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Construire la légitimité et l’autorité politiques en discours

Constructing political legitimacy and authority in discourse
Ruth Amossy
Traduction(s) :
Constructing political legitimacy and authority in discourse [en]

Résumés

Cet article examine la construction de la légitimité et de l’autorité politiques dans les discours des dirigeants démocratiques en tentant de distinguer deux notions souvent confondues, et de repérer les procédures discursives et argumentatives qui les mettent en place. Il fait le point sur un ensemble de travaux consacrés au sujet, et propose une approche originale qui souligne la centralité de l’argumentation dans le processus de légitimation et la construction d’autorité du leader. À partir de l’exemple des premières allocutions des chefs d’État au moment de la crise de la Covid-19, il propose une grille d’analyse susceptible de rendre compte des fonctionnements discursifs et de leurs enjeux socio-politiques en contexte.

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Texte intégral

Introduction

1Comment s’effectue la construction de la légitimité et de l’autorité politiques en discours ? Sans doute ces deux notions ont-elles fait dans le domaine des sciences sociales l’objet d’innombrables travaux savants, dont certains sont devenus des références incontournables. Qu’il suffise d’en mentionner quelques-uns parmi les plus célèbres : Max Weber (1965, 2003), Hannah Arendt (1972 [1957]), Jürgen Habermas (1975, 1996), Pierre Bourdieu (1982), Alexandre Kojève (2004), Pierre Rosanvallon (2008), David Beetham (2013) – ouvrages de fond auxquels s’ajoute une abondante production savante en sociologie, science politique, philosophie. Les sciences du langage s’en nourrissent, mais la moisson y est moins riche. On compte cependant d’excellents travaux théoriques parmi lesquels ceux de Patrick Charaudeau (2005, 2015), la monumentale Rhétorique de la confiance et de l’autorité (2013) de Marc Angenot, les recherches de Claire Oger sur l’autorité (2013, 2021) et dans le domaine anglosaxon les travaux des tenants de la Critical Discourse Analysis (CDA) comme Teun van Dijk (1997), Theo van Leeuwen (dont son article influent « Legitimation and Discourse in Communication » de 2007), Ruth Wodak (1999 avec van Leeuwen, 2020 avec Rheindorf) ou Fairclough et Fairclough (2008). Il faut y ajouter les travaux de rhétorique qui étudient l’ethos comme un moyen pour l’orateur de se conférer l’autorité nécessaire à toute entreprise de persuasion, ou encore qui se penchent sur la construction de la légitimité dans le contexte des organisations ou des institutions. Néanmoins, même si on puise dans ces sources, bien des questions non résolues subsistent lorsqu’on tente de saisir les modalités de construction de la légitimité et de l’autorité dans le discours politique.

2Elles découlent en partie d’une relative indifférenciation entre les notions de légitimité et d’autorité, ou tout au moins de la tendance à les faire glisser l’une sur l’autre. Elles proviennent en même temps du fait que l’accent dans les élaborations théoriques et les analyses concrètes est mis principalement tantôt sur la légitimité, tantôt sur l’autorité, si bien que dans les deux cas, l’une se trouve subordonnée à l’autre et parfois englobée en elle. La présente réflexion tente de préciser et de démêler quelque peu les deux notions souvent utilisées de façon très fluide, pour étudier les modalités selon lesquelles s’effectue leur construction dans la trame verbale. Cette mise au point devrait permettre non seulement d’éclairer leur mise en mots, mais aussi de dégager leurs enjeux socio-discursifs dans des discours politiques particuliers en situation.

3Pour aborder cette problématique, on fera d’abord un point rapide sur les notions convoquées – la légitimité et l’autorité, la légitimation et la construction d’autorité – en s’interrogeant sur leur nature et leur interrelation complexe. On tentera alors de repérer, en s’appuyant sur un corpus composé des premières allocutions des dirigeants de pays démocratiques sur la Covid-19, les modalités discursives et argumentatives selon lesquelles il est possible aux chefs d’État de construire leur légitimité et leur autorité en une période de crise où elle est particulièrement fragilisée, et plus que jamais nécessaire. Cela permettra de dégager un ensemble ouvert de procédures qui participent à cette construction verbale.

1. Réflexions sur les notions de base : légitimité et légitimation

1.1 La légitimité démocratique

4Tout d’abord, donc, un retour sur la notion de légitimité politique s’impose. L’étude des procédures qui la construisent en discours (la « légitimation » sur laquelle se penchent l’AD (Charaudeau et Maingueneau [2002 : 340] et la CDA) est nécessairement tributaire de la définition qu’on en fournit. Or, on peut constater en consultant la littérature savante sur le sujet qu’elle fait l’objet de considérations nombreuses qui divergent sensiblement (Bouquet 2014).

5Commençons par sa définition lexicographique : lorsqu’elle n’est pas simplement équivalente de « légalité » (« conforme au droit, à la loi »), la légitimité désigne la « Conformité de quelque chose, d’un état, d’un acte, avec l’équité, le droit naturel, la raison, la morale » et « en partic. Conformité du pouvoir politique exercé avec les règles de souveraineté, d’exercice du pouvoir dans le pays considéré » (TLFi). Plus spécifiquement, dans des dictionnaires professionnels comme le Dictionnaire du droit privé de Serge Braudo (en ligne, 1996-2021) on trouve :

La « Légitimité » est la conformité à un principe supérieur qui dans une société et à un moment donné est considéré comme juste. La notion de légitimé ne recouvre pas celle de légalité qui est plus restreinte et qui caractérise ce qui est seulement conforme à la Loi. La notion de légitimité est contingente de la culture […]1.

6Et encore, dans le Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la participation (Hatzfeld 2012) :

La légitimité est le droit reconnu à une personne (ou plusieurs) de parler et d’agir au nom de principes, valeurs, règles, lois… Par son étymologie (du latin lexlegis : loi), la légitimité est proche de la légalité, mais elle s’en distingue par son sens : la légalité consiste à appliquer une loi, alors que la légitimité se réclame de principes qui, dans certains cas, peuvent être en contradiction avec une loi. Les principes qui fondent la légitimité sont de nature variée : principes moraux et politiques, habitudes, droits, normes... La hiérarchie de ces principes variant selon les individus et les sociétés, elle est source de nombreux différends2.

7Divers analystes du discours soulignent des aspects de la légitimité qui concordent avec ces vues. Ainsi, on peut lire dans Le discours politique (Charaudeau 2005 : 52) que la légitimité est le « résultat d’une reconnaissance par d’autres de ce qui donne pouvoir de faire ou de dire à quelqu’un au nom d’un statut ». Dans le domaine de la CDA, Rojo et van Dijk notent que cette nécessaire reconnaissance est obtenue à l’aide de stratégies verbales visant à prouver que les actions proposées ou entreprises par celui qui est en possession d’un statut institutionnel sont en accord avec « le système de lois, normes, accords ou objectifs qui sont acceptés par (la majorité) des citoyens » (1997 : 528 ; je traduis).

