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Livres
1Richard Abel, Americanizando o filme. Ensaios de historia social a cultural do cinema, Sao Paulo, Cinemateca brasileira, 2013, 310 p.
Traduction portugaise de Americanizing the movies and « movie-mad » audiences 1910-1914 (2006).
2François Albera, Daniel Girardin, Alexandre Lavrentiev, Cécile Pichon-Bonin, les Avant-gardes russes et le sport, Lausanne, Le Musée Olympique, 2014, 108 p.
En lien avec une exposition du Musée Olympique de Lausanne sur le même sujet, quatre études richement illustrées (en noir et en couleur) de la place de la représentation du sport et de la culture physique dans les arts plastiques, la photographie, le photomontage et le cinéma soviétique entre 1920 et 1936 (ouvrage édité également en anglais et allemand).
3Laurence Allard, Laurent Creton, Roger Odin (dir.), Téléphone mobile et création, Paris, Armand Colin, « Recherches », 2014, 152 p.
L'ambition de cet ouvrage collectif est de mettre en évidence comment des processus créatifs extrêmement divers dans leurs modalités (SMS, photographie, cinéma, musique, applications) et leurs visées (artistiques, sociales, politiques) peuvent se déployer grâce au téléphone portable (la technologie d'expression et de communication à ce jour la plus répandue dans le monde).
4Alberto Anile, Maria Gabriella Giannice, Operazione Gattopardo. Come Visconti trasformò un romanzo di “destra” in un successo di “sinistra”, Gênes, Le Mani, 2013, 404 p.
Plus de 50 ans après sa publication, le Guépard de Giuseppe Tomasi di Lampedusa reste un des cas littéraires majeurs de l'après-guerre, tant pour son incroyable succès public (70 000 exemplaires vendus en juillet 1959 et l'attribution du Prix Strega) ou pour les vives discussions qu'il suscita auprès de la critique. L'« Opération Guépard » d'Anile et Giannice (préface de Goffredo Fofi) conte comment un roman de « droite » s'est transformé en un succès de « gauche ». Leur projet a été de reconstruire le contexte dans lequel naquit l'idée du film, son développement jusqu'à son immense succès international et au-delà en repartant de l'édition difficile du livre. Le roman de Lampedusa avait été en effet refusé partout et son auteur mourut avant qu'il ne soit édité par Feltrinelli. Si le livre fut soutenu par Eugenio Montale, avant l'inattendue intervention d'Aragon en sa faveur dans les Lettres françaises, la gauche littéraire italienne lui avait été unanimement hostile (Vittorini, Sciascia, Fortini, Moravia). Le projet cinématographique dû au succès commercial du livre, passa de Mario Soldati à Ettore Giannini et revint enfin à Visconti remettant Lampedusa le « réactionnaire » sur la voie d'une vision historique gramscienne.
Compte rendu dans un prochain numéro.
5Loïc Artiaga, Matthieu Letourneux, Fantômas ! Biographie d'un criminel imaginaire, Paris, Les Prairies ordinaires, « Singulières modernités », 2013, 184 p.
Les auteurs qui dirigeant la réédition complète des 32 volumes originaux dans la collection « Bouquins » de Robert Laffont publient cette « biographie d'un criminel imaginaire » qui procède à une relecture du mythe de Fantômas ainsi qu'une analyse des modes de fabrication des volumes originaux, de leurs suites et avatars.
Compte rendu dans un prochain numéro.
6Daniel Banda, José Moure (textes choisis et présentés par), Charlot : histoire d'un mythe, Paris, Flammarion, « Champs arts », 2013, 272 p.
Des textes relevant de types d'écrits les plus divers nourrissent ce volume anthologique : poèmes (Lovecraft, Aragon, Eluard, Crane, Maïakovski, Garcia Lorca, Alberti, Mandelstam, Ponge, Drummond de Andrade), manifestes, articles, essais (Soupault, Eisenstein), monographies (Delluc), recueils de textes (Bazin), chapitres, textes dans lesquels Charlot cristallise une idée de l'humain à l'âge moderne (Arendt) ou un mythe de notre temps (Morin), enfin apparitions littéraires de Charlot se nourrissant de l'image muette (Max Jacob, Albert Cohen).
Compte rendu dans un prochain numéro.
7Christa Blümlinger, Cinéma de seconde main – Esthétique du remploi dans l'art du film et des nouveaux médias, Paris, Klincksieck, « Collection d'esthétique », 2013, 389 p.
Traduction de son Kino aus zweiter Hand paru en 2009 en Allemagne, cet ouvrage de Christa Blümlinger, vient combler en France un manque d'autant plus criant que l'actualité technique et esthétique des images en mouvement rendait nécessaire une telle entreprise. Née dès le courant des années 1910, la pratique du remploi cinématographique, consistant à réutiliser dans un film des images plus anciennes, a connu des fortunes et des fonctions diverses à travers les ans. Mais elle n'a traversé, et de très loin, aucune période plus active et capitale que celle qu'inaugure l'arrivée conjointe et massive des technologies numériques et d'internet, à partir du début des années 1990. Le found footage est désormais omniprésent, et bien au-delà du milieu du cinéma d'avant-garde, qui en a historiquement assuré la pérennité et la promotion. (voir aussi ci-dessous le livre de Frédéric Tachou).
Compte rendu dans le prochain numéro.
8Annick Bouleau, Passage du cinéma, 4 992, Paris, Ansedonia, 2013, 986 p.
4 992 est le nombre de citations compilées par l'auteur pendant un assez long temps d'exploration de fonds documentaires et de bibliothèques dans des périodiques voués au cinéma depuis le début du siècle passé. Comme l'indique le titre de l'ouvrage – qui se réfère à Walter Benjamin auquel on a prêté ce dessein –, il s'agit de constituer un livre uniquement fait de l'assemblage ordonné (dans plusieurs directions : alphabétique et par « liens ») de citations. Ce riche corpus pose question à l'historien habitué à ce type de collecte et qui l'ordonne ensuite tout autrement en construisant une intelligibilité qui est ici sinon refusée du moins reportée sur le mode aléatoire de la lecture qu'on fera. Mais la nature des liens indiqués induit bel et bien une certaine idée du cinéma qui pourrait même appartenir à une doxa implicite. Au lecteur alors d'établir d'autres circulations entre les entrées proposées et à s'interroger sur celles qui ont été écartées.
