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Giovanni Spagnoletti (dir.), Il Reale allo specchio. Il documentario italiano contemporaneo

Venise, Marsilio, 2012, 208 p.
Delphine Wehrli
p. 185-187
Référence(s) :

Giovanni Spagnoletti (dir.), Il Reale allo specchio. Il documentario italiano contemporaneo, Venise, Marsilio, 2012, 208 p.

Texte intégral

1Ce livre – le Réel dans le miroir – donne une image quelque peu déformée de ce qu’est le cinéma documentaire italien aujourd’hui et depuis une dizaine d’années. Ouvrage collectif, publié par Marsilio à l’occasion de la 48e Mostra Internazionale del Nuovo Cinema de Pesaro (25 juin-12 juillet 2012) et dirigé par Giovanni Spagnoletti, il propose des essais et des interviews (par exemple, celui de Mariangela Barbanente à Leonardo Di Costanzo (l’Intervallo, 2012) et de Davide Ferrario (Tutta colpa di Giuda, 2009) : « Où est la vérité ? Comment le Cinéma du Réel raconte le monde ») ainsi qu’un « Dictionnaire des réalisateurs » du documentaire italien, un secteur en pleine expansion (on parle, comme toujours, de « renaissance » du genre) qui a compté en 2011 la production de 519 films, devenant ainsi un des facteurs privilégiés de renouvellement esthétique et culturel du cinéma en Italie. Ce volume tente donc de documenter ce phénomène, en analysant l’univers du documentaire italien avec un arrêt notamment sur le système et les problèmes de la production, de la distribution entre festivals et chaînes télévisées, la « fuite des cerveaux » à l’étranger et la récente mise en place de stratégies collectives.

2En juillet dernier, Paolo Mereghetti définissait sur les pages du Corriere della Sera (« La revanche du nouveau cinéma vérité », 31 juillet 2012) le genre documentaire en Italie « comme la partie la plus vive et stimulante de notre panorama audiovisuel », présenté dans des manifestations courageuses, mais souvent dans des lieux peu attrayants « également en raison d’un journalisme qui somnole ». Il renvoie le lecteur, à des fins d’approfondissement, au livre Il reale allo specchio, dont le sous-titre « Le documentaire italien contemporain », peut être engageant – même si la formule est reprise, telle un slogan pour best-seller, dans presque toutes les publications de Spagnoletti–, parce que la proposition de raconter les dernières douze années de la production documentaire italienne est louable et nécessaire, permettant de mettre à jour l’important travail de l’historien Marco Bertozzi, Storia del documentario italiano : Immagini e culture dell’altro cinema, publié en 2008 par le même éditeur (sous sa direction, en 2003 déjà, L’idea documentaria : altri sguardi del cinema italiano, Turin, Lindau). Bertozzi intervient ici dans la partie Réflexions, avec un chapitre « Sur certaines tendances du documentaire italien au troisième millénaire » qui aborde les différentes modalités du genre (« found footage », expérimentation à la frontière du réel, documentaire d’observation), cherchant à spécifier l’esthétique actuelle du documentaire italien qui était, il y a peu encore, un genre « peu vu, peu critiqué et peu connu ».

3Subdivisé en trois sections, « Réflexions », « Matériaux et instruments » et le « Dictionnaire des réalisateurs », ce livre cite et analyse en partie différents titres, raconte la variété des thèmes et l’autonomie stylistique du genre en Italie, en cherchant à définir ce qui relève du réel et ce qui, au contraire, relève de la fiction ; il considère en outre l’initiative productive du secteur, même s’il ignore les expériences significatives de ces dernières années, mis à part l’excellente intervention de Luca Mosso, « Dix ans en Italie : notes sur le documentaire, le marché, les institutions et les technologies ».

4Cependant, le volume n’inclut et ne traite que certains titres, en en excluant tant d’autres : à part les deux essais – « Le documentaire italien classique » d’Adriano Aprà et « Le dernier Olmi » de Giulio Latini – dédiés à des sujets du passé, pour le reste, l’attention se tourne uniquement vers les œuvres de certains auteurs italiens, qui ont été « élus » pour représenter le genre entier (Gianfranco Pannone, Alessandro Rossetto, Leonardo Di Costanzo, Yervant Gianikian et Angela Ricci Lucchi, Daniele Segre, Davide Ferrario, Francesca Comencini, Alina Marazzi, Pietro Marcello). Mais le critère utilisé pour le choix des œuvres citées et analysées ne suit a priori aucune logique, au point de laisser apparaître un soupçon qui semble légitime : le fait que l’inclusion, et donc l’exclusion, ait été déterminée par des choix « politiques », par des raisons d’opportunité et d’intérêt, par « mode » et donc seulement d’après les prix reçus par certains auteurs dans le cadre des festivals italiens ou internationaux (on mentionne, entre autres, comme festivals étrangers, « Visions du Réel » de Nyon comme étant « un des plus importants festivals européens de documentaires », le « Cinéma du Réel » de Paris ou encore le FID de Marseille). De plus, on s’arrête sur ceux qui ont choisi de vivre à l’étranger, où ils trouvent des sources de financement pour leurs productions, ignorant les très nombreux cinéastes qui réalisent chaque jour en Italie, leurs œuvres dans d’énormes difficultés, parfois après avoir décidé de rentrer au pays, au terme de longues expériences de travail à l’étranger.

