Texte intégral
- 1 Collectif, « Les fortifications de terre en Europe occidentale du xe au xiie siècle ». Actes du co (...)
- 2 Respectivement : pour le Finistère, les travaux de P. Kernevez (Kernevez, Patrick, Les fortificati (...)
- 3 Ces travaux correspondent aux programmes H40 puis H17 (Programmation nationale de la recherche arc (...)
- 4 En 1994, dans sa thèse, Noël Yves Tonnerre soulignait l’absence de véritable inventaire pour le Mo (...)
- 5 Jeanneret, Lucie, L’habitat fortifié et fossoyé dans le Vannetais et le Porhoët : étude de la stru (...)
- 6 Soit actuellement une grande partie du département du Morbihan et le sud des Côtes-d’Armor.
1D’abord abordés comme l’expression physique de la fragmentation des pouvoirs publics à partir du xe siècle ou comme éléments d’un réseau de contrôle d’un territoire, les châteaux et les mottes castrales ont été considérés comme des marqueurs souvent exclusifs de l’élargissement du corps aristocratique. Les travaux d’identification et d’inventaire de ces sites castraux ont été entrepris dans plusieurs régions de France dès les années 1970. Le colloque de Caen tenu du 2 au 5 octobre 19801 devait marquer profondément la recherche dans le domaine en tentant d’imposer une grille de lecture commune afin de favoriser l’analyse et la comparaison des données récoltées. C’était sans compter les particularités de chaque région, tant historiques, politiques qu’environnementales, freinant les efforts de cette enquête nationale. Sous l’impulsion de Michel de Boüard, cette expérience a toutefois permis d’entamer le recensement et l’étude de ces sites castraux et surtout un archivage et un traitement informatisés des données. C’est à la suite de ces travaux que les premiers inventaires bretons ont été menés. Les inventaires de trois départements ont été publiés dans les années 1990 : Finistère, Côtes-d’Armor et Ille-et-Vilaine2. Les publications, sous forme de catalogues, répondaient alors aux directives des programmes nationaux s’intéressant à l’établissement d’une typologie et d’une datation du phénomène de développement des enceintes et des mottes au Moyen Âge3. En parallèle, les fouilles menées (plus de 300 opérations de sauvetage avant 1994) ont montré la spécificité de chaque site. Ce sont d’abord les phénomènes d’emmottement qui ont été reconnus, faisant souvent remonter la période d’installation du site aristocratique à l’époque carolingienne. Puis la reprise des études de bâti a montré, le plus souvent, que les éléments en pierre étaient plus précoces que les datations couramment proposées. Ces travaux ont donc largement contribué à dilater la chronologie de l’apparition et de la diffusion des structures fortifiées. Sans parler de confusion, ces difficultés ont ralenti le travail de recensement et d’analyse de ces formes de fortification4. Toutefois, la reprise des données dans le cadre d’une thèse5, avec de nouvelles problématiques, permettait de proposer une analyse archéologique sur un corpus cohérent à l’échelle de deux entités politiques : le Vannetais et le Porhoët-Rohan6. Pour cela il a fallu non seulement réinterroger les textes mais également intervenir sur le terrain en utilisant des techniques de relevés microtopographiques qui ont complété les informations sur la morphologie et viennent complexifier les réflexions autour du rôle de ces sites.
2Pour aborder ces sujets historiques et méthodologiques, revenons d’abord sur les informations apportées par les sources textuelles, avant de démontrer comment peuvent dialoguer ces documents et les observations de terrain. Il ne s’agit en aucune façon d’opposer les deux approches mais de démontrer que la complémentarité des deux amène à entrevoir une histoire beaucoup plus longue et plus complexe des sites fortifiés de la région.
- 7 Verbruggen, Jan Frans, « Note sur le sens des mots castrum, castellum, et quelques autres expressi (...)
- 8 Le site de Josselin est largement sur-représenté dans ce décompte des mentions : il est désigné co (...)
3La forme des premiers sites castraux est impossible à définir d’après les mentions textuelles, qui emploient majoritairement des termes renvoyant au statut du lieu plutôt qu’à sa forme. L’inventaire des mentions antérieures à 1300 fournit 110 occurrences, ce qui reste relativement modeste pour une zone géographique vaste. Toutefois, ce corpus permet déjà d’identifier des usages terminologiques susceptibles de refléter des distinctions fortes entre le statut et la forme des différents sites élitaires. Plusieurs approches du même type ont été esquissées depuis les premiers travaux de J.-F. Verbruggen en 19507, et comme dans toutes les régions, les termes de castrum et castellum sont, de loin, les plus fréquemment employés dans la documentation bretonne des xie-xiiie siècles avec, respectivement, 38 et 22 occurrences concernant les sites de notre étude8. La vision offerte par la documentation reste restrictive car les sites mentionnés ne représentent que 8 % des fortifications attribuables à cette période. Castrum et castellum désignent, pour la période considérée, des lieux qui sont des chefs-lieux de seigneurie, occupant des emplacements centraux et qui sont liés à plusieurs éléments périphériques et indissociables tels que les établissements religieux (c’est d’ailleurs la présence des prieurés qui souvent justifie leurs premières mentions dans les sources écrites), les bourgs, les lieux d’échanges commerciaux ou la maîtrise des voies de circulation.
- 9 Remarque déjà formulée, à plus grande échelle, pour la Bourgogne (Mouillebouche, Hervé, Les maison (...)
- 10 L’apparition d’un lignage dit de Castro Celso (Champtoceaux, Loire-Atlantique) remonte aux années (...)
- 11 C’est également le cas dans le comté voisin de Rennes (Brand’Honneur, Michel, Manoirs et châteaux…(...)
- 12 Cartulaire du Morbihan, acte no 271 : monachos Sancti Martini de castello Joscellini in vico sanct (...)
- 13 Cartulaire du Morbihan, acte no 269 : priorem Sancti Martini de Castro Joscellini.
- 14 Avant le xiie siècle, les mentions de châteaux se limitant à 10, il est impossible de préciser dav (...)
4Revenons à l’exemple breton : le terme castrum est majoritairement employé dans les premiers siècles et désigne principalement le lieu fortifié, sans plus de précision9. Ce vocabulaire, peu spécifié, concerne alors un site majeur politiquement et topographiquement et, dès la fin du xie siècle, il est employé dans les noms de lieux sans que son usage soit définitivement fixé10. Les actes concernant Josselin plaident en faveur d’une utilisation indifférenciée des deux termes attestée jusqu’au milieu du xiiie siècle au moins11. Ainsi, un acte de 1239 évoque les moines de Sancti Martini de castello Joscellini12, et l’année suivante un second acte parle du prieuré Sancti Martini de Castro Joscellini13. Le rattachement d’un sens politique et militaire au terme castrum (qui indiquerait indirectement la présence d’une véritable fortification militaire), au moins jusqu’à la fin du xiie siècle14, est toutefois recevable. Un acte daté de 1228, relatif à l’interdiction de fortifier dans la vicomté de Rohan, concerne ainsi les « castrum », « domum » et « edificium firmatum muro » qui pourraient être élevés. Le choix de l’emploi de castrum, que l’on retrouve dans les mêmes circonstances à plusieurs reprises au xiiie siècle, démontre bien que le terme castrum a alors, aux yeux des contemporains, remplacé celui de castellum pour désigner l’habitat fortifié.
- 15 Cartulaire de la seigneurie de Fougères, acte no 48 ; BnF, fr. 22330.
5L’usage du terme français « chastel » se développe à partir des années 1260 et recouvre la même réalité que celui de castrum. En 1264, l’accord concernant Hennebont emploie les termes de « chastel » et « forteresse » : le premier désigne directement une résidence fortifiée tandis que le second, plus vague, peut englober tout type de fortification, notamment collective. Ce terme est employé un peu plus tôt dans la documentation sous une forme latine : La Chèze est ainsi désigné en 1241 comme fortericia15. Le site n’est jamais désigné sous un autre terme que celui de forteresse, et cet usage unique ne permet pas d’apprécier la distinction faite par les contemporains entre ce site et des résidences voisines telles que le château de Corlay. Les vestiges conservés du château et l’absence manifeste d’enceinte urbaine amènent à identifier cette fortericia comme l’enceinte castrale établie sur le bord du Lié. L’emploi de ce terme pour cette seule place-forte interroge sur son statut. Le site est ainsi toujours désigné comme forteresse, y compris au xve siècle lorsqu’il sert régulièrement de résidence à des membres de la famille des Rohan.
- 16 Le lieu est cité dès 1199 (Dom Morice, Preuves, i, col. 783).
- 17 Dom Morice, Preuves, i, col. 1033 : manerium, quod vocatur Brengilly, quod fuerat quondam prædictæ (...)
- 18 Dom Morice, Preuves, i, col. 41.
- 19 Dom Morice, Preuves, i, col. 1068-1069 : videlicet manerium meum de Noial situm in dicta parochia (...)
