1La capacité d’action individuelle peut être comprise comme la mise à distance du cadre habituel de l’action et une initiative qu’on prend pour le transformer (Engeström, 2005a). Quand un groupe de personnes fait cela, et qu’il recherche collectivement une forme nouvelle à leur activité productive, on peut parler de capacité d’action partagée. On considère généralement que la transformation d’une activité demande des collaborations qui transcendent les clivages d’une organisation (Kotter, 1996). Cependant, l’action de transformation des activités de travail est traditionnellement dévolue à des managers et à des experts, et on attend des opérateurs de production qu’ils se centrent sur leurs tâches plutôt que de contribuer eux-mêmes au changement du système d’activité dans sa globalité.
- 2 Même les approches scandinaves de conception participatives de systèmes informatiques (Ehn, & Kyng, (...)
2Les recherches qui se sont intéressées au taux d’échec élevé dans ces processus de changement « top-down » (Beer, Eisenstatt, & Spector, 1990 ; Ciborra, 2002) ont montré que cette division verticale est d’autant problématique qu’on se situe dans un contexte où les technologies évoluent rapidement. Ses partisans sous-estiment le besoin de connaissances et la contribution créative des opérateurs de production dans la transformation d’un système d’activité. Les connaissances et l’expérience des praticiens ne sont pas seulement nécessaires pour développer les manières de réaliser la tâche, mais également pour renouveler l’ensemble de leur système d’activité. Cependant, le plus souvent les méthodes d’intervention développementales ne contribuent pas à la participation active et à l’engagement des praticiens dans une collaboration visant à la transformation du système d’activité2.
3Dans ce qui suit, j’argumente qu’il y a un besoin croissant d’interventions développementales d’un genre nouveau qui contribuent activement à l’engagement des praticiens dans la transformation du système dans lequel ils sont impliqués, et à leur développement comme sujet collectif de changement. Je discuterai d’abord la nécessité de distinguer des niveaux de changement, et je m’expliquerai sur l’idée d’un « concept spécifique d’activité », et sur l’usage de ce terme pour décrire les transformations des activités collectives de travail. Puis je discuterai les changements des concepts de production et le changement continu dans les modèles de production. Ensuite, je présenterai une méthodologie appelée le Change Laboratory, basée sur la théorie de l’activité, et qui vise le développement du travail. Cette méthode est destinée à favoriser et à contribuer à un processus collectif de formation d’un « concept » et à la transformation collective du système d’activité. En conclusion, je discuterai la nécessité d’un nouveau type d’intervention en réseau, dont la finalité est de favoriser le développement d’un concept pour une classe d’activité.
- 3 “expansive transformations”
4Afin de clarifier la notion de « concept spécifique d’une activité » et de sa transformation, je vais m’appuyer sur une étude historiographique réalisée par R. Jaikumar (1988). Cette étude de cas, qui a porté sur la fabrique d’arme Beretta, identifie cinq réorganisations systémiques3 du système de production de la firme Beretta depuis 1800. À chaque fois la logique et la structure de base de l’activité de production ont été modifiées, et le concept de la production a été transformé. L’augmentation de la productivité et de la flexibilité du procédé de production était principalement due à ces transformations. Et pour chacune de ces évolutions, tous les éléments du système de production, son objet et ses résultats - le type et la variété des armes produites - ses outils, les formes de division de travail, et les règles, ont connu un changement qualitatif, et ont été rendus compatibles avec les logiques nouvelles. L’entreprise a ainsi augmenté sa capacité à produire une quantité sans fin de variantes de produits, sans affectation des coûts. Pour chacune de ces réorganisations, une dizaine d’années est nécessaire pour que la société apprenne à maîtriser un nouveau concept de production, bien que la fréquence des cycles de transformation ait augmenté au fil du temps.
5Cette étude de cas met en évidence un phénomène général : le développement d’une activité n’est pas un processus linéaire, mais procède par des cycles de transformation du système de production, dans lesquels son objet, ses résultats, les outils et finalement la logique globale changent qualitativement. Les formes qualitativement différentes qui sont créées durant ces transformations, témoignent de l’existence de concepts spécifiques, destinés à effectuer la même activité. Pour chaque période, il y a des formes différentes d’une même activité qui représentent différents types de concept, tout comme il y a des restaurants démodés et modernes, et différents types de restaurants pour différents besoins et groupes de clients.
6Le modèle général proposé par Engeström (1987, p. 78) d’un « système d’activité » permettra de préciser l’idée de « concept spécifique d’une activité » (voir Figure 1). Ce modèle ontologique décrit les éléments de base d’un tel système et de ses rapports. L’élément principal est dual : c’est une finalité et un objet, le tout relié à un résultat. Ce résultat est associé à une visée sociale et à une valeur spécifique, ou un ensemble de valeurs créées par le système d’activité. Le couple finalité-objet/résultat caractéristique d’une activité est un processus de transformation dans lequel une situation, ou une chose, est transformée en un résultat. Cette transformation est réalisée par la coordination des actions des acteurs qui sont impliqués dans le système d’activité, en d’autres termes par la « communauté du système d’activité ». Cette transformation est réalisée au moyen d’outils intellectuels et pratiques spécifiques, de la division du travail au sein de cette communauté, et de règles.
7La valeur créée dans l’activité réside dans ses productions spécifiques. Cependant les outils, les connaissances, les règles, les formes de collaboration et la division du travail se développent seulement quand des objets semblables sont à plusieurs reprises traités, et que des résultats semblables sont produits. Par conséquent, un système d’activité est toujours associé à un type ou à une classe d’objets. Mais la finalité-objet et le résultat de l’activité existent à deux niveaux. Au niveau des finalités-objets et des résultats spécifiques (par exemple quand un cordonnier fait une paire de chaussure à partir du cuir), et au niveau de la catégorie plus générale des objets du système d’activité et des résultats que le système peut produire. La notion de « concept spécifique de l’activité » vise à désigner ce qu’il y a de spécifique dans la généralité des objets-finalités et des résultats : le principe à l’œuvre dans la transformation de l’objet et dans l’atteinte du résultat, et la compatibilité systémique des éléments qui composent le système d’activité.
- 4 Dans le reste de l’article les locutions “activité” et “système d’activité” sont utilisés indiffére (...)
- 5 Spinosa, Flores et Dreyfus (1997) ont proposé des concepts proches de ceux qu'on avance ici. Ils em (...)
8Un changement qualitatif significatif de n’importe lequel des éléments du système d’activité, comme par exemple la mise en place de nouveaux outils, mène à des incompatibilités et à des contradictions entre cet élément et les autres éléments de l’activité4. Ces contradictions ne peuvent être surmontées qu’en produisant des changements correspondants sur les autres éléments. On peut parler de transformation du concept d’une activité quand l’objet-finalité et le résultat ont été reconceptualisés, et que tous les éléments du système ont changé5. Dans le cas de Beretta, Jaikumar a montré que les transformations du concept de l’activité ont été, la plupart du temps, déclenchées par des changements des technologies de production qui ont nécessité des changements de l’ensemble des autres éléments de l’activité (voir Figure 1). Naturellement, il peut y avoir des changements dans les éléments de l’activité qui ne conduisent pas à un changement majeur de l’objet-finalité et de son résultat, ni à la transformation du concept de l’activité, mais qui engendrent des évolutions incrémentielles du concept actuel.