9Gian Piero Brunetta, Il ruggito del Leone. Hollywood alla conquista dell'impero dei sogni nell'Italia di Mussolini, Venise, Marsilio, 2013, 314 p.
Ce « rugissement du lion » (de la MGM) porte sur l'« invasion » pacifique de l'Italie par la cinématographie américaine durant la double décennie fasciste (1925-1945). L'industrie hollywoodienne, fondée sur le divertissement, agit en effet dans un sens dont s'accommoda la « fabrique du consensus » de Mussolini. Les mythes et les rêves du public italien font l'objet de l'enquête de ce livre qui s'attarde surtout sur les stratégies publicitaires ayant permis aux majors d'envahir le marché italien dès les années 1920 profitant des conditions provoquées par la Grande Guerre et des difficultés socio-économiques de l'Italie de l'époque. De l'absence d'une industrie cinématographique, en somme, et d'une réceptivité accueillante aux typologies de récit proposées, grâce à un instrument commercial très élaboré et puissant.
Compte rendu dans un prochain numéro.
10Marguerite Chabrol, Tiphaine Karsenti (dir.), Théâtre et cinéma. Le croisement des imaginaires, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, « Le Spectaculaire », 2013, 285 p.
Les relations entre théâtre et cinéma sont un « classique » de la critique de cinéma, souvent réduites à des problèmes de « transferts » ou d'« adaptation ». Cet ouvrage collectif ambitionne de dépasser cette approche en s'intéressant aux représentations que ces deux pratiques se font l'une de l'autre, à la façon dont les idées respectives du théâtre et du cinéma nourrissent les processus de création et de réception de l'autre art. Il ne s'agit donc pas de chercher à définir une essence de chaque art mais d'appréhender un mécanisme commun à ces deux formes de représentation. L'ouvrage distingue quatre « entrées » : « Le corps en mouvement : entre le théâtral et le cinétique » ; « Alchimies : savoir-faire commun et assimilation des conventions » ; « Théâtre et cinéma : un système bipolaire ? » ; « Le démon de l'analogie ». Pour l'historien on relèvera notamment le fruit des recherches dans les archives de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris menées par Vincent Dussaiwoir et Giusy Pisano sur « l'émergence de nouvelles techniques de mise en scène théâtrale et cinématographiques » entre 1896 et 1920, l'examen des transferts et modèles entre pantomime, pré-cinéma et cinéma (par Arnaud Rykner), le programme des séances de Skladanowsky (par Laurent Guido).
11Antoine de Baecque, Noël Herpe, Éric Rohmer. Biographie, Paris, Stock, 2014, 605 p.
Troisième biographie monumentale d'un auteur de la « Nouvelle Vague » qu'entreprend de Baecque, après Truffaut et Godard, associé cette fois à Noël Herpe qui a beaucoup œuvré depuis la disparition du cinéaste en recourant notamment aux ressources du fonds Rohmer déposé à l'IMEC. Avant d'y revenir plus longuement, soulignons que se dégage du livre le Maurice Schérer professeur au long cours que Rohmer n'a cessé d'être, dans l'Éducation nationale ou, en congé, aux Cahiers du cinéma, ou encore, détaché, à la Télévision scolaire puis à l'université. Rohmer n'a pratiquement jamais gagné sa vie autrement qu'en enseignant : il a pratiqué le cinéma en « amateur », gage de sa liberté de ton, de moyens, de sujets sans doute.
12Walter Benjamin, l'Œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique, Paris, Payot, « Petite bibliothèque Payot. Philosophie », 2013, 141 p.
Une nouvelle traduction de Frédéric Joly de cet essai dont on ne compte plus les versions ni les traductions-interprétations. Examiner en quoi elle diverge ou apporte par rapport aux précédentes serait un long travail (relevons le choix du mot « appareillage » pour die Apparatur plutôt qu'« appareil » – der Apparat). Une importante préface d'Antoine de Baecque est intitulée « l'art des ravages ». Il s'agit des ravages « dans l'histoire » où Benjamin avec ce texte détruit, liquide l'aura, provoque une crise de l'art en s'appuyant sur le cinéma. Le cinéma est une « catastrophe ». Par là même il est le seul à « coller à la réalité du monde contemporain tel qu'il est en train de muer » et à pouvoir enregistrer et mettre en forme « ce qui diverge dans l'histoire ». On rejoint là « l'histoire-caméra ».
13José Antonio Pérez Bowie (dir.), La noche se mueve. La adaptación en el cine del tardofranquismo, Madrid, Catara, 2013
Co-auteur en 2010 avec Fernando González Garcia d'un livre sur l'adaptation dans le cinéma espagnol des années 1950 (El Mercado vigilado, Salamanca, Tres Fronteras), José Antonio Pérez Bowie dirige un ensemble d'études consacrées au cinéma de la dernière époque du franquisme (les années 1960-1970) sous l'aspect de l'adaptation littéraire. En effet cette dernière peut servir d'indicateur dans la mesure où la sélection des textes littéraires n'a pas toujours répondu aux mêmes critères sous le régime franquiste. En l'espèce les dernières années virent une prévalence accordée aux critères commerciaux par rapports à l'idéologie, en particulier dans le cas des co-productions. Une prédilection marquée pour le cinéma de genres alors que simultanément de jeunes cinéastes revendiquaient une position auteuriste.
14Dominique Chateau, l'Invention du concept de montage. Lev Kouléchov théoricien du cinéma, Paris, L'Amandier/Archimbaud, 2013, 162 p.
Ce livre examine le passage de la notion du montage au concept de montage. Comment une notion venue de la pratique (geste technique), le « montage », est devenue l'étiquette d'un des plus importants concepts de la théorie du cinéma. L'archéologie de la notion remonte à l'Encyclopédie de Diderot puis advient la métamorphose en concept que l'on doit à Kouléchov. « On fait peu référence à Kouléchov, dit Chateau, pourtant son importance est considérable. Ses idées restent quand on les confronte aux divers instruments méthodologiques de la sémiologie, de la linguistique, de la musicologie. » Ce petit ouvrage très dense est le premier à se pencher sérieusement sur le corpus de textes de Kouléchov traduits en français parus en 1990 à L'Âge d'homme.
