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Plans rapprochés

« Un caprice qui ne finirait pas… » : la genèse de Lola Montès

Jean-Pierre Berthomé
p. 257-274

Texte intégral

1Ultime chef-d’œuvre de Max Ophuls, Lola Montès a déjà fait couler beaucoup d’encre, mais ses commentateurs n’ont guère, jusqu’à ce jour, considéré le film que dans son rapport au reste de l’œuvre du cinéaste. Cette volonté est si manifeste, même, qu’on a toujours choisi d’ignorer le fait, facile à vérifier pourtant, qu’il s’agissait d’une commande de circonstance plutôt que d’un projet véritablement personnel d’Ophuls.

2Dans les pages qui suivent, on entreprendra de décrire la genèse de l’œuvre à travers ce que nous en apprennent la presse professionnelle de l’époque, les archives scénaristiques et de tournage conservées à la BiFi, des entretiens inédits réalisés avec Tony Aboyantz et Claude Pinoteau, assistants réalisateurs, ou avec Marc Frédérix, assistant décorateur, et l’entretien également inédit avec Franz Geiger réalisé en Allemagne par Robert Fischer-Ettel.

3Les lacunes de cette recherche sont éclatantes, particulièrement en ce qui concerne les aspects économiques de la production et certains de ses aspects techniques comme celui de l’enregistrement sonore. On ne la considérera donc que comme une contribution provisoire à l’histoire encore à écrire du « chef-d’œuvre blessé » par excellence du cinéma français.

Préparatifs de production

4La première mention dans la presse corporative française d’un projet de porter à l’écran la biographie de Lola Montès apparaît dans le numéro de La Cinématographie française daté du 1er mai 1954. Dans la rubrique des projets, on y peut découvrir en effet celui de La Vie extraordinaire de Lola Montez, une production Gamma-Florida-Union dont le début du tournage est annoncé pour le 20 juillet suivant. Réalisé par Jacques Tourneur et interprété par Ludmilla Tcherina, le film adaptera un roman de Cécil Saint-Laurent. Il faut attendre le 21 mai pour que Le Film français reprenne à son tour l’information, dans le même numéro où il annonce le prochain tournage de Nana de Christian-Jaque avec Martine Carol.

5La seule analyse de ces maigres informations est déjà instructive.

6Sans doute la plus significative est-elle celle de l’implication de Cécil Saint-Laurent, auteur à succès du début des années cinquante, inventeur du personnage piquant de Caroline chérie que Martine Carol a déjà incarné dans trois films (1950-1954). Il a également écrit pour la même comédienne Lucrèce Borgia (1952) de Christian-Jaque, confirmant ainsi une prédilection pour les héroïnes scandaleuses empruntées à l’histoire qui trouve son prolongement naturel avec la biographie annoncée de Lola Montès.

7Celle-ci était danseuse. C’est ce qui justifie, sans nul doute, l’engagement de Ludmilla Tcherina, une ballerine classique dont les plus grand titres de gloire au cinéma sont ses rôles secondaires dans deux films de Michael Powell : Les Chaussons rouges (1948) et Les Contes d’Hoffmann (1950). Le choix de Jacques Tourneur est plus surprenant, puisque le réalisateur franco-américain est alors installé aux États-Unis où sa modeste carrière ne semble pas le promettre aux films de prestige.

8La production, enfin, mérite qu’on s’y arrête. Gamma-Film est une société suisse qui, grâce à son réseau de filiales, a développé un puissant réseau de distribution dans sept pays d’Europe, mais aussi en Afrique du Nord, en Égypte et aux États-Unis. Elle a récemment diversifié son activité dans la production, et sa branche française, dirigée par Albert Caraco, vient notamment de distribuer son premier film, Par ordre du tsar (1953) d’André Haguet, également coproduit par Florida Films1. Quant à Union-Film, il s’agit d’une filiale munichoise de Gamma dont la présence dans la coproduction laisse supposer qu’une partie du tournage est déjà programmée en Bavière.

9Aucune information nouvelle n’est donnée par la presse jusqu’à la fin de juillet, sinon l’annonce, banale, de reports successifs du tournage, d’abord jusqu’à août, puis en septembre. Le 24 juillet, pourtant, La Cinématographie française mentionne le nom de Michael Powell à la réalisation, information non reprise par Le Film français qui, le 20 août, annonce Max Ophuls pour un tournage (toujours avec Ludmilla Tcherina) renvoyé au 1er novembre.

10Sans doute n’y a-t-il pas lieu de s’interroger trop longuement sur l’hypothèse d’une réalisation par Powell. Ce qu’on comprend, assurément, c’est l’abandon de Tourneur alors que le projet semble déjà bien engagé. Il n’est que logique alors de songer au cinéaste anglais, qui a déjà dirigé à deux reprises la vedette annoncée, mais il est peu probable que cette éventualité ait été plus loin qu’un ballon d’essai lancé dans la presse, puisqu’on n’en trouve nulle mention dans les souvenirs de Powell.

