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Les stratégies d’intervention utilisées par une intervenante dans le cadre d’une démarche préventive des troubles musculosquelettiques et contraintes psychologiques et organisationnelles en milieu hospitalier

Intervention strategy used by a practitioner as part of a preventive approach to musculoskeletal disorders and psychological and organizational constraints in hospitals
Elsa Laneyrie, Sandrine Caroly et Aurélie Landry

Résumés

Cette recherche a pour objectif d’enrichir les connaissances sur les interventions en organisation ayant pour objet le développement des individus, des collectifs et des organisations. Cet article montre quelles stratégies sont utilisées par un intervenant lors du déploiement d’une intervention afin de la rendre plus efficace. Pour cela, nous avons suivi l’intervention d’une psychologue du travail déployant une démarche préventive appelée ORSOSA (Organisation des Soins et de la Santé des soignants) dans un service de soins. Afin de suivre longitudinalement le processus d’intervention, nous avons utilisé une approche qualitative (journaux de bord, observations, entretiens). L’analyse de nos données permet d’identifier trois principales stratégies utilisées par l’intervenante à des temps distincts de l’intervention visant à : légitimer la pertinence de la démarche, s’adapter au contexte du service de soins, évaluer les résultats de l’intervention. Pour chacune de ces stratégies, les objectifs et modes opératoires ont été décrits.

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Notes de la rédaction

Article soumis le 12 novembre 2019, accepté le 18 janvier 2021

Texte intégral

Introduction

1Cette recherche s’inscrit dans le courant des études visant à enrichir les connaissances sur les modèles d’intervention en organisation lors du déploiement de démarches préventives (Albert, Vézina, Bilodeau, & Coutarel, 2016 ; Petit, Querelle, & Daniellou, 2007) afin de les rendre plus efficaces et d’améliorer les pratiques. Nous cherchons à ouvrir la boite noire des interventions en organisation. À cet effet, nous souhaitons contribuer aux réflexions en cours sur les effets des interventions au travers des stratégies utilisées par les intervenants lors de leurs interventions. S’intéresser aux stratégies nous parait essentiel, car c’est de nature à renforcer les effets potentiels des démarches préventives mises en œuvre dans les organisations (Coutarel & Daniellou, 2007 ; Landry, 2008). C’est pourquoi l’objectif de cet article est de montrer quelles stratégies au cours du déploiement d’une démarche de prévention des risques professionnels sont utilisées par une intervenante afin de renforcer le travail collectif entre les acteurs en présence. Pour cela, nous avons suivi l’intervention d’une psychologue du travail au sein de trois unités de soins en milieu hospitalier (les lecteurs intéressés pourront se référer à la thèse de Laneyrie, 2016). Dans cet article, nous avons choisi de présenter une seule intervention, particulièrement complexe du point de vue de la prévention.

1. Les stratégies utilisées en organisation par un intervenant au cours d’une intervention de type participative1

1.1. Stratégies référencées dans la littérature

  • 2 Une intervention en organisation est réalisée dans un contexte donné, à un moment donné, en vue d (...)

2Afin d’identifier les stratégies utilisées par un intervenant au cours du déploiement d’une démarche, il convient d’identifier celles initialement référencées dans la littérature. En effet, peu de recherche-interventions définissent précisément les stratégies utilisées par un intervenant au cours d’une intervention en organisation2 (Baril-Gingras, Bellemare, & Brun, 2004). Ceci nous parait pourtant essentiel afin d’en tirer des enseignements sur nos pratiques d’intervention.

3En ergonomie, la notion de stratégie s’apparente aux régulations mises en œuvre dans l’activité par l’intervenant, compte tenu de la prescription de la démarche, pour faire face aux variabilités (non-compréhension des objectifs par les acteurs, conflits, non-adaptation au contexte, etc.). Autrement dit, la stratégie est un « ensemble d’actions coordonnées, d’opérations habiles, de manœuvres en vue d’atteindre un but précis » (centre national de ressources textuelles et lexicales, 2020). En accord avec la définition proposée par Baril-Gingras, Bellemare, Poulin et Ross (2010), les stratégies d’intervention sont définies par ce que « l’intervenant doit faire avec des acteurs de l’établissement pour qu’ils soient en mesure de réaliser les objectifs et pour les aider à implanter les propositions de changement qui les concrétisent » (p. 123). Selon ces chercheurs, ceci nécessite de s’interroger sur « quoi faire avec les acteurs de l’établissement » quant à « l’analyse du problème et le diagnostic ; la recherche de solutions et leur validation ; la diffusion des propositions de changement et l’accompagnement du processus de décision ; l’opérationnalisation, l’implantation et le suivi des propositions de changement, de même que l’évaluation de l’intervention et des effets » aux différentes étapes d’une intervention (p. 124).

4Selon ces mêmes chercheurs, les stratégies mises en œuvre au cours d’une intervention doivent veiller à développer les dispositions, les capacités et le travail collectif des acteurs :

  • Le développement des capacités des acteurs correspond au développement des compétences, des connaissances et des moyens disponibles de ces derniers (Baril-Gingras et al., 2010). Cela peut s’apparenter à l’utilisation par les acteurs de nouvelles ressources dans leur vie professionnelle. Agir avec les compétences nécessite de « combiner et mobiliser non seulement ses propres ressources (connaissances, savoir-faire, qualités, culture, expérience…), mais également des ressources de son environnement : réseaux professionnels, réseaux documentaires, banque de données manuel de procédures… » (Le Boterf, 2010, p. 69). L’intervenant peut aider les acteurs à identifier leurs ressources et s’en servir avec efficience au quotidien.

  • Le développement des dispositions des acteurs correspond au développement des représentations vis-à-vis du travail, de la santé ou encore du déploiement de la démarche (Baril-Gingras et al., 2010). Chaque acteur possède des représentations particulières (Guérin, Laville, Daniellou, Duraffourg, & Kerguelen, 1991) qu’il convient de prendre en compte afin d’aboutir à une représentation commune du travail, des risques professionnels et de la démarche de prévention, par la délibération.

  • Le développement du travail collectif des acteurs correspond au développement de la manière de travailler ensemble (Caroly, 2010) en termes de répartition des tâches, d’échanges de savoirs, d’élaboration de règles communes. Selon Caroly (2010), le travail collectif « est défini comme l’exécution d’une tâche, mais surtout comme la mise en œuvre de régulations collectives d’une activité de travail. Le travail collectif entraine des actions coordonnées de plusieurs opérateurs : un travail collectif n’est pas un agrégat d’activités individuelles, mais la réalisation conjointe d’une même activité par plusieurs opérateurs, dans des lieux, des temps qui peuvent être communs ou différents » (p. 90). Le travail collectif peut être de différentes natures : entre les préventeurs/intervenants, entre les salariés concernés par l’intervention et/ou encore entre les intervenants et les salariés. Comme le souligne Teiger (2007), il convient d’initier « une situation de coopération plutôt que de participation, car « chacun travaille et cherche un chemin pour parvenir au but commun, pour combiner une pluralité de regards sur le problème en évitant l’écueil évoqué d’un point de vue surplombant les autres » (Landry, 2008, p. 125).