8On peut retenir de ces définitions lexicographiques et de ces travaux plusieurs éléments :

– la distinction entre le domaine bien défini de la légalité, et le principe plus large de légitimité qui peut recouvrir le légal mais ne s’y limite pas (et peut même s’y opposer) ;

– la nécessaire conformité de la légitimité à un ensemble de valeurs et de normes consensuelles ;

– le fait que la légalité s’attache à la lettre de la loi, alors que la légitimité dépend aussi de facteurs culturels et politiques ;

– l’idée que la légitimité implique une reconnaissance (elle doit être « considérée comme juste », elle est un « droit reconnu », elle implique un « mécanisme de reconnaissance ») ;

– l’idée subséquente que la légitimité désigne une relation entre ceux qui la revendiquent et ceux qui doivent la reconnaître ;

– l’idée qu’en raison de ce lien relationnel et de cette dépendance par rapport à des principes diversifiés et changeants, elle ne peut être fixée de façon absolue, si bien qu’elle peut donner lieu à des évolutions et des dissensions.

9Ces divers éléments ont été conceptualisés par des théoriciens qui participent essentiellement des domaines du droit, de la philosophie politique et des sciences sociales. Les spécialistes du droit sont essentiellement préoccupés par des questions de validité légale, les philosophes par la conformité à des principes moraux qui peuvent être justifiés au regard de la raison, en d’autres termes par la justification des relations de pouvoir. Cependant, selon David Beetham (2013), il existe sur ce sujet une différence importante entre les philosophes moraux ou politiques et les sociologues. Elle réside dans le fait que les premiers examinent la question sous un angle normatif de type universel, alors que les seconds ne la conçoivent qu’en termes descriptifs et en contexte. Les chercheurs en sciences sociales prennent en compte le fait que la légitimité peut varier d’une société ou d’une époque à l’autre, et en conséquence ne fixent pas de normes absolues auxquelles tout homme de raison devrait adhérer.

10Beetham rejette le principe de Max Weber selon lequel la légitimité serait tributaire de la croyance qu’ont en elle les agents impliqués. « Une relation de pouvoir », note-t-il (2013 : 11 ; je traduis) « n’est pas légitime parce que les gens croient à sa légitimité mais parce qu’elle peut être justifiée en fonction de leurs croyances. Cela peut sembler une distinction subtile, mais elle est fondamentale ». Par ailleurs, pour Beetham, l’intérêt de l’approche des sciences sociales est qu’elle s’attache aux conséquences empiriques de la légitimité. En effet, la légitimité a la capacité de déterminer des comportements – en l’occurrence, de susciter l’obéissance des gouvernés. Cette approche fournit une clé précieuse à la compréhension des rapports entre légitimité et autorité sur lesquels nous reviendrons plus loin.

  • 3 C’est sur ces bases que Ietçu-Fairclough (2008) mène une analyse argumentative intéressante du disc (...)

11Pour reprendre la synthèse que fait Beetham (2013 : 18-19) des conditions nécessaires pour qu’un pouvoir soit considéré comme légitime, il faut : 1. Qu’il se conforme à des règles établies (sous peine d’être illégitime) ; 2. que les règles puissent être justifiées par des références aux croyances partagées (sans quoi il souffre d’un déficit de légitimité) ; 3. que le pouvoir soit expressément reconnu par des actes qui marquent cette reconnaissance (quand il y a non-coopération, résistance, désobéissance,… il y a délégitimation). Ces trois niveaux complémentaire (celui des règles, de la « justifiabilité » en termes de croyances et du consentement des gouvernés) ne sont jamais réalisés de façon absolue ; la légitimité est une affaire de degré, une légitimité peut être érodée, contestée ou incomplète (ibid. : 20) ; mais dans tous les cas, c’est elle qui offre aux dirigés les fondements moraux de leur coopération avec les dirigeants3.

12Les travaux de Pierre Rosanvallon ajoutent en ce qui concerne les régimes démocratiques contemporains deux éléments intéressants à ces élaborations théoriques. Tout d’abord, le politologue relève un vecteur de légitimité supplémentaire du dirigeant et de ses décisions qui est caractéristique de notre époque : il concerne la conception du bien commun au service duquel doivent se mettre les gouvernants, et qui confère au pouvoir la justification de sa légitimité. Selon Rosanvallon, cette notion au départ ancrée dans celle de majorité s’est transformée dans la mesure où le peuple n’apparaît plus comme « une masse homogène » : « La société se manifeste désormais sous les espèces d’une vaste déclinaison des conditions minoritaires » (Rosanvallon 2008 : 14). La légitimité de la personne politique passerait alors par sa capacité à prendre en compte les expressions plurielles du bien commun.

  • 4 Cette légitimité de proximité est, dans le cadre de notre problématique, limitée aux comportements (...)

13Elle passe aussi par une évaluation du droit du dirigeant à représenter les citoyens, fondée sur une évaluation de ses capacités à comprendre les problèmes de ceux qu’il gouverne. On peut alors parler avec Rosanvallon d’une « légitimité de proximité ». Celle-ci est issue non d’un mode d’élection mais d’un comportement traduit en paroles et en actes. L’exigence générale de représentativité aurait cédé la place à une « représentation-empathie » que Rosanvallon range dans la rubrique de la « politique de la présence » (ibid. : 297). En d’autres termes, la légitimité de proximité est liée à la nécessité pour les dirigeants d’écouter et de manifester leur solidarité envers ceux qui, subissant des épreuves extrêmement difficiles, ont le sentiment de ne pas être pris en compte. L’expression de la généralité démocratique devient alors sollicitude, compassion, voire rachat d’un déni d’existence. Dans une perspective similaire, Le Bart et Lefèvre (2005 : § 1) notent : « La proximité est considérée comme une valeur sociale refuge dans un monde pensé comme sans repères, impersonnel, anomique, complexe […] À travers la valorisation des rapports de proximité4 c’est la verticalité des relations sociales qui se trouve contestée ». L’existence d’un mode de relation horizontal se substituant à, ou tout au moins complémentant, la relation verticale de pouvoir introduit une variante intéressante dans la légitimation.

