Reste-t-il une place pour le fromage dans les sources textuelles byzantines ?
Résumés
La pauvreté des sources n’empêche pas de dresser une liste des usages du fromage dans l’alimentation monastique, dans les traités médicaux et dans les traités agronomiques. On y trouve des descriptions très attendues et peu surprenantes, descriptions faites de réemplois de textes monastiques et de textes antiques. Étonnamment, les descriptions les plus en prise avec la réalité des usages du fromage se trouvent dans la littérature byzantine. La littérature et particulièrement l’épistolographie (Michel Psellos) montre une évolution des modes alimentaires. La consommation de fromage fait partie des habitudes alimentaires de l’aristocratie de Constantinople et du mode vie constantinopolitain dont la production littéraire des xie-xiie siècle se fait l’écho.
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Ce texte est dédié à la mémoire de M. Jean-Pierre Arrignon. Qu’il soit remercié ici, et à Poitiers, de m’avoir initié aux charmes de l’histoire byzantine.
- 1 On peut mettre en avant la contribution suivante, Gautier, Alban, « De la table des moines à la ta (...)
- 2 Le répertoire des sources sur le fromage dans les sources antiques s’arrête au viie siècle ap. J.-C (...)
1Heureusement, la pauvreté des sources n’a jamais rebuté les chercheurs et les études sur l’alimentation byzantine se sont multipliées depuis le tournant du xxie siècle1. Il est nécessaire de procéder à un large panorama des sources textuelles byzantines, même s’il ne s’agit pas de faire l’inventaire de toutes les références liées aux fromages mais de proposer un angle de lecture de ces sources pour tenter de déterminer celles qui permettent de décrire la culture alimentaire des Byzantins et celles, plus rares, qui permettent de mieux décrire la réalité des productions et des consommations2.
- 3 Oikonomidès, Nicolas, « Le traité de Philothée », dans Les listes de préséances byzantines des ixe(...)
- 4 Gautier, Paul, « Le typikon du sébaste Grégoire Pakourianos », Revue des Études Byzantines, 42, 19 (...)
- 5 Kaplan, Michel, Les hommes et la terre à Byzance du vie au xie siècle. Propriété et exploitation d (...)
2Rédigé en 899, le Traité de Philothée décrit, parmi les nombreuses cérémonies auxquelles participe l’empereur, celle du mardi de la Tyrophagie, pendant laquelle « l’archevêque de Constantinople invite l’empereur et son sénat au pieux et grand patriarcat ; la sainte messe terminée, un banquet est offert dans le grand sékréton du patriarche3 ». Malheureusement, la suite du Traité n’est pas très prolixe et ne mentionne que la consommation d’une soupe au fromage lors de ce banquet. Malgré cette première déception, il est évident que le fromage est un élément de l’alimentation byzantine. En effet, les mentions d’élevages laitiers sont nombreuses. Grégoire Pakourianos indique dans son typikon l’existence de quatre bufflonnes laitières en plus des 72 vaches, 238 brebis et 52 chèvres4. Dans les sociétés médiévales, la fabrication de fromage est, au vu des conditions climatiques et d’hygiène, un moyen de conservation de la production de lait. Toutefois, selon Michel Kaplan, le fromage n’est pas à la table des gens vraiment riches qui, le plus souvent, le remplacent par la viande pour l’apport protéinique nécessaire. Par contre, il fait partie de l’alimentation courante des paysans et des moines5.
Le fromage dans les typika monastiques
- 6 Caseau, Béatrice, Nourritures terrestres, nourritures célestes : la culture alimentaire à Byzance, (...)
- 7 La Tradition apostolique date du début du iiie siècle et participe à la formation d'un droit canoni (...)
- 8 Concile in Trullo, c. 56, trad. Joannou, Périclès Pierre, Discipline générale antique. t. 1. 1 Les (...)
3À la suite des travaux de Béatrice Caseau, il faut revenir rapidement sur la place des produits laitiers, et en particulier du fromage, dans la liturgie chrétienne6. En effet, le fromage fait partie de certaines liturgies d’offrandes dans les premiers temps du christianisme comme il est précisé dans la Tradition Apostolique du iiie siècle où est évoquée l’offrande du pain et du fromage qui devient le modèle du prosphagion. Mais par la suite, l’usage du fromage se limite aux repas communautaires et aux distributions aux indigents7. La législation canonique suit cette évolution et la plupart des situations sont réglées par les canons du concile In Trullo. Ainsi, le canon 36 interdit désormais les offrandes d’aliments sur les autels ; conséquence logique, le canon 74, lui, prohibe les repas dans les églises. Tout est précisé dans le canon 56 : « Nous avons décidé que l’Église de Dieu répandue dans tout l’univers gardera le jeûne en suivant une discipline unique et s’abstiendra de toute chair d’animal, de même aussi des œufs et du fromage8 ».
- 9 Depuis quelques années, nous disposons d’une traduction de l’ensemble des typika byzantins entre le (...)
- 10 Sur l’économie de l’oikos impérial, voir Magdalino, Paul, « The Byzantine Aristocratic Oikos », da (...)
4Une fois les principes disciplinaires établis à la fin du viie siècle, les éléments se mettent en place de manière assez uniforme, ce que montre l’étude des typika monastiques du ixe au xiie siècle9. Il en ressort que le fromage fait toujours partie des dons aux pauvres prévus pour les monastères impériaux comme celui du Pantocrator ou ceux des aristocrates comme celui de Michel Attaleiatès de 1077 ; certes, l’administration du monastère impérial est plus tatillonne et les données sont plus précises, mais les enjeux économiques des oikoi impériaux ne sont pas les mêmes que ceux d’une fondation aristocratique10.
- 11 Gautier, Paul, « Le typikon du Christ Sauveur Pantocrator », Revue des Études Byzantines, 32, 1974 (...)
