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Comment concevoir des référentiels de diplômes professionnels sans renoncer au travail réel ?

How to design standard frame of reference of vocational diploma without giving up the real work?
Stéphane Balas

Résumés

L’objet de ce texte est de montrer que la conception des référentiels pour les diplômes, telle qu’elle est conduite aujourd’hui, en prenant peu en compte le travail réel, met ses acteurs dans des situations complexes. Les contradictions vécues laissent des traces dans les documents produits. Nous avons tenté de saisir ces traces à partir d’exemples de référentiels de diplômes. Une proposition alternative permet de produire un résultat utile à la réflexion mais aussi d’envisager une activité de conception plus cohérente.

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Notes de la rédaction

Article soumis le 24 novembre 2015, accepté le 3 mars 2016

Texte intégral

Introduction

1Disons-le d’emblée : l’activité de travail, c’est-à-dire la part que l’homme apporte de lui, face à la prescription (Leplat, 2002), ne peut s’extraire comme une substance et être formalisée, comme telle, dans un référentiel. Même si certains discours managériaux peuvent alimenter cette illusion, aucun spécialiste de l’analyse de l’activité en vue de la formation (Champy-Remoussenard, 2005) n’adhère à ce rapport linéaire entre une activité et sa formalisation descriptive.

2L’activité de travail est complexe, dynamique, labile et toute tentative de formalisation dans un document textuel, par exemple au moment de la rédaction d’un référentiel, entraîne aussi en partie sa dénaturation. « L’activité » décrite dans un référentiel de diplôme professionnel n’est pas pleinement une activité mais plus souvent une tâche (plus ou moins précisément explicitée) (Maillard, 2001) ou encore une trace du comportement moyen observé (ce qui correspondrait à une « action-type ») ou des éléments de contexte relevant plutôt de l’organisation du travail (par exemple les fonctions).

  • 1 Sur la complexité de la prescription, dimension « impersonnelle » du métier, voir la thèse de Bri (...)

3Dans tous les cas, le référentiel se fait porteur de « ce qui est à faire » plutôt que de « ce qui se fait » ; il traduit plutôt ce qui relève de la prescription, et encore en partie seulement1, sans jamais parvenir à s’approcher du réel.

4Cependant, cette distance entre le travail réel et un outil prescriptif, si elle apparaît naturelle au premier abord puisque par définition la prescription n’est pas l’activité réalisée, pose problème. Soigner sa prescription, c’est au contraire la faire reposer sur une connaissance précise du réel et instaurer un rapport itératif entre les différentes instances du métier (Clot, 2008a), en particulier les instances impersonnelles (la prescription) et transpersonnelles (le genre du métier). Sans ce rapport, sans cette volonté systématique de prise en compte du réel, la prescription, et ici les outils de cette prescription, risque fort d’être dénuée de sens, floue et perçue comme artificielle, c’est-à-dire pour les usagers comme des instruments de contrôle et non d’orientation de l’action. C’est par exemple le constat fait par les formateurs portugais face au référentiel de compétence clé pour la mise en œuvre d’une validation des acquis (Fernandes & Santos, 2014) qui les obligent à se confronter, seuls, aux contradictions de ce processus certificatif.

  • 2 Par exemple dans le champ de la santé ou de la scolarité

5Partant de ce constat, nous allons, dans ce texte, observer ce phénomène social actuel d’inflation de référentiels dans le champ de la formation professionnelle, mais aussi dans l’entreprise et au-delà2 et nous interroger plus particulièrement sur l’activité de conception de ces référentiels. En effet, si quelques travaux s’intéressent aux usages de ces référentiels dans l’entreprise (Ughetto, 2014), en formation (Boccara, Vidal-Gomel, Rogalski, & Delhomme, 2014 ; Huchette, 2014) ou encore pour la certification (Maillard, 2007), peu se concentrent sur les processus de fabrication des référentiels de diplômes professionnels, entre travail et formation, à l’exception notable de quelques travaux sur la validation des acquis de l’expérience (Mayen & Métral, 2008 ; Prot, 2003) et les importants écrits de Figari (1994) sur la fonction évaluative de ces référentiels.

6Après être revenu, dans un premier temps, sur ce processus de conception de référentiels analysé comme une activité (Olry & Vidal-Gomel, 2011), nous chercherons à montrer que le travail est l’objet d’une triple euphémisation lors de la tentative de produire un référentiel descriptif de diplôme : euphémisation liée à une analyse au mieux partielle de ce travail, euphémisation en rapport au dialogue social qui se noue autour de la production de ce référentiel et brouille les frontières entre travail et emploi (Jobert, 2013) ou encore euphémisation due à l’intégration du diplôme produit dans un système éducatif préexistant, impliquant des contraintes formelles fortes. Dès lors, le produit final est souvent très éloigné du travail réel.

7Précisons que l’observation de cette triple euphémisation est un constat, non un jugement car comme dans tout système sociotechnique (Akrich, 1991) complexe, il faut mesurer chaque fait à l’aune de ses répercussions sur les autres éléments du système. Par exemple, l’existence de contraintes liées au dialogue social permet, par ailleurs, de garantir la légitimité du référentiel produit dans le secteur visé car ce référentiel constitue alors un support de « régulation sociale normative » (Chauvigné, 2010).

8Dans un deuxième temps, nous présenterons le cadre conceptuel que nous mobilisons pour analyser ces processus. Inscrit dans une approche clinique du travail, nous considérons qu’il est nécessaire d’analyser cette conception avec un regard systémique, développemental et instrumenté (Albero & Brassac, 2013), c’est-à-dire, comme nous le verrons, observer un phénomène en le considérant comme un système comprenant divers éléments en interaction mais aussi chercher, dans une tradition vygotskienne, à identifier les ressorts de développement passés ou futurs de ce système. Enfin, nous portons une attention particulière aux instruments mobilisés par les acteurs dans ce système car ils nous semblent particulièrement révélateurs de leur activité.

9En particulier, nous attacherons une grande place aux « produits » de ces activités de conception, à partir d’une analyse de référentiels. La méthode mobilisée est donc une approche documentaire, mais en considérant les constats issus du travail documentaire comme les traces laissées par les conflits d’activités vécus (Leplat & Cuny, 1974) par les concepteurs lors de la conduite des référentialisations (Figari, 1994, op. cit.) entre « référés et référents ». Ainsi, notre méthode est indirecte (Vygotski, 1925/2005) : nous nous concentrons sur les documents produits, non pour eux-mêmes comme dans une analyse méthodologique, mais pour approcher l’activité des concepteurs.

