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Une approche critique du modèle dominant de prévention du risque chimique

L’apport de l’ergotoxicologie
A critical approach to the dominant model of chemical risk prevention: Contribution of ergotoxicology
Una mirada crítica sobre el modelo dominante de prevención del riesgo químico. El aporte de la ergo toxicología
Brahim Mohammed-Brahim et Alain Garrigou

Résumés

Après un rappel des enjeux en œuvre dans le champ de la prévention du risque chimique, nous présentons les éléments fondateurs ainsi que l’évolution historique de la démarche ergotoxicologique. Cette démarche pluridisciplinaire vise à construire et à évaluer de nouvelles approches de prévention du risque chimique.
Nous décrivons le modèle dominant de prévention du risque chimique en milieu de travail, que nous désignons par «  modèle par écrans ». Nous proposons une lecture critique de chacun de ces écrans. Nous définissons ensuite l’ergotoxicologie et envisageons les perspectives de son développement.

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Notes de la rédaction

Article soumis le 19 novembre 2008, accepté pour publication le 19 février 2009.

Texte intégral

Introduction

1La mise sur le marché de produits chimiques et leurs risques pour la santé des travailleurs exposés représentent des enjeux économiques et sociaux importants (Pézerat, 2006 ; Meugeot, 2007 ; Thébaut-Mony, 2008).

2Les progrès de la toxicologie autorisés par le développement concomitant des connaissances fondamentales de la biologie et de l’analyse instrumentale, ceux de l’ingénierie, en particulier l’automatisation, ont laissé penser que le risque chimique pour la santé en milieu de travail était derrière nous. Le scandale de l’amiante, un risque pourtant géré de façon consensuelle et au plus haut niveau, a brutalement mis à mal cette illusion et permis que l’on redécouvre les données statistiques que cachait « l’engouement » pour les risques nouveaux (Troubles Musculo Squelettiques, stress), certes réels et tout aussi redoutables.

3À la fin de l’année 2005, l’European INventory of Existing Commercial chemical Substances (EINECS) répertoriait 100 204 substances chimiques sur le marché européen.

423  % des salariés des 15 nations de l’union européenne en 1993, soit 32 millions d’individus, étaient exposés aux agents cancérogènes classés par le Centre International de Recherche sur le Cancer (Kauppinen, & Toikkanen, 1998).

5En France, l’enquête SUMER 2003 (Arnaudo, Magaud-Camus, Sandret, Coutrot, Floury, Guignon, et al., 2005) montre que près de 38  % des salariés, soit environ 7 millions d’individus, sont exposés à des substances ou préparations chimiques du fait ou au cours de leur travail. Comparé à celui fourni par l’enquête SUMER 1994, réalisée dix années auparavant, ce chiffre est en augmentation. On assiste également à un allongement des durées hebdomadaires d’exposition et à la multiplication des expositions multiples d’un même salarié. L’enquête révèle l’exposition de nouvelles catégories professionnelles jusque-là épargnées, en particulier en raison de la polyvalence. La population exposée est plutôt jeune : près d’un salarié exposé sur deux a moins de 24 ans, ce qui peut augurer de nombreux problèmes de santé à venir.

6Parmi les salariés exposés, plus d’un sur trois l’est à des substances et préparations cancérogènes (Guignon, & Sandret, 2005). Plus d’un quart l’est de façon importante du fait de la durée d’exposition ou/et de l’insuffisance des protections collectives. L’inventaire réalisé par l’INRS estime la consommation annuelle de 324 agents chimiques CMR (cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques) à 4,8 millions de tonnes en France en 2005.

7Ces expositions se traduisent par une progression sensible des maladies professionnelles réparées malgré la sous-déclaration que soulignent les études publiées (Bilger, Badouin, Bonnet, & Larroze, 2004). En effet, sur la même période, les cancers reconnus comme maladies professionnelles ont progressé de 56  % pour les affections liées à l’exposition aux poussières d’amiante, et 50  % en moyenne (42 – 58  %, selon l’affection) pour les affections liées à l’exposition à des substances organiques. L’Institut National de Veille Sanitaire (Buisson, Bourgkard, Goldberg, & Imbernon, 2004) estime que 13 à 29  % des cas incidents de cancers broncho-pulmonaires chez l’homme, 10 à 14  % de ceux de la vessie et 5 à 18  % des leucémies seraient attribuables aux expositions professionnelles. Le nombre de décès attribuables à ces expositions varierait entre 2946 à 5930 sur une mortalité masculine de 22259 pour ces trois sites ou affections. Les chiffres rapportés par le Giscop93 (Groupement d’intérêt scientifique pour la surveillance des cancers d’origine professionnelle) sont encore plus alarmants. 84  % des personnes atteintes de cancers dans le département de la Seine-Saint-Denis ont été exposées à des cancérogènes au cours de leur vie professionnelle (Thébaud-Mony, 2008)

8En même temps, on constate l’émergence des affections respiratoires et cutanées de mécanisme allergique : elles progressent respectivement de 13 et 16  % durant la seule deuxième moitié de la décennie. Nos premiers travaux sur les risques différés liés à l’exposition aux pesticides mettaient déjà en évidence le développement de troubles neurocomportementaux (Baldi, Filleul, Mohammed-Brahim, Fabrigoule, Dartigues, Schwall, et al., 2001 ; Bouillard-Dalbos, Baldi, Filleul, & Mohammed-Brahim, 2001) et de pathologies neurodégénératives (Baldi, Lebailly, Mohammed-Brahim, Letenneur, Dartigues, & Brochard, 2003).

1. Rappel historique du développement de l’ergotoxicologie

9Les préoccupations de l’ergonomie pour les risques chimiques et la toxicologie remontent à une vingtaine d’années. Delvové (1984) fait partie des premiers auteurs qui soulignent l’intérêt d’une approche, qui dans la complexité d’une situation de travail, prenne en compte les risques et les coûts réels des organismes soumis aux atmosphères toxiques. C’est probablement à Villate (1985, p. 303) que l’on doit la première mention d’« une approche ergotoxicologique » qui « implique que, dès à présent, on utilise les normes comme points de repère plutôt que des certitudes de non-danger. Elle implique que la toxicité des produits devrait être évaluée à partir de la prise en compte des caractéristiques des travailleurs qui sont exposés, âge, sexe, ancienneté au poste de travail, antécédents médicaux et évidemment, activité de travail ».