15Roland Cosandey, Thomas Perret, Paillard-Bolex-Boolsky, Yverdon-les-Bains, la Thièle, 2013, 188 p., 1 DVD.
Les deux auteurs, associés dans cet ouvrage, après des recherches conjointes menées à l'occasion de l'exposition Paillard-Bolex. Les aventures d'une caméra vaudoise (Musée d'Yverdon et région/Musée CIMA, 2004), dont Perret était le commissaire, s'efforcent de rendre compte ici de la « situation patrimoniale exceptionnelle » de Bolex, une richesse qui caractérise autant les fonds de documentation que les collections d'appareils conservés en Suisse.
Compte rendu dans un prochain numéro
16Georges Didi-Huberman, l'Album de l'art à l'époque du « Musée imaginaire », Paris, Hazan/Musée du Louvre, 2013, 207 p.
Malraux a formulé avec acuité et pertinence quelque chose du statut de l'œuvre d'art à l'ère de la reproduction mécanique en avançant l'idée du « musée imaginaire » et en développant une pensée iconographique dans ses livres sur l'art. Le modèle cinématographique qui fascine alors l'écrivain n'y est pas pour rien. L'auteur montre que cette intuition qui croise, à son envol, celle de Walter Benjamin se referme cependant progressivement sur une métaphysique de l'art, une spiritualisation (l'Intemporel, l'Absolu) qui suture dès lors toute la productivité que contenait en puissance sa proposition en jouant l'unité, la continuité contre la différence et la discontinuité, en même temps qu'elle renonce à la référence filmique (montage, cadrage, séquentialisation, décomposition) pour regagner la contemplation consolatrice. Du « bien pensé » du romancier et essayiste engagé, on passe au « bien-pensant » du ministre du général de Gaulle... L'analyse en profondeur de l'entreprise malrucienne par Didi-Huberman vient à son heure pour différencier le « musée imaginaire » d'entreprises comme celles de Warburg ou Benjamin. L'inscription de ce projet dans un contexte – celui des années 1920 à 1940 – où se multiplient les recours au montage d'images dans les revues (de Der Querschnitt à Documents) et dans des ouvrages, permet de définir le sens d'une démarche qui aboutit à une « intemporalité » et dont la confrontation avec Les statues meurent aussi de Marker et Resnais dégage la conception de l'art qui est la sienne « où l'horreur ou la barbarie n'ont plus aucune place visible, comme si l'art était le “paradis gagné” d'une rédemption de toutes les tragédies historiques ». Cette mise au point salutaire devrait permettre de reconsidérer l'usage qu'on fait du « musée imaginaire » en restant en-deçà de ses conséquences qu'il s'agisse de Godard (qui s'en réclame dans ses Histoire(s) du cinéma) ou d'Eisenstein dont il est devenu commun de le rapprocher (récemment M. Witt dans son Jean-Luc Godard Cinema Historian ou le collectif Cinéma muséum).
17Georges Didi-Huberman, Phalènes. Essais sur l'apparition, 2, Paris, Minuit, 2013, 385 p.
Recueil d'articles autour du thème de « l'apparition comme réel de l'image » via cette figure de papillon nocturne que sont les phalènes. Quels rapports faut-il construire entre connaître et regarder ? Des hypothèses formulées à partir de Bergson (« l'image-sillage »), Warburg (« le savoir-mouvement »), Rilke (« le savoir des mots »), Blanchot (« l'image-dépouille ») ou Deleuze (« faire une image »).
18Cloé Drieu, Fictions nationales. Cinéma, empire et nation en Ouzbékistan (1919-1937), Paris, Karthala, 2013, 392 p.
Une étude pionnière sur le cinéma en Ouzbékistan dans les 18 premières années du pouvoir soviétique dans cette république d'Asie centrale. Historienne de cette région, l'auteure entend dépasser les deux approches du monde soviétique que sont l'école « totalitarienne » (la plus ancienne) et l'école « révisionniste » (qui est venue la contrarier), et cherche à repérer les espaces d'autonomie et de négociation entre ces deux trajectoires : d'un côté l'État qui vise à une soumission et une « domestication » politique totale de la société et de l'autre cette même société, multiple, qui conserve des mécanismes de défense, d'adaptation ou d'action. Elle a mené, pour ce faire, des recherches dans les archives nationales ouzbèques et à Moscou pour étudier sur une période limitée et un nombre restreint de films (7) le « phénomène nationaliste » qui caractérise la période des années 1920-1930 dans cette région de l'URSS qui changea trois fois d'alphabet en quelques années quand il s'agit, après la révolution bolchévique, de donner une écriture à une langue que le tsarisme cantonnait à l'échange oral. Les films sont appréhendés dans la perspective de Marc Ferro comme révélateurs de ces processus socio-politiques.
Compte rendu dans un prochain numéro.
19Francis Dujardin (dir.), Regards sur le réel. 20 documentaire du 20e siècle, Crisnée-Bruxelles, Yellow Now-Cinémathèque de la Fédération Wallonie-Bruxelles, 2013, 319 p.
D'Henri Storck (1929) à Paul Meyer (1960), de Luc de Heusch à Boris Lehman, de Michel Khleifi à Chantal Akerman, à Thierry Knauff (2000), cet ouvrage met en exergue 20 films, des classiques du documentaire belge francophone, considérés comme les plus remarquables du siècle écoulé, sélection opérée parmi 1 200 œuvres de quelque 200 documentaristes. En introduction Jean Breschand s'efforce de « regarder le xxe siècle à travers ces 25 films, de voir comment ces films résonnent avec le siècle du cinéma ».
20André Gaudreault, Philippe Marion, La Fin du cinéma ? Un média en crise à l'ère du numérique, Paris Armand Colin, 2013, 274 p.