10Nous poursuivrons ce travail par un exposé de quelques-uns de ces constats, à partir de l’analyse de quelques référentiels, propres à éclairer notre remarque initiale sur l’écart entre référentiel et réel de l’activité (Clot, 2004) à partir de l’activité des concepteurs de diplômes professionnels. Ces constats seront finalement discutés, pointant en particulier les limites de cette démonstration et indiquant des perspectives à ce travail. Nous conclurons enfin cet article en rappelant l’importance de penser « travail » quand on souhaite produire des référentiels.

1. Problématique

11Si l’on constate aujourd’hui une multiplication des référentiels qui tentent de répondre à des enjeux de rationalisation et de développement de l’efficience de l’action humaine face à des processus sociaux de plus en plus complexes (organisation du travail, dispositif de formation, progression pédagogique scolaire), on peut observer plusieurs types de réaction.

12Dans certains cas, les référentiels sont promus comme des « solutions » qui se substituent au travail d’organisation du travail dans l’entreprise, assumé normalement par les manageurs et la direction. Le référentiel, d’outil complémentaire participant à la définition de la prescription du travail de chacun, devient la norme intangible par rapport à laquelle on mesure la conformité du travail des individus. On retrouve ici une des dérives des référentiels de compétences, dont la fonction est plus évaluative que descriptive (Coulet, 2011).

13À l’opposé, certains dénoncent les référentiels comme des avatars d’une forme de rationalisation de l’activité humaine, insupportable car porteuse de schémas dépassés (quant au mode d’encadrement plus directif que participatif) et privant les individus de possibilités d’innovation ou de développement de leur créativité. Dans le secteur de la formation professionnelle pour adultes, on dénonce par exemple les « formations prescriptives », entendu qu’un dispositif organisé par des référentiels sera obligatoirement fondé sur une pédagogie descendante, non-inductive. Dans ce mode de raisonnement, la prescription est comprise, par exemple dans les approches ergologiques, comme une forme « d’hétérodétermination » (Schwartz, 2007, p. 130) à laquelle il faut résister pour agir et être. Selon cette approche, en effet, la prescription est assimilée à une contrainte externe, l’homme agissant sur le monde en s’en émancipant et se faisant, en se construisant lui-même comme acteur autonome.

14Face aux référentiels, on est donc soit dans une posture d’illusion de la norme, soit dans un rejet de cette norme. N’est-il pas possible d’échapper à cette alternative et de proposer, face aux référentiels, une « troisième voie » (Clot, 2000 ; Maggi, 2011), plus développementale ?

15Il apparaît, comme nous l’avons indiqué, que les travaux portant sur le « phénomène » référentiel, s’intéressent plus à l’usage de ces référentiels, aux apports et aux limites de ces derniers et ne reviennent que très peu à la racine de la question, c’est-à-dire au processus de leur conception. En effet, celui-ci est doublement essentiel pour comprendre les référentiels et observer les rapports qu’ils entretiennent avec le travail réel : revenir à la conception permet de lever une partie du voile sur les objectifs qui animent les concepteurs, de comprendre leur propre représentation de leur rôle de concepteur mais aussi de la place qu’ils souhaitent accorder à une description des activités réelles de travail du métier visé par le référentiel et dont ils sont des experts. De plus, on connaît le lien entre conception d’un dispositif et son usage, ce dernier étant anticipé lors de la fabrication (Akrich, 1991, op. cit.) au point de devoir distinguer le dispositif idéel puis fonctionnel du dispositif vécu (Albero, 2010). Analyser la conception permet d’embrasser l’ensemble du phénomène et surtout de distinguer cause (dans la conception) et conséquence (dans l’usage).

16Cependant, les travaux portant sur la conception des référentiels sont souvent à caractère méthodologique (Jouvenot & Parlier, 2005). De manière souvent très complète, ces travaux cherchent à guider les concepteurs dans leur rédaction en vue de produire des référentiels les plus clairs, précis et logiques. Deux éléments, cependant, nous apparaissent notables. D’une part ces travaux s’intéressent particulièrement à la compétence et aux référentiels de compétences en faisant l’impasse sur une phase, qui nous paraît préalable, de définition d’un référentiel descriptif (Balas, 2011a) à partir de l’activité. D’autre part et assez logiquement avec ce qui précède, le grand absent de ces guides est le travail entendu comme la part créative de l’homme, en réponse à la prescription.

17Certaines approches se déclarent plus proches d’une véritable analyse de ce travail, en rapport avec la conception de référentiels de diplômes professionnels. On classe ici les travaux initiés par Nicole Mandon (2009) au Céreq et sa méthode ETED, pour « Emploi-Type Etudié dans sa Dynamique » (Liaroutzos & Sultzer, 2006) qui est un outil d’analyse des emplois à partir du travail et de son exercice concret. Cette méthode, très utilisée dans l’entreprise comme en formation professionnelle, propose à partir du recueil des propos des « titulaires d’emploi » et de leur hiérarchie, de répertorier les situations professionnelles regroupées en fonction de leur proximité. Sont alors construits des emplois-types.

« Ce processus d’identification de sorte “d’idéal-type”, d’influence wébérienne, permet à la méthode ETED d’inspirer des ingénieries de certification » (Balas, 2011a, op. cit.).

Au final, ce qui est référentialisable dans le réel du travail, c’est l’emploi-type, ce qui inspire quelques critiques. D’abord, la vision du travail adoptée par cette méthode oscille entre celui « à faire », défini par l’encadrement du salarié et l’organisation du travail, et celui « qui se fait », obtenu par un recueil direct auprès du professionnel. Cependant, la critique la plus vive que nous pouvons adresser à cette conception est liée à la méthode d’analyse du « travail réel » exclusivement tournée vers le recueil du déclaratif. Mais « la narration en tant que telle prend déjà part à ce processus réflexif à travers la sélection et la mise en lien – “la mise en intrigue”, disait Ricœur – des éléments qui sont relatés » (Lainé, 2011, p. 87). Dire son travail, c’est déjà le reconstruire. Prendre le déclaratif pour « argent comptant » est simplificateur de la réalité du travail. On dispose alors d’une vision appauvrie, reconstruite a posteriori du travail réel.

18Analyser la conception des référentiels à partir d’une analyse indirecte des traces des activités de conception impose donc de s’inscrire dans un cadre conceptuel où sont pensés les rapports entre conception et usage. C’est ce que nous allons développer maintenant.

