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Comptes rendus

David Rivaud, Les villes et le roi. Les municipalités de Bourges, Poitiers et Tours et l’émergence de l’État moderne (v. 1440-v. 1560)

Julien Vilmain
p. 224-226
Référence(s) :

Rennes, PUR, coll. « Histoire », 2007

Notes de la rédaction

Cet ouvrage sur le site des Presses universitaires de Rennes : notice, documents et commande en ligne : http://www.pur-editions.fr/detail.php?idOuv=1459

Texte intégral

1L’objectif de David Rivaud, à travers cet ouvrage, est de rédéfinir la relation entre le souverain et les sujets depuis la guerre de 100 ans. Il s’interroge sur le nouveau rôle joué par les corps de ville et ses rapports avec le pouvoir royal. En redéfinissant le rapport « roi-villes », l’auteur met en évidence la construction d’un processus qui mène à l’émergence d’un État moderne. Il démontre au cours de son étude que le rapport dépasse souvent les relations officielles entre un souverain et ses sujets, et que ces nouvelles relations s’orientent vers des intérêts réciproques, comme le mode de gouvernement urbain, la recherche de la paix et par ce biais, il s’établit une véritable recomposition politique de l’État. Le choix de ces trois grandes cités s’explique par le fait qu’elles sont des capitales provinciales jouissant de richesses économiques, politiques, qu’elles conservent leurs influences sur les deux siècles et qu’elles possèdent des archives très riches.

2David Rivaud, qui a auparavant mené des recherches sur Bourges et Poitiers, met à mal l’historiographie urbaine de cette période. Il démontre dès son introduction, les manques de certaines études, celles de Henri Sée ou de Bernard Chevalier, pourtant références en la matière. Ces études ne se seraient pas attachées à démontrer que les relations entre les villes et le roi amorçaient bien cette émergence de l’État moderne qui ne donnait pas naissance pour autant à l’absolutisme. David Rivaud, afin d’appuyer le début de sa démonstration, propose tout au long de ses chapitres de changer de référentiel. En effet, trop souvent cette question « villes-roi […] qui n’a pas connu le bouillonnement intellectuel observé par ailleurs » est analysée du point de vue de la monarchie. L’auteur démontre qu’en s’appuyant sur des sources riches et déjà recensées sur les pouvoirs locaux, que le fonctionnement de la monarchie laisse apparaître de nouvelles logiques jusque-là ignorées. Une autre mise en garde concerne le découpage chronologique. Cet ouvrage concernant à la fois le Moyen Âge et les Temps Modernes, la difficulté consiste à saisir à la fois les continuités et les étapes de l’évolution d’un processus multiséculaire.

3En s’attachant à décrire la France de la fin du xive siècle, David Rivaud pose les fondements de son étude, à savoir comment les anciennes structures urbaines du Moyen Âge ont-elles pu s’accommoder du fait princier ? Il s’agit surtout de démonter l’impasse dans lequel se trouvait un système qui ne correspond plus aux attentes du pouvoir royal à la veille du xve siècle. Les corps de villes vont devoir prendre leurs responsabilités vis-à-vis de l’ennemi anglais et c’est par ce fait que les communautés urbaines développent leur savoir-faire notamment en matière de fiscalité. C’est que l’auteur appelle le « début de la phase de relation active ». La poursuite des guerres sous le règne de Louis XI, de Charles VIII, de Louis XII, et enfin de François Ier va conduire à un rapprochement politique. Les corps de villes s’engagent désormais à définir eux-mêmes leurs objectifs en matière de gouvernements, le domaine public est de plus en plus vaste et avec lui les fonctions de la communautés s’étendent en responsabilisant toujours plus les membres de cette élite urbaine. Il s’agit de plus en plus d’administrer en développant un esprit municipal orienté vers la volonté de répondre à un intérêt commun. David Rivaud n’hésite pas à employer l’expression de « république urbaine » en émergence tant les termes y faisant référence sont utilisés dans le vocabulaire de l’époque. Pour parvenir à une symbiose de ces pouvoirs locaux et royaux, David Rivaud a exploré les échanges entre les villes et le roi. Le dialogue qui s’installe promeut à son tour l’adhésion politique de ces municipalités envers le souverain. Par ces échanges les pouvoirs municipaux et royaux s’étendent et interagissent. Les joies et les peines du royaume sont célébrées dans toutes les grandes villes. Après avoir peint un tableau parfois idyllique entre les capitales provinciales et le pouvoir royal, l’auteur, dans sa dernière partie, se penche sur la question de la durabilité de ces rapports et des conditions qui permettent un gouvernement efficace du royaume sous les règnes de François Ier et d’Henri II. Le milieu du xvie siècle n’apparaît pas aussi riche que le siècle précédent en ce qui concerne le rapport « villes-roi ». Une crise dont l’origine viendrait des municipalités et de l’exercice du pouvoir urbain expliquerait le refroidissement des relations mais cette crise n’est pas réellement déterminée. La crise s’expliquerait par un désintérêt progressif des corps de villes dont les ambitions, moteurs du processus d’interaction des intérêts, ne seraient plus la préoccupation des bourgeois des communautés de ville. Il y aurait dans cette dissension politique la première forme de divergence entre ces corps de villes et le pouvoir royal.