1.2. Le processus de légitimation

14Dans la perspective discursive qui est la nôtre, ce n’est pas la légitimité en soi mais le processus de sa construction qui est en jeu. On peut souligner, comme le fait Pierre Bourdieu (1982), la prépondérance du statut institutionnel qui confère à un individu sa légitimité et lui assure la reconnaissance de celle-ci par le public. Traditionnellement, en démocratie, les élections au suffrage universel qui désignent un représentant du peuple chargé de veiller à l’intérêt général sont garantes de sa légitimité, et donc du dire et de l’agir, ainsi que de la ligne politique annoncée dans le respect des grands principes de la république (ou d’un autre type de régime démocratique en vigueur). Cependant Charaudeau note bien, en parlant de ce qu’il appelle la « légitimité par mandatement » dans les démocraties représentatives, que la souveraineté qu’elle octroie a « constamment besoin d’être réactivée par des justifications diverses du fait qu’elle peut être remise en cause par ceux-là même qui l’ont octroyée » (2005 : 57). Rosanvallon remarque qu’à l’ère du repli des idéologies, l’élection qui intronise le dirigeant a désormais une part réduite : elle se contente de « valider un mode de désignation des gouvernants » (2008 : 21), sans pour autant impliquer une légitimation automatique des politiques menées par la suite. Il en résulte que le gouvernement élu par la majorité jouit d’une « légitimité imparfaite » qui reste toujours soumise à des contraintes supérieures de justification », et qui a besoin « d’être confortée par d’autres modes de légitimation démocratique » (ibid. : 29 ; c’est l’auteur qui souligne).

15La légitimation renvoie au processus par lequel la légitimité nécessairement imparfaite des dirigeants tente de se dire et de se faire reconnaître. Elle est une dynamique discursive. Selon Rojo et van Dijk (1997 : 528) le discours de légitimation a pour objectif de faire reconnaître la politique du dirigeant comme obéissant aux règles instituées et comme motivée par la recherche du bien public, soit de faire admettre qu’elle est, en la circonstance, défendable du point de vue légal et moral. La réussite de ce processus ne garantit pas seulement l’approbation des mesures proposées ou dictées par le pouvoir, elle s’étend aux gouvernants, à leur position et à leur leadership. En d’autres termes, on a affaire à une procédure verbale qui vient consolider une légitimité institutionnellement octroyée au départ, mais qui a besoin d’être réaffirmée et renforcée. Rojo et van Dijk ajoutent qu’elle est particulièrement nécessaire « dans des contextes d’actions controversées, d’accusations, de doutes, de critique ou de conflits concernant des questions de relations entre groupes, de domination et de leadership » (ibid.; je traduis). Elle est à plus forte raison mobilisée dans des situations désignées par l’expression bien connue de « crise de légitimité » introduite par Habermas (1975) qui traduit une chute de la confiance octroyée aux institutions en place et aux dirigeants au pouvoir. Dans tous ces cas, la légitimation comme dynamique discursive peut prendre la forme de la manifestation ostentatoire et du rappel, ou encore de la consolidation et du renforcement.

16C’est dans la mesure où elle appelle une justification, à savoir des raisons, que la légitimation participe du domaine de l’argumentation. Dans Political Discourse Analysis (2012), I. et N. Fairclough reviennent sur cette notion de légitimation telle qu’elle a été étudiée en discours. Ils insistent sur l’importance d’inscrire l’analyse dans le cadre non seulement de l’analyse du discours mais aussi de l’argumentation, sans quoi « la nature exacte de la légitimation demeure un mystère » (ibid. : 110). En même temps, ils notent qu’il faut se garder de dissoudre la légitimation dans la notion globale d’argumentation. En effet, selon eux, dans les travaux des tenants de la CDA, la légitimation a reçu une acception beaucoup trop étendue. En particulier, elle a été assimilée à la notion globale de justification, donc de toute raison donnée pour soutenir une action. Or, la légitimation a une acception plus étroite. Le type de justification réalisé par la légitimation se distingue en ce qu’il

invoque des systèmes institutionnels de croyances, valeurs et normes partagées publiquement et justifiables publiquement, et parfois hautement formalisées, codifiées, en vertu desquels l’action proposée est considérée comme légitime. Des justifications d’action qui n’invoquent pas ce genre de systèmes partagés de règles ou de normes partagées ne peuvent pas à proprement parler être appelées légitimation (ibid. : 109 ; je traduis).

17En bref, si toute légitimation repose sur une justification, tout processus de justification ne relève pas de la légitimation. Cette position a des conséquences pratiques au niveau de l’analyse des discours politiques et de ses méthodes qui expliquent pourquoi l’approche élaborée ici à la croisée de l’AD et de l’argumentation ne s’en tient pas, malgré son intérêt certain et son succès, à la grille établie par van Leeuwen (2007) et van Leeuwen et Wodak (1999), reprise par Wodak dans le présent volume.

2. La question de l’autorité en discours

2.1 L’autorité dans son rapport à la légitimité

18Comme la légitimité, la notion d’autorité a fait l’objet de multiples travaux dans différents domaines de connaissance. De ce terme, Marc Angenot note : « Le mot est éminemment polysémique et les divers sens se superposent et s’emmêlent » (2013 : 8). On cherchera ici exclusivement à éclaircir l’autorité politique, à bien distinguer du pouvoir, dans toutes les situations où le dirigeant doit faire accepter ses décisions et en assurer la réalisation pratique. En même temps, on tentera de revisiter dans ce cadre bien délimité la relation de la légitimité à l’autorité, deux notions si étroitement imbriquées sur le plan théorique et pratique qu’il s’avère souvent malaisé de les démêler.

19Qu’en est-il donc de l’autorité ? Le TLFi la définit globalement comme « le pouvoir d’agir sur autrui ». Pour Kojève, « L’Autorité est la possibilité qu’a un agent d’agir sur les autres (ou sur un autre), sans que ces autres réagissent sur lui, tout en étant capables de le faire » (2004 : 58). Si l’autorité est la capacité à se faire écouter et obéir, c’est cependant à travers une obéissance dans laquelle, comme le pose Hannah Arendt, les hommes gardent leur liberté (1972 : 140). En d’autres termes, l’autorité se distingue de l’exercice du pouvoir en ce qu’elle suscite une soumission consentie : « il faut se garder de superposer pouvoir et autorité, ou autorité et domination », souligne Claire Oger (2021 : 15). L’autorité (à distinguer de l’autoritarisme) est « une force symbolique qui se passe précisément de coercition » (Angenot 2013 : 8), et non « une “violence” qui force à la soumission » (ibid. : 15). C’est parce qu’elle est étayée par des raisons, qu’elle est argumentable (même si elle n’est pas explicitement argumentée) qu’Angenot parle d’autorité rhétorique. Dans le domaine politique, ajoute Angenot (ibid : 13) « c’est l’autorité qui, le cas échéant, permet au pouvoir, aux pouvoirs de s’exercer en faisant l’économie du recours à la force ».