11Quant à Ophuls, il n’a pas tourné depuis plus d’un an et est d’autant plus disponible que son projet très avancé de Mam’zelle Nitouche (1953) a été réalisé en définitive par Yves Allégret et que ses contacts américains ne parviennent à déboucher sur aucune proposition concrète.

12L’arrivée d’Ophuls en tout cas se traduit immédiatement de façon visible. D’abord dans l’annonce dès le 28 août par La Cinématographie française que les prises de vues de Lola Montez (c’est le nouveau titre du film) débuteront le 20 octobre à Paris pour se poursuivre en Bavière et à Venise. Pour la première fois, des noms de collaborateurs sont cités, tous fidèles de la famille ophulsienne : Jacques Natanson et Annette Wademant à l’écriture, Christian Matras à l’image, Jean d’Eaubonne aux décors. On remarque en revanche la disparition de toute référence à Tcherina. Le 11 septembre, la raison en est donnée par un entrefilet du même magazine : « Ludmilla Tcherina, annoncée, est retenue par un contrat américain. » Leurs dates de tournage excluent qu’il puisse s’agir du Signe du païen de Douglas Sirk, terminé en février 1954, ni même du film italien de Carmine Gallone La Fille de Mata-Hari, lui aussi produit par Gamma d’après un scénario de Saint-Laurent et dont le tournage s’achève au même moment. Plus vraisemblablement, on comprendra que les producteurs, désappointés par la prestation de la comédienne dans ce dernier film, renoncent à faire reposer sur elle un nouveau projet beaucoup plus important. Il n’est pas impossible qu’ils aient déjà, d’ailleurs, une idée de remplacement possible puisque, le 18 septembre, La Cinématographie peut annoncer que le début du tournage est repoussé au 3 janvier et le rôle-titre confié à Martine Carol. Celle-ci vient d’entamer, deux semaines plus tôt, le tournage de Nana de Christian-Jaque, qui se poursuivra jusqu’au 7 janvier 1955. La même semaine, le projet d’Ophuls change encore de titre pour devenir simplement Lola, en écho peut-être à celui de Christian-Jaque. La mise en œuvre de Lola, dorénavant, est d’autant plus soumise à l’achèvement de Nana que, outre leur vedette, bon nombre de techniciens seront communs aux deux films, à commencer par l’équipe image constituée par Matras et Alain Douarinou. L’engagement de Martine Carol, surtout, bien plus que celui de Tcherina, inscrit Lola dans la continuation d’une série d’héroïnes historiques scandaleuses interprétées par la comédienne et où voisinent déjà Caroline chérie, Lysistrata, Lucrèce Borgia et Mme du Barry.

13L’étude ultérieure de l’évolution du projet dans les deux hebdomadaires corporatifs ne recèle qu’une véritable surprise. Le 12 novembre Union disparaît de la coproduction pour y être remplacé par une autre firme munichoise, Oska-Film, déjà associée à Gamma et Florida dans Par ordre du tsar. Pour le reste, on voit lentement se dessiner la distribution finale (d’abord Anton Walbrook, puis Oskar Werner, Henri Guisol, Will Quadflieg et les autres). Elle aura cependant connu un gros raté initial avec l’annonce, pendant près de deux mois, de l’engagement d’Orson Welles, remplacé à la mi-novembre par Peter Ustinov dont la complicité avec Ophuls est déjà bien établie (il a doublé en anglais le narrateur du Plaisir, vendu au cinéaste les droits de sa pièce L’Amour des quatre colonels et écrit avec lui un scénario original également inabouti, Automne.)

14Il faudra attendre le début du tournage pour que soit annoncé le choix de filmer Lola Montès en CinemaScope. Si la couleur est rapidement devenue de rigueur pour un film à grand spectacle (la France passe de deux films en couleurs en 1951 à six en 1952, dix-neuf en 1953, vingt-deux en 1954), il n’en est pas encore de même pour l’image anamorphique dont le film prototype (La Tunique de Henry Koster) est sorti aux États-Unis à peine un an plus tôt. Le premier film français en CinemaScope (Fortune carrée de Bernard Borderie) est mis en chantier en septembre 1954, immédiatement suivi d’Oasis d’Yves Allégret puis, en décembre, de Frou-frou d’Augusto Genina que produisent Gamma et sa filiale italienne. Selon le témoignage de Claude Pinoteau, Ophuls, plutôt hostile au format de tournage qu’on veut lui imposer, négociera avec l’aide de son directeur de production et vieil allié Ralph Baum un contrat prévoyant explicitement les retards entraînés par l’adoption de ce procédé encore mal éprouvé.

15Quant au titre de travail, il demeurera longtemps soumis aux incertitudes puisque, alors qu’une partie de la presse corporative le donne comme Lola Montès dès la mi-janvier 1955, les feuilles de service quotidiennes de la production s’en tiendront obstinément à Lola jusqu’au 10 mai, date à laquelle les techniciens apprennent officiellement le changement définitif de nom du projet.

Les états du scénario

16Les informations de préproduction ne laissent pas de doute : Lola Montès est un projet auquel Ophuls a été associé plutôt tardivement. L’examen des états successifs du scénario atteste toutefois à quel point le cinéaste s’est approprié ce projet avec détermination.