- 12 Gautier, Paul, « La diataxis de Michel Attaliate », Revue des Études Byzantines, 39, 1981, p. 493- (...)
Typikon du Pantocrator |
Diataxis de Michel Attaleiatès |
Chacun des vieillards de l'hospice recevra annuellement vingt boisseaux maritimes de pain, dix-huit mesures maritimes de vin, deux boisseaux maritimes de légumes secs, cinquante livres de fromage, une mesure maritime d'huile, trois peisai maritimes de bois de chauffage et, pour la roga et l'habillement, deux nomismata hyperpyra11. |
J’ordonne donc qu’à la porte du pieux établissement de l’hospice de la capitale, où se trouve aussi le monastère, on donne chaque dimanche à mes frères dans le Christ, les mendiants, un pain d’un grand boisseau, et que six pauvres mangent chaque jour au réfectoire, où ils recevront chacun un morceau de pain et, pour l’accompagner, de la viande, ou du poisson, ou du fromage, ou des légumes secs ou frais cuits, ou toute autre chose que Dieu enverra, et que chacun d’eux emporte quatre folleis, et pour tout dire, que l’on observe à leur égard ce qui se faisait de mon temps12. |
- 13 Actes de Lavra, t. I : Des origines à 1204, éd. Paul Lemerle, Paris, P. Lethielleux, 1970, p. 258- (...)
5Il est également important de constater que les monastères, grands propriétaires rentiers, sont aussi des producteurs de fromage qui est très probablement produit en quantité. Ainsi, L’acte de Lavra no 48 mentionne les fromages parmi toutes les denrées dont le monastère a obtenu l’exemption, ce qui lui évite d’en fournir lors des réquisitions demandées par les fonctionnaires13.
- 14 L’exagion est une mesure de poids équivalant théoriquement à 4,44 g. Cela correspond à une portion (...)
6Traditionnellement, les historiens de l’alimentation admettent que la nourriture des moines est semblable à celle des paysans qui vivent autour du monastère, en particulier de par l’absence régulière de viandes. Et à la lecture des typika il est vrai que les pratiques se ressemblent. Par exemple, reprenant les indications du concile In Trullo, les calendriers monastiques excluent le fromage (et les œufs) des jours de jeûne pour se différencier des pratiques hérétiques des montanistes ou des marcionites et surtout des Arméniens. Mais le reste du temps, la consommation de fromage est naturelle. Par exemple pour le monastère de Nikon le Métanoiète, le fromage est autorisé le mardi et le jeudi pour une portion de huit exagia14. Il est toutefois interdit les autres jours pour ne pas rompre le jeûne. De même, pour le monastère de la Théotokos Kecharitôménè, fondé par l’impératrice Irène Doukaina vers 1110, le rythme est le suivant :
- 15 Gautier, Paul, « Le typikon de la Théotokos Kécharitôménè », Revue des Études Byzantines, 43, 1985 (...)
46. Votre nourriture, les jours ordinaires, les mardi, jeudi, samedi et dimanche, consistera au repas de midi en deux ou trois plats, si la supérieure l’autorise, de poissons et de fromage ; le lundi, en deux ou trois plats de légumes secs cuits à l’huile et de crustacés, si l’on en trouve ; les mercredi et vendredi, en deux ou trois plats de légumes secs cuits à l’huile et de légumes verts15.
- 16 « Il faut savoir que nous, moines de ce monastère de Saint-Nicolas, nous avons reçu de son fondate (...)
- 17 « Les jours de fête, la table du réfectoire pourrait offrir plus de délicatesse (ἀβροτέρα), du pois (...)
- 18 Grumel, Venance, Les Regestes des actes du patriarcat de Constantinople de 715 à 1206, 2e éd., Par (...)
7Parmi tous les typika, les exceptions à ce régime sont rares, le monastère de Saint-Nicolas de Casole, près d’Otrante, fondé à la fin du xiie siècle, interdit complètement la consommation de fromage dès le premier chapitre de la règle16. Dans le règlement de celui de Lips au xiiie siècle à Constantinople, le fromage est qualifié de gourmandise17. De même, les périodes de jeûne sont très bien repérées dans l’année et au total, elles représentent 163 jours par an. Au xiie siècle, les discussions sont vives pour savoir si un jour de jeûne tombant le jour de la fête d’un saint, l’aspect festif et les agapes l’emportaient sur le jeûne. Une décision du patriarche de Constantinople, Nicolas III Grammatikos fait pencher la balance vers une consommation plus libre18.
- 19 On retrouve une formule approchante dans le typikon du monastère de Saint-Jean-Prodrome de Phobéros (...)
- 20 Déroche, Vincent, « Quand l’ascèse devient péché : les excès dans le monachisme byzantin d’après l (...)
8Enfin, dernière subtilité, dans un certain nombre de typika comme celui de Nikon, le rédacteur rappelle les Évangiles, et en particulier Matt. 6.25 et Luc 12.22 : « Ne soyez pas anxieux à propos de ce que vous mangez ». La discipline rude des typika contient en son sein la brèche par où le fromage pourra s’engouffrer19… Ainsi, nous constatons dans les régimes alimentaires un certain relâchement combattu par les saints hommes comme Pierre d’Atroa lorsqu’il devient higoumène, ou Lazare le Galèsiote qui se résigne à être le seul à se conformer aux prescriptions alimentaires20. C’est d’autant plus vrai que le recrutement des monastères est nettement aristocratique et que ces derniers sont habitués à un régime alimentaire plus riche qui les empêche de suivre celui, trop strict, des moines ; le typikon de la Kécharitoménè prévoit même un statut particulier pour les filles de la famille impériale, mais à l’écart des autres moniales :
- 21 Caseau, Béatrice, Nourritures terrestres, op. cit., p. 245-302 ; Gautier, Paul, « Le typikon de la (...)
