans la figure 5a présente un démaillage efficace, c’est-à-dire rapide et sans dommage sur la capture ni sur le filet. Cet exemple porte sur le démaillage d’un merlan, qui est un poisson lisse et sans aspérité, considéré comme facile à démailler (« C’est tout lisse. Ça passe tout seul » EACE 3). Les types d’opérations effectuées (tire, glisse) sont fréquents sur les captures simples (petites, lisses) comme le bar, la sole et le merlan.

Figure 5a : chronogramme d’activité de démaillage d’un Merlan, 8 janvier 2021, embarquement à bord du fileyeur 1. 
Figure 5a: chronogram of the whiting unmeshing activity, January 8, 2021 boarding gillnetter 1

Figure 5a : chronogramme d’activité de démaillage d’un Merlan, 8 janvier 2021, embarquement à bord du fileyeur 1. Figure 5a: chronogram of the whiting unmeshing activity, January 8, 2021 boarding gillnetter 1

74Les captures plus difficiles (coupantes, qui s’accrochent au filet, grosses) demandent au matelot d’enchaîner plus d’opérations (cf. Figure 5b ci-dessous). Ces captures correspondent aux chignons (morceaux de poissons déchiquetés bloqués dans les mailles), aux étoiles de mer ou aux dorades. La figure 5b illustre le démaillage d’un chignon.

Figure 5b : chronogramme d’activité de démaillage d’un Chignon, 8 janvier 2021, embarquement à bord du fileyeur 1. 
Figure 5b: chronogram of the unmeshing activity, January 8, 2021 boarding gillnetter 1

Figure 5b : chronogramme d’activité de démaillage d’un Chignon, 8 janvier 2021, embarquement à bord du fileyeur 1. Figure 5b: chronogram of the unmeshing activity, January 8, 2021 boarding gillnetter 1

75L’analyse de l’activité au niveau micro a permis d’identifier trois actions supplémentaires sur le filet : écarter, glisser et tendre. Écarter renvoie au fait de prendre les mailles dans les deux mains et les écarter de façon à donner du mou au filet. Cela permet, entre autres, d’identifier la façon dont une capture est maillée dans le filet. Glisser renvoie au fait de faire glisser le filet sur la capture sans tirer dessus. L’action vise à extraire la capture des mailles. Tendre renvoie au fait de prendre le filet à une ou deux mains et le tendre sans tirer dessus (pas de bruit de tirage ni de mouvement brusque). 

76Ce niveau fin d’analyse a également servi à quantifier le nombre d’actions effectuées par seconde. Dans les 11 vidéos (493 secondes de démaillage), 249 actions ont été effectuées (66 % tire, 13 % écarte, 7 % tord, 6 % glisse, 4 % tend, 2 % suspend, 2 % secoue, 1 % traîne, 0 % frappe)2. Cela signifie que le matelot effectue 1 action toutes les 2 secondes, toutes actions et toutes captures confondues (cf. Annexe 4). Si l’on s’intéresse à l’occurrence de l’action la plus fréquente – tire –, on constate qu’elle est de l’ordre de 20 opérations par minute en moyenne (cf. Tableau 7). Le nombre d’opérations est inférieur pour les captures ciblées (18 opérations par minute en moyenne, σ = 8.32) que pour les captures indésirables (23 opérations par minute en moyenne, σ = 3.65).

Tableau 7 : Occurrence de l’action tire par type de capture démaillée 
Table 7: Occurrence of the pull action by type of unmeshed capture

Tableau 7 : Occurrence de l’action tire par type de capture démaillée Table 7: Occurrence of the pull action by type of unmeshed capture

77De plus, le temps de démaillage de captures indésirables (moy = 1 min 27 s ; σ = 85,18 s) est significativement plus long que celui pour les captures ciblées (moy = 10 s ; σ = 5.68 s) (test non paramétrique Mann-Whitney, U = 0.5, p <0.05).

78Ces résultats montrent que la prise de captures indésirables allonge le temps de démaillage et engendre une répétitivité accrue des opérations de démaillage. Cette répétitivité pourrait avoir une incidence sur le filet et la santé des matelots.