Figure 1. La transformation du concept d’une activité
9Dans la littérature gestionnaire, les concepts (ou modèles) spécifiques qui sont liés au marché, à la production ou à la distribution, sont définis comme des représentations d’une structure ou d’une logique qui a été créée durant des processus de conception, et qui doivent ultérieurement être mise en application par la gestion. Or chaque activité est une formation systémique avec une logique interne et une compatibilité relative entre ses éléments. Par conséquent le concept d’une activité existe non seulement en tant que représentation symbolique, ou en tant que modèle graphique de la logique du système. Mais le concept de l’activité existe également en tant que cohérence interne, incorporée dans des structures et des pratiques quotidiennes de l’activité. Dans la mesure où les activités se développent historiquement par évolution incrémentale, il n’y a, dans beaucoup de cas, aucun modèle ou représentation du concept. Expliciter le concept de l’activité, en décrivant la logique selon laquelle les actions individuelles sont coordonnées, peut donc être une étape dans le processus de sa transformation.
10Pour être pertinente, l’activité pratique doit suivre une logique relativement cohérente. Cependant, cette cohérence est menacée par chaque nouvel élément entrant au sein du système d’activité, comme, par exemple, un nouvel outil ou un nouveau groupe de clients qui réclame ou qui impose une logique différente. Ces incompatibilités et contradictions internes forment un espace de construction entre le passé et le futur, ils déclenchent des débats qui portent sur le concept explicite qui pourrait être utilisé comme guide pour le développement futur de l’activité.
11Du fait de la nature tacite et incorporée du concept d’une activité, et de la division du travail qu’il suppose, les individus qui participent à ces débats peuvent avoir des connaissances très différentes de la structure et de la logique de base du concept d’activité. L. S. Vygotsky (1986, p. 205) distingue les « concepts spontanés » ou quotidiens, et les « concepts scientifiques ». Selon lui, « l’absence d’un système » (souligné dans l’original) est la principale distinction entre les concepts spontanés et les concepts scientifiques. Le manque de système dans les concepts spontanés signifie que des rapports contradictoires peuvent y exister sans que les contradictions ne soient notées, simplement parce que les rapports systémiques ne sont pas identifiés. C’est souvent le cas quand les gens discutent les activités dans lesquelles ils sont impliqués. Il est difficile de saisir les rapports systémiques entre les éléments sans moyens représentatifs spécifiques d’un concept systémique.
12Beaucoup d’évolutions récentes, en particulier la globalisation de l’économie, la révolution des technologies de l’information, ou l’accroissement des investissements dans la recherche et le développement, ont changé l’horizon de la vie professionnelle. Une des conséquences à long terme des nouvelles technologies de l’information et de la communication est qu’elles facilitent la création de nouvelles structures de partenariat dues à la réduction des coûts de transmission et de transaction. Ces technologies ont augmenté la variété des configurations financières que les firmes peuvent adopter. Les sociétés fonctionnent de plus en plus en partenariat, dans le cadre de regroupements d’intérêts, et accumulent les réseaux de distribution multi-modaux. Les produits, en tant que tels, ne sont plus à la base des marchés ; dans beaucoup de cas, ils ne sont plus qu’un aspect et médiatisent les coopérations orientées vers le développement de sociétés spécialisées. La concurrence entre les firmes ne se fait plus seulement autour des produits et des services, mais aussi au niveau des concepts économiques. La complexité croissante et la variété des activités économiques signifient que ces activités deviennent de plus en plus difficiles à saisir et à transmettre, et il y a donc un besoin d’outils de représentation spécifiques pour décrire leurs structures et leurs logiques systémiques (Osterwalder, 2004).
13L’étude historiographique de Aitken (1960) sur la mise en place d’une organisation taylorienne du travail dans l’arsenal de Watertown entre 1908 et 1915 et constitue une excellente analyse d’une intervention dont la finalité était de transformer le concept de production. Elle met en évidence le dilemme qui est à la base d’un tel processus. Taylor a eu une perception très claire des problèmes provoqués par l’approche dominante dans les ateliers de la métallurgie, en termes de métier. Il s’était rendu compte que ces problèmes étaient répandus dans tout le pays. Il avait développé un concept pour une nouvelle manière de gérer les ateliers, à partir de laquelle beaucoup d’autres idées de gestion ont été discutées par des ingénieurs pendant de nombreuses années (Litterer, 1963 ; Layton, 1986). Le nouveau concept de production de Taylor était également lié à une innovation technologique qui permettait d’accélérer les machines à un niveau que les artisans expérimentés ne croyaient pas possible. Cette réduction du temps nécessaire à l’usinage d’une pièce aggravait les problèmes de contrôle et de coordination qui étaient typiques dans les ateliers de cette époque. Le nouveau concept visait à résoudre ces problèmes.
14Du point de vue de Taylor et de ses collègues, l’organisation scientifique du travail était un nouveau concept universel de production et de gestion qui pourrait résoudre un ensemble de problèmes très répandus. C’était un des éléments d’une investigation largement partagée d’un objet épistémique pour faire face aux problèmes d’organisation des ateliers, quête qui se traduisait dans des expérimentations et des théorisations partagées par une communauté grandissante d’ingénieurs. Ainsi, le concept d’organisation scientifique du travail ne pouvait exister qu’au travers d’expériences menées dans des activités locales, et à partir d’échanges menés au sein d’une communauté professionnelle.
15Une de ces expériences a été la mise en place de l’organisation scientifique du travail dans l’arsenal de Watertown par un des élèves de Taylor, Karl Barth, en collaboration avec les gestionnaires locaux. Le nouveau concept signifiait qu’il fallait rompre avec les manières traditionnelles de réaliser le travail. Les artisans locaux n’ont aucunement été impliqués dans la transformation du concept de production, si ce n’est qu’on leur a demandé d’appliquer les nouveaux principes issus de la gestion. Barth et les gestionnaires locaux ont interprété les problèmes dans l’atelier avec l’aide des généralisations de Taylor sur les causes systémiques de la faible productivité. Ils ont mis en application les principes généraux que Taylor avait développés, et ils ont introduit les nouveaux outils et les aménagements organisationnels qu’il avait proposés. Aitken (1960) a décrit comment la marginalisation des artisans locaux et de leurs connaissances a engendré des problèmes durant cette transformation. Un expert contemporain voit le manque de collaboration entre l’encadrement et les ouvriers comme la cause principale des problèmes qui ont été rencontrés dans l’intervention.
16L’étude de cas d’Aitken (op.cit.), sur l’application de la gestion scientifique, montre le dilemme de base des interventions qui visent une transformation du concept d’une activité. D’un côté de telles transformations procèdent d’une interrogation sur les pratiques et savoir-faire traditionnels, lesquelles appellent l’application de nouvelles connaissances, technologies et idées qui n’ont pas été, et qui probablement n’auraient pas pu être créées dans la communauté locale de travail. D’un autre côté, si on souhaite réussir de telles interventions, il faut qu’elles reposent sur la collaboration avec les acteurs locaux – ceux dont les pratiques et savoir-faire traditionnels sont remis en cause. La nouvelle connaissance générale doit être articulée aux expériences et aux observations des praticiens, et être enrichie et modifiée par elles. Des voies novatrices de mise en œuvre de nouveaux concepts doivent donc être recherchées si on veut pouvoir mener les changements avec succès.