4La mise en œuvre des registres de délibérations des trois cités par David Rivaud démontre que la construction d’une politique urbaine a progressivement eu lieu et a mis fin aux cadres communaux du Moyen Âge. Cette émergence s’est faite parallèlement à celle de l’État monarchique d’où la critique à l’égard de la vision d’Henri Sée qui voyait les villes inféodées au pouvoir royal jusque dans le xve siècle. Les écrits d’Henri Sée ne tenaient pas compte des libertés gagnées par les corps de villes, ce qui l’orientait vers cette idée d’autoritarisme royal. Tout au long du xve siècle, les corps de villes sont entrés en négociation avec le pouvoir royal ce qui leur a permis de survivre en autonomie plutôt que de rentrer en conflit avec le souverain. L’auteur insiste bien sur la lenteur du processus : « Le bouleversement qui s’opère alors est fait de glissements successifs, presque insensibles, dans une histoire en apparence immobile ». Au cours de cette période, la guerre n’est pas toujours présente mais nécessite une attention particulière de la communauté. Le transfert de la notion de défense urbaine vers celle d’un royaume tout entier paraît vraisemblable. Il s’agit d’une étape supplémentaire vers l’édification de la communauté nationale, guerre et sécurité du pays conduisent à cette nouvelle donne. L’augmentation des budgets municipaux s’est fait en corrélation avec les réclamations royales même si, bien souvent comme le reconnaît l’auteur les communautés ont cherché à détourner à leurs fins une part de la fiscalité. Avant les guerres de religion, ce qui caractérise cette période, c’est l’absence de volonté de rentrer en conflit avec le roi car l’ordre royal n’est pas contraignant voir même plutôt bienfaiteur par cette implication nouvelle des bourgeois dans le gouvernement du royaume. Le corps de ville devient ainsi une partie intégrante de l’État comme le souligne David Rivaud. La responsabilisation fait figure d’intégration pour ces villes qui sont maîtres de leur fiscalité interne et de leur police. Les bourgeois deviennent donc un véritable relais du pouvoir royal, des acteurs qui développent et construisent l’État moderne. Le pouvoir royal parvient à établir une relation propre avec chaque ville. Le faible nombre d’États Généraux et d’Assemblées provinciales confèrent un rôle nouveau pour les villes.

5La relation « villes-roi » se définit alors comme une convergence d’intérêts particuliers sous trois aspirations : celle des individus investis dans l’action politique, celle des collectivités qui donnent naissance à un nouveau champ de responsabilités publiques et celle du roi qui travaille au gouvernement de son royaume. Ces trois aspirations forment un État qui se crée mais d’une manière supérieure à un de simples accords entre les villes et le roi. L’auteur retient le concept de responsabilités partagées, les villes sont devenues de véritables municipalités, le roi s’est donné les moyens d’étendre et de renouveler sa souveraineté et qu’enfin l’État s’est incontestablement mis sur le chemin de la modernité grâce à ses nouvelles relations avec les communautés urbaines.

6En définitive, l’ouvrage de David Rivaud se distingue par sa perspicacité et l’intérêt de ses démonstrations. S’il n’offre pas de véritables réponses sur l’origine de la construction d’un processus, il redéfinit les bases d’une réflexion nouvelle sur l’émergence de l’État moderne. Peut-être l’auteur aurait-il pu approfondir l’étude des limites du processus car les guerres de religion ont mis à mal cette convergence des intérêts communs en faisant intervenir un facteur peu évoqué, celui des communautés religieuses. Néanmoins, cette étude nous apporte beaucoup sur le fonctionnement des corps de villes et du pouvoir royal et renouvelle l’historiographie en appelant à débattre sur toutes ces thématiques.

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Pour citer cet article

Référence papier

Julien Vilmain, « David Rivaud, Les villes et le roi. Les municipalités de Bourges, Poitiers et Tours et l’émergence de l’État moderne (v. 1440-v. 1560) »Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 115-1 | 2008, 224-226.

Référence électronique

Julien Vilmain, « David Rivaud, Les villes et le roi. Les municipalités de Bourges, Poitiers et Tours et l’émergence de l’État moderne (v. 1440-v. 1560) »Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest [En ligne], 115-1 | 2008, mis en ligne le 30 mars 2008, consulté le 15 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/abpo/378 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/abpo.378

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