6D’autres termes sont moins fréquemment, et souvent bien plus tardivement, employés. La question se pose alors de savoir s’ils reflètent une diversification des formes castrales ou une précision du vocabulaire employé en fonction du statut du site. Le terme le plus courant dans la zone d’étude est celui de manerium qui désigne systématiquement un domaine associé à une résidence, le plus souvent fortifiée, mais qui ne se trouve pas à la tête d’une seigneurie majeure. L’importante motte de Bodieu (Mohon, Morbihan) est désignée sous le terme de « manoir » dès 122116 ; le manerium quod vocatur Brengilly, aux mains des Rohan, est également cité en 127417. C’est encore sous cette dénomination qu’est désigné le château ducal de Suscinio dans le Chronicon Briocense rédigé à la fin du xive siècle18. À partir des années 1250, c’est également le terme privilégié pour désigner la résidence principale de la petite noblesse : la résidence de Geoffroy de Noyal est désignée sous le terme de manerium de Noial en 128319 par exemple. Apparaît alors, dans la documentation postérieure aux années 1250, une multitude de résidences satellites des grandes seigneuries, sans que l’on puisse présager de leur caractère fortifié.
- 20 BnF, Fr. 22330, fo 444 ; transcription partielle dans Cartulaire du Morbihan, no 275 et Dom Morice(...)
- 21 Tanguy, Bernard, « La terminologie manoriale en Bretagne au bas Moyen Âge », Bulletin de la Sociét (...)
- 22 Dom Morice, Preuves, i, col. 960-961 : ad herbergiandum me ad meum proprium herbergamentum de Bode (...)
- 23 Cartulaire du Morbihan, no 294. Guaru est alors situé dans la paroisse d’Elven ou à proximité. Le (...)
7Le terme d’herbergement est souvent associé aux mêmes sites et se rencontre à la même période. Le premier usage de ce terme remonte, dans le Vannetais et le Porhoët, à l’année 1248. Il est alors utilisé pour désigner des résidences secondaires des Rohan que sont la Ville-Jégu (Le Cambout, Côtes-d’Armor) et le Plessis20. Le terme d’herbergamentum semble recouvrir une réalité proche de celle du manerium, à tel point que, selon les actes, les deux termes sont utilisés pour désigner le même site ; voire parfois, ils sont simultanément utilisés sous la forme courante de « manerium et herbergamentum de » ou encore dans les nombreux aveux du xve siècle « manoir (ou maison) et herbergement de »21. La résidence des seigneurs de Bodégat (Mohon), vassaux directs des Rohan, est désignée à la fois comme herbergamentum et comme manerium dans le même acte de 125522. Un acte de 1255 désigne la résidence de Bartholomé de Questembert comme herbergamentum seu domicilium de Guaru23. Quel que soit le mot choisi, il reste très net que, plus encore que dans les régions voisines, les termes « manoir » et « hébergement » ne se rapportent qu’à des sites qui ne sont jamais des centres politiques : même s’ils dépendent du duc ou d’un vicomte, comme Bodieu, Branguilly (Gueltas, Morbihan), La Ville-Jégu, Le Plessis ou Bourgerel (Remungol, Morbihan), ils n’ont pas, et n’obtiennent jamais, le titre de « château ». Derrière ces quelques termes, les résidences « secondaires » de la haute aristocratie côtoient donc, sans distinction, les résidences de la petite noblesse.
- 24 Dom Morice, Preuves, i, col. 539 (vers 1118): Gaufredus vicecomes fil. Eudonis […] in aula sua.
- 25 Casset, Marie, Les évêques aux champs. Châteaux et manoirs des évêques normands au Moyen Âge. Caen (...)
- 26 Dom Morice, Preuves, i, col. 1090 : « led. viconte tenoit en sa main por l’usage de son hostel ses (...)
- 27 Dom Morice, Preuves, i, col. 1224-1228.
8D’autres usages restent marginaux et nous ne reviendrons pas dans le détail sur leur fréquence et leur signification. Les mentions d’aula sont presque inconnues : un seul emploi est relevé vers 1118 concernant les vicomtes de Porhoët24. Quant à l’usage du terme « hostel », qui est, selon M. Casset, l’équivalent français de domus25, il est également anecdotique : le vicomte de Rohan détient un « hostel » à Rohan en 128926, qui désigne davantage sa maisonnée et Alain Hidoux en détient également un en 1309 à Bréhan (Morbihan)27.
9À défaut de nous éclairer sur la morphologie du site fortifié désigné dans la documentation, les sources écrites nous donnent une première image du développement castral d’une période charnière de l’histoire médiévale.
10L’apport des sources écrites offre un bilan contrasté, que ce soit dans la partie sud du département du Morbihan (ancien Vannetais) ou dans la partie nord (Porhoët). Dans le Vannetais, l’identification des sites existants est relativement précise au xiiie siècle, mais pour les siècles précédents, seuls les sites liés à la famille ducale sont mentionnés. Pour les autres, il faut supposer une existence contemporaine de la première mention du lignage au moins. Les sources laïques, peu nombreuses, mentionnent rarement le lieu où est passé l’acte, bien que celui-ci soit certainement le plus souvent une résidence castrale. Les actes de partage des seigneuries étant inconnus en Bretagne, exception faite de la forteresse et ville d’Hennebont, dont nous avons déjà évoqué le cas plus haut, aucun acte ne rentre dans le détail du contenu du chef-lieu castral. Si l’identification des lignages est assez aisée, la datation des résidences est le plus souvent impossible à l’aune de la seule documentation écrite. Le recours aux sources écrites postérieures au xiiie siècle n’apporte pas davantage de renseignements sur leur origine. Malgré la multiplication des seigneuries dans le Vannetais dès le xie siècle, seules cinq fortifications sont explicitement mentionnées dans les actes avant la fin du xiiie siècle (tableau 1).
Tableau 1 – Premières mentions de château dans le Vannetais
- 28 Cartulaire de Redon, Appendix, no 51 : in castello Reus.
- 29 Cartulaire de Quimperlé, no 34 : castro qui dicitur Alræ.
- 30 BnF, fr. 16822, copie du xviie siècle prise sur le titre original : castello meo de Elrayo. Mentio (...)
- 31 Cartulaire du Morbihan, no 208 : castello Plormel.
- 32 Cartulaire du Morbihan, no 237, acte issu du fonds du prieuré La Madeleine de Rochefort (Arch. dép (...)
- 33 Cartulaire de Quimperlé, no 68 : apud suum castrum Henbunt.
Nom
|
Date de première mention (indirecte/directe)
|
Détenteur
|
Terme utilisé pour désigner le château ou la résidence
|
Rieux
|
88828
|
Alain le Grand
|
castellum
|
Auray
|
1070-108429
118930
|
Duc, Hoël
Constance
|
castrum
castellum
|
Ploërmel
|
1116-114231
|
Duc Conan
|
castellum
|
Rochefort
|
1184-121732
|
Jarnogon de Rochefort
|
castrum
|
Hennebont
|
1114-113133
|
Guillaume, fils de Tanguy
|
castrum
|
- 34 C’est alors la mention de 1264 qui désigne Hennebont sous le terme de mota qui correspond au castr (...)
11La pauvreté des mentions est le résultat de l’absence de fonds laïcs ou ecclésiastiques concernant la plupart des seigneuries mentionnées, contrairement au Porhoët et au Rohan, qui disposent de fonds plus volumineux, notamment suite à la fondation du prieuré Saint-Martin de Josselin, qui est le plus important de la région. Parmi les sources disponibles, ce sont principalement les forteresses ducales qui sont mentionnées : Rieux pour le haut Moyen Âge, ou Auray, Ploërmel pour les xie-xiie siècles et enfin Hennebont, suite à la réintégration de la seigneurie dans le domaine ducal au xiiie siècle34. Seul le castrum de Rochefort fait exception dans cette liste, en étant mentionné à la fin du xiie ou au début du xiiie siècle. Dans la plupart des cas, il est probable que l’existence de la place-forte soit bien antérieure à ces premières (et souvent uniques) mentions. Le problème de source est ici prégnant : ainsi, aucune résidence ducale n’est explicitement mentionnée à Vannes, avant le xive siècle, ce qui pose d’ailleurs la question de l’utilisation réelle d’une résidence appartenant en propre au duc dans cette ville, avant la construction du château de l’Hermine.
12L’absence récurrente de désignation du château pose toutefois un problème dans la perception des statuts des places-fortes et de leurs détenteurs. L’utilisation des termes castrum et castellum, est, systématiquement, comme nous l’avons vu plus haut, indicatrice de la présence d’un centre seigneurial qui concentre les pouvoirs politiques et judiciaires. En l’absence de telles indications, seule la mention de « seigneur de X » et l’existence d’une seigneurie (et d’un château) à la fin du Moyen Âge permettent de supposer, à partir des seules sources écrites, l’existence d’un centre seigneurial majeur.
- 35 Cartulaire de Redon, no 356 : Derianus de Eluen.