10Cette approche ergotoxicologique s’est ensuite développée au milieu des années 80, dans le sillage de l’anthropotechnologie élaborée par Wisner (1997). Le point de départ de l’antropotechnologie en matière de toxicologie a été l’analyse des conditions de travail des agriculteurs dans les pays tropicaux. À partir de premières préoccupations principalement physiologiques en termes de pénibilité, de travail en ambiance chaude et de consommation d’énergie, Wisner a abordé l’exposition des agriculteurs aux produits phytosanitaires. Il reprend les travaux de Silva et al. (Silva, Clemente, Da Silveira, Meireles, De Simoni, Carvalho, et al., 1980) pour poser les enjeux en matière de santé des agriculteurs : «  Près d’une haie, un jeune homme trempait dans un seau plein de liquide orange, des segments de canne destinés à être plantés. Les vêtements du jeune homme étaient imprégnés du liquide orange qui se trouvait être un insecticide organomercuriel d’usage courant.… Une enquête permit de découvrir dans la région une épidémie de paralysies mercurielles diagnostiquées jusqu’alors comme d’origine poliomyélitique par les médecins de famille non informés des risques du travail ». L’usage des produits phytosanitaires est alors considéré comme un exemple de transfert de technologies entre des pays et des contextes d’utilisation différents. Les travaux de Veiga et al. (Veiga Motta, Marcondès Silva, Bechara Elabras Veiga, & Velho de Castro Faria, 2006) montrent que des histoires proches de celle contée par Wisner sont toujours présentes, en particulier dans des pays qualifiés d’émergents comme le Brésil, mais pas seulement.

11La première approche structurée en termes d’analyse ergonomique de l’exposition des travailleurs agricoles aux pesticides est à mettre au crédit de Sznelwar dans son «  Essai ergotoxicologique » (1992). Il défend alors 3 thèses :

  • «  L’organisation du travail et la stratégie d’utilisation sont des aspects fondamentaux dans l’exposition aux biocides ;

  • En étudiant l’activité déployée par les opérateurs aux différents postes de travail où ils exercent pour accomplir cette tâche, nous pouvons établir une claire différenciation de l’exposition existant à chaque étape ;

  • Les producteurs et les salariés agricoles possèdent une représentation du risque sanitaire encouru par l’exposition aux biocides, même si les mesures d’hygiène et de protection prescrites sont difficilement respectées. Ils sont obligés d’établir certains types de compromis, en tenant compte de leur représentation du risque, des exigences de la production, des difficultés pour exécuter la tâche en question et la nécessité de conserver leur emploi et se maintenir dans la profession  ».

12Vilatte et Sznelwar posent ainsi les premières bases théoriques de l’ergotoxicologie.

13Il est à noter que ces fondements de l’ergotoxicologie ne seront pas immédiatement repris par la communauté des ergonomes français. Cet élément surprenant peut s’expliquer par le fait que dans les années 80 la plupart étaient mobilisés par les enjeux de la modernisation et de l’automatisation de l’industrie (Pinsky, & Theureau, 1985 ; Daniellou, 1988) et que la demande sociale sur le risque chimique, si elle avait existé, n’aurait pas été tout à fait audible.

14La conjonction d’un contexte géographique «  le vignoble bordelais  », gros utilisateur de pesticides puis historique (la réglementation amiante et les premiers chantiers de déflocage), nous a amenés au milieu des années 90 à réinterroger l’ergotoxicologie. Dès nos premières observations s’imposait l’hypothèse que le déficit de prévention du risque chimique pour la santé serait lié à un manque de référence à l’activité de travail, et ce alors même que ne cessent d’apparaître sur le marché des substances de plus en plus toxiques : irritants et allergisants, cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction – CMR. Ceci nous a conduits à solliciter de nouveau et alimenter l’approche ergotoxicologique (Mohammed-Brahim, 1999). En raison de ces opportunités spatiales et temporelles, nos interventions se sont d’abord cristallisées autour de l’exposition des viticulteurs aux pesticides lors des traitements phytosanitaires (Mohammed-Brahim, Daniellou, & Brochard, 1997) puis autour des activités de retrait de l’amiante en place (Garrigou, Mohammed-Brahim, & Daniellou, 1998 a, b, c ; Mohammed-Brahim, Daniellou, & Garrigou, 1998). Ce développement s’est ensuite étendu et diversifié à l’industrie (Mohammed-Brahim, 2004a ; Moura-Rouane, & Mohammed-Brahim, 2005 ; Garrigou, Mohammed-Brahim, Pasquereau, Vallier, & Carballeda, 2006), dans les travaux publics (Mohammed-Brahim, 2004b) et dans l’agroalimentaire (Mohammed-Brahim, 2007).

15C’est sur la base de ces travaux que nous allons discuter du modèle de la prévention du risque chimique.

16Un certain nombre de travaux sur le risque chimique (amiante, pesticides) et sur les radiations ionisantes ont abordé l’exposition à partir de formes d’analyse de l’activité. Bien qu’ils ne se revendiquent pas de l’ergotoxicologie, ces travaux ont néanmoins alimenté cette approche. Ils ont été réalisés en France (Héry, 2002 ; Héry, Possoz, & Kauffer 1997 ; Meyer, 1997), au Québec ou au Brésil en particulier (Demers, Vézina, & Messing, 1991 ; Smargiassi, 2000 ; Seifer, 2008).

2. Le modèle dominant de prévention du risque chimique et ses limites

17La directive européenne cadre du 12 juin 1989, transposée dans le droit du travail français par la loi du 31 décembre 1991, énonce différents principes généraux de prévention dont trois qui questionnent très directement la prévention du risque chimique : éliminer ou diminuer le risque à la source ; confiner, évacuer ou parer le risque ; protéger individuellement du risque résiduel. L’adaptation du travail à l’homme (article 6, 2, d) seulement mentionnée en référence au travail monotone et cadencé, qu’il convient d’atténuer.

18La mise en œuvre de ces objectifs en matière de risque chimique mobilise des connaissances et des pratiques issues de la toxicologie industrielle et de la médecine du travail.

19La toxicologie industrielle vise, selon ses principaux auteurs, à prévenir «  les effets délétères qui surviennent chez les individus [...] par l’usage d’une substance à la quantité et de la façon prescrites  » (Klaassen, 1986). Cet objectif suggère deux postulats :

  • Une relation déterministe substance (au singulier) – effet(s) à partir d’une dose seuil (quantité)

  • Une référence explicite au prescrit (la tâche) et non pas à l’activité.

20La médecine du travail vise à établir l’aptitude ou la non contre indication médicale à l’usage de ces substances qui atteste qu’il n’y a pas de risque lié à l’état de santé préexistant propre au salarié exposé.

21Ainsi, en se fondant sur des études de toxicité, la toxicologie industrielle établit les seuils à partir desquels l’exposition à la substance considérée ne produit pas l’effet potentiel. Ces seuils sont édictés en France sous la forme de valeurs moyennes d’exposition professionnelle (VLEP, arrêté et décret du 26 octobre 2007). En termes de prévention, nous pouvons assimiler la démarche à un «  écran normatif  » qui serait apposé pour empêcher la toxicité potentielle d’atteindre son niveau délétère.