17Ce dilemme reflète également les processus généraux d’abduction liés à formation des concepts. Selon Vygotsky (1986, p106), un élément essentiel dans la formation des concepts est l’utilisation fonctionnelle d’un mot, ou de n’importe quel autre signe, en tant que moyen de focaliser l’attention,et d’identifier des traits distinctifs, de les analyser et de les synthétiser. À cet égard, les concepts sont des outils pour la pensée. En tant que tels, ils se développent en grande partie culturellement, en dehors d’une activité locale spécifique, et de nos jours, ils résultent de plus en plus de recherches conscientes et de développements issus de discussions scientifiques menés à l’intérieur des disciplines. Cependant, les acteurs impliqués dans des activités locales, développent également, sur la base de leurs expériences, leurs propres concepts locaux comme outils pour penser et pour communiquer sur leur activité conjointe. Ainsi, la formation de concept procède des interactions entre les concepts scientifiques (et qui se caractérisent par leurs dimensions systémiques), qui sont extérieurs et en provenance « du dessus », et des concepts quotidiens qui émergent des observations des individus et de leurs expériences locales (Figure 2). D’une part, les concepts systémiques réorganisent les concepts locaux, et d’autre part, les concepts locaux enrichissent et modifient les concepts systémiques.
18Du fait de cette dualité, il est possible qu’un nouveau concept systémique d’une activité soit imposé par les managers sans que les praticiens n’apprennent à l’appliquer comme un outil intellectuel, leur permettant de penser leurs expériences quotidiennes, et sans qu’ils ne puissent le modifier sur la base de leurs connaissances locales (point 1 sur la figure 2). En conséquence, les praticiens peuvent continuer à traiter des problèmes sur la base de leurs concepts quotidiens sans élaborer les connexions systémiques entre leurs observations (point 2 sur la figure 2). La solution est de développer un concept systémique enrichi de l’activité locale et ancré dans la pratique (point 3 sur la figure 2). Ceci exige un mouvement qui va des concepts quotidiens vers le concept systémique, afin de permettre son enrichissement et sa traduction par les concepts quotidiens des praticiens.
Figure 2. Le dilemme de base dans la transformation du concept d’une activité
19Cette dualité se manifeste également dans la distinction entre, d’un côté des approches d’intervention pilotées par les experts, et des interventions centrées sur les processus de l’autre. Les approches pilotées par les experts sont basées sur une définition généralisée des problèmes, et sur un concept général qui est appliqué durant une intervention. D’un autre côté, les approches centrées sur les processus se concentrent principalement sur la résolution des problèmes locaux, issus des concepts quotidiens des praticiens. Cette seconde forme d’intervention assume l’idée selon laquelle les praticiens ont toutes les connaissances nécessaires, et l’intervenant se focalise sur la communication des problèmes et sur les processus de définition des problèmes (Schein, 1969, 1987 ; Argyris, 1985 ; Gustavsen, Hofmaier, Ekman Phillips, & Wikman, 1996 ; Moldaschl, & Brödner, 2002).
20Comme l’ont montré Barley et Kunda (1992) ainsi que Adler (2003), il y a eu des oscillations continuelles entre des approches dirigées et contrôlées par les experts, et des approches participatives, qui supposent un engagement des acteurs dans le champ de la gestion. Selon Adler, il y a cependant une tendance historique qui va vers l’intégration de ces approches, et ce qu’il appelle une « interdépendance collaborative » entre les managers et les ouvriers. Dans cet article, je maintiens que l’« interdépendance collaborative », qui transforme le concept de l’activité, est de plus en plus importante, et qu’elle n’est possible que dans la mesure où il existe un symbole ou une représentation qui fonctionne comme un moyen de focaliser l’attention des praticiens sur les traits distinctifs de l’activité et de son contexte, et comme un moyen de les analyser et de synthétiser leurs observations.
21Gustavsen et al. (1996) ont analysé des interventions développementales qui ont été effectuées en Suède avec l’aide financière des fonds suédois sur la vie au travail, et ils ont trouvé un nombre croissant d’intervention qu’ils ont appelé piloté par les concepts. Ces processus sont basés sur des concepts spécifiques, et la finalité est de les mettre en application, ce qui suscite une transformation de l’activité. Ce processus de transformation des concepts est complexe, et il nécessite toute une gamme d’innovations à différents niveaux de l’organisation. Il est également nécessaire qu’un ensemble hétérogène d’acteurs réalise les transformations avec succès.
22La figure 3, présente une typologie des approches possibles dans les interventions développementales. Quatre zones y sont distinguées, qui s’articulent autour de deux axes : la profondeur du changement (la transformation versus l’amélioration du concept de l’activité) et le type d’intervention (centrée sur une expertise versus centrée sur le processus). La plupart des formes actuelles de transformation visée par les interventions développementales sont basées sur des approches expertes. L’alternative, c’est une intervention qui accompagne et outille le développement collaboratif et innovatif d’un nouveau concept par les praticiens, plutôt que de leur imposer. Ceci n’est possible qu’en incitant et en outillant la capacité d’action conjointe des praticiens durant la transformation de leur système d’activité.
Figure 3. Les types d’interventions développementales
23Dans la section suivante, je vais discuter les dilemmes et les difficultés qui apparaissent lorsqu’on veut diriger l’attention des praticiens sur le concept de leur activité, et développer leurs capacités d’action conjointe au sein d’une communauté de travail.
24Le “Developmental Work Research” (Engeström, 1987, 2000, 2005b) est une méthodologie d’intervention qui vise à déclencher et à aider la capacité d’action des praticiens en analysant et en transformant le système de leur activité conjointe. La capacité d’action signifie ici une mise à distance du cadre habituel de l’action et une projection qui vise à la transformer. Selon Bandura (1989, pp. 11751177), la capacité d’action dépend de la croyance des acteurs en leur capacité à agir sur ce qui est en train de se passer. Cependant, la croyance dans sa propre efficacité n’est pas le point de départ du développement, et les artefacts externes jouent un rôle crucial. Comme Vygotsky l’a montré, « les stimulus artificiels (ou les artefacts ?) jouent un rôle d’auxiliaire qui permet aux êtres humains de maîtriser leur propre comportement, d’abord par des moyens externes, et plus tard par des opérations internes plus complexes » (Vygotsky, 1978, p. 73). Les gens développent et emploient les artefacts afin de redéfinir la situation et de contrôler leurs propres actions. Cependant, ils font cela non comme des individus isolés, mais comme des membres d’une communauté. Des individus vont développer et employer en commun un artefact partagé afin de redéfinir leur situation et de maîtriser leurs actions conjointes en transformant le contexte de leur travail quotidien.
25L’idée principale dans les interventions de recherche développementale sur le travail est d’organiser, d’aider et d’orienter l’activité d’apprentissage lors d’une réorganisation systémique et ce faisant d’aider la construction d’une capacité d’action conjointe. Comme l’a montré Engeström (1987, 125127), l’activité d’apprentissage (learning) est un type d’activité intermédiaire entre la science et le travail. Pour le sujet, l’objet de cette activité apparaît d’abord sous la forme de tâches discrètes, de problèmes et d’actions qui se présentent dans le cadre de son activité productive. Les praticiens qui s’engagent dans un apprentissage collectif les analysent et les relient avec le contexte systémique de leur activité, transforment ces problèmes en contradictions internes suscitant des solutions créatrices, qu’ils développent et généralisent par une structure qualitativement nouvelle d’activité de leur pratique productive. Ceci est réalisé grâce à des modèles qui permettent aux acteurs de représenter les relations qui sont impliquées dans l’activité qu’ils analysent et qu’ils développent. Un instrument plus général - ou une méthodologie de fabrication de modèles - facilite la construction de tels modèles. La figure 4 montre la structure et les dimensions importantes de l’activité d’apprentissage, à savoir son caractère transitoire et développemental.