13En prenant en compte l’apparition du nom de la lignée correspondant au nom du château, il est donc possible de compléter ce premier tableau des fortifications vannetaises, mais sans assurance du statut des résidences. S’y ajoutent alors Elven, Lanvaux, Kaër, Muzillac et Malestroit. Ces mentions, bien qu’indirectes, précisent une chronologie en deux temps. Une première série de sites remontant au haut Moyen Âge et héritiers de sites antiques importants est identifiée sur des points stratégiques du territoire. Ils dépendent alors de la famille royale ou comtale. C’est le cas de Vannes bien sûr, mais également de Rieux et éventuellement de l’Isle. D’autres sites peuvent remonter au xe siècle et sont confiés à des proches de la famille comtale. C’est le cas d’Elven : même si l’adoption du nom d’Elven n’est effective qu’en 102135, la famille est possessionnée depuis le xe siècle dans cette paroisse, ce qui n’exclut pas l’existence d’un château avant 1021. Malgré le flou qui entoure ces lignages et leurs lieux de résidence avant la fin du xiiie siècle, l’archéologie confirme qu’il n’existe, dans le Vannetais, aucun lignage aristocratique majeur dépourvu de fortifications à la fin de cette période.
- 36 La plupart des actes originaux, conservés à Blain, ont disparu. Toutefois, de nombreuses copies, n (...)
- 37 Dans ce cas (Bodieu, Mohon), la forme du château est bien celle d’une fortification de premier pla (...)
- 38 Cartulaire de Redon, no 292 ; Dom Morice, Preuves, t. i, col. 361. L’acte du cartulaire de Redon m (...)
14La situation dans le Porhoët et le Rohan apparaît bien différente, en raison d’un apport documentaire plus important36. Onze sites sont mentionnés dans les actes avant la fin du xiiie siècle, dont sept explicitement désignés comme castrum, castellum et un comme manerium37 (tableau 2). La plupart occupent encore une place majeure dans le réseau de la fin du Moyen Âge. Les sites les plus anciennement documentés (dès le début du xie siècle) sont les premiers centres du pouvoir des comtes de Porhoët : Château-Thro et Josselin38. Au xiie siècle, apparaissent les sites de la vicomté de Rohan : Castennec, Rohan, Pontivy, Les Salles et Bodieu. Enfin, au xiiie siècle, des sites périphériques, centres de châtellenie, sont rattachés aux familles de Rohan et de Porhoët : Corlay, La Chèze et Guémené.
Tableau 2 – Premières mentions des châteaux dans le Porhoët et le Rohan
- 39 Cartulaire de Redon, no 391. La datation de l’acte est celle proposée par H. Guillotel (Guillotel, (...)
- 40 D’après J.-M. Le Mené, le château des Salles en Sainte-Brigitte fut élevé au xie siècle par les vi (...)
- 41 Cartulaire du Morbihan, no 204, no 205 ; BnF, fr. 22319.
- 42 Cartulaire du Morbihan, no 254.
- 43 La première mention de Corlay remonte en réalité à 1184 lorsqu’il est question, lors de la fondati (...)
- 44 BnF, fr. 22338. Suite aux « débats » entre Thomasse de la Roche et son fils Olivier de Rohan au su (...)
- 45 Dom Morice, Preuves, i, 1010 pour le passage en 1239 à Aliénor de Porhoët.
- 46 Cartulaire de Fougères, no 48 ; BnF, fr. 22330.
- 47 Dom Morice, Preuves, i, col. 950.
- 48 BnF, fr. 22337 : « chastel de Pontguegant ».
Nom
|
Commune actuelle
|
Date de première mention (indirecte/directe)
|
Terme utilisé pour désigner le château ou la résidence
|
Château-Thro
|
Guilliers
|
xie (1re moitié)
|
castrum
|
Josselin
|
Josselin
|
xie (1re moitié)
|
castellum, castrum
|
Castennec
|
Bieuzy-les-Eaux
|
1118-112839
|
castrum
|
Les Salles
|
Sainte-Brigitte
|
1118-112840
|
—
|
Rohan
|
Rohan
|
1126-112841
|
castrum
|
Pontivy
|
Pontivy
|
1150
|
—
|
Bodieu
|
Mohon
|
1163, 122142
|
manerium
|
Corlay
|
Corlay
|
127643, 130944
|
castrum, manerium
|
La Chèze
|
La Chèze
|
123945, 124146
|
fortericia
|
Guémené
|
Guémené-sur-Scorff
|
125147
|
—
|
Pontguégant
|
Pontguamp
|
129848
|
chastel
|
Figurent en italique les mentions indirectes (cour, chef-lieu de châtellenie) sans qualificatif associé au château.
- 49 Cartulaire de Redon, no 391.
- 50 Plusieurs actes sont passés à Perret, en 1232, par le vicomte Alain de Rohan en faveur des moines (...)
15À ces demeures des vicomtes de Rohan, il est également possible de rattacher celle dite des Salles, sur les bords de l’étang des Forges des Salles, aujourd’hui en Sainte-Brigitte. Si Perret (« Penret » dans les textes médiévaux) est mentionné dès les années 1118-1128 comme un lieu à la nature imprécise49, la résidence des vicomtes apparaît indirectement dans la documentation à partir de 1232 puisque des actes y sont passés50.
- 51 Halgouët, Henri du, La vicomté de Rohan et ses seigneurs. Saint-Brieuc/Paris, Prud’homme et Champi (...)
- 52 Arch. dép. de Loire Atlantique, B 1982, aveu de 1471, rendu par Tristan du Perrier, tuteur de Jean (...)
- 53 Cette résidence n’est d’ailleurs pas localisée.
- 54 Dom Taillandier, Histoire, t. ii, p. clxv.
- 55 Dom Taillandier, Histoire, t. ii, p. clxv. Le site, bien qu’identifié comme camp protohistorique, (...)
- 56 Concernant « Chasteauront » mentionné dans le même paragraphe, il pourrait s’agir d’une déformatio (...)
16D’après des sources plus tardives et incertaines, nous pourrions ajouter à ce décompte plusieurs autres sites pour lesquels les indices de leur occupation et de l’existence même d’une fortification avant la fin du xiiie siècle sont plus ténus. C’est le cas de Gouarec : d’après H. du Halgouët, la seigneurie de Gouarec dépendait certainement de Corlay, mais la présence d’un château n’est jamais clairement attestée51. Selon Ogée, il existait à Gouarec, en 1400 « un fort château », ce qui semble confirmé par l’aveu de 1471 qui précise que Gouarec a « apparence de ville forte… et de grandes douves52 ». Il est possible que la ville ait pu être fortifiée mais la présence d’une résidence seigneuriale reste tout à fait hypothétique, tout comme sa datation53. De même, Loudéac, bourg qui relève de la seigneurie de Rohan au xive siècle, est mentionné dans le Mémoire établi par les vicomtes en 1479, sans qu’il soit possible d’attester de la présence d’une résidence vicomtale54. Enfin, d’autres « châteaux » apparaissent dans le Mémoire de 1479 aux mains des Rohan : c’est le cas de Castel-Finans (Saint-Aignan, Morbihan)55, Terennes et Chasteauront, les deux derniers n’étant pas identifiés56. Toutefois ces trois places-fortes sont mentionnées comme déjà ruinées, n’étant citées qu’afin de rappeler l’ancienneté de leurs possessions sur ce territoire.
- 57 Cartulaire du Morbihan, no 275.
- 58 Cartulaire du Morbihan, no 381. Le site n’est pas mentionné directement mais une motte y est conse (...)
17Les sites relevés dans les sources correspondent tous à des châteaux qui servent de résidence, plus ou moins régulière, aux vicomtes. Ces biens leur appartenant en propre constituent le patrimoine familial, progressivement augmenté par la réunion de seigneuries géographiquement périphériques. Trois sites de moindre importance, par leur forme et leur rôle, sont mentionnés dans la documentation : il s’agit des « herbergements » de la Ville-Jégu (Le Cambout, Côtes-d’Armor) et du Plessis (?), cités en 124857, ainsi que de la terre et seigneurie de Cravial (Lignol, Morbihan), mentionnées en 128058. Ils constituent des résidences de plaisance, à usage principalement privé. Au cours du xiiie siècle, le cas de Corlay évolue également : d’abord désigné comme castrum en 1276, peu après son intégration dans la vicomté, il est ensuite désigné comme manerium en 1309. Il fait alors partie du douaire de Thomasse de la Roche et l’utilisation de ce terme marque la dissociation de la châtellenie de Corlay, appartenant au vicomte, et de la résidence.
- 59 Il s’agit toujours d’une « forteresse » en 1429 (Blanchard, Lettres et mandements, no 1850). Cette (...)
18La documentation médiévale ne fournit que peu d’informations sur la forme de ces résidences comtales et vicomtales. Les termes utilisés, castrum et castellum notamment, peuvent désigner tout type de fortification seigneuriale, du château-résidence à la ville fortifiée. Le terme de fortericia employé au xiiie siècle pour désigner La Chèze, renvoie quant à lui plus clairement à une fonction militaire de l’édifice59. Enfin, le terme manerium, employé dans le cas de Bodieu (Mohon), renvoie plus directement à un site résidentiel secondaire. Pourtant, au milieu du xiie siècle, Bodieu se présente comme une fortification de terre massive, englobant une résidence secondaire des vicomtes de Porhoët et un prieuré. Les textes ne laissent toutefois jamais transparaître l’ampleur de la fortification.