2. De la clinique de l’activité à la praxéologie de la connaissance

2.1. Cadre conceptuel

19À l’origine inscrites dans le cadre de la « clinique de l’activité » (Clot, 1999) au service d’objets relevant du champ des sciences de l’éducation, nos pratiques nous amènent, au contact des obstacles empiriques et d’une volonté de transdisciplinarité, à enrichir notre approche. Aujourd’hui, sans renier les apports fondateurs de cette clinique, nous adoptons, en vue d’instruire un dialogue plus large avec les sciences de l’éducation mais aussi les sciences du travail, quelques principes théoriques et méthodologiques complémentaires.

20Le premier est de considérer les objets traités (activités, compétences, transmission, dispositifs dont les référentiels) du point de vue de leur développement, en particulier au niveau de leur signification pour les acteurs, signification qui constitue « l’unité de base » qui possède « les propriétés du tout […] sous la forme initiale la plus simple » (Vygotski, 1934/1997, p. 417) et qui permet de saisir les mobiles des actions des individus, en particulier ici des concepteurs. Cette signification est aussi un « outil socialement fabriqué en fonction de tâches données » (Vygotski, 2014, p. 47), un médiateur artificiel (culturel) de l’activité.

21Le deuxième est de porter sur ces individus et les organisations (de travail, d’éducation) un regard systémique. Un dispositif de formation, par exemple, peut être vu comme un « système fonctionnel » que Hoc (1996) définit comme un « système comprenant des individus et les artefacts avec lesquels ils interagissent ».

22Dès lors, le troisième principe est de porter une attention particulière aux « objets, artefacts, outils et instruments, qu’ils soient matériels, virtuels ou symboliques » (Albero & Brassac, 2013, op. cit., p. 110) et de les considérer comme des indices précieux du « réel de l’activité » (Clot, 2008a) des acteurs.

23Cette triple posture correspond assez précisément à ce qu’Albero et Brassac (2013, op. cit.) définissent comme une « praxéologie de la connaissance » qui pourrait constituer une première piste « vers un construit transdisciplinaire adapté » (ibid., p. 113) aux enjeux éducatifs actuels. En effet, selon ces auteurs, les questions éducatives sont abordées au plan scientifique avec des points de vue atomisés ce qui nuit à l’efficacité de ces recherches. Observer les grandes questions éducatives (apprentissage, évaluation, didactique, pédagogie…) à partir de l’activité des acteurs et en considérant cette activité du point de vue de son inscription dans un système mais aussi à partir de son développement et de son « équipement instrumental » constitue donc une réponse syncrétique.

24Nous nous inscrivons donc dans cette voie. Analyser un phénomène à partir de l’activité des acteurs concernés, ici les concepteurs de référentiels et considérer que cette activité, dont nous étudions le développement et ses invariants (Clot 2008b), s’inscrit dans un système dont on ne peut isoler les éléments constitutifs. Enfin, nous postulons que ces activités, dans l’épaisseur des contradictions vécues, laissent des traces dans les outils produits (ici les référentiels) que nous pouvons alors étudier en vue de « remonter » à l’activité. Précisons que ces contradictions sont consubstantielles de toutes activités puisque le réel est toujours en partie imprédictible. Ce que nous cherchons à saisir, à travers ces traces, ce sont les contradictions en tant qu’elles « trahissent » l’activité et non en tant que phénomène à réduire.

25Comment étudier ces traces ?

2.2. L’analyse de l’activité comme méthodologie

26Nous avons réuni des référentiels de diplômes professionnels, de niveaux différents, provenant de ministères certificateurs variés et dont les méthodologies de conception sont distinctes. Ces documents sont globalement accessibles sur internet, pas toujours dans leur intégralité ; mais on peut compléter cette recherche par la lecture de la fiche du diplôme déposée au répertoire national des certifications professionnelles (cncp.gouv.fr). Cette fiche est un condensé de la rédaction complète du diplôme qui permet d’en saisir des éléments clés comme les modes d’évaluation ou encore les publics visés.

  • 3 Le nom du diplôme joue ici un grand rôle. Certains intitulés sont abscons (comme par exemple le B (...)

27Nous appuyant sur une familiarité avec les référentiels et leur conception, puisque nous avons contribué à la rédaction de plusieurs d’entre eux et que nous animons des enseignements universitaires sur le thème des référentiels et de l’analyse de l’activité, nous avons sélectionné, parmi les très nombreux disponibles, quatre référentiels qui nous apparaissaient comme typiques des contradictions que nous souhaitions exposer. Ainsi, nous réalisons, dans un premier temps, une lecture globale des documents. Elle nous offre une compréhension de l’objet social du diplôme, parfois plus complexe à saisir qu’on ne le croit3.

28À partir de cette première lecture, nous passons à une seconde lecture, plus analytique, visant à détecter les traces des contradictions vécues par les concepteurs dans l’élaboration des référentiels et leurs articulations. Dans cette enquête documentaire, on « traque » les contradictions rédactionnelles, les euphémisations les plus évidentes qui peuvent masquer l’embarras des rédacteurs, l’usage de termes qui paraissent « déplacés » dans le référentiel, les répétitions…

29Par exemple, certaines rédactions présentent le métier visé comme une succession d’étapes non reliées entre elles (diagnostique, intervention, vérification… comme dans le baccalauréat professionnel « électrotechnique, énergie, équipements communicants » - Balas, Paddeu et Veneau, 2016). D’autres mobilisent pour décrire les compétences attestées par la certification la série de termes « Savoirs, savoir-faire techniques, savoir-faire relationnels, savoir-faire organisationnels » (Référentiel d’emploi Activités Compétences du titre professionnel d’Assistant(e) Ressources Humaines délivré par le ministère du travail, p. 16) qui constitue une atomisation artificielle des composantes de la compétence, par principe réunies. D’autres utilisent pour décrire des activités caractéristiques du métier visé des formules abscondes comme « Exploiter les données de la conception et de la réalisation » (Référentiel d’activités professionnelles du baccalauréat professionnel « Métiers de la mode - Vêtements », p. 21).

30On observe aussi les articulations entre les différents référentiels : rapports de déduction, de causalité, de linéarité, d’inclusion… et on tente de détecter les liens qui apparaissent peu logiques ou « trop logiques » (voir l’exemple ci-dessous du référentiel de la profession de masseur-kinésithérapeute).

31Ce travail permet de mettre en lumière quelques cas, exemplaires des contradictions vécues des concepteurs. Précisons que ces constats ne relèvent pas d’une évaluation externe sur la qualité des référentiels dont nous devrions alors étudier l’usage, ce qui n’est pas le cas ici.

3. Quelques constats à partir de l’étude de référentiels

  • 4 C’est-à-dire les certificateurs.