22Cet «  écran normatif  » se réalise, au cours de la tâche, dans un «  écran matériel  » formé par les protections collectives et individuelles et les consignes de sécurité qui devrait ramener les niveaux d’exposition effective de l’opérateur en dessous de ces valeurs normatives.

23La médecine du travail détermine quant à elle, à partir des antécédents, des habitudes, des examens cliniques, et paracliniques le cas échéant, si l’état de santé préexistant de l’opérateur ne prédit pas sa susceptibilité individuelle à la substance. Si c’est ce cas, une inaptitude ou une contre indication médicale au travail seront prononcées par le médecin du travail, agissant comme un «  écran réglementaire  » apposé à l’effet potentiel prédit.

24Ces trois démarches prennent forme dans un modèle de prévention du risque chimique pour la santé que nous avons appelé «  modèle par écrans  » (Figure 1) en référence donc à ces «  écrans normatif, matériel et réglementaire  » (Mohammed-Brahim, 2006a).

25La notion d’écrans, que l’on peut rapprocher de celle de barrières développée par Reason (2004) et Hollnagel (2006), fait référence au paradigme même du modèle dont l’objet est d’apposer donc ces écrans ou barrières aux facteurs de dangers identifiés (agent chimique dangereux, tâche exposante, état de santé péjoratif). En limitant la prévention du risque chimique à la seule interposition face aux dangers, le modèle s’interdit de fait de rechercher et d’agir sur les déterminants techniques, organisationnels et humains mêmes de ces dangers, et se prive de marges de manœuvre mobilisables pour une démarche intégrée de prévention du risque chimique.

Figure 1 : Modèle par écrans de la démarche préventive du risque toxique en milieu de travail (Mohammed-Brahim, 2006a).
Figure 1: Model displaying the preventive approach to toxic risk in a work environment (Mohammed-Brahim, 2006a)

Figure 1 : Modèle par écrans de la démarche préventive du risque toxique en milieu de travail (Mohammed-Brahim, 2006a). Figure 1: Model displaying the preventive approach to toxic risk in a work environment (Mohammed-Brahim, 2006a)

3. Apport critique de l’ergotoxicologie au modèle

26Ce modèle, qui reste le modèle dominant de prévention du risque chimique, est pris en défaut, que l’on y entre par la limite d’exposition, par l’aptitude ou la non contre-indication médicales, ou par les équipements et les consignes de protection.

3.1. Les limites des normes d’exposition professionnelle

27Il est incontestable que la prescription réglementaire de normes d’exposition en toxicologie industrielle a permis une réduction importante des expositions professionnelles compte tenu de leurs niveaux de départ. Néanmoins les raisons de penser que ces normes, malgré la révision périodique à la baisse des niveaux autorisés, n’ont pas été suffisantes pour réduire sensiblement le risque pour la santé, sont malheureusement confortées par les chiffres que nous avancions précédemment.

28Les limites que nous voyons aux normes d’exposition sont de deux ordres :

  • Celles que nous qualifierons d’intrinsèques, inhérentes aux considérations et aux processus mêmes d’élaboration de ces normes ;

  • Celles que nous qualifierons d’extrinsèques, et qui sont inhérentes à la confrontation de ces normes avec la réalité du milieu de travail.

3.1.1. Les limites intrinsèques

29En l’absence de données épidémiologiques fournies par les investigations sur volontaires (éthiquement contestables) ou par l’observation de travailleurs exposés (lourdes et plutôt tardives), les normes fixant les limites d’exposition à une substance chimique sont essentiellement basées sur des connaissances scientifiques issues de l’expérimentation animale dont des protocoles n’ont été codifiés que récemment au niveau international (OCDE, 2005 ; European Chemical Bureau, 2005).

30L’extrapolation de ces données expérimentales de l’animal à l’homme comporte des approximations non négligeables, voire fortes. Les toxicologues prennent la précaution d’arrêter des seuils de toxicité pour l’homme qui sont 2 à 10 supérieures à celles qui sont déterminées pour l’animal, selon les substances. Ces facteurs de sécurité reposent néanmoins sur des considérations pragmatiques et n’ont pas toujours empêché des effets différés d’apparaître chez l’homme : le cas du mésothéliome lié à l’amiante en est une illustration dramatique (Ameille, Brochard, & Pairon, 2000).

31Les données disponibles permettent de déterminer le ou les indicateurs de santé de référence, et l’écart, admissible pour ces indicateurs, qui permette de maintenir le risque à un niveau socialement acceptable. Ce processus est étroitement dépendant de la définition qui est donnée de la santé, et des conséquences économiques et sociales du niveau de risque retenu comme admissible. Ainsi, pour une substance produisant un effet respiratoire (indicateur), quel degré de nocivité devra-t-on considérer comme inadmissible : l’inconfort d’une odeur désagréable ou d’une irritation des muqueuses ? Une atteinte fonctionnelle ? Réversible ou non ? Des manifestations de bronchite chronique ? Un cancer pulmonaire ? (Lauwerys, Haufroid, Houet, & Lison, 2007 a). Encore faut-il que la relation dose-effet soit de type déterministe, dite à seuil (effets aigus et chroniques non CMR, dont la gravité est proportionnelle à la dose). Il en va autrement si la relation est du type stochastique, sans seuil (effets cancérigènes et mutations génétiques, pour lesquels la fréquence - mais non la gravité - est proportionnelle à la dose). Dans le cadre de ces recherches, prenant en considération divers modèles mathématiques décrivant la relation entre la dose et la réponse biologique, Jayjock, Lewis et Lynch (2001) montrent que le risque résiduel existant à une valeur donnée peut varier de plusieurs ordres de grandeur selon qu’on regarde la tendance centrale ou les limites de la distribution.

32Nonobstant ces limites, l’expertise scientifique est ensuite confrontée aux intérêts des partenaires sociaux eux-mêmes divergents dans un rapport de force où l’argument scientifique n’est pas toujours le plus déterminant. La norme est donc le résultat d’un processus social de négociations, dans lequel les données scientifiques ne sont pas toujours pas toujours suffisamment considérées. Nous rappelons pour mémoire les fameux écarts entre les normes soviétiques et les normes américaines du temps de la guerre froide (5 mg/m3 en URSS contre 80 mg/m3 aux USA pour le benzène par exemple). De nos jours encore, dans l’espace communautaire européen, la VMEP (Valeur moyenne d’exposition professionnelle) du toluène est en France le double de celle en vigueur en Allemagne. Des critiques sévères, de la part de toxicologues mêmes, ont été publiées à l’endroit du lobbying corporatiste de professionnels de l’American Conference of Industrial Hygienists (ACGIH) qui est le principal promoteur de normes au niveau international (Castelman, & Ziem, 1988).