5Pour les ergonomes, la notion de stratégies renvoie à des processus de régulations entre les exigences de la tâche, les caractéristiques de l’opérateur, les marges de manœuvre disponibles et les résultats de l’activité en termes de performance et de santé (Major & Vézina, 2011). Ces stratégies se traduisent par des actions, des savoir-faire, des modes opératoires (Cuvelier & Caroly, 2009) permettant aux individus d’anticiper et de se protéger des effets du travail sur leur santé. Ainsi, dans le cadre de cet article nous nous intéressons plus précisément aux stratégies de l’intervenante qui sont de deux types : les stratégies sous-jacentes (stratégies que l’intervenante souhaite mettre en œuvre avant l’intervention, fruit de son expérience et savoir-faire) et les stratégies d’intervention (celles réellement mises en œuvre durant l’intervention) (Landry, 2012). L’analyse des écarts entre ces deux types de stratégies est particulièrement pertinente, car elle renseigne sur le contexte de l’organisation dans laquelle l’intervenant intervient et les régulations mises en place. À ce titre, nous nous rapprochons des travaux de Berthelette (2002) qui définissent la stratégie d’implantation (considérée dans cette étude comme synonyme de stratégie d’intervention) comme « la mise en œuvre de l’action dans un contexte précis, liée aux caractéristiques des intervenants, aux caractéristiques des organisations, aux caractéristiques des bénéficiaires de l’action et au contexte dans lequel l’action va être mise en place ». Ces stratégies permettent « de favoriser la compréhension qu’ont les acteurs de l’entreprise des questions relatives au travail et/ou celles liées à la prévention en santé et sécurité » (Chadoin, Tougas, & Brunet, 2014, p. 1). En effet, lors des interventions l’intervenant réajuste ses stratégies en fonction du contexte du milieu de travail.

6Afin d’identifier les stratégies d’intervention dans la littérature, nous nous sommes appuyés sur les recherches relatives à l’évaluation de l’efficacité des interventions. En effet, ces dernières permettent d’identifier trois types de variables à prendre en considération afin de mener à bien une intervention (Albert et al., 2016 ; Contandriopoulos, Champagne, Denis, & Avargues, 2000 ; Contandriopoulos, Champagne, Denis, & Pineault, 1993 ; Coutarel,Vézina, Berthelette, Aublet-Cuvelier, Descatha, Chassaing et al., 2009 ; INRS-Anact, 2017 ; Landry, 2008).

  • Relatives à la démarche mise en œuvre : le type – les démarches participatives sont plus efficaces en termes de prévention des risques professionnels en entreprise (Coutarel & Daniellou, 2007 ; Garrigou, Daniellou, Carballeda, & Ruaud, 1995) – le contenu – se base sur l’analyse du travail réel (Dugué, Petit, & Daniellou, 2010) – et les étapes de l’intervention.

  • Relatives au contexte de mise en œuvre de la démarche : les caractéristiques contextuelles peuvent avoir une incidence sur la bonne mise en œuvre d’une intervention (Berthelette, Bilodeau, & Leduc, 2008). Il convient ainsi de s’adapter aux contraintes et rythmes des acteurs (Baril-Gingras, Bellemare, & Brun, 2004 ; Fassier & Durand, 2010 ; Saint Vincent et al., 2011). Certains auteurs en ergonomie suggèrent que l’identification précoce de certains éléments-clés du contexte permet un meilleur pilotage de l’intervention (Landry & Tran Van, 2010).

  • Relatives à l’évaluation des résultats produits par l’intervenant lors de l’intervention : transformations attendues et inattendues du milieu de travail notamment en termes d’effets intermédiaires. À ce titre, Bellemare, Marier, Prévost, Montreuil et Perron (2000) ont montré que plus la réalisation des préconisations est réaliste, plus ces dernières ont des chances d’être réellement implantées dans les organisations.

1.2. La démarche prescrite : ORSOSA

7Nous avons observé le déploiement d’une démarche préventive française appelée ORSOSA (Organisation des Soins et de la Santé des Soignants) déployée par des psychologues du travail dans les établissements de santé. Pour le cas présenté ici, il s’agit d’une psychologue intervenant de façon externe pour des petits établissements hospitaliers. La démarche ORSOSA a été créée par une équipe pluridisciplinaire française composée de chercheurs en médecine du travail, en ergonomie, et en épidémiologie (De Gaudemaris, Levant, Ehlinger, Hérin, Lepage, Soulat et al., 2011).

8Cette démarche a pour objectif d’évaluer et de prévenir l’impact des Contraintes Psychologiques et Organisationnelles (CPO) et des contraintes biomécaniques du travail (TMS) sur la santé des personnels soignants (Askri, Josselin, Sicard, Caroly, & De Gaudemaris, 2013 ; Bonneterre, Liaudy, Chatellier, Lang, & De Gaudemaris, 2008) au sein de Centres Hospitaliers volontaires. À ce titre, la prescription pour le psychologue du travail est de déployer la démarche avec les acteurs internes des établissements : des acteurs institutionnels (directeur des ressources humaines, directeur des soins, directeur qualité...), des acteurs des unités de soins (médecin de l’unité, cadre de santé et soignants) et des acteurs de la médecine du travail (médecin du travail et infirmier du travail) afin de diagnostiquer rapidement les forces et les faiblesses du service de soins audité relatives aux conditions de travail des soignants et de trouver alors avec les acteurs des pistes d’amélioration.

9La démarche prescrite est constituée de huit temps (Pavillet, Askri, Josselin, Amar, Laneyrie, Lamy et al., 2013) :

Encadré 1 : Temps prescrit par la démarche ORSOSA. 
Image 1: recommended by the ORSOSA approach

  - Temps 1 : Rencontre avec les acteurs institutionnels et de la médecine du travail afin de présenter la démarche ORSOSA et de choisir les services de soins à auditer. Ce sont les acteurs institutionnels qui prescrivent au service de soins de réaliser la démarche ORSOSA, en étant accompagnés par le service de santé au travail.

  - Temps 2 et 3 : Rencontre avec le cadre de santé et le médecin de l’unité (temps 2) puis rencontre avec l’équipe de soins afin de leur présenter la démarche (temps 3). Durant ce temps, l’intervenante distribue un questionnaire validé sur les CPO et TMS aux soignants. Ce dernier est constitué de trois volets. Le premier sur les CPO est constitué de 22 questions divisées en 8 dimensions (soutien du cadre infirmier, effectif suffisant dans l’unité, organisation qui permet la communication, interruption dans le travail, discussion avec le personnel soignant, partage des valeurs de travail, soutien de l’administration, organisation qui permet le respect des congés). Le second volet portant sur les TMS et plus particulièrement sur la biomécanique est constitué de 13 questions divisées en 3 parties (manipulation du malade, manipulation autour du malade, gestes et postures) et de l’échelle de Borg, évaluant l’intensité de la charge de travail.

  - Temps 4, 5 et 6 : Rencontre avec le cadre de santé et le médecin de l’unité (temps 4), rencontre avec l’équipe de soins (temps 5) puis rencontre avec le cadre de santé et le médecin de l’unité (temps 6) afin d’apporter un diagnostic rapide (à l’aide des résultats des questionnaires) et rechercher des solutions en interne.

  - Temps 7 : Restitution collective à l’ensemble des acteurs présents durant le déploiement de la démarche afin de faire un bilan des répercussions de la démarche et de mettre en œuvre un plan d’actions.

  - Temps 8 : Suivi et bilan de la mise en œuvre des préconisations à 1 an de la démarche.

10La démarche prescrite se base principalement sur l’accompagnement de changements de représentations des acteurs sur la démarche et le travail. Elle ne prévoit pas de temps supplémentaires (comme des entretiens avec les acteurs), ni de temps d’observations de l’activité des soignants permettant d’avoir accès au travail réel de ces derniers.