32Nos différentes analyses confirment la complexité de l’activité de conception des référentiels. Les concepteurs doivent gérer des conflits de valeurs multiples (Leplat & Cuny, 1974, op. cit.). En effet, ces acteurs sont, dans la réalisation de ce travail, au cœur d’une « tourmente » que l’on peut caractériser par l’identification de diverses contradictions que ces professionnels doivent « gérer » dans l’action, sans jamais pouvoir les « régler » (Balas, 2011b). Notons que ces contradictions sont intrinsèques (liées à la nature même de l’activité de conception) mais aussi extrinsèques (quand ce sont les contradictions non réglées des prescripteurs4 qui, en cascade, impactent l’activité des concepteurs).

33Les référentiels retenus pour cet article ont été sélectionnés à partir de leur diversité de niveaux (V, III, II), de champs professionnels (santé, sport, management) et d’origines (différents ministères, ordre professionnel).

3.1. Le référentiel du CAP aéronautique : un usage pragmatique des concepts

34Parmi ces prescripteurs, l’Éducation Nationale fournit aux rédacteurs de référentiels (participants aux « groupes de travail ») un « guide d’élaboration des diplômes professionnels » (2004) qui est un recueil de consignes méthodologiques visant en particulier à prescrire l’usage de nombreux concepts. Les termes de fonctions, tâches, activités et opérations (p. 13) doivent être mobilisés pour rédiger le Référentiel d’Activité professionnelle (RAP), ainsi que celui de compétences pour le référentiel de certification. Cependant, selon Maillard (2003, p. 67), ce « guide méthodologique (est) en fait très peu prescripteur ».

  • 5 Cet extrait de référentiel, comme les suivants présentés dans ce texte, est identique dans sa for (...)

35On l’observe en étudiant le référentiel du CAP aéronautique. Ce diplôme, récemment rénové (arrêté publié en août 2013), propose, dès le début de son RAP, une précision importante (Figure 15) :

Figure 1 : Extrait du référentiel d’activités professionnelles du CAP « aéronautique » (p. 3). 
Figure 1: Extract from the frame of reference for professional activities within the “aeronautical” CAP (p. 3)

Figure 1 : Extrait du référentiel d’activités professionnelles du CAP « aéronautique » (p. 3). Figure 1: Extract from the frame of reference for professional activities within the “aeronautical” CAP (p. 3)

36Si les rédacteurs mobilisent pour ce CAP les concepts de fonctions, activités professionnelles et tâches professionnelles, ils renoncent à celui d’opérations.

37Dans bien des cas, entre la polysémie des termes et leurs rapports plus ou moins clairs (par exemple, y a-t-il un lien entre une fonction et des tâches ?), les concepteurs de référentiels oscillent entre une recherche de rigueur dans l’usage de ces termes, ce qui ne favorise pas leur recherche de description authentique. Mais ils doivent aussi parfois en faire un usage pragmatique, par exemple en abandonnant la catégorie qui encombre, en redéfinissant un des termes (par exemple la tâche est une « petite activité ») ou encore en subdivisant une catégorie en ajoutant aux concepts des qualificatifs (une compétence « générale », ou une fonction « transversale »).

38Ici, l’abandon du terme d’opération, d’autant plus surprenant au niveau d’un CAP qui vise à former des « opérateurs », s’accompagne d’un mode rédactionnel des activités et des tâches que l’on retrouve fréquemment dans les diplômes professionnels des secteurs industriels (Figure 2) :

Figure 2 : Extrait du Référentiel d’Activités Professionnelles du CAP « aéronautique » (p. 5). 
Figure 2: Extract from the frame of reference for professional activities within the “aeronautical” CAP (p. 5)

Figure 2 : Extrait du Référentiel d’Activités Professionnelles du CAP « aéronautique » (p. 5). Figure 2: Extract from the frame of reference for professional activities within the “aeronautical” CAP (p. 5)

39L’activité, en « chapeau » de la fiche, se décline en tâches (T1, T2…). Sont aussi précisés les résultats attendus (R1, R2…) ainsi que les conditions de réalisation (C1, C2…).

40Ce luxe de détails, sans nul doute très utile pour la mise en œuvre du référentiel (formation comme évaluation), renforce cependant le sentiment d’un usage restrictif des concepts. La proposition, à travers le guide, d’instituer un rapport d’emboitement (type « poupée russe ») entre les concepts de fonction, d’activité, de tâche et d’opération, n’aide sans doute pas les rédacteurs. En effet, si la fonction relève de l’organisation du travail (du côté de la direction et des manageurs, donc), les notions d’activités et de tâches sont, elles, dans des rapports bien différents si l’on se réfère aux apports de l’ergonomie francophone depuis le milieu du siècle dernier. Pour cette approche, l’activité est ce que l’homme développe pour répliquer à la tâche, ce qu’il apporte d’engagement subjectif face à une prescription, par nature, simplificatrice (Leplat & Hoc, 1983 ; Poussin, 2010). L’opération, quant à elle, relève plus des moyens mis en œuvre pour être efficace, voire efficient (c’est-à-dire économe de ses moyens) dans l’atteinte du but concret de l’action (Leontiev, 1984). Cette description risque cependant de produire des unités de faible taille, mais également dépourvues de sens.

41Comment alors proposer un cadre méthodologique moins complexe au plan sémantique et intégrant plus justement les différentes composantes du travail ? Comment mieux équiper les concepteurs de référentiels dans leur tentative de mieux prendre en compte les dimensions prescrites comme effective de l’activité humaine ?

3.2. Le référentiel de la profession de masseur-kinésithérapeute : produire une norme ou inviter les usagers à produire leur norme ?

42Le deuxième exemple est basé sur un référentiel concernant la profession de masseur-kinésithérapeute. Contrairement au précédent, il ne s’agit pas d’un référentiel de diplôme ; il renvoie au souhait des rédacteurs qu’il serve de référence pour la réingénierie du Diplôme d’État, annoncée depuis plusieurs années par le Ministère de la Santé (Balas, 2014). De nombreuses réflexions sont menées depuis plusieurs années dans ce secteur, et ont conduit à l’adoption par l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes d’un « référentiel de la profession » en 2013. Produit par des universitaires et des experts du métier, ce référentiel se présente sous la forme d’un document de 218 pages (dont 128 d’annexes). Le document principal comprend différentes parties, comme l’indique l’extrait ci-joint (Figure 3) :

Figure 3 : Extrait du référentiel de la profession de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes. 
Figure 3: Extract from the frame of reference of the profession of the order of physiotherapists

Figure 3 : Extrait du référentiel de la profession de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes. Figure 3: Extract from the frame of reference of the profession of the order of physiotherapists

43Cet exemple nous semble illustratif d’une contradiction consubstantielle du processus de référentialisation. « Normer ou renormaliser » : la question est de savoir si le référentiel a pour fonction de normer les pratiques des pédagogues (considérés alors comme des opérateurs) mais aussi des formés dans leur travail futur, ou, au contraire, de constituer une invitation à la renormalisation (Canguilhem, 2002) pour des « usagers acteurs », qui pourront s’emparer du référentiel pour en faire un instrument de développement de leurs pratiques. Selon le choix retenu, la manière de rédiger le référentiel sera bien différente. Dans un premier cas, une vaine tentation d’être exhaustif sera première alors que dans le second, c’est surtout le sens des activités, les motifs d’agir qui seront valorisés (Leontiev, 1984, op. cit.).