3.1.2. Les limites extrinsèques

33Le modèle de construction des normes postule :

  • Qu’un seul toxique est présent à la fois dans l’environnement de travail ;

  • Que ce toxique pénètre dans l’organisme par la seule voie respiratoire ;

  • Au cours d’un travail qui se déroule à une température, une pression et pendant une durée précises (25 °C, 700 mm Hg, 8 heures/jour/5 jours par semaine) ;

  • Que le modèle de la personne exposée est un homme biologique moyen sain, indemne de toute “ hypersensibilité ”.

34À l’évidence ces conditions n’ont aucune chance d’être réunies au cours de l’activité réelle de travail. Les toxicologues ont proposé des ajustements pragmatiques pour intégrer les interactions entre substances ou la variabilité des temps de travail (Utilitaires VMEA et Mixie, IRSST, Québec) mais restent réservés (Vyskocil, Drolet, Viau, Brodeur, Tardif, Gérin, et al., 2004). Depuis une dizaine d’années aux Etats-Unis et depuis 2007 seulement en France, l’adjonction de la mention «  skin  »/» peau  » aux valeurs établies, lorsque la substance pénètre également par la voie cutanée, rend obsolète, pourrait-on dire, la norme dans de nombreuses situations de travail. Quant à la notion d’individu sain, elle renvoie au grand débat sur la définition de la santé qu’il serait ardu de décliner dans les limites de ce texte.

35Complètement décontextualisée, la norme est encore plus mise à mal par la variabilité du travail :

  • Des paramètres d’environnement (thermique, sonore, lumineux) peuvent modifier sensiblement le comportement des substances chimiques présentes sur le lieu de travail, ainsi que les modalités et l’intensité de leur pénétration dans l’organisme ou leur toxicité. Une température élevée augmente la volatilité ; elle favorise l’absorption cutanée d’autant plus que l’humidité ambiante est élevée. Les effets ototoxiques synergiques d’une exposition concomitante aux solvants et au bruit ont été clairement établis (Demange, Chouanière, Loquet, Perrin, Johnson, & Morata, 2001). Les composés photosensibles dissipent l’énergie lumineuse absorbée et manifestent leur toxicité ;

  • Le modèle auquel se réfère la norme est rarement réaliste dans des situations de travail complexes et dynamiques, dans lesquelles l’opérateur aura des expositions multiples, alors que l’on ne se sait pas qu’elle peut être la potentialisation des produits entre eux et leurs effets sur l’opérateur. Prenons l’exemple des mélanges de produits chimiques et le cas de la présence de solvant dans les produits phytosanitaires, dont la fonction est de faciliter le passage du produit au sein de la plante. Du point de vue de la santé au travail, les solvants présentent des dangers avérés voir le cas de l’exposition au benzène, qui a conduit un agriculteur à une reconnaissance de maladie professionnelle, (Mahiou, 2007). Mais si les solvants facilitent le passage des matières actives au sein de la plante, ils vont alors faciliter l’entrée de ces dernières dans le corps humain, et en particulier au niveau cutané ;

  • L’organisation temporelle de l’activité, en rythmant les séquences et les durées d’exposition, peut modifier la toxicité même des substances. On sait par exemple que pour une concentration létale unique, le chlore est plus toxique que le brome, alors qu’on note un phénomène inverse pour ces halogènes pour des concentrations sublétales répétées (Weil, 1975) ;

  • L’effort physique, lié à toute activité, va nécessiter des régulations physiologiques cardiaque et ventilatoire pour maintenir le niveau d’effort (Meyer, 1997). Cela va se traduire d’abord par une élévation de la fréquence cardiaque, puis de la fréquence ventilatoire et du débit ventilatoire : ce dernier peut passer de 8 l/mn au repos à 80 l/mn dans le cas d’un effort intense (Monod, & Pottier, 1981). Dans ces conditions, si l’air respiré contient un produit toxique sous forme d’aérosols, le niveau de contamination entre un opérateur assis qui fait un contrôle qualité et un manutentionnaire peuvent varier dans un rapport de 1 à 10. Mais cette question se pose aussi au niveau de la voie de contamination cutanée. En effet, l’effort physique va produire de la chaleur qui devra être dissipée, sinon cela se traduira par une élévation de la température interne, qui peut dans certains cas entraîner des syncopes. Cette évacuation de la chaleur produite par l’effort va provoquer une dilation du diamètre des vaisseaux sanguins sous-cutanés afin d’augmenter la surface d’échange thermique et une augmentation du flux circulatoire. Si le produit chimique auquel est exposé le travailleur est liposoluble, la quantité de produit qui passera par voie cutanée sera beaucoup plus importante selon que le travailleur réalise un effort léger ou intense. On peut souligner le travail de chercheurs Québécois (Hamelin, Charest-Tardif, Truchon, & Tardif, 2004 et 2005) qui dans cette perspective, développent des programmes de recherche afin de prendre en compte l’effet du niveau d’activité physique dans l’élaboration et l’application de modèles toxicocinétiques à base physiologique. À titre d’exemple, une exposition à 100 ppm de toluène pendant 8 heures entraîne une excrétion supplémentaire de 1 g d’acide hippurique en situation de repos et de 3 g en situation de travail physique modéré et témoigne de la pénétration accrue de la substance (Cohr, & Stockholm 1979) ;

  • La nature des postures exigées par l’activité peut favoriser la contamination. Dans une industrie du nautisme, Carayon, Faure et Ferrenc (2006) et Garrigou et al. (2006) montrent que lors d’une activité d’ébullage, les exigences de qualité, la nécessité de contrôler visuellement le fond des coques des bateaux et la précision requise par les actions d’ébullage contraignent les travailleurs à des postures penchées. L’approche ergotoxicologique mise en œuvre, associée à des mesures instantanées de concentration de styrène, a montré que lors des postures très penchées, la durée d’exposition à une concentration supérieure à 50 ppm était la plus importante. La posture va donc déterminer la distance entre les sources d’émission de produits chimiques et le corps (voies respiratoires ou peau) ;

  • La fréquence des incidents lors de l’activité peut avoir des conséquences sur l’exposition. Meunier et Ozog (2007) ont montré que dans le cas d’activité de mise en œuvre de revêtements routiers à base de bitume, à chaque redémarrage de la « finisseuse » suite à des incidents (liés au process ou bien à l’approvisionnement en bitume en amont), le niveau d’exposition à des vapeurs de composés organiques volatiles était le plus important ;

  • Il ne faut pas oublier non plus que le process industriel peut modifier les substances chimiques initiales, par exemple par pyrolyse. Garrigou, Viallesoubranne et Carballeda (2008a) décrivent le problème posé par l’utilisation d’une graisse couramment utilisée pour lubrifier des organes mécaniques. Les informations présentes dans la Fiche de Données Sécurité ne mentionnent aucun risque particulier. Or dans certaines conditions, lorsque les organes lubrifiés sont en fonctionnement, leur température peut augmenter fortement, pouvant générer un phénomène de pyrolyse de la graisse en question. Dans ce cas et à partir de 150 degrés, cette graisse considérée comme sans risque particulier va émettre du formaldéhyde, produit considéré comme cancérigène !