Mais si elle est incapable de passer de son train de vie habituel, vraisemblablement délicat, à ce train de vie très austère, elle exposera elle aussi ses sentiments et sa conduite au père commun des moniales en se confessant à lui exactement comme toutes les autres sœurs, et elle suivra le régime alimentaire et la psalmodie selon ses forces dans la cellule qu’on lui assignera, c’est-à-dire qu’elle vivra et mangera en privé dans la petite tropikè bâtie derrière la conque du réfectoire des moniales attenant à leur mur de clôture, disposant de la cellule adjacente et de tout ce qui est nécessaire à ce logement, à l’écart du train de vie habituel des autres sœurs, comme le réclamera la condition de la moniale et comme en décidera la supérieure. Et on lui permettra aussi d’avoir à son service deux femmes, libres ou même esclaves, qui devront être entretenues sur les biens du monastère21.
Traités médicaux
- 22 Le tableau est tiré de la lecture de Dalby, Andrew, op. cit., p. 120-169.
9Avec cette deuxième catégorie de textes analysés, les résultats sont peu probants. En effet, les traités médicaux et alimentaires ne permettent pas de mieux cerner les conditions de la consommation de fromage dans la société byzantine. Ainsi, grâce aux spécialistes de cette littérature, nous sommes en mesure de retrouver les liens entre les différents auteurs. On arrive assez rapidement à des conclusions qui placent le plus souvent le fromage dans les catégories d’aliments les moins bénéfiques22 :
III. |
Aliments qui sont indigestes |
Yaourt, fromages affinés |
VIII. |
Aliments qui perturbent les intestins |
Fromage frais avec du miel |
X. |
Aliments qui produisent de mauvaises humeurs |
Fromages vieillis |
XV. |
Aliments qui produisent les humeurs sèches |
Yaourt et fromages frais |
XVIII. |
Aliments qui produisent des humeurs épaisses |
Lait cuit, fromages de toutes sortes, yaourts |
XXIV. |
Aliments qui échauffent |
Fromages affinés |
- 23 Symeon Seth, Σύνταγμα κατὰ στοιχεῖον περὶ τρoφῶν δυνάμεων, trad. Marc Brunet, Bordeaux, Delmas, 19 (...)
10Le médecin et écrivain du xie siècle, Syméon Seth, écrit dans son Peri trophéon dynameos que « les jeunes fromages sans sel sont nourrissants et bons à manger, faciles à digérer, développent les chairs, et sont apaisants pour les intestins. Les autres fromages sont tous mauvais, excepté ceux faits avec le babeurre ». Il est clair que les traités médicaux ne sont pas favorables à la consommation des fromages mais heureusement, les lecteurs byzantins de cette littérature sont rares. Plus précisément, si le texte de Syméon Seth reprend les auteurs précédents en énumérant les mêmes défauts que ses prédécesseurs, ce dernier doit céder devant la réalité du marché. À Constantinople, sur les marchés et sur les tables aristocratiques, les fromages sont présents et certains sont mêmes réputés comme celui « qui est encore spongieux, peu ferme et doux est supérieur aux autres, surtout s’il est de fabrication récente tels ceux qu’on apporte de Paphlagonie23 ». Il est clair que du fait des évolutions des goûts aristocratiques le fromage se retrouve sur les marchés et sur les tables de Constantinople.
Traités agronomiques
- 24 Géoponiques, trad. Jacques Lefort et Jean-Pierre Grelois, Paris, ACHCByz, p. 5.
11La récolte est encore maigre lorsque l’on s’intéresse aux traités agronomiques. En effet, comme l’écrit Jacques Lefort dans son avant-propos des Géoponiques, ce texte, fondamental pour l’étude livresque des savoirs agricoles, est une compilation qui date non du xe siècle mais du viie siècle. Ce texte archaïsant compile les traités romains ou tardo-antiques. Ainsi, les 4/5e du texte viennent de Cassianus Bassus, ce dernier s’étant inspiré d’agronomes antiques comme Vindonius Anatolius de Beryte ou Florentinus, qui fournissent l’essentiel des informations sur les fromages24.
- 25 Géoponiques, trad. Jacques Lefort et Jean-Pierre Grelois, Paris, ACHCByz, p. 278.
12Il ressort de cette lecture plusieurs éléments qui ne plaident pas non plus pour une consommation importante de fromage. Il est utilisé en lien avec la production et la consommation de vin, les auteurs préconisant l’utilisation du fromage de vache ou du beurre (τυρός βοειειὸν) pour éviter que les jarres de moût ne débordent. De même, il est noté que les éleveurs peuvent l’utiliser, le fromage frais (τυρός χλῶρος – c’est-à-dire « fromage vert ») sert à nourrir les nouveau-nés dans les élevages de paon. Enfin, les fromages sont souvent cités comme appâts pour la pêche. Toutefois deux extraits sont plus nourrissants, le paragraphe XVIII. 3.8 et 9.2 est un véritable mode d’emploi à destination des bergers. Et surtout l’extrait XVIII. 19.1 de Bèrytos nous donne le seul texte décrivant les techniques de fabrication du fromage25. Il ressort de cette analyse rapide de ces textes agronomiques que les auteurs ne précisent pas le type de lait utilisé pour le fromage, vache, chèvre ou brebis. Même si l’on peut comprendre que les fromages de vache sont peu décrits si ce n’est comme appâts pour la pêche des picarels et des mulets.
La littérature et le fromage
- 26 Depuis le court texte de Cyril Mango, de nombreuses études tentent souvent avec succès d’utiliser l (...)
13La quête d’un fromage réel semble un peu vaine : soit il est symbolique et sa consommation est le plus souvent interdite, soit il est l’héritage du monde gréco-romain méditerranéen, sans que l’on sache qui le consomme, quand et comment il est consommé. Selon ces différents traités, la consommation byzantine ne serait que l’héritière de la tradition romaine. Il reste à étudier les apports de la littérature byzantine alors qu’elle est le plus souvent considérée comme totalement éloignée des réalités26.
