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Texte intégral

1Le développement de la pandémie du covid-19 dans le monde nous confronte tous, dans nos vies personnelle, professionnelle et sociale, à une situation totalement nouvelle, parfois dramatique. Cette crise sanitaire, avec les chamboulements qu’elle entraine sur notre quotidien et dans le travail, avec les bouleversements qu’elle engendre sur nos activités sociales et économiques sera à n’en pas douter un marqueur fort de notre époque : il y aura un avant et un après. Pour l’instant, dans ce contexte si incertain si préoccupant et si restrictif, nous publions ce numéro V17-1 qui rend compte de travaux d’avant la crise. Le lecteur pourra donc lire trois textes issus de la journée d’étude organisée en mai 2018 sur le thème « IA, robotique, automatisation : quelles évolutions pour l’activité humaine ? » et, en varia, deux autres textes. Il pourra également prendre connaissance de trois recensions, d’un résumé de HDR (Habilitation à Diriger des Recherches) et de trois résumés de thèses. Enfin, la revue Activités poursuit, avec le soutien de la SELF, le travail d’organisation du congrès de la SELF (voir le flyer).

2Le premier article « Évolutions de l’Intelligence Artificielle : quels enjeux pour l’activité humaine et la relation Humain-Machine au travail ? » est issu de la dernière journée d’étude. Il explore les enjeux soulevés par les récentes avancées réalisées en IA au regard de l’activité humaine et la relation humain-machine au travail. Un premier enjeu examiné par l’auteur, Moustafa Zouinar, concerne les incidences du déploiement des systèmes d’IA sur l’emploi, en particulier l’automatisation des tâches et, par voie de conséquence, la substitution de ces systèmes à l’Humain. Il est rappelé que cet enjeu n’est pas nouveau : une bonne partie des discours actuels sur l’IA et le travail reposent implicitement sur le « mythe » de la substitution ; une vision alternative consiste à envisager la place de l’IA dans le travail en termes de « coopération », de « collaboration » ou encore de « symbiose ». Une deuxième question renvoie à « l’explicabilité » du fonctionnement de ces systèmes, du fait de l’essor de l’apprentissage machine, en particulier l’apprentissage profond qui repose sur des réseaux de neurones artificiels. Les systèmes basés sur ce type d’apprentissage sont considérés comme « opaques », c’est-à-dire des « boîtes noires » dont il est difficile, voire impossible, de comprendre la manière dont ils produisent un résultat donné. Si le problème de l’opacité des systèmes d’IA n’est là encore pas nouveau, il s’avère particulièrement ardu dans le cas des systèmes basés sur des techniques d’apprentissage (en particulier profond). L’auteur examine la façon dont l’explicabilité est traitée dans ce domaine et discute des incidences de cette opacité en contexte de travail.

3Le deuxième article a pour titre « Le véhicule autonome : se désengager et se réengager dans la conduite ». Partant de l’hypothèse que les utilisateurs de ce type de véhicules seront amenés à reprendre régulièrement le contrôle de la conduite, Jean-Baptiste Haué, Sophie Le Bellu et Cécile Barbier analysent la manière dont pourra s’effectuer cette reprise en toute sécurité. Pour cela, ils mobilisent la notion d’engagement développée dans le cadre du programme de recherche « cours d’Action ». Plus précisément, ils analysent les processus de désengagement et de réengagement perceptivo-moteurs et cognitifs du conducteur lors de la conduite d’un véhicule autonome de niveau 4 (automatisation complète des processus opérationnels de conduite et capacité du véhicule à récupérer ses propres erreurs) en situation de conduite simulée. L’étude montre comment le réengagement dans la conduite se construit de manière dynamique. Plus précisément, les auteurs examinent la façon dont les conducteurs élaborent leur « conscience de la situation » (“situation awareness“) et élaborent une typologie des processus de réengagement. Ils proposent ensuite un modèle de conception pour la gestion de la conduite d’un véhicule autonome.

4Le dernier article issu de cette journée d’étude est écrit par Flore Barcellini « Quelles conceptions de la coopération humains-robots collaboratifs ? Une expérience de participation au projet de conception d’un démonstrateur de robotique collaborative ». L’auteure propose un retour d’expérience sur un projet collaboratif pluridisciplinaire impliquant des roboticiens et visant à concevoir un démonstrateur de robot industriel « collaboratif » (cobot). Ce type de robot constitue l’une des technologies emblématiques de « l’industrie du futur ». Tout d’abord, elle montre que ce projet est porteur d’une vision essentiellement « technicienne » des problématiques du travail ; le robot collaboratif est ainsi vu comme solution au problème de Troubles-Musculo-Squelettiques (TMS) liés au travail. Elle interroge ensuite le caractère « collaboratif » des cobots, notamment la vision qui consiste à envisager ces robots comme de véritables assistants capables de fonctionner de façon « coopérative » avec l’Humain. Ce retour d’expérience souligne que les capacités des robots actuels sont en deçà de celles qui seraient nécessaires pour les qualifier de systèmes véritablement coopératifs, par exemple, celles qui concernent la coordination située (non planifiée) des actions ou l’élaboration d’une « conscience partagée » de la situation. Si la mobilisation de modèles de coopération humaine est une condition nécessaire pour la conception de systèmes coopératifs, selon l’auteure, elle n’est pas suffisante. Ainsi, en conclusion, elle propose d’élargir la focale d’analyse et d’action de l’ergonomie aux questions techniques, organisationnelles et sociales posées par l’introduction de ces robots dans l’industrie du futur.