Alain Fleischer dans sa préface à D. Païni (voir plus bas) emprunte, dit-il, le « merveilleux vocabulaire des Québécois » pour qualifier de « niaiseux » le fait de se poser la question de la mort du cinéma. Gaudreault et Marion posent tout de même celle de sa « fin » éventuelle en regard de ce qu'ils appellent « l'ère du numérique ». Pour eux, « l'hybridation intermédiale [actuelle] est l'écho du bouillon de culture ayant entouré la cinématographie-attraction ». Le cinéma est partout (nouveaux supports, nouveaux écrans) mais est-ce encore du cinéma ? En s'appuyant sur leur hypothèse de la « double naissance des médias », les auteurs se demandent s'ils assistent à une « troisième naissance » du cinéma, « post-industrielle et intégrative » marquant « le retour du refoulé animation » venant « prendre sa place comme principe premier structurant ». Du point de vue éditorial deux nouveautés : les citations en anglais ne sont pas traduites et une mention « en savoir + » apparaît çà et là dans les notes infrapaginales invitant à trouver un supplément d'information sur un site internet.
21Christophe Gauthier, Dimitri Vezyroglou (dir.), Myriam Juan (collab.), l'Auteur de cinéma. Histoire, généalogie, archéologie, Paris, AFRHC, 2013, 398 p.
Critiques et cinéphiles ont depuis bientôt un siècle, construit dans l'imaginaire collectif une mythologie du cinéma édifiée sur la figure de l'Auteur. L'histoire du cinéma s'est appuyée à son tour sur cette mythologie qui a pris le visage de la « politique des auteurs » depuis les années 1950. Cet ouvrage pose les bases d'une approche historique de la notion comme du processus de sacralisation dont elle a fait l'objet en tant que construction culturelle. 36 contributions s'y appliquent de Hollywood à Shanghai en passant par le Québec, la France, l'Italie, la Finlande, la Pologne ou l'URSS en combinant trois approches : historique, archéologique et généalogique.
22Jean A. Gili, Luchino Visconti et la critique française d'Ossessione au Guépard (1943-1963), Paris, L'Amandier/Archimbaud, « Ciné-création », 2014, 177 p.
Sacralisé aujourd'hui, Visconti connut pourtant dans sa réception en France – que compliqua une distribution désordonnée de ses premiers films – de multiples aléas dont la recension que fait l'auteur des critiques de ses films témoigne : des quiproquos aux controverses et à la consécration. Avant le Guépard a-t-il été un auteur « maudit » comme avait avancé Bazin – qui tint à son sujet un discours constamment ambivalent (La terra trema guetté par l'ennui quoique admirable, le « prince rouge », etc.).
On reviendra sur la réception de Senso dans le prochain numéro.
23Ray Beth Gordon, De Charcot à Charlot. Mises en scène du corps pathologique, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, « Le Spectaculaire », 2013, 235 p. (+ DVD)
Enfin traduit en français et actualisé pour l'occasion un ouvrage pionnier (When the French love Jerry Lewis : From Cabaret to Early Cinema, 2001) sur les liens culturels entre le cinéma des premiers temps et les courants de pensée et de pratique psychiatriques, médicaux, spectaculaires, passant par l'analyse des rapports entre le style des performances dans le spectacle populaire en France et la neuro-psychiatrie, en particulier l'étude de l'hystérie. Le cinéma comique français hérita en effet d'une gestuelle comique et érotico-drolatique qui se met en place dans les années 1870 au café-concert et dans les cabarets en reprenant le langage gestuel de l'hystérie tel que répertorié à La Salpêtrière par Charcot, Gilles de la Tourette et d'autres et qui fut fixé sur plaques photographiques par Duchenne de Boulogne y compris par stimulations électriques (grimaces, tics, gesticulations convulsives et saccadées, postures, etc.). On crée de nouveaux types : le chanteur agité, le comique idiot, la chanteuse épileptique – dont la tradition se poursuit jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale dans la danse et les chansons (Ouvrard, Georgius). En replaçant les films des premiers temps au sein des discours médicaux, l'auteure développe en profondeur les réflexions de la « nouvelle histoire du cinéma » (Gunning, Gaudreault) quant aux attractions et à l'adresse aux spectateurs que ces films pratiquent : « l'analyse des théories contemporaines de réponse physiologique et d'imitation inconsciente nous permet de mieux comprendre les éléments qui composent l'adresse directe au spectateur dans le cinéma des attractions ». C'est dire que la démarche enrichit non seulement le spectacle mais aussi sa réception. Ainsi Méliès faisant volontiers allusion à la « folie » de ses « compositions abracadabrantes », ses trucs peut laisser supposer qu'il n'ignorait pas que les images cinématographiques « pouvaient évoquer des pathologies nerveuses et ainsi produire chez les spectateurs les mêmes secousses et les mêmes frissons ». Au-delà du discours même des théories médicales, ce qui est en jeu est la domination du corps sur l'esprit dont le régime de visibilité instauré par le cinéma se ferait l'instrument et le miroir à la fois.
24Carlo Guinzburg, Peur révérence terreur. Quatre essais d'iconographie politique, Dijon, Les Presses du Réel, 2013, 192 p.
Quatre études dans une perspective d'« iconographie politique » concernant successivement le frontispice du Léviathan de Hobbes, Marat à son dernier soupir de David, l'affiche de propagande américaine « Your Country Needs You ! » et le Guernica de Picasso. On retrouve dans chacune de ces analyses les scrupules, les précautions, la rigueur historiographique de l'auteur, inspirateur de la « micro-histoire » mais aussi les brusques coups d'éclairage qu'il propose parfois en rupture avec le cours de l'analyse et qui peuvent s'apparenter à des coups de force.
Compte rendu dans un prochain numéro.
25Grégoire Halbout, la Comédie screwball hollywoodienne 1934-1945. Sexe, amour et idéaux démocratiques, Arras, Artois Presses Université, 2013, 423 p.