2. Méthodologie mise en œuvre afin d’analyser les stratégies utilisées par une intervenante au cours du déploiement d’une démarche préventive

2.1. Présentation du déploiement de cette démarche dans les services de soins

  • 3 Nous avons choisi ce type de service car plusieurs spécialistes s’accordent à dire que c’est au s (...)
  • 4 Il est à noter que nous avons choisi un service de soins au sein de chaque établissement audité. (...)
  • 5 Les acteurs observés dans le cadre du déploiement de la démarche ont plusieurs objectifs : pour l (...)

11Afin d’identifier le type de stratégies d’intervention utilisées par une intervenante, nous avons observé le déploiement de la démarche ORSOSA dans trois services de soins de gériatrie3. dans trois établissements différents4. Cependant, nous nous centrons dans le cadre de cet article, uniquement sur un terrain, particulièrement difficile pour l’intervenante, afin de détailler le processus qualitativement. En effet, les acteurs de terrain (cadre et médecin de l’unité) étaient au départ opposés à la mise en œuvre de la démarche et c’est en partie grâce aux stratégies de l’intervenante qu’ils ont accepté l’intervention5.

2.2. Protocole de recueil de données afin d’analyser l’activité d’une intervenante

12Le chercheur était en situation d’observation de l’activité de l’intervenante (Petit et al., 2007) sans rôle dans la démarche ORSOSA. L’intervenante est une psychologue du travail déployant la démarche dans des établissements de soins.

Profil de l’intervenante observée

13Les concepteurs de la démarche ont choisi d’embaucher des psychologues du travail pour leurs compétences en animation de groupes de travail, leur maitrise des questionnaires et des entretiens individuels et collectifs.

14Nous avons observé une psychologue du travail de moins de 30 ans, durant les trois premières années de sa prise de fonction sur son poste d’intervenante externe. Ainsi, elle ne connaissait pas les services dans lesquels elle intervenait. Financé par la Caisse Nationale de Retraites des Agents des Collectivités Locales (CNRACL) pour une durée de 4 ans, son poste est rattaché à l’hôpital dans le service de médecine du travail en charge du déploiement de la démarche ORSOSA. Formée à la psychologie, notamment à l’approche systémique, l’intervenante est soucieuse de prendre en compte le contexte organisationnel des unités dans lesquelles elle intervient en faisant participer au maximum les acteurs en présence. Durant sa prise de fonction et à sa demande elle a suivi une formation en ergonomie (diplôme universitaire sur 1 an). L’intervenante définit, en amont de son intervention, son rôle comme celui d’accompagnatrice dans le but d’aider les soignants à améliorer leurs conditions de travail.

Outils utilisés afin de recueillir les données sur les stratégies de l’intervenante

15Plusieurs outils ont été utilisés :

  • Deux entretiens sur le modèle sous-jacent d’intervention de l’intervenante (Landry, 2008) : la psychologue du travail a été interrogée au démarrage de la démarche ORSOSA et deux ans après (deux entretiens semi-directifs). Ces entretiens, enregistrés et retranscrits, d’une durée moyenne d’une heure comportent des informations sur l’intervenante : son parcours universitaire et professionnel ; sa prise de poste et les missions confiées ; son modèle d’intervention et enfin le type de collaboration avec d’autres professionnels de l’établissement.

  • L’observation du déploiement de la démarche : chacune des réunions (durée moyenne de 1 h 20) animées par l’intervenante (26 pour ce terrain) a été observée, enregistrée et retranscrite.

  • L’usage des journaux de bord (JBD) pour chacune des interventions terrain de l’intervenante (Bellemare, Marier, & Allard, 2001) : soit 47 JBD pour ce terrain avec deux parties : 1/ avant l’intervention, renseignement sur les acteurs à auditer ; les objectifs visés de l’entrevue et les résultats attendus, 2/ après l’intervention (dans un délai d’une semaine) avec six parties : le déroulement de l’activité, les outils et méthodes utilisés, les résultats non attendus et les écarts, l’analyse de ces écarts, les décisions prises et enfin une case libre afin de renseigner des éventuels commentaires de l’intervenante (ressentis, doutes, interrogations…). Les JBD remplis par l’intervenante ont été des traces de son activité d’intervention pour réaliser avec elle des entretiens d’auto-confrontation simples à la fin du déploiement de la démarche. Cet entretien d’une durée de 1 h 45 a été enregistré et retranscrit.

Outils utilisés afin de recueillir les données sur la mobilisation des acteurs

16Plusieurs outils ont été utilisés :

  • L’observation du déploiement de la démarche : 26 réunions (durée moyenne de 1 h 20) animées par l’intervenante, enregistrées et retranscrites.

  • Les entretiens brefs : d’une durée courte de six minutes (Baril-Gingras, Bellemare, & Brun, 2007), huit questions sont posées aux acteurs suite à la réunion, dans un délai d’une semaine maximum : (attentes de l’acteur vis-à-vis de la réunion (1), ce qu’il retient de la réunion (2), ressources (3), obstacles rencontrés dans le déploiement de la démarche (4), l’activité de l’acteur (5), moyens repérés pour déployer son activité (6), la pertinence de la démarche (7) et enfin une question ouverte (8). Douze entretiens ont été réalisés pour ce terrain.

  • Les entretiens de fin de démarche : ces entretiens enregistrés et retranscrits, d’une durée moyenne de 45 minutes, interrogent les acteurs sur la démarche et leur rôle (notamment auprès des autres acteurs) et la culture institutionnelle de l’établissement. Huit entretiens ont été réalisés pour ce terrain.

2.3. Catégorisation des stratégies utilisées par l’intervenante au cours de la démarche

17L’analyse thématique vise à catégoriser les stratégies utilisées par l’intervenante au cours du déploiement de la démarche. Cette analyse a ensuite été confrontée à un accord inter-juge réalisé par deux psychologues du travail en doctorat.

18Les catégories sur les stratégies d’intervention ont été identifiées dans la littérature (relatives à la démarche mise en place, au contexte des établissements et à l’évaluation des résultats produits par l’intervention sur le milieu de travail). Pour chaque temps de la démarche, nous avons catégorisé les verbatims et actions de l’intervenante selon trois niveaux : relatif à la démarche (les avantages et inconvénients, l’historique et sa mise en œuvre…), au contexte (projets institutionnels en cours dans l’établissement au sein de plusieurs instances CHSCT, cellule de maintien en emploi, cellule risques professionnels…), ainsi qu’à l’évaluation des résultats intermédiaires produits par l’intervention sur le milieu de travail (ajuste la démarche et dédramatise certains résultats du questionnaire…).

19Cette analyse nous a permis d’identifier trois types de stratégies utilisés par l’intervenante visant à :

  • légitimer la pertinence de la démarche : catégorie « Démarche »,

  • s’adapter au contexte du service de soins : catégorie « Contexte »,

  • évaluer les résultats de l’intervention : catégorie « Effet ».

20Nous présentons les résultats d’un cas concret de l’activité de l’intervenante avec les stratégies utilisées durant le déploiement de la démarche ORSOSA.

3. Monographie de l’activité d’une intervenante au cours du déploiement d’une démarche préventive dans un service de soins au départ hostile à la démarche

21Nous présenterons le déploiement de la démarche sous la forme d’une monographie afin de ne pas perdre la dynamique des échanges entre les acteurs de terrain et l’intervenante. À ce titre, nous nous centrerons principalement sur l’activité du cadre de santé et du médecin de l’unité particulièrement opposés à la démarche à mettre en œuvre. Une seconde partie traitera des stratégies utilisées au regard des objectifs associés et modes opératoires au cours de la démarche ORSOSA.

