François Cadic
Postic, Fañch (dir.), François Cadic (1864-1929), un collecteur vannetais, « recteur » des Bretons de Paris, Brest, Centre de recherche bretonne et celtique, 2012, 232 p., ISBN 978-2-901737-91-9.
Texte intégral
1Depuis 2006, le Centre de recherche bretonne et celtique a été à l’initiative de plusieurs colloques et journées d’études qui ont permis de mieux connaître les grands collecteurs bretons, en l’occurrence Émile Souvestre, Jean-Marie de Penguern, Jacques Cambry et Paul Sébillot. À l’issue du colloque international de Pontivy des 8 et 9 avril 2010, organisé avec la collaboration des archives départementales du Morbihan et de Dastum, François Cadic est logiquement venu gonfler cette liste. Quatorze contributions d’historiens, de linguistes et d’ethnologues ont souligné l’importance de cet ecclésiastique au parcours atypique. Fañch Postic, coordonnateur du colloque et de la publication des actes, prolonge ainsi ses travaux sur ce collecteur, qui ont notamment conduit à la publication de plusieurs ouvrages dans la collection « Les œuvres de François Cadic » (Rennes, Terre de Brume-Presses universitaires de Rennes).
2La prolixité de ce prêtre collecteur est rappelée dans l’« introduction bio-bibliographique » de F. Postic, qui retrace également les grandes étapes de la vie de François Cadic : né en 1864 à Noyal-Pontivy, il fut ordonné prêtre en 1889 et, après l’obtention d’une licence d’histoire, il devint professeur à l’Institut catholique de Paris. En 1897, il créa la Paroisse bretonne de Paris, une œuvre à laquelle il se consacra jusqu’à sa mort survenue en 1929 et qui lui valut le surnom de « recteur des Bretons de Paris », gravé en épitaphe sur sa tombe.
3La première partie de l’ouvrage analyse le contexte linguistique dans lequel s’inscrivirent la carrière et l’œuvre de François Cadic. Francis Favereau rappelle tout d’abord l’importance de la littérature bretonne en Vannetais, puis Jorj Belz montre la vitalité de la culture bretonne à la fin du xixe siècle au petit séminaire de Sainte-Anne-d’Auray, où étudia le jeune Cadic. Il y fréquenta de remarquables bretonnants comme les abbés Duparc, Le Goff et Buléon. C’est à leurs côtés que germa sa vocation de collecteur et de défenseur de la culture bretonne, qui l’amena à s’opposer à la politique du gouvernement Combes (Fañch Broudic).
4Les trois contributions suivantes présentent l’apostolat de François Cadic auprès des Bretons de Paris. Même si quelques linguistes puristes de la Jabadao, une association d’étudiants bretonnants, le classent « dans la catégorie du folklore, du siècle passé » (Nelly Blanchard, p. 103), les contributions de Béatrice Cabedoce et de Marie-Thérèse Cloître montrent au contraire qu’il s’agit d’un prêtre innovant, dont l’engagement est typique des idéaux et des actions du clergé de son temps. B. Cabedoce, qui relate la création de la Paroisse bretonne, insiste sur son « esprit pratique et inventif » (p. 74), préoccupé par l’amélioration de la situation matérielle des Bretons comme par leur salut spirituel. François Cadic est un catholique social qui demeure attaché aux valeurs traditionnelles d’ordre et de hiérarchie. Il est à bien des égards « représentatif des abbés démocrates » (M.-T. Cloître, p. 86), même s’il fut rarement considéré comme tel dans l’historiographie.
5L’œuvre de François Cadic se caractérise notamment par la diversité des matériaux rassemblés : le « recteur » des Bretons de Paris était non seulement un collecteur de chansons et de traditions populaires, mais également un journaliste et un historien. Dans sa communication sur les monographies de communes et de bulletins paroissiaux, François Ploux montre que ses travaux de recherche étaient aussi des facettes de son apostolat, voire de son combat politique. Serge Bianchi en fournit une excellente illustration dans son étude de l’Histoire populaire de la chouannerie, une œuvre monumentale à travers laquelle l’abbé Cadic tenta de « renouer avec un passé et des valeurs originelles » (p. 128) et de réhabiliter la mémoire des combattants de la chouannerie aux dépens des républicains. Éva Guillorel, qui analyse l’importance de l’histoire dans les chansons publiées par François Cadic, corrobore cette idée en décrivant la « chouanisation » (p. 152) des textes rassemblés. Ceux-ci demeurent néanmoins d’un grand intérêt pour la connaissance de la culture bretonne, comme l’illustre la réflexion de Daniel Giraudon sur le morzolig an Ankou (le petit marteau de l’Ankou).
6La quatrième partie de l’ouvrage, consacrée plus spécifiquement au collectage de François Cadic, confirme son caractère instrumental. Selon Laurent Le Gall et F. Postic, l’abbé Cadic ne conçut pas son œuvre comme une fin en soi mais il chercha avant tout à nourrir un projet d’enracinement des Bretons dans une Bretagne idéale, qui serait le conservatoire du catholicisme. Son action s’apparente à un « folklorisme d’apostolat » (p. 198), qui devait se donner à entendre et à voir. Sa collecte n’est donc nullement scientifique ; François Cadic s’attacha certes à garder l’esprit des conteurs mais n’hésita pas à proposer des publications avec une part d’écriture ou de réécriture afin de rencontrer les attentes du public de son temps. Il s’insère ainsi dans la longue lignée des prêtres européens passionnés par les cultures vernaculaires au xixe siècle (David Hopkin).
7Au final, l’approche croisée sur François Cadic dessine le portrait d’un prêtre collecteur au carrefour de différentes influences : confronté à la montée de l’anticléricalisme, à l’industrialisation, à l’exode rural, il se tourne avec nostalgie vers les récits de sa terre natale et fait de sa collecte un moyen d’apostolat. C’est un abbé démocrate intransigeant, un prêtre de la ville passionné par la culture orale rurale. L’expérience du déracinement semble fondamentale chez François Cadic et il serait nécessaire de mieux connaître les circonstances qui l’amenèrent vers la capitale pour comprendre son évolution personnelle. Ce colloque laisse apparaître de belles perspectives de recherche, dans lesquelles s’est d’ailleurs engouffré F. Postic en lançant le programme Precol (prêtres collecteurs). Si l’œuvre de François Cadic est aujourd’hui relativement bien connue, il reste beaucoup à dire sur son action sociale et pastorale. L’étude de ses relations avec sa hiérarchie et ses confrères, du recrutement de la Paroisse bretonne et des rapports entre les Bretons et les Gallos, serait par exemple un bon moyen d’en savoir davantage sur l’émigration bretonne et l’originalité de sa prise en charge.
Pour citer cet article
Référence papier
Samuel Gicquel, « François Cadic », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 119-4 | 2012, 163-166.
Référence électronique
Samuel Gicquel, « François Cadic », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest [En ligne], 119-4 | 2012, mis en ligne le 31 décembre 2012, consulté le 04 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/abpo/2548 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/abpo.2548
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