- 27 λέγει οὖν αὐτοῖς ὁ Ἰησοῦς·Παιδία, μή τι προσφάγιον ἔχετε; ἀπεκρίθησαν αὐτῷ· Οὔ. Jésus leur dit donc (...)
- 28 Michel Choniates, Τα Σοζόμενα, Athènes, 1879-1880, vol. 2, p. 194.
- 29 Kékauménos, Conseils et récits d’un gentilhomme byzantin, trad. Paul Odorico, Toulouse, Anacharsis (...)
14Dans de rares textes où sont décrits les régimes alimentaires, on retrouve le topos classique : lait et beurre appartiennent aux mondes barbares du nord, seul le fromage est acceptable. Ainsi, Michel Chôniatès, débarquant sur l’île de Kéos, réclame un prosphagion, c’est-à-dire « quelque chose à manger » dans le monde byzantin, s’appuyant sur Jean 21.527. S’attendant à du poisson ou de la viande, il est surpris de se voir servir du fromage, prosphagion signifiant ici « du fromage que l’on mange avec le pain28 ». Au xie siècle, Kékauménos dans ses Conseils à l’empereur, lorsqu’il décrit les trafics maritimes générés par la négligence impériale indique que les bateaux de la flotte n’assurent plus la sécurité en mer Égée mais « ne font pas autre chose que d’apporter des Cyclades et des rivages des deux continents du blé, de l’orge, des légumes, du vin, du fromage, de la viande, de l’huile d’olive et d’importantes sommes d’argent, et de tout ce que possèdent les îles. Ils font la même chose à Chypre et en Crète29 ».
- 30 Depuis Romilly Jenkins qui considérait que la lettre était un pur exercice rhétorique (Jenkins, R. (...)
- 31 Darrouzès, Jean, Épistoliers byzantins du xe siècle, Paris, IFEB, 1960, Lettre no 72, p. 139.
- 32 Michel Psellos, Michaelis Pselli scripta minora magnam partem adhuc inedita. Volumen alterum, Epist (...)
- 33 Gautier, Paul, « Quelques lettres de Psellos inédites ou déjà éditées », Revue des Études Byzantin (...)
- 34 Michel Italikos, Lettres et Discours, éd. Paul Gautier, Paris, IFEB, 1972, Lettre no 42, p. 237-238 (...)
15Dans l’épistolographie, les produits laitiers sont également présents. En effet, la pratique du porteur de lettre permet d’envoyer à son correspondant une foule de présents variés où les aliments tiennent une grande place : fruits frais, légumes prisés, viandes séchées ou fumées, poissons, vin et évidemment du beurre et des fromages, ces envois sont le plus souvent en lien avec les caractéristiques du destinataire30. Ainsi, Syméon le Magistre reçoit de son correspondant du beurre qu’il lui renvoie sous forme de petits pains cuits au four31. Michel Psellos, au xie siècle, reçoit du beurre de l’évêque de Parnassos32. De même, le césar Jean, frère de l’empereur, Constantin X Doukas, lui envoie à plusieurs reprises du fromage33. Au xiie siècle, dans sa correspondance, Michel Italikos mentionne la présence à Constantinople de fromages valaques ou crétois34.
- 35 « Spongieux » est la traduction du terme σπογγώδης proposée par M. Brunet, le premier traducteur de (...)
- 36 Les seules sorties connues de Michel Psellos de Constantinople sont rares : dans le thème des Bucel (...)
- 37 Michel Psellos, Scripta Minora II no 206, p. 235-238, Elle a été analysée par Anagnostakis, Ilias, (...)
- 38 Michel Psellos, Scripta Minora II no 264, à un Dalassène, p. 309.
- 39 Michel Psellos, Epistulae, éd. K. Sathas, Mesaionike Bibliotheke V, Venise-Paris, 1876, no 59.
16Au xie siècle, Michel Psellos fournit la lettre la plus utile. Elle décrit très précisément un processus de fabrication de fromage en Paphlagonie. D’ailleurs, il est intéressant de noter que les deux lettrés, Psellos et Seth, se rejoignent pour vanter les mérites des « fromages spongieux » de la Paphlagonie35. Il est précis, documenté et très au fait des pratiques des fabricants alors que l’auteur n’a, à ma connaissance, jamais mis les pieds en Paphlagonie36. Toutefois, dans la lettre, Psellos ne renonce pas à ses techniques habituelles d’écriture ; en effet, la description citée ici voisine entre deux passages bien obscurs : l’un sur le cycle du lait reprenant les théories physico-médicales et l’autre échafaudant à base d’extraits du Théétète, une comparaison entre l’âme et le fromage37. Dans le même ordre d’idée, Michel Psellos « échange du fromage contre des lettres » avec un membre de la famille Dalassène, encore une des grandes familles de l’empire38. Dernier grand représentant de l’aristocratie byzantine, le patriarche de Constantinople, Michel Cérulaire, lui envoie des poissons et Psellos lui adresse du fromage39. Enfin, deux lettres adressées à Jean Doukas complètent ce court corpus.
- 40 Michel Psellos, Scripta Minora II no 232.
Je peux rendre la pareille et envoyer contre ton fromage et tes truffes, très admirable césar, de l’huile parfumée, des gâteaux et des aromates, mais je suis dans l’impossibilité de faire une lettre égale en mesure et en valeur au cheval si beau, si grand, si délicat, si rapide, si facile à mouvoir40.
- 41 Michel Psellos, Scripta Minora II no 233 bis, trad. anglaise dans Bernard, Floris « Humor in Byzant (...)