  • 6 La plupart des certificateurs (éducation nationale, agriculture) ne traitent pas des questions de (...)

44Ce document « porte la trace » de ces objectifs contradictoires qu’ont souhaité (ou dû ?) poursuivre les rédacteurs. Si la longueur du document semble créditer la thèse d’une recherche d’exhaustivité, de même que le traitement des questions de formation6, le soin apporté aux analyses historiques, juridiques et professionnelles invite plutôt le lecteur à considérer ce document comme un instrument de sa réflexion.

45Cependant, une analyse plus précise du contenu du référentiel d’activité (partie 1.1 : les liens entre actes et activités) et de celui de compétences (partie 1.2 : la construction des compétences du MK) laisse supposer que le souhait de normer les pratiques l’a emporté. Un indice de cette déduction est la proximité des intitulés des activités (six sont identifiées) et des compétences « propres » (cinq).

46Les figures 4 et 5 ci-dessous reprennent les intitulés de deux activités (Établir un diagnostic kinésithérapique et Décider de la stratégie thérapeutique et des soins kinésithérapiques à mettre en œuvre) et des cinq « compétences propres », dont la C2. Élaborer un diagnostic kinésithérapique et la C3. Concevoir et conduire une stratégie d’intervention en kinésithérapie).

Figure 4 : Extrait de la page 43 du référentiel de la profession de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes. 
Figure 4: Extract from page 43 of the frame of reference of the profession of the order of physiotherapists

Figure 4 : Extrait de la page 43 du référentiel de la profession de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes. Figure 4: Extract from page 43 of the frame of reference of the profession of the order of physiotherapists

Figure 5 : Extrait de la page 44 du référentiel de la profession de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes. 
Figure 5: Extract from page 44 of the frame of reference of the profession of the order of physiotherapists

Figure 5 : Extrait de la page 44 du référentiel de la profession de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes. Figure 5: Extract from page 44 of the frame of reference of the profession of the order of physiotherapists

47Dans ces exemples, les compétences reprennent les intitulés des activités ou sont une paraphrase de l’activité. Ce constat amène deux conclusions. D’une part ce rapport linéaire établi entre activité et compétence ne laisse que peu de place à l’initiative humaine, comme si être compétent, c’était exclusivement répondre convenablement aux exigences de la tâche et non transformer la tâche prescrite en tâche effective (Leplat & Cuny, 1974, op. cit.). D’autre part, cette proximité entre activité et compétence confirme, comme nous l’avons indiqué, le rôle plus évaluateur que descriptif des compétences dans les référentiels.

48Ne peut-on envisager, dans un référentiel, une formalisation plus aboutie de la compétence, sans doute déduite des activités, mais dans un rapport non linéaire ? Comment, alors, envisager sous un jour nouveau le rôle des compétences dans les référentiels, plus descriptif qu’évaluatif (Coulet, 2011, op. cit.) ?

3.3. Le référentiel du BTS « Management des unités commerciales »

  • 7 En France, la nomenclature des niveaux de formation reste celle en vigueur depuis la fin des anné (...)

49Le référentiel du Brevet de Technicien Supérieur (BTS) « Management des unités commerciales » va servir de support à notre réflexion suivante. Le diplôme de BTS, de niveau III7 possède une singularité dans le champ des diplômes professionnels. Situé à un niveau supérieur au baccalauréat, il relève donc de la réglementation des diplômes de l’enseignement supérieur et sa gestion est assurée par la direction générale pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle (DGESIP) du département ministériel en charge de l’enseignement supérieur. Cependant, pour des raisons historiques, la conception des BTS est confiée, comme les autres diplômes professionnels de niveaux V (CAP) et IV (baccalauréat professionnel), à des groupes paritaires gérés par la Direction Générale de l’Enseignement Scolaire (DGESCO) du Ministère de l’Éducation Nationale.

  • 8 Même si les récentes adoptions législatives vont conduire à imposer la rédaction d’un référentiel (...)

50Cette singularité de gouvernance administrative, si elle se gère de manière plutôt harmonieuse entre services, a pourtant une influence sur l’activité des rédacteurs des référentiels de BTS. En effet, la doctrine de conception des diplômes professionnels de l’Éducation Nationale (séparation entre certification et formation) comme la méthodologie (construction successive d’un référentiel d’activités professionnelles, puis d’un référentiel de certification et absence de référentiel de formation) ne sont pas celles retenues par l’enseignement supérieur où le contenu de la formation, organisé en unité d’enseignement, est aussi l’unité de référence de la certification8, avec l’attribution des crédits européens – ECTS. En simplifiant volontairement le propos pour le rendre démonstratif, on peut évoquer des enjeux pédagogiques prioritaires d’apprentissage (de contenu, de savoirs) du côté de l’enseignement supérieur, la professionnalité du formé émergeant de la maîtrise de ces savoirs. Pour l’Éducation Nationale, l’objectif pédagogique central est le développement de l’apprenant (tout statut confondu) vers une maîtrise professionnelle.

51Dans cet exemple, on peut s’interroger sur la fonction des référentiels. Sont-ils pensés comme des instruments au service d’un projet d’apprentissage (de savoirs, de compétences, d’un métier) ou de développement (de l’individu, du professionnel) ? Au-delà de la question théorique qui articule plus ou moins ces deux processus (Yvon & Clot, 2003), ce point oriente l’action des formateurs et enseignants et influence la conception des référentiels.