5On en vient ainsi à se demander sur quelle documentation s’est fondée cette recherche. En effet, les auteurs oublient complètement des œuvres fondamentales, comme l’Histoire du chameau qui pleure de Luigi Falorni (2003), vainqueur d’un Oscar en 2005, et Letters from the Desert (Eulogy to Slowness) de Michela Occhipinti (2010), vainqueur de plus de 20 prix internationaux, pour rappeler les cas les plus éclatants. De plus, on ne signale aucun des travaux « documentaires » produits à partir de 2000 (année qui marqua le début de l’analyse du volume) d’auteurs reconnus par la critique et apprécié par le public, comme par exemple, Umberto Asti, Giancarlo Bocchi (The Rebel : Guido Picelli – The Forgotten Hero, 2011), Armando Ceste (Movimento, 2008), Giorgio Diritti, Carlo Mazzacurati (Sei Venezia, 2010 ; Portraits de Luigi Meneghello, 2002 et de Mario Rigoni Stern, 1999), Enza Negroni (We Called Him Vicky, 2011), Franco Piavoli (Terra Madre, scénario et concept en collaboration avec Ermano Olmi), Basile Sallustio. Lacunes qui, à la conclusion du livre, sont confirmées par un « Dictionnaire des réalisateurs », incomplet, qui contient à peine plus de 100 entrées et où la jeune génération n’est quasiment pas représentée. Dans une note introductive, en guise de justification à sa non exhaustivité, il est dit qu’en raison du nombre grandissant, jour après jour, des noms de « candidats » potentiels, il a été décidé de se limiter à ceux qui figuraient parmi les plus représentatifs du genre.

6On ne parvient vraiment pas à comprendre ce caractère incomplet de la recherche et l’inadéquation de la documentation, qui ont amené à dessiner un panorama aussi partiel, d’autant plus que Giovanni Spagnoletti est un grand chercheur, expert en cinéma allemand, critique adroit, qui s’est certainement entouré de collaborateurs à sa hauteur. Peut-être est-ce justement parce que cet ouvrage naît d’un événement tel que la Mostra, qui se veut non exhaustif dans son programme (l’Allemagne, l’Italie dans le miroir, avec des documentaires qui témoignent de l’« état des choses (et des choses de l’état) » du pays, et une rétrospective sur le « regard moral » de Nanni Moretti, fruit également d’une publication) et encore moins dans le compte rendu réalisé pour un ouvrage collectif. Quoi qu’il en soit, on a parfois l’impression de participer, au fil de la lecture, à un colloque de critiques prédestinés à la tutelle et à la sauvegarde du territoire filmique du documentaire italien et qui sélectionnent les « élus » (jeune talent ou vieil ami, collègue). Par conséquent, il ne faut pas s’étonner des références rhétoriques à Roberto Rossellini et Cesare Zavattini dans une éternelle volonté de perpétuer une descendance directe idéale, faute d’être biologique.

7On reporte à plusieurs reprises des données extraordinaires (en 2011, la production a atteint 519 films, ce qui fait de l’Italie un « cas spécifique » dans le panorama européen) mais seulement quantitatives. À un moment de grande difficulté à produire des films de qualité, il aurait été important de livrer un travail plus documenté, complet et impartial. Face à une conjoncture si dramatique, à l’indifférence des institutions, au pouvoir télévisé excessif et imperméable, il est étonnant de trouver un ouvrage qui ne respire pas toujours, semble-t-il, la loyauté, en raison d’un filtrage et donc d’une sélection du patrimoine historique d’un certain cinéma. En substance, Il reale allo specchio est une publication nécessaire, qui tente de faire connaître un secteur varié et vital du cinéma italien mais qui manque à plus d’une occasion sa réelle intention.

8En compléments de lecture citons : Pietro Montani, L’immaginazione intermediale. Perlustrare, rifigurare, testimoniare il mondo visibile, Bari, Laterza, 2010 ; Vittorio Spinazzola (dir.), Tirature’10. Il New Italian Realism, Milan, Il Saggiatore et Fondazione Arnoldo e Alberto Mondadori, 2010 ; Emiliano Morreale, « Nouvelles images du cinéma italien », Cahiers du Cinéma, n° 662, déc. 2010 ; Matteo Garrone, « La forza del vero e della sorpresa », interview réalisé par Anna Barison, Cinecritica, XIII, n° 52, oct.-déc. 2008 ; Daniele Vicari, Il mio paese, Milan, Feltrinelli, 2007 ; Antonio Scurati, La letteratura dell’inesperienza, Milan, Bompiani, 2006 ; Pier Luigi Basso, « Il trattamento della realtà. Frontiere teoriche ed estetiche del cinema documentario », dans Id. (dir.), Vedere giusto. Del cinema senza luoghi comuni, Rimini, Guaraldi, 2003 ; Davide Ferrario, « I documentari devono avere una faccia », in Tullio Masoni et Paolo Vecchi (dir.), Cinenotizie in poesia e prosa. Zavattini e la non-fiction, Turin, Lindau, 2000.

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Pour citer cet article

Référence papier

Delphine Wehrli, « Giovanni Spagnoletti (dir.), Il Reale allo specchio. Il documentario italiano contemporaneo »1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze, 69 | 2013, 185-187.

Référence électronique

Delphine Wehrli, « Giovanni Spagnoletti (dir.), Il Reale allo specchio. Il documentario italiano contemporaneo »1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze [En ligne], 69 | 2013, mis en ligne le 01 juin 2016, consulté le 03 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/1895/4636 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/1895.4636

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Auteur

Delphine Wehrli

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CC-BY-SA-4.0

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