Pourquoi m’envoies-tu des truffes maintenant ? Pourquoi ne changes-tu pas le rythme et la chanson, comme le font les musiciens ? La saison apporte à vous les paons et les moutons tendres et à nous (comme cadeaux) le lait, le fromage, le beurre et les œufs des oiseaux. Change alors le motif. Offre-moi ces produits. Je demande à toi, l’âme la meilleure et l’incomparable, je te demande, sur ta tête sacrée et désirée, non pas par intérêt, mais en général, pour que tu puisses vivre et rire, je te demande : n’est-ce pas ta patrie cette fameuse Paphlagonie où l’on sale la viande de porc ? Pourquoi ris-tu ? Qu’as-tu pensé ? J’ai moi aussi des dents et je peux les manger, pas seulement cuits, bouillis ou salés, mais aussi crus41.
- 42 Michel Psellos, Epistulæ, éd. Stratis Papaioannou, Berlin, De Gruyter, 2019, vol. 2, p. 913. Toute (...)
- 43 Michel Psellos, Epistulae, éd. K. Sathas, Mesaionike Bibliotheke V, Venise-Paris, 1876, no 86 ou no(...)
17Le fromage sert donc de marqueur des liens de sociabilité entre les hommes : envoyer du fromage, c’est faire participer son correspondant au même type de mode de vie. Ainsi, Jean Doukas envoie à Michel Psellos des produits recherchés (truffes, fruits, fromage) ; le savant byzantin répond par les mêmes envois, mais le plus souvent répond à la demande par l’envoi de textes très travaillés. Ainsi la lettre no 232 appartient à un groupe de lettres dédiées chacune à un aliment différent : la no 233, la truffe ; no 234, l’amande ; no 235, la noisette ; no 236, la châtaigne ; no 237, le melon et no 238, le raisin. Quant à la lettre Scripta Minora no 206, le destinataire n’est pas assuré. Le récent éditeur, Stratis Papaioannou, hésite entre l’empereur (Constantin X Doukas, le frère de Jean) ou le neveu du patriarche, Constantin Cérulaire. La structure de la lettre incite à attribuer à ce dernier la lettre. En effet, on voit mal Psellos faire référence à la gourmandise de l’empereur et surtout il éviterait toutes les références peu flatteuses à la Paphlagonie42. De plus, dans d’autres lettres à Constantin Cérulaire, on retrouve ces longs passages érudits, véritable dissertation philosophique sur l’amitié par exemple43. Quoi qu’il en soit, toutes ces familles avec qui Psellos échange lettres et fromages, Doukas, Dalassène ou Cérulaire-Makrembolitzès, sont celles qui dominent la société constantinopolitaine. Enfin, ce sont toujours ces familles autour desquelles gravitent les auteurs de la seconde moitié du xie siècle, comme Syméon Seth qui dédie son œuvre à l’empereur Michel VII Doukas.
18Il ressort de cette étude de l’épistolographie que le fromage est présent sur les tables des grandes familles byzantines, avec d’autres aliments. Cette consommation aristocratique appartient à la construction d’une alimentation marquée socialement : ces familles ne consomment plus du fromage mais un certain type de fromage, laissant les fromages ordinaires, sans qualificatifs, aux autres consommateurs. Par conséquent, c’est un texte totalement décontextualisé selon la tradition littéraire, qui nous renseigne le mieux sur les techniques et les goûts des Byzantins en matière de fromage. Il montre bien l’existence en province d’une production de fromages qui est transportée vers la capitale générant ainsi un marché du fromage interrégional.
- 44 Das Eparchenbuch Leons des Weisen, éd. J. Koder, Vienne, Wien Verlag der Österrische Akademie der (...)
- 45 Un milliaire (latin miliarium, vénitien migliaio) équivaut à mille livres.
- 46 Documenti del commercio veneziano nei secoli xi-xiii, éd. R. Morozzo della Rocca, Turin, 1940, p. (...)
19Les actes de la pratique confirment l’existence de cette consommation de fromages. Le Livre de l’Éparque traite des questions liées à l’approvisionnement de la capitale et décrit l’organisation de la plupart des métiers de bouche. Dans le système commercial byzantin, la vente des fromages dépend des saldamarioi ou épiciers qui ont la charge de la vente des fromages et comme il est indiqué qu’ils ne doivent pas empiéter sur les compétences des autres marchands, nous sommes en droit de penser qu’ils sont les seuls à en vendre44. Pour ce qui est des approvisionnements, un rapide sondage dans les archives vénitiennes fait ressortir la quittance suivante : « pour trois milliaires45 de fromages qui ont été remis par toi à Andréas Andréadès, et toi tu as eu ces trois milliaires de fromages en société (rogadia) avec trois autres milliaires de fromages de ta propriété afin que […] tu vendes ces six milliaires de fromages […] le mieux que tu puisses46 ». Quelle que soit la valeur du milliaire, cela équivaut à une cargaison d’entre 300 et 500 kg de cargaison de fromage ; sachant que le contrat a été établi à Constantinople, on est en droit de penser qu’il s’agit d’un fromage produit peut-être, consommé sûrement dans la Ville.
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20Le fromage byzantin a un double statut dans les sources : c’est un objet théorique, objet de discours convenu et traditionnel. Les sources monastiques ou scientifiques reprennent un discours stéréotypé qui parcourt toute la période byzantine. Si certains typika se permettent de rares entorses, les traités scientifiques ou agronomiques installent l’idée que le fromage reste une consommation annexe, peu fréquente et surtout peu fréquentable. Toutefois, l’étude des textes littéraires, une fois libérés de leur carapace de rhétorique, fait apparaître un produit réel consommé par l’aristocratie et utilisé comme marqueur des relations entre les individus.
21La production littéraire de Michel Psellos en lien avec le fromage donne un bel exemple de l’utilisation de la littérature par le savant byzantin pour se faire une place dans la société. Comme ses collègues, il sait faire classique. On en veut pour preuve le court passage concernant la consommation des produits laitiers dans le poème médical dédié à Michel VII Doukas. Ici rien d’original.