19Les textes médiévaux renseignent donc sur l’importance numérique du réseau castral mis en place par les vicomtes de Rohan et de Porhoët (figure 1), mais ils ne permettent pas d’appréhender la forme et l’évolution de ces premiers châteaux.
Figure 1 – Cartes de synthèse de l’apparition des châteaux dans les sources entre le xie et le xve siècle
20Malgré les mentions de ces fortifications, la forme de la résidence est souvent méconnue pour ces grands sites. L’usage de la motte reste fréquent (Rohan, Pontivy, Elven) mais n’est pas exclusif. Les formes adoptées par les résidences castrales sont en effet très diverses et s’adaptent le plus souvent à des états antérieurs. Nous ne présenterons ici que quelques cas représentatifs de cette diversité, dont certains ont pu faire l’objet de relevés (figure 2).
Figure 2 – Planche de synthèse des morphologies des sites relevés appartenant aux principaux lignages (2011-2014)
- 60 Cartulaire de Redon, Appendice, no 51 : in castello Reus.
- 61 Cartulaire de Redon, no 266 : ad castellum Reus.
- 62 On les retrouve dans cet acte après les comtes (Alain), et les vicomtes (Guethenoc, vicomte de Por (...)
- 63 Les vestiges d’une occupation protohistorique sont encore plus ténus que ceux de l’occupation anti (...)
- 64 Les quelques fouilles menées dans le château n’ont pas permis de repérer de mobilier (même résidue (...)
- 65 Le LIDAR, ou « laser detection and ranging », est une technique télémétrique d’acquisition de donn (...)
21Commençons par le cas d’un site extraordinairement bien documenté par les sources les plus anciennes : Rieux (Morbihan). Importante agglomération gallo-romaine, Rieux est, encore au Moyen Âge, un point stratégique contrôlant une voie de circulation majeure franchissant la Vilaine au pied du château. En 888, Rieux apparaît à deux reprises comme l’un des lieux de résidence d’Alain le Grand, comte de Vannes et de Nantes, en période de paix60. Il réside encore à Rieux en 895, lors d’une donation à Redon61. Les informations disponibles font tout au moins remonter le lignage des Rieux au xie siècle. Les premiers membres de ce lignage sont mentionnés dans la première moitié du xie siècle : Rodald de Rieux, ainsi que son fils, Alain, sont présents aux côtés d’Alain de Cornouaille et des vicomtes de Porhoët et de Léon vers 102162. Le château de ce lignage, dominant directement la Vilaine d’une dizaine de mètres, se trouve à l’extrémité est du bourg médiéval. Il occupe un promontoire rocheux entouré de marécages. Un fossé le sépare du plateau occupé par le bourg. La situation dominante du promontoire amène à supposer l’existence d’une occupation, de nature défensive, dès l’Antiquité au moins63. Le relevé microtopographique (figure 2) réalisé montre bien la morphologie du site castral : tirant profit de la proximité de l’eau, le premier fossé a été creusé de manière à pouvoir canaliser les eaux de la Vilaine. L’aménagement de ce triangle rocheux, détaché par le fossé, est impossible à dater64. L’ensemble fortifié est plus complexe encore : l’analyse du cadastre et l’exploitation des données lidar65 révèlent une seconde, puis une troisième ligne de fossés vers l’ouest (figure 3). On a donc dans le cas de Rieux un promontoire protégé par pas moins de trois fossés, représentant une surface enclose de 59 000 m². L’ensemble a été amputé par l’installation d’un couvent de Trinitaires au milieu du xive siècle, mais reste très important.
Figure 3 – Plan de Rieux d’après le cadastre de 1812
Cadastre de 1812, section unique, Arch. dép. du Morbihan, 3 P 240/10.
22Autre site majeur lié à un lignage apparaissant dans les années 1120, le château de Rohan (Morbihan) est partiellement conservé. L’analyse des indices cadastraux, notamment, confirme l’existence d’une motte avec basse-cour, entièrement modifiée par la reconstruction du château à la fin du Moyen Âge. On reconnaît aisément à Rohan une motte de grandes dimensions (une cinquantaine de mètres de diamètre), encore partiellement conservée. En observant les données, le site se révèle également plus vaste et complexe : l’ensemble est nettement délimité par un fossé, repérable dans le parcellaire. Celui-ci enserre la motte, tandis qu’à l’ouest, un système de fossés, sans doute en partie naturels, protège le site côté plateau. Bien visible aujourd’hui, il permet également de protéger le bourg aux moines, qui s’est développé dans un environnement ouvert, côté plateau. L’ensemble délimité atteint donc 142 000 m², dont 20 000 m² pour le seul espace castral.
- 66 Cartulaire du Morbihan, no 237 : ego Jarnogonius dominus de Rochaforti.
- 67 Commune de Pluherlin (Morbihan). Il s’agit de 5 sites d’occupation et d’un fanum installé sur les (...)
- 68 L’un se trouve directement à l’ouest du château et délimite l’extrémité de l’éperon englobant le b (...)
23Prenons enfin l’exemple de Rochefort-en-Terre (Morbihan). Les érudits du xixe siècle ont rattaché à ce lignage plusieurs personnages dès le début du xiie siècle. Il est bien difficile de confirmer leurs suppositions. Jarnogon de Rochefort, cité comme seigneur de Rochefort après 1180 est le premier seigneur clairement rattaché à ce lieu66. Il fait notamment des donations au prieuré de Rochefort en dédommagement des dégâts subis par les moines établis dans son castrum par sa faute. Les premières mentions du lignage et du château sont donc simultanées. Il s’agit d’un cas classique qui pourrait permettre d’attribuer la fondation de ce château au xiie siècle. Il ne reste aujourd’hui rien en élévation de cet édifice. En revanche, une analyse un peu plus large de Rochefort et de ses environs amène à s’interroger sur l’antériorité de ce site. Rochefort est un site exceptionnel du point de vue topographique (figure 4). Implanté au sommet d’un éperon très effilé, il domine un point de passage de fond de vallée entre les Landes de Lanvaux et la vallée de l’Arz au nord et le Vannetais au sud. L’étranglement qu’il domine permet le contrôle d’un axe fréquenté au Moyen Âge puisque c’est le long de celui-ci (un axe est-ouest encore conservé en partie dans le tracé des routes départementales 777 et 21), dans un environnement encaissé, que se développe le premier bourg de Rochefort (aujourd’hui « Vieux Bourg »). La présence de pas moins de six sites antiques à moins de 2,5 km vers l’ouest67 confirme une forte présence avant le Moyen Âge. Si l’axe nord-sud contrôlé par le château n’est pas attesté durant la période antique, il n’en reste pas moins que le profil du site, qui est celui d’un éperon barré68, peut renvoyer à une forme bien antérieure au xiie siècle. La présence de plusieurs établissements religieux, en discordance avec l’étendue de la ville médiévale, indique également la possible présence d’une occupation antérieure au Moyen Âge central, notamment en raison de la présence d’un prieuré, dédié à saint Michel et implanté à l’extrémité de l’éperon, dans la même situation que celui de La Couarde à Castennec (Bieuzy-les-Eaux, Morbihan). L’étendue du site fortifié a également été largement sous-estimée : seul le château et sa basse-cour ont été identifiés. Mais ce sont deux fossés supplémentaires qui barrent l’éperon de Rochefort : le premier, partiellement conservé, se trouve à l’ouest de la chapelle, tandis qu’un second, visible dans le parcellaire, se trouve à 900 m à l’ouest du château, encore occupé aujourd’hui par un chemin creux. Dans le cas de Rochefort, comme dans celui de Rohan, l’espace côté plateau est occupé par un établissement monastique. Cette disposition est exactement celle du xiie siècle à Castennec. Les indices d’une occupation antique ou du haut Moyen Âge à Rochefort sont donc réels.
Figure 4 – Plan de Rochefort d’après le cadastre du xixe siècle
Rochefort, cadastre sans date, section unique (Arch. dép. du Morbihan, 3 P 241/2 et /3) ; Pluherlin, cadastre de 1840, section K (Arch. dép. du Morbihan, 3 P 217/41-43).
