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Comptes rendus

Bordeaux et la Bretagne au xviiie siècle

Pierrick Pourchasse
p. 154-155
Référence(s) :

Kimizuka, Hiroyasu, Bordeaux et la Bretagne au xviiie siècle. Les routes du vin, Rennes, PUR, coll. « Histoire », 2015, 386 p.

Texte intégral

1Hiroyasu Kimizuka est un jeune étudiant japonais qui a soutenu une thèse à l’université de Bretagne Sud en 2014 sur le commerce des vins entre le Bordelais et la Bretagne au xviiie siècle. À ce titre, ce travail doit être salué en raison des différences profondes entre le japonais et le français, différences qui vont au-delà du langage, qui touchent les logiques d’explication et de formulation des idées mais qui n’apparaissent pas dans ce travail qui, au contraire, montre une bonne maîtrise de la langue française.

2La première partie de l’ouvrage porte sur les circuits des vins d’Aquitaine liés aux activités commerciales des Bretons. L’auteur aborde le marché des vins en Bretagne par la fiscalité, notamment la ferme des devoirs qui pèse sur les transports et le commerce des boissons. Les autorités connaissent parfaitement le marché, et le nombre de taxes à payer est impressionnant. Quand elles prévoient que des soldats vont passer dans la province, comme lors de la guerre de Sept Ans ou de la guerre d’Amérique, les baux des devoirs augmentent automatiquement. De plus, la pression fiscale ne cesse de se diversifier à l’exemple des péages sur les huit écluses entre Redon et Rennes. Ensuite, l’auteur évalue l’évolution de la consommation des boissons alcoolisées dans une province où le cidre est le breuvage dominant. D’une manière générale, le marché des vins en Bretagne s’accroît en raison de la demande locale mais aussi du rôle d’entrepôt de réexportation que joue la province vers l’Europe du Nord et les mondes ultramarins des Amériques et de l’Asie. La diffusion des vins à l’intérieur du territoire breton à partir des ports d’arrivée dépend des qualités et des lieux de consommation. Les élites et la clientèle des cabarets n’ont pas les mêmes moyens et, en conséquence, les mêmes goûts. La demande est bien naturellement liée au prix de vente et la bonne connaissance des informations concernant les qualités et les prix est essentielle pour le monde du négoce.

3La seconde partie s’attache à étudier le transport des vins du fournisseur bordelais au client breton. Pour ceci, l’auteur décrit la dynamique des ports atlantiques de Bordeaux à Brest avec ses grands centres du commerce national et international mais aussi ses ports secondaires de service, à l’exemple de Redon, Vannes, Quimper ou Landerneau. La Bretagne qui dispose d’un surplus de céréales est idéalement positionnée pour prendre en main ces trafics. Les flottes de l’estuaire de la Gironde, du golfe du Morbihan et de la côte des Abers, rouliers des vins aquitains et des produits alimentaires bretons, se partagent l’activité de cabotage, chacune d’entre elles ayant son aire de navigation propre. L’auteur profite des informations qu’il a pu collecter à ce sujet pour étudier les équipages de cette flotte caboteuse. Au-delà des ports, les vins doivent arriver sur leurs lieux de consommation jusqu’aux cabarets ou aux tables des particuliers. Les difficultés de circulation et de coût des transports sont naturellement des entraves majeures à la diffusion des produits extérieurs à la province. Ainsi le vin qui prend la voie fluviale de la Vilaine entre La Roche-Bernard et Rennes doit subir deux ruptures de charge à Redon et Messac avant de franchir treize écluses mal entretenues pour parvenir dans la grande ville bretonne. L’étude du transport intérieur apporte de nombreux éléments nouveaux sur l’utilisation des rivières et le rôle des bateliers en Bretagne. Ainsi, sur la Vilaine, vingt et un bateliers sont répertoriés dans les deux petits villages de Saint-Senoux et Saint-Malo-de-Phily. Cependant, l’utilisation des charrois est bien souvent inévitable faute d’un réseau navigable praticable.

4La partie suivante est très riche de renseignements sur les réseaux du négoce et leur fonctionnement. Les pages sur les négociants du Sud-Ouest comme Galabert ou Cambon, présents dans de multiples domaines de l’économie locale et que l’on retrouve dans le commerce des vins, reconstituent parfaitement ce monde négociant dont les activités s’étendent du Bordelais à la Bretagne. Ce sont souvent les mêmes négociants qui contrôlent le commerce de la sardine pressée vers le Sud-Ouest ainsi que l’achat des vins dans le Bordelais, et chacun de ces deux secteurs bénéficie de la prospérité de l’autre. Le travail d’Hiroyasu Kimizuka nous fait également découvrir la strate intermédiaire du monde marchand qui investit dans l’armement, la construction navale, l’activité bancaire et même dans l’achat de cabarets. Le point sur les représentants de commerce fait connaître une profession très active à l’exemple d’un dénommé Toucas de Coussoles qui, tous les ans, fait la tournée de tous les grands ports importateurs bretons, des petits marchands locaux comme ceux de Châteaulin et se déplace même hors de la province jusqu’à Laval. Le dernier chapitre sur la ferme des devoirs s’attache à montrer les intérêts liés du monde du négoce et de la finance. On a affaire à un ensemble de capitalistes qui s’organisent pour réunir des capitaux, parfois jusqu’à Paris, dans le but d’accaparer les fermes et faire de juteux bénéfices. Ainsi Dutoya, sans doute le plus important négociant de Landerneau, personnage très riche qui prend en charge la régie des octrois de la ville. C’est aussi le monde de la fraude avec les changements de dénomination des vins, les fraudes sur les qualités, ses membres oubliant parfois de payer les droits qu’ils sont est censés prélever.

5L’ouvrage d’Hiroyasu Kimizuka est original car il présente l’étude de la commercialisation d’un produit, le vin, à l’échelle d’une façade maritime, celle du golfe de Gascogne du fournisseur bordelais au consommateur breton. Cette recherche montrant le caractère fondamental des échanges agroalimentaires au cours de la période moderne est d’un grand apport à la connaissance de l’histoire du commerce breton mais aussi du petit cabotage européen.

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Pour citer cet article

Référence papier

Pierrick Pourchasse, « Bordeaux et la Bretagne au xviiie siècle »Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 122-4 | 2015, 154-155.

Référence électronique

Pierrick Pourchasse, « Bordeaux et la Bretagne au xviiie siècle »Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest [En ligne], 122-4 | 2015, mis en ligne le 15 décembre 2015, consulté le 03 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/abpo/3168 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/abpo.3168

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