17La BiFi en conserve quatre versions principales dactylographiées, auxquelles viennent s’ajouter quelques variantes ici négligeables. Avant toute autre chose, on notera qu’aucune de ces versions ne fait la moindre allusion au « roman » de Cécil Saint-Laurent supposé être à l’origine du film. Ce roman, on le sait, n’existait pas alors et il n’a été publié, sous une forme excessivement paresseuse, qu’en 1970, dans une collection populaire de poche. L’écrivain, selon toute probabilité, s’est contenté de fournir à la production le dossier biographique qu’il avait assemblé sur Lola Montès en vue d’un roman à venir, en même temps qu’il lui cédait le droit d’utiliser une signature associée à l’énorme succès des Caroline chérie.

18La première version est datée du 25 août 1954, un mois exactement donc après la première mention du nom d’Ophuls dans la presse. Il s’agit d’un bref « traitement » de trente-quatre pages intitulé Lola Montès, signé du seul nom du cinéaste et déjà très fidèle à ce que sera le film. En exergue, cette proposition : « Le film devra suivre une idée : celui qui [est] condamné par le destin à courir après la gloire s’y use. »

19Et dès la première page Ophuls dessine avec fermeté un portrait de Lola qui dément tous ceux qui croiront ensuite qu’il lui a été imposé par les limitations de sa comédienne :

C’est une femme d’une trentaine d’années. Son visage semble être un masque. Complètement détachée, comme l’ombre de sa propre vie, elle a dans cette revue de cirque une étrange expression de poupée de cire.

20Déjà la structure si particulière du film est présente puisqu’il s’ouvre « dans un cirque géant, vers 1850, en Amérique » et alterne les épisodes remémorés (dans l’ordre où ils se présenteront dans la version finale, Liszt en premier, puis le bateau, Paris, l’Écosse et la Bavière) avec les retours à la piste. Sont déjà là aussi la main vendue aux baisers pour un dollar (mais elle se situe au milieu du film), la lente ascension vers le trapèze, la biographie de la courtisane chorégraphiée dans le cirque et même, presque complète, la scène chez le médecin du Roi et son délicieux dialogue sur Wagner et Mozart.

21Manquent encore en revanche tout l’épisode niçois (y compris donc la visite de l’écuyer chez Lola), la chanson des douze perfections, la visite du médecin au directeur du cirque et, de façon générale, tout ce qui concerne les coulisses du spectacle. Mais cette version décrit deux actions qui seront ultérieurement éliminées : d’abord la scène qui voit les voyageurs du train se cotiser pour permettre à Lola de s’enfuir d’Écosse, puis surtout une conclusion qu’Ophuls lui-même semble n’avoir résolu de proposer qu’en toute dernière extrémité :

Et maintenant [indique-t-il à l’avant-dernière page], il faut revenir à une exposition préalable qui n’a pas pu être insérée dans ce traitement par manque de temps et de place.

22Lola vient d’apprendre que l’écuyer veut s’enfuir le même soir « avec tout l’argent récolté par les questions et les baise-mains et destiné aux pauvres » ; l’écuyer sait qu’elle sait et que son témoignage peut le livrer aux shérifs qui entourent déjà la piste ; il lui suffit pour s’en tirer de ne pas la rattraper à l’issue de son saut. Il la réceptionne pourtant, mais elle a les deux jambes brisées. « Qu’elle survive ou non, pour elle c’est la fin. »

23La continuité dialoguée du 15 novembre 1954 comporte initialement 119 pages, portées à 137 par l’addition de feuillets supplémentaires. Sous le titre nouveau Souvenirs, elle annonce un film de Max Ophuls, adapté par Annette Wademant et Ophuls, dialogué par Jacques Natanson.

24Sous une forme beaucoup plus détaillée, il s’agit du simple développement du traitement précédent, débarrassé de son intrigue pseudo-policière postiche. Les scènes de Nice en sont toujours absentes, comme aussi les coulisses du cirque, mais celles entre médecin et directeur de la troupe apparaissent et Ophuls développe hors de toute proportion deux passages qu’il abandonnera au tournage : le premier concerne les chassés-croisés de Lola entre quatrième classe et classe de luxe lorsque, à son départ d’Écosse, elle se déplace, au gré des voyageurs prêts à lui payer son billet, dans la hiérarchie du train exactement comme elle s’installera à l’auberge de Munich dans la version finale du film. Le second, plus surprenant chez Ophuls par sa volonté démonstrative, évoque la cabale montée contre Lola par un amant dépité et la sincérité qui renaît chez elle lorsque l’écuyer la force douloureusement à redire sur la piste ses paroles de défi d’alors :

Je suis une artiste. Je vis de mon métier. Je ne suis pas un jouet à la disposition des libertins, des vieux débauchés enrichis par le pillage. […] J’ai travaillé trop durement, j’ai subi trop d’épreuves cruelles pour devenir aujourd’hui une poupée de luxe, un objet de plaisir entre les mains de la tyrannie et de la corruption. Je vous ai déjà souffleté de mon mépris. Et si vous étiez là ce soir, général, je vous frapperais au visage. […] Vive la liberté !