36Suite à cette discussion se pose la question très difficile de la représentativité des mesures faites en situation réelle. En effet, du point de vue de l’aéraulique, les situations de travail sont particulièrement instables et il est très délicat de définir des zones de concentration homogènes. Selon la densité du produit et la température ambiante, la présence de courants d’air mais aussi de « zones mortes », le produit chimique peut être dilué dans l’air dans certaines zones de travail et se concentrer dans d’autres zones. Dans ce contexte, que signifie la mesure en hygiène industrielle, et quelles sont ses limites ? Ce point est rarement abordé.

3.2. Les limites des consignes de sécurité et des équipements de protection

37Bien que la directive européenne cadre concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail ait consacré des avancées comme la mise le plus en amont des règles de prévention et l’élargissement des composants de la situation de travail, force est de constater qu’elle n’a pas rompu avec le modèle dominant. Comme nous l’avons fait remarquer, ladaptation du travail à l’homme par la conception n’intervient que dans l’alinéa 2d de l’article 6, au seul propos des postes de travail, et seulement pour atténuer le travail monotone ou cadencé. L’essentiel des prescriptions vise les situations préexistantes.

38Le constat sur le terrain est sans appel. Il n’y a aucune protection collective pour 39  % des expositions aux cancérogènes en France. Ces protections sont en même temps peu adaptées à la nature du risque, le vase clos n’étant que très rarement cité (3  %), l’aspiration à la source restant limitée (14,5  % des situations) ainsi que la ventilation générale (14  %) qui n’est d’ailleurs pas adaptée à ces circonstances d’exposition (Guignon, & Sandret, 2005).

39C’est un lieu commun de dire que les équipements de protection individuelle ne sont que rarement portés et les consignes de sécurité souvent contournées, sans que ni la sensibilisation, ni la formation, ni même la coercition ne réduisent complètement les résistances des opérateurs.

40Le problème est que les équipements de protection, prévus dans des situations de travail nominales, contraignent souvent l’activité de travail (recueil d’informations sonores, visuelles ou tactiles pertinentes sur le fonctionnement du process, gêne pour des gestes précis, etc.), accentuant aussi la pénibilité du travail (masques, combinaisons étanches qui réduisent la régulation thermique et génèrent une pénibilité physique supplémentaire). La sous-estimation, par les professionnels de la sécurité, de la complexité des situations de travail et en particulier des modes dégradés (Garrigou, & Peissel-Cottenaz, 2004) accentue les écarts entre les modes opératoires prévus pour travailler en sécurité et les modes opératoires possibles pour les travailleurs. Dessors et Cru (1989) rappellent à ce sujet que le rapport aux travailleurs « se fonde sur des normes disciplinaires imposées pour tenter d’obtenir le respect des prescriptions de sécurité ». On peut se poser la question de savoir si les moyens de protection ne devraient pas être abordés dans une logique de transfert de technologie, tant les situations réelles de travail s’écartent du mode nominal prévu initialement (Garrigou, Baldi, & Dubuc, 2008b). Dans ces conditions, la protection peut même faire figure de leurre, voire devenir elle-même une source de danger pour le travailleur qui la porte. Dans leur étude sur l’exposition aux pesticides dans la viticulture, Baldi et al. (Baldi, Lebailly, Barrau, Bouchart, Lecluse, & Garrigou, 2007) montrent que des opérateurs qui portent une combinaison de protection sont, paradoxalement, 2 à 4 fois plus contaminés lors des opérations d’application et de nettoyage des équipements de travail que les travailleurs non protégés. L’usage multiple de la même combinaison ou sa contamination préalable au cours de l’activité peuvent être à l’origine de ce paradoxe. Des personnes non protégées mais ayant développé des savoir faire de prudence, peuvent également avoir des niveaux de contamination plus faibles (Garrigou et al., 2008b). Par ailleurs, des voies d’effraction ont été mises en évidence dans certaines situations de travail. Ainsi, la métrologie de l’exposition cutanée d’opérateurs protégés par des combinaisons étanches et des gants lors d’opérations de nettoyage des équipements de traitement phytosanitaire de semences, montre que 100  % de l’exposition effective par cette voie se fait par défaut d’étanchéité au niveau des poignets (Mohammed-Brahim, 2007).

41La disponibilité effective d’équipements de protection efficaces dans les différentes situations d’exposition constitue un autre problème.

42En matière d’équipements de protection individuelle et particulièrement au niveau des combinaisons, le diagnostic de la situation rencontrée en milieu viticole nous amène à adresser une alerte sur l’excès de perméation des combinaisons de protection contre les matières actives phytosanitaires. Une analyse complète du dispositif de conception et de normalisation de tels équipements de protection individuelle (EPI) dédiés aux activités agricoles (Garrigou et al., 2008b) montre que le protocole de test de la perméation correspond à des situations industrielles. Il n’est alors pas prévu de les tester avec des matières actives phytosanitaires mais seulement avec des acides ou des bases, ce qui n’est pas adapté à la situation rencontrée.

43Nos études sur l’exposition des mains au formaldéhyde dans les laboratoires d’analyses biologiques et médicales, après son classement comme cancérogène de catégorie 1 par l’UE, révèlent qu’aucun gant jetable disponible sur le marché ne garantit un temps de passage supérieur à 10 minutes. Il faut pourtant savoir que la consommation de cette substance en France est estimée à 125 000 tonnes par an, et que 42 000 salariés y sont potentiellement exposés. Dans notre étude sur les chantiers de retrait de l’amiante en place nous avons analysé la qualité de l’air respiré par les opérateurs travaillant sous adduction et en combinaison étanche. Le nombre de fibres retrouvées à l’intérieur des masques n’était pas négligeable, représentant 2 à 4 fois le niveau légal au-dessus duquel les locaux doivent être mis sous contrôle. La concentration en vapeurs d’huiles dépassait de 3 fois la valeur admissible dans l’air ou dans les mélanges respirés par les travailleurs en atmosphère comprimée (Garrigou et al., 1998a ; Mohammed-Brahim et al., 1998).