Figure 4. La structure de l’apprentissage
26Il y a deux mouvements principaux dans l’activité d’apprentissage, un premier qui va des actions à l’analyse du système d’activité, et un second qui va de la forme actuelle du système d’activité à une forme nouvelle. La première étape, réalisée par les praticiens, consiste à mettre à distance temporairement leur travail productif, et à prendre comme objet de leurs investigations collectives l’analyse et la transformation du système de l’activité productive. À travers ce processus d’investigation et de développement, ils conçoivent et mettent en œuvre un nouveau concept pour leur activité, qui les aide à surmonter les contradictions développementales actuellement présentes dans le système.
27Comme n’importe quelle activité, l’activité d’apprentissage est effectuée grâce à la coordination de différentes actions, qui prennent appui sur les résultats des actions précédentes. Engeström (1999) a identifié sept types actions dans l’activité d’apprentissage qui sont nécessaires dans la transformation développementale du concept d’une activité. Ces actions forment une séquence, mais aussi une progression, où les actions précédentes rendent les suivantes possibles, quoiqu’il y ait un mouvement d’aller-retour (Figure 5).
Figure 5. La séquence prototypique de l’apprentissage développemental
28Le Change Laboratory (Engeström, Virkkunen, Helle, Pihlaja, & Poikela, 1996) est une méthode d’intervention destinée à inciter et à guider l’activité d’apprentissage des praticiens dans un processus de réorganisation systémique , et une technique dont la finalité est de faciliter l’action d’apprentissage et le développement avec l’aide d’un intervenant externe. C’est une application de la méthode de la double stimulation que Vygotsky a utilisée dans ses études sur le développement d’enfant :
« La tâche (premier stimulus) à laquelle est confronté l’enfant dans le contexte expérimental est, en tant que règle, au-delà de ses possibilités présentes et ne peut pas être résolue par ses habiletés existantes. Dans de tels cas, un objet neutre est placé près de l’enfant, et fréquemment […] le stimulus neutre prend la fonction d’un signe (outil psychologique). Ainsi, l’enfant intègre activement ces objets neutres dans la tâche de résolution de problème. On pourrait dire que, lorsqu’une difficulté apparaît, le stimulus neutre prend la fonction d’un signe (outil psychologique) permettant à l’enfant d’orienter son activité vers la résolution des problèmes auxquels il est confronté et à partir de ce moment-là la structure du problème prend un caractère radicalement différent » (Vygotsky, 1978, p 74).
- 6 Bateson [Bateson, G., 1972, Steps to an ecology of mind. Ballantine Books, New York] definit le « d (...)
29La tâche, ou le premier stimulus qui « est au-delà des capacités actuelles des acteurs », est obtenue, dans le Change Laboratory, en collectant des données empiriques qui portent sur des aspects problématiques de l’activité. Ces données peuvent porter sur des cas d’interactions difficiles avec un client, des descriptions de difficultés récurrentes ou des ruptures du processus de production, ou encore sur des situations de double contrainte6 que peuvent connaître les acteurs dans le cadre de leur travail quotidien. Les données sont collectées, par exemple, avec des enregistrements vidéo, des relevés d’entretiens ou des chroniques d’observation. L’intervenant choisit alors des éléments représentatifs de l’objet de l’activité et des pratiques actuelles, lesquels sont ensuite utilisés comme un « miroir », et qui seront analysés conjointement par les praticiens durant les sessions d’intervention.
30Comme second stimulus neutre, destiné à devenir un signe et un outil intellectuel pour les praticiens, le chercheur fournit le modèle d’un système d’activité (voir figure 1) et le modèle du cycle développemental de l’activité (Engeström, 1987, p. 322). Le modèle du système d’activité facilite la modélisation du concept actuel de l’activité, en désignant les éléments essentiels du système. Les causes systémiques des perturbations, les problèmes vécus par les praticiens dans le cadre de leurs activités quotidiennes, peuvent alors être identifiés en désignant des changements qualitatifs importants sur les éléments du système et sur les contradictions internes entre les éléments que ces changements mettent en évidence. Le modèle local du système d’activité et de ses contradictions internes peut être utilisé pour identifier des opportunités de changement du système, pour identifier un nouveau concept, ou encore pour examiner la faisabilité de ce nouveau concept en réalisant des expérimentations mentales7 sur son application dans diverses situations. Ce faisant, les praticiens se créent un outil symbolique partagé, qui les aide à s’éloigner de leurs manières actuelles de penser et d’agir, et par lequel ils commencent à modifier en commun leur système d’activité à travers l’expérimentation de nouveaux outils et d’actions productives d’un nouveau type.
31Dans le Change Laboratory, l’intervenant externe incite et aide les actions développementales des praticiens en préparant les tâches qui y correspondent, ce qui inclut le miroir, ainsi que des concepts pour l’analyse et la synthèse. L’intervenant facilite durant les sessions la confrontation et les discussions exploratoires. L’intervention est conçue comme un processus intensif, un processus condensé d’apprentissage au sujet d’une activité locale. Typiquement, il comporte environ dix sessions bien préparées, de deux à trois heures une fois par semaine. On commence par expérimenter cette manière de représenter l’objet de l’activité, et les outils qui y sont associés. Les sessions suivantes sont utilisées pour l’évaluation, la modification et le développement du nouveau concept et des outils.
32Quand la méthode de Vygotsky est appliquée à l’activité conjointe d’une communauté professionnelle, le processus de la double stimulation devient plus compliqué. Au fur à mesure qu’on aide les actions d’apprentissage des praticiens durant l’intervention, le dilemme de base dans la transformation du concept d’une activité (voir figure 2) se manifeste sous forme d’un certain nombre de dilemmes plus spécifiques. Les exemples les plus typiques sont discutés dans ce qui suit.
- 8 “personally meaningful object”
33Bien que les membres de la communauté de travail puissent participer à une intervention du Change Laboratory, qu’ils puissent en comprendre et en accepter les idées, ceci ne signifie pas qu’ils soient intéressés par cette intervention et personnellement motivés. A. N. Leont’ev (1978) a fait une distinction utile entre une intention intellectuellement comprise et une intention effective. Nous pouvons comprendre et accepter l’intention d’une activité et l’idée de ce que nous devrions faire, sans que cette compréhension ne devienne une intention dirigeant effectivement nos choix et nos actions. Une intention effective dirige l’attention et pousse vers un certain genre d’action. La première étape dans une intervention du Change Laboratory est de transformer une intention intellectuellement comprise pour développer le système d’activité en un motif, un intérêt et une participation effective dans l’étude. Ceci signifie que l’analyse et le développement du système d’activité doivent devenir un objet personnellement chargé de sens8 et une intention effective pour les praticiens. C’est également la première étape dans le développement d’une capacité d’action de transformation.