24Dans trois de ces quatre exemples, l’importance de l’occupation antique est donc assurée : à Rieux (l’antique Durétie), à Castennec (l’antique Sulim ?), et à Rochefort. Dans le cas de Rohan, l’hypothèse est plus difficile à étayer. Si les toponymes sont, pour la plupart, médiévaux (Castennec [Castel-Noec], Rochefort et Rohan), ils ne doivent pas cacher l’existence de sites fortifiés bien plus anciens, réutilisés à profit dès le xiie siècle au moins. Si l’on s’attache davantage à l’analyse morphologique du site, on retrouve de nombreux points communs entre ces quelques sites pris pour exemple. Se dégage alors un modèle assez cohérent de sites occupant des éperons souvent étroits (figure 5), dominant des cours d’eau (et un pont) et/ou un carrefour de voies majeures. Dans la plupart des cas, il faut donc sérieusement re-questionner l’hypothèse de l’émergence de nouveaux lignages. Tout au plus pouvons-nous affirmer que le xiie siècle correspond à une période d’ancrage et d’affirmation de ces lignages qui apparaissent lors de la fondation des prieurés dont la « mode » se développe au xiie siècle autour de ces sites castraux secondaires.
Figure 5 – Comparaison des emprises des sites castraux en position d’éperon
- 69 En 1461 le site est encore mentionné dans un aveu de la seigneurie de Porhoët comme « vieil chaste (...)
- 70 En effet, les fossés les plus imposants se trouvent vers la motte et non vers l’extérieur, ce qui (...)
- 71 Cette datation repose uniquement sur une analyse externe du site. Les sondages entrepris dans les (...)
25Qu’en est-il enfin des sites secondaires mentionnés dans les sources écrites ? Ils sont plus rarement conservés, à l’exception des sites de Bodieu (Mohon, Morbihan) et de Bodinais (Les Forges, Côtes-d’Armor) (figure 2). Le premier est mentionné comme manerium dans les textes dès la seconde moitié du xiie siècle. Ce site complexe s’implante à proximité d’un cours d’eau, le Ninian, et à la lisière de la forêt de Lanouée. Site secondaire des Porhoët puis des Rohan (il apparaît dans la documentation dans la seconde moitié du xiie siècle en raison de l’installation d’un prieuré dans son enceinte), sa position excentrée par rapport au village de Mohon et des axes de circulation majeurs lui a permis d’échapper aux remaniements modernes69. Le relevé complet de la structure révèle un ensemble fossoyé complexe. La motte centrale présente un profil très altéré : son élévation actuelle, de 3 mètres en moyenne est assez réduite comparée à sa superficie et aux descriptions anciennes lui donnant jusqu’à 7 mètres de hauteur avec des douves conservées. Au sud de cette motte, une enceinte apparaît bien mieux conservée. Entouré d’un puissant fossé de 6 à 7 mètres de profondeur par endroits, pour une largeur d’une quinzaine de mètres, cet élément apparaît comme antérieur à la grande enceinte qui s’y rattache70. L’aménagement de ce site s’est donc fait au moins en deux temps : tout d’abord une première enceinte qui est sans doute antérieure au xie siècle71, puis l’installation de la motte et du prieuré, au plus tard au xiie siècle, la grande enceinte venant clore l’ensemble. Au milieu du xiie siècle, Bodieu se présente donc comme une fortification de terre massive, comprenant une enceinte et une motte dont les dimensions placent cet ensemble parmi les sites majeurs. Les textes ne laissent toutefois jamais transparaître son caractère défensif. Le terme manerium employé dans le cas de Bodieu renvoie donc directement au caractère secondaire du site au sein du réseau castral des Porhoët et non à l’absence de critère de fortification.
- 72 Arch. dép. de Loire-Atlantique, B 1982.
26Quant à Bodinais, sa morphologie ne correspond pas à une motte, mais bien à une plateforme circulaire (figure 2). Son emprise, de 5 200 m², ne permet pas au premier abord de préciser une période chronologique pour ce site. La prospection a permis d’identifier quelques tessons non datables (mais sans trace de céramique antique) et deux fragments de cols médiévaux (sans doute des xiiie-xve siècles). L’existence d’une seigneurie à la fin du Moyen Âge mais surtout la mention de Bodiné dans le registre de la seigneurie de Rohan en 1471 amène à y voir un site castral médiéval, dont l’origine est difficile à dater. Il est en 1471 désigné comme « château et forteresse de Bodiné » et cette mention reste unique72. Malgré sa forme qui a amené à y voir un site gallo-romain (indication figurant encore sur les cartes IGN), il s’agit donc sans doute d’une forme de fortification médiévale.
27Finalement, la confrontation entre évolution du réseau entrevue par les textes, démontrant une phase importante d’émergence des sites castraux autour des années 1120-1180, et la réalité archéologique complique donc l’analyse d’une évolution chronologique des réseaux castraux. Une analyse plus fine démontre clairement que nombre de sites sont bien antérieurs à leur première mention (c’est le cas notamment de Rochefort-en-Terre qui réunit tous les critères trahissant une occupation bien plus ancienne que la fin du xiie siècle). Il faudrait donc chercher ici à la fois des vestiges de fortification peut-être protohistorique, sans doute du haut Moyen Âge, impliquant la présence, depuis des périodes plus anciennes, de pouvoirs laïcs qui sont pourtant totalement absents de la documentation. Ces quelques exemples, reproductibles, prouvent largement que les textes et l’étude du terrain apportent des informations souvent discordantes, mais que le croisement de ces informations ouvre de nouvelles perspectives dans la compréhension de la gestion des réseaux castraux. L’impact de structures fortifiées antérieures paraît ainsi bien plus fréquent et prégnant que ce qui était jusque-là envisagé : rares sont les sites établis ex nihilo au Moyen Âge central et cette insertion dans un paysage fortifié déjà esquissé amène également à réinterroger la question de la chronologie de l’émergence des lignages châtelains.
28L’analyse des formes castrales montre un certain nombre de constantes (la maîtrise d’une voie de passage, mais également la proximité de l’eau) qui résultent de choix délibérés qui, loin de s’affranchir d’une situation antérieure mal connue, s’inscrit dans un paysage déjà maîtrisé. Le réseau castral, qui se pérennise, contribue ainsi à la territorialisation croissante des pouvoirs, qui s’affirme par l’imposition de marques de pouvoir telles que la construction du château et la « castralisation » du peuplement. Cette évolution, perceptible dès les années 1200, amène progressivement à la mise en place de seigneuries aux cadres territoriaux bien définis, qui, au xve siècle, ont acquis leur extension définitive, après d’ultimes réajustements entre le xiiie et le xve siècle. Se développent, au sein de ces grandes entités, des lignages secondaires, qui apparaissent parfois dans la documentation et participent à la construction d’un grand nombre d’autres sites fortifiés, plus modestes mais qui permettent de compléter cet aperçu.
29Laissant de côté ces places-fortes majeures qui ont souvent fait l’objet de modifications structurelles profondes jusqu’à l’époque moderne, voire de destruction complète, le questionnement autour des sites fortifiés de moindre ampleur se révèle plus complexe encore. Nous allons ici aborder la question de sites qui ne sont (presque) jamais mentionnés dans les textes. Occasionnellement, nous pouvons les retrouver cités dans des documents de la fin du Moyen Âge : quelques mottes sont ainsi mentionnées sans que cela puisse nous informer davantage sur leur datation ou sur l’identification de leurs premiers détenteurs. Elles relèvent sans doute, pour la plupart, de petits lignages châtelains, qui ont déjà disparu ou se sont fondus dans d’autres lignages.
30La reprise d’un inventaire des fortifications médiévales sur une zone géographique large comporte plusieurs écueils. Le premier est la quantité de sites identifiés. Tous ne sont pas conservés, mais le dépouillement de diverses sources n’apporte pas moins de 410 sites mentionnés par les érudits et/ou localisables. Parmi tous ces sites décrits comme « fortifications médiévales », « retranchements », rares sont ceux pour lesquels la datation est assurée. La disparition de près de 75 % des sites identifiés ne permet pas de répondre à ces questionnements. Au final, l’analyse ne peut porter que sur un corpus de sites pour lesquels les indices d’une occupation médiévale sont probants. Il a donc fallu opérer un tri et ne conserver qu’un inventaire qualitatif plus que quantitatif.
31Sont donc notamment inclus :
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les châteaux, dont un état est au moins attesté avant la fin du xiiie siècle (souvent à partir de la documentation d’archives),
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toutes les mottes et mentions de motte (une centaine de sites à l’échelle du département du Morbihan, dont 39 sont bien conservées en élévation).
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les enceintes qui sont clairement associées à une occupation médiévale (souvent par le biais de l’installation à proximité d’un manoir attesté au xive ou au xve siècle, indiquant la poursuite du caractère de centre domanial),
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les manoirs mentionnés dans les sources antérieures au xiiie siècle.
32Au total, 129 sites sont intégrés dans l’étude. Ce recensement ne concerne donc pas tous les sites aristocratiques médiévaux, mais seulement ceux sur lesquels l’analyse morphologique est possible. Nous n’avons aucune information sur la localisation et sur la morphologie des résidences de la plus grande majorité des nobles mentionnés dans les actes antérieurs au xiiie siècle. Cette discordance démontre clairement que l’habitat fortifié n’est pas, dès le xiiie siècle au moins, le mode de résidence privilégié par ces classes sociales, déjà remplacé par des modèles de résidence plus ouverts, tels que les manoirs, laissant une empreinte topographique plus ténue.
