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Notes de lecture

La Guerre d’Algérie, un conflit médiatique ? Jean-Pierre Bertin-Maghit (dir.), « La guerre d’Algérie et les médias, questions aux archives », Théorème n°18

Presses de la Sorbonne nouvelle, 2013, 184p. et dvd
Valérie Vignaux
p. 179-181
Référence(s) :

Jean-Pierre Bertin-Maghit (dir.), « La guerre d’Algérie et les médias, questions aux archives », Théorème n°18, Presses de la Sorbonne nouvelle, 2013, 184p. et dvd.

Texte intégral

1Le no18 de la revue Théorème, dirigé par Jean-Pierre Bertin-Maghit, consacré à la représentation de la guerre d’Algérie dans les médias, se signale tout d’abord par la qualité de sa présentation, son iconographie soignée et l’ajout d’un dvd. Il rassemble les interventions réalisées pour une journée d’études, tenue en février 2012 au Forum des Images et associant les principales institutions de conservation du patrimoine audiovisuel (Bibliothèque nationale de France, Archives de l’Institut national de l’Audiovisuel, les Archives audiovisuelles du ministère de la Défense ECPAD et Gaumont-Pathé Archives) avec des chercheurs issus de champs disciplinaires différents (études cinématographiques ou photographiques notamment). Le sommaire du numéro est partagé en trois parties : archives, temps de l’événement et mémoire de l’événement. Le volume a donc l’ambition, à partir d’un état des lieux des matériaux conservés en archives, d’associer réflexion historique et mise en perspective épistémologique. Bertin-Maghit rappelle en préambule qu’en dépit de travaux pionniers, les recherches actuelles sur la guerre d’Algérie ne sollicitent que peu les objets médiatiques, perspective méthodologique qui demeure minoritaire alors que les travaux universitaires abondent. Son ambition est donc de « susciter de futurs travaux » en présentant « quelques parcours de recherche » reposant sur les médias au sens large, puisqu’on trouve des études portant à la fois sur les images fixes ou animées, cinématographiques ou télévisuelles, mais aussi un texte sur la chanson. C’est également en ce sens qu’a été conçu le dvd qui accompagne le volume, puisqu’il a, selon Bertin-Maghit, une « double vocation » : là encore, les images, si elles illustrent les études, ont également été choisies afin de suggérer d’autres recherches. On trouve ainsi des documents de toutes sortes, issus des archives associées au projet, soit des actualités cinématographiques, des extraits de journaux télévisuels, des magazines aux armées ou des chansons.

1. Les archives

2Dans une première partie, les responsables des archives respectives présentent leurs collections. Les exemples choisis posent quelques-unes des interrogations qui accompagnent les objets médiatiques, soit des questions de diffusion, réception, etc., et rappellent l’importance des procédures archivistiques préalables à la recherche, puisque la classification et l’indexation des documents garantissent leurs visibilités, traitements qui, de plus, suggèrent des méthodologies, mais aussi des corpus. Les fonds de l’ECPAD par exemple sont classés en supports (photographie/cinéma), en organes de diffusion (presse, télévision), mais aussi en fonds publics ou privés (films d’instruction réalisés par le ministère par exemple, ou films réalisés par un militaire à des fins personnelles et déposés ou acquis par l’ECPAD à des fins de documentation). Fonds constitués auxquels s’ajoutent en nombre les rushes, mais aussi les films amateurs, etc. Dès lors, la représentation d’un événement est susceptible d’être interrogée, comme le souligne Bastien Chastagnier, en fonction des sources : fixes, animées, officielles ou personnelles. Les fonds de l’Institut National de l’Audiovisuel nous sont présentés à travers le putsch des généraux à Alger, et ce afin de présenter les outils qui permettent d’annoter les documents audiovisuels, comme le logiciel MediaScope. L’accent est, là encore, mis sur l’hybridité formelle, puisqu’un même événement est présent dans des fonds radio, télévisuel, documentaire, fictionnel, etc. Gaumont-Pathé archives, société privée qui rassemble les collections Gaumont et Pathé, est à présent à la tête du « plus important fonds d’actualités cinématographiques francophones ». La présentation de la collection est, là encore, opérée à partir du moteur de recherche, grâce à l’indexation des œuvres. Présentations des archives instituées et des documents usuels auxquelles s’ajoutent la présentation, inattendue, de documents sonores conservés à la Bibliothèque nationale de France. Naïma Yahi, dans une étude passionnante et documentée, replace la chanson dans son contexte historique – l’Algérie coloniale – mais aussi culturel, elle montre comment elle peut devenir un vecteur de compréhension historique mettant en jeu des critères économiques, sociaux, mais aussi esthétiques et politiques. Étude qui introduit le second temps du volume où, après avoir présenté les archives, nous sont exposées quelques-unes des recherches déjà accomplies, scindées en deux mouvements : le temps de l’événement, soit les études portant sur des sources contemporaines à la guerre d’Algérie, et la mémoire de l’événement, s’intéressant aux représentations ultérieures.