Comment expliquer le succès considérable des comédies loufoques américaines des années 1930 ? Rencontres, coups de foudre, ruptures, divorces, remariages... Ces vaudevilles sentimentaux ont répondu aux attentes d'une middle class en plein essor, avide de libéralisation des mœurs, par des intrigues audacieuses, un humour verbal et le recours à certaines recettes du burlesque muet. Dirigées par des spécialistes du comique (Hawks, LaCava, Leisen, Ruggles, Cukor...), incarnées par les stars les plus marquantes (Claudette Colbert, Irene Dunne, Clark Gable, Cary Grant, Katharine Hepburn...), ces comédies forment un sous-genre prolifique qu'on appelle screwball comedy. On y raille les normes sociales et les représentants de l'ordre établi, on y fait bouger les clichés attachés aux genres (gender), parfois au risque de voir la carrière d'une star s'infléchir (Hepburn après Bringing up, Baby ! où le tentation transgenre passe mal). L'auteur examine 130 films, les replace dans leur contexte et dans leur fonction communicationnelle et sociale. L'articulation entre les normes et les interdits de la censure et la rhétorique du contournement donnant lieu à une « esthétique verbale et visuelle » spécifique, est analysée ainsi que le message politique (débat démocratique) et les interrogations en matière de partage privé/public, intimité, etc. qui innervent des récits vectorisés cependant en direction du triomphe des valeurs établies notamment conjugales.
26Barbara Le Maître, Jennifer Verraes (dir.), Cinéma muséum. Le musée d'après le cinéma, Saint-Denis, Presses Universitaires de Vincennes, 2013, 200 p.
11 contributions posent la question de « ce que le cinéma fait au musée – c'est-à-dire ce qu'il y fait et ce qu'il lui fait – et, réciproquement, ce que le musée fait au cinéma pour prendre la mesure sur quelques cas singuliers (Godard, Mark Lewis, Bernard Tschumi, Mark Rothko et Tony Smith, Dominique Gonzalez-Foerster, Straub et Huillet, Oliveira, Ferreri, Ryan Gander, Tino Sehgal, Fabrice Lauterjung, Chris Marker) des échanges entre deux « institutions », la salle de cinéma et le musée sur le mode « des vases communicants ». Les réflexions repassent par Malraux et son « musée imaginaire », Eisenstein et son « cinématisme ». Avec une bibliographie sélective sur le sujet.
27Eric Le Roy (dir.), 69e congrès FIAF Barcelona 2013, Barcelone, FIAF/Filmoteca de Catalunya, 2013, 159 p.
Le programme du congrès dont l'un des sujets était les versions multiples. (voir plus bas, Estève Riambau).
28Sylvie Lindeperg, Myriam Tsikounas, Marguerite Vappereau (dir.), les Histoire de René Allio, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2013, 327 p.
Ce livre collectif (25 contributions d'horizons variés : l'architecture, l'histoire, le cinéma, le théâtre...) veut retracer « toutes les histoires de René Allio » afin de dévoiler un itinéraire esthétique, politique et intellectuelle d'une grande exigence. Trois parties : « De Marseille à Marseille », « Les lieux d'histoire », « Périphéries ». Grâce aux fonds de l'IMEC où sont déposées les archives du cinéaste et scénographe-décorateur, l'ouvrage est richement illustré de documents (notes, témoignages), des photographies, affiches, tableaux et revient sur nombre de films un peu oubliés d'Allio (Rude journée pour la reine qui reste trois jours à l'affiche, Transit son dernier projet d'après le livre homonyme d'Anna Seghers) à côté de quelques-uns qui sont dans toutes les mémoires (la Vieille Dame indigne, les Camisards, Moi Pierre Rivière...).
29Dwight Macdonald, Une tragédie sans héros. Essais critiques sur la politique, la guerre et la culture (1938-1957), Saint-Front-sur-Nizonne, Encyclopédie des nuisances, 2013, 171 p.
On a déjà évoqué la figure singulière de MacDonald dans une récente recension de la revue Agone (1895 revue d'histoire du cinéma, no 69, pp. 203-208). L'occasion est maintenant donnée aux lecteurs français d'accéder à ses essais critiques concernant tant la politique (Souvenirs d'un révolutionnaire, Cronstadt, la Bombe) que la culture (Hemingway, la Culture de masse [déjà paru dans Diogène en 1953]). Au sein de ce dernier un seul concerne le cinéma, « La tragédie d'Eisenstein », paru dans Partisan Review en novembre 1942. Le critique commence par évoquer son enthousiasme d'antan pour le cinéma : Griffith, Chaplin, Eisenstein alliaient « exigences des créateurs » et « goût des masses ». « Dix ans après (sic), les merveilleuses possibilités qu'offrait le cinéma ont fait place aux clichés superficiels d'Hollywood et aux stéréotypes grossiers du cinéma soviétique ». Le cinéma a délaissé son propre langage et est devenu « un truc mécanique qui enregistre des pièces de théâtre ». Cette entrée en matière « déprimée », qu'on peut juger intenable aujourd'hui au vu de la production des films dans la décennie concernée (sans parler de nombreux John Ford, The Maltese Falcon de Huston et Citizen Kane sont sortis en 1941 aux États-Unis et que pouvait connaître l'auteur de la production soviétique d'après 1929 ? Barnet, Matcheret, Romm, Room, Raïzman, etc.) introduit à la lecture de The Film Sense d'Eisenstein qui vient alors de paraître aux Etats-Unis grâce à Jay Leyda. Rapproché d'emblée d'« une thèse de doctorat laborieuse et peu inspirée » cet ouvrage (qui reprend pour partie le volume inachevé Montage depuis lors paru en URSS puis, augmenté, en Russie) viserait à « se parer du prestige de la culture passée » et serait affecté de « platitudes » et d'un style « officiel » : « Eisenstein a modelé sa prose sur celle de Staline ; on y retrouve sa boursouflure... sa façon de s'appesantir sur des évidences et de s'exprimer comme au catéchisme ». Mais, continue MacDonald, « le revirement le plus spectaculaire de ce livre porte avant tout sur sa conception du montage » : alors que dans les années 1920 le montage était conflit, choc, le voici maintenant « jonction », comme à Hollywood. Pour lui le changement qui affecte la théorie eisensteinienne ne relève pas de l'esthétique mais de la politique car « le conflit est impossible dans un État totalitaire puisqu'un seul principe et un seul ensemble de valeurs est autorisé à s'exprimer publiquement. » Dès lors le montage-conflit dans Octobre est révolutionnaire alors que le montage-jonction dans Nevski est « une mascarade historique » contre-révolutionnaire. Ce dernier film est d'ailleurs envisagé dans les mêmes termes que The Film Sense : « plat et ennuyeux », « reconstitution historique poussive, techniquement très conventionnelle et sans autre contenu qu'un patriotisme de carte postale. Il relève... de la même stratégie de camouflage que le livre ». « L'opportunisme délibéré » du cinéaste l'aurait conduit à un comportement « abject » lors de la Conférence des travailleurs du cinéma de Moscou en 1935 où il aurait « rivalisé de zèle avec ses procureurs dans la dénonciation de ses propres fautes comme le feront un an plus tard les accusés des procès de Moscou » ajoutent les éditeurs en note – ce qui est complètement erroné. Le peu d'informations sur la situation tant d'Eisenstein que de l'URSS dans les États-Unis de 1942 peut expliquer les lacunes de la connaissance de MacDonald, reste son schéma d'analyse qui plaque mécaniquement son jugement sur la politique stalinienne sur tout phénomène de la société soviétique sans considération d'aucune épaisseur sociale, aucune contradiction, etc. C'est un représentant de la « théorie totalitarienne » par excellence. Dans le cas présent, et quelque avis esthétique qu'on porte sur Nevski, il est difficile de prétendre à la lecture de The Film Sense que « la culture soviétique ne tient aucun compte du passé... [qu'il] est tout bonnement liquidé, enterré, oublié. Les artistes soviétiques n'ont pas de tradition, ils doivent effacer le passé comme on efface un tableau noir... ». Les Notes pour une histoire générale du cinéma (1946-48) qu'on publie aujourd'hui en apportent un évident démenti.
