1 Sous l’égide de la société Les Amis de Lamballe et de Penthièvre vient de paraître un ouvrage étonnant qui, s’il a tout d’un livre, ne sera jamais lu comme tel. Le plaisir de la lecture ne réside en effet qu’en treize pages – préface comprise – qui introduisent la suite : un travail considérable, celui qui a consisté à repérer et à présenter sur près de trois siècles l’ensemble du personnel politique de Lamballe, ville qui fut, au fil du temps, capitale du Penthièvre, cité députant aux états de Bretagne, municipalité révolutionnaire, chef-lieu de district, chef-lieu de canton, municipalité de canton, et enfin commune, jusqu’en 1973 lorsque naquit le Grand Lamballe regroupant la ville et ses communes environnantes. L’enquête concerne les maires, les échevins, les conseillers municipaux membres du corps de ville puis du conseil municipal. Coordonnée par Olivier Charles, elle commence avec l’ouverture du plus ancien registre de la communauté de ville en 1710 et s’arrête justement à la naissance du Grand Lamballe. Elle a permis de retrouver et souvent faire sortir de l’oubli 518 personnages qui seront présentés dans cinq volumes successifs formant le Dictionnaire du personnel politique de Lamballe, dictionnaire s’intégrant dans un potentiel dictionnaire des élus locaux français et qui fait de cette aventure lamballaise une aventure unique en son genre à la strate considérée (soit une population de moins de 9 500 habitants en 1973).

2 Il est prévu que dans sa totalité, l’ensemble fasse l’objet de cinq parutions successives au rythme annoncé d’un ouvrage tous les deux ans :

• Volume 1. Fin xvii^e siècle-1789 ;

• Volume 2. 1790-1830 ; c’est l’ouvrage qui vient d’être publié ;

• Volume 3. 1831-1870 ;

• Volume 4. 1871-1914 ;

• Volume 5. 1919 -1971.

3 Les enquêtes avançant au rythme des personnes qui ont accepté de s’y consacrer, les parutions ne respecteront pas forcément l’ordre chronologique des périodes. Le volume 2 qui vient d’être présenté au public illustre cette manière un peu surprenante de faire, tandis que le volume 1 sera probablement le dernier de la série. Il faut donc saluer le travail d’Olivier Charles, Jacques-Henri Clément et François Hervé et remercier vivement les cinq autres enquêteurs qui ont contribué à cette présente recherche : Serge Andrieux, Yvon Brouard, Geoffroy de Longuemar, Marie Mailly et Jimmy Tual.

4 Cette recherche aurait été méthodologiquement impossible sans la mise au point d’une grille de dépouillement qui est, en fait, le support de la notice biographique sous laquelle chacun des personnels est présenté. Elle a été conçue en collaboration avec Jean Le Bihan, maître de conférences HDR de l’Université Rennes 2. Elle permet une démarche systémique d’exploration et d’exploitation. Tous les personnages, célèbres ou inconnus, piliers de la vie locale ou participants éphémères à la vie politique de Lamballe ont subi le même questionnement et sont présentés de la même manière dans le Dictionnaire. La méthode est rigoureuse, répétitive et normalisée. Elle a été contrôlée et répond pleinement aux exigences scientifiques des travaux de micro-histoire ou de prosopographie.

5 Cette notice biographique est présentée pages 11 et 12 du présent volume. Elle comprend cinq rubriques : vie familiale, vie professionnelle, vie politique, vie sociale et sources. Chacune se découpe en sous-rubriques dont on jugera l’intérêt en listant celles correspondant à la seule vie sociale : domicile (à plusieurs étapes de la vie), domesticité, fortune (et sa décomposition), impositions, distinctions, décorations, publications, engagement associatif… Pour l’avoir personnellement testée, cette grille d’analyse est pertinente à condition d’avoir une bonne connaissance des sources pouvant être sollicitées.

6 L’utilisation des notices à fins de recherches à lui aussi été testé par Olivier Charles qui présente par ce biais, pages 13 à 17, une courte étude du renouvellement du conseil municipal de Lamballe entre 1790 et 1830. La richesse des notices est telle que celle de Gaspard Pinget (notice 103) l’une des moins fournies du volume – il n’a été en fonction que six mois en l’an III – possède pourtant vingt et une entrées. Un des plus ample, celle d’Urvoy de Closmadeuc (notice 126) en compte plus d’une centaine. Dans ces conditions, l’utilisation de ces fiches biographiques pour des recherches de plus grande ampleur de type universitaire ou associatif est naturellement possible et même souhaitée. Les auteurs en font l’expresse recommandation en constatant la richesse du matériau accumulé et en entrevoyant les usages multiples qui pourront en être fait (pages 7 et 10).

7 Le volume 2 est riche de 132 notices qui sont présentées par ordre alphabétique. Il couvre la période 1790-1830, enjambant donc la Révolution et son foisonnement événementiel, le Consulat et l’Empire non moins chargés en renouvellements divers ainsi que la première et la seconde Restauration. La vie des hommes ne s’arrêtant pas à ces limites chronologiques, les auteurs ont choisi de palier le risque que pouvait présenter le cloisonnement factice des cinq volumes en donnant, quand nécessaire, les renvois utiles pour remonter ou descendre le temps. Par exemple, Angel Bellanger de la Touche (notice 8) est relié à François Genty, son beau-père, dont la fiche sera publiée dans le volume 1. Et Charles-Mathurin Auffray (notice 2) a pour descendants Jean-Marie-Victor Auffray qui apparaîtra dans le volume 3 et Jean-Marie Auffray qui sera étudié dans le volume 4. Par ce biais, une étude sur le long terme sera facilitée.