3.1. Déroulement de l’intervention dans le terrain analysé

22Nous avons schématisé l’intervention globale menée par l’intervenante en fonction : des 8 temps prescrits de la démarche ORSOSA, des stratégies déployées (légitimer la pertinence de la démarche (démarche), s’adapter au contexte du service de soins (contexte) et évaluer les résultats de l’intervention (effets) et des résultats observables sur le terrain (cf. Figure 1).

Figure 1 : Schématisation du déroulement de la démarche, lien entre temps, stratégies et résultats. 
Figure 1: Overview of the process, relationship between time, strategy and results

Figure 1 : Schématisation du déroulement de la démarche, lien entre temps, stratégies et résultats.  Figure 1: Overview of the process, relationship between time, strategy and results

23L’analyse des résultats montre que l’intervenante utilise des stratégies en lien avec le contexte du service de soins tout au long de l’intervention. Nous observons de plus qu’à partir du moment où les acteurs s’expriment autour de leur activité, l’intervenante n’utilise plus de stratégie en lien avec la démarche, mais des stratégies relatives aux résultats de l’intervention menée : il n’est plus nécessaire de montrer la plus-value de la démarche, les acteurs en sont persuadés.

3.2. Présentation détaillée de la monographie

3.2.1. Étape initiale : Choix des unités et présentation de la démarche (temps 1, 2 et 3)

La rencontre institutionnelle (temps 1)6

  • 6 Il est à noter qu’en parallèle à ces différents temps, l’intervenante a rencontré d’autres acteur (...)

24Le médecin-chef de pôle a décidé, après concertation avec le coordonnateur du projet ORSOSA, que la démarche soit déployée sur l’ensemble de son pôle. Lors de cette réunion institutionnelle (réunissant le cadre supérieur, le médecin-chef de pôle, l’ergonome et l’intervenante), l’intervenante a commencé par présenter la démarche ORSOSA. Puis elle a utilisé des stratégies visant à légitimer la démarche en insistant sur son utilité sociale au regard de la prévention des risques professionnels afin que les acteurs identifient la plus-value d’un tel dispositif.

25Dans un second temps, elle a utilisé des stratégies relatives au contexte de l’établissement en invitant les acteurs institutionnels à s’impliquer dans la démarche. Soutien qu’elle caractérise comme « essentiel » afin d’espérer des effets intermédiaires. L’intervenante a été soutenue par le cadre supérieur qui a insisté sur la nécessité d’inscrire cette démarche dans un cadre institutionnel et de faire des liens avec des projets en cours afin de bénéficier d’acteurs ressources tels que la DRH et la direction des soins. L’intervenante a ensuite sollicité les acteurs à présenter la démarche au sein de différentes instances de l’établissement afin de la faire connaitre et d’identifier ainsi le plus de ressources possible. Dans cet objectif, plusieurs rencontres institutionnelles ont ensuite eu lieu : le médecin-chef de pôle a présenté la démarche en CHSCT, en Commission Médicale d’Etablissement (CME) et en comité de direction (CODIR) en compagnie majoritairement de l’intervenante et du cadre supérieur.

26Une discussion collective a ensuite eu lieu au sujet du type de service de soins à auditer dans le cadre de la démarche ORSOSA. L’intervenante s’est positionnée en retrait laissant les acteurs échanger entre eux.

La rencontre-cadre/médecin de l’unité (temps 2)

27L’intervenante, accompagnée par l’ergonome, a rencontré la cadre de santé et le médecin de l’unité sélectionnés par le comité de pilotage. Elle apprend que le service rencontre plusieurs difficultés organisationnelles majeures (période de restructuration, manque de personnel, absentéisme, cadre de santé en souffrance, charge de travail importante pour les soignants, etc.). L’intervenante perçoit donc un écart entre ce qui lui avait été dit lors de la réunion précédente et le contexte de ce service de soins.

28Les acteurs internes émettent des doutes vis-à-vis du bien-fondé de la démarche. Le médecin de l’unité, en conflit avec la direction, craint une manipulation et s’interroge sur les objectifs réels de la démarche. Il en vient à contester la validité du questionnaire et à questionner les moyens de cette étude. Il apparait en opposition vis-à-vis de la démarche et n’exprime pas de demande à l’intervenante, tout comme la cadre de santé. De son côté, cette dernière est débordée par les tâches à réaliser, elle ne perçoit pas comment elle va trouver du temps pour le déploiement de la démarche. Elle exprime, elle aussi, des réticences vis-à-vis de certaines questions du questionnaire qui pourraient la remettre en cause.

Cadre de santé : « la question “le cadre apporte son soutien” me dérange, je suis accaparée par plein de projets (…) c’est facile de casser du sucre sur le cadre, mais il faut travailler sur le lien entre l’administration et le service aussi » (extrait entretiens brefs).

29La cadre et le médecin de l’unité questionnent alors les modalités de passation du questionnaire. L’intervenante utilise des stratégies en lien avec la légitimité de la démarche prescrite pour insister sur l’utilité sociale de la démarche en matière de prévention des risques :

Intervenante : « (…), donc on fait tout ça pour agir sur la santé du personnel soignant, pour créer une dynamique de prévention collective, puisqu’on vous implique vous hiérarchie de proximité et qu’on implique également vous l’équipe paramédicale » (extrait réunion temps 2).

30L’intervenante insiste dans un second temps sur le fait que la démarche dispose de ressources humaines telles que le soutien des acteurs institutionnels afin de légitimer la démarche prescrite et elle explique la plus-value de la démarche prescrite par rapport aux besoins du service de soins, aidée de l’ergonome.

Intervenante : « Mais du coup c’est ça l’intérêt qu’ils passent ce questionnaire-là, qui je dirai peut être abrupt, et qui effectivement présente ses limites, mais derrière avoir une phase de rencontre avec vous, avec l’équipe pour avoir votre perception sur tout ça » (extrait réunion temps 2).

31Suite à ces échanges, les acteurs de terrain acceptent finalement l’étude et demandent même à ce que la passation des questionnaires soit rapide, étant donné le contexte organisationnel du service de soins (restructuration du service de soins). L’intervenante accepte de déroger au cadre prescriptif de la démarche afin de s’adapter au contexte du service de soins. Elle utilise donc une stratégie relative au contexte du service de soins.

Intervenante : « J’ai accepté de faire passer rapidement le questionnaire, car avec toutes les réticences que le cadre et le médecin avaient vis-à-vis de la démarche, si je ne faisais pas ça je n’aurais pas réussi à les impliquer. Il fallait que je donne pour qu’ils me suivent, je pense ». (Extrait entretien d’auto-confrontation)

La rencontre avec l’équipe soignante (temps 3), passation du questionnaire et analyse des résultats

32L’intervenante a expliqué la démarche à huit soignants présents et a distribué les questionnaires. Les soignants étaient peu participatifs. Elle a utilisé des stratégies visant à légitimer la démarche prescrite en insistant sur le soutien institutionnel au déploiement de la démarche qu’elle a mis en lien avec la possibilité de pouvoir transformer les dysfonctionnements. Elle insiste sur la nécessaire participation des soignants afin qu’ils soient acteurs des transformations de leur milieu de travail. Elle utilise donc aussi une stratégie visant à s’adapter au contexte du service de soins.

33Deux semaines plus tard, l’intervenante est venue récupérer les questionnaires au sein du service de soins (taux de participation : 75 % des infirmiers et 65 % des aides-soignants). Elle en a profité pour faire un entretien à sa demande avec la cadre de santé. À ce titre, l’intervenante ajoute une étape non prescrite à la démarche initiale. Elle utilise donc une stratégie relative au contexte du service de soins. Ce temps individuel a permis au cadre de santé d’exprimer ses difficultés quotidiennes vis-à-vis de son activité : elle se sent démunie, débordée (surcharge de travail importante) et exprime ne pas avoir le temps et les moyens de bien faire son travail (peu de présence auprès des équipes, pas de projet de service mis en place, gestion importante de l’absentéisme, etc.).