52Dans son écriture, le référentiel du BTS « Management des unités commerciales » retient des traces de cet arbitrage, comme le montrent les deux extraits de son référentiel de certification ci-dessous :

Figure 6 : Extrait du référentiel de certification du BTS « management des unités commerciales » (compétence C1). 
Figure 6: Extract from the frame of reference for BTS certification in “management of commercial units” (skill C1)

Figure 6 : Extrait du référentiel de certification du BTS « management des unités commerciales » (compétence C1). Figure 6: Extract from the frame of reference for BTS certification in “management of commercial units” (skill C1)

Figure 7 : Extrait du référentiel de certification du BTS « management des unités commerciales » (savoir associé S5) même remarque : illisible. 
Figure 7: Extract from the frame of reference for BTS certification in “management of commercial units” (associated knowledge S5)

Figure 7 : Extrait du référentiel de certification du BTS « management des unités commerciales » (savoir associé S5) même remarque : illisible. Figure 7: Extract from the frame of reference for BTS certification in “management of commercial units” (associated knowledge S5)

53La juxtaposition dans un même référentiel de certification de compétences rédigées sous forme d’objectifs à atteindre (être capable de…) et de « savoirs associés » qui correspondent réellement à une organisation du cursus pédagogique (y compris par des consignes pour les enseignants et formateurs dans la colonne « limites de connaissances »), confirme que les rédacteurs de ce référentiel ont dû gérer le dilemme pédagogique exposé, sans pouvoir le régler dans un sens ou dans l’autre, d’où cette rédaction « hybride », certificative mais « colorée » de pédagogique.

54Ne peut-on imaginer un système rédactionnel qui, soit accepte clairement le caractère hybride (pédagogique et certificatif) du référentiel de certification, soit assume pleinement de restreindre la rédaction et de ne retenir aucune référence à la formation ?

3.4. Le référentiel du DESJEPS « performance sportive » : généralisation ou propriétés génériques ?

55Le Diplôme d’État Supérieur de la Jeunesse, de l’Éducation Populaire et du Sport (DESJEPS) spécialité « performance sportive » est un diplôme de niveau II délivré par le Ministère de la Jeunesse et des Sports. Il certifie les compétences des entraineurs sportifs.

56Son référentiel de certification est construit sous forme d’unités capitalisables (UC) exprimées par un objectif principal (appelé objectif terminal d’intégration – Savy, 2013) décliné en objectifs intermédiaires (ici de premier et de deuxième rang).

57Dans cet exemple, on est au cœur d’un problème fondamental que rencontre chaque concepteur de référentiel. L’objectif est de produire une description à portée générale, à partir d’une analyse d’activité professionnelle par nature singulière. Rester dans le singulier favorise la proximité au réel et la richesse des détails mais gêne la généralisation. Tendre vers le général élimine les aspérités du travail réel et fait courir le risque de l’inauthenticité. On peut alors proposer de distinguer le général du générique, comme nous avons pu précédemment le préciser :

« il faut parvenir à trouver un objet à caractère générique, c’est-à-dire qui appartient au genre, le définit, le constitue mais dont l’application ne soit pas générale, entendue comme contraire au particulier. Il faut identifier un objet spécifique, qui caractérise le métier décrit, mais qui intègre les expressions singulières » (Balas, 2011a, op. cit., p. 97).

58Deux extraits de ce référentiel, portant sur l’UC nº 1 (Figure 8) et l’UC nº 4 (Figure 9) illustre la difficulté pour les rédacteurs à arbitrer entre des modes rédactionnels orientés vers le singulier ou vers le général.

Figure 8 : Extrait du référentiel de certification du DESJEPS « performance sportive » (Unité Capitalisable nº 1). 
Figure 8: Extract from the frame of reference for DESJEPS certification in “sports performance” (Capitalizable Unit nº 1)

Figure 8 : Extrait du référentiel de certification du DESJEPS « performance sportive » (Unité Capitalisable nº 1). Figure 8: Extract from the frame of reference for DESJEPS certification in “sports performance” (Capitalizable Unit nº 1)

Figure 9 : Extrait du référentiel de certification du DESJEPS « performance sportive » (Unité Capitalisable nº 4). 
Figure 9: Extract from the frame of reference for DESJEPS certification in “sports performance” (Capitalizable Unit nº 4)

Figure 9 : Extrait du référentiel de certification du DESJEPS « performance sportive » (Unité Capitalisable nº 4). Figure 9: Extract from the frame of reference for DESJEPS certification in “sports performance” (Capitalizable Unit nº 4)

59Pensé pour être décliné dans un second temps par discipline sportive (football, spéléologie, natation sportive), ce référentiel est porteur d’un degré de généricité, cependant bien différent entre l’UC 1 et l’UC 4. À la lecture de cette dernière, le lecteur identifie immédiatement le métier décrit : un métier d’encadrement pédagogique dans le champ du sport. À l’opposé, le même lecteur pourra difficilement identifier le métier visé par l’UC 1 : s’agit-il d’un manageur de structure commerciale (voir BTS précédemment présenté) ? D’un responsable de projet travaillant seul (type consultant) ?

  • 9 Et c’était le cas ici, puisque les unités nº 1 et 2 étaient communes avec l’autre spécialité du D (...)

60La rédaction de cette unité renvoie à l’obstacle classique que doivent affronter les rédacteurs de référentiel : à force de vouloir rédiger un cadre permettant d’embrasser la diversité des situations9, le niveau de généralité de la rédaction fait, là aussi, prendre le risque d’une perte de sens.

61Comment affronter cet exercice de la référentialisation sans perdre de vue la nature holiste de la « matière » décrite (le métier, l’activité, les compétences) ? Comment produire des référentiels favorables à une mise en mouvement et non réducteurs de dynamique ? Comment rédiger des documents de référence qui ne s’éloignent pas trop du travail réel ?

3.5. Conception d’un référentiel expérimental avec des masseurs-kinésithérapeutes : quand le « non-réalisé » est caractéristique du réel10

  • 10 Ce sous-titre fait référence aux travaux de Clot (1999) qui distingue le « réalisé du réel » dans (...)

62Pour répondre à ces questions, nous avons voulu expérimenter une nouvelle manière de concevoir des référentiels (Balas, 2011a, op. cit.) en cherchant à développer l’expérience des professionnels associés à notre démarche. Cette nouvelle façon de penser les référentiels, inscrite dans une approche historico-culturelle (Vygotski, 2014, op. cit.), était assez « contre-intuitive » au départ pour les professionnels de la kinésithérapie associés à notre démarche. En effet, face à une prédisposition à chercher à décrire leur métier à partir de l’identification des bonnes (et en creux des mauvaises) pratiques, comme c’est devenu une tradition dans les métiers de la santé (Demailly, 2013), nous avons proposé à ces professionnels une solution différente et surprenante pour eux : identifier les dilemmes de leur métier (Prot, 2014). Nous soutenions que ces dilemmes sont des situations caractéristiques d’un métier, proches du réel, dans la mesure où elles obligent les professionnels à disposer de plusieurs réponses pertinentes possibles, afin justement de gérer, dans l’action, les contradictions situées.