4.3.2. L’apport des EACE

79Pour rappel, les EACE ont été réalisés dans le but d’obtenir une description fine des actions effectuées lors du démaillage et accéder aux aspects implicites de l’activité (par exemple, la prise de décision entre plusieurs possibilités de démaillage). Cela passe par l’identification de quatre catégories de codage des données (verbales et vidéos) : actions effectuées, perceptions, activités mentales et affects. Un extrait du corpus est présenté dans le tableau 8 ci‑après.

Tableau 8 : extrait de codage combiné du démaillage d’une dorade, fileyeur 1. 
Table 8: extract of the combined coding of the unmeshing of a sea bream, gillnetter 1

Tableau 8 : extrait de codage combiné du démaillage d’une dorade, fileyeur 1. Table 8: extract of the combined coding of the unmeshing of a sea bream, gillnetter 1

80Dans cet extrait, le matelot décrit ce qu’il fait dans la situation visionnée. Huit étapes de démaillage ont été identifiées. Les étapes 1, 2, 4 et 7 font appel à des activités perceptives, les étapes 3, 5 et 6 à des activités mentales, et l’étape 8 est la première action effectuée lors du démaillage. Dans l’étape 6, il est indiqué que le matelot opte pour une procédure moins adaptée qui consiste à démailler le poisson. Le matelot indique que la solution aurait été de « dépocher », c’est-à-dire tourner puis écarter les nappes de filet pour « trouver le trou » et extraire la capture sans la passer à travers les mailles. Cependant, « dépocher » prend plus de temps que démailler et les contraintes temporelles de la situation ne permettent pas au matelot de dépocher. La figure 6 représente la modélisation complète de la situation dont un extrait a été présenté juste avant.

Figure 6 : Modélisation de l’organisation de l’activité de démaillage d’une dorade. 
Figure 6: Modeling of the unmeshing patterns of a sea bream

Figure 6 : Modélisation de l’organisation de l’activité de démaillage d’une dorade. Figure 6: Modeling of the unmeshing patterns of a sea bream

81D’une part, cette modélisation a servi à identifier les schèmes d’utilisation du filet de pêche mobilisés lors du démaillage d’une capture. D’autre part, elle a mis en lumière l’usage d’une stratégie « inadaptée » – le démaillage – induite par la pression temporelle subie par le matelot (« il ne faut pas que ça traîne », « derrière ça tire », « il ne faut pas qu’il [matelot chargé de ranger] attende trop longtemps »).

82Au cours des EACE, trois matelots sur quatre ont évoqué à huit reprises la casse des mailles comme une stratégie de gain de temps, et deux d’entre eux ont indiqué préférer que le patron-pêcheur n’en soit pas informé. Les EACE ont révélé deux déterminants qui influencent ce choix : le flux des captures à démailler et la volonté de travailler rapidement pour limiter le temps passé en mer. La stratégie choisie peut entraîner des conséquences sur le soin apporté au filet (casse ou non), sur le soin apporté aux captures (casser les carapaces, arracher les pattes) et être source d’inconfort pour les matelots qui cachent la casse du filet au patron-pêcheur.

83Les EACE ont révélé que la stratégie de démaillage est également dépendante du type de captures, de l’expérience des matelots et de leur état physiologique. Un matelot a notamment insisté sur l’importance des repères visuels et a indiqué que, comme sa vue baisse (« Après je ne vois plus tellement clair (rire). »), il utilise davantage le toucher pour démailler (« Après on voit, quand il y a une résistance ou pas aussi. […] Ouais on le sent, ouais. Et puis on voit quand même. Après c’est l’habitude quoi, c’est l’habitude »). Un autre matelot a indiqué que le bruit du filet l’informe sur la résistance des mailles. Grâce à ce repère auditif, le matelot sait s’il peut forcer sur la maille (ou non) pour démailler une capture bien accrochée. 