25Cette continuité dialoguée, par ailleurs, déploie pour la première fois les vingt-sept canons de la beauté parfaite, sous la forme déjà d’une « chanson parlée » par l’ambassadeur de France, accompagnée d’une musique discrète (il n’en restera au final que la chanson des douze perfections, célébrées en duo par l’écuyer et l’ambassadeur). Surtout, elle indique la stratégie des couleurs qui gouvernera toute la préparation du film. Le cirque sera fait de contrastes violents, « comme les cravates américaines d’aujourd’hui » :

La foule est toujours dans le noir. Les lumières sont crues comme le néon de nos jours. Les visages de tous les gens du cirque sont colorés comme un tableau, peints pour le grand show. Les grooms en rouge uni. Les acrobates en bleu uni. Les dompteurs en vert uni. Les soldats en jaune uni. Les seuls visages humains devant ces larves de couleur sont ceux de Lola et de l’écuyer.

26L’épisode de Liszt, ensuite, est proposé dans des « couleurs automnales, comme les feuilles mortes : or, rouge, jaune foncé dans les décors extérieurs et intérieurs ». La jeunesse de Lola sera traitée dans un « mélange de gris, bleu foncé et noir. Toutes les couleurs métalliques doivent être mates, presque rouillées. Ceci est valable pour le bateau, l’opéra de Paris et le manoir en Écosse. » Quant à l’épisode bavarois, Ophuls le veut dans de tout autres couleurs : « bleu, or mat, argent, bleu hivernal tendre »2.

27Le découpage technique daté du 10 janvier 1955 présente peu de différences avec la continuité. Le film y est maintenant désigné comme Lola et les crédits y demeurent les mêmes, à l’exception d’une mention supplémentaire d’Ophuls comme seul auteur du scénario adapté par Wademant et lui et dialogué par Natanson. Le volume est passé à 167 pages, augmentation aisément explicable par l’addition de nombreuses précisions techniques et le fractionnement numéroté des plans. La différence majeure tient à l’inclusion d’une nouvelle scène assez longue durant laquelle Lola reçoit l’écuyer à Nice, où elle vient de sauter du haut d’un pont. Le découpage comporte encore la séduction d’un abbé à Raguse et un scandale au théâtre impérial de Paris, où Lola gifle publiquement le chef d’orchestre qui l’a trompée (« Il m’avait dit qu’il était divorcé »). La chanson des douze perfections a trouvé sa forme définitive, tout comme la fin du film, qui n’évoluera plus. Aucune modification majeure, donc, dans ce découpage de janvier, sinon celle de la fin, mais des scènes encore appelées à disparaître, comme celle de la fuite d’Écosse en train qui occupe toujours une demi-douzaine de pages, ou celle de la proclamation libertaire en Pologne, dans une version très atténuée :

Je voudrais que tout le monde sache que le général Paskiewitch a payé des gens pour me siffler. M. Paskiewitch est très riche et très puissant. J’ai refusé de coucher avec lui. Il peut ruiner ma carrière car je ne suis rien et il est tout. Mais ni l’argent ni la puissance ne réussiront jamais à me forcer. Je suis une femme libre, monsieur Paskiewitch, libre comme le peuple que vous opprimez. Vive la liberté !

28Le lecteur ophulsien notera aussi que le dialoguiste déplace une nouvelle fois une réplique promise à devenir emblématique du film entier. Dans la continuité dialoguée de novembre, après le départ de Franz Liszt, Lola répondait à sa femme de chambre Joséphine lui demandant si elle n’était pas triste par cette simple remarque : « La vie, c’est le mouvement ». Dans le découpage de janvier, la même remarque vient encore commenter l’effacement de Liszt, mais dans un contexte assez différent :

Joséphine pousse un grand soupir.
Lola – Qu’est-ce que tu as ?
Joséphine – Encore quelque chose qui finit. Moi, les fins, ça me chavire. (Elle soupire encore, puis :) Vous savez, madame, cette nuit…
Lola – Cette nuit ?
Joséphine – Monsieur Maurice et moi nous nous sommes décidés. On va se marier.
Lola – Vous voulez me quitter ?
Joséphine – Oh, non, madame. Jamais. Seulement, on a envie de régulariser avant qu’on ne soit trop vieux. On a raison, non ?
Lola – Je ne sais pas. Pour moi, la vie, c’est le mouvement.

29Dans le film achevé, on le sait, c’est à Liszt lui-même que s’adressera finalement la réplique, bien avant son départ, dissociée donc des séparations d’amants pour commenter plus généralement les rêves que Lola se refuse à tenter de retenir :

Liszt – Vous ne rêvez jamais d’un caprice qui ne finirait pas ?
Lola – Les rêves sont personnels, on ne peut les partager avec personne, mais ils sont parfois bien embarrassants.
Liszt – Embarrassants ? Pourquoi ? Parce qu’ils ne durent pas ?
Lola – Peut-être.
Liszt – Parce qu’il y a un réveil ? Il suffit de les retenir, de les vivre avant qu’il ne soit trop tard, n’est-ce pas ?
Lola – La vie, pour moi, c’est le mouvement.