34Suite à cet entretien, l’intervenante utilise des stratégies relatives à l’adaptation de la démarche au contexte du service, en ajoutant des réunions intermédiaires visant à informer le médecin du travail référent, l’ergonome, le cadre supérieur et la direction des soins de la situation. Ces différents temps visent à proposer un soutien collectif au cadre de santé. Durant ces temps de rencontre, l’intervenante fait des liens entre l’organisation du travail actuel et le mal-être du cadre. Cela permet de développer les représentations des acteurs sur ce qu’il se passe dans le service de soins. L’intervenante encourage de plus la direction des soins ainsi que le cadre supérieur à se rendre dans le service plus fréquemment pour travailler plus étroitement avec la cadre de santé. Ceci est d’autant plus important qu’il semble qu’il y ait un conflit latent entre la cadre de santé et le cadre supérieur. Ces différentes réunions rajoutées ont permis de convenir d’une stratégie d’intervention collective entre l’intervenante, l’ergonome, la direction des soins et le cadre supérieur : restitution d’abord des résultats du questionnaire au cadre de santé puis au médecin de l’unité, avant de présenter à l’équipe de soins.

3.2.2. Étape diagnostic : diagnostic et recherche de solutions (temps 4, 5 et 6)

Restitution-cadre/médecin de l’unité (temps 4)

35L’intervenant a utilisé une stratégie en lien avec le contexte du service de soins. Dans un premier temps, l’intervenante a sollicité la direction des soins et l’ergonome afin de rencontrer ensemble la cadre de santé seule (sans le médecin de l’unité) pour lui présenter les résultats. Elle utilise les capacités des acteurs afin d’expliquer les scores en alerte du questionnaire au cadre de santé. Dans un second temps, une stratégie visant à évaluer les résultats de l’intervention en tentant de contextualiser les résultats et de dédramatiser les alertes du questionnaire est utilisée. L’intervenante utilise de plus une stratégie en lien avec le soutien auprès du cadre de santé. Elle exerce un rôle de réassurance auprès du cadre de santé afin de la maintenir mobilisée dans la démarche.

Cadre de santé : « y a des alertes de partout !

Intervenante : oui, mais vous savez ce n’est pas choquant, je vois ça très régulièrement, je ne suis pas du tout perturbée.

Cadre de santé : on s’y attendait en même temps.

Intervenante : oui, mais c’est un constat de base et ça va nous permettre de travailler (…). Alors je vais vous restituer au niveau global parce qu’il faut quand même voir que ce questionnaire vous l’avez passé alors que vous alliez avoir une ouverture d’aile en urgence et qu’en plus vous avez une partie du personnel de X (nom d’un service) qui s’est déployée chez vous. Vous avez eu un remaniement d’équipe, le docteur X (médecin de l’unité) nous a dit qu’il y a eu de nombreuses réorganisations donc il y a aussi un manque de stabilité et donc là on peut se dire que l’équipe est assez en souffrance. Globalement on est en alerte. Peut-être que ça a été une sonnette d’alarme pour dire que là ça ne va plus et c’est pour ça qu’on est là aussi.

Cadre de santé : parce que les soignants pensent que les décisions sont prises sans qu’ils soient concernés ».
(extrait réunion temps 4).

36La cadre de santé a exprimé les difficultés du quotidien, soutenue par la direction des soins présente, donnant des conseils sur la gestion des heures supplémentaires par exemple. L’intervenante et l’ergonome sont restées en observation lors de cette réunion laissant une place centrale à la direction des soins.

37Puis, l’intervenante a rencontré seule le médecin de l’unité afin de lui restituer les résultats du questionnaire. À ce titre, elle utilise une stratégie visant à s’adapter au contexte du service de soins et une stratégie visant à évaluer les résultats de l’intervention. En effet, elle questionne le médecin de l’unité sur son quotidien en lui posant des questions sur le fonctionnement du service de soins, ainsi elle lui montre l’intérêt qu’elle porte à ce service et peut expliquer les seuils en alerte du questionnaire. Les questions posées par l’intervenante amènent le médecin de l’unité à exposer plusieurs difficultés rencontrées par la cadre de santé. Il déplore le manque de bonnes conditions de travail (problème d’absentéisme, de matériels, charge de travail trop importante pour les soignants et la cadre de santé, etc.) pour effectuer un travail de qualité et sans danger pour les soignants. Il exprime un manque de soutien de l’administration face à l’ensemble des difficultés rencontrées par le service de soins. Le médecin de l’unité a conscience des difficultés rencontrées par la cadre de santé. De plus, il est très critique vis-à-vis du questionnaire et notamment du seuil utilisé afin de qualifier une dimension en alerte (alerte au 75e percentile). L’intervenante insiste sur le suivi proposé par la démarche et se positionne alors comme accompagnante. Elle utilise à ce titre une stratégie en lien avec la légitimité de la démarche.

Intervenante : « donc pour la suite on va faire des restitutions avec l’ergonome et la direction des soins avec les équipes pour échanger là-dessus, avoir des exemples, des données et voir ce qu’on peut essayer de faire remonter et trouver des solutions s’il y en a ensemble (…). L’outil est un moyen de donner l’alerte sur des dysfonctionnements et d’essayer de trouver des solutions (…) Après je ne vous promets pas qu’il y aura des moyens derrière je n’en sais rien, j’espère très fort ». (extrait réunion temps 4).

38L’intervenante essaie de transformer les représentations de cet acteur vis-à-vis du questionnaire en insistant sur les différents temps de débat proposés par la démarche.

39L’intervenante a ensuite organisé un COPIL (avec le cadre supérieur, le médecin-chef de pôle et le directeur administratif de pôle) permettant de faire un point sur les unités en cours et d’échanger sur les difficultés vécues par la cadre de santé.

Restitution à l’équipe soignante (temps 5)

40Deux restitutions en équipe ont été animées par l’intervenante en présence de l’ergonome afin de contacter un maximum de soignants. À ce titre, l’intervenante utilise une stratégie en lien avec le contexte du service de soins en ajoutant de nouveau un temps non prescrit à la démarche. Les soignants (environ six AS et quatre IDE) se sont exprimés sur les difficultés rencontrées (charge de travail, dysfonctionnements matériels, absentéisme, manque d’analyse de la pratique, etc.). Les soignants dépeignent une bonne entente entre les membres de l’équipe, le médecin et la cadre de santé. Ils évoquent également que la cadre de santé surchargée n’a pas de poids face aux dysfonctionnements.

41Lors de la réunion, l’ergonome a relancé à plusieurs reprises la parole des soignants en posant des questions précises sur leur activité et l’organisation du service. Lors de cette réunion, l’intervenante considère l’ergonome comme une personne ressource afin d’animer ces espaces de débats. En la sollicitant, sa stratégie est collective et relative au contexte.

Intervenante : « l’ergonome a un rôle important en termes de relances lors des restitutions, il part sur des choses que moi je n’ai pas vues, il donne des pistes et du coup légitime la démarche » ; « on réfléchit à ma stratégie d’intervention, il valide mes diapos. En fait, il me rassure beaucoup sans lui je suis seule » (extraits entretien d’auto-confrontation intervenante).

42L’intervenante se sert ainsi des connaissances de l’ergonome afin d’impliquer au mieux les acteurs de terrain en leur montrant qu’ils font collectifs et qu’ils ont l’habitude de travailler sur ce type de problématique.