84Concernant le type de capture, les matelots utilisent leurs connaissances et leur expérience pour déterminer les endroits où le filet est susceptible de se coincer (dents, écailles, carapaces). Ces précisions ont servi à préciser le type de stress subi par le filet.

4.3.3. Synthèse

85Les résultats obtenus montrent que les différentes actions du matelot et leur répétition sont source d’un stress important pour le filet : à-coups secs durant le démaillage, poids des captures, tranchant des dents, des écailles et des carapaces, démêlage des chignons et autres prises indésirables, utilisation d’outils de démaillage comme le marteau. L’ensemble des situations analysées a permis de modéliser l’activité de démaillage selon des schèmes précis (Annexe 2), en révélant toutefois des stratégies propres aux matelots. Cela sert à mieux comprendre l’usage du filet et invite à réfléchir aux enjeux de santé au travail qui doivent être pris en compte dans le cadre de la conception d’un nouveau filet.

5. Discussion et conclusion

86L’étude psycho-ergonomique s’est déroulée après la rédaction du cahier des charges, et non avant comme le conseillent Bourmaud (2006) ou encore Chauvin, Le Bouar et Renault (2008). De fait, l’intervention a consisté à réagir aux propositions de l’équipe de conception pour enrichir le projet sans en modifier significativement les orientations (Bourmaud, 2006).

87Dans l’étude, une analyse multi-niveaux (macro, méso, micro) des situations de travail a été effectuée. Le niveau macro a porté sur l’activité globale de pêche, le niveau méso sur l’activité collective de démaillage, et le niveau micro sur l’activité individuelle de démaillage. Les résultats ont permis de mieux comprendre les usages des filets lors de la pêche et in fine de produire des recommandations pour la conception d’un FPB. Les contributions et les limites de l’étude sont discutées ci-dessous et s’organisent autour de 3 axes : le processus de conception, la santé au travail et l’environnement.

5.1. Le processus de conception

88Ce premier axe est relatif à la demande de l’équipe de conception concernant les caractéristiques à prendre en compte pour la fabrication du nouveau filet de pêche. Deux apports principaux ressortent de l’analyse de l’activité : l’un pour la conception, l’autre dans la conception.

5.1.1. Apports pour la conception

89Les observations in situ et les analyses réalisées ont permis d’identifier les contraintes de l’activité et les schèmes d’utilisation du filet de pêche.

90La modélisation des schèmes apporte un niveau de compréhension fin sur les pratiques de travail habituelles. Celles-ci doivent être considérées et intégrées au processus de conception pour que le nouveau filet respecte a minima les usages réels et ne fasse pas peser de contraintes supplémentaires sur l’activité. Selon Rabardel (1995), l’appropriation d’un outil est favorisée dès lors qu’il est possible de l’utiliser en mobilisant des schèmes préexistants.

91L’analyse réalisée a également mis en lumière les contraintes subies par le filet au cours de l’activité, relative au travail humain (tirer, tordre, frapper, etc.) ou au passage dans les apparaux. L’ensemble de ces résultats a servi à enrichir le cahier des charges. Des recommandations ont été produites à la fois pour :

  • Orienter la conception pour un FPB respectueux des habitudes de travail déjà en place (caractéristiques essentielles à respecter, schèmes). Par exemple, il a été recommandé de prendre en compte le fait de pouvoir casser des mailles du filet pour libérer une capture (respect du schème « casse maille »). Le filet doit être solide, mais cassable à la main.

  • Ajuster les tests initialement prévus, en intégrant notamment l’activité de démaillage jusqu’alors non prise en compte par l’équipe de conception (contraintes sur le filet). Par exemple, il a été recommandé d’augmenter les sollicitations programmées pour simuler l’action de tirer sur les mailles du filet lors du démaillage d’une capture. Des recommandations ont aussi porté sur la réalisation d’essais manuels pour simuler l’action de casse et de déformation du fil, et la mise en place de tests utilisateurs pour le démaillage de captures fictives avec le prototype (test) et des filets standards (contrôle).