22Par contre, l’objet littéraire qu’est la lettre renseigne par son existence de lien entre les individus mais elle renseigne également sur les goûts et les valeurs communes de ce groupe social. Les aliments cités sont décrits à la fois parce qu’ils sont présents et consommés à la table des aristocrates mais également parce qu’ils participent à ce nouveau mode de vie aristocratique basé sur une compréhension commune des techniques littéraires. Ainsi, décrire le fromage paphlagonien dans une lettre change de sens selon le correspondant. Si elle est adressée à un Constantin Cérulaire, pur produit de l’aristocratie de Constantinople, fervent amateur de ses productions littéraires, Michel Psellos y rappelle tous les poncifs et lieux communs qui font de cette région une région de désolation extrême et peuplée de paysans truqueurs. Mais si la lettre est pour un Doukas, dont la famille est d’origine paphlagonienne, s’il peut rester une trace d’ironie, la lettre met en avant la richesse de ce véritable pays de cocagne.
Notes
1 On peut mettre en avant la contribution suivante, Gautier, Alban, « De la table des moines à la table impériale : Byzance (viie-xve siècle) », dans Quellier, Florent (dir.), Histoire de l’alimentation. De la Préhistoire à nos jours, Paris, Belin, 2021, p. 381-403. Sur le fromage plus particulièrement, le dépouillement des sources byzantines a été mené par Koukoules, Phaidon, Βυζαντινών βίος και πολιτισμός, Athènes, Papazese, 1952, vol. 5, p. 326-330 ; Dalby, Andrew, Taste of Byzantium : The Cuisine of a Legendary Empire, Londres, Taurus, 2010, p. 125-170 ; Anagnostakis, Ilias, « Byzantine delicacies », dans Anagnostakis, Ilias (éd.), Flavours and Delights. Tastes and Pleasures of Ancient and Byzantine Cuisine, Athènes, Armos, 2010, p. 86-87. Voir aussi Maniatis, Georges, « The Byzantine Cheesemaking Industry », Byzantion 84, 2014, p. 257-284.
2 Le répertoire des sources sur le fromage dans les sources antiques s’arrête au viie siècle ap. J.-C. (Ferdière, Alain, Séguier, Jean-Marc, « Le fromage en Gaule à l’âge du Fer et à l’époque romaine : état des lieux pour sa production et analyse de sa place dans le monde antique », Gallia 77/2, 2021, p. 157-229 [URL : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/gallia/5248, consulté le 13 janvier 2022]).
3 Oikonomidès, Nicolas, « Le traité de Philothée », dans Les listes de préséances byzantines des ixe et xe siècles, Introduction, texte, traduction et commentaires, Paris, CNRS, 1972, p. 193.
4 Gautier, Paul, « Le typikon du sébaste Grégoire Pakourianos », Revue des Études Byzantines, 42, 1984, p. 125.
5 Kaplan, Michel, Les hommes et la terre à Byzance du vie au xie siècle. Propriété et exploitation du sol, Paris, Publications de la Sorbonne, 1992, p. 41-42. Depuis, le travail a été prolongé dans le cadre de la publication sous la direction de Laiou, Angeliki, The Economic history of Byzantium, from the seventh through the Fifteenth Century, Washington DC, Dumbarton Oaks, 2002. Dans cette somme, les références sur la production de fromage sont nombreuses mais éparses. On peut toutefois mettre en avant Laiou, Angeliki, « The Human Resources », vol. 1, p. 52-53 et, de la même, « Exchange and Trade, viith-xiith Centuries », vol. 2, p. 730-741. Sur la production agricole et la consommation urbaine, il est plus pratique de consulter les contributions de Jacques Lefort et Gilbert Dagron en français dans Lefort, Jacques, « L’économie rurale à Byzance (viie-xiie siècle) », dans Société rurale et histoire du paysage à Byzance, Paris, ACHCByz, 2006, p. 428-432 et Dagron, Gilbert, « La spécialisation des métiers », dans Idées byzantines, Paris, ACHCByz, 2012, vol. 2, p. 675-686.
6 Caseau, Béatrice, Nourritures terrestres, nourritures célestes : la culture alimentaire à Byzance, Paris, ACHCByz, 2015, p. 81-96 ; Idem, « Christianisme byzantin et produits laitiers », dans Anagnostakis, Ilias et Pellettieri A. (éd.), Latte e Latticini Aspetti della produzione e del consumo nelle società mediterranee dell’Antichità e del Medioevo, Lagonegro, Grafica Zaccara, 2016, p. 103-113.
7 La Tradition apostolique date du début du iiie siècle et participe à la formation d'un droit canonique à la fin de l'Antiquité (Bradshaw, Paul, The Apostolic Tradition. A Commentary, Minneapolis, Augsburg Fortress, 2002, p. 7-36).
8 Concile in Trullo, c. 56, trad. Joannou, Périclès Pierre, Discipline générale antique. t. 1. 1 Les canons des conciles œcuméniques, Rome, Bibliothèque Vaticane, 1962, p. 193.
9 Depuis quelques années, nous disposons d’une traduction de l’ensemble des typika byzantins entre le viie et le xvie siècle. Cela permet de confronter aisément les textes entre eux, Thomas, John Philip, Byzantine Monastic Foundation Documents : A Complete Translation of the Surviving Founders’ Typika and Testaments, Washington, Dumbarton Oaks, 2000.
10 Sur l’économie de l’oikos impérial, voir Magdalino, Paul, « The Byzantine Aristocratic Oikos », dans The Byzantine Aristocracy from the ixth to the xiiith Century, Oxford, BAR Publishing, 1984, p. 92-111 et l’abondante production de Michel Kaplan, par exemple : Kaplan, Michel, « Pourquoi fondait-on des monastères à Byzance (xie-milieu xiie siècle) ? », dans Mullet, Margareth, Founders and Refounders of Byzantine Monasteries, Belfast, Queen’s University of Belfast, 2007, p. 28-42, reprint in Kaplan, Michel, Pouvoirs, Église et sainteté à Byzance. Études sur la société byzantine, Paris, Publications de la Sorbonne, 2011, p. 533-549. L’étude pionnière de Lemerle, Paul, « La diataxis de Michel Attaliatès (mars 1077) », dans Cinq Études sur le XIe siècle, Paris, CNRS, 1977, p. 68-113 reste fondatrice.