43Plusieurs jours plus tard, l’intervenante a ajouté une nouvelle étape à la démarche initiale en rencontrant individuellement le cadre supérieur afin de faire un point sur l’ensemble des alertes du questionnaire. Elle utilise une stratégie relative au contexte du service de soins afin d’adapter la démarche. Elle cherche à l’impliquer davantage afin de recueillir un maximum de leviers pour trouver des solutions pour le service de soins.

Restitution-cadre/médecin de l’unité (temps 6)

44L’intervenante, la direction des soins et la cadre de santé (absence du médecin de l’unité) se sont réunies afin de faire un point sur les préconisations envisagées pour leur service. Ce temps a permis au cadre de santé et à la direction des soins d’échanger sur les difficultés quotidiennes rencontrées (réalisation de « bons travaux/réparations », problème de matériels, charge de travail, etc.). L’échange ci-dessous montre que l’intervenante utilise des stratégies relatives à l’évaluation de l’intervention : elle essaie d’ajuster l’intervention en fonction des résultats intermédiaires obtenus. Ainsi, elle met l’accent sur les points positifs du service de soins en utilisant les propos de l’équipe soignante. Enfin, elle dédramatise certains résultats obtenus du questionnaire et valorise la cadre de santé. Elle tente de réassurer la cadre de santé, en la coachant :

Intervenante : (…) « Par rapport à la dimension “soutien du cadre de santé” ce qui ressort c’est que l’entente est bonne et comme vous ils ne se sentent pas entendus par l’administration. Ils ont souligné qu’ils avaient conscience de votre charge de travail, car vous êtes seule à gérer 40 lits. Du coup, ils ne se sentent pas soutenus non pas par vous, car ils voient que vous êtes démunis, mais.

Cadre de santé : ça me fait du bien que vous me disiez ça !

Intervenante : ils ont conscience du travail que vous faites. Donc par rapport à ça j’ai vu avec votre cadre supérieur qui a dit qu’il avait conscience que 40 lits c’était énorme, il dit qu’une aide au cadre n’est pas envisageable au niveau des mensualités, mais propose d’évaluer votre charge de travail pour voir comment on pourrait répartir les tâches ». (extrait réunion temps 6).

45L’intervenante utilise des stratégies relatives au contexte du service en laissant la main à la direction des soins lors de cette réunion. En sollicitant la direction des soins, l’intervenante utilise ses capacités afin de trouver des solutions pérennes répondant aux besoins de la cadre de santé. Enfin, cette intervention conjointe montre qu’une dynamique collective autour de la démarche est en train de se mettre en place, levier d’une autonomisation future.

46Cette restitution est aussi l’occasion d’introduire un débat sur la charge de travail qui incombe au service de soins. À ce titre, la cadre de santé a accepté que l’intervenante et l’ergonome viennent faire des observations de type ergonomique dans le service de soins, étape ajoutée par rapport à la démarche initiale.

3.2.3. Étape programmation et planification des préconisations : restitution collective (temps 7)

47Lors de cette réunion, l’intervenante commence par détailler chacune des dimensions en alerte du questionnaire aux acteurs présents (cadre de santé, médecin de l’unité, cadre supérieur, ergonome et soignants (cinq AS et deux IDE). Elle commence stratégiquement par restituer les points positifs recensés dans le service de soins. L’intervenante utilise ainsi une stratégie relative à l’évaluation des résultats de l’intervention.

Intervenante : « je voulais valoriser le service et les soignants. Je pense que le service est source de fantasmes et l’image de l’extérieur est négative donc il faut qu’ils (la direction) entendent qu’il y a plein de choses chouettes qui se passent dans le service » (extrait entretien d’auto-confrontation).

48Durant la réunion, les acteurs en présence ont échangé sur le travail réel et ont fait des liens entre les difficultés rencontrées au quotidien et le contexte institutionnel. La cadre de santé a exprimé publiquement aux soignants les difficultés rencontrées dans son activité individuelle. Le cadre supérieur en a profité pour se repositionner vis-à-vis de l’équipe : le médecin de l’unité lui ayant reproché d’être « administratif ». Les suites du déploiement de la démarche ont ensuite été discutées. Il a été convenu que l’intervenante et l’ergonome viennent évaluer la charge de travail du cadre de santé et des soignants dans les prochains mois. À ce titre, l’intervenante mentionne avoir acté des préconisations floues, sur le compte-rendu final, afin d’avoir plus de marges de manœuvre dans la suite de la démarche. Durant cette phase, l’intervenante sort du cadre prescriptif de la démarche afin de s’adapter au mieux aux besoins des acteurs de terrain.

3.2.4. Étape conclusion : suivi et bilan de l’intervention (temps 8) à 6 mois

49Durant cette dernière étape, l’intervenante a ajouté plusieurs temps non prescrits par la démarche initiale. Elle utilise des stratégies relatives au contexte du service de soins.

50Dans un premier temps, l’intervenante et l’ergonome ont réalisé des observations de type ergonomiques (trois jours chacun au sein du service de soins) afin d’étudier la charge de travail des soignants et recenser le matériel à disposition. Une première réunion (réunissant la cadre de santé, le médecin de l’unité, l’ergonome et l’intervenante) a permis aux acteurs d’échanger sur les conclusions de ces observations. En parallèle, un groupe de travail de soignants a réalisé des diagrammes d’Ishikawa sur les interruptions de tâches (sans la présence de l’intervenante ou de l’ergonome).

51Dans un second temps, une réunion plus institutionnelle (réunissant la cadre de santé, le médecin de l’unité, l’ergonome, le cadre supérieur et la direction des soins) a permis de faire une nouvelle fois le point sur les dysfonctionnements et de mieux répartir la charge de travail afin d’y remédier. Ces échanges ont développé la relation entre le cadre supérieur et la cadre de santé.

52En parallèle, l’intervenante est allée observer la charge de travail du cadre de santé (deux demi-journées). Un document, objectivant la charge de travail du cadre de santé, réalisé par l’intervenante sur la base « des fiches métier » et « des fiches de poste » existantes et validées par le cadre supérieur et la cadre de santé, a ensuite été présenté lors d’une réunion institutionnelle (réunissant la cadre de santé, le cadre supérieur, la direction des soins et l’intervenante). La cadre de santé, valorisée par ces échanges, a été orientée par la direction des soins vers des personnes ressources tels que le service informatique, le cadre supérieur, le service logistique… Elle a réussi progressivement à se servir des différents outils identifiés par la direction des soins et le cadre supérieur afin d’alléger sa charge de travail au quotidien. La cadre de santé semble avoir développé son pouvoir d’agir.

53Une discussion (initiée par le cadre supérieur) a pu avoir lieu sur la nécessité d’acquérir un poste d’aide au cadre. Plusieurs réunions (en l’absence de l’intervenante) se sont ensuite succédé entre la cadre de santé et le cadre supérieur afin de rédiger un profil d’assistant au cadre de santé.

54En conclusion, trois types de stratégies ont été déployés par l’intervenante au cours de la démarche : (1) légitimité de la démarche déployée, (2) s’adapter au contexte de l’établissement de soins et (3) visant à évaluer les effets/résultats de l’intervention menée. La finalité affichée par la démarche ORSOSA déployée par l’intervenante était d’évaluer et de prévenir l’impact des Contraintes Psychologiques et Organisationnelles (CPO) et des contraintes biomécaniques du travail sur la santé des personnels soignants dans le service de soins (TMS). Au cours du déploiement de la démarche, l’intervenante a identifié d’autres objectifs, sous-jacents, tels qu’aider la cadre de santé en souffrance à se repositionner et être entendue par l’institution ou encore développer le travail collectif entre le cadre de santé et le cadre supérieur. Le travail effectué par l’intervenante a permis progressivement aux acteurs de terrain et institutionnels de travailler ensemble autour d’un objet commun. Lorsque les acteurs verbalisent autour de leur activité, l’intervenante utilise alors des stratégies relatives aux résultats de l’intervention menée : elle s’adapte aux besoins terrains. Les différentes stratégies utilisées par l’intervenante sont catégorisées dans la partie suivante en fonction de leurs objectifs et des modes opératoires associés.