5.1.2. Apport dans la conception

92La méthode employée (observations et entretiens) a permis d’ouvrir un espace de dialogue entre les pêcheurs et l’équipe de conception. Premièrement, l’analyse de l’activité et la modélisation des schèmes d’utilisation du filet de pêche ont contribué à développer les connaissances du comité du projet et leur compréhension de l’activité de pêche. Cette acculturation permet une meilleure prise en compte des besoins et contraintes de l’activité réelle et ouvre la voie à de nouvelles orientations de conception. Deuxièmement, les EACE favorisent une réflexivité de la part des matelots sur leur pratique de pêche et peuvent ainsi conduire à l’expression de pistes d’amélioration des filets ou de conception pour un FPB. Cette rencontre entre deux mondes (Daniellou, 2007) tend à éveiller l’intérêt des concepteurs pour l’activité des pêcheurs et l’intérêt des pêcheurs pour le projet, voire à les rendre acteurs du processus de conception. Ces intérêts réciproques facilitent la sollicitation des professionnels de la pêche pour le développement de pratiques plus durables.

5.2. La santé des matelots

93Les chiffres affichés par le ministère de la mer (Monnin & Brunet, 2021) indiquent que les TMS représentent 60 % des maladies professionnelles des marins. Elles sont en partie dues à des gestes répétés et à l’hyper sollicitation des articulations. Ces TMS touchent majoritairement les membres supérieurs (45 %) (membres inférieurs, 32 % ; dos, 17 %). L’étude a révélé que l’activité de démaillage sollicite de manière répétée les membres supérieurs des matelots, notamment les doigts, et particulièrement lorsqu’il s’agit des captures indésirables. Dans ce dernier cas, l’étude montre un allongement du temps de démaillage et une démultiplication des manipulations qui peuvent traduire une charge de travail physique accrue. Berg-Beckhoff, Østergaard et Jepsen (2016) précisent que la charge de travail physique dans le domaine de la pêche augmente le risque de TMS. De plus, le démaillage des captures fait partie de l’activité de virage qui représente 51 % du travail actif des matelots. L’ACST (2014) indique en effet que « la répétitivité gestuelle est considérée comme importante lorsque le temps de cycle est inférieur à 30 secondes ou que l’activité répétitive est exercée durant au moins 50 % du temps de travail ». En conséquence, il semble possible de qualifier le démaillage d’activité à risque pour la santé des travailleurs. Cependant, ces résultats doivent être pris avec précaution. En effet, la rotation entre les différents postes de travail pourrait diminuer les sollicitations articulaires individuelles (St-Vincent, Vézina, Dufour, St-Jacques, & Cloutier, 2003 ; Vézina, 2015) et être bénéfiques aux travailleurs sous certaines conditions (Askenazy, & Caroli, 2003 ; Lémonie, 2019 ; Rocha, Daniellou, & Nascimiento, 2012 ; Vézina, 2015). Celles-ci restent à définir dans le domaine de la pêche.

94La description fine de l’activité de démaillage a rendu visible une sur-sollicitation articulaire possible. Celle-ci pourrait en partie expliquer le pourcentage élevé des TMS identifiés pour les membres supérieurs (Monnin, & Brunet, 2021). Une étude supplémentaire pourrait être conduite pour approfondir cette question et proposer des recommandations ciblées pour la conception du FPB en vue de diminuer les effets délétères de l’activité de démaillage sur la santé des pêcheurs.

95Quelques observables, comme l’écrasement de certaines captures et la casse volontaire du filet lors du démaillage, invitent à réfléchir au sens que les matelots portent à leur travail. Par exemple, l’écrasement des captures avec un marteau pour ramollir les étoiles de mer avant de les démailler, ou l’arrachement des pattes de crustacés pour faciliter et accélérer le démaillage pose la question du respect du vivant et des conséquences éthiques vécues par les travailleurs. Ainsi la casse du filet pourrait être induite à la fois par la recherche de performance (gain de temps, faciliter le démaillage) et par le rapport au vivant entretenu par les pêcheurs (souffrance éthique, préserver les captures). Il serait pertinent de prendre en compte la souffrance éthique des pêcheurs et les stratégies de défense mobilisées pour y faire face (Porcher, 2010), d’autant que les affects peuvent orienter et impacter l’action (Cahour, & Lancry, 2011).