20Or, cette définition de l’autorité est étroitement liée à sa relation à la légitimité. Tout d’abord, rappelons qu’il ne convient pas de les confondre – voici comment Charaudeau les distingue :

On ne confondra pas […] légitimité et autorité. La première […] est un droit acquis. L’autorité, en revanche, est intrinsèquement liée au processus de soumission de l’autre. Elle place le sujet dans une position qui lui permet d’obtenir des autres un comportement (faire faire) ou des conceptions (faire penser et faire dire) qu’ils n’auraient pas sans son intervention. La légitimité ne met pas le sujet qui en est doté dans une situation d’avoir à soumettre l’autre (2005 : 52).

21Cependant, en démocratie, l’autorité qui en appelle à une soumission consentie s’appuie nécessairement sur une légitimité reconnue. Beetham montre bien que c’est la légitimité qui offre un fondement moral à la demande d’obéissance et de coopération :

Dans la mesure où les gens reconnaissent le pouvoir comme juste, comme acquis de façon valide et convenablement exercé [ce qui est sa définition de la légitimité], ils sentent l’obligation correspondante de lui obéir et de le soutenir sans avoir pour le faire à être soudoyés ou à faire l’objet d’une coercition (2013 : xi ; je traduis).

22En d’autres termes, c’est la légitimité légale et morale reconnue comme telle qui permet d’exercer une autorité consentie. Sans doute, en l’absence de légitimité ou quand celle-ci est mise à mal, l’obéissance comme soumission au pouvoir peut être imposée à grand renfort de sanctions (autorité devient alors autoritarisme). Mais, souligne Beetham, l’usage de la force doit alors se faire omniprésent, des ressources considérables y sont consacrées ; et ce pouvoir qui ne repose plus sur la légitimité peut se démanteler à tout moment dès que le système de coercition s’affaiblit.

23C’est dans cette perspective que « l’autorité est généralement considérée par les sociologues comme un pouvoir légitime : un pouvoir qui n’a donc besoin que d’un minimum de coercition pour se faire respecter et obéir » (Coenen-Huther 2005). Et Angenot résume : « L’autorité est un pouvoir légitimé » (2013 : 8). Ainsi donc, l’autorité s’adosse à la légitimité mais en constitue en quelque sorte une extension ; et la légitimité conduit à l’autorité comme capacité à se faire obéir volontairement, mais ne se confond pas avec elle. On sait d’expérience qu’un dirigeant peut être reconnu comme légitime sans pour autant qu’il parvienne à se faire écouter et obéir.

2.2. La construction discursive de l’autorité : une question d’ethos

24Que faut-il alors à l’autorité du dirigeant légitime pour s’exercer ? La capacité à se faire entendre et obéir découle en grande partie de la crédibilité du discours, et de la confiance qu’on peut accorder à la fois à la parole et à la personne du dirigeant.

25Une précision sur la notion de confiance. Ce n’est pas par hasard que l’ouvrage de Marc Angenot est intitulé Rhétorique de la confiance et de l’autorité (2013). On lit dans le Dictionnaire de la sociologie de Boudon et Bourricault : « On parle de l’autorité d’une personne, d’une institution, d’un message », « pour signifier qu’on leur fait confiance » ; « qu’on accueille leur avis, leur suggestion ou leur injonction, avec respect, faveur, ou du moins sans hostilité ni résistance, et qu’on est disposé à y déférer » (1982 : 32). Notons qu’en matière d’autorité, Angenot parle non de la confiance entre pairs, mais de la confiance « inégale » entre deux instances de statut différent qui est nécessaire lorsque, dans une situation où il faut trouver une réponse, l’individu reconnaît « l’impossibilité, ou du moins le coût excessif qu’il y aurait à la rechercher de soi-même » (2013 : 19). Il se tourne alors vers celui qui a un savoir, des compétences, une expérience qui justifient de s’en remettre à lui. La confiance est purement relationnelle, elle est le fait de l’auditoire qui croit que le sujet de l’énonciation est fiable et qu’on peut lui faire crédit.

26Il faut sans doute différencier la « confiance impersonnelle dans la fiabilité des institutions », et celle qui tient « aux vertus attribuées à la personne qui tient une certaine position de pouvoir » (Origgi 2008 : 80-81). On pourrait dire que la première conditionne en partie la reconnaissance de la légitimité politique. Il faut que les citoyens aient confiance dans les institutions de leur pays pour qu’ils acceptent comme légitime, à savoir comme fondé en droit et en morale, tout ce qui en émane sur le plan juridique, législatif, exécutif. Une méfiance généralisée envers le système – taxé par exemple de corruption ou de favoritisme – mine la légitimité des instances de pouvoir. Le dirigeant doit alors d’autant plus faire reconnaître sa légitimité propre de gouvernant respectueux du bien public et des valeurs démocratiques. Cependant, pour reprendre la formulation de Charaudeau, la reconnaissance du droit à dire et à faire n’entraîne pas nécessairement celle de la capacité à faire dire et à faire faire. La confiance qui conditionne l’autorité suppose l’intime conviction de la compétence du locuteur, de la droiture de son jugement comme de ses intentions.

27La confiance vouée à un homme ou une femme au pouvoir implique donc sa crédibilité. Cependant l’autorité, comme le notent Michèle Monte et Claire Oger, « ne doit pas se dissoudre dans une simple crédibilité » (2015 : 6). De même qu’Angenot parle de la confiance entre deux instances de statut différent, de même Claire Oger souligne que l’autorité « se fonde sur un surcroît de crédibilité […], et sur une position de supériorité hiérarchique ou de surplomb symbolique, organisant un rapport de places dissymétrique » (2013 : 42). Ce surcroît de crédibilité dans un rapport dissymétrique se manifeste en discours dans la construction d’un ethos approprié. Ce n’est pas par hasard que « l’ancienne rhétorique liait, elle confondait même, crédibilité et ethos de l’orateur […] L’ethos est la crédibilité morale reconnue à celui qui parle, elle tient à son honnêteté non moins qu’à sa compétence et sa prudence » (Angenot 2013 : 73) – il faut ajouter selon Aristote à sa bienveillance (eunoia, qui se joint à la phronesis et l’aretè).

28Un ajout important s’impose: en plus de l’image discursive qui dote le locuteur d’autorité, il importe de prendre en compte son ethos préalable (Amossy 2010) – la représentation que le public a de sa personne au moment où il prend la parole, et qui peut fortement influencer le crédit qui lui est accordé. Si cette image préalable est dommageable, il revient au locuteur de la retravailler, de la redresser, de l’adapter aux besoins du moment. On peut alors parler d’un retravail de l’ethos (Amossy 2010) ou, dans les cas extrêmes, de réparation d’image (Kerber-Sadoun 2018).