30Laurence Madeline, Picasso devant la télé, Dijon, Les Presses du Réel, « Dédalus », 2013, 105 p. (49 ill. n/b)
Préface de Bernard Picasso, Postface de Jean-Paul Fargier. Picasso a regardé assidûment la télévision depuis les années 1960 et ce livre s'efforce d'en mesurer l'impact sur son art pictural et surtout graphique aux plans des thèmes, des motifs et des matières.
Voir le compte rendu de l'exposition dans ce numéro.
31Maurice Noverre, la Vérité sur l'invention de la projection animée. Emile Reynaud, sa vie et ses travaux, Paris, L'Harmattan, 2013, 283 p.
Édition établie et présentation par Sébastien Roffat, préface de Sylvie Saerens (arrière petite-fille d'Émile Reynaud), cet ouvrage réédite un livre publié en 1926 à compte d'auteur à 1000 exemplaires (tout de même !) et depuis longtemps introuvable. Maurice Noverre, l'un des premiers historiens du cinéma, y avançait cette thèse provocatrice : Émile Reynaud serait le véritable inventeur de la projection animée. Participant du courant anti-lumiériste – il veut aussi réhabiliter Méliès. Noverre a été diversement entendu. Sadoul prend la relève en 1945 dans une publication de la Cinémathèque française et, de nos jours, un « retour » à Reynaud se fait entendre jusque chez André Gaudreault. Sébastien Roffat, spécialiste du cinéma d'animation qui a dirigé cette publication et l'introduit en une cinquantaine de pages faisant le point de l'historiographie sur le sujet.
Compte rendu dans le prochain numéro.
32Dominique Païni, le Cinéma, un art plastique, Crisnée, Yellow Now, « Côté cinéma/Morceaux choisis », 2013, 255 p.
Dans sa préface Alain Fleischer, directeur du Fresnoy, dit sa dette à Dominique Païni et introduit les 16 textes de l'auteur qui examinent les rapports du cinéma et des arts plastiques en développant un propos personnel qui l'amène à dire, en repartant de The Old Place de Godard [et Miéville] que bien des artistes « ne vont pas au bout du cinéma, c'est-à-dire jusqu'à la salle, parce que leurs œuvres ne tiendraient pas l'écran », échappant ainsi « au verdict de la salle de projection ». Le propos de Païni porte sur le « cinéma exposé », les dimensions picturales ou plastiques de certains cinéastes (Perret symboliste, Hitchcock et les transparents, Paolo Gioli, Kiarostami) ou de certaines cinématographies (l'italienne des années 1910) et s'achève sur le passage de l'homo-spectator à l'homo-visitor.
33Giorgio Passerone, Un Lézard. Le cinéma des Straubs, Villeneuve d'Asq, Presses universitaires du Septentrion, 2013, 227 p.
À la 61e minute, 25e seconde de la Mort d'Empédocle, un lézard fait soudain irruption en bas du champ et disparaît d'emblée. Il faut s'exercer, la perception aux aguets, pour qu'il ne passe pas inaperçu. Mais une fois qu'on l'a vu, on ne regarde et ne pense plus le monde comme avant. Car pour Danièle Huillet et Jean-Marie Straub (comme pour Dostoïevski et Rosa Luxembourg), « le sort d'un insecte » ou d'un petit reptile « qui lutte entre la vie et la mort dans un coin, à l'insu de l'humanité, a autant d'importance que le sort de la révolution ». Un lézard, un sourire de Bach. Ce sont deux entrées pour aller à la rencontre d'une œuvre sans auteur fixe, au pluriel de ses textes et de ses musiques. Un livre qui se réclame du constructivisme philosophique et de Gilles Deleuze et allie des analyses fines et détaillées à partir de cartes « italiennes » (« Leçons de géologie. Vittorini sans style » ; « La constellation Pavese » ; « La guérison des sentiments. Variations-Antonioni » ; « De Dante à Buti » – avec un excursus godardien) et des interprétations vigoureuses du cinéma straubien.
34Veronika Rall, Kinoanalyse. Plädoyer für eine Re-Vision von Kino und Psychoanalyse, Marburg, Schüren, 2011, 474 p.
En quoi la psychanalyse peut-elle encore aujourd'hui intéresser les études cinématographiques ? Pourquoi étudier les liens entre cinéma et psychanalyse alors que cette dernière est attaquée de toutes parts, notamment par les neurosciences et les sciences cognitives ?
Compte rendu dans un prochain numéro
35Esteve Riambau (dir.), Multiversions, Barcelone, FilmoTeca de Catalunya, 2013, 127 p.