11 Gautier, Paul, « Le typikon du Christ Sauveur Pantocrator », Revue des Études Byzantines, 32, 1974, p. 109.
12 Gautier, Paul, « La diataxis de Michel Attaliate », Revue des Études Byzantines, 39, 1981, p. 493-501.
13 Actes de Lavra, t. I : Des origines à 1204, éd. Paul Lemerle, Paris, P. Lethielleux, 1970, p. 258-259 ; sur les élevages monastiques, Maniatis, Georges, « The Byzantine Cheesemaking Industry », Byzantion, 84, 2014, p. 259-265.
14 L’exagion est une mesure de poids équivalant théoriquement à 4,44 g. Cela correspond à une portion de 35 g de fromage.
15 Gautier, Paul, « Le typikon de la Théotokos Kécharitôménè », Revue des Études Byzantines, 43, 1985, p. 93.
16 « Il faut savoir que nous, moines de ce monastère de Saint-Nicolas, nous avons reçu de son fondateur, notre saint père Joseph, dès l’origine, c’est-à-dire dès l’an 6607, 7e indiction, comme règle première, utile à nos âmes, celle de ne jamais manger ni fromage, ni œufs en quelque lieu que nous soyons, et d’observer cette abstinence non seulement dans le dit monastère, mais aussi dans toutes ses dépendances. » Le typikon est traduit en français par Jeanselme, Édouard et Œconomos, Lysimaque, « La règle du réfectoire du monastère de Saint-Nicolas de Casole près d’Otrante (1160) », Bulletin de la Société d’histoire de la Médecine, 16, 1922, p. 49.
17 « Les jours de fête, la table du réfectoire pourrait offrir plus de délicatesse (ἀβροτέρα), du poisson et du fromage et du lait, si c’est la saison ». Voir Delehaye, Hippolyte, Deux typica byzantins de l’époque des Paléologues, Bruxelles, 1921, p. 124. Le monastère de Lips (Fenari Isa Camii) est fondé par l’impératrice Théodora, épouse de Michel VIII vers 1280.
18 Grumel, Venance, Les Regestes des actes du patriarcat de Constantinople de 715 à 1206, 2e éd., Paris, IFEB, 1989, no 985 et no 995.
19 On retrouve une formule approchante dans le typikon du monastère de Saint-Jean-Prodrome de Phobéros (1113-1144) qui prévoit : [tout le monde devrait jeûner] sauf les frères qui sont faibles et malades (Thomas, John Philip, op. cit, p. 938).
20 Déroche, Vincent, « Quand l’ascèse devient péché : les excès dans le monachisme byzantin d’après les témoignages contemporains », Kentron 23, 2007, p. 173-175 [consulté le 2022 URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/kentron/1752].
21 Caseau, Béatrice, Nourritures terrestres, op. cit., p. 245-302 ; Gautier, Paul, « Le typikon de la Théotokos Kécharitôménè », Revue des Études Byzantines, 43, 1985, p. 36.
22 Le tableau est tiré de la lecture de Dalby, Andrew, op. cit., p. 120-169.
23 Symeon Seth, Σύνταγμα κατὰ στοιχεῖον περὶ τρoφῶν δυνάμεων, trad. Marc Brunet, Bordeaux, Delmas, 1939, p. 105-106.
24 Géoponiques, trad. Jacques Lefort et Jean-Pierre Grelois, Paris, ACHCByz, p. 5.
25 Géoponiques, trad. Jacques Lefort et Jean-Pierre Grelois, Paris, ACHCByz, p. 278.
26 Depuis le court texte de Cyril Mango, de nombreuses études tentent souvent avec succès d’utiliser la littérature byzantine pour mieux percevoir le fonctionnement de la société byzantine. On peut citer entre autres Mango, Cyril, Byzantine Literature as a Distording Mirror, Oxford, Oxford University Press, 1975, ou plus récemment, Odorico, Paolo, Pour une « nouvelle » histoire de la littérature byzantine : problèmes, méthodes, approches, propositions, Paris, De Boccard, 2002.
27 λέγει οὖν αὐτοῖς ὁ Ἰησοῦς·Παιδία, μή τι προσφάγιον ἔχετε; ἀπεκρίθησαν αὐτῷ· Οὔ. Jésus leur dit donc : Enfants, n'avez-vous rien à manger ? Ils lui répondirent : Non. Le mot grec rendu par quelque chose à manger signifie ce qu’on mangeait avec du pain, c’est-à-dire, dans cette situation, du poisson. La réponse négative des disciples donne ainsi lieu à la pêche qui va suivre.
28 Michel Choniates, Τα Σοζόμενα, Athènes, 1879-1880, vol. 2, p. 194.
29 Kékauménos, Conseils et récits d’un gentilhomme byzantin, trad. Paul Odorico, Toulouse, Anacharsis, 2015, p. 200-203.
30 Depuis Romilly Jenkins qui considérait que la lettre était un pur exercice rhétorique (Jenkins, R. J. H., « The Hellenistic Origins the Byzantine Literature », Dumbarton Oaks Papers 17, 1963, p. 37-52), la position des byzantinistes a été révisée, notamment grâce aux travaux de Karlsonn, Gustav, Idéologie et cérémonial dans l’épistolographie byzantine, Uppsala, Almqvist et Wiksell, 1962 et ceux de Mullet, Margaret, « The Classical Tradition in the Byzantine Letter », dans Mullet, Margaret et Scott, Roger (éd.), Byzantium and the Classical Tradition, Birmingham, University of Birmingham, 1981, p. 75-93. À partir des années 2000, les travaux sur l’épistolographie byzantine se sont multipliés.