44Il en est de même en matière d’équipements collectifs. Sur 10 tracteurs munis de cabines que nous avons rencontrés au cours de nos observations des traitements phytosanitaires de la vigne, toutes étaient volontairement ouvertes, ceci en raison de la mauvaise visibilité occasionnée par le recouvrement des vitres par le produit de traitement qui contient un agent fixant (Mohammed-Brahim, 1996). Ce constat renvoie au processus de conception même de ce type de matériel, qui tout en étant très cher ne répond pas aux besoins des utilisateurs ; nous avons même identifié des cas où un tracteur neuf muni d’une cabine présentait un manque d’étanchéité dès sa mise en service !

45Enfin, les procédures de sécurité sont souvent piégées par la réalité du travail. Nous avons mené une étude sur l’organisation temporelle de l’activité des opérateurs dans les chantiers de retrait de l’amiante en place. Elle montre comment la réglementation en matière de durée de travail continu en zone confinée, bien que strictement respectée, entraîne des dérives en matière d’alternance des périodes de travail en et hors zone, de durée et d’occupation du temps hors zone, ce qui augmente la pénibilité (Mohammed-Brahim, Garrigou, Daniellou, & Brochard, 2000). Dans une autre intervention ergotoxicologique destinée à réduire le niveau d’exposition au plomb inorganique des travailleurs d’une fonderie, les procédures de sécurité étaient sacrifiées dans la mesure où les salariés, autorisés à quitter leur poste dès la fin de l’opération de fonte, accéléraient eux-mêmes les cadences pour se libérer le plus tôt possible. Ainsi, toute règle qui pouvait allonger le temps de travail passait à la trappe dans la mesure où elle ne compromettait pas la qualité du produit. Nos observations ont montré que ce sont les règles de sécurité qui passent les premières à la trappe (intervention avant refroidissement suffisant des lingots, croisement d’opérateurs dans des espaces réduits par anticipation inappropriée sur la succession prescrite des opérations, etc.) (Mohammed-Brahim, & Bonnin, 2004).

46Cet état des lieux nous permet aussi d’interroger la place de la prévention et des préventeurs (Garrigou & Peissel, 2004) dans les processus de conception, de même que les futurs utilisateurs par exemple dans le cas d’exploitants agricoles (Rouilleau, & Sagory, 1997 ; Bernon, 2002 ; Brunet, Presselin, Viel, & See, 2005 ; Hamon, 2006). Des processus de conception techno centrés conduisent à des installations coûteuses qui ne garantissent pas des niveaux de protection satisfaisant voire qui obligent les travailleurs à prendre des risques pour pouvoir réaliser leur activité (Béguin, & Cerf, 2004).

47Nous ne terminerons pas ce chapitre sans évoquer le recours largement insuffisant à la substitution, pourtant recommandée dès le premier alinéa de l’article premier de la directive européenne mentionnée ci-dessus. Dans un rapport publié en 2005 par Greenpeace à ce sujet, il est noté «  que la mise au point et l’adoption d’alternatives plus sûres n’avancent que lentement, de façon fragmentaire, voire pas du tout dans certains secteurs  ». Deux raisons majeures, d’ailleurs liées entre elles, expliqueraient ce constat. Le fait, qu’encore une fois, la substitution n’est envisagée qu’a posteriori, sur des process stabilisés, et que sa mise en œuvre va rencontrer des contraintes qui ne sont pas négligeables. Analysant les pratiques de substitution du perchloroéthylène dans les installations de nettoyage à sec dans plusieurs pays d’Europe et d’Amérique, l’INERIS (2005) conclut que «  ces technologies possèdent des avantages (moins de dangers pour la santé, pour l’eau et les hydrocarbures et moins d’émissions dans l’air) mais aussi des inconvénients notoires (par exemple : détérioration des tissus et difficultés à enlever certaines taches pour le nettoyage au mouillé, risque d’incendie, effets sur la santé suspectés pour de nouveaux produits classés dans les hydrocarbures, et pour le dioxyde de carbone, et efficacité moindre pour enlever certaines taches) ».

3.3. Les limites de la régulation du risque chimique par l’aptitude médicale

48L’inaptitude ou la contre indication médicale vise donc à ne pas exposer la personne reconnue médicalement «  hypersensible  » (l’«  hypersensibilité  » pouvant être génétique ou acquise), sachant qu’une réponse délétère à l’agression xénobiotique interviendrait chez elle à des niveaux de dose plus faibles que la VMEP (valeur moyenne d’exposition professionnelle) admissible.

49L’avis d’aptitude sanctionnant la visite médicale, de façon systématique comme en France ou seulement pour des travaux particuliers comme dans d’autres pays, constitue la seule dérogation au droit interdisant toute forme de discrimination. Le code pénal prévoit en effet que les dispositions de son article 225-3 ne sont pas applicables «  aux discriminations fondées sur l’état de santé ou le handicap, lorsqu’elles consistent en un refus d’embauche ou un licenciement fondés sur l’inaptitude médicalement constatée par le médecin du travail.  »

50Or cette disposition présente des limites au regard de l’objectif visé d’une part, et sur le plan opérationnel d’autre part.

3.3.1. En quoi cette disposition ne répond-elle pas à l’objectif de protection des travailleurs «  hypersensibles  » ?

51L’avis d’inaptitude repose sur la présomption qu’un état de santé préexistant ou acquis au cours de la vie professionnelle occasionne un risque accru pour la santé de la personne. Ainsi, l’insuffisance rénale par exemple favoriserait la toxicité des substances éliminées par cette voie. En conséquence, le salarié qui présente les stigmates d’un dysfonctionnement des reins sera déclaré inapte s’il est probable qu’il puisse être exposé à des toxiques comme les métaux lourds, y compris à des niveaux compatibles avec la VMEP (Valeur moyenne d’exposition professionnelle).

52En dépit de la tournure nuancée que prend la recommandation dans la dernière édition de son traité de toxicologie industrielle, il s’agit encore bien de cela lorsque Lauwerys écrit qu’«  il est prudent de considérer la possibilité d’écarter de l’exposition au plomb les sujets atteints d’atteinte rénale » (Lauwerys, Haufroid, Houet, & Lison, 2007b) après avoir écrit des années plus tôt que l’examen de préemploi «  doit écarter de l’exposition au plomb  » ces mêmes sujets et de suggérer que l’alcoolisme, rendant les travailleurs plus sensibles, pourrait constituer un motif d’inaptitude médicale à l’embauche (Lauwerys, 1999). Cette évolution du discours, sans renoncer au «  dogme  » de l’aptitude, traduit bien le malaise des professionnels vis-à-vis de cette disposition.