5Deux autres textes sont par ailleurs publiés en varia dans ce numéro. Le texte de Laëtitia Flamard, Adélaïde Nascimento, Pierre Falzon et Ghislaine Tirilly « Planifier les affectations spatio-temporelles d’autrui : l’articulation d’enjeux économiques et sociaux par des ordonnanceurs » porte sur l’activité de construction des plannings des ordonnanceurs dans le secteur ferroviaire. La recherche, à partir des observations faites auprès des ordonnanceurs, distingue les différentes stratégies nécessaires à l’articulation entre les enjeux économiques de l’entreprise (production et réduction des coûts liés au personnel) et les enjeux de préservation des conditions de réalisation de l’activité des agents commerciaux. Cette activité s’avère ainsi une activité de coordination et de négociation dans un contexte de perturbations en temps réel (par exemple, absence pour maladie). De plus, l’analyse pointe les limites, dans l’organisation du travail, de l’approche par indicateurs de gestion qui invisibilise le travail des ordonnanceurs. En conclusion, les auteurs mentionnent le rôle du travail des ordonnanceurs sur la prévention primaire des troubles de santé et indique qu’une compréhension fine de ce travail permet de passer d’une vision figée de la gestion des ressources humaines à une approche dynamique et à plus long terme.

6Le dernier article de ce numéro est celui de Marianne Zogmal qui s’intitule : « Apprendre dans des interactions avec de multiples participants : la formation pratique des éducatrices et éducateurs de l’enfance ». L’auteure aborde la question de la formation des éducateurs dans un contexte collectif regroupant des enfants et différents professionnels. La formation, en situation, est alors pour la stagiaire, le résultat d’une imbrication entre un travail éducatif orienté vers les enfants et son propre processus formatif. Cet article vise à contribuer, par une analyse fine des interactions, à enrichir la compréhension de ces situations d’apprentissage qui s’inscrivent dans un collectif de communauté de pratique. L’auteure s’appuie sur une description des pratiques réelles où, dans l’interaction de la stagiaire avec les autres acteurs, va s’intéresser aux phénomènes d’adressage, de focalisation, mais aussi aux dimensions de « figuration » permettant de maintenir une image positive de soi. L’analyse met en avant les différentes configurations d’interaction. Ainsi, la stagiaire doit savoir gérer son interaction avec les enfants, se coordonner avec sa référente et continuer à s’ajuster lors de l’intervention d’une éducatrice expérimentée. En conclusion, l’auteure argumente sur l’utilité de l’analyse interactionnelle fine pour aborder la formation en situation de travail, pour dépasser une vue individuelle de la formation et resituer l’activité éducative dans ses dimensions collectives.

7En complément de ces articles, nous présentons trois recensions d’ouvrage. Cédric Dalmasso présente l’ouvrage « Organiser l’autonomie au travail » de Pascal Ughetto (2018 ; FYP Éditions). Yves Lichtenberger réalise la recension de l’ouvrage de Thierry Berthet & Caroline Vanuls (2019 ; Éditions Octarès) « Vers une flexicurité à la française ? ». La dernière recension relative à l’ouvrage coordonné par Dominique Chouanière (2019 ; Éditions Octarès) « Précis d’évaluation des interventions en santé au travail. Pour une approche interdisciplinaire appliquée aux RPS et TMS » est proposée par Serge Volkoff.

8Nous proposons, en conclusion de ce volume de la revue Activités, quatre résumés. Bruno Cuvillier avec « L’évolution d’un concept fondateur en psychologie du travail : l’activité dans tous ses états » nous propose un résumé de son HDR. Son objectif principal : comprendre comment la psychologie du travail, depuis le début du XXème siècle, a tenté de se saisir de l’activité de l’homme au travail. Pauline Crouzat, dans sa thèse de doctorat en psychologie « Collectifs de travail en ingénierie aéronautique. Comment soutenir et développer l’activité collective en contexte de transformation organisationnelle et digitale ? », s’interroge sur la possibilité de développer et favoriser une activité collective efficiente et signifiante. Rossitza Kaltchéva, dont la thèse en psychologie s’intitule « De l’isolement professionnel à la restauration de la fonction psychologique du collectif : la santé au travail, entre soliloque et pensée dialogique. Le cas de l’intervention à l’ingénierie Renault », traite de la fonction psychologique du collectif comme élément de la santé au travail. La thèse en psychologie et ergonomie de Camille Sagnier « Étude de l’acceptabilité de la réalité virtuelle dans l’industrie aéronautique » porte quant à elle sur la question de l’acceptation ou du rejet de la réalité virtuelle dans les industries 4.0.

9Nous vous souhaitons une bonne lecture, mais, surtout, prenez soin de vous et des autres en ces temps de pandémie et de confinement.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Yvon Haradji, Moustafa Zouinar, Catherine Delgoulet et Alexandre Morais, « Éditorial »Activités [En ligne], 17-1 | 2020, mis en ligne le 15 avril 2020, consulté le 13 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/activites/5244 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/activites.5244

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Auteurs

Yvon Haradji

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