Francis Favereau et Hervé Le Bihan (dir.), Littératures de Bretagne. Mélanges offerts à Yann-Ber Piriou
Rennes, PUR, 2006, 377 p.
Notes de la rédaction
http://www.pur-editions.fr/detail.php?idOuv=1067Texte intégral
1Il y a deux ans déjà, Yann-Ber Piriou prenait sa retraite. Ce livre lui est donc dédié. Même si ce Breton a passé une partie de son enfance en Nouvelle-Calédonie, il a toujours conservé des liens très forts avec son Trégor natal et la Bretagne plus généralement. En 1982, il soutient un doctorat d’État en celtique sur la « littérature bretonne perdue » sous la direction du professeur Léon Fleuriot. Il peut entamer ainsi une carrière universitaire rennaise qu’il prolongera jusqu’en 2002 en tant que spécialiste de littérature bretonne à la fois ancienne et contemporaine. Il réalise d’ailleurs pour France 3 plusieurs émissions en breton. Tous ses travaux sont donc incontestablement tournés vers la Bretagne, y compris son œuvre littéraire. Yann-Ber Piriou a en effet été reconnu pour sa poésie.
2Ce sont les mêmes chemins qu’ont voulus emprunter Francis Favereau et Hervé Le Bihan, les directeurs de ces Mélanges qui lui sont offerts ici. Ils ont rassemblé les contributions de doctorants, de docteurs, d’enseignants, d’écrivains, de réalisateurs… L’ouvrage est divisé en quatre parties : « Littérature entre oralité et écrit », « Histoire », « Mythes et traditions », « Permanences de la langue et de l’identité ». Beaucoup de disciplines sont donc prises en compte dans ces mélanges : l’histoire, les lettres, la sociologie, l’ethnologie, le folk-lore (était compris dans son sens positif anglais), etc.
3Il faut d’emblée remarquer que la langue bretonne, orale ou écrite est mise à l’honneur. En effet, on note une véritable réflexion sur la place du breton dans notre société actuelle, en particulier dans l’utilisation commerciale que certains peuvent en faire, parfois en déformant la grammaire (nous pensons ici à la contribution de Jean- Yves Veillard, « La langue bretonne et les pages jaunes », p. 359-362). Deux autres articles rédigés par Annaig Renault (« Ecrire en breton, militantisme ou nécessité individuelle », p. 21-29) et par Ronan Le Coadic (« Les Bretons face au destin de leur langue », p. 363-374) posent un questionnement sur l’utilisation de cette langue bretonne. Ronan Le Coadic s’appuie sur des sondages fait auprès de la population bretonne. Il met ainsi en évidence le fait que 60,96 % des personnes interrogées se préoccupent de l’avenir du breton, contre 35,65 % qui restent indifférentes. Annaig Renault, étant écrivain, s’interroge sur l’acte d’écriture en breton. On remarque d’ailleurs que neuf contributions sur trente ont été ici rédigées en breton, soit un peu moins d’un tiers des mélanges, ce qui fait la part belle à la langue bretonne dans cet ouvrage.
4Certains auteurs mènent une réflexion très intéressante sur la place de l’oralité et de l’écriture et ont une approche tout à fait originale quant aux sources : il s’agit d’étudier les chansons en langue bretonne et notamment les complaintes (les gwerzioù). C’est ce que propose Eva Guillorel dans une analyse historique qui permet de dégager un tout autre regard sur la société bas-bretonne de l’Ancien Régime (« Les Bretons sous l’Ancien Régime d’après les chansons en langue bretonne : un certain regard porté sur les hiérarchies sociales et culturelles », p. 187-198). L’étude porte effectivement sur les populations d’origine modestes. Alain Croix, lui aussi, explore le texte d’une chanson (« Les chants “célestes” de la contre-Révolution en Trégor », p. 167-185) afin de rendre compte du rôle d’un curé de campagne, en Trégor, des débuts de la Révolution. Daniel Giraudon observe une chanson composée par un paysan milliautais : Fançois-Marie Le Cuziat (1862-1940) (p. 59-78). De précieux indices sur le travail artisanal y sont alors révélés.
5Si les détails de la vie quotidienne sont très présents dans cet ouvrage, certains auteurs se sont tournés davantage vers les mythes et les légendes comme c’est le cas de J. Rio (« Du Korrigan à la fée celtique », p. 237-252), de H. Amémiya (« La déesse bretonne de la mer », p. 253-266), ou encore J.-Y. Le Moing (« La légende de sainte Tréphine au service de l’imaginaire », p. 283-297). Dans ces derniers, ce n’est pas le travail des paysans ou des artisans qui est observé, mais la construction d’une mémoire collective à travers des récits légendaires. Un grand nombre de contributions scientifiques s’attachent donc à mettre ici en exergue la construction d’une identité bretonne ; celles-ci s’inscrivent donc dans la lignée des travaux de Yann-Ber Piriou. En effet, si nous avons mentionné plus haut l’importance de la réflexion sur la langue bretonne, soulignons maintenant la place fait à la culture bretonne, à sa littérature médiévale, moderne et contemporaine, ses écrivains, ses légendes… Ces Mélanges offerts à Yann-Ber Piriou montrent ainsi la grande richesse de la littérature bretonne depuis le Moyen Âge jusqu’à nos jours. B. Merdrignac propose une analyse historique de la Vie latine de saint Turiau et de la Chanson d’Aiquain (De la Vie latine de saint Turiau à la Chanson d’Aiquain : poisson et lait comme « aliments sacrés », p. 215-223). Il se demande si ces deux textes dolois ne laissent pas sans doute « affleurer tout un réseau d’équivalences allégoriques qui aurait permis le glissement d’une symbolique à l’autre en rechargeant ainsi de sacralité d’anciens motifs folklorisés » (p. 223). Dans un autre registre, F. Postic explore la rencontre de deux célèbres écrivains bretons : « Anatole Le Braz et Pierre Loti à Rosporden » (p. 109-116)…
6Ces quelques lignes ne sont ici qu’un bref aperçu de ce que l’on peut lire dans ces Mélanges offerts à Yann-Ber Piriou. Elles ne sont en aucun cas un résumé (tous les articles ne sont donc pas mentionnés, non pas parce qu’ils manquent d’intérêt, bien au contraire, mais parce que ce n’est pas le but ici et laissons au lecteur le plaisir de découvrir cet ouvrage). En tout cas, ces pages, dirigées par F. Favereau et H. Le Bihan, prennent bien en compte les thèmes de prédilection de Yann-Ber Piriou.
Pour citer cet article
Référence papier
Claire Garault, « Francis Favereau et Hervé Le Bihan (dir.), Littératures de Bretagne. Mélanges offerts à Yann-Ber Piriou », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 113-4 | 2006, 210-212.
Référence électronique
Claire Garault, « Francis Favereau et Hervé Le Bihan (dir.), Littératures de Bretagne. Mélanges offerts à Yann-Ber Piriou », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest [En ligne], 113-4 | 2006, mis en ligne le 30 décembre 2008, consulté le 05 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/abpo/574 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/abpo.574
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