53Quand l’inaptitude repose carrément sur des facteurs génétiques tels que l’autorise implicitement aujourd’hui la réglementation sur les CMR en France à travers la notion de non contre-indication médicale à l’embauche, nous passons de fait d’une médecine préventive à une médecine prédictive comme l’explicite et l’admet le Comité consultatif national d’éthique dans son avis et recommandations n° 46 du 30 octobre 1995. Cette position ne constitue pas une autre exception française, puisque dès les années 70 des auteurs américains proposent d’utiliser le concept de défaut génétique pour expliquer la réponse des travailleurs hypersensibles aux produits chimiques et préconisent alors des tests prédictifs en vue d’identifier les travailleurs hypersensibles aux substances chimiques présentes dans le milieu de travail (Stokinger, & Scheel, 1973). Indépendamment de l’appréciation «  éthique  » que l’on pourrait avoir sur cette position, nous ne la jugerons ici que du point de vue de ses fondements scientifiques et opérationnels.

54Une lecture des avancées de la génétique quantitative sur laquelle repose le fondement scientifique de cette démarche montre l’impossibilité d’établir une relation mesurable entre gènes et environnement et d’évaluer les effets de l’interaction des facteurs de susceptibilité innés et acquis, d’une part, et ceux d’une agression génotoxique spécifique, d’autre part (Fromeut, 1998). D’un point de vue opérationnel, dans une démonstration magistrale, Vandamme et Casteleyn (1994) concluent que 95 personnes sur 1000 testées pour l’atopie seraient exclues à l’embauche au travail dans les laboratoires d’animaux sur la base d’un résultat positif faux de ce test.

55A contrario, des études mettent en évidence les capacités des individus atteints de pathologies ou de handicaps à s’adapter au poste de travail et, éventuellement, à compenser avec succès leurs déficiences (Gosselin, 2007). Nous avons nous-mêmes montré comment, au même poste de travail, pour la même tâche, dans nos études sur le nettoyage des équipements d’enrobage dans les stations de traitement phytosanitaires de semences et au cours de l’opération de broyage des graines pour la recherche de mycotoxines, les niveaux d’exposition peuvent varier d’un facteur 5 à 10 selon la façon de faire des opérateurs. Ces écarts peuvent davantage expliquer la variabilité des effets d’une substance chimique sur la santé qu’une supposée variabilité biologique dont l’influence reste au demeurant, souvent, de l’ordre de l’hypothèse (Mohammed-Brahim, 2006b ; Mohammed-Brahim 2007).

56Ces arguments montrent que, non seulement l’avis d’aptitude ne protège pas les salariés dits «  hypersensibles  » contre toute atteinte à leur santé du fait de leur exposition à des substances chimiques au travail, mais peut également exclure à tort des salariés tout à fait sains. Toutes les victimes de l’amiante avaient été déclarées médicalement aptes.

3.3.2. En quoi cette disposition n’est-elle pas opérationnelle ?

57L’inaptitude médicale constatée par le médecin du travail a pour conséquence de priver le salarié qui en est l’objet de l’accès à l’activité de travail pour laquelle il postule ou de l’en exclure s’il l’occupe déjà, sans véritable recours pour lui en dehors des professions médicales elles-mêmes (avis conforme du médecin inspecteur du travail et des spécialistes de son choix). La jurisprudence confirme régulièrement que l’avis du médecin du travail prévaut sur tout autre certificat médical émettant des réserves ou restrictions quant au poste de travail (Cour de cassation, arrêt du 9 octobre 2001).

58Nous avons vu comment les bases scientifiques de cette décision sont fragiles, lui conférant son caractère présomptueusement prédictif.

59Aussi, dans le cas de la prévention du risque chimique pour la santé, le rapport coût – bénéfice apparaît largement défavorable. D’autant plus que la situation de l’emploi apparaît elle-même durablement défavorable.

60Ce constat décrédibilise complètement l’avis d’aptitude comme levier de régulation de la prévention des risques professionnels, et du risque chimique en particulier. Témoin en est le recours à l’inaptitude au poste, formule usuelle lorsqu’il s’agit de prévenir l’aggravation d’un déficit héréditaire ou acquis par l’exposition à / aux substance(s) chimique(s) considérée(s), qui ne dépasse pas les 0.5  % de tous les avis émis (Gosselin, 2007).

4. Apport de l’ergotoxicologie à la prévention du risque chimique

61Ce ne sont pas tant les critiques que nous formulions qui constituent l’apport essentiel de l’ergotoxicologie à la prévention chimique.

62En effet, depuis plusieurs années, les toxicologues ont tenté de répondre à ces critiques en développant des recherches sur l’action combinée de plusieurs substances au cours d’une même exposition (Vyskocil, Tardif, Brodeur, Gérin, Viau, Drolet et al., 2001), sur l’absorption cutanée des substances chimiques et leur métabolisation par cette voie (Johanson, 2005), sur les expositions aux faibles doses et sur les effets sans seuil (Calabrese, 2007). Ces travaux ont néanmoins pour objet ce que nous pouvons considérer comme les «  artéfacts  » de la démarche de prévention du risque chimique soutenue par la toxicologie industrielle. S’ils apportent des arguments de fragilité du modèle, ils n’interrogent pas les fondements conceptuel et méthodologique du modèle lui-même.

63Et c’est l’apport de l’ergotoxicologie que d’avoir montré que l’incapacité de la démarche à prévenir le risque chimique n’est pas que de nature scientifique mais aussi opérative au sens que donne Ochanine à ces termes (cité par Cazamian, 1981). De ce point de vue, l’ergotoxicologie est bien « ancrée » dans l’histoire du développement de l’ergonomie en tant que discipline critique, qui révèle des failles du système de prévention. En « entrant » par l’activité, il est alors possible de formuler un autre point de vue de l’analyse : « contrairement à ce que l’on pensait… ». Dans cette perspective l’ergotoxicologie n’est pas une nouvelle discipline mais bien une pratique particulière de l’ergonomie, centrée sur un objet spécifique : l’exposition aux dangers d’origines chimiques. La contribution de l’ergotoxicologie est d’avoir montré comment l’ergonomie de l’activité (Daniellou, 1996), plus qu’elle ne les utilise, s’approprie les connaissances issues de la toxicologie, les interroge là où la pratique les révèle lacunaires et fonde un modèle opérant au sens de Wisner (1972).

64D’un autre point de vue, l’ergotoxicologie, remet en surface la prise en compte des questions de santé dans les pratiques de recherche et d’intervention en ergonomie. Laville (1998) avait déjà souligné les silences de l’ergonomie vis-à-vis de ces questions. L’ergonomie, qui a acquis un énorme savoir faire dans la conduite de projet, qui a prouvé son efficacité dans l’amélioration de la performance des systèmes de production, montre sa difficulté à peser sur les questions de santé.

65Le développement méthodologique en ergotoxicologie a permis à l’ergonomie de se réapproprier l’usage de la métrologie à des fins de quantification du risque pour la santé, à partir du moment où l’indication et la conduite des mesures sont socialement construites dans les interventions que nous avons conduites (Garrigou et al., 2006). Ceci d’autant que le développement de techniques de visualisation de l’activité couplées à des mesures concomitantes de la charge physique ou de l’exposition à des substances chimiques, permettent de mieux articuler les données objectives et subjectives dans la recherche-action comme dans l’intervention.

