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Chroniques
Comptes rendus

Lee Grieveson, Cinema and the Wealth of Nations : Media, Capital, and the Liberal World System

Benoît Turquety
p. 177-181
Référence(s) :

Lee Grieveson, Cinema and the Wealth of Nations : Media, Capital, and the Liberal World System, Oakland, University of California Press, 2018, 465 p.

Texte intégral

1L’octroi à ce dernier livre en date de Lee Grieveson du Limina Award 2018 pour le meilleur livre international en études cinématographiques, prix accordé par les comités scientifiques de la revue Cinéma & Cie et du colloque annuel d’Udine, produit ou révèle une situation tout à fait intéressante. Notre discipline se trouve en effet reconnaître ainsi comme l’une de ses plus importantes contributions récentes un ouvrage en profond décalage avec ses préconisations dominantes. La méthode historique employée ici par le professeur en histoire des médias à University College London diffère en effet assez radicalement de ce qui se fait de nos jours dans la plupart des revues et des colloques spécialisés. Elle s’en écarte consciemment et délibérément. En fait, le livre peut se lire entièrement comme une critique tranchante sinon rageuse de l’état actuel de la discipline, critique qu’il formule explicitement à plusieurs reprises et qui clôt le volume sous le titre piquant de « Discipline and Publish » (p. 334) – référence bien sûr à l’histoire de la prison de Michel Foucault, dont le titre anglais est Discipline and Punish. Son histoire, écrit-il d’emblée, est « polémique » (p. 19).

2La question fondamentale au cœur du projet de Grieveson est politique. Il s’agit de reprendre une histoire des médias – principalement du cinéma, mais la radio est aussi évoquée – qui en réinterroge la dimension politique, tout en questionnant le statut de cette question politique aujourd’hui dans les études universitaires qui s’y intéressent. Grieveson refuse d’en rester à une compréhension de l’inscription du politique dans les films qui serait de l’ordre des jeux de représentation. Pour lui, cette piste est insuffisante, car elle ignore ce que fut la portée du cinéma dans la société, et ne permet pas non plus de comprendre les enjeux réels attachés à l’omniprésence contemporaine des médias numériques. Cette approche rattachant sous des modes multiples le cinéma et la société trouve sa cohérence dans l’ensemble des travaux de Grieveson, qu’ils portent sur la censure (Policing Cinema : Movies and Censorship in Early-Twentieth-Century America, University of California Press, 2004), sur les relations entre le cinéma et l’Empire britannique (les deux importants volumes collectifs co-dirigés avec Colin MacCabe au BFI en 2011, Empire and Film et Film and the End of Empire), sur l’histoire de la discipline (Inventing Film Studies, co-dirigé avec Haidee Wasson chez Duke University Press en 2008), ou très récemment sur les relations entre le cinéma et le « complexe militaro-industriel » comme disait Eisenhower (Cinemas Military Industrial Complex, également co-dirigé avec Haidee Wasson pour University of California Press en 2018).

3Ce volume-ci est soutenu par une hypothèse forte, formulée à plusieurs reprises et développée dans ses ramifications au long de l’ouvrage. Il s’agit de montrer que « les médias ont été utilisés et façonnés de diverses manières dans le but de faciliter et de soutenir un système capitaliste en cours de mondialisation qui s’est avéré profondément destructeur pour les peuples et les habitats partout sur la planète » (p. 312). Énoncé un peu autrement, Grieveson veut démontrer que « les films, les systèmes techniques, les réseaux, et les formes médiatiques ont été intentionnellement intégrés dans le but de façonner les comportements des populations et finalement de faciliter et de consolider la mise en place de nouvelles formes d’économie politique libérale à travers le monde » (p. 2). Dans ce cadre, il appréhende ensemble le cinéma commercial et les cinémas didactiques et « persuasifs » (p. 1), les considérant comme deux branches complémentaires d’un même projet politico-médiatique fondamental. Le présupposé essentiel et largement partagé, rappelle Grieveson à plusieurs reprises, est « trade follows film » (« le commerce suit le film », p. 29 par exemple), formulé en 1922 par le Department of Commerce, selon lequel pour chaque pied de film exporté, les États-Unis gagnaient un dollar sur la vente d’autres biens (p. 154). Le cinéma y était pris au sérieux aussi bien par les institutions publiques que privées, parce qu’il y apparaissait comme une vaste entreprise publicitaire au profit du « mode de vie américain » et de ses coûteux accessoires.

