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Marion Chénetier-Alev, Valérie Vignaux (dir.), Le texte critique. Expérimenter le théâtre et le cinéma aux xx e et xxi e siècles

Tours, Presses universitaires François Rabelais, 2013, 480 p.
Mélisande Leventopoulos
p. 207-209
Référence(s) :

Marion Chénetier-Alev, Valérie Vignaux (dir.), Le texte critique. Expérimenter le théâtre et le cinéma aux xx e et xxi e siècles, Tours, Presses universitaires François Rabelais, 2013, 480 p.

Texte intégral

1Dirigés par Marion Chénetier-Alev et Valérie Vignaux, ces actes d’un colloque tenu à Tours en 2010, proposent, sans viser à l’exhaustivité, un panorama diversifié de l’histoire de la critique de cinéma et de théâtre aux xxe et xxie siècles, en se concentrant surtout sur la période postérieure à la Première Guerre mondiale. Le jeu de miroir entre théâtre et cinéma auquel l’ouvrage s’essaie, porté par la figure nodale de Léon Moussinac, vient nourrir un questionnement sur les formes contemporaines de la critique à l’heure d’Internet et sur la disparition des formes classiques de celle-ci. L’objectif de ces recherches croisées est de « faire le point sur le texte critique » à partir des déclinaisons actuelles du terme, à la fois au singulier et au pluriel, au féminin et au masculin. Chénetier-Alev et Vignaux souhaitent ainsi défricher un territoire encore peu arpenté et soulignent – pour ce qui est de la France – le peu de travaux d’ensemble sur la critique, par-delà les livres déjà anciens de Michel Ciment et Christian Zimmer d’une part et de Maurice Descotes de l’autre. En ce qui concerne le cinéma, cela s’explique sans doute par des facteurs heuristiques. Quoique constamment mobilisée, la critique de cinéma a en effet tardé à s’imposer comme champ circonscrit de la recherche et reste souvent mobilisée comme interface plutôt qu’appréhendée comme phénomène, pour ses propriétés propres. Il en est également ainsi de sa frontière poreuse avec l’étude des cinéphilies, qui implique cependant un prisme d’analyse sensiblement différent.

2La définition du texte critique est ici laissée ouverte en vue de répondre aux problèmes posés par le contemporain. La comparaison entre cinéma et théâtre conduit néanmoins à une approche moins centrée sur le medium que sur l’art, où la critique journalistique classique est assimilée à une production littéraire, présupposant signature et légitimité analytique. Dans la majorité des contributions, celle-ci émane donc de spécialistes au jugement qualifié, portés par une fonction sociale et un capital symbolique. En cela, l’ouvrage adopte – pour l’interroger – le point de vue de la critique française, qui s’est affirmée par sa professionnalisation ainsi que le rappellent plusieurs articles, dont celui de Laurent Jullier et Jean-Marc Leveratto, procédant à des comparaisons avec la critique américaine. L’étude de l’autonomisation du discours cinématographique aurait sans doute permis d’interroger plus extensivement ce présupposé. Excepté le champ du très contemporain, critiques anonymes et courriers des lecteurs sont, par ailleurs, peu présents dans les contributions, tandis que d’autres types d’expertises (militantes, religieuses...) ayant donné lieu à des jugements réguliers sur les œuvres avant Internet et dont l’étude aurait peut-être pu contribuer à éclairer le questionnement sur les écritures numériques, ne sont pas inclus. Mais le livre fait émerger des conditions – sociales, culturelles, économiques, politiques – d’énonciation de l’exercice critique, pour reprendre la formule employée par François Albera et Sylvain Portmann dans leur contribution. L’encadrement de l’opération critique est mis au jour dans divers espaces nationaux et dans des temporalités variées. Aussi le problème de la dimension collective de la critique et celui de l’interaction avec le public traversent-ils l’ouvrage.