34Typiquement, au départ de l’intervention, les participants ont à l’esprit de nombreux problèmes et défauts rencontrés dans leur travail, qu’ils veulent résoudre, et ils ont déjà une idée sur la manière d’y parvenir. Ainsi, lorsqu’ils arrivent aux premières sessions, ils peuvent déjà avoir des raisons effectives pour développer l’activité. Mais ces problèmes sont limités, car le plus souvent définis dans une perspective individuelle, et les participants ont des idées tout à fait différentes de ce que sont les problèmes, et de la façon de les résoudre. Le défi de l’intervention est de transformer ces définitions initiales du problème, et ces raisons effectives pour résoudre des problèmes locaux, en un véritable intérêt pour analyser et développer le système d’activité.
35L’axe vertical sur la figure 6 représente les intentions intellectuellement comprises des acteurs pour participer à l’intervention et contribuer à l’analyse et au développement du système d’activité. De telles intentions, cependant, peuvent ne pas être suffisantes pour que les acteurs soient intensivement impliqués dans le processus d’analyse et de développement. L’axe horizontal représente les intentions individuelles effectives mais trop étroitement centrées sur la résolution immédiate des problèmes spécifiques de leur activité. Le défi, au début de l’intervention, est de créer une intention, une raison effective pour une participation dans l’analyse des causes systémiques des problèmes quotidiens, plutôt que de rechercher des solutions immédiates à des problèmes spécifiques.
Figure 6. Le dilemme entre les intentions effectives et intellectuellement comprises pour développer l’activité
36L’extrait ci-dessous provient d’une session de change Laboratory, dans laquelle les membres d’une équipe de production de TV ont une discussion qui fait suite à la présentation des perturbations et des ruptures de transmission qui ont eu lieu dans une récente émission retransmise en direct. Les participants avaient accepté l’idée d’analyser l’activité et de développer sa forme, mais néanmoins ils ne souhaitent pas s’engager dans l’analyse des perturbations concrètes (ils se situent sur le coin haut à gauche de la figure 6).
P1. J’estime que mettre en relief ces problèmes est quelque peu artificiel. Chaque année nous réalisons une dizaine de programmes, et ils n’ont pas été considérés comme problématiques. Les programmes que nous réalisons sont diffusés à temps, et néanmoins, il y a toujours des problèmes, quelle que soit la qualité de la planification mise en œuvre durant la réalisation de ces programmes.
P2. Par conséquent, le résultat [le processus de perturbation] était OK après tout, et par conséquent, j’arrive à la conclusion qu’on en fait trop à ce sujet, il y aura toujours des erreurs.
37Dans cet exemple, la question était de savoir si les problèmes utilisés comme premier stimulus durant l’intervention étaient suffisamment importants pour nécessiter une analyse approfondie. Il se pourrait bien qu’il y ait plus de répugnance à examiner les causes d’une perturbation qu’à éviter un excès de réaction sur une perturbation occasionnelle. De nombreuses explications théoriques peuvent être avancées pour expliquer de telles réticences. Celles-ci pourraient faire partie d’une routine défensive mise en œuvre par la communauté, et destinée à éviter que certains de ses membres ne perdent la face (Argyris, 1985). L’accent qui est mis sur l’impossibilité d’éviter les erreurs pourrait être un mythe, créé et maintenu au sein de la communauté pour rendre la vie tolérable, et ce malgré les perturbations parce que les praticiens ne voient aucune possibilité de changer la situation (Wodak, 1996). Ceci pourrait également faire partie d’un effort collectif pour maintenir une efficacité de façade, destinée à répondre à une menace collective (Engeström, & Mazzocco, 1995), ou encore indiquer la difficulté à changer l’orientation de l’action, de la production vers l’apprentissage (Wertsch, 1985, p. 213). Quelles que soient les raisons, l’activité d’apprentissage ne peut pas commencer avant qu’il n’y ait un intérêt à analyser les perturbations et les problèmes de l’activité quotidienne.
- 9 “Multivoiced discussion”
38L’intention effective, pour analyser et développer le système d’activité, provient de la reconnaissance des perturbations, des problèmes et des nouvelles opportunités qui ne peuvent pas être traités au plan de l’action individuelle. Les confrontations collectives9, durant les sessions d’intervention, sont utiles parce qu’elles questionnent des définitions de problème trop étroites, et révèlent le contexte systémique des problèmes individuels expérimentés dans le travail quotidien. L’intervenant externe peut aider les praticiens à développer une intention effective aux actions d’apprentissage, en orientant et en focalisant l’attention sur les objets et les résultats de l’activité conjointe, en présentant des données qui reflètent et rendent visibles l’objet et les problèmes qui y sont associés, qui donnent une voix à l’objet. L’histoire d’un client, la façon dont ses besoins ont été satisfaits dans l’activité, sont un exemple d’un tel miroir.
39Accepter l’existence de quelque chose et identifier les problèmes ne constituent pas, en tant que tel, un motif suffisant pour relever les défis développementaux de l’activité et de sa transformation. Une alternative habituelle des praticiens est d’attribuer les causes des difficultés et des problèmes au comportement individuel. L’intervenant est ainsi confronté au dilemme qui nécessite d’équilibrer l’engagement individuel et la charge émotionnelle attachée aux problèmes rencontrés d’un côté, et la mise à distance nécessaire à l’analyse intellectuelle du système d’activité de l’autre. Rencontrer des problèmes sans contre-balancer par une analyse intellectuelle et une mise à distance mène facilement à des moralisations stériles et à blâmer les individus. Néanmoins, l’analyse intellectuelle distancée du système, sans l’implication émotive qui y correspond, mène facilement à des spéculations hypothétiques qui restent isolées des intentions et de l’action des acteurs, et qui ne construisent pas une capacité d’action et d’intervention sur le système. Comme l’ont noté Spinosa et al. (1997, p. 24), la meilleure voie pour explorer les désaccords est de s’impliquer dans des expérimentations plutôt que de mener des délibérations détachées.
Figure 7. Le dilemme entre analyse intellectuelle détachée et implication émotionnelle
40Dans certains cas, l’implication émotive forte d’une personne, au regard d’un problème et une tendance à moraliser, peut inciter d’autres membres à s’engager dans une analyse intellectuelle de la situation qui équilibre la discussion durant les sessions du Change Laboratory. C’était le cas dans l’extrait rapporté ci-dessous, et qui portait sur le nouveau service des nouvelles intérieures d’un journal quotidien (Figure 8.) Les tours de parole sont abrégés, et on peut distinguer ceux qui traitent de la structure du système d’activité, de l’action individuelle, et enfin de la situation concrète qui agit en tant que miroir des pratiques. Cette façon de présenter la discussion met en relief le mouvement dynamique qui s’effectue entre l’implication émotive et l’analyse détachée. La discussion a commencé par l’analyse d’une importante perturbation observée la soirée précédente, et qui a été prise comme miroir de la pratique actuelle. « A », qui est le gestionnaire du service, se sent responsable de la perturbation, s’implique émotionnellement et elle se blâme elle-même ainsi que ses collaborateurs. Les autres participants ont réagi en recherchant les causes du problème, et en analysant la structure du système d’activité. Le mouvement qui va du niveau de l’individu à celui du système d’activité est ponctué par des phrases qui commencent avec des expressions telles que « d’un autre côté », « mais », « non ». A l’issue de la discussion, le participant C a reformulé le problème du point de vue des intérêts et des priorités des rédacteurs, et le groupe a commencé à analyser la structure de leur division de travail.