30De ce découpage technique, une version allemande est établie, datée du 12 janvier et totalisant le même nombre de pages. Elle ne présente par rapport à la précédente aucune variante notable et comporte les mêmes crédits d’auteur. Il n’y aurait pas là matière à s’étonner si la version allemande du film distribué ne proposait un autre nom, celui de Franz Geiger, crédité à égalité avec Natanson, Wademant et Ophuls. La raison suggère qu’il s’agit simplement du traducteur-adaptateur des dialogues. On comprend mal alors pourquoi son nom n’est pas mentionné sur le découpage en langue allemande de janvier, pourquoi surtout, dans des entretiens inédits largement postérieurs avec Robert Fischer-Ettel, Geiger a pu évoquer son travail avec les trois Français, à l’hôtel Lausanne-Palace, en septembre 1954.

31Dernière péripétie concernant le scénario, il semble bien que, soucieux de garantir la distribution du film dans les pays anglo-saxons, c’est cette version de janvier 1955 que les producteurs adressent pour avis préalable au British Board of Film Censors et à la Motion Picture Association of America, qui réagissent respectivement le 25 février et le 8 mars3.

Le tournage en France

32Le tournage de Lola Montès, qui débute enfin le 1er mars 1955 au studio de Joinville, sera rendu particulièrement lent et difficile par trois facteurs.

33D’abord le fait que, pour faciliter la carrière internationale du film, les producteurs ont décidé d’en réaliser simultanément des versions française, allemande et anglaise. Tout ne sera bien évidemment pas tourné dans les trois versions, mais l’examen des feuilles de service montre que la majorité des scènes est filmée en au moins deux langues. Pour la durée du tournage en France, ces feuilles mentionnent même la présence sur le plateau des répétiteurs d’allemand et d’anglais chargés de faire travailler les comédiens. La vision des copies de distribution française et allemande démontre en tout cas que les prises diffèrent souvent en fonction des langues. Et le témoignage de Peter Ustinov est éloquent sur les complications engendrées par cette décision :

Martine Carol ne parlait pas très bien l’allemand et pas du tout l’anglais. […] C’était une curieuse expérience que de travailler avec elle, lisant par-dessus mon épaule les dialogues allemands transcrits phonétiquement sur un tableau noir.4

34La deuxième contrainte spécifique est due au tournage en CinemaScope ou, plus précisément, au refus d’Ophuls de s’accommoder de ce format mal adapté à ses besoins sans rechercher les moyens d’en tirer positivement parti. Les solutions sont diverses qui concourent dans le film à modifier ponctuellement les proportions du cadre, et les témoins comme Pinoteau se souviennent bien des mécanismes bricolés qui leur permettaient de faire coulisser les rideaux de caoutchouc fixés devant l’objectif afin de rétrécir ou d’élargir le champ de visée.

35Le troisième facteur de ralentissement, et le moins bien identifié, est le choix de profiter pleinement de la possibilité offerte par le procédé CinemaScope d’enregistrer le film en son magnétique stéréophonique à quatre pistes. Les témoignages précis manquent ici et l’on ne peut que supposer ces contraintes nouvelles de la prise de son, spécialement quand on considère l’inexpérience des techniciens français dans le domaine5.

36Du 1er au 19 mars, on tourne donc aux studios de Joinville et de Saint-Maurice, en français et en anglais, les scènes dites de l’enfance de Lola, soit le navire, l’opéra et le manoir écossais (dix-sept jours). L’équipe ensuite se déplace dans le Midi où, après avoir passé deux jours à filmer les voitures de Lola et de Liszt sur la route des Adrets, elle s’installe au studio de la Victorine, à Nice, pour y tourner (en trois langues) les intérieurs des voitures et celui de la chambre d’auberge (sept jours). Les cinq jours qui suivent sont principalement consacrés à l’extérieur de l’auberge et à des scènes ponctuelles comme la gifle donnée au chef d’orchestre à Tivoli (la décision de la déplacer de Paris à Nice a été prise à la dernière minute, ce qui explique le choix de Pinoteau pour incarner un personnage ironiquement rebaptisé Claudio Pirotto), la faiblesse amoureuse de l’abbé de Raguse (la scène disparaîtra au montage) ou l’arrivée de l’écuyer à l’hôtel de Lola.

37L’extérieur de l’auberge, surtout, nourrira la légende. Fidèle à son projet de couleurs, Ophuls exige en effet que soit entièrement tendue de tulle roux la façade du moulin de la Belle Meunière6 à la Colle-sur-Loup, et il fait déverser sur la route qui longe celui-ci plusieurs citernes d’eau teintée d’ocre. Ce n’est déjà pas si mal. Cela ne justifie pourtant pas les reproches qui lui seront adressés ensuite d’avoir fait « repeindre » le bâtiment et plusieurs kilomètres de route.