4L’ouvrage est centré sur une période assez précise, même s’il la déborde quelque peu : elle va de l’Exposition internationale Panama-Pacific de 1915 à l’Exposition universelle de New York de 1939-1940. Sur la durée de cette période complexe, Grieveson suit plusieurs fils, qui structurent chacun des chapitres. L’organisation d’ensemble n’est pas chronologique, même si au sein de chaque partie, l’auteur décrit les développements de l’aspect qui l’intéresse. Se déploie ainsi un paysage complexe, décrit successivement selon des perspectives partiellement disjointes. Un chapitre peut analyser la mise en place aux États-Unis des premières institutions d’utilisation et de production de films pour le développement industriel, qu’elles soit publiques – le Ministère de l’Agriculture – ou privées, comme la Ford Motor Company, qui créa un département de cinéma dès 1913 et fit réaliser des films qu’elle s’arrangeait pour montrer dans des réseaux de distribution parallèles extrêmement denses, de telle manière que ces films aujourd’hui méconnus furent « probablement parmi les plus vus pendant les années 1920 » aux États-Unis (p. 17) ! Un autre chapitre étudiera la politique cinématographique de la Ligue des Nations, un autre la fondation de l’Empire Marketing Board au Royaume-Uni. Ailleurs, c’est la structure économique hollywoodienne qui est analysée, démontrant la prégnance du lien entre les grandes sociétés de production – Paramount, Warner, etc. – avec les banques d’investissement, et la manière dont celles-ci se sont organisées pour conserver une forme de contrôle sur la production cinématographique. Cet aspect est fondamental pour Grieveson, comme il l’affirme dès l’introduction : « J’admets comme évident que le contrôle des médias par le capital et les entreprises, soumis à l’impératif de générer davantage de capital, engendra un resserrement radical des possibilités de la culture médiatique. Ceci, en retour, produisit un système médiatique qui est manifestement antithétique avec les exigences communicationnelles d’une société démocratique » (p. 4).

5L’ouvrage détaille alors le développement du couplage entre sociétés de production médiatiques – cinéma, radio, télévision, journaux... – et capital financier, agençant industries techniques, infrastructures de communication, et système banquier d’investissement. Grieveson montre parfois en quoi cela peut conditionner la lecture des films – typiquement, le western montre l’expansion des réseaux infrastructurels (routes, rails) associés à la civilisation, justifiant la transformation des territoires de bien commun en propriété privée. C’est alors la généralisation de ce système d’appropriation qui, notamment par l’entremise du cinéma, devient synonyme de justice et d’ordre. Mais l’auteur expose aussi la place de ces connexions entre politique et finance dans l’institutionnalisation même des formes de savoir sur le cinéma. Par exemple, la banque d’investissement Kuhn, Loeb & Co fit rédiger un rapport sur le cinéma en 1919. Ce rapport fut repris et commenté en 1930 par Howard T. Lewis, alors professeur à la Business School de Harvard, université qui avait accueilli en 1927 une série de conférences par d’importants « entrepreneurs » du cinéma, marquant l’entrée du média au sein de la plus prestigieuse université étasunienne. Ces événements – livre et conférences – furent financés par Joseph P. Kennedy, alors banquier et investisseur, et... père de John F. Kennedy (p. 253). Où l’on voit l’intrication des liens entre capital financier, politique, médias, université, etc.