63Dans une situation de soin, par exemple, le professionnel doit poursuivre deux objectifs en partie non-compatibles : « soigner le patient », c’est-à-dire appliquer des techniques de soin (massage, mobilisation…) mais aussi, dans l’espoir de le rendre autonome, « éduquer le patient à se soigner », c’est-à-dire lui fournir les repères lui permettant de se prendre en charge, seul. Selon la situation, la nature de la pathologie, les modes relationnels établis et de très nombreux autres facteurs qui définissent les caractéristiques de la situation, l’action du professionnel sera plus ou moins orientée vers l’un ou l’autre de ces objectifs. C’est cette capacité à arbitrer qui constitue, à notre sens, un élément caractéristique de la professionnalité du soignant et qui doit donc être intégré au référentiel de son métier. Alors, on peut, en identifiant les dilemmes les plus repérables du métier, produire une description pertinente de ce dernier.

64Dans cet exemple expérimenté au cours d’une recherche doctorale avec plusieurs groupes de masseurs-kinésithérapeutes, nous avons tenté de dépasser les contradictions identifiées précédemment lors de la conception de référentiel. Ici, les notions mobilisées sont moins complexes et le terme de compétence est par exemple écarté car trop polysémique. Le lien entre fonction descriptive, formative puis certificative du référentiel est précisé : ce qui est caractéristique de l’exercice du métier (l’affrontement d’un dilemme de métier) est aussi le support de construction des situations d’apprentissage (par exemple en reconstituant une situation de confrontation à un dilemme). De même, la capacité de gérer ces dilemmes devient aussi un critère d’évaluation.

65Cette illustration d’une nouvelle façon de « faire » un référentiel, n’est pourtant pas exemplaire dans la mesure où elle n’est pas reproductible, forcément, dans toutes les situations : l’identification des dilemmes d’un métier est le résultat d’une intervention en coanalyste de l’activité, avec des collectifs de professionnels. On peut envisager que l’adoption de cette « méthode », comme entrée dans l’intervention, ne trouve pas d’écho chez d’autres groupes de professionnels. Cette expérience est plutôt là pour inviter les concepteurs de référentiels à penser autrement leur travail, au profit d’une clarification de cette fonction de conception mais favorable, aussi, à un usage « développemental » de l’instrument produit (Balas, 2011a, op. cit.). Les référentiels, en effet, peuvent, à l’usage, servir de norme « pétrifiée » (Clot, 2003) ou au contraire constituer un cadre favorable à une relance des dialogues entre professionnels sur leur métier.

4. Portée de l’analyse et perspectives

66L’ultime proposition que nous formulons repose sur le constat que les processus de conception de référentiels sont rarement aisés et que les rédacteurs sont peu aidés par les différents guides qui tentent de normer leurs pratiques mais leur font vivre de sérieuses contradictions.

67Ces pratiques de conception remplies de contradictions laissent des traces, dans les référentiels produits. C’est en partant de ce pari que nous avons construit un cadre méthodologique ad hoc, basé sur une lecture attentive des référentiels et sur une confrontation des rédactions, à partir d’une importante expérience de ces processus.

68Ce cadre, cependant, relève du « bricolage ». Si notre conviction est que la recherche est affaire d’invention, d’activité singulière et de contournement des obstacles du réel comme tout travail, il est aussi important de s’appuyer sur des acquis de la communauté scientifique. Si nous nous sommes inspiré assez souvent des manières de faire de Fabienne Maillard (par exemple 2003 ; 2012) en particulier dans la lecture des référentiels, ce cadre est cependant encore fragile et mérite d’être confronté et plus clairement explicité, ce qui constitue un chantier heuristique et une limite de notre présent exposé.

69On peut aussi discuter de la nature indirecte des traces obtenues sur l’activité des concepteurs. Si nous avons eu l’occasion d’observer des concepteurs en action, il n’a pas encore été possible de construire une véritable intervention visant à analyser, avec ces concepteurs, leurs activités de conception. Pour cela, il est nécessaire d’élaborer, avec eux, un véritable objectif de co-analyse, où les acteurs apportent l’expertise de leur activité face à l’expertise d’intervention du chercheur.

Conclusion

70L’objet poursuivi dans ce texte peut se résumer en quelques mots : montrer que la conception des référentiels, telle qu’elle est conduite aujourd’hui en prenant peu en compte le travail réel, met ses acteurs dans des situations complexes. Les contradictions vécues, entre volonté de rendre justice au métier qu’ils souhaitent décrire et cadres méthodologique et institutionnel imposés, laissent des traces dans les documents produits. Ce sont ces traces que nous avons tenté de saisir, comme indices indirects de cette activité contrariée, à partir d’exemples de référentiels de diplômes divers, de secteurs et de niveaux différents. S’il est vrai que toute activité comporte des contradictions, celles vécues par les concepteurs de référentiels sont parfois paralysantes pour leur action. Ces concepteurs sont parfois dans l’empêchement à développer leur activité ou simplement à faire du bon travail…

71Ces études confirment l’intérêt de repenser ces dispositifs de référentialisation en associant plus directement des professionnels des métiers concernés et en conduisant une réflexion plus poussée sur ce qui est caractéristique de l’exercice de ce métier. Doit-on répertorier les tâches ? Les gestes de métier ? Nous proposons de référentialiser des « irrésolus » de ce métier, afin de provoquer, artificiellement, un développement de ces activités (Balas, 2013) et du pouvoir d’agir des acteurs concernés (Clot, 2008a, op. cit.). En effet, ce type d’expérimentation montre qu’un référentiel ainsi produit est un instrument de reprise des dialogues sur le travail et non, comme actuellement, un document uniquement normatif.

72Mais comment aller plus loin ? Il semble qu’une analyse plus poussée de l’activité des concepteurs de diplômes soit nécessaire.

73Si ce « désir d’analyse » parvient à émerger, il convient alors de disposer de conditions techniques minimum. Il faut de la disponibilité des acteurs, un cadre méthodologique adapté (par exemple l’instruction au sosie – Oddone, Ré, & Briante, 1981), permettant de recueillir des traces, principalement langagières, de ces activités de conception. Aujourd’hui, ces conditions sont difficiles à mettre en place, en particulier parce que les rédacteurs de ces référentiels de diplômes ne réalisent ces activités que ponctuellement. Au-delà de ce travail de conception, ils sont professionnels du secteur concerné (dans nos exemples, l’aéronautique, la kinésithérapie, la gestion des unités commerciales, etc.), enseignants, inspecteurs et ne consacrent à la conception des diplômes qu’une part parfois très faible de leur temps.