38Le tournage français s’achève, du 13 au 15 avril, à Saint-Maurice où, sur le plateau E, l’intérieur de l’hôtel de Lola a maintenant remplacé la loge de l’opéra pour la première rencontre entre Lola et l’écuyer, filmée en français et en anglais seulement. Il a duré six semaines, pour trente-quatre jours effectifs de travail. L’entreprise semble fermement engagée au moment de se déplacer vers sa continuation bavaroise.

Poursuite en Allemagne

39Le 20 avril, le tournage reprend en Allemagne, avec quelques modifications apportées à l’équipe. Willy Schatz, futur décorateur du Tigre du Bengale et du Tombeau hindou de Fritz Lang, familier des studios munichois où va bientôt se transporter le film, assiste désormais Jean d’Eaubonne. À la prise de son Antoine Petitjean se trouve remplacé par Hans Endrulat. Marcel Wall-Ophuls apporte aux assistants réalisateurs le renfort de sa connaissance parfaite de la langue allemande.

40Du 20 au 23 avril, on tourne dans le château baroque de Pommersfelden, une vingtaine de kilomètres au sud de Bamberg, des scènes dans les couloirs, les escaliers, le hall et la remise qui devront raccorder avec les appartements du Roi et de Lola dont Schatz supervise au même moment l’achèvement en studio. Sept journées sont ensuite consacrées à des extérieurs dans les rues de Bamberg : scènes de fuite en voiture, sous la protection des étudiants, pour l’essentiel, mais également rencontre de Lola et de Ferdinand, son premier amant bavarois, à la sortie de l’audition infructueuse, tournée en français et en allemand. Sept journées, c’est beaucoup sans doute pour des scènes finalement mineures et qui tiennent peu de place dans le film, même si l’on considère que les premières impliquent des tournages nocturnes. On remarque surtout que ces sept journées de travail ne mobilisent pas moins de deux semaines de calendrier, du 25 avril au 6 mai7.

41Les archives consultées n’en précisent rien, mais on devine que c’est dans ce redémarrage de l’entreprise en Allemagne que s’installent les premiers signes d’un retard qui va bientôt cruellement en affecter le déroulement. On prend la mesure d’une partie au moins de ce retard en remarquant qu’un plan de tournage manuscrit griffonné sur le scénario de travail de Pinoteau, et précisément établi au moment où l’équipe va se transporter à Munich, prévoit d’arriver aux scènes du cirque après vingt journées effectives de tournage réparties sur trois semaines et demie. Dans la réalité, il faudra vingt-sept jours, mais sur une durée totale d’un peu plus de six semaines. D’un côté un temps réel de travail allongé de plus d’un tiers, de l’autre une immobilisation de l’équipe et des plateaux presque doublée. On imagine le coût considérable de cette dérive et les conséquences qu’elle pourra avoir sur la fin de la production.

42Le 10 mai, le tournage reprend donc à Munich, dans le célèbre jardin anglais où a été assemblée une figuration très importante pour la scène où Lola force son chemin jusqu’au Roi. Puis l’équipe se déplace au studio Bavaria de Geiselgasteig, dans la banlieue sud de la ville, où les trois plus grands plateaux sont depuis longtemps réquisitionnés par le film. Pas pour longtemps, en fait, puisque, après trois jours seulement de prises de vues sur les plateaux 4 et 5 où sont filmées la scène avec l’étudiant dans la berline de Lola (en trois langues) et l’arrivée à l’auberge de Munich (en français uniquement), les feuilles de service n’indiquent plus, pour les trois jours suivants, que des raccords divers et des scènes mineures dans les rues de Munich. Les feuilles de service sont ensuite inexistantes pour les 18 et 19 mai, et celles des 20 et 21 mai, qui programment l’audience privée de Lola chez le Roi, sont annulées pour cause d’incapacité de Martine Carol.

43Comment interpréter le fait que, à peine arrivé dans le studio où doivent être filmées quelques-unes des scènes les plus importantes du film, Ophuls se trouve dans l’impossibilité de réellement travailler ? On pourrait croire à la maladie d’un des deux interprètes dorénavant irremplaçables puisque Lola et le Roi Louis Ier de Bavière apparaissent dans pratiquement toutes les scènes jusqu’à celles du cirque qui viendront en dernier. Cette hypothèse n’éclaire que les deux journées des 20 et 21 pour lesquelles un certificat médical atteste qu’une piqûre d’insecte sur la paupière supérieure droite empêche Martine Carol d’être filmée. Une explication plus satisfaisante est simplement que la production connaît alors des difficultés financières qui imposent des décisions radicales. Le 26 mai, les feuilles de service consacrent la disparition d’Oska-Film, la société munichoise chargée sans nul doute d’apporter l’argent allemand frais, et la réapparition corollaire d’Union-Film, qu’elle avait elle-même supplantée en novembre. Il serait surprenant que ce chassé-croisé des producteurs allemands ne soit pas en rapport avec la crise dont se souvient Pinoteau :