Figure 8. Les interactions dynamiques entre l’individu et la perspective systémique
41Passer directement d’une situation concrète investie émotionnellement à une modélisation du système d’activité peut être trop coûteux pour des praticiens. Un outil intellectuel intermédiaire doit par conséquent être utilisé pour les aider à analyser le contexte des problèmes à un niveau plus concret. Ahonen a utilisé une représentation graphique d’un procédé concret de travail qui comprenait également les « inattendus » que les acteurs rencontraient lorsqu’ils étaient confrontés à un miroir de leur pratique. Ce genre de miroir conduit les praticiens à raconter leurs expériences émotionnelles respectives, et les conduit également à constater les connections entre les problèmes et les différents éléments du système (Ahonen et al., 2000, p. 295)
42Établir un processus actif de résolution conjoint des problèmes est une étape importante pour commencer l’activité d’apprentissage. Néanmoins, les praticiens essayent d’abord d’identifier une solution en appliquant l’approche dominante pour résoudre les problèmes. Il s’agit d’un dilemme entre suivre une vieille voie d’un côté et remettre en cause la sagesse actuelle de l’autre. L’intervenant peut aider les praticiens à identifier les limites du concept et de la pratique actuels en les encourageant à ne pas prendre la première solution qui est produite dans la discussion, mais à regarder attentivement sa faisabilité et son efficacité à résoudre le problème qui a déclenché le processus. Une fois qu’ils reconnaissent l’inefficacité des vieux principes et de concepts qui ne fonctionnent plus, ils peuvent commencer à les remettre en cause et à rechercher une nouvelle perspective qui pourrait les mener à un nouveau concept pour l’activité.
L’exemple du Change Laboratory, mené au sein du nouveau service des nouvelles intérieures, décrit dans la figure 8, a entraîné un long processus de résolution des problèmes dans lequel les participants ont essayé de trouver une meilleure manière de diviser le travail en planifiant le travail des rédacteurs. En fin de compte, un des participants a remis en cause le principe de division du travail entre les individus selon la voie traditionnelle, parce qu’il conduisait à un besoin excessif de réglage pour les transferts de production d’une personne à l’autre. Il a proposé que la responsabilité de la mise en page soit donnée à une équipe d’éditeurs qui organiseraient leur travail eux-mêmes, plutôt que d’attribuer des rôles fixés. Cette proposition a initié le développement d’une nouvelle forme de travail éditorial basée sur l’équipe.
43Dans l’exemple ci-dessus, le processus développemental a connu deux phases. Dans la première phase, le groupe a remis en cause les manières actuelles d’organiser le travail et a commencé à rechercher une alternative, mais en continuant à appliquer les principes dominants de la fixité des rôles et de la responsabilité individuelle. Et c’est seulement ensuite que le groupe a remis en cause ces principes, et qu’un nouveau principe d’organisation, basé sur l’équipe, a été retenu, constituant le point de départ pour résoudre le problème.
A l’occasion d’un Change Laboratory mené au sein d’une compagnie d’assurance, on examinait le problème de la charge de travail les lundis matins, lié au fait que beaucoup de clients venaient faire des réclamations. La société avait récemment adopté une nouvelle pratique en matière d’accueil aux clients. Tous ceux qui étaient en contact avec le client devaient prendre en charge l’ensemble des demandes du client et disposaient, pour ce faire, d’un nouveau système informatique. En discutant comment résoudre les difficultés du lundi, cependant, ils ont proposé que certains d’entre eux pourraient se spécialiser, en prenant en charge les réclamations, ce qui leur permettrait de développer un sous-programme pertinent et de pouvoir donc traiter un plus grand nombre de cas. Ils ont donc décidé d’expérimenter ce genre de spécialisation. Cependant, il a été rapidement identifié que la variation des flux de clients et que la diversité de leurs demandes étaient trop importantes pour être contrôlées pertinemment de cette façon.
L’entreprise avait eu une longue histoire de gestion de la charge de travail, celle-ci étant résolue par des processus de spécialisation. Elle s’était, néanmoins déplacée d’une stratégie basée sur les produits financiers à une stratégie basée sur les problèmes financiers qui consistait à fournir des prestations globales plutôt que des produits d’assurance. Afin de mettre en oeuvre ce modèle, les coursiers devaient maîtriser un plus grand nombre de problèmes. Mais le principe d’une compétence élargie était tellement nouveau, que plutôt que d’essayer de résoudre le problème en l’analysant, les participants revenaient aux vieux principes de la spécialisation étroite – et redécouvraient qu’il n’était plus pertinent.
44Comme le montrent ces deux exemples, il est difficile pour les praticiens d’identifier et de conceptualiser le principe, à partir duquel le travail est organisé, et de questionner sa logique, et pas seulement ses formes concrètes dans l’application. Le principe fondamental qui est à l’œuvre derrière l’organisation du travail ne peut être rendu visible que par une analyse historique, qui souligne les évolutions qui sont intervenues dans l’activité et qui montre comment une même activité a été organisée selon des formes différentes au fil des années. Ce genre d’analyse historique aide les praticiens à identifier le concept actuel, et en même temps à voir que ce n’est pas la seule possibilité. Il aide également à identifier les éléments du système d’activité qui ont changé, et qui rendent le principe actuel insatisfaisant. Le modèle général du système d’activité peut fonctionner comme un outil intellectuel pour cette interprétation, et pour modéliser le concept de l’activité et les contradictions internes du système actuel.
45L’élaboration d’une hypothèse sur les causes systémiques des problèmes de l’activité quotidienne constitue un tournant important dans le développement de la capacité d’action et de changement, parce qu’elle déplace l’objet de l’attention et de l’enquête. Des problèmes isolés, on passe à une question plus large, qui consiste à rechercher une manière de surmonter les contradictions développe-mentales dans le système d’activité et à développer un nouveau concept. Surmonter les contradictions internes dans le système d’activité devient alors l’objet de l’activité conduite en commun.
46Comme l’a noté Vygotsky (1986, p. 107), des problèmes ou des buts ne suffisent pas pour initier un processus de formation des concepts, quoiqu’ils soient nécessaires. Il y a également besoin d’un symbole qui aide les praticiens à focaliser leur attention et à les orienter dans le développement du nouveau concept. Un modèle des causes systémiques des problèmes de l’activité quotidienne désigne les contradictions internes au système d’activité, mais une première idée ou hypothèse pour un nouveau concept peut fonctionner comme ce que Vygotsky appelle un « symbole ». Ces deux éléments constituent la base et le point de départ des explorations et expérimentations menées par les praticiens pour créer un nouveau concept et donner forme à leur activité (Miettinen, & Virkkunen, 2005).