29La personne politique légitime dotée d’une autorité qui lui permet d’en appeler à l’obéissance consentie des citoyens n’est pas pour autant dispensée de fonder en crédibilité chacune de ses décisions et mesures, et de justifier le bien-fondé de sa ligne politique. Il ne suffit pas que les propos émanent d’une source digne d’être crue, il faut qu’ils paraissent raisonnables, c’est-à-dire plausibles aux yeux d’un être de raison incarné dans un contexte socio-historique et politique donné. C’est à ce titre que les citoyens peuvent croire en leur pertinence et en l’efficacité de leur mise en pratique. On n’obéit pas de son plein gré à des instructions qu’on considère comme absurdes et sans effet, quelle qu’en soit la source. On ne se sent pas nécessairement tenu d’acquiescer volontairement à une instruction qui se passe de justification et peut de ce fait être tenue pour arbitraire. Si l’ethos du locuteur influe sur la crédibilité de sa parole, la plausibilité de ses dires n’en doit pas moins être à tout moment justifiée. Elle rejaillit à son tour sur l’image publique du dirigeant : elle témoigne de ses capacités à mener les gouvernés à bon port.

3. Une analyse discursive et argumentative 

3.1 Remarques méthodologiques

  • 5 Un bémol s’impose : l’analyste du discours qui se situe apparemment en dehors du domaine de l’argum (...)

30Comment ces considérations se traduisent-elles sur le plan de l’analyse concrète ? Tout en puisant dans les contributions pionnières de la CDA, on ne s’en tiendra pas ici à leur cadre. En particulier, on ne reprendra pas le protocole d’analyse de van Leeuwen (2007), élaboré avec Wodak (1999), devenu une référence dans le domaine. Et cela pour plusieurs raisons, suggérées dans ce qui précède. Le premier point est le rapport à l’argumentation : il s’agit pour le locuteur de faire reconnaître à l’auditoire sa légitimité, toujours en besoin de confirmation et parfois, lorsqu’elle est remise en cause, en besoin de rétablissement – entreprise qui relève par excellence de l’argumentation. Or, comme le relèvent bien Fairclough et Fairclough, van Leeuwen « ne relie pas légitimation et argumentation »5. Le deuxième point a trait à l’extension très large que van Leeuwen (mais aussi Rojo et van Dijk) donne à la notion de légitimation : toute justification d’un acte ou d’une exigence devient dans leur perspective légitimation. Le troisième est que van Leeuwen ne différencie pas clairement la construction de la légitimité et la construction de l’autorité en discours. En effet, pour lui, la légitimation vient répondre à la question de savoir pourquoi nous devons faire quelque chose, et le faire d’une certaine façon (2007 : 93). Or, pour reprendre la formulation déjà mentionnée de Charaudeau, la légitimation se rapporte au droit de dire et de faire ; la capacité à faire obtempérer l’allocutaire de son plein gré, donc de lui fournir des raisons de faire quelque chose d’une certaine façon relève de l’autorité. Cette relative indifférenciation se retrouve chez Rojo et van Dijk, qui étudient dans un même mouvement la légitimation et la construction d’autorité en discours (1997 : 553).

31Le fait que van Leeuwen rabat les deux notions l’une sur l’autre affecte sa catégorisation. Il propose quatre catégories : l’autorisation (dans le sens de recours à une autorité), l’évaluation morale, la rationalisation (dans le sens de fournir des raisons) et la mythopoesis (ou persuasion par des récits exemplaires). Il résulte de l’indistinction entre légitimité et autorité que certaines des procédures discursives retenues pour la légitimation sont en fait des procédures de construction d’autorité. Prenons l’autorisation, ou recours à l’autorité d’une personne qui détient un pouvoir – politique ou, dans l’exemple de van Leeuwen, scolaire ou familial – par exemple, « Magnus sat down. Because the teacher said they had to » ; ou la réponse à la question « pourquoi faut-il que je fasse cela ? » « parce que le Dr. Juan l’a dit » (ibid. : 94-95). Il s’agit en réalité d’une construction d’autorité : la justification sous forme d’argument d’autorité ne confère pas une légitimité, elle s’appuie sur elle dans le sens où l’autorité s’adosse à la légitimité dont sont institutionnellement dotés le dirigeant ou le professeur par la reconnaissance socialement octroyée.

32Si on se propose ici de poursuivre le travail pionnier des tenants de la CDA, c’est dans le cadre de l’argumentation dans le discours (Amossy 2021 [2000]). Il s’agira d’élaborer une démarche soucieuse de différencier légitimation et construction d’autorité, attentive comme la CDA à leurs modes d’inscription verbale et à leurs enjeux socio-politiques. Faute de place, on n’en illustrera les différentes rubriques que très partiellement, en puisant dans les premières allocutions sur le coronavirus prononcées par les dirigeants confrontés à la nécessité d’annoncer des mesures hors du commun, et impopulaires, afin de lutter contre l’expansion de la pandémie.

3.2. : Pour une analyse du processus verbal de légitimation

3.2.1. La légitimation comme manifestation de la légitimité institutionnelle

33Le niveau le plus basique est celui de la légitimité institutionnelle dont jouit le dirigeant. Même lorsqu’elle est en quelque sorte donnée de l’extérieur par le statut légalement conféré à l’élu, la personne politique intronisée par l’institution doit veiller à la construire dans son discours. Il lui faut pour ce faire manifester discursivement toutes les marques qui la font reconnaître dans ses hautes fonctions au sein d’une scénographie susceptible de nombreuses variantes. On trouve ainsi :

34 L’apparat qui entoure l’orateur qui a partie liée avec la culture politique du pays :

35Signes visuels  dorures, drapeaux,… comme c’est le cas par exemple de Macron et de Merkel dans leur allocution solennelle à la nation.

36Le genre de discours sélectionné, plus ou moins officiel et cérémonial :

37L’allocution à une heure de grande écoute à la télévision, la conférence de presse, mais aussi la fréquence des apparitions du chef d’État en temps de crise (ainsi, Netanyahou en Israël répétant quotidiennement ses allocutions à la nation aux informations télévisées de 20 heures).

38Les choix lexicaux dans leur allégeance à la phraséologie :

39Le locuteur « élabore sur la base de quelques unités immédiatement disponibles une production discursive assez peu originale, mais conforme à ce qu’il doit dire et écrire compte tenu de sa position » (Krieg-Planque 2012 : 102-103). Elle comprend des formes d’ouverture et de clôture, des clichés, des formules, des thèmes conventionnels qui manifestent le caractère officiel du discours, adapté aux circonstances.

40L’usage du nous exclusif :

41Moi + instances de pouvoir désignant l’instance gouvernementale comme telle vs Vous.