En lien avec le 69e congrès de la FIAF un ensemble qui poursuit des travaux entrepris il y a déjà quelques décennies à Udine notamment sous l'impulsion de Leonardo Quaresima, que continue d'explorer l'équipe de recherche dirigée par François Thomas à Paris et qu'on ne cesse de voir relancés sous de nouveaux angles (comme celui du « doublage » avec Décadrages no 23-24). Outre une introduction substantielle de la coordinatrice du numéro (« Variations sur le [même ?] film »), cet ensemble, en calatan avec traduction anglaise en fin de volume, publie notamment des études de François Thomas (« Les nombreux visages des versions multiples »), Paolo Cherchi Usai (« Même film, différents tirages, le cas du cinéma des premiers temps et ses multiples versions conservées »), Lucian Berriatùa (« Les versions multiples dans le cinéma muet : l'œuvre de Murnau »), Juan B. Heinink (« Les versions multiples après l'arrivée du sonore »), Romàn Gubern (« Les versions multiples dues à la censure »), Stefan Drößler (« La notion de “Director's Cut” entre la production indépendante et un nouveau modèle commercial »).
36Éric Rohmer, Friponnes de porcelaines, Paris, Stock/IMEC, 2014, 299 p.
Un recueil de huit nouvelles inédites de Maurice Schérer écrites entre 1940 et 1950 dont certains sont des moutures de futurs scénarios (la Boulangère, le Genou de Claire), d'autres feront découvrir le romancier friands de dialogues d'idées :
« Je possède encore dans mes tiroirs l'esquisse d'un ouvrage que j'eus alors la ferme intention de mener à bien. Il s'agissait de rien moins que refaire à l'envers tout Rousseau, mettre à nu les racines du mal qui ronge le monde moderne, rechercher les origines de cette funeste idée d'Égalité dont meurent tous nos régimes, même les plus autoritaires en apparence. » (Chantal )
37Claver Salizzato, I Gattopardi e le iene. Splendori (pochi) e miserie (tante) del cinema italiano oggi, Alessandria, Falsopiano, 2012, 190 p.
L'auteur de ce pamphlet dont le titre ne laisse place à aucune ambiguïté – les Guépards et les hyènes. Splendeurs (peu) et misères (beaucoup) du cinéma italien aujourd'hui – synthétise de façon cynique et irrévérencieuse les principales causes du déclin du cinéma italien d'aujourd'hui.
Compte rendu dans un prochain numéro.
38Allan Sekula, Écrits sur la photographie, Paris, Beaux-arts de Paris, 2013. 304 p.
L'approche d'Allan Sekula (photographe et co-auteur avec Noël Burch d'un film occulté sur le capitalisme maritime, The Forgotten Space), disparu durant l'été 2013, manquait dans le paysage théorique français où, après la domination de la sémiologie dans un premier temps (Barthes, Lindekens...), de l'auteurisme (Cahiers pour la photographie), de l'histoire enfin dans des directions différentes (Frizot, Rouillé, Gunther, Chéroux), la dimension historico-matérialiste promue ici a été peu pratiquée. Elle a manifestement inspiré Paul Virilio et croise celle de Farocki – mise en rapport des technologies photographiques et de la surveillance policière, des techniques d'observation militaires, du classement, etc. Un bain d'acide pour les approches « exagérément » esthétiques dont on a plus souvent l'habitude ici.
39Frédéric Tachou (dir.), 15e festival des cinémas différents et expérimentaux de Paris, Paris, Collectif Jeune Cinéma, 65 p.
Un catalogue au bon sens du terme de ce 15e festival de cinéma expérimental alignant la liste des 57 films sélectionnés (sur 800) et interpolant des textes de réflexion, inégaux mais stimulants autour du thème choisi, celui des « usages d'images déjà-là, déjà-faites ». Ainsi le collage, le found footage ou le réemploi (voir plus haut C. Blümlinger). Dans un des textes, Tachou développe une réflexion (à partir d'André Green) dégageant ce qu'il nomme le « déni » du cinéaste qui recourt à cette technique. « Le déni consisterait à refuser d'apercevoir et de nommer derrière les images le processus d'élaboration idéologique et industriel visant à nous séduire, nous subjuguer, nous tromper et nous conditionner. [...] Pour sauver sa foi dans l'image et arrêter le regard avant qu'il ne découvre le visage hideux de la matrice authentique – je veux dire celui de la vie palpitante de ce qui a été pillé et saccagé par les barbares de l'industrie du spectacle – le cinéaste de found footage réinvente une grammaire imprévisible, parfois improbable, reliant des fragments atomisés dans un tissu qu'il voudrait imperméable à tout plan imposé par les lois du système, où l'image pourrait enfin créer ses propres lois et nous convaincre qu'il n'y a rien à voir derrière. Il y a enfin cette revendication d'une démarche subversive souvent invoquée [...] consistant à croire qu'en lui arrachant ses images on affaiblit le système. »
40Michael Witt, Jean-Luc Godard Cinema Historian, Bloomington Indianapolis, Indiana University Press, 2013, 275 p.
L'auteur examine en détail les différentes entreprises godardiennes visant à développer une histoire audiovisuelle du cinéma. La partie centrale et la plus ambitieuse est la « monumentale et labyrinthique série des Histoire(s) du cinéma », mais il est en d'autres qui en forment le socle ou les prémices tels les cours de cinéma dispensés à Montréal puis Rotterdam et un certain nombre d'interviews, d'articles et de petits films tournant autour de cette question. À l'origine du projet godardien il y a cette conviction (empruntée à Langlois comme on peut le vérifier en écoutant ce dernier dans l'émission de télévision scolaire de Rohmer, Lumière) que le cinéma est l'historien du xxe siècle puisqu'il le « documente » du début à la fin. Conviction exprimée devant Eric Hobsbawm et Marc Ferro à la télévision et qui explique la butée des « images manquantes » – celles des camps d'extermination – ayant signé la déchéance du cinéma et nécessité une pensée de sa « résurrection ».