47Une variété de sources peut être utilisée pour développer une hypothèse afin d’imaginer une nouvelle forme à l’activité locale. Des analyses de l’évolution des besoins du client aideraient à redéfinir les problèmes. Passer en revue les formes les plus avancées d’une activité, et des discussions scientifiques sur cette activité peuvent fournir des concepts et des modèles utiles. Les solutions novatrices proposées par les praticiens peuvent également être une source d’inspiration. Typiquement, la recherche d’un nouveau concept produit dans un premier temps des idées mal articulées et partiellement contradictoires. Synthétiser un nouveau concept nécessite donc un processus à plusieurs voies, qui évolue au travers des expériences de pensée et des expérimentations pratiques. R. Normann (1977) a décrit ce processus comme une « planification visionnaire terre-à-terre », dans laquelle une idée ou une vision abstraite et des expériences concrètes sont faites pour agir et se tester l’un sur l’autre. Engeström, Pasanen, Toiviainen et Haavisto (2005) notent que la formation de concept consiste à remplir l’abîme entre un concept scientifique abstrait et les concepts quotidiens des praticiens qui reflètent leur situation actuelle, ou à résoudre les contradictions entre des conceptualisations concurrentes. Fujimoto (1999) a décrit comment l’explicitation du dilemme entre deux objectifs contradictoires peut fonctionner comme un guide dans la recherche d’un nouveau concept de production. Dans le même esprit, Nonaka et Takeuchi (1995) décrivent la première phase de développement d’un nouveau concept pour un produit comme l’expression paradoxale qui combine deux objectifs contradictoires. Il y a actuellement des voies différentes pour représenter un objet épistémique ouvert, avec son imprécision caractéristique et irréductible. Celle-ci est inévitable parce que, paradoxalement, les objets épistémiques incarnent ce qu’on ne sait pas encore et qui doivent être appris (Rheinberger, 1997, p. 28).
Figure 9. Dilemmes entre les éléments contradictoires d’un nouveau concept
48Engeström (1987, pp. 286-296) suggère trois types d’outils qui pourraient aider la recherche d’un nouveau concept et accompagner son évolution développementale : les tremplins, les modèles et les microcosmes. Les tremplins sont des images médiatrices, des techniques ou des « constellations » socio-conversationnelles (ou les combinaisons de ces dernières) qui sont transplantées d’un certain contexte à un nouveau, de façon à produire un conflit générateur d’une contradiction. Un tremplin a typiquement une fonction provisoire et une fonction située dans la recherche d’une solution à une contradiction. Différents types de modèles sont nécessaires, principalement pour envisager et projeter l’objet et l’intention de la nouvelle activité. Les microcosmes sont des miniatures de la communauté sur laquelle la nouvelle forme de l’activité sera basée. Dans certains cas, les outils utilisés dans le Change Laboratory fonctionnent comme des tremplins pour créer un nouveau concept.
Dans une intervention du Change Laboratory, effectuée au sein du service postal de la Finnish Post Ltd., les facteurs préparaient des enquêtes auprès de petites et de moyennes entreprises pour recueillir leurs besoins et leurs opinions sur les services postaux fournis par leur entreprise. Ces sociétés avaient été longtemps perçues comme des destinataires de courrier. Mais leurs problèmes et leurs besoins en termes d’expéditeurs de courrier n’avaient pas été pris en compte. Cette enquête a conduit les facteurs à développer des interactions avec leurs clients, lesquelles ont eu comme conséquences ultérieures un reconceptualisation de l’objet de l’activité des facteurs et la création d’un nouveau concept de service (Pihlaja, 2005).
49Les premières applications et concrétisations du nouveau concept au sein du système d’activité peuvent conduire à des contradictions entre les vieilles et les nouvelles formes de l’activité. Celles-ci nécessitent des réglages, qui peuvent changer sensiblement les choses, du point de vue du développement ultérieur du nouveau concept. Dans cette phase, il y a un dilemme entre le déploiement développemental du concept et de ses applications concrètes, et l’enterrement de la nouvelle idée (Figure 10).
Miettinen (1993) s’est intéressé à la mise en œuvre, chez des professeurs, d’une nouvelle approche de la planification et à la mise en oeuvre de collaboration durant la formation professionnelle destinée à favoriser l’interdisciplinarité. Le suivi qu’il a fait met en évidence différentes façons de se saisir de cette approche : certains l’utilisaient pour donner un nom nouveau à des pratiques anciennes, d’autres s’attachaient à développer activement le nouveau concept.
Figure 10. Le dilemme entre l’expansion et l’adaptation régressive dans la mise en place d’un nouveau concep
50Il y a tension remarquable entre le besoin et la possibilité de développer de nouvelles formes d’activités dans les entreprises. Le forum le plus approprié pour développer un nouveau concept pour un type d’activité, et pour favoriser la capacité d’agir et de transformer, n’est pas une organisation ou une communauté professionnelle, mais une communauté plus large d’acteurs engagés dans des activités semblables. Il y a une base objective pour constituer de telles communautés dans les transformations historiques actuelles de la vie au travail. Comme le notait Rosenberg (1963), quand la même technologie est utilisée dans différentes activités locales, les problèmes et les solutions relatifs à son usage sont communs. Ceci ne concerne pas seulement la technologie dans un sens étroit, mais s’applique également aux concepts des activités et à leurs mises en œuvre. Puisque des technologies, des théories et des recettes financières se répartissent entre les industries, des activités locales dans la même entreprise, voire dans différentes entreprises, sont basées sur le même concept avec des différences mineures. Les concepts d’activité qui prévalent aujourd’hui dans de nombreux cas sont encore basés sur des principes et des solutions qui ont été élaborés durant la longue période d’après-guerre, et durant laquelle on a développé les principes de la production en série10. Le changement des dynamiques de développement industriel, dans la période actuelle d’économie globale de l’information, génère la crise de ces concepts. Il y a un besoin croissant de créer et de transformer le concept d’un système d’activité dans beaucoup d’industries.
51Karl Marx (1971, p. 104) a proposé une distinction entre le travail universel et le travail coopératif. Le travail coopératif implique la coopération directe des individus vivants. Tout travail scientifique, toute découverte, toute invention est un travail universel qui dépend en partie de la coopération des individus vivants et en partie de l’utilisation du travail de ceux qui les ont précédés. Les formes traditionnelles de la coopération directe entre les individus à l’intérieur des organisations et des communautés professionnelles tendent à compartimenter la coopération, elles gênent le développement et l’élaboration de nouveaux concepts d’activité. Le nouveau concept, en tant que quête épistémique et objet de développement, excède les frontières des divisions sociales traditionnelles, et nécessite un dialogue entre des personnes issues de différents milieux et de différentes positions. Le défi posé par la création d’un nouveau concept ne peut pas être relevé sans élargir le travail coopératif au travail universel, et intégrer la dimension temporelle sous la forme d’une activité scientifique. Le développement de nouveaux concepts pour des systèmes d’activité exige un type de communauté qui associe la recherche scientifique et le développement expérimental de nouveaux concepts dans des organisations locales (figure 11).