96En résumé, il serait pertinent d’étudier la problématique de santé au travail (TMS, sens au travail), tant sur le plan physique que psychologique, pour la conception du filet de pêche biodégradable et faciliter son appropriation par les matelots.

5.3. L’environnement

97L’utilisation d’un FPB vise à diminuer la pollution plastique dans les océans, notamment en matière d’écotoxicité (libération de produit toxique dans l’environnement) et de pêche fantôme à long terme (un filet conventionnel peut continuer à capturer des poissons jusqu’à 20 ans après sa perte en mer, Ruitton, Chabert, & Boudouresque, 2021). Wilcox et Hardesty (2016) relèvent toutefois une limite à l’utilisation d’un FPB : la persistance de la pêche fantôme sur du court terme. Les auteurs proposent des solutions pour limiter cette problématique, comme le balisage des filets et leur récupération rapide. Ces solutions interviennent cependant une fois le filet perdu. Il pourrait être pertinent d’identifier, avec les pêcheurs, ce qui cause la perte des filets (météorologie, zones de pêche, type de captures, saisonnalité, etc.), pour agir en amont et développer des stratégies préventives. Le développement de stratégies préventives à la perte du filet de pêche serait bénéfique à l’activité (moins de frais par exemple), à l’équipage (conscience environnementale préservée) et à l’environnement (diminution des déchets de pêche).

98La pêche de captures indésirables est également à prendre en compte dans la conception d’un nouveau filet de pêche. Pour limiter cet effet négatif sur l’écosystème marin, un dispositif d’échappement des captures indésirables a été récemment développé pour la pêche au chalut (projet Game of Trawls, Lefèvre, Courtrai, Pham, Friguet, & Burnel, 2021). D’autres innovations comme les pingers (répulsifs acoustiques) ont été développées pour éloigner les cétacés des filets (Le Gall, Origne, Scalabrin, & Morizur, 2004). La forme des filets et le caractère passif de la pêche au filet ne permettent pas d’appliquer un dispositif d’échappement des captures. En revanche, des pingers à captures indésirables pourraient être intégrés aux filets. Cette alternative servirait à réduire le nombre de captures indésirables relevées. D’une part, cela permettrait de diminuer les sursollicitations articulaires pour les pêcheurs, identifiées lors du démaillage, et d’améliorer la santé au travail. D’autre part, cela limiterait l’impact de la pêche sur l’écosystème marin en préservant le vivant, et pourrait participer au bien-être psychologique des pêcheurs en limitant l’écrasement de certaines captures. La réduction des captures indésirables participerait à préserver l’écosystème et à faciliter l’activité globale de pêche (respect de la réglementation en matière de quotas de pêche et de non-rejet des captures accidentelles).

99Ces éléments (stratégies préventives et réduction des captures indésirables), intégrés à la conception du FPB, s’inscriraient dans les valeurs environnementales supposément partagées par les pêcheurs, ce qui pourrait in fine faciliter l’implémentation du FPB dans l’activité et favoriser son appropriation.

100En résumé, le FPB est utile pour diminuer l’impact des activités de pêche sur l’environnement marin en matière d’écotoxicité. Les apports de l’étude présentée permettent d’orienter la conception et de la centrer sur les contraintes d’usage (humaines et techniques) et sur les schèmes préexistants d’utilisation du filet conventionnel. Cette approche vise à favoriser l’appropriation du filet de pêche plutôt que les seules évolutions techniques (liées au matériau notamment). De plus, d’autres axes d’amélioration ont émergé. Ils concernent la co-construction de pratiques de prévention de perte des filets (identifier en amont et avec les pêcheurs les causes de la perte des filets), l’amélioration de santé au travail (limiter les sollicitations des membres supérieurs) et la préservation de l’environnement (limiter la pêche des captures indésirables).