Il y a eu des dépassements considérables et un moment où l’argent ne venait plus. Les gens de Gamma se débattaient auprès des banques pour essayer d’en trouver, mais l’équipe n’avait pas touché ses défraiements depuis plusieurs jours et il y a eu des arrêts sporadiques, des interrruptions d’une demi-journée qu’on rattrapait ensuite. Je me souviens d’une fois, en particulier, où mon vieil ami le cadreur Alain Douarinou, qui était aussi le délégué syndical, avait annoncé que, si les défraiements n’arrivaient pas avant midi, l’équipe cesserait le travail. Caraco, le producteur, est venu la voir pour essayer de plaider et, tout à coup, est monté de l’équipe des techniciens un chant que je peux encore vous chanter, sur l’air de La Carmagnole : « M’sieur Caraco avait promis/M’sieur Caraco avait promis/Les défraiements avant midi/Les défraiements avant midi/Mais midi a sonné/On n’a pas vu l’caissier/Dansons la Gammagnole/Vive le son, vive le son/Dansons la Gammagnole/Vive le son du pognon. » On ne se rendait pas bien compte de ce qui se passait derrière, mais ils devaient avoir beaucoup de soucis, parce qu’il y a eu beaucoup de réunions.

44Les informations dont nous disposons sur la suite du tournage n’appellent guère de remarques autres que ponctuelles. Du 23 au 27 mai, on peut enfin tourner la scène de l’audience royale si longuement différée. Du 28 mai au 6 juin sont filmées les séquences dans le palais de Lola, puis, le 6 et le 7, la fuite avec l’étudiant qui sera achevée le 11, après trois nouveaux jours d’interruption causés par l’état de santé de Martine Carol. Ophuls consacre ensuite les journées du 13 au 15 juin à filmer la visite du Roi dans les coulisses de l’Opéra. Toutes ces scènes sont enregistrées en trois versions, à la différence du tournage en version allemande seulement qui prévaudra les trois jours suivants. Ceux-ci sont consacrés aux visites du Roi à l’académie de peinture et dans l’atelier du petit peintre (filmées en une seule journée), à la première du spectacle de Lola à l’Opéra de Munich et à la consultation chez le Dr. Jeppner. La scène à l’Opéra, spécialement, retient l’attention en raison du parti remarquable adopté par la mise en scène. Ophuls y recourt en effet à un décor aux proportions très inhabituelles, construit sur le plateau 4, haut de douze mètres, de la Bavaria. Sa largeur n’est que de quelques mètres, la taille d’une loge tout au plus, mais sa hauteur permet à la caméra de monter en un unique mouvement continu depuis la loge royale jusqu’au poulailler où se trouve l’étudiant, en passant par deux niveaux de galeries qui déclinent une dernière fois le thème inversé de l’ascension sociale.

45Pendant près d’un mois encore, du 28 juin au 23 juillet, Ophuls tournera à Geiselgasteig les scènes à l’intérieur du chapiteau et celles qui se déroulent à la périphérie du cirque, dans ses coulisses ou dans la roulotte du directeur visitée par le médecin. Sur ces ultimes semaines, les informations sont peu détaillées (la presse corporative française semble avoir renoncé à rendre compte de la progression du film) et passablement décousues. On en retiendra principalement que le chapiteau du cirque Mammouth a été édifié en bois – et transformé en fournaise par le soleil de juillet – hors des plateaux officiels de la Bavaria, sur les terrains d’extérieurs du studio8. Il est vraisemblable qu’un tel arrangement interdisait toute prise de son autre que témoin, mais on doute que la dilatation des espaces eût, de toute façon, rendu possible le recours au son direct. Contrairement à la légende, enfin, ce n’est pas un cirque entier qui a été recruté pour les besoins du film, mais – outre quelques artistes authentiques – des figurants ordinaires qui ont dû s’entraîner durant des semaines pour maîtriser de façon suffisamment convaincante l’art du jonglage ou celui du saut périlleux. Quant à l’intérieur du chapiteau, les témoignages ne manquent pas, à commencer par celui d’Annenkov déjà cité, sur la façon dont Ophuls a géré dans l’abstraction la foule de ses spectateurs, tendant de tulle sombre la démarcation entre piste et gradins pour obscurcir ceux-ci et remplaçant les figurants réels par des silhouettes découpées – moins, certainement, par souci d’économie que par désir de reléguer la masse si essentielle des spectateurs-voyeurs dans une périphérie indéchiffrable où le spectateur de l’écran trouve naturellement sa place.

46On sait, ou l’on croit savoir, le reste. Beaucoup demeure pourtant à explorer sur la réalité économique d’un film dont on convient couramment qu’il coûta 670 millions9 alors que le prix de revient moyen d’un film de coproduction était en 1955 de 185 millions de francs10 et que seul le Napoléon de Sacha Guitry avait, jusque là, franchi la barre du demi-milliard11. Beaucoup demeure aussi à comprendre sur ce que fut réellement la sortie du film dans ses deux versions initiales, l’une française (décembre 1955, d’une durée de 113 minutes), l’autre allemande (janvier 1956, 115 minutes), auxquelles viendra s’ajouter la version française remontée en 1956 par Caraco (90 minutes) qui sert elle-même de base aux versions en langue anglaise distribuées en 1957 en Grande-Bretagne (The Fall of Lola Montez) et aux États-Unis (The Sins of Lola Montez). Tragiquement, on ne connaît plus guère aujourd’hui de Lola Montès dans le monde que la version française de 110 minutes rétablie par Pierre Braunberger en 196812, et une version allemande toujours légèrement plus longue, l’une et l’autre infidèles au cadre original et amputées du son stéréophonique.