Figure 11. Le dilemme entre les structures sociales existantes et les structures sociales requises pour développer un nouveau concept pour une activité
52Depuis 1996, les chercheurs du CATDWR (Center for Activity Theory and Developmental Work Research) ont conduit des interventions de Change Laboratory, dans de nombreux organismes, et ont aidé des praticiens à franchir des étapes essentielles dans le développement de leur activité. Beaucoup de projets ont conduit à la création d’un nouveau concept pour le système d’activité. Une capacité d’action partagée se met en place durant le développement d’un nouveau concept, et évolue entre les praticiens durant l’intervention. Mais il tend à disparaître une fois que la première action de transformation de l’activité est réalisée, et que l’intervenant externe est parti. Dans la mesure où la responsabilité et le pouvoir de développer l’activité économique est souvent dispersée parmi des unités fonctionnelles spécialisées, et des personnels spécialisés, il est difficile de créer et maintenir une capacité d’action partagée qui transcende les clivages et les frontières horizontales et verticales des organisations actuelles. Ceux dont la collaboration est nécessaire sont situés dans des unités différentes, ils ont des cultures professionnelles différentes, et des niveaux d’autorité distincts. Maintenir le développement du concept d’une activité est donc souvent difficile, en dépit du soutien des décideurs. Ces observations soulignent que la transformation d’un concept d’un système d’activité implique non seulement l’activité productive, mais aussi les structures de gestion et de développement.
53Afin de maintenir la capacité à développer de nouveaux concepts, le CATDWR a formé des praticiens au Change Laboratory, en tant qu’intervenants internes dans leurs entreprises. La méthode du Change Laboratory a aidé ces personnes à quitter leurs rôles traditionnels et à maintenir des démarches développementales dans diverses unités de leurs entreprises. La plupart de ceux qui ont été formés ne sont pas des développeurs professionnels à temps plein mais des employés, normalement occupés à des tâches productives, des tâches de supervision, ou en position de maîtrise intermédiaire - tels que des infirmières et des infirmières en chef dans les hôpitaux, ou des chefs de rayon dans une chaîne de magasins de vente au détail. Ils laissent de temps en temps leurs tâches afin d’effectuer une intervention de Change laboratory dans une communauté de travail, au sein de leur organisation, après quoi ils reviennent à leurs fonctions habituelles. Des consultants professionnels de deux cabinets conseils ont également été formés à utiliser la méthodologie. Depuis 1996, des réseaux de développeurs internes ont été installés dans onze organismes privés ou publics.
54Les réseaux se sont désagrégés dans sept de ces organismes. Dans trois d’entre eux, cette disparition est consécutive à un changement important de la stratégie gestionnaire, dans trois autres la disparition venait apparemment du fait que la nouvelle forme de travail développemental n’avait pas sa place dans l’organisation, et n’était pas suffisamment attractive pour entraîner le soutiens des décideurs. Dans le dernier, l’arrêt est dû au fait que les transformations spécifiques liées à un projet, dans lequel les développeurs étaient associés, était terminé. Le réseau fonctionne toujours dans les quatre organismes restants. Dans deux d’entre eux, la méthode du Change Laboratory est utilisée pour le développement interne dans une organisation hétérogène, sans qu’il n’y ait l’idée d’un concept unificateur des activités productives. Enfin deux unités de professionnels de soin et de santé utilisent la méthode comme tremplin, en recherchant un nouveau concept pour la santé au travail, et en faisant participer leurs spécialistes dans les processus de changement qu’ils mettent en place dans les entreprises où ils interviennent.
55Comme on l’a indiqué ci-dessus, dans certains cas, les personnes se concentrent clairement sur le développement d’un nouveau concept spécifique pour une activité productive spécifique, telle que la santé professionnelle. Dans d’autres cas, l’accent est davantage mis sur la recherche d’une nouvelle façon de développer l’activité interne, et les agents de changement mettent en œuvre des processus de transformation dans des unités spécifiques. La combinaison de ces deux dimensions produit les quatre champs représentés sur la figure 12.
Figure 12. Différentes manières de mettre en œuvre la méthode du Change Laboratory
56Le quadrant 2 de la figure 12 décrit les cas dans lesquels la méthode a été mise en œuvre dans l’organisation sur des ensembles d’activités hétérogènes, impliquant différents concepts. Dans ces cas, les agents internes du changement aident les différentes unités pour développer divers nouveaux concepts pour différents types d’activités. Du fait que les activités diffèrent considérablement, il n’y a aucun nouveau concept commun qui pourrait devenir une investigation partagée d’un objet épistémique et un processus de développement. C’est le cas dans une municipalité dans laquelle les développeurs effectuent des interventions de Change Laboratory dans les différents secteurs, et dans une société de conseil qui intervient dans différentes entreprises. Ces réalisateurs ont besoin d’être soutenus lorsqu’ils transforment l’activité de développement dans leur organisation, et pour utiliser la méthodologie.
57Le quadrant 3 de la figure 12 représente les cas où la méthode est utilisée pour le développement et la mise en place d’un nouveau concept au sein d’un type spécifique d’activité productive. C’est le cas, par exemple, dans des unités de soin et de santé engagées dans le développement en commun d’un nouveau concept pour leur activité, et qui a associé une recherche scientifique et des expérimentations pratiques (Mäkitalo, 2005). Dans ce cas, le nouveau concept de l’activité productive peut devenir une investigation partagée d’un objet épistémique et un processus de développement pour les développeurs et les praticiens dans différentes unités, et il peut y avoir des développements cumulatifs des outils et des idées pour sa réalisation.
58Le quadrant 4 de la figure 12 se rapporte à des cas d’intervention mis en œuvre par des chercheurs externes, afin d’aider des praticiens à développer un nouveau concept pour leur activité, ou pour les aider à franchir une étape, mais sans que personne n’ait été formé en interne pour maintenir le processus au sein de l’organisation. Dans ces cas, le développement ultérieur du concept dans l’activité locale dépend de la capacité d’action et de transformation des participants, et de la viabilité du nouveau concept et des outils créés. Les résultats de ces projets ont été analysés et publiés dans des journaux scientifiques et professionnels (Engeström, Engeström, & Vähäaho, 1999 ; Virkkunen, & Ahonen, 2004).
59En 2004, le CATDWR a lancé un nouveau projet d’intervention de recherche destiné à étudier la possibilité de soutenir, via un réseau de collaborations, des développeurs qui utilisent le Change Laboratory dans différents organismes. Ce projet expérimental comprend une plate-forme Internet, qui fournit des présentations condensées de la théorie et de la méthodologie, les descriptions d’un certain nombre d’outils développementaux et les concepts qui ont été utilisés dans des interventions du Change Laboratory, les descriptions des cas qui sont actuellement mis en œuvre, un canal de discussion, et un e-journal. Les développeurs peuvent rejoindre le réseau après une formation appropriée, y partager des idées et des expériences, poser des questions et rechercher le conseil des membres de réseau. Contribuent également à ce processus, des réunions où sont discutées la théorie et les cas, organisées par les membres du réseau composé de chercheurs universitaires et de développeurs travaillant dans divers organismes.
60Ce réseau expérimental a pour objectif d’étudier les possibilités de créer un nouveau type de structure sociale dont la finalité est de faciliter le développement en commun de nouveaux concepts d’activité. La collaboration porte à la fois sur les questions générales méthodologiques et sur l’échange des méthodes, ainsi que sur le développement de nouveaux concepts spécifiques. Ceci inclut l’analyse scientifique du développement historique d’une activité donnée et le travail théorique qui accompagne le développement d’un nouveau concept. Un préalable à une collaboration au sujet d’un concept donné est que le besoin et la possibilité d’un nouveau concept pour une activité donnée deviennent une investigation partagée d’un objet épistémique, et un processus d’expérimentation et de développement partagé entre les développeurs de différents organismes dans la même industrie. Dans notre réseau d’intervention expérimental, nous examinons quelles sont les possibilités pour faciliter ce genre de construction.