42La mention des instances institutionnelles consultées et du consensus démocratique :

43Grande-Bretagne, B. Johnson (12.3.2020), I’ve just chaired a meeting of the government’s emergency committee including ministers from Scotland, Wales and Northern Ireland ; Espagne, le 14.3.2020, Pedro Sanchez : Comparezco para dar cuenta del Consejo de Ministros extraordinario en el que hemos aprobado el ya anunciado Estado de Alarma y las medidas que este implica para hacer frente al coronavirus, al COVID-19 (« Je comparais pour rendre compte du Conseil des ministres extraordinaire au cours duquel nous avons approuvé l'état d’urgence déjà annoncé et les mesures que cela implique pour faire face au coronavirus, COVID-19 ») ; France, E. Macron, le 12.3.2021: « J’ai aussi demandé au Premier ministre, il l’a fait encore ce matin, de consulter largement toutes les familles politiques, et elles ont exprimé la même volonté ». En résulte un gommage de toute trace de désaccord, et une insistance sur l’unité comme résultat et marque d’un accord démocratique (au détriment de la valeur de la délibération et de la confrontation des points de vue).

44L’usage du « je » qui fait usage de ses prérogatives :

45Russie, le 25.3.2020, Vladimir Poutine : « je déclare la semaine prochaine chômée, avec maintien du salaire » ; E. Macron, le 16.3.2021 : « C’est pourquoi, après avoir consulté, écouté les experts, le terrain et en conscience, j’ai décidé de renforcer encore les mesures. »

3.2.2. La légitimation par l’adéquation aux valeurs de la démocratie

46En plus de la dimension institutionnelle que le dirigeant affiche dans son discours, sa légitimité dépend de la conformité de ses paroles et de ses décisions à un ensemble de valeurs qui dans le contexte de nos exemples sont des valeurs globales mais aussi des valeurs démocratiques.

47Le souci du bien général :

48Le premier devoir du dirigeant légitime est de veiller au bien général, à plus forte raison en temps de crise. Le PM suédois Stefan Löfven, le 22.3.2020 : Jag som statsminister, den regering jag leder, kommer fatta varje beslut som krävs för att skydda så ånga människors liv, hälsa och jobb som det bara går (« Moi-même en tant que Premier ministre, et le gouvernement que je dirige, prendrons toutes les décisions nécessaires pour protéger la vie, la santé et l’emploi du plus grand nombre possible de personnes ») ; Grande-Bretagne, Boris Johnson, le 3.3.2020 : keeping the country safe is the government’s overriding priority ; Italie, Conte : Lo scopo è quello di tutelare il bene della salute degli italiani, il bene che ci sta più a cuore, quello che nella gerarchia dei valori costituzionali è sicuramente al primo posto (« L'objectif est de protéger la santé des Italiens, le bien le plus important pour nous, celui qui occupe certainement la première place dans la hiérarchie des valeurs constitutionnelles »).

49La protection des plus vulnérables :

50Une valeur éthique sacrée que se doit de respecter le gouvernement est la défense et la protection des plus faibles. E. Macron, le 12.3.2020 : « Dans ce contexte, l’urgence est de protéger nos compatriotes les plus vulnérables » ; Boris Johnson, le 12.3.2020 : The most important task will be to protect our elderly and most vulnerable people during the peak weeks when there is the maximum risk of exposure to the disease.

51Le respect des valeurs démocratiques :

52Le dirigeant puise sa légitimité dans le respect de ces valeurs. Cependant, la situation impose une limitation problématique à l’exercice des droits fondamentaux. Les restrictions édictées en temps de pandémie portent atteinte à la liberté : libertés individuelles, liberté de réunion (article 20 de la Déclaration des Droits de l’Homme), liberté d’organiser sa vie privée et familiale,... Dans les premières allocutions des chefs d’État sur le coronavirus, la question de la démocratie et des droits qu’elle confère ne sont pas nécessairement abordés. Le fait même de soulever la question des infractions aux valeurs démocratiques risque en effet de susciter des doutes que l’on s’efforce en la circonstance de refouler. Malgré le danger, certains choisissent de traiter directement du rapport à la démocratie dans la gestion de la crise sanitaire.

53C’est ce que font par exemple sous forme de métadiscours des dirigeants comme Angela Merkel, la Chancelière allemande, ou encore le Président du Portugal, Marcelo Rebelo de Sousa qui déclare : É também um sinal democrático. Democrático, pela convergência dos vários poderes do Estado. Democrático, porque é a Democracia a usar os meios excecionais que ela própria prevê para tempos de gravidade excecional. Não é uma interrupção da Democracia. É a Democracia a tentar impedir uma interrupção irreparável na vida das pessoas (« C’est aussi un signe démocratique. Démocratique, par la convergence des différents pouvoirs de l’État. Démocratique, parce que c’est la Démocratie utilisant les moyens exceptionnels qu’elle-même se donne en des temps d’une exceptionnelle gravité. Ce n’est pas une interruption de la démocratie. C’est la démocratie qui essaie d’empêcher une interruption irréparable de la vie des gens ») ; Alberto Fernandez en Argentine, annonçant une mesure nouvelle de couvre-feu à partir de minuit, tient à préciser à la fois la sévérité de la décision et son caractère démocratique (20.3.2020) : la realidad es que está es una medida excepcional, que dictamos en un momento excepcional, pero absolutamente dentro del marco de lo que la democracia permite (« la réalité est que c’est une mesure exceptionnelle que nous édictons à un moment exceptionnel, mais absolument dans le cadre de ce que permet la démocratie »).

54– La justification par le caractère exceptionnel de la situation :

55La nature de la crise appelle à des dérogations aux principes appliqués en période normale, dérogations prévues par le système démocratique. La métaphore de la guerre, brandie par divers dirigeants dont E. Macron, en rend bien compte : elle explique que l’état d’urgence, de mise dans les cas où la nation est attaquée, ne peut se fonder sur des comportements de routine et légitime les mesures extraordinaires prises par le chef de l’État dans le cadre de la constitution.

3.2.3. La légitimation par la proximité avec l’auditoire

56Les marques de proximité assurent la reconnaissance de la représentativité du dirigeant qui abandonne partiellement une position traditionnelle de surplomb grâce à certaines procédures discursives jeu des pronoms personnels et plus particulièrement du « nous » inclusif et du « vous », usage éventuel d’expressions familières, marques verbales d’identification voire d’empathie, thématique du sort partagé,… Ainsi Merkel le 18.3.2020 : Natürlich ist jeder von uns in solch einer Situation voller Fragen und voller Sorgen, wie es weitergeht (« Bien sûr, dans une telle situation chacun de nous a plein de questions, plein de soucis, se demandant quelle sera la suite »).

3.3. Pour une analyse de la construction discursive de l’autorité

57Qu’en est-il de la construction d’autorité ? On l’a vu, l’autorité du dirigeant tenu pour légitime dépend de sa crédibilité sous une double forme – celle qui s’attache à ses dires, et celle qui s’attache à sa personne. C’est donc la justification des mesures destinées à les rendre crédibles et les modalités verbales de sa présentation de soi qu’il faut analyser de près.