33Les questions de terminologie sont complexes et largement débattues depuis les années 1970 autour de ces petites fortifications. Les distinctions courantes « motte / enceinte / château / manoir » cachent des réalités beaucoup plus complexes. Ces différences ne sont identifiables qu’en ayant recours à une description sur le terrain de chacun des sites et à des relevés topographiques, qui ont pu être appliqués à 25 sites du corpus.
34L’inventaire a révélé l’existence d’un grand nombre de mottes conservées. Leurs dimensions sont cependant très diverses, d’une vingtaine de mètres de diamètre à plus de cinquante dans le cas de Rohan, renvoyant à des statuts différents. La majorité des mottes rencontrées sont des sites de dimensions moyennes : le tertre, circulaire (ou plus rarement quadrangulaire), varie en général de 25 à 30 mètres de diamètre, pour une hauteur moyenne conservée de 3 à 6 mètres (figure 6). Les tertres relèvent de deux modes de construction, parfois complémentaires : la retaille d’un substrat rocheux ou l’adjonction de terres pour former le tertre. On retrouve le plus souvent, au sommet, une construction simple, souvent constituée d’une unique tour. Ce sont 12 mottes qui conservent encore aujourd’hui ces vestiges. Systématiquement quadrangulaire, la tour atteint entre 9 et 15 m de côté, en moyenne, et est parfois associée à une enceinte (chemise) surmontant également la motte. Ces dimensions sont ainsi beaucoup plus modestes que celles de la tour romane quadrangulaire de la motte de La Gacilly, par exemple (détruite dans les années 1880).
35Si la motte est toujours associée à des fossés, la présence de basse-cour n’est toutefois pas systématique et certains sites n’en ont jamais été pourvus. Si elles prennent des formes diverses, il n’en reste pas moins que les sites se distinguent par une volonté très nette de dominer le paysage et se trouvent donc tournés vers la vallée.
Figure 6 – Comparaison morphologique des mottes relevées
- 73 Péaule (Morbihan) (Daré, Sébastien, Autour du Golfe du Morbihan, Landes de Lanvaux et sud de la va (...)
36L’enceinte n’est pas une fortification spécifiquement médiévale. Bien connue depuis la protohistoire, son mode de construction est plus simple que celui de la motte. Constituée, a minima, d’un talus de terre et d’un fossé, l’enceinte peut prendre des dimensions très diverses, de 25 mètres de diamètre jusqu’à plus de 200 mètres. Le constat que nous faisons est que les grandes enceintes sont très difficiles à associer avec certitude à une occupation médiévale. Celles reconnues dans l’aire d’étude sont souvent datées de l’âge du Fer (enceinte du Château à Péaule73) et particulièrement complexes. Si certaines peuvent être associées à une occupation du Moyen Âge central, les quelques sites fouillés montrent qu’elles sont abandonnées entre le xie et le xiie siècle. C’est le cas du Camp des Salles de Locronan, de Kergoac’h / Vilerit (Mellionnec/Ploërdut), de Talhoët / Coët-Codu (Langoëlan), de l’enceinte de Bressilien, abandonnée après le ixe siècle, etc.
37D’autres sites, qualifiés tantôt de motte tantôt d’enceinte, sont de dimensions réduites. Le site de Fort-Créno (Saint-Barnabé, Côtes-d’Armor) n’est jamais mentionné dans les textes mais identifié dès le xixe siècle comme « vestiges gallo-romains ». Il occupe un léger bombement naturel et permet de contrôler le cours du Lié à l’est. Mais sa morphologie est encore une fois particulière (figure 7) : il s’agit d’une enceinte entourée d’un très important fossé. Vu de l’extérieur, le site ressemble pourtant à une motte, tout comme celle de Saint-Gildas (Carnoët, Côtes-d’Armor). Ce type de site composé d’une enceinte surmontant un tertre et entouré d’un fossé dépassant les 5 m de profondeur, est assez courant dans la zone d’étude. Parmi les « mottes » recensées, huit sites présentent le même mode constructif, avec toutefois des différences de dimensions et de forme. C’est le cas de sites tels que Le Vieux Moulin (Saint-Nolff) par exemple. La distinction entre la motte et l’enceinte est donc parfois ténue et montre bien la perméabilité des modèles.
Figure 7 – Comparaison des plans de Fort-Créno (Saint-Barnabé) et Vieux Moulin / Kerboulard (Saint-Nolff)
- 74 Carré, Gaël, Litoux, Emmanuel et Hunot, Jean-Yves, Demeures seigneuriales en Anjou, xiie-xve siècl (...)
38Enfin, force est de constater que les mottes et les enceintes ne sont pas exclusives. La diffusion des formes manoriales est un élément important, surtout à partir du xiiie siècle. Toutefois, bien qu’il ne s’agisse pas de forteresses au sens militaire, certains sites sont dotés de caractères défensifs nettement marqués : fossés profonds (3 à 5 mètres), talus, tours d’angles. Les parties fossoyées de ces sites peuvent être de deux types. Tout d’abord des fossés (associés ou non à un talus interne) qui englobent l’intégralité de l’espace bâti (logis et basse-cour). Éventuellement, le site peut être aménagé sur une plateforme, ovalaire ou quadrangulaire, légèrement surhaussée. Leur conservation est en revanche très aléatoire, mais la fréquence de la mention de manoir à partir des années 1250 laisse supposer l’existence de nombreux sites reprenant ces formes architecturales qui sont connues dans d’autres régions, telles que l’Anjou ou la Normandie. L’instabilité de la résidence principale décline à partir du xiiie siècle. C’est à partir des années 1240-1250 que les lignages se rattachent définitivement à une résidence qui, le plus souvent, prend leur nom. Les manoirs se multiplient et sont plus faciles à identifier et à localiser. Autour des Rohan, plusieurs sites sont connus : nous avons parlé de Bodieu, mais les Porhoët/Rohan ont également les manoirs de la Ville-Jégu et du Plessis, désigné en 1248 dans le partage de la seigneurie. La Ville-Jégu est un manoir occupé jusqu’au xvie siècle au moins. Le parcellaire montre que le manoir s’inscrit au sein d’une plate-forme antérieure (distorsion dans les dimensions et dans les orientations) entourée de fossés en eau (figure 8). Ce type d’aménagement est connu par ailleurs : les sites des Douves (Coëtlogon, Côtes-d’Armor) et de Bodégat (Mohon, Morbihan) sont semblables. Les dimensions et ce type d’aménagement correspondent également à ce qui a pu être identifié en Anjou, par exemple, avec le manoir de Vilgué à Vieil Baugé, dont l’état le plus ancien du bâti pourrait remonter au xiie siècle74.
Figure 8 – Plans des manoirs de La Ville-Jégu de des Douves d’après les cadastres du xixe siècle et comparaison avec le manoir de Vieil Baugé (Maine-et-Loire)
39Au final, près de 40 % des sites inventoriés comme « fortification seigneuriale » se révèlent présenter des morphologies très différentes du modèle couramment proposé du « château à motte ». Beaucoup plus fréquentes sont les enceintes ou les plateformes fossoyées, qui offrent des espaces légèrement surélevés beaucoup plus vastes que les mottes pour aménager des structures fortifiées et qui peuvent correspondre à des types de fortifications qui se développent au cours des xiie-xiiie siècles.
40Le nombre de sites recensé est légèrement moins élevé dans le Morbihan et le sud des Côtes-d’Armor qu’en Ille-et-Vilaine ou dans le Finistère par exemple. La cartographie des principaux sites apporte quelques éléments d’explication (figure 9). Il faut tout d’abord prendre en compte l’important domaine ducal sur le littoral. Les abords des principaux cours d’eau (Blavet, Scorff, Loch) concentrent un certain nombre de fortifications réellement défensives mais les alentours de Vannes sont bien maîtrisés et la multiplication des fortifications y semble strictement contrôlée. La partie sud-est du Morbihan paraît également vide. Cette zone correspond exactement aux limites des nombreuses possessions de l’abbaye de Redon dès le haut Moyen Âge. Les réseaux, ceux des paroisses et ceux des élites, sont donc précocement mis en place. Dans ce contexte de peuplement ancien, aucune motte ne prend place au sein du maillage territorial. Le pouvoir de l’abbaye de Redon sur cette région sud-est est sans doute une cause de cette absence.
41La moitié nord de la zone d’étude correspond aux seigneuries dépendantes des deux grandes familles que sont les Rohan et les Porhoët. Comme les ducs, ils maîtrisent davantage les lignages vassaux et le contrôle de la fortification paraît favoriser le développement de manoirs plus que de mottes. La plupart des sites fortifiés se concentrent ainsi sur des limites géographiques et politiques et sur des points de circulation et de passage. Plus de 60 % des mottes recensées se situent à proximité ou sont incluses dans un réseau de fortifications dépendantes d’un chef-lieu clairement identifié. Cela démontre un contrôle relativement strict de ce type de fortification jusqu’au xiiie siècle au moins.