101Considérer à la fois l’aspect de performance du filet, le bien-être des individus (générations actuelles et futures) et les conséquences d’utilisation du filet sur l’écosystème participent à identifier les conditions favorables à la transition des pratiques de pêche actuelles à des pratiques de pêche plus durables. Ces trois axes, performance, santé et environnement, s’inscrivent dans une perspective de développement durable (Lairez, & Feschet, 2016).

102Il serait possible d’augmenter l’échantillon de matelots observés afin de prendre en compte leurs caractéristiques individuelles (taille, sexe, âge, expérience). Cela servirait à explorer différentes stratégies d’usage du filet, à enrichir l’étude et à aboutir à des recommandations supplémentaires de conception d’apparaux de pêche ou d’organisation du travail.

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Annexe

Annexe 1

Tableau 1 : Grille de codage des verbalisations. 
Table 1 : verbalisation coding table

Tableau 1 : Grille de codage des verbalisations. Table 1 : verbalisation coding table

Annexe 2

Figure 1 : modélisation générique de l’organisation de l’activité de démaillage (qui résulte de l’analyse des 11 situations). 
Figure 1: generic modeling of the organization of the unmeshing activity (resulting from the analysis of the 11 situations)

Figure 1 : modélisation générique de l’organisation de l’activité de démaillage (qui résulte de l’analyse des 11 situations). Figure 1: generic modeling of the organization of the unmeshing activity (resulting from the analysis of the 11 situations)

Annexe 3

Tableau 2 : classification et occurrence des actions effectuées dans les 5 vidéos au niveau méso d’analyse. 
Table 2: classification and occurrence of observed actions in the 5 videos at the meso level of analysis

Tableau 2 : classification et occurrence des actions effectuées dans les 5 vidéos au niveau méso d’analyse. Table 2: classification and occurrence of observed actions in the 5 videos at the meso level of analysis

Annexe 4

Tableau 3 : classification et occurrence des actions effectuées dans les 11 vidéos au niveau micro d’analyse. 
Table 3: classification and occurrence of observed actions in the 11 videos at the micro level of analysis

Tableau 3 : classification et occurrence des actions effectuées dans les 11 vidéos au niveau micro d’analyse. Table 3: classification and occurrence of observed actions in the 11 videos at the micro level of analysis
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Table des illustrations