3.3.1. L’autorité des dires

58L’argument d’autorité :

59Il tire « sa probabilité ou sa véracité […] non directement du monde empirique » donc d’un savoir issu de l’expérience du locuteur – « ni de la logique (de la logique informelle qui formalise l’expérience de la vie), mais de la qualité d’une source » (Angenot 2013 : 5) : en l’occurrence, l’incontournable recours de la personne politique à l’avis d’experts. Les mesures contre le coronavirus qui pourraient à première vue paraître aberrantes apparaissent comme plausibles dès lors qu’elles s’appuient sur des raisonnements scientifiques transmis aux décideurs. Il faut souligner que les hommes et femmes de science consultés, et jusqu’aux meilleurs épidémiologistes, se trouvent eux-mêmes face à un phénomène nouveau qu’ils connaissent mal ; ils ne possèdent aucune certitude sur l’efficacité des diverses mesures de prévention. En même temps, un savoir scientifique délégué sur lequel un dirigeant entend fonder son autorité ne doit pas paraître sujet à caution si on veut qu’il suscite un consentement à de sévères mesures de prévention. Il n’est donc pas étonnant que dans la plupart des premières allocutions, l’opinion d’experts dont on souligne le savoir et la réputation est présentée comme unanime et incontestable, sans mention des discussions en amont ou des désaccords éventuels (ce qui tranche avec les controverses dont s’empareront les médias par la suite).

60L’argument pragmatique ou argument par les conséquences :

61Si on fait A’, une conséquence positive (négative) en découlera ; donc il faut (il ne faut pas) faire A’ (Walton, Reed & Macagno 2008) – avec les questions critiques suivantes : quel est le degré de plausibilité que ces conséquences arrivent et quelles preuves viennent étayer cette affirmation ? (ibid.). Clairement, la décision de prendre, ou non, certaines mesures pour lutter contre la pandémie s’appuie sur les conséquences pratiques des choix retenus en fonction des buts énoncés (tels que : contenir la pandémie jusqu’à ce que des traitements et des vaccins soient trouvés, empêcher l’engorgement des hôpitaux, sauver des vies,…). Bien entendu, l’argument pragmatique et l’argument d’autorité peuvent se croiser et se renforcer mutuellement.

62L’argumentation par les valeurs :

63Au-delà de celles qui sont invoquées pour légitimer le locuteur, des valeurs sont mises en avant pour influer sur l’allocutaire. En effet, la justification ne se veut pas toujours purement pratique, elle peut aussi se fonder sur l’obédience aux valeurs que l’auditoire est soucieux de respecter et de concrétiser. Dès lors les conséquences d’un choix se mesurent aussi en fonction des valeurs qu’il promeut (Fairclough et Fairclough 2012 : 45) : par exemple, l’obéissance aux mesures restrictives qui visent un objectif pratique réalisent en même temps les valeurs de responsabilité et de solidarité au fondement du collectif. Le PM suédois y joint le sacrifice personnel et le devoir de compassion envers les plus faibles (22.3.2020), le tout présenté sous le jour du devoir moral : « Maintenant, nous avons tous une grande responsabilité personnelle. Il y a quelques moments critiques dans la vie où vous devez faire des sacrifices, non seulement pour votre propre bien, mais aussi pour ceux qui vous entourent, pour vos semblables et pour notre pays. Ce moment c’est maintenant. Ce jour est venu. Et c’est le devoir de chacun. »

64La hiérarchisation des valeurs (Perelman et Olbrechts-Tyteca 1970) :

65Certaines valeurs paraissent plus importantes que d’autres et c’est en les triant par ordre d’importance qu’on peut décider en cas de conflit quelle est celle qu’il faut favoriser. Ainsi par exemple en période de crise sanitaire la valeur suprême de la vie humaine peut l’emporter sur celle de la liberté. Au Brésil, le président Bolsonaro met en balance le danger qui menace la santé des Brésiliens, et celui qui menace l’économie dans un pays où une grande partie de la population vit dans une grande précarité – en refusant d’attenter à l’économie.

3.3.2. L’autorité de la personne

66De plus, un niveau essentiel de la construction de l’autorité discursive réside dans la crédibilité de la personne de celui qui édicte les mesures. Elle s’établit à partir de :

67L’ethos préalable (Amossy 2010)

68ou potentiel de crédit dont jouit le dirigeant. On peut voir en contexte quelle est sa réputation lorsqu’il s’adresse à la nation, quelles images éventuellement contradictoires circulent de sa personne dans l’espace public. Si sa réputation n’est pas encore solidement établie, le nouveau chef d’État doit redoubler d’efforts pour projeter une image crédible et digne de confiance. C’est le cas par exemple de la PM belge Sophie Wilmès, à la tête d’un gouvernement ad hoc nommé dans une période de grave crise politique uniquement pour gérer la pandémie ; ou encore de chefs d’État récemment élus, comme le Président argentin Alberto Fernandez, qui n’a pris ses fonctions présidentielles que le 10 décembre 2019. Par opposition, un chef de gouvernement peut jouir d’un potentiel de confiance comme le PM suédois ou Angela Merkel en Allemagne.

69Un retravail de l’ethos

70lorsque la personne politique est déconsidérée en raison de circonstances particulières (le Président Macron à la suite du mouvement des Gilets jaunes, le PM israélien Netanyahou inculpé de fraude qui s’adresse à un public dont une grande partie exige sa démission). Il peut devenir une véritable démarche de réparation d’image.

71Une construction discursive d’ethos

72à savoir d’une image de soi positive (raisonnable, morale et bienveillante) à travers l’usage de moyens discursifs et argumentatifs appropriés, et du style individuel de l’orateur en ce qu’il laisse transparaître de sa personnalité – par exemple la capacité à user de modalités verbales claires et simples, de donner une impression de transparence et de sincérité, etc.

3.4. Jeux interdiscursifs et positionnement dans le champ

73L’autorité se construit aussi dans la façon dont l’allocution s’insère dans l’interdiscours global où elle réagit à la parole de l’autre, tente de la prévoir, travaille à déjouer d’éventuelles objections et ne peut parfois se poser qu’en s’opposant. Cela est vrai pour le rapport de l’allocution sur la Covid-19 aux discours tenus par les autres chefs d’État dans les mêmes circonstances, qui renforcent l’autorité de l’orateur. Cela est vrai aussi pour la façon dont il déjoue l’autorité des autres partis politiques et des factions rivales, auxquels il répond implicitement (surtout quand une impression d’unité est de mise, ce qui est généralement le cas) ou explicitement (quand il importe de contrer les opposants, comme chez Bolsonaro, par exemple). C’est pourquoi l’autorité du locuteur se construit dans la circulation des discours. Ce qui suppose bien sûr pour l’analyste de situer la parole du dirigeant dans la toile interdiscursive (ce que théorise par exemple C. Scaccia dans son analyse de Conte en Italie).