42Les sites fortifiés les plus importants apparaissent alors aux marges d’espaces politiques en pleine construction. Concentrées le long des axes fluviaux principalement, elles sont associées à des espaces sans doute encore mouvants jusqu’au xiiie siècle : la concentration de sites dans la région de Baud-Camors, entre les seigneuries de Porhoët, Rohan, Hennebont, Lanvaux et les territoires ducaux, est un exemple d’une situation propice à l’émergence de sites fortifiés, outils d’affirmation territoriale. Il en est de même pour la concentration de sites établis aux confins des anciens espaces cornouaillais et vannetais (espace du Kemenet-Héboé notamment).
Figure 9 – Répartition des sites à motte et emprise des possessions ducales, épiscopales et monastiques (abbaye de Redon)
43L’importante disparité dans les formes et les usages est une évidence à l’issue de cet inventaire. C’est l’un des apports de la prospection et des relevés microtopographiques, mais il ne va pas sans soulever des interrogations profondes sur notre conception de la fortification médiévale. Ces résidences fossoyées n’ont pour point commun que leur sens et non leur utilisation. Il s’agit avant tout, par la construction de ces tertres ou enceintes, de représenter le centre du pouvoir seigneurial et non d’affirmer un rôle militaire, qui s’avère d’ailleurs souvent absent.
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44Si la terminologie médiévale renseigne assez précisément sur le statut politique des grandes résidences aristocratiques, elle n’éclaire jamais la forme de ces sites. Il faut donc convenir que l’adéquation entre les textes médiévaux et la détermination archéologique est un leurre. Le vocabulaire scientifique choisi doit être déconnecté des conceptions médiévales retranscrites par les rédacteurs et c’est là toute la difficulté de la discussion entre l’histoire et l’archéologie. Les catégorisations proposées pour désigner les sites recouvrent de trop grandes disparités pour pouvoir être simplement analysées sous des angles politiques, de contrôle des territoires ou encore de maîtrise de l’environnement. Un château peut ainsi être une motte ou un éperon barré, tandis qu’une motte peut aussi bien être, pour l’historien, un château ou une simple résidence secondaire sans rôle politique marqué. Interroger la cartographie suppose de reprendre le corpus et de proposer une analyse spécifique de chaque site, afin de cerner non seulement sa forme, mais aussi son rôle dans le maillage territorial mis en place au Moyen Âge. L’analyse morphologique de ces sites montre avant tout la diversité des formes, des dimensions mais également des usages. La question des premières formes castrales bretonnes entre le xe et le xiiie siècle se présente de manière bien plus complexe et diverse qu’elle n’était envisagée au début de cette étude. Il convient donc d’abandonner l’idée d’une évolution logique (et linéaire) des formes castrales au cours du Moyen Âge (et particulièrement à partir du xe siècle) pour réellement s’interroger, cette fois à l’échelle du site, sur les raisons de l’adoption de l’une ou l’autre forme de construction. Mais à ces questions, seule l’archéologie peut cette fois-ci répondre, en apportant notamment des informations sur les occupations antérieures de ces sites, qui conditionnent souvent le choix de l’implantation du centre seigneurial, voire directement la forme que prend le château médiéval. L’étude démontre que la diffusion des formes de fortifications médiévales s’inscrit pleinement dans les processus de territorialisation des pouvoirs, ecclésiastique, ducal et vicomtal, qui répondent à des logiques différentes de contrôle des territoires.
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Notes
Collectif, « Les fortifications de terre en Europe occidentale du xe au xiie siècle ». Actes du colloque de Caen, octobre 1980. Archéologie médiévale, 1981, vol. 11, p. 5-123.
Respectivement : pour le Finistère, les travaux de P. Kernevez (Kernevez, Patrick, Les fortifications médiévales du Finistère. Mottes, enceintes et châteaux, coll. Patrimoine archéologique de Bretagne. Rennes, Institut Culturel de Bretagne - Centre Régional d’archéologie d’Alet, 1997 ; pour une analyse historique plus poussée : Kernevez, Patrick, Vicomtes et seigneurs de Léon du xie au début du xvie siècle. Thèse d’histoire, université de Brest, 2010) ; pour les Côtes-d’Armor : l’inventaire de S. Hinguant (Hinguant, Stéphan, Les mottes médiévales des Côtes-d’Armor, coll. Patrimoine archéologique de Bretagne, Rennes, Institut Culturel de Bretagne - Centre Régional d’archéologie d’Alet, 1994) ; pour l’Ille-et-Vilaine : les travaux de M. Brand’Honneur (Brand’Honneur, Michel, Les mottes médiévales d’Ille-et-Vilaine, coll. Patrimoine Archéologique de Bretagne. Rennes, Institut Culturel de Bretagne - Centre Régional d’archéologie d’Alet, 1991 ; Brand’Honneur, Michel, Manoirs et châteaux dans le comté de Rennes. Habitat à motte et société chevaleresque (xie - xiie siècles). Rennes, PUR, 2001).
Ces travaux correspondent aux programmes H40 puis H17 (Programmation nationale de la recherche archéologique) intitulés : « Naissance, évolution et fonctions du château médiéval ».
En 1994, dans sa thèse, Noël Yves Tonnerre soulignait l’absence de véritable inventaire pour le Morbihan, la tâche, déjà entreprise par Éric Brochard pour le Vannetais en 1994, a été complétée au début des années 2000 par Nicolas Le Badézet.
Jeanneret, Lucie, L’habitat fortifié et fossoyé dans le Vannetais et le Porhoët : étude de la structuration des pouvoirs et du peuplement au Moyen Âge (xie-xiiie siècles). Thèse d’archéologie, université de Rennes 2, 2 volumes, 2016.
Soit actuellement une grande partie du département du Morbihan et le sud des Côtes-d’Armor.
Verbruggen, Jan Frans, « Note sur le sens des mots castrum, castellum, et quelques autres expressions qui désignent des fortifications », Revue belge de philologie et d’histoire, 1950, vol. 28, p. 147-155.
Le site de Josselin est largement sur-représenté dans ce décompte des mentions : il est désigné comme castrum ou castellum dans tous les actes évoquant le prieuré de Josselin. Près de 20 % des mentions concernent ce château.
Remarque déjà formulée, à plus grande échelle, pour la Bourgogne (Mouillebouche, Hervé, Les maisons fortes en Bourgogne du Nord du xiiie au xvie siècle. Dijon, Presses universitaires de Dijon. 2002, p. 96-97).
L’apparition d’un lignage dit de Castro Celso (Champtoceaux, Loire-Atlantique) remonte aux années 1060. Dans le même temps, on retrouve un Tetbaldus de Castello Celso, mentionné en 1061. Le château de Dinan est désigné également sous le terme de castrum vers 1070 (Dom Morice, Preuves, I, col. 439 : in eodem castro, quod vocatur Dinan, vel in castellania ejusdem castri).
C’est également le cas dans le comté voisin de Rennes (Brand’Honneur, Michel, Manoirs et châteaux…, op. cit., p. 58).
Cartulaire du Morbihan, acte no 271 : monachos Sancti Martini de castello Joscellini in vico sancti Martini ejusdem castelli.
Cartulaire du Morbihan, acte no 269 : priorem Sancti Martini de Castro Joscellini.
Avant le xiie siècle, les mentions de châteaux se limitant à 10, il est impossible de préciser davantage les raisons de l’emploi de ces termes.
Cartulaire de la seigneurie de Fougères, acte no 48 ; BnF, fr. 22330.
Le lieu est cité dès 1199 (Dom Morice, Preuves, i, col. 783).
Dom Morice, Preuves, i, col. 1033 : manerium, quod vocatur Brengilly, quod fuerat quondam prædictæ Katerinæ [de Rohan].
Dom Morice, Preuves, i, col. 41.
Dom Morice, Preuves, i, col. 1068-1069 : videlicet manerium meum de Noial situm in dicta parochia de Noyal Venetensis diocesis.
BnF, Fr. 22330, fo 444 ; transcription partielle dans Cartulaire du Morbihan, no 275 et Dom Morice, Preuves, i, col. 940 : « il avendra que le doaire Margarite, qui fut fame monseignor Eun, le filz le Conte, escherra après la mort de cele, le herbergement de la Vile-Jagu et le Plesseiz ».
Tanguy, Bernard, « La terminologie manoriale en Bretagne au bas Moyen Âge », Bulletin de la Société archéologique du Finistère, vol. 138, p. 183-189. Brand’Honneur, Michel. Manoirs et châteaux…, op. cit., p. 51-52.
Dom Morice, Preuves, i, col. 960-961 : ad herbergiandum me ad meum proprium herbergamentum de Bodegat […] prata sita inter manerium meum de Bodegat et forestam suam de Lannoys.
Cartulaire du Morbihan, no 294. Guaru est alors situé dans la paroisse d’Elven ou à proximité. Le site n’est plus localisable.
Dom Morice, Preuves, i, col. 539 (vers 1118): Gaufredus vicecomes fil. Eudonis […] in aula sua.