66Sur la base de notre pratique de recherche et d’intervention, nous soutenons le point de vue que l’ergotoxicologie a produit des connaissances qui lui sont propres sur les conditions d’exposition des travailleurs à des dangers d’origine chimique et sur les déterminants des situations de contamination, qu’ils soient d’ordre technique, organisationnel ou humain. Nous avons en particulier montré que l’exposition et la contamination ne sont pas homogènes selon les phases de l’activité. Qu’au cours d’une même phase, la voie (respiratoire ou cutanée), la partie anatomique (exposition cutanée) et les niveaux d’exposition par chacune de ces voies, peuvent être différents d’un travailleur à l’autre et chez le même travailleur, en raison de déterminants de plus en plus discriminants de l’activité de travail. Ceci permet d’adapter les actions de prévention aux cibles identifiées.

67Nos travaux ont également permis de produire des connaissances sur les limites de systèmes de protection collective et individuelle considérés comme universels.

68Les travaux en ergotoxicologie viennent aussi remettre en débat la question complexe de la représentation des risques par les travailleurs. Comment pouvons nous expliquer par exemple qu’un viticulteur qui choisit un produit phytosanitaire suffisamment toxique pour détruire des mauvaises herbes ou tuer des insectes nuisibles, n’aurait pas plus de conscience des risques qu’il prend pour sa propre santé ? Comment expliquer que les compromis qu’il est amené à faire dans son activité sont souvent faits au détriment de sa santé, alors même qu’il sait que les produits sont dangereux ? La réponse à ces interrogations nécessite d’intégrer dans la réflexion des connaissances issues de l’anthropologie sociale et culturelle. Quel usage du corps et à quelles fins (Mohammed-Brahim, 2009) ? Quel vécu du développement des techniques et du conseil agricoles ?

69Ces questions nous semblent essentielles pour développer le pouvoir d’agir des travailleurs (Rabardel, 2005 ; Clot, 2008) et leur permettre d’être réellement acteurs des démarches de prévention et de construction de leur santé.

70Elles feront l’objet d’une prochaine publication qui présentera aussi les méthodologies que nous avons élaborées.

5. Définition et perspectives de développement de l’ergotoxicologie

71L’ergotoxicologie peut être définie comme un modèle de prévention du risque chimique par la conjugaison d’interventions techniques, organisationnelles et humaines capables d’agir sur les déterminants de la situation d’exposition révélés par l’analyse de l’activité de travail et les connaissances issues de la toxicologie.

72Encore peu diffusée, l’ergotoxicologie se fraye néanmoins son chemin. Sur une soixantaine de références à l’ergotoxicologie mentionnée sur le Web, nous ne recensons pas moins de 15 sessions de colloques, communications dans des colloques et publications scientifiques (autres que les nôtres), 3 formations mentionnant un module d’ergotoxicologie, 3 offres d’emploi et 2 offres de service en ergotoxicologie.

73Une lecture des évolutions récentes dans la réglementation française par exemple, ainsi que des programmes de santé au travail, nous confortent dans l’idée que l’ergotoxicologie apporte une démarche alternative qui donne un nouveau départ à la prévention du risque chimique en milieu de travail.

74En 2006, la circulaire DRT du 24 mai explicitant le décret 2003-1254 du 23 décembre 2003 relatif à la prévention du risque chimique, rappelle que «  l’analyse des modalités d’exposition […] repose […] sur l’analyse des situations de travail, des postes de travail et des conditions dans lesquelles se déroulent les activités impliquant les agents chimiques ; cette analyse du travail réel doit nécessairement s’appuyer sur la connaissance qu’ont les salariés de leur activité et de leurs postes de travail  ».

75Le plan santé travail 2005-2009 fixe parmi les objectifs de la recherche en santé au travail de «  renouveler les méthodes d’approche  », en toxicologie en particulier, «  et de développer de nouvelles approches  ». Dans son annexe sur la création de pôles scientifiques pluridisciplinaires il parle nommément d’«  approches ergotoxicologiques  ».

76L’évolution de la médecine du travail, à travers l’obligation pluridisciplinaire des services de santé au travail, offre un espace de déploiement à l’ergotoxicologie en tant que démarche pluridisciplinaire.

77Il reste cependant des limites. Le rapport Gosselin (2007) sur l’aptitude/inaptitude médicales maintient cette mention à la visite d’embauche. Bien qu’il en limite l’usage à ce seul examen et seulement dans les cas d’«  incompatibilités manifestes entre l’état de santé du salarié et les exigences du poste de travail  », ce rapport lui conserve son statut de paramètre de régulation du risque chimique.

78Par ailleurs, la révision de la réglementation française en matière de CMR, témoin de l’ère immédiate de l’après amiante, malgré des avancées notables, ne nous semble pas en rupture avec le modèle qui a jusque-là prévalu pour la prévention du risque chimique pour la santé en milieu de travail. La notion évoquée de «  procédures et de méthodes de travail appropriées » (Art. R. 231-56-3.III.f) exclut de fait la variabilité inhérente à toute situation de travail. Les règles particulières de prévention se déclinent alors en un générique de dispositions sans que la référence à l’activité de travail ne vienne rendre visible la cohérence de ces dispositions.

79Ainsi, si l’ergotoxicologie s’incruste dans les fissures d’un édifice qui se lézarde, elle a besoin d’une visibilité sociale et d’une masse critique de professionnels à même de la porter. Cette masse critique peut être recherchée auprès des acteurs pluridisciplinaires intervenant aujourd’hui dans le champ de la santé au travail.

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Titre Figure 1 : Modèle par écrans de la démarche préventive du risque toxique en milieu de travail (Mohammed-Brahim, 2006a). Figure 1: Model displaying the preventive approach to toxic risk in a work environment (Mohammed-Brahim, 2006a)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/activites/docannexe/image/2086/img-1.png
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Pour citer cet article

Référence électronique

Brahim Mohammed-Brahim et Alain Garrigou, « Une approche critique du modèle dominant de prévention du risque chimique »Activités [En ligne], 6-1 | avril 2009, mis en ligne le 15 avril 2009, consulté le 24 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/activites/2086 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/activites.2086

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Auteurs

Brahim Mohammed-Brahim

Association de Santé au Travail Inter-services, 26 rue Boudeville, 31100 Toulouse,
mb.brahim@ast-i.org

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Alain Garrigou

IUT département HSE, Université Bordeaux 1 & LSTE, université Bordeaux 2,
alain.garrigou@iut.u-bordeaux1.fr

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