3La première partie est consacrée à l’institutionnalisation de la critique. Celle-ci découle donc, en France, de la professionnalisation de la critique, comme l’illustre la biographie de Gustave Fréjaville proposée par Chantal Meyer-Plantureux à partir du fonds de l’Association de la critique dramatique et musicale. Le cadre corporatiste permet aussi de suivre, avec Hervé Guay, l’évolution identitaire de la critique québécoise entre les débuts du xxe et le xxie siècle. Cette institutionnalisation repose en outre largement sur les revues, auxquelles toute une série d’articles est consacrée. Véritable programme de recherche, la contribution de Michael Temple sur la critique de cinéma au Royaume-Uni se présente comme une ébauche de typologie à partir des périodiques sur le temps long, tandis qu’Erica Magris explore, pour le théâtre, le terrain italien des années 1960 jusqu’à aujourd’hui. D’autres études de cas appréhendent des temporalités plus courtes : les Cahiers du cinéma au tournant de 1968 (Frédéric Cavé), Choses de théâtre dans les années 1920 (Marco Consolini) et Jeune cinéma, dernière revue française fondée par une fédération de ciné-clubs en 1964 (Léo Souillés-Débats).

4Déjà interrogé par cette dernière contribution, le rapport de la critique à l’oralité, de même que les questions de la pédagogie et de l’engagement, se posent au cours de la seconde partie du livre, dédiée aux figures historiques, soit à des grands hommes qui ont été partie prenante du renouvellement formel et stylistique du texte critique, depuis Stéphane Mallarmé (Alice Folco) jusqu’à Barthélemy Amengual (François Albera, Sylvain Portmann) en passant par Bertolt Brecht (Sylvain Diaz), Léon Moussinac (Valérie Vignaux et Romain Piana), Moussa Abadi (Helen Solterer et Marion Chénetier-Alev). Intitulée « la critique en débat », la troisième partie ouvre l’approche biographique à Serge Daney (Pierre Eugène) et la détourne dans le cas André Bazin (Laurent Le Forestier). Opérant respectivement la généalogie de la pensée bazinienne et du « Film noir », les contributions de Le Forestier et de Jean-Pierre Esquenazi – de même que celle de Jullier, Leveratto – appellent à la déconstruction des catégories critiques par la confrontation diachronique.

5Après deux essais plus théoriques sur les enjeux critiques de la scène théâtrale (Louis Dieuzayde et Yannick Butel), la quatrième partie de l’ouvrage, plus courte, se consacre à la critique sur Internet, dont l’étude avait, en fait, déjà été initiée par la contribution de Jullier et Leveratto. D’abord, Alain Carou défend que la critique cinématographique en ligne ne constitue pas une « nouvelle écriture ». Il appréhende, une à une, la dés-intermédiation provoquée par la publication d’avis sur les films par les spectateurs, la place de la critique papier sur le web et enfin la critique écrite directement pour Internet. Entendue comme la publication régulière par une même personne de textes argumentatifs et subjectifs sur les qualités d’un ou de plusieurs films ayant fait l’objet d’une diffusion récente, cette dernière – si elle a permis le déploiement de pratiques discursives originales – ne serait pas à l’abri de la normalisation critique, souligne l’historien en reprenant son travail, avant publication, deux ans après sa rédaction initiale. Ensuite et pour finir, la parole est judicieusement donnée à des acteurs, rédacteurs du site Aupoulailler.com (David Larre, Myrto Reiss, Catherine Robert). En dépeignant leur perception de la situation de la critique théâtrale en ligne, leur article pose la question de la redéfinition de la critique professionnelle sur Internet dans son interaction avec les spectateurs.

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Pour citer cet article

Référence papier

Mélisande Leventopoulos, « Marion Chénetier-Alev, Valérie Vignaux (dir.), Le texte critique. Expérimenter le théâtre et le cinéma aux xx e et xxi e siècles »1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze, 73 | 2014, 207-209.

Référence électronique

Mélisande Leventopoulos, « Marion Chénetier-Alev, Valérie Vignaux (dir.), Le texte critique. Expérimenter le théâtre et le cinéma aux xx e et xxi e siècles »1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze [En ligne], 73 | 2014, mis en ligne le 05 octobre 2015, consulté le 08 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/1895/4871 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/1895.4871

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Mélisande Leventopoulos

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