2. Le temps de l’événement

3Dans la seconde partie des chercheurs exposent les résultats de leurs investigations. Sébastien Denis, auteur d’une thèse publiée sur la propagande cinématographique française concernant l’Algérie (1945-1962), retrace ses observations méthodologiques. Il rappelle que pour pallier les lacunes des archives papiers, il a opéré des entretiens et constaté ainsi que certains des films, pourtant considérés comme étant le « parangon » de la propagande française, n’avaient pas été diffusés (voir son étude sur le sujet publiée dans 1895 no48, 2006  : « Métaphores cinématographiques en situation coloniale. Le cas de la censure française en Algérie [1945-1962] »). Il pose dès lors des distinctions entre production et réception, relevant ainsi qu’à rebours du lieu commun selon lequel il n’y aurait pas eu d’images de la guerre d’Algérie, elles furent, au contraire, nombreuses mais ignorées, car ne relevant pas du long métrage de fiction. Evelyne Cohen opère des « commentaires de sources » et présente de cette façon les possibles recherches sur les archives télévisuelles et la guerre d’Algérie. Après avoir analysé quelques-unes des images présentées dans les journaux télévisés, elle montre comment l’émission Cinq colonnes à la une a constitué « une transformation qualitative de l’information sur la guerre ». Selon elle, le contrôle ne pouvant s’exercer totalement sur les images diffusées, celles-ci tendent à « dévoiler la dimension sensible de l’événement ». Aude Vassallo, auteure d’une thèse publiée sur le contrôle gouvernemental de l’information (1958-1969), évoque le traitement médiatique de la guerre d’Algérie et revient en particulier sur le traitement audiovisuel du « Manifeste des 121  », fameux appel à l’insoumission rédigé par Blanchot et Mascolo, signé par des personnalités du monde intellectuel (Breton, Robbe-Grillet, Duras, Resnais, Sartre, etc.). Dernière étude pour cette partie, consacrée aux photographies de la guerre publiées entre 1954 et 1958 dans l’Express et due à Émilie Roche. Celle-ci porte ses regards sur les relations texte-image au sein du journal et interroge les discours produits par leur agencement.

3. La mémoire de l’événement

4La troisième partie de ce volume qui a pour objet la mémoire, comprend des études sur les représentations ultérieures de la guerre d’Algérie. Raphaëlle Branche, qui présente ses recherches sur les films de fiction, s’efforce de les replacer dans leurs contextes scientifiques. Elle rappelle ainsi que les conditions scientifiques dans lesquelles elle les a élaborées diffèrent grandement de celles d’aujourd’hui puisque antérieures au dépôt légal et à l’accès numérisé aux œuvres. Recherches qui, de plus, pourraient être poursuivies par une étude des productions contemporaines évoquant le conflit. Anaïs Guilpain questionne la présence et les formes d’intervention des historiens à la télévision française, entre 1972 et 2011, et s’intéresse tout particulièrement à Pierre Vidal-Naquet. Elle s’est attachée à interroger la façon dont les historiens contribuent par leur expertise, dans le cadre d’émissions ou pour des réalisations, à la transmission et à la représentation des faits. Jean Bulot qui s’appuie sur une démarche quantitative, analyse statistiquement la présence de la guerre d’Algérie dans les programmes télévisuels (magazines, journaux, fictions, documentaires, divertissements ou débats) entre 1991-2002 et, selon lui, les représentations témoignent d’un « imaginaire en mutation ». Pour clore cette partie dédiée à la mémoire, Jean-Yves de Lépinay retrace les réflexions qui ont prévalu à l’organisation, au Forum des images, d’un cycle de projections et de rencontres sur la guerre d’Algérie et les contraintes matérielles, comme la difficulté par exemple à trouver des images algériennes. Texte où il pose des questions de programmation et témoigne d’une forme possible de valorisation du patrimoine cinématographique.

5Complété par une bibliographie indicative, ce volume comprend un texte programmatique de Branche intitulé « Perspectives », où elle évoque un travail à venir, pluri-médiatique, réunissant des historiens et des spécialistes des médias et des chercheurs français et étrangers. Les recherches, si l’on en croit ce numéro de Théorème, paraissent déjà bien engagées, ainsi on ne saurait que souhaiter, si tel n’est pas déjà le cas, que ce projet voie le jour prochainement.

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Pour citer cet article

Référence papier

Valérie Vignaux, « La Guerre d’Algérie, un conflit médiatique ? Jean-Pierre Bertin-Maghit (dir.), « La guerre d’Algérie et les médias, questions aux archives », Théorème n°18 »1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze, 74 | 2014, 179-181.

Référence électronique

Valérie Vignaux, « La Guerre d’Algérie, un conflit médiatique ? Jean-Pierre Bertin-Maghit (dir.), « La guerre d’Algérie et les médias, questions aux archives », Théorème n°18 »1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze [En ligne], 74 | 2014, mis en ligne le 27 octobre 2015, consulté le 10 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/1895/4934 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/1895.4934

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Auteur

Valérie Vignaux

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