47Le drame de Lola Montès n’est pas dans les vicissitudes de sa production, mais dans celles de sa distribution. Il ne fait guère de doute que, au prix des plus rudes efforts exigés de tous, c’est bien la Lola dont il avait rêvée qu’Ophuls a pu livrer au public de 1955. Une Lola aujourd’hui disparue dans sa plénitude, depuis la probable destruction du négatif original. Peut-être, pourtant, des éléments sonores existent-ils encore en France, qui pourraient être rapprochés de l’unique copie d’origine conservée à Munich. Plus que le dossier des conditions du tournage de Lola Montès, celui qui doit absolument être ouvert maintenant, c’est celui des états divers du film, et de l’éventuelle possibilité d’en reconstituer enfin les deux versions originales.

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Notes

1Selon les dossiers du Crédit national, Florida détient les trois-quarts des droits de ce film et Gamma le quart restant. La proportion est inversée pour Lola Montès, dont Gamma possède soixante-quinze pour cent.
2Sur cette gestion des couleurs, on se reportera avec profit aux pages que lui consacre le créateur des costumes du film (Georges Annenkov : Max Ophuls, Le Terrain vague, Paris, 1962, pp. 88-91).
3On n’entrera pas ici dans le détail, souvent comique, de ces réponses que le lecteur curieux pourra trouver dans le n° 21 (octobre 1986, pp. 12 et 13) d’Élite, revue lyonnaise qui consacrait un numéro spécial à la carrière d’Ophuls.
4Cité dans Tony Thomas : Ustinov in Focus, Zwemmer, Londres/Barnes, New York, 1971, p. 109.
5Le tournage de Lola Montès au format CinemaScope primitif pose maintenant un double problème : celui de la restauration du son stéréophonique d’origine (seule en subsiste apparemment aujourd’hui la version allemande conservée au Filmmuseum de Munich) et celui de la reconstitution de l’image initiale au format 1x2, 55, alors que les copies disponibles sont toutes au format scope plus récent de 1x2, 35 qui l’ampute de près de dix pour cent de sa surface.
6Celui-ci doit son nom au film homonyme, consacré à la vie de Franz Schubert, que Marcel Pagnol, propriétaire des lieux, y a tourné (en couleurs par Rouxcolor) en 1948.
7Une semaine de tournage représente alors six journées utiles. La période considérée aurait dû en permettre onze, ou dix si l’on suppose une journée de récupération consécutive aux scènes de nuit.
8Cela n’empêchera pas Ophuls d’exiger à l’occasion des commodités que peut seul offrir un studio. Pinoteau évoque ainsi le moment où le cinéaste indiqua, un soir, sa volonté de voir, le lendemain, Lola surgir des tréfonds du cirque pour paraître sur la piste. De tels sous-sols n’existaient bien évidemment pas. Il fallut les creuser au bulldozer et y installer la machinerie capable de faire monter en douceur Martine Carol, ainsi que l’avait rêvé son cinéaste. L’équipe de décoration y passa la nuit.
9Le chiffre, assez vraisemblable, est avancé par Claude Beylie (Max Ophuls, Lherminier, Paris, 1984, p. 99). Il est d’autant plus difficile à confirmer que la presse corporative de l’époque s’est bien gardée d’entrer trop avant dans cette question du budget.
10Chiffre cité dans Georges Sadoul : Histoire du cinéma français, Club des éditeurs, Paris, 1962, p. 142.
11Ce film, il faut le rappeler, dure plus de trois heures et il rassemble tout ce que le cinéma français comptait alors de vedettes.
12Il n’y manquerait, selon Braunberger, par rapport à la version originale française, qu’un seul plan d’une vingtaine de secondes, vers la fin (cf. Élite, op. cit., p. 14).
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Pour citer cet article

Référence papier

Jean-Pierre Berthomé, « « Un caprice qui ne finirait pas… » : la genèse de Lola Montès »1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze, 34-35 | 2001, 257-274.

Référence électronique

Jean-Pierre Berthomé, « « Un caprice qui ne finirait pas… » : la genèse de Lola Montès »1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze [En ligne], 34-35 | 2001, mis en ligne le 30 janvier 2007, consulté le 07 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/1895/196 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/1895.196

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Auteur

Jean-Pierre Berthomé

Jean-Pierre Berthomé est professeur d’études cinématographiques à l’Université de Rennes II. Il collabore régulièrement à la revue Positif, et a publié une demi-douzaine d’ouvrages d’histoire du cinéma ou d’analyse de films – dont l’un consacré au Plaisir de Max Ophuls, dans la collection Synopsis (Nathan, 1997).

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