6À un autre niveau, le livre s’intéresse également aux cadres intellectuels voire épistémologiques qui ont accompagné ou présidé à ces évolutions. Le chapitre 10 notamment (pp. 204-246) est consacré à l’importance du « paradigme mimétique » (p. 221) durant cette période, c’est-à-dire « l’histoire des idées selon lesquelles les gens sont influençables et enclins à l’imitation et des pratiques de persuasion de masse menées à travers les médias qui émergèrent de ces idées » (p. 214). Se déploient ici des éléments d’histoire de la psychologie, de la criminologie, des sciences politiques, de la sociologie. C’est dans ce cadre que sont par exemple présentées les « Payne Fund Studies », initiées en 1927, études « scientifiques », bien que politiquement orientées et méthodologiquement problématiques, des réponses émotionnelles des enfants face au film (pp. 235-240) – entreprise qui évoque ce que tentera plus tard la filmologie. Si certains points de cette histoire sont déjà connus, c’est sans doute l’un des aspects les plus novateurs de Cinema and the Wealth of Nations que de montrer la complexité de la manière dont ce cadre intellectuel a été entretenu, modelé, orienté, par des problématiques politiques et financières, et comment en retour ce paradigme a influé sur la forme des films mais aussi sur toute la structure du système de production médiatique étatsunien dans son ensemble : organisation économique, formes et institutions du pouvoir, conception de la place et du rôle des médias dans la société, etc. Le paradigme mimétique fonde l’idée d’une utilité du cinéma pour le « système libéral » qui dépasse la seule publicité pour une dimension que Grieveson nomme fréquemment et un peu vaguement « biopolitique », qui recouvre l’idée développée dans l’entre-deux-guerres, après les expériences de propagande antérieures, selon laquelle « le cinéma et les médias de masse ont été cruciaux pour la gestion [management] et le modelage des attitudes et de la conduite des populations » (p. 197).

7Avant ces développements, dans un chapitre plus centré sur l’histoire économique, Grieveson avait présenté le cadre intellectuel qui a présidé aux transformations des politiques économiques occidentales – anglo-saxonnes surtout – au sortir de la Première Guerre mondiale, montrant la nécessité d’accroître les réseaux de transport et de communication qui avaient été l’une des clés de la guerre, et de lutter contre les formes de résistance à l’exploitation économique qui menaçaient l’ordre libéral en pleine expansion. On voyait ainsi par exemple (pp. 56-57) comment c’est à la suite de la sanglante répression d’une grève de mineurs dans le Colorado en 1914, répression menée avec la volonté de détruire radicalement les syndicats sous toutes leurs formes et dans laquelle s’est révélée publiquement une complicité entre instances politiques et économiques – en l’occurrence la milice d’État mise aux ordres de la famille Rockefeller – que s’est inventée la figure moderne de l’expert en « relations publiques ». Pour Grieveson, cette figure est cruciale, et finalement au centre de son livre, non seulement parce que « le cinéma a immédiatement fait partie des programmes de relations publiques des entreprises » (p. 57), mais plus largement parce que ces services de relations publiques constituent l’outil fondamental du système capitaliste libéral ou néo-libéral pour mettre en œuvre les projets politiques les plus violents même au sein de cultures démocratiques. Ils modèlent les comportements et les idées, font accepter les programmes, etc.

8Cette question des « relations publiques » est structurante dans le livre, qui en propose une archéologie. Elle permet de décrire ce qui spécifie la place du cinéma pour le pouvoir, public ou privé. Mais on pourrait presque dire que pour Grieveson, ce concept devient synonyme de celui de « médias ». Les « relations publiques » sont le lieu de la médiatisation de la violence brute du pouvoir, de la finance, du capital. Avec leurs cousins de la propagande et de la publicité, ces experts sont capables « d’utiliser la communication symbolique et les médias de masse pour essayer de modeler ce qui commençait à être nommé “opinion publique” » (p. 214). Le paradigme mimétique est essentiel dans ce dispositif, mais Grieveson en montre la subtilité : il fallait pouvoir montrer que le cinéma peut avoir une influence sur la population, mais il fallait aussi pouvoir affirmer que cette influence n’était pas si grande, pas si terrible, pas si dangereuse. C’était le seul moyen d’éviter que le cinéma soit exclu, frappé de censure, générale ou partielle, ce qui en retour limiterait son influence. Ainsi, Grieveson rappelle que William Hays – à qui l’on attribue le fameux « code » – avait toujours considéré son activité comme étant justement du « public relations » (p. 268), et que la censure n’y tenait qu’une part mineure. En fait, le travail de Hays consistait précisément, au contraire, à empêcher la censure, à faire en sorte que rien n’empêche la libre circulation des films partout dans le pays et dans le monde, sans entraves (p. 269). D’une certaine façon, Will Hays est le véritable héros de Cinema and the Wealth of Nations : le mode d’écriture adopté par Grieveson en fait une sorte de personnage, rigide, austère, cynique et creux, où le pseudo-moralisme religieux de surface laisse place aux « eaux glacées du calcul égoïste » ; et son approche accorde le premier rôle à ce dévouement aveugle du politique à servir la cause du capitalisme financier le plus « décomplexé », comme on dit aujourd’hui.