31 Darrouzès, Jean, Épistoliers byzantins du xe siècle, Paris, IFEB, 1960, Lettre no 72, p. 139.
32 Michel Psellos, Michaelis Pselli scripta minora magnam partem adhuc inedita. Volumen alterum, Epistulae, éd. Eduard Kurtz et Franz Drexl, Milan, 1941, no 75, p. 107 (désormais Michel Psellos, Scripta Minora II) : « En effet il nous inonde nous et d’autres comme un fleuve, de fromage, de poissons séchés, de beurre et tant d’autres choses comme cela ».
33 Gautier, Paul, « Quelques lettres de Psellos inédites ou déjà éditées », Revue des Études Byzantines, 44, 1986, no 5, p. 133 : « Comme j’admire autrefois tes fromages, je te remercie pour le beurre. Me conduisant avec hâte et solidement vers le temple, c’est pourquoi je viendrai mercredi » ; et no 9, p. 141 : « vous n’avez entre les mains que des paroles ailées et frivoles, mais moi, j’ai du beurre et du fromage. » (Michel Psellos, Scripta Minora II no 232, p. 278). Voir plus bas.
34 Michel Italikos, Lettres et Discours, éd. Paul Gautier, Paris, IFEB, 1972, Lettre no 42, p. 237-238. Pour un relevé de tous les cadeaux dans les lettres byzantines, voir Karpozelos, Apostolos, « Realia in Byzantine Epistolography (xth-xiith) », Byzantinische Zeitschrift, 77/1, 1984, p. 20-37.
35 « Spongieux » est la traduction du terme σπογγώδης proposée par M. Brunet, le premier traducteur de l’ouvrage de Syméon Seth (voir note 24). En confrontant avec le processus de fabrication décrit par Michel Psellos (Scripta Minora II no 206, p. 235-238), on comprend que des trous se forment dans le fromage et c’est l’aspect d’une éponge et non la consistance d’une éponge que décrit le terme σπογγώδης.
36 Les seules sorties connues de Michel Psellos de Constantinople sont rares : dans le thème des Bucellaires dans sa jeunesse, l’Olympe de Bithynie dans les années 1054-1055 et peut-être une participation à une campagne militaire de Romain IV, sachant que cette lettre doit dater des années 1060 (Riedinger, Jean-Claude, « Quatre étapes de la vie de Michel Psellos », Revue des Études Byzantines, 68, 2010, p. 5-24).
37 Michel Psellos, Scripta Minora II no 206, p. 235-238, Elle a été analysée par Anagnostakis, Ilias, « Les trous dans le fromage : la description de Michel Psellos et la recherche contemporaine », dans Anagnostakis, Ilias et Pellettieri A. (éd.), op. cit., p. 134-138 ; et dans le même volume par Messis, Charis, « Au pays des merveilles alimentaires : invitation à la table paphlagonienne », op. cit., p. 166-167.
38 Michel Psellos, Scripta Minora II no 264, à un Dalassène, p. 309.
39 Michel Psellos, Epistulae, éd. K. Sathas, Mesaionike Bibliotheke V, Venise-Paris, 1876, no 59.
40 Michel Psellos, Scripta Minora II no 232.
41 Michel Psellos, Scripta Minora II no 233 bis, trad. anglaise dans Bernard, Floris « Humor in Byzantine Letters of the xth to xiith Centuries : some preliminary Remarks », Dumbarton Oaks Papers, 69, 2015, p. 190.
42 Michel Psellos, Epistulæ, éd. Stratis Papaioannou, Berlin, De Gruyter, 2019, vol. 2, p. 913. Toute l’analyse de Charis Messis repose sur le fait que l’ironie est acceptée par Jean Doukas (Messis, Charis, op. cit., p. 165-168). On peut en douter lorsque l’on lit les trésors de rhétorique que dépense Michel Psellos pour se réconcilier avec un puissant qu’il aurait un peu maltraité. Voir par exemple, ces relations difficiles avec les impératrices dans Limousin, Éric, « La rhétorique au secours du patrimoine, Psellos, les impératrices et les monastères », dans Theis, Lioba et alii, Female Founders in Byzantium and Beyond, Vienne, Böhlau Verlag, 2014, p. 163-176.
43 Michel Psellos, Epistulae, éd. K. Sathas, Mesaionike Bibliotheke V, Venise-Paris, 1876, no 86 ou no 174.
44 Das Eparchenbuch Leons des Weisen, éd. J. Koder, Vienne, Wien Verlag der Österrische Akademie der Wissenschafte, 1991, p. 118-120.
45 Un milliaire (latin miliarium, vénitien migliaio) équivaut à mille livres.
46 Documenti del commercio veneziano nei secoli xi-xiii, éd. R. Morozzo della Rocca, Turin, 1940, p. 2. Textes traduits du latin par G. Saint-Guillain, dans Métivier, Sophie, Économie et société à Byzance, viiie-xiie siècle. Textes et documents, Paris, Publications de la Sorbonne, 2007, p. 265.
47 Michel Psellos, Poemata, L. G. Westerink, Stuggart-Leipzig, Teubner, 1992, « Poème no 9, sur la médecine », v. 208-210 (traduction française Éric Limousin) : « Ἅπας τυρὸς δύσπεπτος, ἐκτρέφων λίθους / ὁ πρόσφατος δέ, συμμέτρως ἁλῶν ἒχων / μαλακός, ἡδὺς καὶ τρόφιμος τυγχάνει. »
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Référence papier
Éric Limousin, « Reste-t-il une place pour le fromage dans les sources textuelles byzantines ? », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 129-3 | 2022, 55-67.
Référence électronique
Éric Limousin, « Reste-t-il une place pour le fromage dans les sources textuelles byzantines ? », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest [En ligne], 129-3 | 2022, mis en ligne le 03 janvier 2025, consulté le 17 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/abpo/7775 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/abpo.7775
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