74De plus, les institutions qui organisent ces groupes de travail et ces CPC, ne se fixent pas pour priorité d’analyser l’activité de conception des référentiels de leurs diplômes, mais s’intéressent plutôt aux produits finis et à leur congruence et à leur « acceptabilité » par les systèmes de formation qui les mettent en œuvre.

75Il nous semble, pourtant, qu’un approfondissement de ce travail, à partir d’une intervention en analyse du travail pourrait participer à mieux comprendre ces processus complexes et à construire des repères pour les acteurs.

76Cette proposition est d’autant plus importante que des travaux montrent qu’il existe un lien étroit entre « la norme et l’usage » (Maillard, 2001, op. cit.). En effet, une norme construite sur la base d’une analyse détaillée du travail réel permet dans un second temps un usage plus riche, par exemple pour les enseignants et formateurs en charge de mettre en œuvre le diplôme professionnel visé.

77On pourrait même allez plus loin et envisager, comme ce fut le cas dans une intervention passée avec des masseurs-kinésithérapeutes (Balas, 2011a, op. cit.) ou plus récente avec des manageurs (Balas, Bourgeois, Castel, & Théry, 2015) de considérer les référentiels comme des normes à entretenir régulièrement et ainsi en faire des « prétextes » à la relance régulière de dialogues au sein des groupes professionnels concernés.

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Notes

1 Sur la complexité de la prescription, dimension « impersonnelle » du métier, voir la thèse de Briec (2013).

2 Par exemple dans le champ de la santé ou de la scolarité

3 Le nom du diplôme joue ici un grand rôle. Certains intitulés sont abscons (comme par exemple le BTS « Fluides, Energies, Environnement ») alors que d’autres sont plus accessibles (comme le récent bac pro « facteurs d’orgues »). On constate d’ailleurs des débats très vifs sur la dénomination des diplômes dans les commissions paritaires chargées de valider ces diplômes, les commissions professionnelles consultatives (CPC).

4 C’est-à-dire les certificateurs.

5 Cet extrait de référentiel, comme les suivants présentés dans ce texte, est identique dans sa forme publiée.

6 La plupart des certificateurs (éducation nationale, agriculture) ne traitent pas des questions de formation dans les référentiels, afin de marquer, dans un système « tiré par l’évaluation », la distinction entre formation et certification (Marcel & Savy, 2013) mais aussi pour offrir un espace d’initiative aux équipes pédagogiques. Cependant, le champ de la santé ne suit pas cette tendance en proposant des référentiels de formation détaillés, comme l’illustre le diplôme d’Etat rénové d’infirmier qui comprend un référentiel de formation très complet.

7 En France, la nomenclature des niveaux de formation reste celle en vigueur depuis la fin des années 60 qui prévoit cinq niveaux (du V vers le I) en référence, essentiellement, à une durée du cursus d’études.

8 Même si les récentes adoptions législatives vont conduire à imposer la rédaction d’un référentiel de compétences pour chaque diplôme de l’enseignement supérieur (Szymankiewicz, 2013)

9 Et c’était le cas ici, puisque les unités nº 1 et 2 étaient communes avec l’autre spécialité du DESJEPS intitulée « animation socio-éducative ou culturelle ».

10 Ce sous-titre fait référence aux travaux de Clot (1999) qui distingue le « réalisé du réel » dans son analyse des activités de travail, ce que l’on renonce à faire caractérisant tout autant le réel que « la solution qui a vaincu » (le réalisé).

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Titre Figure 1 : Extrait du référentiel d’activités professionnelles du CAP « aéronautique » (p. 3). Figure 1: Extract from the frame of reference for professional activities within the “aeronautical” CAP (p. 3)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/activites/docannexe/image/2889/img-1.png
Fichier image/png, 325k
Titre Figure 2 : Extrait du Référentiel d’Activités Professionnelles du CAP « aéronautique » (p. 5). Figure 2: Extract from the frame of reference for professional activities within the “aeronautical” CAP (p. 5)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/activites/docannexe/image/2889/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 232k
Titre Figure 3 : Extrait du référentiel de la profession de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes. Figure 3: Extract from the frame of reference of the profession of the order of physiotherapists
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/activites/docannexe/image/2889/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 56k
Titre Figure 4 : Extrait de la page 43 du référentiel de la profession de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes. Figure 4: Extract from page 43 of the frame of reference of the profession of the order of physiotherapists
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/activites/docannexe/image/2889/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 60k
Titre Figure 5 : Extrait de la page 44 du référentiel de la profession de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes. Figure 5: Extract from page 44 of the frame of reference of the profession of the order of physiotherapists
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/activites/docannexe/image/2889/img-5.jpg
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Titre Figure 6 : Extrait du référentiel de certification du BTS « management des unités commerciales » (compétence C1). Figure 6: Extract from the frame of reference for BTS certification in “management of commercial units” (skill C1)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/activites/docannexe/image/2889/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 56k
Titre Figure 7 : Extrait du référentiel de certification du BTS « management des unités commerciales » (savoir associé S5) même remarque : illisible. Figure 7: Extract from the frame of reference for BTS certification in “management of commercial units” (associated knowledge S5)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/activites/docannexe/image/2889/img-7.png
Fichier image/png, 517k
Titre Figure 8 : Extrait du référentiel de certification du DESJEPS « performance sportive » (Unité Capitalisable nº 1). Figure 8: Extract from the frame of reference for DESJEPS certification in “sports performance” (Capitalizable Unit nº 1)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/activites/docannexe/image/2889/img-8.png
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Titre Figure 9 : Extrait du référentiel de certification du DESJEPS « performance sportive » (Unité Capitalisable nº 4). Figure 9: Extract from the frame of reference for DESJEPS certification in “sports performance” (Capitalizable Unit nº 4)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/activites/docannexe/image/2889/img-9.png
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Pour citer cet article

Référence électronique

Stéphane Balas, « Comment concevoir des référentiels de diplômes professionnels sans renoncer au travail réel ? »Activités [En ligne], 13-2 | 2016, mis en ligne le 15 octobre 2016, consulté le 13 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/activites/2889 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/activites.2889

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Auteur

Stéphane Balas

19, rue Charles Landelle, 53000 Laval – stephane.balas@wanadoo.fr

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Droits d’auteur

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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