9Le « système libéral mondial » trouve ainsi sa cohérence : libertés et contrôle, circulation économique et culturelle des images et commerce généralisé, gouvernance « biopolitique » et didactique, finance et techniques, se confortent réciproquement et trouvent tous dans le cinéma, la radio, la télévision ou l’internet leurs meilleurs alliés. Ce système fonctionne extraordinairement bien, semblant ne connaître ni faille ni aucune résistance.

10Ceci nous amène à la question de la méthode historique adoptée et revendiquée ici par Grieveson. À plusieurs reprises en effet (pp. 37, 59...), il oppose deux niveaux : celui des principes, qui sont ceux du développement du système libéral, et celui de leur matérialisation, qui reste toujours contingente, rattachée aux aléas des contextes, personnalités, milieux, etc. Dans cette opposition, c’est bien à une histoire des principes que s’attache Grieveson ; pour reprendre la distinction kracauerienne, il travaille à une histoire à haute altitude, négligeant volontairement les détails de la micro-histoire pour en rester à une déconstruction plus profonde du système. Cette métaphore de l’altitude apparaît d’ailleurs explicitement, au moment où il explique qu’effectivement, il « s’intéresse surtout aux acteurs de l’élite, à leurs buts et intérêts [et] passe peu de temps à détailler la résistance à ces forces » : « La situation au niveau du sol, pour ainsi dire, était et est toujours sans aucun doute plus confuse et plus contingente, mais je crois fermement que se focaliser sur le contingent plutôt que sur la compréhension des dynamiques fondamentales de ces processus constitue une erreur intellectuelle et politique majeure » (p. 19). Cette erreur, c’est en fait, selon Grieveson, ce qui caractérise aujourd’hui les études cinématographiques, discipline selon lui « conservatrice », notamment pour cause de « balkanization » (p. 5 par exemple) : la fragmentation des domaines, des approches, des problèmes, ne permet plus d’avoir une vue d’ensemble, et donc de percevoir les véritables enjeux, qui tous articulent ensemble de nombreux niveaux. Ainsi qu’il l’énonce en fin d’ouvrage, l’analyse des films en termes de représentations ne peut selon lui être le fin mot du politique dans les études cinématographiques, car la dimension politique des médias excède largement la portée de la méthode. Trop de spécialistes de cinéma aujourd’hui font finalement le même travail que les agents du FBI jadis chargés d’analyser les films pour la surveillance de leur contenu idéologique, sur la base de présupposés relativement primaires (p. 321). « La balkanization de l’étude des médias a émoussé son potentiel collectif » (p. 335).

11À la lecture, le parti pris de l’altitude peut engendrer des frustrations, en ne laissant pas entrevoir certains aspects de ce que fut la complexité locale du problème énoncé. Si on en apprend beaucoup sur l’omniprésence du « paradigme mimétique », on aimerait parfois que soit plus développée son articulation problématique avec les réflexions de la même époque – et parfois du même lieu – sur la cause publique, le bien commun, la démocratie, etc. Il est intéressant de ce point de vue que la complexité de la personnalité de John Grierson – qui se retrouva au cœur de ces discussions, tractations, réflexions, et qui est d’ailleurs mentionné à plusieurs reprises notamment pour son rôle au Empire Marketing Board (p. 188) – semble complètement échapper à l’ouvrage. Austère aussi sans doute, stratège également, et au centre d’institutions majeures pour le développement du cinéma de son temps, Grierson était de fait mû par des questionnements politiques et esthétiques qui débordent des préoccupations du livre de Grieveson, lequel lui « préfère » manifestement William Hays. Plus généralement, la perspective de l’auteur peine parfois à formuler les positions de certaines institutions non réductibles à l’entreprise capitaliste. Ainsi par exemple, Grieveson critique les films à financement public montrés lors de l’Exposition de Panama comme des exemples d’« images produites par l’État de technologies et d’infrastructures réalisées en collaboration par les élites politiques et financières pour faciliter la circulation du pouvoir matériel, financier et géopolitique » (p. 35) ; mais quelques lignes plus loin, il rappelle que le Panama, comme d’autres paradis fiscaux, sert aux élites à « éviter de payer des impôts qui contribuent au bien public et soulagent la pauvreté meurtrière qui brise tant de vies » (idem). Nous devons tous, probablement, constater cette duplicité de nos États, qui à la fois participent à une forme de résistance au capital, tout en étant complice de ses élites les plus néfastes ; il reste qu’informulée, cette tension dans la conception de l’État, ou dans l’identification des forces de résistance aux logiques ici analysées, nuit parfois un peu à la clarté et à la précision de la critique de l’auteur.

