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À propos de l’article de l’Écran français « Jean Renoir Ne Pourra Pas Réaliser Le Carrosse d’or (d’après Mérimée) dans sa Langue Maternelle »
Janet Bergstrom
Traduction de Nora Mandray
p. 180-182

Notes de la rédaction

Traduit de l’anglais par Nora Mandray

Texte intégral

1Je suis heureuse que 1895 ait publié mon essai intitulé « Généalogie du Carrosse d’or de Jean Renoir » (n° 62). François Albera, co-éditeur de la revue, ayant pris la liberté d’illustrer mon texte par une image extraite d’un numéro de l’Écran français (inséré p. 95), m’écrivait récemment que « ce document “complique” un peu plus la question des langues et du renoncement au français : Renoir est-il sincère (à cette date-là) ou fait-il semblant, est-ce une “mise en scène” pour sauver les apparences, etc. ? » Quelle est effectivement l’histoire cachée derrière ce document ?

2Publié en janvier 1952, l’article contient un court récit de Jean-Roger Caussimon, dans lequel il explique pourquoi il n’a pas été choisi pour incarner le Vice-roi, rôle principal masculin du Carrosse d’or. En octobre précédent, un article paru dans l’Écran français avait cependant annoncé que Renoir, alors à Paris, l’avait choisi pour le rôle ; la même photographie des deux hommes accompagnait cette nouvelle. Selon Caussimon, peu après son retour à Rome, Renoir lui écrivait que « la production française faisant défaut, il faut renoncer à la version française. » Un extrait de cette lettre était ensuite reproduite, dont l’original reste encore inconnu à ce jour. Renoir y expliquait que le producteur Francesco Alliata ne pouvait sauver le financement du film qu’avec l’aide de ses associés d’affaires à Milan. Le nouvel arrangement impliquait de sacrifier la version française du film. « J’en suis navré », écrit Renoir, « d’abord parce que j’étais venu en Europe avec l’idée de tourner un film dont j’aurais écrit moi-même les dialogues dans ma langue maternelle ». Dans mon essai, Alliata expliquait comment il réarrangea le plan original pour monter une coproduction franco-italienne d’une toute autre manière Selon lui, son partenaire français, le producteur Robert Dorfmann, avait de sérieux problèmes financiers. Alliata décida donc de créer sa propre société de production en France afin de remplacer celle de Dorfmann (p. 86), et il trouva des associés italiens industriels pour garantir les emprunts bancaires de Panaria (p. 94). Selon la grande collection des lettres de Renoir que j’ai pu consulter au cours des années, Renoir évoque clairement deux versions du Carrosse d’or : une en français et une en anglais, jusqu’à ce que Dorfmann et la « version française » cessent tout à fait d’être mentionnés (janvier 1952). L’extrait de sa lettre publiée dans l’Écran français est la toute première marque de sa déception liée à la perte de « la version française » qui m’ait été donné de voir. Par ailleurs, selon sa correspondance, l’annulation d’une version française n’avait en réalité rien à voir avec le choix de Caussimon dans le rôle du Vice-roi, que lui comme Renoir voulait le voir jouer. Afin de publier mon essai dans 1895, j’ai dû réaliser de très nombreuses coupes à mon article original. Ici aussi, Caussimon en a été une des victimes. Vous devriez pouvoir lire, p. 86, avant la partie « Une coproduction italo-française » : « [Renoir] a mené une longue et impossible bataille contre Madame Dorfmann, qui devait jouer la Marquise Altamirano, afin de retenir Jean-Roger Caussimon dans le rôle du Vice-roi. Caussimon était chanteur ; Renoir l’avait découvert au Lapin Agile, le fameux cabaret d’artistes de Montmartre. (Il apparaîtra toutefois dans le film suivant de Renoir, French Cancan.) » [Jean Renoir, Correspondance 1913-1978 (Paris, Plon, 1994 ; 1998), Renoir à sa femme Dido (14 et 20 juillet 1951).]

3Madame Dorfmann était mariée au producteur Robert Dorfmann. Le 20 juillet, quand Renoir rentra à Rome de Paris, où il avait passé du temps à travailler sur le casting du film, il écrit à Dido, alors encore à Beverly Hills, qu’il avait passé ses trois derniers jours à Paris à se disputer avec le couple Dorfmann à propos du cas Caussimon. Mme Dorfmann voulait que son amant à l’écran soit un véritable « Apollon » ; or Caussimon ne correspondait pas du tout à cette description. Renoir avait fait beaucoup de recherches pour le Vice-roi. Il était si enthousiasmé par Caussimon qu’il avait fait des test caméra avec lui, et il en était très excité. Il refusa de quitter Paris jusqu’à ce que le contrat destiné au rôle du Vice-roi soit prêt à signerpar Caussimon. Cependant, lorsqu’il retourna à Rome, les tests caméra furent confisqués par la douane. Lorsqu’il retrouva Alliata pour le convaincre de son choix, il était alors privé de son meilleur argument : Caussimon sur pellicule. La première annonce dans l’Écran français – que Caussimon avait décroché le rôle – fut publiée le 28 juillet.

4À part le fait que Renoir était satisfait de la traduction anglaise de son scénario en novembre, il y eut peu de correspondance concernant la production elle-même entre juillet et le 28 janvier 1952– j’ai cité d’importantes lettres échangées entre Renoir et Alliata à partir de cette date, alors que le tournage était sur le point de démarrer. Entretemps, Renoir assistait au Festival de cinéma de Venise pour la première de The River. Le tournage fut encore retardé de plusieurs mois à cause d’une opération sévère à sa jambe et de son hospitalisation prolongée. Quand la correspondance à propos du tournage reprit à nouveau, le Vice-roi est Michael Tor qui sera remplacé par Duncan Lamont et il n’est alors plus question de nationalité ni de version française. Bien sûr, on pourrait peut-être trouver d’autres lettres afin de combler les détails de l’histoire, mais le fait est que Caussimon n’a pas perdu son rôle à cause d’arrangements financiers. Dans tous les cas, son remplaçant n’était pas italien et une partie du casting devait être français. (Il n’a jamais non plus été question de deux versions avec des acteurs différents). Enfin, il n’est pas surprenant que Renoir n’ait pas dit à Caussimon que Mme Dorfmann avait remporté la bataille contre lui. Le second article dans l’Écran français est paru le 5 janvier 1952 ; la lettre de Renoir, reproduite ici en partie, n’était pas datée.

5Toutes les notes de bas de pages (29 au total) ont été coupées de mon essai, peut-être en raison d’une erreur informatique. C’est avec plaisir que j’enverrai une version pdf à quiconque souhaiterait consulter la version originale en anglais : janetb@ucla.edu.

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Pour citer cet article

Référence papier

Janet Bergstrom, « Correspondance »1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze, 63 | 2011, 180-182.

Référence électronique

Janet Bergstrom, « Correspondance »1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze [En ligne], 63 | 2011, mis en ligne le 01 mars 2014, consulté le 10 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/1895/4352 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/1895.4352

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Auteur

Janet Bergstrom

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Droits d’auteur

CC-BY-SA-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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