3.3. Synthèse des stratégies et leurs caractéristiques utilisées par l’intervenante

  • 7 Nous tenons à préciser que cette catégorisation a été faite pour l’ensemble des services de soins (...)

55Les tableaux ci-dessous (cf. Tableaux 1, 2 et 3) synthétisent pour chaque temps de la démarche ORSOSA les stratégies utilisées par l’intervenante, les objectifs associés ainsi que les modes opératoires7. Chacune des stratégies utilisées répond à des objectifs sous-jacents. La dernière colonne explicite la manière dont l’intervenante s’y est prise. Le tableau ci-dessous (Tableau 1) permet de décrire le contenu de la stratégie « légitimer la démarche prescrite ».

Tableau 1 : Synthèse de la stratégie « légitimer la démarche prescrite ». 
Table 1: Summary of the “legitimize the relevance of the approach” strategy

Tableau 1 : Synthèse de la stratégie « légitimer la démarche prescrite ».  Table 1: Summary of the “legitimize the relevance of the approach” strategy

56Le tableau ci-dessous (Tableau 2) permet de décrire le contenu de la stratégie « s’adapter au contexte du service de soins ».

Tableau 2 : Synthèse de la stratégie « s’adapter au contexte du service de soins ». 
Table 2: Summary of the “adapt to the care service context” strategy

Tableau 2 : Synthèse de la stratégie « s’adapter au contexte du service de soins ».  Table 2: Summary of the “adapt to the care service context” strategy

57Le tableau ci-dessous (Tableau 3) permet de décrire le contenu de la stratégie « évaluer les résultats de l’intervention ».

Tableau 3 : Synthèse de la stratégie « évaluer les résultats de l’intervention ». 
Table 3: Summary of the “evaluate the results of the intervention” strategy

Tableau 3 : Synthèse de la stratégie « évaluer les résultats de l’intervention ».  Table 3: Summary of the “evaluate the results of the intervention” strategy

4. Discussion sur les stratégies d’intervention utilisées par une intervenante lors d’une intervention en prévention des risques professionnels

58L’enjeu de cet article est de contribuer aux recherches menées sur l’intervention et plus précisément sur les leviers afin de rendre efficaces les démarches de prévention en entreprise. La plus-value de l’article est de décrire qualitativement les stratégies d’intervention utilisées (objectifs et modes opératoires) par l’intervenante au regard du contexte organisationnel afin d’aider des acteurs internes et institutionnels à travailler collectivement autour d’un projet commun. En effet, ces stratégies correspondent aux régulations mises en œuvre par l’intervenante dans son activité de déploiement de la démarche. Ces régulations vont dépendre des marges de manœuvre qu’elle a à sa disposition ou qu’elle se crée. L’activité de l’intervenante est dépendante du bon vouloir des acteurs institutionnels, de terrain. Son activité va dépendre de la manière dont la démarche est acceptée, priorisée par les acteurs de l’établissement.

Entre stratégies utilisées par l’intervenante et travail collectif des acteurs en présence

59La mise en œuvre d’une intervention nécessite, afin d’être efficace, la mobilisation des acteurs durant le déploiement de cette dernière (Barcellini, 2015). La démarche ORSOSA n’est pas forcément l’outil « idéal » pour faire de la prévention durable des risques professionnels. L’intervenante modifie régulièrement les étapes de la démarche pour s’adapter au contexte et aux acteurs. Lorsque le contexte organisationnel est délétère (tensions importantes, restructurations successives…) c’est la façon dont la démarche de prévention est déployée qui a un effet de transformation sur le milieu de travail et les acteurs internes.

60L’étude des stratégies utilisées par un intervenant au cours de l’intervention apparait particulièrement pertinente. Dans notre recherche, nous en avons identifié trois, utilisées par l’intervenante : les stratégies visant à légitimer la pertinence de la démarche, celles en lien avec l’adaptation au contexte de l’établissement et enfin celles relatives à l’évaluation de l’intervention. Ces stratégies mises en œuvre ont permis d’initier du travail collectif entre les acteurs de l’entreprise. Ces stratégies ne sont pas figées, elles se recomposent au fil de l’intervention à la forme de travail collectif des acteurs. L’objectif de l’intervenante est de créer des espaces de débat permettant de pouvoir penser, débattre et agir individuellement, mais surtout collectivement (Daniellou, 1998). Les résultats obtenus montrent que progressivement, l’intervenante s’éloigne de la prescription dans la manière de déployer la démarche, elle « triche » avec son prescrit. En effet, elle ajoute différents temps informels, convie des nouveaux acteurs, essaie de déléguer plusieurs tâches à des acteurs relais ou encore intervient avec l’ergonome de l’établissement. En s’éloignant progressivement de la prescription de l’implantation de la démarche, l’intervenante crée un environnement capacitant (qui aide le développement des capacités des acteurs) permettant aux acteurs de se mobiliser. La transformation de la démarche devient un instrument (Rabardel, 1995) pour agir sur la prévention.

61Il apparait que le travail collectif pluridisciplinaire entre l’intervenante et l’ergonome participe à l’efficacité du déroulement de la démarche. Sans cette alliée, l’intervenante aurait eu des difficultés à positionner la démarche dans les services, comprendre les éléments du contexte ou même contribuer au développement du réseau des acteurs pertinents. Sur le terrain, ce binôme a eu des rôles différents : l’intervenante déployait la démarche (organisation, animation des réunions, analyse des résultats des questionnaires et entretiens, rédaction de compte rendu), se positionnait en tant qu’initiatrice et animatrice des débats tandis que l’ergonome était plus en retrait, exerçant un rôle de facilitateur (notamment en apportant des connaissances terrain d’autres services de soins) et parfois même de catalyseur pour l’intervenante lorsque l’animation d’une réunion était difficile.

62Bien que ces professionnels partagent un bagage théorique et méthodologique cette collaboration ne va pas de soi et nécessite des temps de réflexion, de préparation en commun afin de planifier l’intervention. Le fait que l’intervenante adapte la prescription de la démarche aux problématiques de terrain permet d’avoir un référentiel commun avec l’ergonome. C’est-à-dire que la démarche n’est plus une norme externe imposée par un expert, mais une co-construction, adaptée aux besoins du terrain.

Entre travail collectif des acteurs et effets durables dans les organisations

63L’intervenante utilise la démarche comme un prétexte pour réunir des acteurs de logiques professionnelles différentes autour d’une problématique identifiée leur permettant d’en débattre et de trouver collectivement des solutions. Ceci n’est possible qu’à condition que les acteurs aient accepté la mise en œuvre de la démarche de l’institution. C’est donc en permettant aux acteurs (aux différentes logiques professionnelles) de débattre (Caroly, 2010), d’avoir un diagnostic partagé, au sein d’un cadre sécurisé, que des solutions face aux difficultés rencontrées vont émerger : recherche de solutions par les acteurs eux-mêmes à partir de méthodologies visant à discuter sur le travail réel. Ceci est possible grâce à la mise à disposition des acteurs d’espaces de discussion, d’objets intermédiaires permettant de soutenir le travail collectif (Barcellini, 2015). C’est ainsi que des effets pérennes de la démarche apparaissent. Les réseaux d’acteurs se transforment (Coutarel & Petit, 2009) permettant à chacun d’identifier des ressources dans leur activité. La reconfiguration de ces réseaux sociaux rend alors l’organisation capable d’apprécier au cas par cas les besoins spécifiques d’une transformation, les ressources nécessaires associées et de faire face à la singularité des transformations qu’elle doit gérer (Barcellini, 2015). Des acteurs mobilisés au cours du déploiement d’une démarche préventive sont des acteurs autonomes qui pourront alors faire perdurer les effets des interventions en l’absence de l’intervenante.