Revues
41Negativo, vol. 1, no 1, juillet-septembre 2013
Nouvelle publication semestrielle brésilienne émanant du Cineclube Beijoca de l'Université de Brasilia (Département de philosophie) dont il faut souligner d'emblée la qualité graphique. Après un éditorial expliquant « Por que Negativo ? », ce premier numéro est inscrit sous un thème qui traverse les divers ensembles de textes : « Cinéma, mémoire et territoire » (Cinema, Memória e Território) qui a été provoqué par deux rencontres entre les rédacteurs et des cinéastes – Adirley Queirós et Claire Angelini. Du premier, le dernier film, A cidade é uma só ?, a suscité un débat (et ici un long entretien) au sujet des contradictions de l'urbanisme tel que l'incarne la capitale brésilienne, Brasilía, parangon de « modernité » architecturale et en même temps emblème de la ségrégation sociale, du partage des lieux selon les logiques de pouvoirs et de domination qui caractérisent les sociétés capitalistes, particulièrement criantes au Brésil où les favelas jouxtent les beaux quartiers. À ce film font écho deux autres, un plus ancien qui introduisait dès les années 1960 ces questionnements, Contradições de uma citada nova de Joachim Pedro de Andrade (1967) aussitôt interdit et : Plano B de Getsemane Silva et Santiago Dellape (2013) qui a entrepris de revenir à ce film avec certains de ses protagonistes en particulier Jean-Claude Bernardet, critique, enseignant, théoricien du cinéma. L'autre rencontre s'est produite à Belo Horizonte où Claire Angelini, invitée du festival Forum Doc., donnait un séminaire autour de son travail plastique et filmique sur l'histoire, les traces et la mémoire et sur leur inscription dans un présent brûlant (ce qui garantit d'échapper, relève J-C. Bernardet à son propos, à l'historicisme). Là aussi un long entretien avec la revue développe une série de thèmes traversant aussi l'histoire du cinéma documentaire qui se poursuit avec un article de Benoît Turquety. Enfin un troisième ensemble concerne le débat sur le réalisme dans le cinéma italien et dans la revue Cinema, avec des textes d'Antonioni (sur Gente del Pó), Guiseppe de Santis, Mario Alicata (sur Verga) et Luchino Visconti (« Un cinéma anthropomorphique ») entre 1939 et 1942.
42Retour d'y voir, no 6-7-8, 2013
Une revue de 1 117 pages éditée par le Mamco à Genève et qui rassemble 52 auteurs et contributions appartenant à « une scène romande » dans le domaine des arts, des sciences humaines mais aussi de l'histoire et de l'histoire de la médecine. Le cinéma est évoqué – avec Markopoulos (F. Bovier), Farocki (A. Malinge), Godard (C. Neyrat), Losey-Wajda-Bergman (F. Albera), la musique de film (D. Vincent) notamment –, sans compter la photo (C. Joschke), la peinture, l'architecture, le design, la littérature, la philosophie, l'ethnographie.
43Revista da cinemateca brasileira, no 2, juillet 2013 + DVD
Beau second numéro de la revue de la Cinémathèque brésilienne, institution fondée par Paulo-Emilio Salles Gomes sise à Sao Paulo et que des difficultés financières et peut-être politiques semblent mettre en péril depuis quelques mois. La revue cependant ne semble pas affectée qui présente à nouveau un riche sommaire à la fois international et national. Julio Lucchesi Moraes s'attache à l'histoire économique du cinéma brésilien avec le cas de la firme Ferrez et Filhos (1907-1917) importatrice principale des matériels cinéma en particulier Pathé Continsouza. Marco Soares s'intéresse au faux documentaire d'Orson Welles, Verdades e Mentiras et Jair Leal Piantino traite de « Hollywood : les deux faces d'une mère ». Sur un plan historique, il faut relever une étude de Bernd Stiegler, « L'album de photographies de Walter Benjamin » et une autre de Claire Angelini sur l'inscription du film de Lang, M, dans les débats qui font rage en Allemagne, sous la République de Weimar, autour de la psychiatrie, du traitement des déficient mentaux ou physiques et des préconisations eugénistes de tout un courant médical à qui le régime nazi donna l'occasion de passer à l'acte.
Un dossier restauration de 40 pages commence par un entretien avec Patricia de Filippi qui évoque la mise en place d'un laboratoire par la Cinémathèque brésilienne à la fin des années 1970, les phases successives « Langlois » et « Lindgren » qu'il a connues, les principes de restaurations mis en œuvre et le défi du digital. L'étude d'un cas (Limite de Mario Peixoto) dont le DVD est joint, un texte consacré à Fernando Pereda, fondateur de la cinémathèque de Monte Video enfin un dossier sur Gigi de Joaquim Canuto Mendes et Almeida José Medina (1925), « un film disparu et sa reconstitution idéale ».
44Streulicht. Magazin für Fotographie Artverwandtes, no 3, Vienne, 2013
Troisième livraison de cette belle revue autrichienne bi-annuelle et bilingue (allemand-anglais), centrée sur le thème « Photography – Cinematic » sous la direction d'Amelie Zadeh et Roland Fisher-Briand. La revue entend se distinguer des publications conventionnelles consacrées à la photographie en alliant la théorie et la pratique artistique en appréhendant la photographie comme une « technologie culturelle ». Le soin matériel apporté à la fabrication de la revue est à souligné qui permet aussi de distinguer une production « papier » d'un fac-similé informatique : papiers en transparence, fenêtre s'ouvrant la page suivante, attention à la mise en page et aux qualités des tirages (sur papier mat). L'intérêt « patrimonial » porté aux livres le cinéma du passé (1929 : Film-Photos Wie Noch Nie à Giessen ; 1948 : Vampyr de Dreyer à la Biblioteca cinematografica, le Sang d'un poète de Cocteau aux éditions du Rocher).
Pour citer cet article
Référence papier
François Albera, Mireille Berton, Jean Antoine Gili, Éric Thouvenel, Stéphane Tralongo, Christophe Trebuil et Delphine Wehrli, « Vient de paraître », 1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze, 72 | 2014, 184-196.
Référence électronique
François Albera, Mireille Berton, Jean Antoine Gili, Éric Thouvenel, Stéphane Tralongo, Christophe Trebuil et Delphine Wehrli, « Vient de paraître », 1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze [En ligne], 72 | 2014, mis en ligne le 06 octobre 2015, consulté le 01 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/1895/4817 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/1895.4817
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