74Ajoutons que l’autorité est en relation étroite avec le positionnement du dirigeant sur l’échiquier politique. En effet, il faut bien voir qu’il ne s’agit pas seulement pour le politicien d’exploiter son statut institutionnel, mais aussi de se (re)positionner par rapport aux personnes politiques et aux partis concurrents, c’est-à-dire de se donner des avantages qui joueront subséquemment en sa faveur. C’est là un objectif qui relie autorité et position de pouvoir, et ne peut en tant que tel être explicitement admis par le politicien. Personne n’ignore cependant que les résultats de chaque allocution font l’objet de sondages où la popularité du dirigeant est mesurée, et que sa position par rapport à ses concurrents est incessamment réévaluée au cours de la crise. Il arrive même que l’allocution en un moment de crise aiguë soit exploitée à des fins politiciennes – ainsi, par exemple, B. Netanyahou, incapable de former seul un gouvernement à l’issue des dernières élections, travaille à faire participer le parti de son rival, Benny Gantz, à un gouvernement d’union nationale sous son égide (comme le montre A. Friedman dans son analyse dans ce numéro). Dans tous les cas, on ne peut ignorer les modes d’intrication variables du sanitaire et du politique qui se font jour dans les discours sur la Covid-19, et la façon dont le dirigeant peut exploiter à son profit sa construction de légitimité et d’autorité (voire à l’instrumentaliser pour renforcer un pouvoir autoritaire, comme R. Wodak le montre dans le cas de la Hongrie).

Conclusion provisoire

75Les indications présentées ici offrent les rudiments d’une analyse qui puise dans les outils aussi bien de l’AD que des théories de l’argumentation. Il va de soi que chaque procédure discursive et argumentative doit être étudiée avec les instruments spécifiques que procurent ces deux domaines de savoir, de façon à pouvoir explorer les textes en profondeur. La façon dont il convient de repérer les marques de proximité bénéficiera par exemple de travaux récents sur le sujet, la question de l’argumentation par les valeurs sous ses diverses formes trouvera des éléments de réponse dans les travaux de Koren (2019) ou de Guerrini (2019), les nombreuses procédures discursives étudiées par Roja et van Dijk ou van Leeuwen retrouveront une place de choix dans ce cadre, les procédures verbales exposées dans L’argumentation dans le discours (Amossy 2021[2000]) reçoivent ici un champ d’application privilégié. Ces procédures discursives et argumentatives ne sont pas particulières au processus de légitimation et de construction d’autorité : elles font partie d’un arsenal global. C’est la façon dont ce processus les mobilise pour parvenir à ses fins qui retient ici notre attention. Nous avons essayé de le montrer à partir d’un cas de figure (le début de la crise du coronavirus) où la légitimation de mesures qui peuvent paraître liberticides, et la construction d’une autorité qui doit emporter l’assentiment des citoyens sur un changement dramatique de leur mode de vie, présentent des difficultés peu ordinaires.

76Bien sûr, il ne s’agit pas simplement de fournir une boîte à outils. L’analyse des textes en situation permet de saisir le degré d’uniformité que présentent les allocutions visant un même objectif, mais aussi les différences qui s’y font jour en fonction de la situation politique, du rapport des citoyens aux instances gouvernementales et au dirigeant du moment, de l’imaginaire socio-politique du pays en question et de l’interdiscours qui y circule. Si elle peut dégager globalement une « rhétorique du coronavirus », l’analyse appelle aussi à s’interroger sur la singularité de chaque cas, et à rechercher les enjeux sociaux et politiques d’allocutions qui ne peuvent se saisir qu’en contexte, au sein de leur trame interdiscursive.

77C’est pour cerner ces enjeux et pour voir comment ils sont poursuivis sur le terrain qu’un travail en amont sur la légitimité et l’autorité politiques s’imposait. Cette mise au point qui s’inspire d’un ensemble de disciplines (science politique, sociologie, analyse du discours, argumentation) permet de mieux saisir la distinction entre la reconnaissance de la légitimité et l’obéissance consentie à l’autorité. La légitimité est ancrée dans la légalité de l’acquisition et de l’exercice du pouvoir, mais aussi dans la justification des relations de pouvoir en termes de croyances et de valeurs ; elle doit être explicitement reconnue pour s’imposer. L’autorité est la capacité à provoquer une obéissance sans coercition ; elle s’adosse à la légitimité mais nécessite, pour être acceptée et donc efficiente, que le locuteur construise un ethos doté d’un surcroît de crédibilité qui inspire confiance dans une relation asymétrique. Elle en appelle aussi à une justification des demandes et instructions qui persuade de leur plausibilité et de leur opportunité.

78En raison de leur étroite interrelation, l’intrication des notions de légitimité et d’autorité politiques dans les textes est constante ; les procédures discursives et argumentatives qui permettent de les construire (en termes d’ethos et de justification) se recoupent et se recouvrent souvent dans la mise en mots, si bien qu’un même segment discursif peut parfois simultanément effectuer un travail de légitimation et construire une autorité. Il n’en est pas moins important de saisir ce qui les distingue, et de parvenir à les différencier, sans les confondre avec le pouvoir tout court. C’est ce qu’on a tenté de faire ici, tout en fournissant un premier aperçu des processus discursifs susceptibles de légitimer le dirigeant, et des processus qui construisent son autorité et celle de ses mesures.

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Weber, Max, 1965. Essais sur la théorie de la science (Paris : Plon)

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Notes

1 https://www.dictionnaire-juridique.com/definition/legitimite.php

2 http://www.dicopart.fr/en/dico/legitimite

3 C’est sur ces bases que Ietçu-Fairclough (2008) mène une analyse argumentative intéressante du discours au peuple du président roumain Basescu, menacé de destitution par le Parlement.

4 Cette légitimité de proximité est, dans le cadre de notre problématique, limitée aux comportements verbaux (et ne s’étend pas au vaste éventail de ses manifestations politiques contemporaines).

5 Un bémol s’impose : l’analyste du discours qui se situe apparemment en dehors du domaine de l’argumentation en tient compte de biais au sein d’une typologie discursive des justifications et d’une analyse très fine qui mobilise parfois les éléments de l’argumentation rhétorique sans recourir à sa taxinomie. Notons que les textes de Wodak entendent quant à eux intégrer des méthodes empruntées à l’argumentation, et plus particulièrement l’usage de topoi considérés comme des schèmes argumentatifs liés à des contenus, qui servent de garants aux procédures de légitimation (2018 : 33).

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Ruth Amossy, « Construire la légitimité et l’autorité politiques en discours »Argumentation et Analyse du Discours [En ligne], 28 | 2022, mis en ligne le 25 avril 2022, consulté le 25 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/aad/5984 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/aad.5984

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Auteur

Ruth Amossy

Université de Tel Aviv, ADARR

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