12Le livre ne reste pas seulement centré sur les « décideurs » et leurs stratégies ; il reste aussi exclusivement – sans doute pour l’auteur n’en est-ce qu’une conséquence – au sein du monde anglo-saxon, surtout étatsunien, l’Angleterre n’apparaissant que pour montrer son empire déclinant, rattrapé, repris, redéployé par le nouveau maître du monde. Le « système libéral mondial » qui fait l’objet du livre selon son sous-titre n’est en fait organisé que depuis Hollywood et Londres. Grieveson n’évoque jamais les principes ou logiques à l’œuvre dans les autres pays, même lorsqu’ils disposent de cinématographies d’échelle industrielle – qu’elles soient celles d’autres puissances occidentales (Allemagne, France, Italie), ou issues de contextes plus ou moins radicalement différents (Japon, Inde, Égypte, etc.). La devise « trade follows film » fut-elle aussi structurante dans ces contextes ? Sinon, sur quels principes ces industries se sont-elles établies et maintenues ? Et finalement, présenter avec évidence le leadership mondial des images comme étant tenu par Hollywood, fût-ce pour le critiquer, n’est-ce pas déjà accorder trop de crédit au discours même de ces industriels et de ces politiciens ?

13Il reste néanmoins clair, à la lecture de Cinema and the Wealth of Nations, que les partis pris méthodologiques affirmés ici par Lee Grieveson sont aussi productifs qu’ils sont radicalement opposés à l’historiographie dominante dans la discipline. Micro-histoire, spécialisation, fragmentation, goût voire fétichisme de la source primaire ponctuelle inédite, ont certainement porté leurs fruits et continueront de le faire ; mais peut-être est-il bon de se redemander quelle configuration cela donne à la discipline dans son ensemble, et comment cela peut aussi avoir des conséquences politiques. Le projet d’une « histoire fantôme » du cinéma (« shadow history », p. 59) menée par l’urgence de la catastrophe planétaire, l’embrassant à la fois comme outil de management des populations et comme lieu d’investissement financier, pour ses enjeux esthétiques et ses liens épistémologiques avec le fordisme, en tant que rêve propagandiste et désastre écologique et en tant que moyen d’émancipation des micro-communautés, ce projet-là n’est, après tout, pas totalement dénué de valeur.

14Un dernier mot pour souligner un détail : je tiens à remercier University of California Press pour avoir laissé plus d’une douzaine de pages blanches après la fin du texte. Il s’agit peut-être du résultat contingent des procédés d’impression et de reliure choisis ; mais en l’état, cela donne une véritable place à la prise de notes, et montre une considération réelle pour le travail de la lecture comme activité fondamentale et productrice. Cela aussi est en quelque sorte un acte politique.

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Pour citer cet article

Référence papier

Benoît Turquety, « Lee Grieveson, Cinema and the Wealth of Nations : Media, Capital, and the Liberal World System »1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze, 89 | 2019, 177-181.

Référence électronique

Benoît Turquety, « Lee Grieveson, Cinema and the Wealth of Nations : Media, Capital, and the Liberal World System »1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze [En ligne], 89 | 2019, mis en ligne le 27 octobre 2020, consulté le 18 septembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/1895/7606 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/1895.7606

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Benoît Turquety

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