Limites et perspectives de recherche

64Plusieurs limites inhérentes à la recherche menée sont identifiées :

  • En lien avec la méthodologie mise en œuvre : 1) parce qu’une seule intervenante a été suivie durant le déploiement de la démarche ORSOSA et 2) parce que le chercheur était présent tout au long du déploiement de la démarche. Sa présence a pu modifier la manière d’agir de l’intervenante et des acteurs en présence.

  • En lien avec la démarche mise en œuvre : 1) via la formulation de plusieurs questions du questionnaire à l’égard du cadre de santé, 2) du fait que la démarche ne concerne que les aides-soignants et les infirmiers et pas les médecins, les ASH et autres professionnels et enfin 3) relatif au fait que la démarche prescrite d’ORSOSA ne comprend pas d’observations terrain ou d’entretiens individuels avec les acteurs. Seules les restitutions des résultats du questionnaire sont prévues afin de réaliser un diagnostic des CPO et TMS du milieu de travail suivi. L’intervenante a modifié les étapes de la démarche en ajoutant des temps non prescrits, 4) la démarche se déploie dans des services de soins sans demande de leur part.

Conclusion et perspectives

65Cet article a pour ambition de proposer un regard innovant autour des démarches d’interventions en se focalisant qualitativement sur les stratégies utilisées par une intervenante. En effet, peu d’articles décrivent une intervention en mettant en parallèle les ajustements, les écarts avec la prescription et les stratégies d’intervention de l’intervenant en temps réel au cours des étapes de l’intervention. Cette analyse microscopique des stratégies utilisées par l’intervenante rend compte des modes opératoires et des objectifs recherchés. L’enjeu nous parait central pour mieux comprendre la manière dont se déroulent nos interventions afin de permettre :

  • de rendre les interventions plus efficientes par la suite,

  • d’aider les jeunes professionnels à avoir des points de repères lors des interventions menées,

  • de valoriser les pratiques des intervenants, en identifiant « les trucs et astuces »,

  • d’avoir un support pour la mise en débat collective des pratiques d’intervention en santé au travail,

  • de préciser davantage ce que peut être une démarche de prévention primaire en santé au travail afin de mieux la spécifier par rapport aux démarches de prévention en santé publique.

66Ce travail ouvre plusieurs perspectives de recherche. Nous pourrions par exemple observer d’autres déploiements de démarches préventives qu’ORSOSA, d’autres intervenants en activité (avec différents profils) et créer une grille d’observation systématique des stratégies d’intervention. Il serait également intéressant de comparer les stratégies utilisées par un intervenant en santé au travail lorsqu’il s’inscrit dans une démarche de prévention ou lorsqu’il s’inscrit dans une démarche plutôt centrée sur la performance (comme l’accompagnement de démarche Lean Manufacturing (Didier, 2019). Les mêmes stratégies semblent être mobilisées quel que soit le type de démarche, ce qui permet de faire émerger des règles de métier sur les stratégies d’intervention pour s’adapter au contexte et aux acteurs, tout en évaluant au fur et à mesure les effets de l’intervention.

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Notes

1 Nous nous intéressons ici uniquement aux interventions de type participative. Les facteurs intéressés par une analyse plus macroscopique pourront se référer à la thèse de Landry (2008).

2 Une intervention en organisation est réalisée dans un contexte donné, à un moment donné, en vue de transformer les situations de travail pour les améliorer. Elle vise ainsi l’action, la transformation des situations de travail en cherchant à avoir des effets sur les acteurs de l’établissement mais aussi le milieu de travail (Saint Vincent, Vézina, Bellemare, Denis, Ledoux, & Imbeau, 2011).

3 Nous avons choisi ce type de service car plusieurs spécialistes s’accordent à dire que c’est au sein de ces derniers que les conditions de travail sont les plus difficiles. En effet, la dépendance des patients hospitalisés dans ces services est forte, et les contraintes physiques sont importantes (Estryn Behar, 2004).

4 Il est à noter que nous avons choisi un service de soins au sein de chaque établissement audité. En revanche, l’intervenant a déployé la démarche dans d’autres services de soins d’un même établissement.

5 Les acteurs observés dans le cadre du déploiement de la démarche ont plusieurs objectifs : pour l’’intervenante déployer la démarche dans les services de soins sélectionnés ; pour l’ergonome contribuer au déploiement de la démarche dans le but de veiller à la préservation de la santé des soignants, les maintenir en emploi dans des conditions de travail satisfaisantes ; pour le cadre de santé organiser l’activité paramédicale, animer l’équipe de soins et coordonner les moyens d’un service de soins, médico-technique ou de rééducation, en veillant à l’efficacité et la qualité des prestations données par les soignants ; et enfin pour le médecin de l’unité gérer l’organisation générale de son service de soins. Il veille à définir et appliquer un projet médical.

6 Il est à noter qu’en parallèle à ces différents temps, l’intervenante a rencontré d’autres acteurs institutionnels tels que le directeur des affaires financières ou le responsable logistique de l’hôpital afin de créer le plus de passerelles possibles entre les acteurs et les services de l’établissement.

7 Nous tenons à préciser que cette catégorisation a été faite pour l’ensemble des services de soins que nous avons observé, pas seulement pour l’intervention décrite dans cet article.

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Table des illustrations

Titre Figure 1 : Schématisation du déroulement de la démarche, lien entre temps, stratégies et résultats.  Figure 1: Overview of the process, relationship between time, strategy and results
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Titre Tableau 1 : Synthèse de la stratégie « légitimer la démarche prescrite ».  Table 1: Summary of the “legitimize the relevance of the approach” strategy
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Titre Tableau 2 : Synthèse de la stratégie « s’adapter au contexte du service de soins ».  Table 2: Summary of the “adapt to the care service context” strategy
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Titre Tableau 3 : Synthèse de la stratégie « évaluer les résultats de l’intervention ».  Table 3: Summary of the “evaluate the results of the intervention” strategy
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Pour citer cet article

Référence électronique

Elsa Laneyrie, Sandrine Caroly et Aurélie Landry, « Les stratégies d’intervention utilisées par une intervenante dans le cadre d’une démarche préventive des troubles musculosquelettiques et contraintes psychologiques et organisationnelles en milieu hospitalier »Activités [En ligne], 18-1 | 2021, mis en ligne le 15 avril 2021, consulté le 24 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/activites/6036 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/activites.6036

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Auteurs

Elsa Laneyrie

Université Lumière Lyon 2, GREPS, Lyon, France
Institut de Psychologie, Université Lyon 2, 5 avenue P. Mendès-France, 69 676 Bron
elsa.Laneyrie@univ-lyon2.fr

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Sandrine Caroly

Université de Grenoble Alpes, PACTE, Grenoble, France
sandrine.caroly@univ-grenoble-alpes.fr

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Aurélie Landry

Université de Grenoble Alpes, LIP/PCS2, Grenoble, France
aurelie.landry@univ-grenobles-alpes.fr

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