Casset, Marie, Les évêques aux champs. Châteaux et manoirs des évêques normands au Moyen Âge. Caen, Presses Universitaires de Rouen et du Havre – Presses Universitaires de Caen, 2007, p. 107.
Dom Morice, Preuves, i, col. 1090 : « led. viconte tenoit en sa main por l’usage de son hostel ses molins de la ville de Rohan ».
Dom Morice, Preuves, i, col. 1224-1228.
Cartulaire de Redon, Appendix, no 51 : in castello Reus.
Cartulaire de Quimperlé, no 34 : castro qui dicitur Alræ.
BnF, fr. 16822, copie du xviie siècle prise sur le titre original : castello meo de Elrayo. Mention également de la châtellenie (castellania).
Cartulaire du Morbihan, no 208 : castello Plormel.
Cartulaire du Morbihan, no 237, acte issu du fonds du prieuré La Madeleine de Rochefort (Arch. dép. du Morbihan, 30 H 1).
Cartulaire de Quimperlé, no 68 : apud suum castrum Henbunt.
C’est alors la mention de 1264 qui désigne Hennebont sous le terme de mota qui correspond au castrum du lignage de Kemenet-Héboé mentionné 130 ans plus tôt. Le château est alors partagé entre Pierre de Bretagne, Hervé de Léon, puis le duc Jean Ier (La Borderie, Actes inédits, no 135 : « en tele manere que la mote de Henbont »).
Cartulaire de Redon, no 356 : Derianus de Eluen.
La plupart des actes originaux, conservés à Blain, ont disparu. Toutefois, de nombreuses copies, notamment des actes postérieurs aux années 1200, effectuées par Dom Morice principalement, ont permis la conservation d’un grand nombre d’actes.
Dans ce cas (Bodieu, Mohon), la forme du château est bien celle d’une fortification de premier plan, le terme de manerium renvoyant au statut du site dans le réseau des Rohan.
Cartulaire de Redon, no 292 ; Dom Morice, Preuves, t. i, col. 361. L’acte du cartulaire de Redon mentionnant pour la première fois ces sites est un faux ; toutefois, même s’il a été rédigé plus tardivement par les moines, sans doute pour appuyer la légitimité du prieuré auprès du nouveau château (voir acte suivant du Cartulaire de Redon, no 293), il doit s’appuyer sur des faits réels.
Cartulaire de Redon, no 391. La datation de l’acte est celle proposée par H. Guillotel (Guillotel, Hubert, Chédeville, André, Tanguy, Bernard (éd.). Cartulaire de l’abbaye Saint-Sauveur de Redon. Rennes, Amis des archives historiques du diocèse de Rennes, Dol et Saint-Malo, 1998).
D’après J.-M. Le Mené, le château des Salles en Sainte-Brigitte fut élevé au xie siècle par les vicomtes de Porhoët et appartint dès les années 1110 aux Rohan. En réalité, la première mention remontant à 1125 (Cartulaire de Redon, no 391) est indirecte et ne mentionne qu’un droit de garde à Penret dont sont exemptés les hommes du monastère Saint-Sauveur (Le Mené, Joseph Marie, Histoire archéologique, féodale et religieuse des paroisses du diocèse de Vannes, 2 vol., Vannes, Lafitte, 1891, p. 173 et p. 357).
Cartulaire du Morbihan, no 204, no 205 ; BnF, fr. 22319.
Cartulaire du Morbihan, no 254.
La première mention de Corlay remonte en réalité à 1184 lorsqu’il est question, lors de la fondation de l’abbaye de Bon-Repos par le vicomte de Rohan, du mons de Corlé (Cartulaire du Morbihan, no 235 ; Arch. dép. des Côtes d’Armor, H 201).
BnF, fr. 22338. Suite aux « débats » entre Thomasse de la Roche et son fils Olivier de Rohan au sujet de ce que celui-ci doit sa à mère en son nom et au nom de ses frères Guiart et Éon, Thomasse de la Roche obtient le « manoir de Corlé ».
Dom Morice, Preuves, i, 1010 pour le passage en 1239 à Aliénor de Porhoët.
Cartulaire de Fougères, no 48 ; BnF, fr. 22330.
Dom Morice, Preuves, i, col. 950.
BnF, fr. 22337 : « chastel de Pontguegant ».
Cartulaire de Redon, no 391.
Plusieurs actes sont passés à Perret, en 1232, par le vicomte Alain de Rohan en faveur des moines de Bon-Repos (dom Morice, Preuves, t. i, col. 878-879).
Halgouët, Henri du, La vicomté de Rohan et ses seigneurs. Saint-Brieuc/Paris, Prud’homme et Champion, 1921, p. 13.
Arch. dép. de Loire Atlantique, B 1982, aveu de 1471, rendu par Tristan du Perrier, tuteur de Jean II de Rohan.
Cette résidence n’est d’ailleurs pas localisée.
Dom Taillandier, Histoire, t. ii, p. clxv.
Dom Taillandier, Histoire, t. ii, p. clxv. Le site, bien qu’identifié comme camp protohistorique, est clairement mentionné dans le Mémoire de 1479 sous le nom de « Chasteaufinen », ce qui rend plausible une occupation du site au milieu du Moyen Âge.
Concernant « Chasteauront » mentionné dans le même paragraphe, il pourrait s’agir d’une déformation de Château-Thro en Guilliers, mais il n’est pas exclu non plus qu’il désigne le Château-Mabon de Radenac ou encore Châteauroux à Billio ; quant à Terennes, il s’agit peut-être de Telennes, nom donné à plusieurs reprises à des petites fortifications (orthographie attestée concernant le site de Tallen à Camors par exemple). Tallen signifie en breton « qui est devant (ou au-dessus) de l’étang ».
Cartulaire du Morbihan, no 275.
Cartulaire du Morbihan, no 381. Le site n’est pas mentionné directement mais une motte y est conservée, ce qui permet de rattacher la mention au site en élévation.
Il s’agit toujours d’une « forteresse » en 1429 (Blanchard, Lettres et mandements, no 1850). Cette unique utilisation du terme fortericia pose la question du statut de centre seigneurial de ce site.
Cartulaire de Redon, Appendice, no 51 : in castello Reus.
Cartulaire de Redon, no 266 : ad castellum Reus.
On les retrouve dans cet acte après les comtes (Alain), et les vicomtes (Guethenoc, vicomte de Porhoët et Guihomar vicomte de Léon), et avant le seigneur d’Elven (Largoët). Cartulaire de Redon, no 356 : Illic aderant Alanus Cornugallensis comes et Guethenocus vicecomes et Gozolinus ejus filius; ibi Guihomarcus Leonensis vicecomes et Rodaldus de Reus et ejus Alanus filius et Derianus de Eluen et Evenus ejus filius et Heslonus prepositus et Fredorius Inisani filius. Voir également Guillotel, Hubert, Actes des ducs, no 12. L’acte est un faux, réécrit par les moines de Redon, mais les mentions de personnes sont cohérentes avec les autres actes dont nous disposons par ailleurs.
Les vestiges d’une occupation protohistorique sont encore plus ténus que ceux de l’occupation antique dans l’environnement immédiat du château, il est donc impossible d’argumenter sur l’existence d’un passage protohistorique à Rieux.
Les quelques fouilles menées dans le château n’ont pas permis de repérer de mobilier (même résiduel) d’une occupation du haut Moyen Âge
Le LIDAR, ou « laser detection and ranging », est une technique télémétrique d’acquisition de données topographiques aéroportée.
Cartulaire du Morbihan, no 237 : ego Jarnogonius dominus de Rochaforti.
Commune de Pluherlin (Morbihan). Il s’agit de 5 sites d’occupation et d’un fanum installé sur les hauteurs au lieu-dit La Grée Mahé.
L’un se trouve directement à l’ouest du château et délimite l’extrémité de l’éperon englobant le bourg ainsi que le carrefour routier, le second à 600 m à l’ouest renforce la défense de l’ensemble.
En 1461 le site est encore mentionné dans un aveu de la seigneurie de Porhoët comme « vieil chasteau et motte de Bodieu, cernés de douves ».
En effet, les fossés les plus imposants se trouvent vers la motte et non vers l’extérieur, ce qui amène à y voir une structure antérieure aux autres structures fossoyées.
Cette datation repose uniquement sur une analyse externe du site. Les sondages entrepris dans les années 1970 n’ont livré que peu de mobilier, les quelques fragments de céramique datée du xiiie siècle ne permettant pas de préciser la datation de l’implantation de ce site.
Arch. dép. de Loire-Atlantique, B 1982.
Péaule (Morbihan) (Daré, Sébastien, Autour du Golfe du Morbihan, Landes de Lanvaux et sud de la vallée de la Vilaine. Rapport de prospection 2014. Service Régional d’Archéologie de Bretagne, 2014, p. 94-103).
Carré, Gaël, Litoux, Emmanuel et Hunot, Jean-Yves, Demeures seigneuriales en Anjou, xiie-xve siècles. Patrimoine d’Anjou : études et travaux 2. Angers, Conseil général du Maine-et-Loire, 2002, p. 35-38.
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