8 Dans un même volume, les liens entre notices sont assurés par des renvois qui permettent de passer d’un personnage à l’autre mais pas forcément d’y revenir. Dans le volume 2, la notice 98 de Pierre-François Padel signale ainsi qu’il a remplacé Pierre-Mathurin Loncle démissionnaire comme officier municipal (notice 83). Mais la fiche de ce dernier qui déclare bien sa démission ne signale pas son remplacement par Pierre-François Padel. Un petit oubli qui ne peut être comblé que par une lecture longue et fastidieuse de l’ensemble des fiches. À moins que l’idée de l’utilisation d’une base de données de cette ampleur ne débouche, à terme, sur une informatisation souhaitable.

9 Dans un travail de ce genre, la question des sources est un problème majeur. Celles utilisées sont utilement citées, fiche après fiche, cote après cote : Archives nationales, Bibliothèque nationale de France, Archives de l’École nationale des Ponts et Chaussées, Service historique de la Défense, Archives départementales des Côtes-d’Armor, de l’Ille-et-Vilaine, de Loire-Atlantique, Archives municipales, BMS puis État-civil désormais en ligne, etc. ; ce sont des indications précieuses pour les futurs chercheurs. Contrairement à mon attente, je n’ai trouvé aucune référence aux délibérations du comité de surveillance, il est vrai très fragmentaire pour Lamballe et ne couvrant que deux mois de délibération, en mai et juin 1793. La bibliographie de chaque personnage est donnée. On peut faire confiance aux érudits lamballais pour n’avoir rien oublié des auteurs et publications traditionnelles et savantes. Mais quand il le fallait, l’enquête a su s’appuyer sur des publications moins habituelles aux chercheurs bretons. La fiche de Pierre Nozeille (notice 97) qui n’a fait qu’un bref passage à Lamballe vers 1795 a été complétée grâce à un livre de Joseph Lege sur les diocèses d’Aire et de Dax paru à Aire-sur-Adour, en 1875. Enfin, conformément aux recommandations de la notice de départ, les sites Internet visités sont également cités, par exemple pour la fiche 84 concernant François-Marie-Julien Luczot. Il en est de même pour la presse (notice 36).

10 Cet ouvrage n’est pas un livre d’histoire au sens habituel du terme. Il possède néanmoins des annexes qui donnent une chronologie de la politique lamballaise de 1790 à 1830 (annexe 1), une liste chronologique des échevins, conseillers municipaux et maires de Lamballe depuis le xviii^e siècle (annexe 2), une liste chronologique des maires de Lamballe (annexe 3), la composition des municipalités de 1790 à 1830 (annexe 4). Pour chacune d’entre elles, le lien est fait avec les notices personnelles. Finalement, le seul regret a été de ne pouvoir bénéficier du portrait de ces personnages. La peinture du docteur Lavergne (notice 70) qui orne la couverture du volume 2 du Dictionnaire est-elle si rare, qu’aucune autre représentation n’ait pu être offerte aux lecteurs ?

11 Le travail est toutefois considérable et méritera sans doute une mise au point méthodologique à son achèvement (pourquoi pas en présentation générale du volume 1 ?). Comment utiliser une fiche normalisée de dépouillement ? Comment fédérer une équipe de chercheurs bénévoles autour d’un projet de cette taille et sur le long terme ? Comment inventorier et exploiter collectivement les sources nécessaires ? Comment harmoniser une enquête qui couvre près de trois siècles ? Comment l’étendre aux communes rurales (page 7) ; ce qui demandera de solliciter des sources bien différentes paroissiales entre autres, tâche d’une aussi grande ampleur. Les Amis de Lamballe et de Penthièvre ont acquis dans cette réalisation une expertise qu’il convient de partager. L’idée est d’inciter d’autres villes, d’autres chercheurs à s’emparer de la démarche. Quelques indiscrétions nous ont appris que c’était déjà le cas via la Société d’Émulation des Côtes d’Armor pour les maires de Saint-Brieuc. L’ouvrage paraîtra en 2024. Il reste à espérer que d’autres villes adhèrent à ce vaste souhait.

12 Les enquêteurs ont ratissé large. À ce prix, et quinze années de travail à terme, les Personnalités lamballaises… de Geoffroy de Longuemar et de Michel Souplet, parues en 2015, se seront accrues de plus de 400 nouveaux noms qui permettront d’accéder par le biais des notices aux informations généalogiques de 5 500 individus environ. Voici de quoi aiguiser la curiosité des Lamballais qui parcourront cette galerie de portraits et approcheront par ce moyen un peu de leur histoire locale. Mais il faut surtout encourager les chercheurs – tous les chercheurs – à se saisir de ce matériau unique pour mener leur propre démarche. L’exhaustivité des notices facilitera leur approche, les guidera vers les sources et la bibliographie nécessaire. En attendant d’autres communes, Lamballe a bien de la chance !