Titre Tableau 1a : Caractéristiques des embarquements effectués. Table 1a: Characteristics of sailing conditions
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Titre Tableau 1b : Conditions météorologiques des deux embarquements. Table 1b: Weather conditions for the two sailings
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Titre Tableau 2 : Caractéristiques des participants observés. Table 2: Characteristics of observed participants
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Titre Figure 1 : Capture d’écran d’une captation vidéo de la séquence de démaillage des captures sur le fileyeur 1. Figure 1: Screen capture of a video of the unmeshing catch sequence on gillnetter 1
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Titre Tableau 3 : Caractéristiques des séquences vidéo filmées. Table 3: Characteristics of the filmed video sequences
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Titre Tableau 4 : Caractéristiques des entretiens d’auto-confrontation explicitante. Table 4: Characteristics of the expliciting self-confrontation interviews
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Titre Figure 2 : Chronogramme d’activité de pêche, embarquement du 8 janvier 2021 à bord du premier fileyeur. Figure 2: Fishing activity timeline, January 8, 2021 boarding gillnetter 1
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Titre Tableau 5 : Durée des activités de pêche, embarquement du 8 janvier 2021 à bord du fileyeur 1. Table 5: Duration of fishing activities, January 8, 2021 boarding gillnetter 1
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Titre Figure 3 : Schéma du parcours du filet sur le pont de pêche, embarquement du 8 janvier 2021 à bord du fileyeur 1. Figure 3: Diagram of the net path on the fishing deck, January 8, 2021 boarding gillnetter 1.
Légende Les numéros indiqués représentent : 1 = halage du filet par le vire-filet ; 2 = démaillage des captures ; 3 = rangement du filet ; 4 = parc à filet où le filet est entreposé avant la prochaine opération de filage. The numbers indicated represent: 1= hauling in of the net by the gillnetter; 2= unmeshing of the catch; 3= stowing of the net; 4= net yard where the net is stored before the next spinning operation
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Titre Figure 4 : Chronogramme d’activité de démaillage des matelots 1 et 2, embarquement du 8 janvier 2021 à bord du fileyeur 1. Figure 4: Chronogram of unmeshing activity for seamen 1 and 2, January 8, 2021 boarding gillnetter 1
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Titre Tableau 6 : Caractéristiques des actions effectuées par les matelots lors du démaillage des captures sur les 5 vidéos, niveau méso d’analyse. Table 6: Characteristics of the actions carried out by the deckhands during the unmeshing of the catches on the 5 videos, meso level of analysis
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Titre Figure 5a : chronogramme d’activité de démaillage d’un Merlan, 8 janvier 2021, embarquement à bord du fileyeur 1. Figure 5a: chronogram of the whiting unmeshing activity, January 8, 2021 boarding gillnetter 1
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Titre Figure 5b : chronogramme d’activité de démaillage d’un Chignon, 8 janvier 2021, embarquement à bord du fileyeur 1. Figure 5b: chronogram of the unmeshing activity, January 8, 2021 boarding gillnetter 1
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Titre Tableau 7 : Occurrence de l’action tire par type de capture démaillée Table 7: Occurrence of the pull action by type of unmeshed capture
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Titre Tableau 8 : extrait de codage combiné du démaillage d’une dorade, fileyeur 1. Table 8: extract of the combined coding of the unmeshing of a sea bream, gillnetter 1
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Titre Figure 6 : Modélisation de l’organisation de l’activité de démaillage d’une dorade. Figure 6: Modeling of the unmeshing patterns of a sea bream
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Titre Tableau 1 : Grille de codage des verbalisations. Table 1 : verbalisation coding table
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Titre Figure 1 : modélisation générique de l’organisation de l’activité de démaillage (qui résulte de l’analyse des 11 situations). Figure 1: generic modeling of the organization of the unmeshing activity (resulting from the analysis of the 11 situations)
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Titre Tableau 2 : classification et occurrence des actions effectuées dans les 5 vidéos au niveau méso d’analyse. Table 2: classification and occurrence of observed actions in the 5 videos at the meso level of analysis
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Titre Tableau 3 : classification et occurrence des actions effectuées dans les 11 vidéos au niveau micro d’analyse. Table 3: classification and occurrence of observed actions in the 11 videos at the micro level of analysis
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Référence électronique

Tabatha Thiébaut-Rizzoni, Laurent Guillet, Julie Lassalle et Christine Chauvin, « L’analyse de l’activité de démaillage : intérêts pour et dans la conception d’un filet de pêche biodégradable »Activités [En ligne], 19-2 | 2022, mis en ligne le 15 octobre 2022, consulté le 19 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/activites/7653 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/activites.7653

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Auteurs

Tabatha Thiébaut-Rizzoni

Université Bretagne Sud, Laboratoire Lab-STICC (UMR CNRS 6285), 17 boulevard Flandres-Dunkerque, 56100 Lorient, France
tabatha.thiebaut-rizzoni@univ-ubs.fr

Laurent Guillet

Université Bretagne Sud, Laboratoire Lab-STICC (UMR CNRS 6285), 17 boulevard Flandres-Dunkerque, 56100 Lorient, France
laurent.guillet@univ-ubs.fr

Julie Lassalle

Université Bretagne Sud, Laboratoire Lab-STICC (UMR CNRS 6285), 17 boulevard Flandres-Dunkerque, 56100 Lorient, France
julie.lassalle@univ-ubs.fr

Articles du même auteur

Christine Chauvin

Université Bretagne Sud, Laboratoire Lab-STICC (UMR CNRS 6285), 17 boulevard Flandres-Dunkerque, 56100 Lorient, France
christine.chauvin@univ-ubs.fr

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